CHAPITRE II
LA RÉVOLUTION LIBÉRALE DU 14 JUILLET ... 1984

La rupture avec le dirigisme économique fut consommée définitivement par les... travaillistes qui emportent les élections législatives de 1984, puis de 1987. Issu de la nouvelle majorité, le gouvernement de David Lange, dont Roger Douglas est ministre des Finances, prend ses fonctions le 14 juillet 1984.

Il donne le coup d'envoi d'un processus de libéralisation que la victoire du parti national en 1990 n'interrompra naturellement pas. Les réformes engagées sont confortées et complétées. Elles s'étendent aux secteurs et aux catégories sociales qui n'avaient été que peu concernés jusque là. Ces dernières représentaient en effet les soutiens électoraux traditionnels du parti travailliste.

Ainsi, la politique de libéralisation se révèle, à l'analyse, avoir été appliquée successivement par chacun des deux grands partis aux forces sociales composant les "bataillons électoraux" de son adversaire. De ce fait, l'alternance a conduit à son amplification et non pas à son interruption, comme si les acteurs sociaux, après s'être adaptés aux changements, avaient voté pour qu'y soient impliqués ceux qui y avaient été partiellement soustraits.

I. UNE LIBÉRALISATION ENGAGÉE DE MANIÈRE RADICALE PAR LES TRAVAILLISTES

A. LA PEUR DU GOUFFRE

Au cours des entretiens qu'elle a eus sur place, la Délégation a posé la même question à plusieurs des interlocuteurs de haut niveau politique ou administratif qu'elle a rencontrés : "Pourquoi la Nouvelle-Zélande a-t-elle choisi d'une manière aussi vigoureuse le libéralisme économique à compter de 1984 ?".

Toutes les réponses obtenues sont allées dans le même sens : "Nous n'avions pas le choix, nous marchions à l'abîme" ; "On distinguait le fond du précipice, ... il fallait réagir" ; "Nous avons eu peur du gouffre !".

Ce diagnostic alarmant s'explique. En 1984, l'économie nationale profondément ébranlée par les conséquences de l'entrée de la Grande-Bretagne dans le Marché commun, plongeait dans les déficits. De ce point de vue, l'expérience néo-zélandaise et la prise de conscience dont elle procède apparaissent comme une illustration du vieil adage allemand qui affirme que "l'angoisse est la mère de la création".

1. Un ébranlement structurel : l'entrée de la Grande-Bretagne dans le Marché commun

Marquant la rupture du lien ancestral avec la patrie d'origine, l'adhésion du Royaume-Uni au Marché commun en 1973 a été un choc culturel et politique pour la Nouvelle-Zélande.

Elle a constitué en effet un véritable traumatisme pour son économie. Quoique assorti de garanties d'importations dans l'espace communautaire, le choix européen opéré par la Grande-Bretagne a provoqué une contraction du débouché essentiel des productions agricoles locales. Il a, par là même, ébranlé les assises de la prospérité du pays.

Dans les années qui ont suivi, le déséquilibre né de la perte de la rente assurée par le marché britannique n'a pas été résorbé. Il s'est même trouvé aggravé par la baisse importante du prix mondial des produits agricoles survenue à la fin des années 1970.

Dans un contexte où le niveau élevé de protection accordé à de nombreux entrants agricoles et le taux de change fixe manifestement surévalué de la monnaie nationale composaient les deux principaux handicaps de compétitivité à l'export, la première réponse apportée à cette crise structurelle s'est apparentée à une fuite en avant : elle a consisté à accroître les soutiens à l'agriculture en les orientant vers des aides à la production.

De 1979 à 1983, l'aide publique est ainsi passée de 15 à 33 % de la valeur de la production ; elle atteignait 40 % en 1984, son coût budgétaire étant alors équivalent à 3,2 % du PIB.

2. L'effondrement des comptes : l'explosion de la dette et des déficits

En raison de la faiblesse de l'épargne intérieure, ces subventions massives à l'agriculture ont été financées principalement par des emprunts à l'étranger. Ainsi, non seulement elles se sont révélées inopérantes -les exportations ne se sont pas redressées- mais elles ont aussi entraîné dans leur sillage une envolée de la dette, un creusement des déficits et, d'une manière générale, une dégradation de la quasi-totalité des indicateurs.

