SÉANCE
du mercredi 22 mars 2023
74e séance de la session ordinaire 2022-2023
Présidence de M. Gérard Larcher
Secrétaires : Mme Marie Mercier, M. Jean-Claude Tissot.
La séance est ouverte à 15 heures.
Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.
Questions d'actualité
M. le président. - L'ordre du jour appelle les questions d'actualité au Gouvernement.
Je vous rappelle que la séance est retransmise en direct sur Public Sénat et sur notre site internet.
Chacun sera attentif au respect des uns et des autres et au temps de parole.
Réforme des retraites (I)
M. Guillaume Gontard . - (Applaudissements sur les travées du GEST et sur quelques travées du groupe SER) Le prince-président (marques de réprobation à droite) nous a gratifiés à l'heure méridienne de sa bonne parole. Totalement hors-sol, il a comparé notre mouvement populaire à la sédition factieuse des suprémacistes blancs. Pas un mot pour condamner les exactions d'une police qui nasse, tabasse, intimide et arrête n'importe qui, n'importe quand, sous le regard alarmé de la Défenseure des droits. (Protestations indignées sur les travées des groupes Les Républicains, UC et du RDPI)
N'étant plus à une incohérence près, il a tout de même reconnu que la réforme était brutale et surtout incomplète, sur la pénibilité, les fins de carrière, les reconversions.
Madame la Première ministre, nous vous le demandons solennellement : retirez cette réforme avant d'avoir un drame sur la conscience. (Applaudissements à gauche)
Mme Élisabeth Borne, Première ministre . - Après des semaines de postures (protestations à gauche), il est temps de rappeler quelques vérités. Oui, cette réforme est nécessaire. (On se gausse à gauche)
M. Fabien Gay. - Personne ne vous croit !
Mme Élisabeth Borne, Première ministre. - Sans elle, les déficits se seraient accumulés, nous contraignant à augmenter les impôts ou à baisser les pensions. (On le conteste à gauche.)
Oui, la réforme a fait l'objet de concertations intenses : avec le ministre Dussopt, nous avons rencontré les organisations syndicales et patronales. (Exclamations à gauche)
M. Fabien Gay. - Même Laurent Berger dit le contraire !
Mme Élisabeth Borne, Première ministre. - Elle est le fruit d'un travail parlementaire de 175 heures en séance, qui l'a fait considérablement évoluer...
M. Hussein Bourgi. - Grâce à M. Retailleau !
Mme Élisabeth Borne, Première ministre. - Nous avons travaillé ensemble, bâti un projet reprenant des propositions que la majorité sénatoriale portait depuis longtemps. Vous l'avez adopté deux fois à une large majorité. (Protestations sur les travées du groupe CRCE) Je salue les membres de la majorité sénatoriale et ceux qui soutiennent le Président de la République.
Oui, nous avons respecté l'esprit et la lettre de la Constitution et sommes arrivés au terme du cheminement parlementaire de cette réforme.
Non, l'intérêt général ne peut être bradé par démagogie. Non, les violences ne sont pas excusables - et je salue l'engagement des forces de l'ordre face aux débordements. (Applaudissements sur les travées du RDPI, du RDSE, des groupes INDEP, UC et Les Républicains)
Nous entendons les doutes et les colères qui s'expriment et dépassent largement la question des retraites.
MM. Fabien Gay et David Assouline. - Mais vous ne les écoutez pas !
Mme Élisabeth Borne, Première ministre. - Les travailleurs doivent bénéficier davantage des profits exceptionnels de certaines entreprises. (« Ah ! » sur plusieurs travées à gauche) Il faut aussi mieux prévenir l'usure professionnelle et offrir des perspectives de carrière à chacun.
Il faut continuer sur le chemin de la réindustrialisation et du plein emploi. (Mmes Laurence Cohen, Marie-Noëlle Lienemann et M. Pierre Laurent s'exclament.) Il y va de notre souveraineté. Nous devons veiller à l'ordre républicain en consacrant plus de moyens à nos forces de l'ordre et notre justice ; il faut travailler sur la santé, l'éducation et la transition écologique.
Le Président de la République m'a chargée de travailler avec les parlementaires qui veulent agir pour notre pays.
M. David Assouline. - Vous n'en avez plus les moyens !
Mme Élisabeth Borne, Première ministre. - Nous avons bâti des majorités de projet sur les énergies renouvelables ou, hier encore, sur le nucléaire. Monsieur Gontard, l'immobilisme n'est jamais la solution. (Applaudissements sur les travées du RDPI ; Mme Véronique Guillotin et M. Bernard Fialaire applaudissent également.)
M. Guillaume Gontard. - Sortez de votre posture et revenez à la réalité ! Je vous croyais plus lucide que le Président. Vous ne pouvez pas gouverner contre le peuple. Le fleuve de la colère populaire est sorti de son lit, et seul l'exécutif peut l'y faire rentrer en retirant cette réforme. Lancez, tant que vous y êtes, une refonte de nos institutions anachroniques. Vous n'avez, de toute façon, plus de majorité pour faire autre chose ! (Applaudissements à gauche)
Contribution sur les profits des entreprises
Mme Colette Mélot . - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP) Dans un contexte de forte inflation, les entrepreneurs sont préoccupés par les soubresauts du secteur bancaire étranger et les réponses des régulateurs. Indispensable pour contrôler les prix, la hausse des taux d'intérêt entraîne un renchérissement du crédit. Cette situation nuit à la réindustrialisation du pays.
Selon le Président de la République, il est essentiel pour notre souveraineté de produire en France. Nous avons soutenu les mesures du Gouvernement pour favoriser cette réindustrialisation, via la baisse des impôts de production.
