Adaptation au droit de l'Union européenne en matière économique et financière (Procédure accélérée)
M. le président. - L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne en matière économique et financière (procédure accélérée).
Discussion générale
M. Alain Griset, ministre délégué auprès du ministre de l'économie, des finances et de la relance, chargé des petites et moyennes entreprises . - Je suis très heureux d'être devant vous pour défendre ce projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne en matière économique et financière, autrement appelé « Ddadue ». Déposé le 12 février sur le bureau du Sénat, il aurait dû être examiné à partir du 24 mars.
Depuis, deux lettres rectificatives l'ont modifié. Son contenu couvre tout le spectre de notre activité économique et financière : protection des consommateurs, conformité des produits, relations entre entreprises, douanes, lutte contre le blanchiment, gestion du Feader, autorité de la concurrence. Cette diversité témoigne de la forte activité législative du Conseil de l'Union européenne et du Parlement européen, amenant les États membres à adapter leur droit économique et financier à l'horizon des années 2020 et 2021.
Le Sénat a été attentif aux prérogatives respectives du Gouvernement et du Parlement, notamment au regard des ordonnances. Il a notamment réduit les délais de plusieurs habilitations. Les modifications ne posent pas de problème sauf aux articles 7, 15 et 18, pour lesquels le Gouvernement souhaiterait davantage de temps.
Je vous remercie pour le travail effectué en commission sur ce texte ardu. Sur les 39 amendements que vous avez adoptés, une grande majorité recueille notre assentiment.
Le texte renforce la protection des consommateurs en prenant en compte l'expansion du numérique qui « crée une nouvelle donne », porteuse d'opportunités mais nécessite aussi des protections renforcées.
Le projet de loi précise les nouvelles obligations des places de marché en ligne et les conditions de commercialisation des contenus et services numériques. Il renforce les pouvoirs de l'autorité de contrôle nationale et les sanctions applicables pour mieux lutter contre les pratiques frauduleuses dans le cadre d'une augmentation croissante de ventes via des interfaces en ligne. Il modernise les règles en matière de pratiques commerciales déloyales. De plus, il complète notre droit de la consommation pour créer, au titre du règlement dit « géoblocage », qui interdit les restrictions des sites en ligne fondées sur la nationalité, le lieu de résidence ou le lieu de connexion, un régime de sanctions administratives, ainsi que des habilitations pour les agents de la DGCCRF à en contrôler l'application dans les échanges transfrontières, en particulier en outre-mer.
Ce texte comprend des mesures de régulation financière contre le blanchiment. Il tire les conséquences de l'entrée en vigueur du règlement relatif aux contrôles de l'argent liquide entrant ou sortant de l'Union, dit cash control, sur l'argent expédié via le fret, y compris La Poste notamment.
Ce projet de loi transpose plusieurs directives européennes contribuant à une meilleure supervision des activités financières au sein de l'Union européenne portant sur l'encadrement des obligations garanties, des entreprises d'investissement, de la commercialisation transfrontalière des organismes de placement collectif en valeurs mobilières et des fonds d'investissement alternatifs dans l'Union européenne.
Sur la transparence dans les relations interentreprises, le projet de loi permet de recourir à une habilitation pour intégrer dans le code de commerce des obligations supplémentaires relatives aux pratiques commerciales déloyales interentreprises au sein de la chaîne agricole et alimentaire. Il s'agit là de rétablir la loyauté des transactions lorsque les relations commerciales sont trop déséquilibrées, dans un secteur particulièrement important pour notre pays, comme l'a rappelé le confinement.
En ce qui concerne la concurrence, l'article 25 met le droit français en conformité avec la directive ECN+ visant à doter les autorités de concurrence des États membres des moyens de mettre en oeuvre plus efficacement les règles de concurrence.
Sur un sujet cher au Sénat, vous avez introduit des articles nouveaux sur la publicité en faveur des vaccins vétérinaires et la lutte contre les déserts vétérinaires qui recueillent l'avis favorable du Gouvernement.
Malgré sa complexité, c'est un seul et même esprit qui sous-tend ce texte : une Union européenne plus protectrice, plus proche des citoyens et qui porte un approfondissement de la coopération entre les États membres. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Indépendants, ainsi que sur le banc de la commission)
M. Jean Bizet, rapporteur de la commission des finances . - (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC) Bienvenue dans cet hémicycle, monsieur le ministre. La cohérence de ce texte ne tient guère qu'à la transcription dans notre droit de dispositions nouvelles de l'Union européenne. En dresser un panorama global est une gageure, d'autant que deux lettres rectificatives en ont renforcé l'hétérogénéité ; j'aborderai quelques points et vous renverrai pour le reste au rapport de M. Duplomb et au mien.