En 1984, l'endettement extérieur représente presque l'équivalent d'une année de production (il était dix fois moindre en 1974), le déficit du budget de l'État avoisine 6,5 % et celui de la balance des paiements approche 9 % du PIB. Le taux de chômage grimpe à 4,2 % en juin 1984 -pourcentage très élevé pour l'époque- alors qu'il n'était que de 1,7 % en mars 1980. Seule l'inflation -qui était à deux chiffres de 1973 à 1983- apparaît maîtrisée mais c'est au prix d'un gel total des prix et des salaires.

En termes de niveau de vie, la Nouvelle-Zélande a reculé de la troisième à la treizième place mondiale en un tiers de siècle .

Le 30 avril 1983, elle perd la cotation AAA qui avait longtemps été la sienne sur le marché international du crédit. Elle subira d'autres rétrogradations au cours des quinze mois suivants.

Après la dissolution législative de juin 1984, la perspective d'un changement de gouvernement et d'une révision du taux de change qui était largement considéré comme surestimé suscite un mouvement de fuite des capitaux, qui assèche les réserves de la banque centrale. Au lendemain de l'élection , l'annonce par celle-ci de la suppression de la conversion du dollar néo-zélandais en monnaie étrangère provoque une crise constitutionnelle . Le gouvernement sortant accepte finalement de mettre en oeuvre les arbitrages de la nouvelle équipe dirigeante en voie de formation.

B. DES RÉFORMES DRASTIQUES MENÉES AU PAS DE CHARGE

Inspiré des théories de Friedrich Hayek et de Milton Friedman, préconisé par une poignée de hauts fonctionnaires occupant souvent des postes clefs au Trésor et à la banque centrale 21( * ) , le changement de cap économique est inspiré par Roger Douglas, ministre des Finances de 1984 à 1988. Les mesures qu'il met en oeuvre, les " Rogernomics " comme les qualifient habituellement les Néo-zélandais, s'orientent autour de trois axes principaux : la réforme des modes de régulation macro-économique ; la réforme des politiques agricoles ; la réforme des entreprises publiques et de l'administration.

En l'espace de quelques années, ces réformes vont entièrement recomposer le paysage socio-économique.

1. La réforme des modes de régulation macro-économique

En matière financière et monétaire , après une dévaluation de 20 % du dollar néo-zélandais qui met fin à la crise du marché des changes, les décisions se succèdent à un rythme rapide.

Neuf mois après l'entrée en fonction du nouveau gouvernement, le contrôle des taux d'intérêt, les obligations de réserve pour les banques, les restrictions apportées à la propriété d'institutions financières disparaissent. Les contraintes pesant sur les activités des institutions financières non bancaires sont levées. La liberté d'établissement des banques est affirmée.

Dans le même laps de temps, le contrôle des prix et des salaires est aboli.

Peu après, la liberté des mouvements de capitaux et des échanges boursiers est instaurée.

En 1985, la Nouvelle-Zélande renonce aux parités fixes de change et laisse flotter sa devise. Très vite, la politique monétaire devient l'instrument exclusif de lutte contre l'inflation. En 1989, le " Reserve Bank Act " établit l'indépendance de la banque centrale, son gouverneur étant tenu par contrat à maintenir une inflation faible.

Le démantèlement des régimes protectionnistes appliqués aux échanges de marchandises accompagne, quoique plus progressivement, cette libéralisation des marchés financiers.

Le système des licences d'importation est supprimé en six ans ; les aides à l'exportation disparaissent en quatre ans.

A compter de 1986, est engagé un programme de réduction des tarifs douaniers. A la seule exception de ceux concernant les moteurs automobiles et le textile qui baissent plus lentement, ils passent en moyenne de 28 % à 10 % sur six ans. Sur la période 1992-1996, ils diminueront encore d'un tiers. Aujourd'hui, l'objectif des pouvoirs publics est de les amener à zéro à l'horizon 2004.