Le Président de la République vient d'annoncer une contribution des entreprises en faveur des salariés. S'agit-il d'une nouvelle taxe ? Comment la compétitivité de nos entreprises sera-t-elle préservée ? (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP et sur quelques travées du RDPI ; M. Alain Cazabonne applaudit également.)
M. Bruno Le Maire, ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique . - Nous partageons votre objectif (marques d'ironie à gauche) d'un bon équilibre entre la compétitivité des entreprises et la nécessité de mieux redistribuer la valeur en direction des salariés. Nous avons simplifié les accords de participation et d'intéressement, supprimé la taxe de 20 % pesant sur les accords d'intéressement, instauré une prime défiscalisée jusqu'à 6 000 euros.
Nous avons demandé aux entreprises qui bénéficient de rentes, comme les énergéticiens, une contribution sur la rente inframarginale de plusieurs milliards d'euros qui finance le bouclier énergétique.
Le Président de la République a annoncé une troisième étape de cette meilleure répartition de la valeur : les entreprises qui rachètent leurs propres actions doivent distribuer plus d'intéressement, de participation et de primes défiscalisées. Ce doit être substantiel, par exemple un doublement de la somme qu'y consacrent actuellement les grandes entreprises de plus de 5 000 salariés.
Nous proposons aux partenaires sociaux de négocier sur ce sujet. (MM. Thani Mohamed Soilihi, François Patriat et Julien Bargeton applaudissent.)
Mme Colette Mélot. - Merci pour ces précisions sur les futures mesures, dont nous attendons beaucoup de retombées. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP ; M. Alain Cazabonne applaudit également.)
Guichet unique pour les entreprises
M. Serge Babary . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées du groupe UC) Le 19 janvier dernier, j'interrogeais Bruno Le Maire sur les difficultés de fonctionnement du guichet unique des entreprises mis en place le 1er janvier. Le ministre avait été rassurant : le dispositif serait corrigé d'ici début mars. Depuis, l'échéance est sans cesse repoussée.
Sur votre suggestion, notre délégation s'est déplacée à l'Institut national de la propriété industrielle (INPI) et a constaté la complexité de sa tâche.
En dépit de solutions temporaires, comme la réouverture d'Infogreffe, les problèmes demeurent, jusqu'à compromettre l'avenir des artisans.
Premièrement, le Registre national des entreprises n'est pas fiable : pas de mention de l'appartenance au secteur ni de la qualité artisanale. Les chambres de métiers ne peuvent pas fournir d'extraits d'inscriptions du registre national, la synthèse obtenue après validation n'étant pas reconnu par les banques et les assureurs.
Deuxièmement, le système de catégorisation est trop complexe : les artisans n'y sont plus identifiés comme tels et les chambres de métiers et de l'artisanat (CMA) ne peuvent plus exercer leurs missions de contrôle. Quelles suites allez-vous donner aux propositions du réseau des CMA ? (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC)
Mme Frédérique Puissat. - Très bien !
Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée chargée des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l'artisanat et du tourisme . - Depuis le 1er janvier, nous travaillons constamment à mettre en place le guichet unique. Je vous remercie d'avoir pris le temps de rencontrer les équipes de l'INPI. Le déploiement se poursuit ; on dénombre 470 000 formalités : les créations ne posent pas de problème, à la différence des modifications et des cessations d'activité.
Hier, nous avons franchi une nouvelle étape avec la bascule des cessations sur le guichet unique, qui devrait donc être disponible d'ici à la fin du mois de juin.
Des marges de progression demeurent, comme les multivalidations, par la CMA et le tribunal de commerce : mes services se sont saisis du sujet pour améliorer les échanges d'information.
La qualité et la précision de ce registre sont aussi un enjeu : les données des entreprises des métiers de l'artisanat doivent y être clairement identifiées ; nous y travaillons.
La catégorisation a été construite avec tous les acteurs du projet, dont CMA France, je le rappelle.
Ce projet informatique est très complexe, mais nous serons au rendez-vous en juin. (MM. François Patriat, Martin Lévrier et Thani Mohamed Soilihi applaudissent.)
M. Serge Babary. - Le système devait être opérationnel au 1er janvier. Depuis, les entreprises rencontrent de nombreuses difficultés. Il faut agir au plus vite ! Simplifier est difficile, mais la numérisation ne règle pas tout. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Alain Cazabonne applaudit également.)
Rapport du Giec sur l'évolution du climat (I)
M. Jean-François Longeot . - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Le groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (Giec) publiait il y a deux jours la synthèse de son sixième rapport. C'est un coup de semonce : face au réchauffement climatique, il faut agir ou périr. L'Union européenne en a conscience.
Le Centre d'études prospectives et d'informations internationales (Cepii), qui dépend de Matignon, vient de publier une étude estimant l'impact sur l'emploi de la transition climatique - laquelle pourrait avoir le même effet que la désindustrialisation en cours depuis 1997. Selon la Commission européenne, 35 à 45 % des emplois pourraient être touchés. Y aura-t-il une réallocation fluide de la main-d'oeuvre entre secteurs polluants et décarbonés ? Rien n'est moins sûr. Toutes les transitions se sont faites au prix d'une casse humaine, notamment pour les moins qualifiés...
Comment anticipez-vous la mutation nécessaire de l'emploi dans le cadre de la transition vers une industrie verte ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC)
M. Bruno Le Maire, ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique . - Hélas, nous n'avons pas eu besoin de transition écologique pour subir des délocalisations de masse : des usines fermées, deux millions d'emplois industriels détruits depuis les années 1980, une part de l'industrie dans le PIB qui passe de 20 à 10 %. Voilà le résultat de trois décennies de politiques anti-industrielles. (M. Philippe Bas proteste.)
