Renforcement du droit à l'avortement (Nouvelle lecture)
Mme la présidente. - L'ordre du jour appelle la discussion en nouvelle lecture de la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture, visant à renforcer le droit à l'avortement.
Discussion générale
Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée, chargée de l'autonomie . - L'examen en nouvelle lecture de la proposition de loi visant à renforcer le droit à l'avortement sera sans doute bref : la commission des affaires sociales a déposé une motion...
Une impérieuse nécessité s'impose à nous : défendre sans relâche le droit à l'avortement, un droit chèrement acquis. Il est régulièrement remis en cause par ses opposants, de manière ouverte ou plus insidieuse. Le Gouvernement défend le droit des femmes à avorter en toute sécurité, éclairées par des informations objectives, au plus près de leur lieu de vie.
Ce texte prévoit la possibilité d'une IVG médicamenteuse jusqu'à sept semaines. Cette mesure prise pendant la crise sanitaire sera pérennisée par un décret qui sera publié dans les tout prochains jours.
Par ailleurs, les IVG instrumentales peuvent être mises en oeuvre en centre de santé depuis le décret publié en avril 2021.
L'expérimentation pour la réalisation d'IVG instrumentales par les sages-femmes a été lancée en décembre 2021. C'est une étape importante pour poser les bases d'une pratique répondant aux demandes d'IVG et offrant aux femmes un nouvel interlocuteur.
Enfin, le tiers payant obligatoire est désormais prévu pour toutes les femmes dans le cadre de forfaits de prise en charge.
L'information et l'éducation à la vie affective et la promotion de la santé sexuelle sont également cruciales. Des actions concrètes sont prévues en la matière. Il faut une offre lisible et accessible.
Le Gouvernement s'est engagé à renforcer la place des sages-femmes dans ces questions. Leurs missions ont été renforcées par la loi Rist et un accord a été signé pour une sixième année de formation initiale.
Le Comité consultatif national d'éthique ne voit pas d'objection éthique à un allongement de deux semaines de la durée légale de l'IVG. Il faut que les IVG tardives soient mieux prises en charge, sans délai.
Le Gouvernement s'en remet au débat parlementaire et souhaite que les travaux sur ce texte aboutissent avant la fin de cette législature. (Applaudissements sur les travées du RDPI)
Mme Laurence Rossignol, rapporteure de la commission des affaires sociales . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Comme lors de la précédente lecture, une question préalable va interrompre notre débat. Au-delà de la procédure, ce que je regrette surtout, c'est que le Sénat ne vote pas ce texte.
Cette proposition de loi a eu un parcours très sinueux. Elle est issue de l'adoption, presque par accident, d'un amendement au Sénat, rejeté par la ministre de la Santé d'alors, qui demanda une seconde délibération. Une mobilisation parlementaire a permis de tordre le bras au Gouvernement. (Mme la ministre le conteste.)
La CMP a logiquement échoué, puis l'Assemblée nationale a pu peaufiner le texte.
En fin de compte, à la fin de ce mois, le délai de recours à l'IVG sera prolongé à quatorze semaines, ce qui bénéficiera à des milliers de femmes contraintes aujourd'hui de se rendre à l'étranger.
L'ouverture de la pratique de l'IVG aux sages-femmes est aussi bienvenue, tout comme le recours à l'IVG médicamenteuse jusqu'à sept semaines.
En 2001, le Sénat s'était opposé à l'extension de dix à douze semaines, ce qui avait causé l'échec de la CMP.
Les choses avancent néanmoins, grâce à la mobilisation des femmes. Je remarque qu'une fois que le progrès est inscrit dans la loi, ceux qui s'étaient battu contre ne proposent pas de revenir en arrière. C'est pourquoi, je n'ai aucun doute que l'allongement du délai sera durable.
Nous le devons à la détermination des associations, des militantes et des parlementaires féministes engagées.
Ma proposition de création d'une agence de la santé sexuelle et reproductive, sur le modèle de l'agence dédiée au cancer, était motivée par le besoin d'un vrai pilotage, sur des sujets comme l'endométriose par exemple. Ce serait une vraie avancée pour la santé des femmes.