La fiscalité aussi se trouve profondément remaniée. Dans l'année précédant les élections de 1987, une taxe générale sur les biens et services, la GST 22( * ) , est substituée, au taux uniforme de 10 % -relevé à 12,5 % en 1989-, à l'ensemble des taxes indirectes à taux et assiettes différents qui existaient précédemment 23( * ) .

Parallèlement, est enclenché un processus de réduction et de simplification des impôts directs. En quelques années, le taux marginal de l'impôt sur le revenu est divisé par deux, de 66 % à 33 % , tandis que le nombre de tranches est ramené à deux. De même, l'impôt sur les sociétés est fixé à 33 % et ses modalités de recouvrement sont standardisées afin de limiter l'évasion fiscale et de diminuer son coût administratif de perception.

Plus tard, en 1994, le Fiscal Responsability Act imposera, afin d'assurer la transparence et la cohérence des politiques pouvant être conduites en ce domaine, l'établissement d'études prospectives avant toute présentation d'une mesure fiscale d'importance devant le Parlement.

Par ailleurs, dès 1984, la politique budgétaire se voit assigner comme principal objectif la réduction du déficit. Il faudra toutefois près d'une décennie d'efforts et le retour au pouvoir du parti national pour que ce but soit atteint.

Au total, en quelques années, le marché, la liberté d'initiative et l'incitation à la prise de risque ont été substitués à l'État, au dirigisme administratif et à la subvention comme mode de régulation de l'économie néo-zélandaise.

Ce choix de philosophie politique se retrouve dans les deux autres grandes réformes conduites par les travaillistes.

2. La réforme des politiques agricoles

Elle constitue vraisemblablement l'illustration la plus typique de la vigueur avec laquelle la nouvelle orientation économique a été appliquée.

En effet, d'un exercice budgétaire à l'autre, la plupart des subventions à l'agriculture sont supprimées . Elles représentaient de l'ordre de 40 % des recettes brutes des exploitants, c'est-à-dire l'équivalent de leur revenu net pour beaucoup d'entre eux . Leur abrogation est annoncée en novembre 1984 avec le projet de budget 1985/1986 24( * ) . En 1985, les subventions diminuent des deux-tiers 25( * ) . En 1987, leur total correspond à peine à la moitié de ce solde. Deux ans plus tard, elles ont complètement disparu. Actuellement, le secteur agricole est contributeur net au budget public.

Ces subventions avaient pris une dimension tellement excessive et produisaient de tels effets pervers 26( * ) qu'elles étaient devenues indéfendables. Nombre d'agriculteurs eux-mêmes estimaient que des réformes étaient indispensables pour mettre en place un secteur agricole rentable et viable à terme.

Mais, les effets immédiats des mesures prises furent douloureux. Le chômage qui était pratiquement nul dans les communautés rurales y atteint en moyenne 10 %. Le cheptel ovin déclina de 70 millions de têtes à une cinquantaine de millions en quelques années (47 millions en 1997).

D'aucuns prétendent qu'en se prononçant pour l'annulation brutale des aides agricoles Roger Douglas aurait dit à ses collaborateurs : " Les agriculteurs ne votent pas pour nous ; on n'a pas à trop les ménager ". Vraie ou apocryphe, la formule fut en tout cas appliquée à la lettre : les agriculteurs néo-zélandais ne furent effectivement pas ménagés.

Pourtant, à en croire les témoignages recueillis sur place, les manifestations de protestation ne furent pas très importantes. Seul 1% des exploitations a disparu. Surtout, M. Malcom Bailey, le président de la Fédération néo-zélandaise d'exploitants agricoles, l'a affirmé à la Délégation, aucun agriculteur "Kiwi" ne voudrait aujourd'hui revenir à l'ancien système.

3. La réforme des entreprises publiques et de l'administration

Après la réorganisation du secteur agricole, le mouvement de libéralisation tend à se développer comme par contagion. Chaque réforme en appelle une autre.

Confrontés aux contraintes du marché, les fermiers et les industriels exigent des services publics plus efficaces et moins coûteux. Plus généralement, ils réclament une réduction des dépenses publiques. Elle leur apparaît le gage d'un allégement de la pression sur les taux d'intérêt et, par là même, d'une baisse du dollar néo-zélandais favorable à l'exportation de leurs produits.

