Droit à mourir dans la dignité
Mme la présidente. - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi visant à établir le droit à mourir dans la dignité, présentée par Mme Marie-Pierre de La Gontrie et plusieurs de ses collègues, à la demande du groupe Socialiste, écologiste et républicain.
Discussion générale
Mme Marie-Pierre de La Gontrie, auteure de la proposition de loi . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER et celles du GEST) Il y a sept jours, elle était notre amie, notre collègue, notre camarade, et votre ancienne collègue ministre. Paulette Guinchard-Kunstler a décidé de finir sa vie en Suisse, un pays qui pouvait l'accueillir. Que nous dit ce choix intime de la situation en France ? Contrairement à ce que prétendent certains, la législation ne répond pas à toutes les situations vécues par nos concitoyens, et notamment les plus cruelles. Certes, nous avons considérablement progressé, notamment avec les lois Leonetti, puis Clayes-Leonetti, mais l'on ne peut pas encore quitter la vie sereinement et dignement.
C'est un sujet qui traverse la société française. Le premier à l'avoir soulevé est Henri Cavaillet en 1978. Puis, l'Association pour le droit de mourir dans la dignité a été créée en 1980. De nombreuses initiatives parlementaires, sous la forme de propositions de loi, ont été prises depuis. Mais le sujet reste difficile.
À l'origine, Paulette Guinchard-Kunstler n'était pas favorable à une évolution de la législation. Lorsqu'elle a été touchée par une maladie très douloureuse, elle s'est tournée vers le monde médical et a découvert que la loi Claeys-Leonetti ne lui était d'aucune aide, et qu'elle devait s'expatrier pour mourir : une violence supplémentaire.
Nous voulons autoriser une aide active à mourir, lorsque la maladie est grave et incurable, les douleurs insupportables, la dignité de la personne remise en cause, la vie devenue insupportable, et lorsqu'aucun espoir d'amélioration ne subsiste.
Le processus est très encadré : les échanges entre médecins et avec les patients seront constants et le temps de la réflexion est ménagé. Une clause de conscience est prévue pour les soignants, qui pourront le cas échéant orienter le patient vers un confrère.
Certains estiment qu'il n'y a pas assez de recul sur la loi Claeys-Leonetti. Ce n'est pas exact. Un grand nombre de Français quittent le pays parce que la loi impose un critère de mort imminente.
D'autres diront que la réponse réside dans le développement des soins palliatifs. Je ne le crois pas : ces soins sont destinés à accompagner des personnes traversant une période de grande souffrance, mais qui ne souhaitent pas forcément une mort volontaire. En outre, 26 départements ne disposent d'aucun service de soins palliatifs et le dernier plan, qui est venu à échéance en 2018, n'a pas été reconduit.
La proposition de loi prévoit donc, en corollaire, le développement d'un accès universel aux soins palliatifs dans un délai de trois ans.
D'ici quelques mois, la France sera l'un des seuls pays européens à n'avoir aucune législation de ce type sur la fin de vie. De nombreux pays s'engagent dans cette démarche : au-delà de la Belgique, de la Suisse et des Pays-Bas, je pense au Portugal, qui a avancé il y a quelques semaines, à l'Espagne il y a quelques jours, mais aussi à l'Allemagne et l'Italie qui vont évoluer sous l'impulsion de leurs cours constitutionnelles. Certains de ces pays ont pourtant un rapport à la religion plus fort qu'en France.
Nos compatriotes sont massivement favorables à une telle évolution : neuf Français sur dix la souhaitent, y compris ceux qui ont des convictions religieuses affirmées.
Le grand nombre de propositions de loi déposées, émanant de quelque 250 parlementaires de tous bords, montre que le sujet est mûr.
Le Sénat peut choisir de participer à cette réflexion, y compris en amendant la présente proposition, ou fermer la porte au débat en la rejetant.
Reste qu'un texte sera examiné le 8 avril prochain à l'Assemblée nationale, et qu'une majorité de députés y sera favorable. Le Sénat a parfois su être actif sur les questions de société transpartisanes. Chers collègues, soyez au rendez-vous ! (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE, GEST, RDSE et RDPI)
Mme Michelle Meunier, rapporteure de la commission des affaires sociales . - Le recours par les Françaises et les Français à l'euthanasie et au suicide assisté est une réalité - à l'étranger mais aussi en France.
Le décès de l'ancienne secrétaire d'État chargée des personnes âgées, Paulette Guinchard-Kunstler, est le poignant rappel d'une situation qui ne peut pas durer. Ce fut aussi le choix de l'écrivaine Anne Bert qui eut recours à l'euthanasie en Belgique en 2017. L'ultime recours de Paulette Guinchard-Kunstler nous renvoie à l'angoisse existentielle de nombre de nos concitoyens que la législation ne permet pas d'apaiser.
Un nombre important de malades atteints d'une maladie incurable ne peuvent se rendre à l'étranger. En 2018, le CESE estimait le nombre des euthanasies clandestines pratiquées en France entre 2 000 et 4 000 par an.
Sur cette question délicate, nous avons un devoir de modestie. Gardons-nous de tout jugement sur les choix personnels qui concernent la fin de la vie.
Cinq ans après le vote de la loi Claeys-Leonetti, le bilan de son application est mitigé. Elle a certes permis des avancées sur les directives anticipées ou les personnes de confiance. Mais la sédation profonde et continue ne répond pas à toutes les situations. En 2018, l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS) a regretté l'absence d'un registre national des directives anticipées et une absence de traçabilité, aussi bien des arrêts de traitement que du recours à la sédation profonde et continue.
Les mourants sont insuffisamment accompagnés à domicile. Quand le Gouvernement autorisera-t-il le midazolam en ville, alors que la Haute Autorité de santé (HAS) le préconise déjà depuis 2020 ?
Les critères posés par la loi, décès imminent, obstination déraisonnable, laissent trop peu de place à la volonté du patient. Le caractère insoutenable de sa souffrance est appréhendé uniquement au travers des symptômes cliniques ; la souffrance existentielle est mal prise en compte. Les critères d'obstination déraisonnable, de souffrance réfractaire aux traitements et d'engagement du pronostic vital à court terme sont peu pertinents.
La loi s'applique mal à des maladies neuro-dégénératives, comme la maladie de Charcot, dont l'évolution inexorablement invalidante provoque des angoisses difficilement soutenables, ou à des états végétatifs chroniques.
Les conflits entre la famille et l'équipe soignante dans l'interprétation de la loi peuvent aussi rendre difficile l'établissement de la volonté du patient. Nous devons trouver un équilibre entre respect du libre arbitre et protection de la vulnérabilité.
Notre législation doit s'inspirer de ce qui se fait à l'étranger et de l'état de l'opinion publique, sans suivisme pour autant. En mars 2019, 96 % des Français se déclaraient favorables à un droit à une euthanasie encadrée.
Les pays du Benelux, la Suisse, le Canada, plusieurs États d'Amérique du Nord et d'Australie, la Nouvelle-Zélande, le Portugal, l'Espagne autorisent l'aide active à mourir dans des conditions dignes. Bientôt, la France sera frontalière de quatre de ces pays.
La proposition de loi de Marie-Pierre de La Gontrie consacre le droit à une fin de vie digne en autorisant l'euthanasie et le suicide assisté. Elle les encadre strictement, dans le respect du libre arbitre du patient.
À l'instar de ce qui se pratique au Benelux, une commission nationale assurerait le contrôle et la traçabilité. Le cadre juridique applicable aux directives anticipées est rénové pour rendre effectif leur caractère contraignant.
