Les réformes économiques en Algérie
Nourredine BOUKROUH
,
Ministre algérien
de la Participation et de la Coordination des réformes
« L'Algérie sur le chemin des réformes » est
le thème de cette rencontre. L'Algérie a emprunté ce
chemin il y a une douzaine d'années. Depuis son accession à
l'indépendance, elle a passé les trois quarts de son existence
à bâtir un système politique, économique et social
qui a subjugué, à l'époque, nombre de pays du Tiers Monde.
Les réformes ont débuté en 1988, année qui fut
marquée par les émeutes d'octobre. Mais c'est dès le mois
de janvier qu'ont été votées une série de lois
visant à réformer les entreprises d'Etat, désormais
soumises aux dispositions du code de commerce. La chute des prix du
pétrole, donc le tarissement de la rente qui finançait les
besoins sociaux depuis trente ans, a conduit les pouvoirs publics à
prendre conscience de la nécessité de ces réformes.
La réforme porte également sur la transformation du mode de
régulation de l'économie. Autrefois totalement
régulée par l'Etat, l'économie a entamé une
libéralisation progressive à travers une série de textes
concernant le marché des biens et de services, les marchés
monétaires et financiers ou les relations de travail. En 1991 a
été adoptée une loi visant à réduire le
monopole de l'Etat sur le commerce extérieur. Un code des
investissements libérant les initiatives a été mis en
place pour la première fois en Algérie en 1993. En 1995, enfin,
ont été prises deux ordonnances, l'une relative à la
privatisation, l'autre à la gestion des capitaux marchands de l'Etat.
Nous sommes ainsi passés en quelques années d'un modèle
dirigiste, essentiellement d'Etat, à un modèle d'économie
de marché.
Les réformes, cela dit, ne sauraient se résumer à la
rédaction de textes législatifs ou réglementaires. Dans un
pays qui a vécu les trois quarts de son existence dans un
système, une culture aussi forte, il est très difficile
d'accepter l'émergence d'un nouveau système et d'une nouvelle
culture, qui plus est lorsque ceux-ci ont été vilipendés
des années durant dans les écoles et les universités.
Renier ce que nous avions adoré pendant trente ans pour appliquer un
système capitaliste honni ne va absolument pas de soi. Les pouvoirs
publics ont donc parfois donné l'impression de conduire les
réformes à leur corps défendant, ce qui explique
peut-être qu'elles n'aient pas toujours donné les résultats
escomptés.
La réforme économique est inséparable de la réforme
institutionnelle. En février 1989 a été mise en place une
nouvelle constitution introduisant le pluralisme politique. Les
dérapages institutionnels de 1990 et 1991 ont sans doute compromis les
réformes économiques. Il ne s'agissait pas seulement, en effet,
de conduire des réformes économiques, mais d'engager une refonte
totale de l'Etat républicain.
Aujourd'hui, l'économie algérienne est ouverte. Le droit
algérien offre des incitations nettes afin d'attirer les investisseurs
étrangers. La volonté du gouvernement de consacrer
l'économie de marché s'est traduite, il y a deux ans, par la
création du ministère de la Participation et des Réformes.
En juillet et août dernier ont été présentés
une série de textes relatifs à la privatisation et à
l'administration du secteur public et aux investissements. Depuis quelques
mois, l'Algérie est donc dotée d'une législation beaucoup
plus favorable aux investisseurs nationaux et étrangers. Alors que
l'ancien code des investissements faisait reposer toute la
responsabilité sur l'Agence de promotion et de suivi des investissements
(APSI), un Conseil national de l'investissement a été mis en
place. Cette autorité politique, présidée par le chef du
gouvernement, peut se réunir à tout moment pour concéder
à un investisseur des avantages qui ne seraient pas prévus par le
nouveau code des investissements. Nous avons par ailleurs instauré
quatre « guichets uniques », chargés de faciliter
les formalités administratives, comme l'ex-APSI, mais qui peuvent
également prendre en charge les questions relatives au foncier. Tirant
les expériences du passé, nous avons enfin mis en place un fonds
d'appui aux investissements, qui vient d'être doté d'un montant
important et sera opérationnel dès le mois de janvier 2002. Il
vise à prendre en charge le montant des investissements d'infrastructure
extérieurs aux sites où se concentrent la plupart des
investissements. Nous souhaitons en effet encourager les investissements en
dehors des zones côtières, en faisant en sorte que l'Etat assume
toutes les dépenses nécessaires pour apporter le gaz,
l'électricité, l'eau, voire prenne en charge la construction
d'une route afin de desservir un site d'investissement potentiel.
Le nouveau code des investissements a également chamboulé le
régime des avantages réservés aux investisseurs. On
distingue désormais deux régimes, le régime
général et le régime dérogatoire. Concernant le
régime général, nous avons mis fin au caractère
automatique de l'octroi de certains avantages, qui pouvaient nuire au libre jeu
de la concurrence. Le régime dérogatoire, quant à lui, qui
portera sur une durée plus importante (dix années au lieu de cinq
précédemment), permet l'exonération totale de toute forme
d'impôt, y compris l'impôt sur le revenu global (IRG). Plus de
90 % du territoire national est éligible à ce régime
dérogatoire.
Nous avons également présenté, au mois d'août
dernier, une ordonnance relative à la privatisation et à la
gestion des entreprises publiques, qui permettra de lever de nombreux
obstacles. Adoptée par le Parlement il y a quelques jours, ce texte
permettra d'accélérer l'ouverture du capital des entreprises
publiques à la prise de participations privées
étrangères ou locales. Dans l'ancien dispositif, les partenaires
potentiels ne savaient pas vraiment à qui s'adresser :
désormais, le seul interlocuteur est l'entreprise elle-même. Les
1 400 entreprises publiques du pays ont été
regroupées en ensembles cohérents, à la tête
desquels se trouvent des Sociétés de gestion et de participation
(SGP) chargées de coordonner les politiques de privatisation et de
partenariat. Je rappelle que les seules privatisations totales qui aient eu
lieu en Algérie ont été réalisées au profit
des salariés des entreprises concernées. Les procédures
ont été allégées et simplifiées.
Après des années de dirigisme, de politique administrée
des prix, de pression fiscale très élevée, nos entreprises
ont aujourd'hui tous les atouts pour attirer des partenaires étrangers.
D'autres réformes sont en cours : réforme de la Justice,
réforme de l'Etat. Des commissions d'experts ont été mises
en place, à la demande du président de la République, et
ont pour la plupart rendu leurs conclusions. Réforme économique
et réforme institutionnelle se poursuivent donc.