Nous avons donc baissé l'impôt sur les sociétés, les impôts de production, mis en place le prélèvement forfaitaire unique (PFU), parce qu'il n'y a pas de développement industriel sans capital. (Exclamations à gauche) Nous rouvrons des usines, et nous avons créé 80 000 emplois industriels par an. (Mmes Marie-Noëlle Lienemann et Cathy Apourceau-Poly s'exclament.)
La transition écologique est une chance pour l'industrie : nous allons proposer une loi sur l'industrie verte, mettre en place des incitations par la commande publique et des mesures fiscales pour favoriser la création d'emplois verts, notamment pour l'hydrogène vert et les véhicules électriques, ouvrir des usines vertes pour accélérer les relocalisations industrielles.
M. Fabien Gay. - Quand ?
M. Bruno Le Maire, ministre. - Nous devons conjuguer croissance et climat. Les résultats sont là ; nous allons accélérer. (Applaudissements sur plusieurs travées du RDPI)
Réforme des retraites (II)
Mme Michelle Gréaume . - (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE) Un peuple refuse de se soumettre, debout contre la réforme qui reporte l'âge de la retraite à 64 ans. Face à ce mouvement massif et à une Assemblée nationale qui n'a pas voté cette réforme, vous vous enfermez dans un repli autoritaire. Vous prétendez aller au bout du chemin démocratique ? Quelle provocation ! C'est un chemin de croix, avec pour stations les articles désormais bien connus : 47-1, 44.1, 49.3...
Comment parler de démocratie alors que le droit de manifester est remis en cause ? Sans cautionner les dégradations, mon groupe demande que soit mis à l'étude le comportement des forces de sécurité depuis jeudi soir, marqué par des violences policières. (Réprobation à droite) Maintenir l'ordre, ce n'est pas matraquer et gazer à tout vent ! (Protestations à droite)
Il faut savoir entendre le peuple qui dit non. La morgue et le mépris du chef de l'État ne passeront pas. La répression policière n'est pas une réponse. Le chef de l'État ne veut ni dissolution, ni réforme, ni remaniement ? Qu'il retire ce projet de loi ! Sinon, nous l'y contraindrons par notre demande de référendum d'initiative partagée (RIP).
Lors de son interview insipide et inutile, le Président de la République a dit défendre l'intérêt général. En réalité, il a choisi l'intérêt des riches ! Demain, une foule immense, légitime, se lèvera pour défendre ses convictions.
M. le président. - Votre question ?
Mme Michelle Gréaume. - Il en est encore temps, madame la Première ministre : retirez votre projet de loi ! (Applaudissements à gauche)
M. Olivier Dussopt, ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion . - Ce projet de loi est allé au bout de son cheminement démocratique (marques d'ironie et vives contestations à gauche), et il continuera.
Il a fait l'objet de 175 heures de débats. (Interpellations sur les travées du groupe CRCE) Le Sénat l'a voté à deux reprises : en première lecture et après la CMP. Si l'Assemblée nationale n'a pu voter le texte en première lecture, c'est uniquement en raison de l'obstruction systématique des groupes de gauche. (Protestations à gauche ; applaudissements sur plusieurs travées du RDPI)
Ce projet de loi est nécessaire pour préserver l'équilibre du système de retraite. (Nouvelles protestations à gauche) Lorsque le Conseil constitutionnel se sera prononcé, il permettra de revaloriser les petites pensions, de mieux prendre en compte la pénibilité et les carrières longues.
La responsabilité, c'est d'aller au bout de la réforme (les interpellations fusent à gauche) pour sauver le système par répartition et protéger les plus fragiles.
M. Jean-Marc Todeschini. - Arrêtez vos mensonges !
M. Olivier Dussopt, ministre. - Lorsque la mobilisation sociale se passe bien, il faut la saluer. Mais lorsqu'il y a des violences, on salue les forces de police et de gendarmerie qui maintiennent l'ordre et préservent la sécurité. (Protestations sur les travées du groupe CRCE) C'est aussi cela la démocratie. (Applaudissements sur les travées du RDPI)
Rapport du Giec sur l'évolution du climat (II)
M. Julien Bargeton . - (Applaudissements sur les travées du RDPI) « Une surconsommation et un surdéveloppement vampirique, une exploitation non durable des ressources en eau, la pollution et le réchauffement climatique incontrôlé sont en train d'épuiser goutte après goutte cette source de vie pour l'humanité. » Ainsi s'exprimait António Guterres, secrétaire général de l'ONU, lors de la présentation du dernier rapport du Giec.
Au Pakistan, les inondations de 2022 montrent les effets sur le cycle de l'eau du réchauffement climatique : 33 millions de personnes déplacées, 1 700 morts, 1,8 million d'hectares dévastés. Le sixième rapport de synthèse du Giec montre que ces phénomènes se multiplient.
En France, l'hiver très sec appelle à préserver cette ressource et donc à modifier nos modes de gestion de l'eau, qui doit être au coeur de tous nos débats.
Le Gouvernement dévoilera prochainement cinquante mesures relatives à la gestion de l'eau. Madame la ministre, pouvez-vous nous en dire davantage sur ces propositions ? (Applaudissements sur les travées du RDPI et sur quelques travées du groupe INDEP ; Mme Évelyne Perrot applaudit également.)
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre de la transition énergétique . - Veuillez excuser Christophe Béchu, très investi sur ce sujet, qui rencontrera prochainement António Guterres.