Afin de répondre au mal mourir, il est aussi prévu, dans un délai de trois ans, de rendre effectif un accès universel aux soins palliatifs en tout point du territoire. Quelque 26 départements, dont la Guyane et Mayotte, n'en disposent pas.
La commission des affaires sociales a rejeté le texte, mais à titre personnel, je vous invite à en débattre. L'objectif de garantir enfin à toutes et à tous le droit de mourir dans la dignité peut nous rassembler. (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE, GEST, RDSE, RDPI et INDEP ; Mmes Jocelyne Guidez et Élisabeth Doineau applaudissent également.)
M. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé . - Le thème qui nous réunit est à la fois universel et puissamment intime. Il nous ramène à notre finitude. Parler de la fin de vie revient à évoquer ses conditions et la façon dont la société l'accompagne. La fin n'est plus un sujet tabou.
Le ministère de la Santé et des solidarités, c'est celui qui accompagne les Français de leur premier à leur dernier souffle, avec leurs joies, leurs peines, leurs espoirs.
Aide-soignant en Ehpad, puis médecin neurologue, j'ai assisté de près à l'imminence de la mort. Ces instants sont toujours des épreuves de vérité et de doute, parfois de sérénité.
Il y a cinq ans, le législateur a voté la loi Claeys-Leonetti, issue d'un large consensus voulu par le président François Hollande. Elle a permis de faire évoluer notre droit et nos pratiques : elle a notamment affirmé le droit du malade à demander l'arrêt des traitements et rendu contraignantes les directives anticipées.
J'ai moi aussi une pensée pour Paulette Guinchard-Kunstler, ancienne secrétaire d'État aux personnes âgées.
Selon le Conseil national consultatif d'éthique, la loi de 2016 apporte une solution dans l'immense majorité des situations - pas toutes, car certaines sont très particulières. Mais l'enjeu n'est pas tant de faire évoluer cette loi que de la faire connaître, aussi bien des professionnels que de nos concitoyens. Seuls 18 % des Français de plus de 50 ans ont rédigé des directives anticipées.
Si les soignants ne sont pas sensibilisés, ils ne peuvent appliquer correctement la loi. Durant la crise sanitaire, lorsque j'ai autorisé l'administration à domicile de produits antidouleur comme le Rivotril, je me suis parfois heurté à des réactions très négatives.
Lorsque l'on entre dans le coeur du débat, celui-ci apparaît dans toute sa complexité. Sur ce sujet intime, je ne crois pas que certaines législations soient plus « en avance » que d'autres.
À compter du mois d'avril sera lancé le cinquième plan national pour les soins palliatifs et l'accompagnement de la fin de vie. (On ironise sur les travées du groupe SER.) Il sera piloté par les docteurs Olivier Mermet et Bruno Richard. Ce plan sera triennal.
Nous y inscrirons l'amélioration de la formation initiale et continue des soignants. Avec Frédérique Vidal, nous travaillons à intégrer la fin de vie dans les formations de santé.
Nous développerons la prise en charge en ville, avec la mise à disposition du midazolam fin 2021. Il y a aussi un enjeu de moyens : le prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) augmentera la dotation-socle des soins palliatifs.
Le Ségur de la santé a prévu 7 millions d'euros pour l'appui sanitaire dans les Ehpad, comprenant des astreintes de soins palliatifs.
Ce débat est essentiel et mérite de l'apaisement, du sang-froid et du temps. Nous sommes actuellement en pleine crise sanitaire, elle exige une mobilisation totale de notre système de soins : je ne crois pas que le moment soit opportun pour modifier la législation sur la fin de vie, mais nous pourrons avoir un horizon.
Pour beaucoup, la loi Clayes-Leonetti, bien appliquée, suffit. Restent quelques cas qu'elle ne peut traiter. Sur un sujet aussi sensible, sans dogmatisme, j'appelle à la prudence et à la sagesse et je me réjouis de ce débat. Chaque parlementaire peut avoir une position personnelle ; moi également, mais ici je porte la parole du Gouvernement.
Je suis ouvert à la discussion. (MM. François Patriat, Claude Kern et Yves Détraigne applaudissent.)
M. Xavier Iacovelli . - La fin de vie interroge chacun sur son rapport intime à la vie et à la mort. La mort fait partie de la vie. Nos conditions de mort valent bien un débat égal à celui portant sur nos conditions de vie, comme le disait Marie-Guite Dufay, amie intime de Paulette Guinchard-Kunstler.
Quelque 96 % des Français sont favorables à une évolution de la législation : je remercie Marie-Pierre de La Gontrie pour sa proposition de loi et je salue l'action de l'ADMD et son président Jean-Louis Romero.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - Il est présent aujourd'hui.
M. Xavier Iacovelli. - Tous les Français n'ont pas les moyens de partir à l'étranger ; ceux qui le peuvent meurent loin de leurs proches. Selon le Conseil économique, social et environnemental (CESE) en 2018, l'offre de soins palliatifs est insuffisante et inégalement répartie sur le territoire. L'outre-mer est mal loti ; Mayotte et La Réunion par exemple n'ont pas d'unités de soins palliatifs.
Nous connaissons tous ce sentiment d'impuissance face à la perte d'un proche. Que dire lorsque cela se passe dans la souffrance, sans que le mourant ait le choix du moment pour éteindre sa propre lumière ? Je sais que beaucoup sont mobilisés, à la fois au Gouvernement - à commencer par le garde des Sceaux - et au Parlement.
Le renforcement des unités mobiles de soins palliatifs (UMSP) serait un premier pas. La proposition de loi est une réponse aux difficultés de notre législation et elle instaure un fichier national pour les directives anticipées : une avancée à saluer.
C'est une loi de liberté, qui ne crée pas d'obligation. Ce texte touche à l'intime, à notre rapport à la vie et à la mort. Chaque membre du RDPI votera en son âme et conscience.
À titre personnel et comme la majorité écrasante du groupe, je voterai ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; Mme Marie-Noëlle Lienemann applaudit également.)
Mme Guylène Pantel . - (Applaudissements sur les travées du RDSE) Mon groupe est partagé sur cette proposition de loi, qui touche au plus intime et fait rejaillir des expériences personnelles parfois douloureuses. La « bonne mort », selon l'étymologie du mot euthanasie, ne se décrète pas, chacun en a une idée différente... qui peut changer au fil du temps.
Je salue la mémoire de Paulette Guinchard, morte par suicide assisté, alors qu'elle avait dans le passé pris position contre cette faculté. Son choix de faire connaître sa décision est une preuve de courage qui force le respect.
Le RDSE est partagé entre le maintien de l'équilibre trouvé en 2016 et un véritable droit à mourir dans la dignité.
Au-delà de l'affirmation des droits existants, il faut les appliquer. Malgré les progrès des soins palliatifs, 20 % des personnes n'ont pas accès aux produits qui pourraient les soulager, faute d'informations ou de structures disponibles. En 2018, le CESE dénonçait une offre insuffisante et inégalement répartie sur le territoire.
Créées en 2016, les directives anticipées devaient éviter des drames familiaux, mais elles sont encore méconnues. Chacun se souvient de la manière dont la famille de Vincent Lambert s'est déchirée. Nous regrettons que cela n'ait pas incité les pouvoirs publics à lancer une vaste campagne d'information sur les nouvelles dispositions.