J'ai été destinataire d'un courrier de nos collègues de Nouvelle-Calédonie, qui s'interrogent sur l'application de la loi sur leur territoire. Cela soulève un point juridique délicat. Malheureusement, leur requête est arrivée trop tardivement. Cela nous donnera l'occasion d'une prochaine proposition de loi, si cela s'avérait nécessaire ! (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE, du GEST et du RDPI)
M. Alain Milon . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Le 19 janvier dernier, lors de la première lecture, j'ai écouté avec intérêt les arguments des uns et des autres. J'en suis ressorti avec davantage d'interrogations sur la pertinence de l'allongement du délai et son lien avec le renforcement de l'accès à l'avortement, qui fait l'objet du texte.
Nul ici n'entend remettre en cause le droit à l'avortement. Les comparaisons tendancieuses avec les États-Unis ou certains pays d'Europe tiennent plus de la polémique politicienne que de la réalité.
Nos défis sont la défiance des plus jeune vis-à-vis des contraceptifs hormonaux, le manque d'information, la précarité sociale, la crise sanitaire, les diagnostics tardifs de grossesse, les inégalités territoriales dans l'accès aux professionnels pratiquant l'IVG... Autant d'éléments à prendre en considération pour améliorer l'accès, mais pas de raison pour voter une loi pour les 1 000 à 4 000 femmes - 0,0006 % de la population française - qui partent à l'étranger pour avorter une fois le délai légal dépassé.
Ne faisons pas abstraction de l'évolution du foetus entre douze et quatorze semaines, ni des réticences légitimes de certains praticiens à pratiquer un tel acte.
Certains collègues voudraient s'inscrire dans la lignée du « Manifeste des 343 salopes » de 1971, faisant fi du changement de contexte, et refuser aux hommes, qui ne seront jamais enceints - sauf dans les émoticônes d'Apple - tout droit d'intervenir dans le débat. Cette vision radicale inquiète.
L'IVG ne serait pas toujours un traumatisme, et serait même une libération, ai-je entendu ici. La complexité, la diversité des situations exigent qu'on n'instrumentalise pas des femmes dont la détresse est réelle.
Nous voterons la question préalable. Aujourd'hui douze, demain quatorze semaines. Qu'en sera-t-il ensuite ? Il faut une réponse structurelle au problème, et non conjoncturelle, notamment en informant mieux les femmes et en réduisant les inégalités territoriales.
Donnons aux femmes les moyens d'exercer leurs droits sur le territoire tout en permettant aux praticiens d'exercer selon leur conscience. C'est ainsi que l'on garantira le droit à l'avortement. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
Mme Mélanie Vogel . - (Applaudissements sur les travées du GEST ; Mme Émilienne Poumirol applaudit également.) Pour la troisième fois, nous défilons à la tribune. Certaines, pour défendre le droit des femmes à disposer de leur corps ; certains, qui disent pourtant défendre l'IVG, pour s'opposer au texte. Non, chers collègues, la défense de l'IVG ne fait pas partie de l'ADN de la droite française. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains) Ni de la gauche, d'ailleurs. En revanche, elle est dans l'ADN des militantes féministes, qui l'ont portée dans la rue.
Mme Catherine Belrhiti. - Demandez aux médecins ce qu'ils en pensent !
Mme Mélanie Vogel. - Il est humiliant de devoir répéter que si je découvre une grossesse à treize semaines, je dois pouvoir l'interrompre sans aller à l'étranger.
Certains ont-ils lu Deux siècles de rhétorique réactionnaire d'Albert Hirschman ? Il relève qu'à chaque réforme progressiste, trois grands arguments sont immanquablement invoqués. D'abord, la thèse de l'effet pervers : le remède serait pire que le mal. Puis, l'argument de l'inanité. Enfin, celui de la mise en péril. Pervers, les réactionnaires applaudissent souvent l'objectif mais critiquent le timing, la forme...
Nous y sommes : l'allongement du délai réduirait l'accès à l'avortement précoce - effet pervers ; les sages-femmes peuvent déjà faire des IVG chirurgicales - inanité ; cela braquerait les médecins - mise en péril.
En deux siècles, rien n'a changé. Les mêmes qui hurlaient contre la loi Veil, contre la pénalisation du viol, contre le mariage pour tous, contre l'abolition de l'esclavage et de la peine de mort, qui hurleront demain contre le droit de déterminer librement son genre, tous ceux-là applaudiront dans cinquante ans les progrès que nous leur aurons arrachés - tout en s'attachant à en freiner d'autres. C'est lassant - mais aussi rassurant de savoir de quel côté de l'histoire on se situe.