Ce texte comporte 25 articles dont 13 examinés par la commission des finances sur la règlementation douanière et le droit bancaire et financier. Son article 24, inséré par le Gouvernement, porte sur le Feader, corrigeant une incohérence de la loi Maptam qui confiait la gestion des crédits aux régions jusqu'en 2020, alors que leur exécution court jusqu'en 2023. Mais sa version initiale prévoyait aussi une habilitation sur la gestion future. La commission a supprimé ces dispositions qui auguraient d'une recentralisation de la gestion des crédits contradictoire avec les récentes déclarations du Premier ministre. Nous devrons avoir ce débat. Si l'ancien ministre de l'Agriculture avait fourni les clarifications nécessaires en temps voulu, nous n'en serions pas là.
Le nombre des habilitations est excessif. Cette pratique dépossède le Parlement de ses prérogatives et augmente les risques de surtransposition. C'est pourquoi le président du Sénat a chargé depuis deux ans la commission des affaires européennes de screener tout texte qui passe à notre portée. Les surtranspositions environnementales, notamment, entraînent des distorsions de concurrence inacceptables.
La technicité des sujets ne saurait occulter l'importance des enjeux : les dispositions correspondent à des projets européens essentiels, à l'instar de l'union bancaire ou de l'union des marchés de capitaux. L'Allemagne est d'ailleurs en train de bouger sur le sujet. Mais ne dévitalisons pas les parlements nationaux.
Il importe donc que nous nous saisissions des enjeux européens, par le biais de résolutions européennes comme nous le faisons régulièrement.
La Commission européenne renvoie de nombreux sujets à des actes délégués, au détriment d'actes législatifs ; ce penchant est regrettable. Au-delà de la technicité des sujets, le recours à un texte-balai d'adaptation au droit de l'Union européenne s'est imposé à votre Gouvernement compte tenu du retard pris dans les transpositions. Certains textes concernés par ce Ddadue ont ainsi plus de trois ans.
Ce texte comporte également des dispositions préparatoires à l'après-Brexit, qui ne s'annonce pas sous les meilleurs auspices. J'ai demandé à la commission d'approuver les habilitations sur ce sujet. Je forme toutefois le voeu qu'une autre méthode s'impose à l'avenir : il y va de la crédibilité et de la réussite du projet européen. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et LaREM)
M. Laurent Duplomb, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques . - (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC) Dans le domaine économique, notamment numérique, la Commission européenne a proposé, ces dernières années, des évolutions importantes afin de renforcer l'harmonisation des règles et d'accroître les protections exigées par les consommateurs et les acteurs économiques de certains secteurs.
Ces textes comportent des dispositions majeures qui toucheront la vie quotidienne de nos concitoyens et qu'il nous faut transposer.
La commission des affaires économiques a procédé à un triple contrôle sur 12 des 25 articles du projet de loi. Premier contrôle, la conformité de ces articles au droit européen. Nous avons réduit ou supprimé des habilitations telles que celle qui porte sur le règlement Platform to business, c'est-à-dire un texte qui entre en vigueur dans quelques jours : je vous remercie d'avoir entendu notre appel.
Je regrette la pratique consistant à déposer au stade de la séance publique des amendements comportant des habilitations pour transposer des pans entiers du droit, sans laisser la possibilité au Parlement d'exercer son contrôle, alors que le calendrier de ces transpositions est connu à l'avance.
Le second niveau vise à contrôler que l'adaptation du droit français aux nouvelles règles européennes ne pose pas de difficultés supplémentaires.
La commission a constaté, par exemple, que la directive sur les pratiques commerciales déloyales ne s'appliquait qu'aux relations asymétriques entre un fournisseur alimentaire et un distributeur, et uniquement quand le distributeur a un chiffre d'affaires supérieur à celui du fournisseur. Or cela exclurait certaines pratiques, comme celles des centrales de référencement qui, n'étant pas des centrales d'achat, ont un très faible chiffre d'affaires alors qu'elles contractent avec les fournisseurs. Il convenait de combler ce trou dans la raquette sans fragiliser les protections apportées à nos PME alimentaires en intégrant des conditions de chiffre d'affaires qui n'existent pas aujourd'hui.
S'agissant des stocks stratégiques pétroliers, l'abrogation de la référence à une convention, approuvée par l'État, définissant les prestations réalisées par la Société anonyme de gestion des stocks de sécurité (Sagess) pour le compte du Comité professionnel des stocks stratégiques pétroliers (CPSSP), était de nature à déstabiliser le cadre juridique et fiscal applicable à ces stocks. La commission a proposé de la maintenir, tout en permettant les évolutions de la législation nationale requises par le droit européen.
Enfin, le troisième niveau de contrôle a permis de procéder à une vérification plus générale, à savoir que le droit français respecte les principes dictés par le droit européen. Les textes donnent des orientations que les États membres doivent respecter, si besoin en adaptant leur droit de façon volontariste. C'est le cas par exemple en matière de maillage territorial de nos vétérinaires. Les déserts vétérinaires se multiplient dans certaines régions. (M. Jean Bizet, rapporteur, le confirme.) Quarante départements seraient concernés et il y aurait 15 % de vétérinaires en moins en cinq ans pour les animaux d'élevage. Or la désertification vétérinaire est le dernier signe avant la désertification agricole. La commission propose donc un dispositif inédit à la main des collectivités territoriales dans les zones tendues pour favoriser l'installation des vétérinaires. Nous avons réuni tous les acteurs, et le Gouvernement a entendu notre appel.