Certains membres du RDSE veulent que chacun puisse choisir sa mort, et sont favorables à une extension de la sédation profonde et continue. Selon eux, l'article 2 est suffisamment rigoureux puisqu'il précise que la maladie doit être incurable et la souffrance inapaisable. Les médecins devraient élaborer un avis collégial, et l'un de nos amendements renforcera cette collégialité. Les avis au sein de mon groupe sont partagés, je l'ai dit. (Applaudissements sur plusieurs travées du RDSE ; M. Rachid Temal applaudit également.)
Mme Laurence Cohen . - Le philosophe Sully Prudhomme estimait qu'« Il est bon d'apprendre à mourir Par volonté, non d'un coup traître. (...) Qui sait mourir n'a plus de maître. »
La pandémie a été un miroir grossissant de toutes les difficultés attachées à la fin de vie, et notamment des pénuries de midazolam. Le rivotril a été administré en remplacement dans les Ehpad, mais pas à domicile. Les visites des proches ont été longtemps interdites.
Cette proposition de loi est plus que jamais d'actualité, même si la loi Claeys-Leonetti apporte des progrès pour la sédation profonde et continue. Le Conseil économique, social et environnemental (CESE), en 2018, avait soulevé les problèmes médicaux, juridiques et éthiques que pose cet acte.
La discrimination par l'argent est intolérable : seuls les plus riches peuvent partir mourir à l'étranger selon leur volonté.
Il faut que les médecins puissent aider à mourir en cas de souffrance intolérable. Une meilleure prise en compte des besoins des patients contribue à l'égalité devant la mort. Ce texte reprend en partie une proposition de loi déposée en 2011 par notre groupe à l'initiative de Guy Fischer et Annie David, alors présidente de la commission des affaires sociales.
Le développement des unités de soins palliatifs est largement insuffisant, ainsi que l'a déploré l'IGAS le 13 février 2021 dans un rapport très critique. Entre 2015 et 2018, seulement 210 lits ont été créés en soins palliatifs. Il y a aussi d'importantes disparités régionales.
Pour mettre en oeuvre le droit à mourir dans la dignité, il faut donc faire évoluer la loi et développer les soins palliatifs, en recrutant des professionnels bien formés.
Monsieur le ministre, j'ai entendu votre engagement, que je ne crois pas en contradiction avec ce texte. Nous verrons si les moyens sont à la hauteur pour les soins palliatifs dans le PLFSS.
Le groupe CRCE votera cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE et SER ; Mme Élisabeth Doineau et M. Henri Cabanel applaudissent également.)
Mme Jocelyne Guidez . - Je remercie la rapporteure pour la qualité de ses travaux. C'est avec beaucoup de modestie que je prendrai la parole au nom du groupe UC sur un texte qui, par essence, n'est pas compatible avec une position commune ; nos votes seront donc partagés.
Un constat, une indignation s'imposent pourtant à tous : nous mourons mal en France. Pas moins de 26 départements ne disposent pas d'unité de soins palliatifs. L'environnement du décès, souvent, ne garantit pas le respect au mourant et à ses proches.
Aussi le groupe UC souhaite-t-il user de cette tribune pour demander au Gouvernement de développer des unités de soins palliatifs. Les modules de formation, initiale ou continue, des médecins doivent intégrer cet aspect.
Les lois de 2005 et 2016 restent trop méconnues : un meilleur usage des possibilités qu'elles ouvrent, comme les directives anticipées et la désignation de la personne de confiance, serait préférable à une nouvelle évolution de la législation.
Pourquoi ne pas obliger à la rédaction de directives anticipées dès l'âge de 18 ans, avec une révision tous les dix ans ?
Évoquant son expérience de médecin installée près de la frontière belge, Véronique Guillotin indiquait en commission que les malades ne demandent plus d'aller mourir à l'étranger lorsqu'ils sont en mesure de rester à domicile dans des conditions dignes.
Je voterai contre cette proposition de loi qui répond à certaines questions, mais dont les dispositions ouvrent de nouveaux problèmes, source de contentieux.
Ce texte introduit en effet un changement de paradigme avec le suicide assisté et l'euthanasie. Le législateur a jusqu'à présent préféré éviter l'acharnement thérapeutique et favoriser les traitements antidouleur pouvant entraîner la mort ou la sédation profonde et continue, sans aller jusqu'à autoriser un acte positif ayant pour seul but de donner la mort. De plus, ce texte crée une fiction juridique avec l'enregistrement du décès après euthanasie comme « mort naturelle ».
À l'article 7, la proposition de loi prévoit une consultation du partenaire de vie en l'absence de directives anticipées et de désignation d'un partenaire de confiance - mais sans préciser la durée de la vie commune. Quid de l'avis des enfants ou parents face à un conjoint récent ?
Néanmoins je remercie les auteurs de la proposition de loi pour avoir lancé ce débat important, qui met en lumière les demandes, difficultés et freins sociétaux. Je ne voterai pas la suppression de l'article premier car le débat doit avoir lieu. (Applaudissements sur les travées du groupe UC ; Mme Véronique Guillotin et M. Franck Menonville applaudissent également.)
M. Stéphane Ravier . - Le sommet de l'abject se rapproche de jour en jour. Le Gouvernement reporte aux calendes grecques le projet de loi Autonomie, abandonnant nos anciens, tandis que le groupe SER, jamais en retard d'une ignominie (exclamations indignées à gauche), veut euthanasier nos malades. Ce sont les mêmes qui ont supprimé la peine de mort pour les criminels qui tuent des innocents ! (Applaudissements ironiques sur les travées du groupe SER)
Alors que nous avons mis à l'arrêt l'économie pour protéger nos anciens et nos plus fragiles ces derniers mois, vous balayez ces sacrifices pour offrir aux Français une perspective macabre dans un projet nauséabond et matérialiste, ce projet que l'on nomme par antinomie « progressiste », pour éliminer ceux qui ne sont plus jugés utiles. (Marques d'exaspération à gauche)
Le professeur Jean Bernard disait qu'il faut « ajouter de la vie aux jours lorsqu'on ne peut plus ajouter de jours à la vie ». C'est cela, la médecine humaniste. La souffrance peut faire peur, la liberté sans frein peut séduire ; mais jamais la mort précipitée ne doit être une solution. Une fin de vie confortable, voilà ce qui fait honneur à la société, à la conscience individuelle. Ne cédons pas à l'inconscience collective.
De trop nombreux paysans, commerçants, membres des forces de l'ordre se suicident parce qu'ils se sentent abandonnés : à la solidarité nationale d'endiguer ce phénomène, au lieu de légaliser le suicide assisté.
Vous voulez faire table rase de notre idéal de protection de la vie humaine au nom de la liberté - un nouveau crime commis en son nom ! Est-ce cela, la société éclairée ? Tant de Lumières vous aveuglent, en vérité.
Mme la présidente. - Veuillez conclure.
M. Stéphane Ravier. - Rejetez ce texte mortifère. (Les sénateurs de gauche frappent leur pupitre pour couvrir la voix de l'orateur.) Le Sénat doit plus que jamais être le rempart infranchissable qui protège la vie.
M. René-Paul Savary . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Yves Détraigne applaudit également.) Comme tout médecin généraliste, j'ai été confronté à des fins de vie insupportables de patients. Je me souviens de Jeanne, me répétant à chaque visite qu'elle voulait en finir, qu'elle souffrait le martyre. Je lui ai dit que j'étais prêt à répondre à sa volonté. (Mme Catherine Apourceau-Poly manifeste sa surprise.) J'ai alors vu dans son expression la crainte de ne plus vivre. Au fond d'elle-même, elle n'était pas prête.