Le rapport du Giec confirme l'urgence à agir. Au cours du premier quinquennat, nous avons doublé le rythme de baisse des émissions de gaz à effet de serre. Les lois sur l'accélération de la production d'énergies renouvelables et sur le nucléaire ont été votées à une large majorité par le Parlement.
Collectivement, nous devons anticiper la diminution de la ressource en eau. C'est l'objet du plan eau qui sera présenté prochainement par la Première ministre et Christophe Béchu. Trois axes se dégagent : la sobriété des usages, la garantie d'un accès à une eau potable de qualité et la restauration du grand cycle de l'eau.
Le Gouvernement sera au rendez-vous de ce sujet important. (Applaudissements sur les travées du RDPI)
Déclaration du Président de la République
Mme Laurence Rossignol . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Que nous a dit le Président de la République tout à l'heure ?
Plusieurs voix à gauche. - Rien !
Mme Laurence Rossignol. - Que la majorité du pays, celle qui s'oppose à sa réforme, était dans le déni et l'ignorance. C'est insulter l'intelligence des Français. (Quelques exclamations à gauche) Que les manifestants seraient noyautés par les factieux, comparables aux suprémacistes du Capitole et de Brasilia : encore une insulte !
Qu'il a invité les syndicats à négocier - « Mensonge ! », répond Laurent Berger.
Que les opposants n'ont pour solution que le déficit, alors qu'aucun de nos amendements proposant de nouvelles recettes n'a été retenu, ni même examiné. (Applaudissements à gauche)
Que les entreprises ne finançaient pas les retraites. Là, il a sans doute été trahi par son inconscient : il en rêve, sans doute ! (Sourires et applaudissements à gauche)
Que les Français ne voulaient plus travailler et qu'il allait remettre les bénéficiaires du RSA au travail : encore une insulte !
Qu'il allait procéder à de nouveaux débauchages de députés - sans doute ceux qui n'ont pas voté la censure : ça, c'est une indécence.
De matinale en 20 heures en passant par le 13 heures, l'exécutif ne fait qu'asséner les mêmes arguments d'autorité, ne reconnaissant qu'une défaillance pédagogique...
Rendez plutôt aux Français les deux ans de vie que vous leur avez pris ! (Vifs applaudissements à gauche ; marques d'exaspération à droite et au centre)
M. Olivier Véran, ministre délégué chargé du renouveau démocratique, porte-parole du Gouvernement . - Madame la ministre...
Mme Laurence Rossignol. - Je suis sénatrice, maintenant.
M. Olivier Véran, ministre délégué. - Excusez-moi, madame la sénatrice ; c'est que vous étiez membre du gouvernement auprès de Marisol Touraine en 2014... (Sourires et applaudissements sur les travées du RDPI et sur quelques travées du RDSE, des groupes UC et Les Républicains)
M. Jérôme Durain. - Certains n'ont pas trahi !
M. Jean-Marc Todeschini. - Et vous, vous étiez où ?
M. Olivier Véran, ministre délégué. - Vous souteniez alors une réforme des retraites que j'ai votée, et qui allongeait la durée de cotisation pour tous les Français afin d'équilibrer un système de retraites qui ne tenait plus.
M. Patrick Kanner. - Et les carrières longues ?
M. Olivier Véran, ministre délégué. - À cette époque, ce texte important a été adopté par un 49.3. Vous n'avez pas quitté le Gouvernement, et je n'ai pas démissionné de mon siège de député. Vous avez la mémoire sélective, pas moi !
Mme Cathy Apourceau-Poly. - C'était un gouvernement socialiste !
M. Olivier Véran, ministre délégué. - Vous avez aussi l'oreille sélective : jamais le Président de la République n'a comparé les manifestants avec des factieux. (On le conteste vivement à gauche.) Il a salué la qualité de l'organisation de manifestations démocratiques par les syndicats...
M. Patrick Kanner. - Qu'il n'a pas reçus !
M. Olivier Véran, ministre délégué. - ... et les a bien distinguées des regroupements violents. (Protestations et exclamations à gauche)
Nous venons du même bord.
M. Hussein Bourgi. - Mais elle n'a pas trahi !
M. Olivier Véran, ministre délégué. - Quand on vous dit qu'on va augmenter les petits salaires en dessous du Smic, améliorer les fins de carrière, lever des contributions auprès des entreprises qui font des bénéfices, vous devriez dire oui ! C'est cela, avoir du courage et des convictions, dans la continuité ! (Protestations à gauche ; applaudissements sur les travées du RDPI et sur plusieurs travées du groupe UC ; Mme Colette Mélot, MM. Bernard Fialaire et Fabien Genet applaudissent également.)
Affichage environnemental des produits agricoles
Mme Guylène Pantel . - (Applaudissements sur les travées du RDSE) Sécheresse hivernale historique, inflation, difficultés de transmission des exploitations, élevages pastoraux menacés, prédation : le secteur agricole est en péril. Les insuffisantes réponses des autorités suscitent l'agacement, l'anxiété ou la résignation.
S'y ajoute le futur dispositif d'affichage environnemental sur les produits alimentaires, introduit par la loi Agec et remodelé par la loi Climat et résilience, qui fait l'objet d'un travail de concertation piloté par l'Ademe et le ministère de la transition écologique.
L'analyse du cycle de vie (ACV) est la méthode d'évaluation privilégiée pour classer les produits ou les services en fonction des émissions de gaz à effet de serre, des atteintes à la biodiversité et de la consommation d'eau et d'autres ressources naturelles. En découle l'attribution d'une note qui sera ensuite affichée sur les produits ou services, en rayon ou sur internet.