Il n'y a pas que dans les émoticônes d'Apple que les hommes sont enceints, monsieur Milon : il y a des hommes trans, ne vous en déplaise. (Applaudissements sur les travées du GEST)
Mme Laurence Cohen . - Le 19 janvier dernier, la CMP n'est pas parvenue à un accord.
Je remercie notre rapporteure pour sa ténacité. Nous regrettons l'obstination de la majorité. Comment accepter que 3 000 à 5 000 femmes se rendent à l'étranger pour avorter car les délais sont trop courts et les structures trop peu nombreuses ?
Je dénonce l'absence de politique de prévention en matière de santé sexuelle, la fermeture de centres d'IVG et le manque de subventions du planning familial.
Conquis de haute lutte par les militantes féministes, le droit à l'avortement permet aux femmes d'être libres d'être mères ou non.
Souvenons-nous que 70 % des femmes qui avortent sont en contraception. Cinquante ans après la loi Veil, il est temps d'allonger le délai à quatorze semaines ; la majorité des Français sont pour.
Les opposants à l'allongement du délai arguent que l'acte serait médicalement plus compliqué passé douze semaines. Or les praticiens néerlandais ou espagnols en sont parfaitement capables.
Il n'existe, selon le Comité consultatif national d'éthique (CCNE), que peu ou pas de différence entre douze et quatorze semaines : il n'y a donc pas d'objection éthique à un allongement de deux semaines.
La proposition de loi supprime le délai de réflexion qui infantilise les femmes et allonge la procédure. Madame la ministre, il est impératif de garantir les moyens, financiers et humains, des centres qui pratiquent l'IVG pour garantir le droit à l'avortement sur tout le territoire.
Tout en regrettant le maintien de la clause spécifique de conscience, nous soutenons ce texte. Je regrette que la majorité sénatoriale laisse la main à la seule Assemblée nationale. Mais ne boudons pas notre plaisir devant cette victoire obtenue par les femmes. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE, GEST et SER)
Mme Laurence Rossignol, rapporteure. - Bravo !
M. Olivier Henno . - La loi Veil est importante pour notre groupe : nous défendrons toujours le droit à l'avortement. Nous voulons cependant veiller à l'équilibre entre la liberté de chaque femme à disposer de son corps et le respect de la vie. Le recours à l'IVG a atteint son niveau le plus élevé en 2019, avec un taux de 15,6 pour 1 000 femmes.
La loi de financement de la sécurité sociale a prolongé la gratuité de la contraception jusqu'à 25 ans. Espérons que cela réduise le recours à l'IVG chez les jeunes femmes. Mais faute de bilan chiffré mesurant l'impact de cette mesure, le présent texte nous semble prématuré.
Notre groupe considère qu'il faudrait se concentrer sur l'accès à l'IVG, difficile dans certains territoires faute de praticiens. J'ai été frappé par les propos de Mme Mazuy à ce propos.
La loi de financement de la sécurité sociale pour 2021 prévoit l'expérimentation de l'IVG instrumentale par les sages-femmes. C'est une avancée importante, car 17 % des IVG réalisés en ville le sont par des sages-femmes.
L'accroissement de la taille du foetus entre douze et quatorze semaines entraînerait un risque accru d'hémorragie et de difficultés lors des grossesses ultérieures. Cela a conduit l'Académie de médecine à s'opposer à l'allongement du délai.
Il faut une meilleure prise en charge des jeunes femmes dans la période délicate entre la décision et la réalisation de l'intervention.
Les professionnels de santé doivent y être formés. Alors que 30 % des femmes connaîtront une IVG au cours de leur vie, ce ne doit plus être un tabou. Ce n'est pas l'IVG qui est un traumatisme, mais l'omerta. L'écoute doit se faire sans culpabilisation.
Une femme ne tombe pas seule enceinte et la contraception est l'affaire de tous. Les jeunes femmes préfèrent de plus en plus les méthodes naturelles de contraception comme le stérilet en cuivre. Les nouveaux modes de contraception, notamment destinés aux hommes, ne sont plus tabous et doivent être développés.
Pour toutes ces raisons, un allongement du délai légal nous semble prématuré. L'urgence est de pallier le manque de moyens.
Nous voterons la question préalable. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains)
M. Stéphane Artano . - (Applaudissements sur les travées du RDSE) Le sujet est grave et passionnel, 45 ans après la loi Veil.