La volonté d'un jour n'est pas forcément celle de toujours. En la matière, le dialogue singulier entre le médecin et le patient est primordial. Or nous avons une loi pour cela : la loi Claeys-Leonetti. Alors rapporteur du texte, notre ancien collègue Michel Amiel citait Alfred Camus qui décrivait la mort heureuse, « la tête dans les étoiles » - avant d'ajouter que ce n'est pas ainsi que les choses se passent.
Cette proposition de loi s'adresse à ceux qui veulent mourir. Elle est plus sociétale que médicale, et je ne suis pas sûr qu'elle réponde à toutes les questions. Les patients désireux de mourir le veulent-il vraiment ? Leur volonté ne peut-elle être orientée ?
Décrire la mort par euthanasie comme « naturelle », n'est-ce pas le signe d'une science à la dérive ? La clause de conscience, n'est-ce pas reconnaître qu'on ne sait pas jusqu'où aller dans l'aide active à mourir ?
Selon un collectif de médecins gériatres, dans les pays où l'aide active à mourir est autorisée, les patients peuvent ressentir une pression de la société ou de leur famille pour demander une mort anticipée.
Appliquons déjà la loi Claeys-Leonetti. Elle n'est pas encore suffisamment assimilée, puisque trop peu de Français, le ministre l'a dit, prennent des directives anticipées. Il n'y a pas d'unités de soins palliatifs sur tout le territoire. Voilà des inégalités territoriales qui ne sont pas résorbées.
Certains parlent de l'expérience de nos voisins belges et suisses, de l'exemple de Paulette Guinchard-Kunstler ; d'autres mentionneront peut-être Vincent Lambert ou Vincent Humbert. Chaque individu mérite la dignité jusqu'à son dernier souffle.
Ce texte ne répond pas aux difficultés soulevées ; dans sa majorité, le groupe Les Républicains ne le votera pas. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Yves Détraigne applaudit également.)
M. Pierre Médevielle . - Avec l'augmentation de l'espérance de vie et les évolutions de la société, la fin de vie s'invite régulièrement dans nos débats et nos consciences.
La loi Leonetti de 2005 a créé l'obligation des soins palliatifs dans l'accompagnement vers la fin de vie - des soins actifs uniquement destinés à soulager le patient et pouvant éventuellement, dans le cas des opiacés par exemple, provoquer le décès. Il n'est pas question d'anticiper la mort par l'injection d'une substance létale.
Un nouveau pas est franchi en 2016 avec la loi Claeys-Leonetti, et notamment les directives anticipées. Elle ne permet cependant pas le suicide assisté. Différence de taille : la loi Claeys-Leonetti ne s'adresse pas à des personnes qui veulent mourir, mais à celles qui vont mourir. Elle reste hélas méconnue par nombre de patients.
Cette proposition de loi nous invite, avec le suicide assisté, à un changement de paradigme. Y sommes-nous prêts ?
Ce débat mérite davantage que dix articles ; il faut un meilleur encadrement juridique. Ce texte pose plus de problèmes qu'il n'en règle.
L'article 3 qualifie le suicide assisté de mort naturelle - beau sujet d'étude pour les juristes ou les assureurs ! En vérité, chaque cas est unique et doit être traité individuellement. Les soignants le savent : la loi Claeys-Leonetti, bien appliquée, répond à la grande majorité des cas.
Le groupe INDEP ne votera pas ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP et sur plusieurs travées du groupe Les Républicains)
Mme Raymonde Poncet Monge . - La question du droit à bénéficier d'une aide active à mourir s'invite régulièrement dans nos débats de société.
Plusieurs propositions de loi ont été déposées à l'Assemblée nationale, nos voisins l'autorisent, les Français y sont majoritairement favorables. Pourquoi un tel blocage ?
On meurt mal en France : le développement des soins palliatifs est insuffisant, et la fermeture de dizaines de milliers de lits de spécialité où l'on prodiguait ces soins a aggravé cette insuffisance. Mais cela n'épuise pas la question : la Belgique, pionnière en matière de soins palliatifs, autorise aussi l'euthanasie.
Nul ne peut choisir au nom du patient qui souffre, nul ne peut définir à sa place le sens de ce qu'il lui reste à vivre. La société doit respecter ce choix individuel et le rendre effectif.
Le suicide n'est pas interdit, mais l'aide active des soignants n'est pas permise. Cela conduit à des pratiques illégales, à des suicides violents, à des départs à l'étranger, à des fins de vie indignes.
Ce texte reconnaît simplement, quand le médecin se retire, le droit à choisir le moment où l'on éteindra la lumière.
Alors qu'elle jugeait la loi française suffisante pour répondre à toutes les situations, Paulette Guinchard-Kunstler s'est finalement résolue à mourir en Suisse, preuve des insuffisances du texte.
Je vous invite à voter cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du GEST et du groupe SER)
M. Jean-Luc Fichet . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) À chaque exemple de fin de vie douloureuse, le sujet revient dans nos débats.
Les lois de 2005 et 2016 ont fait utilement avancer la législation, mais elles demeurent insuffisantes.
Cette proposition de loi que j'ai cosignée s'inscrit dans un contexte unanime de demande d'évolution de la part des Français, qui sont 96 % à être favorables au droit à l'euthanasie, selon l'institut Ipsos.
Cela permettrait de rompre avec un système inégalitaire devant la fin de vie. Les Pays-Bas, la Belgique, le Luxembourg et, depuis le 29 janvier 2021, le Portugal autorisent l'euthanasie. L'Espagne s'apprête à faire de même après le vote des députés en décembre. Si comparaison n'est pas raison, nous ne pouvons en faire fi.
Cette proposition de loi autorise le suicide assisté et inscrit dans le code de la santé publique le droit à l'aide active à mourir.
La mort relève de convictions intimes ; il est toujours difficile de légiférer en la matière, mais il apparaît légitime de permettre à chacun de choisir les conditions de sa mort. Il ne peut y avoir de fin de vie digne sans accompagnement.
La proposition de loi crée aussi un registre national des directives anticipées et affirme le rôle de la personne de confiance. Elle institue un droit universel à bénéficier de soins palliatifs. Son application demande des moyens financiers et humains à la hauteur des enjeux.
Ce texte de liberté n'impose rien, mais donne à chacun la faculté ultime de choisir sa fin de vie. Par-delà les sensibilités politiques, je vous invite à le voter. (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; MM. Pierre Ouzoulias et Henri Cabanel applaudissent également.)
M. Jean-François Rapin . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Sophocle écrivait : « Si j'étais mort, je ne serais pas un tel sujet d'affliction pour mes amis et pour moi-même. » Ce propos de l'Antiquité prend ici toute son actualité.
La présidente Deroche le disait : la dignité humaine reste présente jusqu'au dernier souffle, malgré la déchéance physique. Suicide assisté et euthanasie sont-ils des moyens de préserver la dignité jusqu'au dernier souffle ? En tant que médecin, je ne le crois pas.
La volonté des patients peut varier, comme le rappelait René-Paul Savary ; comment s'assurer qu'elle est définitive ? Malgré la clause de conscience, le médecin engage sa responsabilité morale en acceptant ou en refusant l'aide à mourir. En réalité, chaque dossier médical devrait s'apprécier en fonction du contexte hospitalier.
L'article 4 prévoit un ordre de préférence pour les personnes de confiance ; je serais bien en peine de le faire entre mes quatre enfants...
Je salue cependant l'article 9 sur le droit universel effectif à bénéficier de soins palliatifs. Cela permet un bilan de l'offre existante, qui est insuffisante.