Beaucoup de producteurs craignent que cet affichage soit inadapté aux produits locaux ou artisanaux, à l'instar du Nutri-score. Attention à ne pas décourager encore nos agriculteurs ! Pouvez-vous nous rassurer ? (Applaudissements sur les travées du RDSE)
Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité . - Veuillez excuser Christophe Béchu et Bérangère Couillard, qui sont à New York pour la conférence sur l'eau de l'ONU.
La transition écologique est au coeur de l'action du Gouvernement. L'information sur les caractéristiques environnementales des produits est fondamentale pour faire évoluer les modes de consommation : le consommateur doit devenir un consom'acteur. (On s'amuse sur plusieurs travées.) L'affichage environnemental tiendra compte des émissions, de la consommation d'eau, des impacts sur la biodiversité.
Plusieurs expérimentations ont été menées en 2021 pour les produits agricoles, et en 2022 pour le textile. Bérangère Couillard a consulté les associations de consommateurs et les ONG. Priorité a été donnée aux producteurs alimentaires et au textile, afin que l'affichage environnemental soit déployé début 2024 par les entreprises volontaires.
Concernant le secteur alimentaire, ni découragement ni défaillance : le 27 mars prochain, Bérangère Couillard lancera une concertation sur le projet de méthode de calcul de l'affichage environnemental des produits alimentaires.
Zéro artificialisation nette
M. Jean-Baptiste Blanc . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées du groupe UC) Depuis un an, le Sénat mène un minutieux travail d'expertise sur la question du zéro artificialisation nette (ZAN), édifice aux nombreux vices cachés. Après ce travail transpartisan mené par la commission spéciale présidée par Valérie Létard, nous avons fait adopter, à une large majorité, une proposition de loi sénatoriale qui consolide et conforte l'ouvrage. Non, le Sénat n'a pas bouleversé l'architecture du ZAN, les cibles et trajectoires sont inchangées. Mais il fallait des ajustements, des outils nouveaux pour répondre aux inquiétudes, voire à la colère, des élus locaux.
Le Gouvernement a sous-estimé le potentiel inflammable du sujet. Son approche comptable et recentralisatrice, ainsi que l'absence d'accompagnement, inquiète les élus. Pour éteindre l'incendie, il était impératif d'apporter des réponses législatives sur le calendrier, les grands projets, la garantie rurale, l'intégration des bâtiments agricoles.
Tiendrez-vous votre promesse de poursuivre la discussion sur la base du texte adopté par le Sénat ? Quand sera-t-il inscrit à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale ? (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC)
Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité . - Chaque année, 20 000 hectares d'espaces naturels, agricoles et forestiers sont consommés en France. Les conséquences sont écologiques mais aussi socioéconomiques, avec une baisse du potentiel de production agricole. La France s'est fixé l'objectif d'atteindre l'objectif ZAN d'ici 2050, avec un objectif intermédiaire de réduction de moitié de l'artificialisation en 2030.
En novembre dernier, la Première ministre a rappelé que le Gouvernement était prêt à des évolutions...
M. Philippe Bas. - Prouvez-le !
Mme Dominique Faure, ministre déléguée. - ... dont la prise en compte des grands projets d'envergure nationale ou la garantie rurale.
Les propositions du Gouvernement ont été défendues par Christophe Béchu devant le Sénat, qui ne les a pas retenues. Nous considérons que le texte du Sénat ne permet pas de respecter la trajectoire ambitieuse de réduction de l'artificialisation que nous portons. (Huées sur les travées du groupe Les Républicains, tandis que M. Daniel Breuiller applaudit.)
Cette proposition de loi a toutefois vocation à évoluer au cours de la navette. Je souhaite parvenir à un compromis acceptable pour l'ensemble des acteurs, élus locaux comme associations de défense de l'environnement. (Mme Sophie Primas s'exclame ; applaudissements sur les travées du RDPI)
M. Jean-Baptiste Blanc. - Je ne puis vous laisser dire cela. Nous sommes dans la trajectoire, et je vois Mme Létard opiner. Seuls les élus locaux pourront porter la transition écologique ; il faut leur en donner le temps, les moyens, l'ingénierie nécessaire. Ce sujet est hautement inflammable : écoutez le Sénat ! (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et sur quelques travées du RDSE)
Avenir du projet de loi Immigration
M. Jean-Yves Leconte . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) La France est dans la rue pour dénoncer le passage en force d'une réforme des retraites humainement et socialement insoutenable, qui pèse sur les seuls travailleurs. C'est dans ce contexte qu'était prévu l'examen au Sénat du projet de loi immigration et intégration la semaine prochaine.
Alors que les droits des étrangers en France sont déjà dégradés, qu'ils sont soumis à des procédures toujours plus complexes qui les maintiennent dans la précarité et l'insécurité juridique, la réforme méritait d'être abordée avec sérénité. C'est pourquoi le groupe SER demandait le retrait de ce projet de loi de notre ordre du jour.
Monsieur le ministre, pouvez-vous nous préciser les propos du Président de la République qui semble annoncer un découpage de votre projet de loi façon puzzle ?
Quoi qu'il en soit, le Gouvernement peut et doit prendre les mesures qui s'imposent. Pas besoin de loi pour réviser la liste des métiers en tension, en concertation avec les partenaires sociaux, ou pour favoriser l'admission au séjour des étrangers qui contribuent à l'effort national et cotisent pour nos retraites. Ne les maintenons pas dans la précarité, agissons rapidement avec les outils existants. Qu'attend le Gouvernement ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER et du GEST)
M. Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur et des outre-mer . - Vous avez entendu le Président de la République. En effet, le président du Sénat s'est entretenu avec le Président de la République, et j'ai moi-même échangé avec le président de la commission des lois du Sénat. Nous entendons votre demande. Dans quelques instants, la Première ministre, avec le ministre du travail et le ministre chargé des relations avec le Parlement, proposera une méthode pour adopter les mesures législatives nécessaires pour améliorer l'intégration mais aussi lutter contre l'immigration irrégulière et les passeurs.