En France, le droit à l'avortement est fragilisé car il n'est pas accessible partout de la même façon, faute de praticiens et d'établissements. L'acte médical d'IVG est de plus en plus déconsidéré au sein de la communauté médicale. S'ajoutent une pression morale et une culpabilisation des femmes qui avortent.
Il nous appartient de garantir l'effectivité de ce droit.
Chaque année, plusieurs milliers de femmes dépassent le délai légal ; 1 500 à 2 000 d'entre elles se rendent à l'étranger ; d'autres subiront une grossesse non désirée, ou mettront en danger leur santé...
L'allongement du délai légal ne doit pas servir à pallier un défaut d'offre médicale. C'est la raison pour laquelle certains sénateurs du RDSE ont des réserves.
Les sages-femmes pourront pratiquer l'IVG instrumentale : c'est une réponse à la pénurie de praticiens. L'OMS le recommandait de longue date. La pérennisation de l'allongement à sept semaines du délai pour les IVG médicamenteuses en ville déchargera les établissements. La suppression du délai de réflexion mettra fin à l'infantilisation des femmes.
Je crains que ces avancées ne soient toutefois pas suffisantes. Le RDSE regrette profondément que la Haute Assemblée refuse encore une fois d'examiner ce texte en séance publique. Nous voterons unanimement contre la motion. (Applaudissements sur les travées du RDPI, du RDSE et sur quelques travées du groupe SER)
Mme Esther Benbassa . - Nous débutons plutôt mal 2022. Le Sénat aurait pu prendre de bonnes résolutions, mais a de nouveau opposé la question préalable en deuxième lecture. Sans surprise, la CMP a échoué.
Le conservatisme est un terrain qu'il faut sans cesse labourer.
Il ne s'agit pas seulement d'allonger un délai. Nous parlons de femmes pour qui l'avortement n'est pas un choix, mais une nécessité : pression sociale, violences au sein du couple, viols. Et des professionnels de santé se permettent des jugements ?
L'IVG n'est pas un acte anodin. Chaque femme peut témoigner de sa souffrance psychique, parfois physique.
Le CCNE a considéré qu'il n'y avait pas de modification substantielle du foetus entre douze et quatorze semaines.
En France, le droit à l'avortement n'est pas effectif. Les centres IVG ferment, certaines femmes doivent faire 100 km pour avorter. Ce n'est pas tolérable dans un pays comme le nôtre ! Ne condamnons pas ces femmes à une grossesse forcée !
Gisèle Halimi disait : voulez-vous contraindre les femmes à donner la vie par échec, par erreur, par oubli ? Le progrès, c'est de barrer la route à la fatalité. (Applaudissements sur les travées du GEST et sur quelques travées du groupe SER et du RDPI)
Mme Émilienne Poumirol . - Troisième lecture, troisième question préalable pour ce texte. Je me réjouis toutefois de sa prochaine adoption définitive.
Le droit à l'avortement, chèrement acquis, doit encore être défendu, comme la liberté des femmes à disposer de leur corps. On observe des reculs partout dans le monde.
Pour répondre aux difficultés rencontrées par plusieurs milliers de femmes chaque année, ce texte allonge le délai légal à quatorze semaines. Les raisons du dépassement du délai sont multiples ; cette mesure profitera notamment aux femmes qui rencontrent de graves difficultés, affectives ou matérielles
Interrogé par le Gouvernement en septembre 2020, le CCNE a jugé que rien, sur le plan médical ou éthique, ne s'opposait à cet allongement. Pourquoi le refuser ?
Un répertoire recensera les professionnels pratiquant des IVG pour mettre fin à l'errance médicale de certaines femmes.
Les sages-femmes pourront réaliser des IVG médicales au-delà de dix semaines. La suppression du délai de réflexion est également bienvenue.
Il faut encore oeuvrer pour améliorer l'accès à l'IVG sur l'ensemble du territoire.
Je regrette le maintien de la clause de conscience pour les médecins, qui laisse entendre que l'IVG n'est pas un acte médical comme les autres.
Les inégalités sociales et la précarité restent la première cause d'IVG selon la Drees. Les inégalités territoriales s'accentuent.
Aussi, il faut renforcer l'éducation sexuelle, notamment à l'école. Chaque femme doit pouvoir choisir sa méthode de contraception.