Jean Castex a annoncé le deuxième volet du Ségur de la santé, à savoir le lancement d'une nouvelle politique d'investissement dans le système de santé, avec une enveloppe de 19 milliards d'euros ; mais rien sur les soins palliatifs. Aussi, je mets beaucoup d'espoir dans votre annonce, monsieur le ministre.
La rapporteure a reconnu que seuls 18 % des Français ont rédigé des directives anticipées, et que 54 % ne souhaitent pas en rédiger. Preuve que les Français n'attendent pas d'évolution de la législation. C'est pourquoi notre groupe votera contre.
Il y a quelques mois, pour la première fois de ma carrière, j'ai annoncé à une jeune femme qu'elle allait mourir ; elle m'a demandé le droit à vivre dans la dignité. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
La discussion générale est close.
Discussion des articles
Article premier
M. Bernard Jomier . - Le constat est partagé : trop de Français meurent insuffisamment soulagés, apaisés, respectés. C'est une honte collective. Comment avancer ?
Certes, une meilleure application de la loi Claeys-Leonetti améliorerait les choses, mais ce n'est pas suffisant. Il reste quelques cas, peu nombreux certes mais assez pour justifier une évolution législative, avec un cadre largement acceptable par nos concitoyens.
Pour autant, je ne suis pas favorable à la partie de l'article premier qui concerne l'euthanasie, que je ne voterai pas.
Monsieur le ministre, acceptez que le Parlement débatte et, surtout, mettez à l'ordre du jour un projet de loi sur le sujet. Je remercie Marie-Pierre de La Gontrie pour ce débat.
M. Thierry Cozic . - « La mort n'est pas un mal, l'approche de la mort en est un », écrivait Quintus Ennius. Nos visions de la mort diffèrent, mais il est difficile de répondre aux familles que la seule issue, pour un proche souffrant, consiste à gagner quelques jours. Il faut aider à mourir dans la dignité.
En 2014, 96 % des Français étaient favorables à l'euthanasie. En 2017, 90 % étaient favorables au suicide assisté et 95 % à l'euthanasie. Professeur de philosophie à l'université de Grenoble, Jean-Yves Goffi utilise l'argument libéral de la souveraineté sur soi-même : il est tyrannique de limiter la liberté d'action d'un individu qui, agissant en toute connaissance de cause, ne fait aucun tort aux autres.
La loi de 2016 est insuffisante : beaucoup de Français qui en ont les moyens partent à l'étranger pour obtenir une aide active à mourir. Il faut changer la législation pour faciliter le libre choix. (Applaudissements sur les travées du groupe SER)
Mme Cathy Apourceau-Poly . - J'ai été alertée par une mère de famille dans le Pas-de-Calais sur la question de la fin de vie pour les personnes handicapées mentales - son fils, en l'occurrence. Elle a cherché des réponses et n'a trouvé que culpabilité, peur et honte. La loi Leonetti ne prévoit rien en la matière. Monsieur le ministre, comment est-il possible d'adapter le recueil du consentement pour ces personnes ? Les familles se retrouvent bien seules, avant comme après la mort, alors qu'elles sont hantées par la culpabilité de ne pas avoir offert une fin de vie digne à leur proche.
Mme Esther Benbassa . - Si la loi devrait être la locomotive des changements de société, celle-ci exprime parfois des demandes que le législateur doit entendre. En matière de fin de vie, la France a du retard par rapport à ses voisins qui ont déjà mis en place des procédures d'euthanasie et de suicide assisté.
Les lois de 2005 et de 2016 améliorent les conditions de la fin de vie, certes, mais ne permettent pas de choisir celle-ci. Cela pousse certains Français à aller mourir à l'étranger : 80 personnes vont pour cela en Suisse chaque année.
Pourtant, selon un sondage Ipsos de 2019, 96 % des Français seraient favorables à l'euthanasie. La grande majorité du GEST votera ce texte. Merci à Marie-Pierre de La Gontrie et Michelle Meunier, autrice et rapporteure de ce texte. (Applaudissements sur les travées du GEST et sur plusieurs travées du groupe SER)
M. Patrick Kanner . - La semaine dernière, Paulette Guinchard nous quittait à l'âge de 71 ans. La première fois que l'on croisait Paulette, on était enveloppé par sa gentillesse, sa bonté, sa gouaille, son regard franc et rieur qui ne venait pas troubler les longues mèches grises qui lui couvrait la moitié du visage. Fille de paysans, issue d'une fratrie de huit enfants, elle s'engagea dans sa vie professionnelle comme infirmière en psychiatrie auprès d'enfants autistes, mais aussi en politique dès ses 20 ans dans le syndicalisme agricole catholique, puis au PSU de Michel Rocard et enfin au PS de François Mitterrand auquel elle resta fidèle jusqu'au bout de sa vie. Maire, députée, secrétaire d'État auteure de la grande loi sur l'allocation personnalisée d'autonomie, elle était malade depuis près de quinze ans et savait par son expérience familiale à quoi la mènerait cette maladie dégénérative incurable. À cette femme qui a tant souffert, qui a tant fait pour son pays, qu'avons-nous répondu ? Va mourir en Suisse ; ici, ton corps ne t'appartient pas !
Nous parlons d'un droit fondamental pour la personne humaine de vivre jusqu'au bout dans la dignité et de choisir sa mort. « Les grandes peurs périssent d'être reconnues », écrivait Camus. Et quelle peur, je vous le concède... Méditons cette belle phrase de Marie-Guite Dufay : « Paulette avait pris sa décision. L'aimer, c'était respecter celle-ci. L'aimer, c'était la laisser partir. » Je voterai en conscience l'article premier. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE)
M. Jean-Claude Tissot . - Cette proposition de loi est la conquête d'un droit fondamental. C'est une mesure d'égalité car, aujourd'hui, seules les personnes en ayant les moyens financiers et humains peuvent partir mourir à l'étranger. Le Conseil d'État a signalé les inégalités en matière de soins palliatifs sur le territoire : 26 départements en sont dénués. Le taux de suicide des personnes âgées en France est parmi les plus importants.
N'opposons pas accès aux soins palliatifs et droit à mourir dans la dignité : les deux sont des choix dignes. Je vous invite à voter cet article. (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; Mme Laurence Cohen applaudit également.)
M. Pierre Ouzoulias . - Sénèque disait : il y a deux dangers à éviter : se suicider quand il ne le faut pas, et ne pas se suicider quand il le faut. Il disait à ses esclaves, quelque temps avant son propre suicide : « Tam mali exempli esse occidere dominum quam prohibere », ce serait un aussi mauvais exemple d'empêcher le suicide de votre maître que de le tuer.
Depuis 2000 ans, notre humanité remue ces questions. Permettez-moi de vous parler de ce que m'a enseigné mon grand-père. Sous la torture, certains résistants préféraient se défenestrer. Mon grand-père voulait aussi décider de sa mort : « Je tente de conduire mon existence selon mes convictions humanistes ; je veux décider de ma mort ; je vous demande de m'en donner le droit au nom mon humanité. En choisissant ma mort, je veux transmettre aux générations futures l'exigence de la condition humaine : ma certitude, c'est que c'est la mort qui donne du sens à la vie. » (Applaudissements nourris sur les travées des groupes CRCE et SER ; M. Xavier Iacovelli applaudit également.)
Mme Élisabeth Doineau . - Merci, cher Pierre Ouzoulias, pour vos paroles. Je suis favorable à cette proposition de loi, mais cela n'a pas toujours été le cas. Cette conviction est le fruit d'un cheminement personnel, de lectures et de discussions. Une amie atteinte de la maladie de Charcot est partie mourir en Suisse. Mon cheminement a été nourri par des discussions avec mon époux, mon fils et mes amis.