Fort de ce soutien, les travaillistes vont, pour l'essentiel, consacrer leur seconde législature de gouvernement à faire évoluer les entreprises publiques puis, le processus une fois lancé, les structures administratives.

S'agissant des entreprises publiques d'État , le changement est orchestré en trois temps.

Tout d'abord (1984-1989), les monopoles publics dans les secteurs industriel et commercial sont progressivement ouverts à la concurrence 27( * ) .

Puis, à compter de 1987, les entreprises d'État sont une à une transformées en sociétés commerciales, selon la procédure dite de "corporatization".

Enfin, après avoir adapté leurs structures et leurs moyens à leur nouvel environnement concurrentiel 28( * ) , on privatise en totalité ou en partie ces entreprises.

Pour ce qui concerne les entreprises publiques locales (aéroports, ports, services publics locaux, ...), le mouvement est lancé plus tardivement. Au début des années 1990, il est demandé aux collectivités territoriales de leur donner un statut de société commerciale ("to corporatize local authority trading enterprises") . Par la suite, les autorités locales seront encouragées à vendre au secteur privé leurs participations au capital de ces sociétés.

Dans le domaine régalien , les missions traditionnelles de souveraineté (police, défense, justice...) demeurent organisées en départements ministériels. On enregistre toutefois une différence majeure au regard des approches classiques : les ministères sont soumis à une comptabilité proche de celle du secteur privé, avec un compte de résultat et l'obligation d'opérer des provisions pour risque.

Les tâches de régulation, de prestations de services et de gestion de fonds sont, quant à elles, confiées à des "entités d'État" 29( * ) (agency, national service, ...) administrativement indépendantes, dotées de ressources et d'une comptabilité propre mais liées par contrat à leur administration de tutelle. Ainsi, le " service national de l'immigration " est une unité organisée comme une entreprise au sein du ministère du travail.

Parfois, ces entités sont soumises à l'autorité de conseils d'administration semi-indépendants. Leurs effectifs permanents sont composés de fonctionnaires mais leurs dirigeants sont recrutés sur contrat à durée déterminée. Ces contrats leur attribuent la responsabilité de gestion des crédits alloués à leur unité. Surtout, ils leur fixent des objectifs de résultats, tout en leur laissant une assez large liberté quant aux moyens à mettre en oeuvre pour les atteindre.

Ce mode de recrutement des responsables administratifs ayant rang de directeur ou de directeur-adjoint vaut également pour les départements ministériels, à l'exception de ceux de l'Intérieur et des Affaires étrangères. La compétence est le principal critère de sélection, la nationalité néo-zélandaise n'est même pas exigée, sauf au ministère de la Défense.

C'est ainsi que depuis 1988, les cadres administratifs supérieurs sont recrutés par petites annonces nationales ou internationales.

Les fonctionnaires d'expérience peuvent y répondre dans les mêmes conditions que les cadres du privé. Ils ne disposent d'aucune priorité d'embauche. S'ils sont retenus, ils souscrivent également un contrat d'objectifs d'une durée habituelle de cinq ans. Le renouvellement de ce contrat est exclu si les objectifs ne sont pas atteints. A titre d'exemple, le Directeur-adjoint du Trésor que la Délégation a rencontré est d'origine japonaise, a fait ses études aux États-Unis et s'est installé en Nouvelle-Zélande à la suite de l'obtention de son poste.

D'une manière générale, les relations tant de l'administration néo-zélandaise avec le pouvoir politique que des fonctionnaires avec leur autorité de tutelle ne sont plus guère soumises aux principes de soumission hiérarchique traditionnels. Elles ressemblent désormais davantage à des relations entre clients et fournisseurs.

Parallèlement à ces mutations organisationnelles, le périmètre de l'administration a rétréci
. Des activités n'ayant plus lieu d'être, telles la tutelle des entreprises publiques privatisées ou la délivrance de licences d'importation, ont été supprimées. D'autres, comme les tâches d'étude, ont été confiées à des cabinets d'experts indépendants 30( * ) .