Intégration par la langue, intégration par le travail, expulsion des délinquants étrangers, moyens renforcés aux préfectures : tout cela doit être mis en oeuvre par la loi. Je laisse la Première ministre évoquer avec les présidents des deux chambres la méthode qu'elle aura définie.
J'espère avoir répondu à votre interrogation. (Applaudissements sur les travées du RDPI)
M. Patrick Kanner. - C'est flou.
M. Jean-Yves Leconte. - S'il y a une volonté politique sur l'intégration par le travail, vous pouvez agir dès à présent ! Pas besoin de loi pour réviser la liste des métiers en tension. Montrez-nous votre volonté ! (Applaudissements sur les travées de groupe SER et sur plusieurs travées du groupe CRCE et du GEST)
Épreuves de médecine annulées
M. Antoine Lefèvre . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mme Sylvie Vermeillet applaudit également.) Le 13 mars dernier, les dix mille étudiants en sixième année de médecine ont passé des épreuves blanches qui ont tourné au fiasco : bugs à répétition, impossibilité de valider les réponses, déconnexion... À trois mois des épreuves classantes nationales, décisives pour leur avenir, ce coup d'essai était l'occasion pour les étudiants de se situer et de tester les épreuves en conditions réelles.
Ils ne disposaient pas d'annales, ni de supports pour s'entraîner, l'organisation du concours étant renouvelée.
Plutôt que d'assumer un dysfonctionnement informatique, le centre national de gestion (CNG) minimise le problème et indique que les épreuves étaient non pas un concours blanc, mais un simple test. On croit rêver !
L'association des étudiants en médecine demande l'organisation de nouveaux examens blancs dans les meilleurs délais.
À trois mois d'un concours qui détermine leur avenir, pouvez-vous garantir la totale fiabilité du support numérique d'ici juin ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mme Cathy Apourceau-Poly applaudit également.)
M. François Braun, ministre de la santé et de la prévention . - Heureusement que cette panne a eu lieu le 13 mars, lors d'une épreuve blanche visant à tester la plateforme informatique - les étudiants n'étaient pas classés.
L'épreuve a été interrompue, mais a tout de même fonctionné pour 85 % des étudiants. Le lendemain, 97 % des bugs étaient résolus. Nous avons reporté la seconde partie, prévue le 15 mars. Le CNG travaille à résoudre les difficultés et organisera fin avril-début mai une nouvelle épreuve blanche, afin qu'en juin, le résultat du concours soit indiscutable. Ces épreuves sont déterminantes pour les étudiants, dont elles orientent l'avenir professionnel.
Les difficultés ont été corrigées, un nouveau test se déroulera bientôt, pour que la plateforme soit totalement opérationnelle en juin.
M. Antoine Lefèvre. - Après les confinements, les cours à distance, le stress, les étudiants en médecine méritent davantage de considération. La France a besoin de nouveaux médecins. Mettons tout en oeuvre pour qu'ils réussissent ! (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe Les Républicains ; Mme Valérie Létard applaudit également.)
Démissions des élus municipaux
M. Jacques Le Nay . - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) « Les élus ne supportent plus de servir de défouloir. » C'est ainsi que le président de l'association des maires du Morbihan explique les démissions qui se succèdent au rythme de quatre par semaine depuis 2020. En Loire-Atlantique, c'est un élu chaque jour.
Les élus subissent des violences, tant physiques que verbales ; mais les plaintes sont trop souvent classées sans suite. Ils sont exaspérés par l'empilement des normes et la lourdeur administrative. Le mandat local est chronophage et mal indemnisé. Enfin, les maires ne cessent de voir leurs compétences rognées. Dernier coup de massue, l'objectif ZAN va encore complexifier leurs missions.
Parviendra-t-on à maintenir un fonctionnement régulier des collectivités et à pourvoir aux fonctions d'élus ?
Madame la Première ministre, comment redonner du sens au mandat d'élu local ? Ils sont le dernier rempart de notre démocratie ! (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains)
M. Philippe Pemezec. - Très bien !
M. Olivier Véran, ministre délégué chargé du renouveau démocratique, porte-parole du Gouvernement . - Oui, la France a besoin de l'engagement de ses élus locaux. Ce qui fonde leur engagement, ce n'est pas l'appât du gain ni la gloriole, mais bien l'engagement au service des autres. (M. Philippe Pemezec le confirme.)
Il est dur d'être élu local - c'est un euphémisme. Qui se lève à 5 heures en hiver pour organiser le déneigement ? Qui intervient quand un conflit de voisinage menace de dégénérer ? Le maire. (On renchérit à droite et au centre.)
Qui est pris dans des injonctions contradictoires, entre normes édictées depuis Paris et application locale ? Le maire.
À tout le moins, offrons-leur la protection qu'ils méritent alors que la violence monte sur les réseaux sociaux, et jusque dans les hémicycles.
Depuis 2019, le régime de protection des élus s'apparente à celui de la protection fonctionnelle applicable aux agents publics. Une protection peut également être accordée à leur famille. La loi Lecornu a créé l'obligation de souscrire à une garantie pour couvrir les coûts afférents - conseil juridique, assistance psychologique notamment.