Que ferais-je si j'étais dans un tel état de souffrance, si ni les soins palliatifs ni la loi Leonetti ne m'apportaient de solution ? Je demanderais cette dépénalisation. Ai-je le droit de l'imposer à tous ? Mais mon choix peut être celui d'autres personnes ; je ne l'impose en rien, je le propose.
Personnellement, avec force, je suis favorable à votre proposition. Arrêtons de procrastiner, de rapport en rapport, de discussion en discussion.
Merci, monsieur le ministre, pour vos annonces. Je serai très vigilante sur les montants qui seront alloués aux soins palliatifs. Les équipes de ces services font preuve d'un humanisme extraordinaire, mais elles sont parfois impuissantes. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, ainsi que sur de nombreuses travées à gauche)
M. Rachid Temal . - Merci à Marie-Pierre de la Gontrie pour sa proposition. Le Sénat a rendez-vous avec l'histoire : devons-nous aller vers plus de progrès ou attendre un énième rapport ? Au nom de la devise républicaine, je vous invite à aller vers la liberté de choisir la fin de vie, l'égalité devant l'accès aux soins palliatifs - qu'il ne faut pas opposer à la sédation ou au droit de mourir dans la dignité - la fraternité, qui ne peut se résoudre à ce qu'on meure si mal en France.
M. Rapin a fait état de son expérience de médecin. Je vous ferai entendre celle d'un patient. Je vis depuis quinze ans avec une maladie qui pourrait un jour me confronter avec cette situation. Je ne vois pas pourquoi la loi devrait me forcer à aller mourir dans un autre pays. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE et sur plusieurs travées du GEST, du RDPI, du RDSE et du groupe UC)
M. Bernard Bonne . - Comme une majorité des membres de mon groupe, je voterai contre cet article premier. Je retiens l'engagement du ministre en faveur d'une loi qui comblerait les manques de la loi Claeys-Leonetti et d'une amélioration des soins palliatifs.
Mais je suis gêné par l'euthanasie, qui consiste à mettre fin délibérément à la vie de quelqu'un qui le demande. Oui, la maladie de Charcot est un cas particulier dont nous devrons parler. Mais que dire à un tétraplégique après un accident qui demanderait l'euthanasie ? Doit-on l'accepter ?
M. Rachid Temal. - Bien sûr !
M. Bernard Bonne. - Ou doit-on le soulager ? On a vu des personnes qui ont su retrouver des espérances malgré leur état. Que dire aux personnes handicapées, ou dans un état de mal-être extrême, demandant qu'on les aide à mourir ? Nous devons encore réfléchir...
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - Jusqu'à quand ?
M. Bernard Bonne. - Il y a une grosse différence entre laisser partir et faire partir. (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe Les Républicains)
M. Henri Cabanel . - Je remercie Marie-Pierre de La Gontrie. Chacun a sa propre idée sur ce sujet difficile. La loi de 2016 a permis des avancées, mais est-elle suffisante ? Je remercie le ministre pour l'annonce d'un plan national sur les soins palliatifs. Cela permettra de mieux mettre en oeuvre la loi. Il y a bien les directives anticipées, mais très peu de Français les ont exprimées. Combien sont au courant de cette possibilité ? Il faut mieux communiquer sur le sujet. Comment contraindre un malade à se voir diminuer mentalement et physiquement pour avoir ce droit à mourir dignement ?
Je suis favorable à ce texte. Je souhaite rendre hommage à Mme Paulette Guinchard qui était opposée à ce droit à mourir, mais qui a changé d'avis. Pourquoi ? Cela doit nous interpeller et nous aider dans notre réflexion. (Applaudissements sur les travées du RDSE et des groupes SER et CRCE ; Mme Élisabeth Doineau applaudit également.)
M. Jacques Grosperrin . - Je connaissais bien Paulette Guinchard, à qui j'ai succédé à l'Assemblée nationale. Elle a choisi de rendre public son choix car elle voulait faire évoluer la législation. J'ai une pensée pour tous ses proches, qui sont bouleversés. C'est une décision personnelle. Collectivement, cela nous apprend que le Sénat ne peut pas légiférer dans la précipitation.
La loi Claeys-Leonetti fait l'objet d'un consensus. Elle n'est certes pas adaptée à toutes les situations - mais aucun dispositif légal ne peut être adapté à des situations singulières. Oui, il faut faire évoluer la loi, mais pas n'importe comment.
Régis Aubry, qui a accompagné Paulette Guinchard, m'a dit qu'il était effrayé de voir ce qui se passait en Belgique en matière d'euthanasie.
Ouvrir trop vite et trop fort le droit à l'euthanasie pourrait entraîner un suicide trop rapide des personnes âgées. Il faut une politique d'accompagnement du vieillissement, il nous faut de la recherche en fin de vie, il nous faut des instituts des vulnérabilités, il ne faut pas mélanger l'éthique et la morale. Ne légiférons pas sur des situations exceptionnelles ! (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe Les Républicains)
M. Olivier Jacquin . - Mon département est voisin de la Belgique et du Luxembourg. Certains compatriotes fuient notre pays pour mourir là-bas. Je souhaite vous transmettre le message du docteur Yves de Locht, de Bruxelles : « J'espère que le Parlement français prendra ses responsabilités et nous soulagera, nous, en Belgique. J'aimerais que vous voyiez l'état déplorable dans lequel arrivent des centaines de vos compatriotes qui font des centaines de kilomètres pour être libérés. » Entendons-le ! (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE et sur plusieurs travées du RDSE)
M. Didier Marie . - Je salue la proposition de loi de Marie-Pierre de La Gontrie. Depuis 2016, la loi permet la sédation profonde et continue jusqu'au décès, compromis que j'estime insatisfaisant. Nous devons octroyer une nouvelle liberté : celle de mourir dans la dignité. Nous connaissons tous des situations intolérables. Certaines personnes ne peuvent pas choisir de partir, et vivent l'épreuve de la déchéance. Il faut du courage pour avouer qu'on veut en finir. Aimer ces personnes, c'est le comprendre.
Voter ce texte, c'est faire le choix de la liberté, du choix, de l'égalité et de la fraternité car c'est une preuve d'amour. (Applaudissements sur les travées du groupe SER)
Mme Annick Jacquemet . - L'article 4 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 dispose que la liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui. C'est la liberté de vivre, mais aussi de mourir.
Malgré les lois existantes, les fins de vie sont parfois inhumaines : des corps qui sont des plaies, des proches avec lesquels on ne peut plus communiquer qu'avec les yeux, que l'on veut aider, mais pour lesquels on ne peut rien faire... C'est inhumain.
Je remercie nos collègues de proposer une solution. J'espère que notre assemblée nous permettra d'échanger nos convictions et nos expériences personnelles.
La dernière preuve d'amour pour quelqu'un, c'est de l'accompagner jusqu'au bout et de respecter sa décision. N'est-ce pas égoïste de refuser de le voir partir ?
Monsieur le ministre, j'ai entendu vos propositions. Les soins palliatifs ne sont pas suffisamment développés. Les familles sont souvent seules face à leurs malades alités. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, SER et CRCE et sur plusieurs travées du RDSE)
Mme Marie-Noëlle Lienemann . - Ces débats sont récurrents et je suis étonnée que nous ayons un tel retard sur d'autres pays.
Pendant des années, on nous a expliqué que la seule politique responsable était les soins palliatifs, que la sédation n'était pas souhaitable. Avec l'évolution des autres pays et face à la réalité, la loi Claeys-Leonetti a finalement été une avancée, mais insuffisante.