Le groupe SER soutient ce texte et votera contre la question préalable qui nous prive de débat. (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE et du RDPI)
M. Xavier Iacovelli . - (Applaudissements sur les travées du RDPI) Nous débattons une nouvelle fois du droit à l'avortement, mais ce débat sera une nouvelle fois interrompu par une question préalable.
Nous le regrettons car nos désaccords légitimes ne doivent pas interdire de discuter d'un sujet qui concerne 200 000 femmes par an.
L'examen de la loi Bioéthique, sans procédure accélérée, avait permis à chacun de s'exprimer et enrichi le texte. En l'espèce, l'Assemblée nationale légiférera seule, sans les apports du bicamérisme, si souvent salués.
Les attaques contre l'avortement sont multiples, même en Europe : on l'a vu avec la récente législation polonaise, très restrictive. Ce droit n'est jamais acquis. En France, des freins persistent.
Chaque année, 1000 à 4 000 femmes dépassent le délai légal et sont contraintes de partir à l'étranger pour avorter. Les inégalités territoriales sont criantes : 5 % des IVG sont réalisées entre dix et douze semaines de grossesse, mais 17 % à Mayotte.
Aussi, ce texte allonge de deux semaines le délai légal, étend les compétences des sages-femmes en matière d'IVG instrumentales et sanctionne les pharmaciens qui refuseraient de fournir un contraceptif en urgence. Je salue la prise en charge à 100 % de la contraception pour les jeunes femmes jusqu'à 25 ans, tout comme l'engagement du Président de la République d'inscrire le droit à l'IVG dans la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne.
Je remercie Mme Rossignol pour sa persévérance, au Sénat et en dehors.
Le droit à l'avortement aurait mérité un vrai débat. Il reviendra désormais à l'Assemblée nationale de voter seule ce texte.
Nous nous opposerons à la question préalable. (Applaudissements sur les travées du RDPI, du GEST et des groupes SER et CRCE)
M. Daniel Chasseing . - Dans un contexte sanitaire difficile pour notre système de santé, après une pandémie de deux ans - je rends à nouveau hommage aux soignants - nous examinons une nouvelle fois ce texte qui allonge à quatorze semaines le délai légal de l'IVG. Rappelons qu'en 2001, ce délai était de dix semaines.
Chaque avortement est un drame. L'allongement du délai à quatorze semaines emporte des risques plus élevés pour la santé de la femme. Pendant ces deux semaines, l'embryon devient foetus, il passe de 70 à 130 mm, l'organogénèse s'accélère. L'IVG à quatorze semaines implique une dilatation du col, avec des risques de complication accrus.
Plusieurs praticiens refuseront de pratiquer un tel acte. Il est illusoire de vouloir les y forcer. Heureusement, la clause de conscience a été maintenue.
Je rejoins en revanche les auteurs de la proposition de loi sur les inégalités territoriales et les lacunes en matière d'information sur la contraception, féminine comme masculine. La gratuité jusqu'à 25 ans est une bonne chose.
Le renforcement des compétences des sages-femmes augmentera le nombre des praticiens disponibles, c'est une bonne chose. La suppression du délai de réflexion aussi : il faut tout faire pour rester en deçà de douze semaines.
Notre groupe soutiendra la question préalable pour partie, d'autres s'abstiendront.
La discussion générale est close.
Question préalable
Mme la présidente. - Motion n°1, présentée par Mme Deroche, au nom de la commission.
En application de l'article 44, alinéa 3, du Règlement, le Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture, visant à renforcer le droit à l'avortement (n° 481, 2021-2022).
Mme Catherine Deroche, présidente de la commission des affaires sociales . - Par deux fois, nous avons voté une question préalable sur ce texte, mauvaise réponse à une vraie difficulté.
Notre débat en deuxième lecture fut riche et respectueux des opinions, je serai donc brève.
L'allongement du délai légal induit une modification de la nature de l'acte, sans que les chiffres en prouvent la nécessité. Selon la Drees, seuls 5 % des IVG sont réalisées dans les deux dernières semaines du délai légal. Or cet acte est d'autant moins anodin qu'il est tardif.
En outre, l'article 70 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2021 autorise les sages-femmes à pratiquer des IVG instrumentales : il est prématuré de généraliser dès à présent l'expérimentation, sans en attendre le bilan.
Le maintien de la clause de conscience par les députés confirme que cet acte mérite une considération particulière.