Citons aussi la proposition de loi Delattre. Nous avons enfin créé une cellule d'analyse et de lutte contre les atteintes aux élus locaux au sein du ministère de l'intérieur. Nous sommes déterminés à avancer, avec vous. (Applaudissements sur les travées du RDPI)
M. Jacques Le Nay. - Si rien n'est fait, cette situation contribuera à la crise de nos institutions, car le maire est le représentant de l'État dans sa commune. (Applaudissements sur les travées du groupe UC)
Blocus du Haut-Karabagh
M. Philippe Pemezec . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) La terre d'Arménie brûle et nous regardons ailleurs. Depuis l'automne 2020, l'Arménie est en état de siège : depuis l'invasion de l'enclave arménienne de l'Artsakh par l'Azerbaïdjan, soutenu par la Turquie qui veut achever l'entreprise d'extermination entamée en 1915 : 5 000 morts et 15 000 blessés en trois ans.
L'Azerbaïdjan organise un véritable blocus : ni vivres ni médicaments ne passent. Ceux qui fuient la guerre et la famine n'ont droit qu'à un aller simple. L'Azerbaïdjan table sur le départ des 120 000 Arméniens pour rayer de la carte cette terre chrétienne, la plus ancienne du monde, aujourd'hui encerclée par l'expansion musulmane.
Depuis les Hauts-de-Seine, nous envoyons des vivres, des médicaments, des médecins. Mais qu'attend le Gouvernement pour exiger le respect des règles internationales et du droit des peuples ? L'Arménie porte les mêmes valeurs que nous. Il est vrai qu'on n'y trouve ni pétrole ni gaz : elle n'a que sa foi et son courage.
La France est-elle prête à mobiliser les mêmes moyens diplomatiques et militaires qu'en Ukraine, pour défendre un peuple ami qui est en train de mourir ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées des groupes UC et SER ; Mme Cathy Apourceau-Poly applaudit également.)
Mme Catherine Colonna, ministre de l'Europe et des affaires étrangères . - Depuis le premier jour, depuis le 12 décembre, la France dénonce le blocage du corridor de Latchine par l'Azerbaïdjan et ses conséquences économiques et humanitaires. Les vivres arrivent parcimonieusement, et grâce au comité international de la Croix-Rouge (CICR), la France et ses partenaires de l'Union européenne apportent leur aide. Cela ne peut durer, la circulation doit être rétablie et l'approvisionnement des populations assuré.
D'abord parce que c'est le droit : la Cour internationale de justice s'est prononcée par référé il y a quelques semaines. Ensuite, parce que le blocage éloigne les perspectives de règlement politique.
Je me rendrai à Bakou et Erevan courant avril pour plaider pour une solution politique et un cessez-le-feu et dénoncer les menaces d'emploi de la force. Nous sommes déterminés. La France ne regarde pas ailleurs, elle agit.
Projet de fusion de l'ASN et de l'IRSN
Mme Angèle Préville . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) À l'aube du lancement d'un grand programme nucléaire, vous avez proposé, par amendement à l'Assemblée nationale, la fusion, ou plutôt l'absorption, de l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) par l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN). Quelle drôle d'idée, quand on a un parc vieillissant et un programme ambitieux de quatorze nouveaux réacteurs... Fort heureusement, les députés l'ont rejeté.
Nous ne sommes à l'abri de rien. Dans le pays le plus nucléarisé au monde, nous pouvons tous les jours remercier notre sûreté : l'ASN, qui prend les décisions, et l'IRSN, qui contrôle. Pourquoi casser ce qui marche ? Les salariés de l'IRSN sont KO debout.
L'arrêt de quatre réacteurs à l'automne, suite à la détection de corrosions sous contrainte, aurait-il agacé ? Nous sommes au printemps, il n'y a pas eu de black-out mais de nouvelles corrosions ont été découvertes. Nous avons besoin d'organismes robustes, reconnus, avec cette aiguë conscience des périls dont parle Edgar Morin.
Votre volonté d'effacement de l'IRSN a été rejetée par l'Assemblée nationale : elle était malvenue et dangereuse. Qu'attendre désormais de ce Gouvernement pour qui gouverner, c'est s'entêter ? (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE et du GEST)
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre de la transition énergétique . - Le Président de la République a un objectif ambitieux : faire de la France le premier grand pays à sortir des énergies fossiles et reprendre en main notre destin énergétique avec la construction de six nouveaux EPR2 et la mise à l'étude de huit autres. C'est un projet pour notre indépendance énergétique, un projet pour la planète, un projet qui renoue avec une grande aventure industrielle.
Le Conseil de politique nucléaire a dévoilé le 3 février une feuille de route pour mobiliser toute la filière. C'est dans ce contexte que le Gouvernement a décidé le renforcement de notre sûreté nucléaire. Le rapprochement de l'ASN et de l'IRSN vise à élargir les missions de l'ASN sur le modèle des autorités canadiennes et américaines, en rapprochant la décision et le contrôle des missions d'expertise et de recherche. (Mme Marie-Noëlle Lienemann s'exclame.)
Il s'agit de réunir en une seule autorité administrative indépendante deux services qui concourent à la même mission de service public. L'ASN deviendrait ainsi la deuxième autorité de sûreté du monde, avec une crédibilité scientifique renforcée. Nous sommes loin des fantasmes que vous évoquez. (Quelques protestations à gauche)
Le projet de loi nucléaire, adopté hier à une très large majorité à l'Assemblée nationale, prévoit un rapport sur les modalités de mise en oeuvre de cette réforme et l'avis de l'Opecst.