Où commence et où finit la liberté de chaque individu ? Dans la vision républicaine rappelée par notre collègue, elle finit là où commence la liberté des autres et là où elle porte atteinte à l'intérêt général. Dans les cas dont nous parlons, personne n'est lésé ; la société ne l'est pas non plus ! Je félicite Mme de La Gontrie d'avoir mis ce sujet au débat.
Il est important par ailleurs de faire vivre le principe de fraternité, fondé sur la dignité humaine. Permettons à toute personne qui le souhaite, quand elle estime sa dignité bafouée, de mourir. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE et SER et sur plusieurs travées du GEST)
M. David Assouline . - Mourir dans la dignité, c'est vivre collectivement dans la dignité. C'est l'assurance que notre dignité sera respectée jusqu'à la fin. Cela a été bien plaidé par de nombreux collègues, mêlant réflexion personnelle et acte politique. Je les en remercie, ainsi que Marie-Pierre de La Gontrie.
Le Sénat est souvent considéré, à tort, comme une chambre du passé. Or, dans son histoire, il a souvent été à la pointe sur les questions de société, étant moins soumis à la pression de l'opinion.
Poursuivons cette tradition de liberté en participant positivement au débat.
Je constate, hélas, que ceux qui ne sont pas dans l'hémicycle décideront pour les autres. La majorité n'est pas là pour échanger... (Marques d'impatience à droite)
Mme la présidente. - Veuillez conclure
M. David Assouline. - Je voterai ce texte.
M. Jean-François Longeot . - À titre personnel et au nom de la liberté, je voterai l'article premier. Ce débat, certes difficile, ne peut pas être toujours repoussé. Il nous touche personnellement, mais, comme parlementaires, nous devons décider et assumer nos décisions.
Paulette Guinchard-Kunstler, qui était députée de la circonscription où se trouve la commune dont j'étais maire, n'était pas favorable au suicide assisté ; elle y a pourtant eu recours à la fin de sa vie. Cela doit nourrir notre réflexion.
Je comprends que certains y soient opposés, mais je crois que la liberté ordonne de permettre de mourir dans la dignité. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et SER, ainsi que sur plusieurs travées du RDSE et du GEST)
M. Jean-Michel Arnaud . - J'ai été élu il y a quelques mois. Famille, amis, professionnels de santé, responsables associatifs m'ont demandé de porter la voix de la tendresse, de l'amour et de la bienveillance pour ceux qui ne reconnaissent plus dans leur expérience la vie qu'ils ont eue.
Je pensais qu'au Sénat, il était possible de trouver des consensus au-delà des clivages et des idéologies.
Il faut entendre les familles et les équipes qui accompagnent les mourants : ils réclament une évolution de la législation.
Je souhaite que nous votions ce texte pour que le débat se poursuive à l'Assemblée nationale, dans un souci de dignité, de fraternité et d'humanité. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, SER et CRCE et sur plusieurs travées du GEST et du RDSE)
Mme la présidente. - Amendement n°2 rectifié, présenté par MM. Médevielle, Menonville et Chasseing, Mmes Paoli-Gagin et Mélot et MM. Lagourgue et Capus.
Supprimer cet article.
M. Pierre Médevielle. - La loi Leonetti-Claeys, votée en 2016, modifie les dispositions applicables en matière d'accompagnement de la fin de vie. Cependant, elle n'est pas suffisamment appliquée. Attachons-nous à l'appliquer, plutôt que de la modifier.
Mme Michelle Meunier, rapporteure. - À titre personnel, je suis opposée à cette suppression de l'article premier. La loi de 2016 comporte des lacunes pour certaines situations, notamment lorsque la mort n'est pas imminente. Dès lors, certains patients se rendent à l'étranger. Toutefois, la commission des affaires sociales a émis un avis favorable à cette suppression.
M. Olivier Véran, ministre. - Je remercie ceux qui se sont exprimés sur l'article premier. Ces débats sont essentiels.
J'avais travaillé sur la loi Claeys-Leonetti comme député...
M. Rachid Temal. - Socialiste !
M. Olivier Véran, ministre. - Tout à fait. Ce n'est pas un gros mot ! Cette proposition de loi va au-delà.
L'un de mes professeurs à la faculté de médecine disait : on ne peut pas vouloir la mort, parce que l'homme ne peut pas vouloir ce qu'il ne connaît pas. Or nul ne sait ce qu'il y a après la mort. En revanche, il est concevable qu'on ne veuille plus vivre une vie devenue insupportable. La loi Claeys-Leonetti répond à cette situation : il n'y a pas de solution qui ne puisse être apportée à un patient qui serait en souffrance physique ou morale violente, irrémédiable, irréversible.
Ce texte répond à une situation différente. Comme médecin neurologue, j'ai eu à annoncer des maladies graves, des maladies de Charcot. Certaines familles m'ont demandé qu'on abrège la souffrance de leur proche. Les directives anticipées rendent les situations moins conflictuelles, mais les proches parfois s'y opposent.
Je me souviens d'un patient âgé qui avait fait un grave accident vasculaire cérébral. Il n'aurait jamais retrouvé la parole. « Que faire ? » ai-je demandé à sa femme. L'emmener en réanimation ou tout arrêter ? C'est une question très difficile, surtout qu'elle se pose le plus souvent de manière brutale.
Il est préférable de faire mieux connaître la loi de 2016 et de développer les soins palliatifs, comme je l'ai annoncé avec le cinquième plan. Quand elle est appliquée, la loi Claeys-Leonetti, qui est issue d'un consensus droite-gauche, répond aux problématiques rencontrées dans la grande majorité des cas.
Votre proposition est différente : il s'agirait ici de choisir les conditions et le moment de sa mort. Cela suppose un débat sociétal. Certains pays sont allés très loin en matière de suicide assisté et sont revenus en arrière. D'autres n'ont pas anticipé et se sont retrouvés confrontés à de violents débats, notamment s'agissant de patients mineurs.
En tant que ministre, je ne me positionnerai jamais sur le terrain de la morale. En revanche, je considère que, malgré le sérieux du travail et l'ancienneté de la réflexion, les conditions ne sont pas réunies pour adopter une telle proposition de loi, dans un contexte épidémique qui rend encore plus sensible la question des personnes âgées dans les Ehpad et les services de réanimation. (Protestations à gauche)
Le Gouvernement n'a pas de mandat pour soutenir une mesure qui n'a pas été présentée aux Français lors de la campagne présidentielle. (Vives protestations à gauche)
M. Hussein Bourgi. - Et la souveraineté du Parlement ?
M. Olivier Véran, ministre. - Un sujet aussi important justifie qu'on en avertisse les Français. Ce débat, légitime, se poursuivra mais en l'état, le Gouvernement est défavorable à cette proposition de loi et donc favorable à l'amendement de suppression. (Protestations à gauche)
M. Jacques Grosperrin. - Très bien.
Mme la présidente. - Je vous indique qu'un scrutin public a été demandé sur cet amendement.
Mme Catherine Deroche, présidente de la commission des affaires sociales. - Mme Meunier a donné sa position personnelle sur ce texte, qu'elle soutient. Néanmoins, la commission des affaires sociales, défavorable au texte, a émis un avis favorable à cet amendement de suppression.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - La rapporteure l'a dit !
Mme Catherine Deroche, présidente de la commission. - La loi Claeys-Leonetti a ses faiblesses, elle ne répond pas à toutes les situations - je pense à la maladie de Charcot. Mais ce texte n'en est pas le prolongement : il ouvre de nouveaux droits, au suicide assisté et à l'euthanasie active.