Le Gouvernement aurait gagné à clarifier sa position sur ce texte avant de l'inscrire à l'ordre du jour. S'en remettre à la sagesse du Parlement traduit surtout son embarras !
Enfin, le Sénat ayant déjà voté à deux reprises, en commission et en séance publique, la question préalable, la commission estime qu'il n'y a pas lieu de poursuivre l'examen de ce texte.
Mme Laurence Rossignol, rapporteure. - J'aurais préféré que nous discutions et adoptions le texte... (Sourires) Nous voterons contre la motion.
Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée. - Nous sommes défavorables à cette motion. Nous aurions préféré un débat.
Mme Laurence Cohen. - Nous y sommes également défavorables.
Nos arguments sont connus. Entre 3 000 et 5 000 femmes doivent se rendre à l'étranger pour avorter. En rejetant ce texte, on perpétue les inégalités sociales entre les femmes qui en ont les moyens et les autres. C'est un bond en arrière. Vous refusez l'égalité entre les femmes. Vous vous donnez bonne conscience, tout en sachant que le délai est supérieur à douze semaines dans bien des pays voisins. Cela ne grandit pas le Sénat. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE et SER et du RDPI)
Mme Nadège Havet. - Des milliers de femmes se trouvant chaque année hors délai se rendent, quand elles en ont les moyens, à l'étranger pour une IVG.
L'avortement n'est jamais anodin, mais il est aussi traumatisant de mener à terme une grossesse non désirée.
Je regrette l'absence de débat pluraliste sur le sujet et le dernier mot laissé à l'Assemblée nationale. C'est une occasion manquée : nous voterons contre la motion. (Applaudissements sur les travées du RDPI et des groupes SER et CRCE)
Mme Pascale Gruny. - Le sujet n'est pas celui des inégalités sociales, mais bien celui du délai ! Il faut trouver des solutions pour accélérer les procédures. L'avortement n'est pas un acte anodin, surtout à quatorze semaines. Il peut donner lieu à des complications, voire interdire une grossesse ultérieure...
Il faut travailler avec le planning familial, mieux éduquer à la sexualité.
Nous ne sommes pas contre l'avortement. Pensons aussi aux médecins et aux sages-femmes qui sont là pour donner la vie et ne pratiquent pas l'avortement de gaieté de coeur.
À la demande de la commission, la motion n°1 est mise aux voix par scrutin public.
Mme la présidente. - Voici le résultat du scrutin n°102 :
Nombre de votants | 344 |
Nombre de suffrages exprimés | 335 |
Pour l'adoption | 206 |
Contre | 129 |
Le Sénat a adopté.
En conséquence, la proposition de loi est rejetée.
Prochaine séance demain, jeudi 17 février 2022, à 10 h 30.
La séance est levée à 20 h 25.
Pour la Directrice des Comptes rendus du Sénat,
Rosalie Delpech
Chef de publication
Ordre du jour du jeudi 17 février 2022
Séance publique
À 10 h 30, 14 h 30 et, éventuellement, le soir
Présidence :
M. Roger Karoutchi, vice-président
M. Vincent Delahaye, vice-président
Mme Laurence Rossignol, vice-présidente
Secrétaires :
Mme Victoire Jasmin - M. Jacques Grosperrin
1. Examen d'une demande de la commission des affaires sociales tendant à obtenir du Sénat, en application de l'article 5 ter de l'ordonnance n°58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires qu'il lui confère, pour une durée de six mois, les prérogatives attribuées aux commissions d'enquête pour mener une mission d'information sur le contrôle des établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes
2. Deuxième lecture du projet de loi, modifié par l'Assemblée nationale, ratifiant les ordonnances prises sur le fondement de l'article 13 de la loi n°2019-816 du 2 août 2019 relative aux compétences de la Collectivité européenne d'Alsace (texte de la commission, n°456, 2021-2022)
3. Nouvelle lecture de la proposition de loi visant à combattre le harcèlement scolaire (n°480, 2021-2022)
4. Conclusions de la commission mixte paritaire sur la proposition de loi relative à l'aménagement du Rhône (texte de la commission, n°479, 2021-2022)
5. Conclusions de la commission mixte paritaire sur la proposition de loi pour un accès plus juste, plus simple et plus transparent au marché de l'assurance emprunteur (texte de la commission, n°448, 2021-2022)
6. Proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, visant à simplifier l'accès des experts forestiers aux données cadastrales (texte de la commission, n°472, 2021-2022)