Pour expliquer des changements aussi radicaux dans un pays où les traditions étatiques ont longtemps été très fortes, un des interlocuteurs rencontrés par la Délégation précisait : "Pendant toute une part de notre histoire, nous nous sommes tournés vers l'État pour résoudre nos problèmes. Longtemps l'État a su répondre aux attentes en assurant la croissance. Puis, il a commencé à rafistoler les grands équilibres à coup de dépenses publiques de plus en plus coûteuses. Nous nous sommes petit à petit aperçus que nous étouffions sous le poids des dépenses publiques. Nous avons alors compris que c'était l'État le principal problème que nous avions à résoudre. Depuis, nous nous y sommes employés".

Pourtant, en 1990, les médications travaillistes n'ont pas permis de résorber le déficit budgétaire. En outre, la dette publique a été presque multipliée par 1,5 depuis 1984. C'est pourquoi le parti national victorieux aux législatives de 1990 va procéder à des coupes sombres dans les dépenses collectives.

II. UNE LIBÉRALISATION POURSUIVIE ET APPROFONDIE PAR LE PARTI NATIONAL

Plus tardif et porté par l'élan acquis, l'apport du parti national à la mutation économique néo-zélandaise n'en est pas moins considérable. Poursuivant la transformation du secteur public, c'est lui qui rétablit les comptes, notamment par une modification en profondeur des prestations de l'État providence. C'est également lui qui mène à bien la réforme du marché du travail. Deux réformes que la raison électorale rendait difficile au parti travailliste.

A. LA RÉFORME DE LA PROTECTION SOCIALE ET DE L'ÉDUCATION

1. La maîtrise des dépenses sociales

Sous l'impact de l'abaissement à 60 ans de l'âge permettant de bénéficier d'une pension de retraite à taux favorable, décidé en 1972 par les travaillistes, les dépenses sociales supportées par le budget de l'État 31( * ) avaient quasiment doublé dans les dix ans précédant le début de la révolution libérale. D'un peu moins de 6 % du PIB en 1971/1972 elles étaient passées à près de 12 % en 1983/1984.

Les six premières années du temps des réformes avaient entraîné peu de changement en ce domaine. En 1990/1991, ces dépenses atteignaient 14 % du PIB.

Pour freiner cette "dérive", le gouvernement "national" modifie, à la fois, le régime des retraites, les règles générales de versement et le montant de la plupart des prestations, les modes de gestion du logement social, ainsi que le système de santé.

Il reporte de 60 à 65 ans l'âge à partir duquel peut être perçu une pension de retraite à taux plein , en étalant les effets de cette mesure sur dix ans (1991-2001) 32( * ) .

Simultanément, est supprimé le versement sans condition de ressources des allocations familiales aux parents d'un enfant et plus. La plupart des autres prestations sociales, en particulier celles attribuées aux chômeurs, se trouvent minorées de 10 % en moyenne, dans le double but de limiter les dépenses et d'inciter à la recherche d'un emploi.

Parallèlement, une part du coût de certaines prestations médicales financées par l'État est mis à la charge de leurs bénéficiaires, sauf s'ils disposent d'un faible niveau de revenu. Dans le même temps, on transfère au secteur privé la gestion du parc de logements sociaux détenus par l'État.

Enfin, après un débat né autour d'un "livre blanc" gouvernemental publié en 1991 et après avoir infléchi leurs projets initiaux, les pouvoirs publics remodèlent sensiblement l'organisation du système de santé.

Un modèle déconcentré, contractuel et entrepreneurial, où sont dissociés les autorités de financement, la gestion des moyens de fonctionnement et les organes prestataires est substitué à l'ancien modèle administratif centralisé. Celui-ci reposait sur des "Boards" régionaux de santé qui étaient dirigés par des représentants des professionnels élus localement et des fonctionnaires d'État.

Les hôpitaux sont transformés en "entreprises de santé". Les fonds de financement ne transitent plus par les autorités régionales mais sont gérés par des représentants de l'État. Ces derniers passent des contrats d'achat de services médicaux soit aux hôpitaux publics, soit aux prestataires du secteur privé.