Chaque position est respectable et nous ne portons pas de jugement de valeur, tant ce sujet touche à l'intime. La dignité est inhérente à la qualité humaine : toute personne reste digne jusqu'à son dernier moment. La dignité est aussi dans le regard que l'on porte sur la personne que l'on accompagne. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et INDEP)
M. Jacques Grosperrin. - Très bien.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - Je salue la qualité des interventions qui ont montré que le Sénat est capable d'échanges transpartisans. Je vous en remercie.
S'il est voté, cet amendement videra le texte de sa substance. J'ai entendu qu'un scrutin public avait été demandé. Pourtant, ce matin, la majorité des présents, sur tous les bancs, ont exprimé leur soutien au texte, même s'il y a des divergences.
Le scrutin public pose dès lors un problème démocratique. Il ne reflétera sûrement pas la position de cet hémicycle, pourtant fourni. Je souhaite que le groupe à l'origine de cette demande de scrutin public laisse vivre la démocratie. (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE, GEST et sur plusieurs travées du RDPI)
M. Olivier Cadic. - Lorsque j'étais membre de la commission des affaires sociales, j'avais exprimé à MM. Claeys et Leonetti mon insatisfaction devant l'absence de possibilité de suicide assisté en cas de maladie incurable. Une amie, dans cette situation, venait de m'appeler : elle souhaitait aller en Suisse, mais ce n'est pas si simple, elle ne l'a pas pu. Elle voulait s'endormir en tenant la main de ses enfants. Cela a duré des semaines, son fils a dû repartir outre-mer : sa dernière volonté n'a pu être accomplie. Je ne voterai pas cet amendement. (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE, GEST et sur plusieurs travées des groupes UC et RDPI)
Mme Laurence Cohen. - Nos débats sont riches, nous livrons une partie du plus profond de nous-mêmes. Je respecte toutes les positions, mais je crois que le Sénat doit jouer son rôle, avancer et voter ce texte. C'est une attente des Françaises et des Français.
L'argument de M. le ministre selon lequel il aurait fallu un débat de société ne me convainc pas. Que fait-il de la souveraineté du Parlement ? L'abolition de la peine de mort n'a pas fait l'objet d'un référendum !
Je suis très attachée à la liberté de pouvoir choisir sa mort. Il est hypocrite de dire que la loi actuelle est suffisante, alors que tant d'exemples montrent le contraire.
Aller à l'étranger pose un problème de coût, et ne permet pas un accompagnement par les proches. Ne votons pas cet amendement de suppression. (Applaudissements à gauche)
M. Pierre Ouzoulias. - Nous débattrons bientôt du projet de loi sur les principes de la République. Le premier d'entre eux est la souveraineté populaire, dont les parlementaires sont les représentants. C'est le Parlement qui fait la loi. Le césarisme référendaire n'est pas constitutif de la République.
On ne sait pas ce qu'il y a après la mort, ai-je entendu. À aucun moment notre débat n'a dépassé le cadre de la laïcité - autre principe de la République. Nous avons eu un débat noble, respectueux du sentiment religieux, un débat sur le droit.
Je me suis reconnu dans les propos de M. Arnaud : avoir fréquenté les services de soins palliatifs, cela change profondément votre conception. Vous savez bien, monsieur le ministre, que dans la pratique, le personnel médical va au-delà de ce que prévoit la loi, car il tient compte de la détresse des malades et des familles. Cessons cette hypocrisie et faisons avancer le droit, pour les protéger. (Applaudissements à gauche)
M. Philippe Mouiller. - À mon tour de saluer la qualité du débat qui a eu lieu ici mais aussi au sein de chaque groupe politique. Le scrutin public, que je confirme, garantit que la position de chacun sera respectée. J'entends les réserves de Mme de La Gontrie, mais lui fais observer qu'en 2001, son groupe n'hésitait pas à recourir aux scrutins publics ! Je ne sais pas quel sera le résultat du vote, car les positions divergent. J'attends de voir l'expression de la démocratie. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - Oh, la démocratie...
M. Guillaume Gontard. - Cet amendement vide le texte de son sens et je regrette qu'il ne fasse pas l'objet d'un vote personnel.
La liberté de choisir sa fin de vie touche à ce qu'il y a de plus intime. Quelles que soient nos convictions, la réalité et l'actualité médiatique nous ébranlent. La société est demandeuse d'une évolution : 96 % des Français sont favorables à l'euthanasie.
Je comprends les réticences du corps médical mais alors que l'espérance de vie augmente, que le transhumanisme ouvre des possibilités vertigineuses, acceptons que certains puissent faire un autre choix, mûrement réfléchi, face au défi du grand âge, de la maladie, de la détérioration du corps et de la conscience. Il est temps d'inscrire cette ultime liberté dans la loi. Je suis totalement opposé à cet amendement. (Applaudissements sur quelques travées à gauche)
Mme Raymonde Poncet Monge. - Sans cet amendement de suppression, nous voterions pour ou contre l'article. Je trouve très regrettable de ne pas avoir la possibilité de voter pour cette loi. C'est illisible pour l'opinion. Avec cet amendement, on nous oblige à adopter une position renversée, hypocrite. Si vous êtes contre la proposition de loi, votez à l'issue de son examen !
Mme Michelle Gréaume. - Chacun a sa vision propre du droit de mourir. J'ai toute confiance dans nos médecins. Ce n'est pas simple : la procédure est longue, l'issue fatale. Ce texte ne prévoit aucune obligation, c'est un choix laissé à celui qui le souhaite. Des patients mais aussi certains médecins le réclament.
Le Président de la République, sollicité en direct par certains patients, avait répondu qu'on ne pouvait apporter de réponse à leur demande. Votons cette loi ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE)
Mme Catherine Deroche, présidente de la commission. - Madame Poncet Monge, il n'y aurait aucune cohérence à voter un article pour ensuite voter contre le texte ! L'article premier est le coeur du dispositif. Quand bien même l'amendement de suppression ne serait pas adopté, nous voterions contre l'article ! Je ne comprends pas cette nouvelle façon de légiférer.
Nous avons débattu au sein de notre groupe du scrutin public, dont on peut penser ce que l'on veut.
M. David Assouline. - Que du mal !
Mme Catherine Deroche, présidente de la commission. - Nos collègues ont donné des consignes de vote...
M. David Assouline. - Ils ne sont pas là !
Mme Catherine Deroche, présidente de la commission. - Vous ne l'êtes pas toujours non plus, monsieur Assouline !
Retirer la demande de scrutin public serait inconvenant à leur égard. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
À la demande du groupe Les Républicains, l'amendement n°2 rectifié est mis aux voix par scrutin public.
Mme la présidente. - Voici le résultat du scrutin n°88 :
Nombre de votants | 331 |
Nombre de suffrages exprimés | 303 |
Pour l'adoption | 161 |
Contre | 142 |
Le Sénat a adopté.
L'article premier est supprimé.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - Cet article était le coeur de la proposition de loi. À regret, vu la qualité du débat et le résultat éloquent du vote, en vertu de l'article 26 du Règlement du Sénat, je retire la proposition de loi de l'ordre du jour de notre assemblée. (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE, GEST, UC et RDPI)
Mme la présidente. - Acte est donné du retrait de cette proposition de loi par le groupe SER de l'ordre du jour de son espace réservé.
La séance est suspendue à 13 h 15.
présidence de M. Roger Karoutchi, vice-président
La séance reprend à 14 h 45.