M. le président. - Il faut conclure !
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. - Avec Franck Riester, je demanderai au Sénat comment il souhaite être associé. (Applaudissements sur les travées du RDPI)
Visas consulaires pour les Algériens
M. Damien Regnard . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Après la visite du Président Macron en Algérie en août 2022, suivie de celle de la Première ministre et de seize de ses ministres, puis de celle de M. Darmanin, qui affirme à son retour en décembre 2022 que tout va bien et lève toute restriction sur la délivrance de visas pour la France, il semble que nous ayons tout lâché. Mais pour quel résultat ?
La délivrance de laissez-passer consulaires permettant l'exécution des OQTF était déjà d'à peine 1 % ; depuis le rappel de son ambassadeur le 8 février 2023, l'Algérie a annoncé qu'elle n'en délivrera plus aucun et menace de refuser les visas aux Français souhaitant se rendre en Algérie. Où sont les résultats de la main tendue et de la repentance incessante, madame la ministre ?
La réforme du corps diplomatique fait vaciller tout un édifice... À quand des mesures fortes pour une France forte et respectée ?
Qu'attendons-nous pour suspendre la délivrance des visas aux Algériens souhaitant se rendre en France ? Parallélisme des formes et égalité de traitement ! Ni plus ni moins ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
Mme Catherine Colonna, ministre de l'Europe et des affaires étrangères . - Avec l'Algérie, nous avons initié une dynamique ambitieuse depuis la visite d'amitié du Président de la République des 25, 26 et 27 août 2022. (On ironise sur les travées du groupe Les Républicains.) La réunion du cinquième Comité intergouvernemental de haut niveau s'est tenue les 9 et 10 octobre 2022. Le ministre de l'intérieur s'est rendu en Algérie le 17 décembre. Vous auriez aussi pu citer la venue en France du chef d'État-Major de l'armée algérienne, une première depuis bien longtemps.
Ne tombons pas dans le piège de ceux qui veulent faire échouer notre ambition - je sais que ce n'est pas votre voeu, monsieur le sénateur. L'approfondissement de notre relation est dans l'intérêt de nos deux pays. C'est dans cet esprit que la France traite la question de la migration, avec un groupe de travail conjoint pour favoriser la mobilité des jeunes. Cette coopération doit également permettre d'assurer le retour en Algérie des Algériens en situation irrégulière - cela fait partie de nos priorités.
Nous y travaillons avec le Président Tebboune, dont vous aurez sans doute noté avec intérêt les dernières déclarations. (Applaudissements sur les travées du RDPI)
M. Damien Regnard. - En mai, si la visite du président Tebboune se confirme, il sera toujours temps de remettre le sujet sur la table avec fermeté. La naïveté confine à la faiblesse. Non, madame la ministre, nous ne voulons pas d'une France qui se couche, mais d'une France qui se fait respecter ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
Prix de l'essence
M. Pierre-Antoine Levi . - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) En mars 2022, le prix du baril de Brent oscillait entre 115 et 130 dollars ; à la pompe, le litre de gasoil atteignait 2,11 euros, le litre de sans plomb, 2,06 euros. Douze mois plus tard, le baril est à 75 dollars, l'euro remonte, or les prix du carburant ne baissent quasiment pas...
M. Vincent Segouin. - C'est vrai !
M. Pierre-Antoine Levi. - Le gasoil est à 1,82 euro, le sans-plomb à 1,97 euro en moyenne. Les prix à la pompe suivent la hausse du prix du baril, mais pas sa baisse...
En Allemagne, c'est 1,76 euro pour le sans-plomb 95 et 1,73 euro pour le gasoil ; en Espagne, 1,62 euro et 1,55 respectivement.
Dans le contexte actuel de tensions, nos concitoyens ont l'impression de ne pas payer le juste prix. Ils ne veulent pas un chèque carburant, mais une baisse des prix à la pompe.
J'ai conscience de la complexité du mécanisme de fixation du prix, mais celui-ci doit être cohérent avec les variations du prix du baril. Qu'allez-vous faire à court terme ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur plusieurs travées du groupe Les Républicains)
M. Roland Lescure, ministre délégué chargé de l'industrie . - Bruno Le Maire m'a chargé de vous répondre. (Marques d'ironie sur les travées du groupe Les Républicains) Les mécanismes de transmission du prix du baril et du prix à la pompe sont complexes, et reflètent incomplètement la volatilité des marchés. (Exclamations sur quelques travées du groupe Les Républicains)
Le baril de Brent a fortement baissé la semaine dernière, en réaction aux incertitudes financières ; les prix à la pompe, eux, ne font pas le yo-yo au jour le jour. L'évolution du taux de change euro-dollar joue aussi.
Ces derniers jours, la désorganisation des chaînes d'approvisionnement a conduit les distributeurs à constituer des stocks de précaution. Cela dit, le prix de l'essence a baissé : le super sans-plomb est à 1,90 euro, le gasoil à 1,80. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains)
M. François Bonhomme. - Quand il y en a !
M. Roland Lescure, ministre délégué. - Si la baisse du prix du baril se poursuit, elle se reflétera à la pompe.
Je rappelle aussi que le Gouvernement a mis en place un chèque carburant de 100 euros.
M. Vincent Segouin. - Ce n'est pas ce qu'on demande !
M. Roland Lescure, ministre délégué. - Il est très simple de l'obtenir en se connectant sur le site impots.gouv.fr. (M. François Patriat applaudit.)
M. François Bonhomme. - Un numéro vert !
M. Pierre-Antoine Levi. - Quand le prix du baril monte, le prix de l'essence à la pompe augmente le lendemain. Quand il baisse, on ne voit pas de répercussion sur les prix à la pompe avant des semaines. Nous attendons plus de transparence. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains)
La séance, suspendue à 16 h 15, reprend à 16 h 35.