Ce nouveau dispositif incite les hôpitaux publics à adopter une discipline de nature commerciale et une grande rigueur de gestion, car les organes de financement peuvent désormais choisir d'affecter leurs dotations aux cliniques privées s'ils les estiment plus compétitives.

Les contrats doivent toutefois être conformes aux accords d'achat, respectant les priorités de la politique nationale de santé, qu'établissent ensemble le gouvernement et les autorités régionales.

Une commission consultative nationale composée d'experts assiste le gouvernement dans la détermination des prestations médicales qui sont assurées sur fonds publics à tous les citoyens et de celles, considérées comme ne relevant pas du système national de santé, dont le financement est laissé à la responsabilité de chacun mais peut être couvert par des assurances privées.

2. La poursuite de la réforme de l'éducation

Traditionnellement, en Nouvelle-Zélande, le système scolaire reposait sur une administration centrale, le "Department of Education", à travers un réseau de comités éducatifs locaux qui contrôlaient les établissements d'enseignement. La carte scolaire ayant un caractère contraignant, les élèves étaient obligatoirement inscrits dans l'école de leur lieu de résidence. Les parents n'étaient d'aucune façon associés au fonctionnement des établissements.

La réforme du système commence à la fin des années 1980. La carte scolaire disparaît. Les dotations publiques versées à chaque école sont calculées per capita en fonction du nombre d'élèves qui les choisissent. Un conseil élu de parents d'élèves assume la gestion de l'établissement mais, en raison de l'opposition résolue des syndicats d'enseignants, n'a pas autorité sur les personnels qui continuent à dépendre de l'administration centrale.

Néanmoins, en 1990, après le changement de majorité, la loi ouvre la possibilité que de nouvelles écoles soient ouvertes par des groupes de parents. En outre, quoique les fonds d'État soient prioritairement alloués aux établissements publics, les écoles privées sont habilitées à bénéficier de soutiens publics.

Surtout, en 1992, les universités d'État voient leur autonomie renforcée -à Wellington on utilise l'expression "quasi-corporatization" 33( * ) - et elles se trouvent de facto incitées à se concurrencer. Dans le droit fil de cette orientation, les droits d'inscription et les frais de scolarité acquittés par les étudiants sont significativement relevés.

B. LA RÉFORME DU DROIT DU TRAVAIL

L' "Employment Contracts Act" voté en 1991 rompt deux principes qui avaient été respectés par les gouvernements travaillistes des années 1980. Il brise l'obligation pour les salariés d'appartenir à un syndicat pour obtenir un emploi dans certains secteurs. Il supprime l'obligation pour les employeurs de négocier les contrats de travail dans un cadre collectif (entreprise, branche, industrie).

Sous l'empire de cette législation, chaque employé peut choisir de souscrire un contrat de travail individuel ou d'être lié par une convention collective. Chaque employeur peut choisir de négocier soit un contrat de travail individuel avec chacun de ses salariés, soit une convention collective. C'est aux parties elles-mêmes de déterminer le type de contrat qui régira leurs relations. Tout contrat imposant aux deux parties le recours à un intermédiaire (syndicat, avocat...) est illégal mais chaque partie peut, si elle le souhaite, désigner un mandataire pour la représenter.

Par ailleurs, les grèves sont interdites dans un cadre plus large que celui de l'entreprise. Cette règle vaut également pour les fonctionnaires. Une infirmière peut se mettre en grève dans son hôpital pour soutenir une revendication concernant cet hôpital, mais il lui est interdit de faire grève par solidarité avec ses collègues d'un autre hôpital ou pour appuyer une demande englobant plusieurs hôpitaux ou l'ensemble du système de santé.

Dans les quatre ans suivant l'intervention du texte, le nombre de jours de grève est divisé par 10 ; celui des syndiqués chute de 50 % ; le pourcentage des salariés adhérents à un syndicat s'effondre à 22 % 34( * ) .

Mais, au cours de la même période, les créations d'emplois s'accroissent de 10 %.

Il faut toutefois noter que les syndicats néo-zélandais ont déféré la loi devant le Bureau international du travail. Selon les dires de ceux de leurs représentants rencontrés sur place, ce dernier l'estimerait contraire à ses normes.

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