Au regard de ces éléments, la commission est favorable à l'adoption de ce texte. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et Les Indépendants)
M. Jean Bizet, rapporteur. - Très bien !
présidence de M. Philippe Dallier, vice-président
M. Patrice Joly . - Sur la forme, nous devons comme souvent nous pencher sur un texte touffu, technique, en urgence.
Bien sûr, il faut nous mettre à jour de nos obligations de transposition et préparer l'après-Brexit. Mais le champ des habilitations est plus large que nécessaire et le texte aurait pu être examiné dès l'automne 2018. De plus, il a été complété par deux lettres rectificatives.
Ce projet de loi transpose pas moins de onze directives. Il donne davantage de moyens aux autorités françaises pour lutter contre la fraude fiscale, le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme, avec notamment la mise en oeuvre de nouvelles règles relatives aux mouvements d'argent liquide en provenance ou à destination des pays tiers. Il renforce les sanctions contre les violations de la réglementation douanière. Néanmoins, pourquoi voter dès ce soir alors que certaines mesures ne s'appliqueront qu'en juin 2021 ?
Cette problématique de la temporalité est d'autant plus prégnante lorsque l'on examine certains articles qui mériteraient que l'on s'y attarde tant ils présentent des enjeux politiques, éthiques, économiques, sociaux et sociétaux importants. L'article 18, ainsi, harmonise les règles relatives à la génétique animale. Cette question est pourtant cruciale pour la France. Ce secteur de la génétique animale génère 8 200 équivalents temps plein, ces emplois étant très majoritairement liés à l'élevage laitier. Or 50 % des gains de productivité de l'élevage sont liés aux progrès génétiques.
Le règlement d'inspiration très libérale laisse peu de marges dans son application. Une part importante des activités sous la responsabilité de l'État passeront au secteur privé, comme le mentionne l'étude d'impact. Comment s'assurer de la prudence des laboratoires dans ces conditions ? Les races locales ne risquent-elles pas de disparaître, faute de rentabilité ? Nous devrons être vigilants lors de la ratification pour défendre la richesse génétique de nos élevages.
Les dispositions sur les droits d'auteur et droits voisins devaient être examinées dans un texte spécifique, ce qui n'a pu être fait du fait du covid. On ne peut que se réjouir que les géants du numérique devront participer dès janvier 2021 au financement de la création française. (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR, ainsi que sur le banc de la commission)
Mme Josiane Costes . - (Applaudissements sur les travées du RDSE) Je félicite le ministre pour sa nomination et lui adresse mes voeux de pleine réussite.
Il est utile de rappeler, comme l'ont fait mes prédécesseurs, les évolutions de la procédure parlementaire. Les modalités d'examen de ce texte, certes technique et hétérogène, ne permettent pas d'en mesurer tous les enjeux. La crise sanitaire a certes bouleversé le calendrier parlementaire et le travail des commissions. Nous devions examiner ce projet de loi il y a déjà plusieurs mois. Le temps désormais imparti est insuffisant pour en apprécier les subtilités, d'autant plus que le Brexit imposera de trouver des compromis complexes.
Le travail parlementaire a son utilité : il permet de préciser les textes.
On ne peut que déplorer le recours habituel, voire excessif, aux ordonnances. L'état d'urgence sanitaire montre que le recours à celles-ci doit rester l'exception.
La commission a heureusement supprimé des habilitations et réduit les durées de certaines d'entre elles, notamment au sujet du paquet bancaire de l'article 15.
Sur le fond, il est évidemment illusoire d'appréhender ce texte avec exhaustivité. Je m'en tiendrai donc à quelques points saillants.
Pour une puissance agricole comme la France, la PAC, et donc le Feader, a une importance cruciale. Ces questions ont une conséquence directe sur le développement des territoires ruraux. (M. Jean-Claude Requier le confirme.)
Au demeurant, plusieurs harmonisations à l'échelle de l'Union européenne sont bienvenues. Il en va ainsi de l'utilisation d'informations financières pour prévenir des infractions pénales, notamment en matière de terrorisme et de blanchiment d'argent.
Il faut encore souligner, s'agissant de la protection des consommateurs, spécialement de plateformes en ligne, que ce projet de loi apporte des améliorations en transposant des règles relatives au délai de rétractation, à l'information et à la protection des utilisateurs de services numériques gratuits.
Les dispositions intéressant le code des douanes posent la question d'une douane européenne - ce qui serait une amélioration inédite.
Certaines dispositions entraînent des interrogations. Attention au nivellement par le bas des normes vétérinaires ; attention aussi à une possible extension des dérogations au secret professionnel.
Malgré ces quelques critiques, le groupe RDSE, dans sa grande majorité, votera ce texte. (Applaudissements sur les travées du RDSE ; M. André Gattolin applaudit également.)
M. André Gattolin . - (M. Jean Bizet, rapporteur, applaudit.) Monsieur le ministre, bienvenue.
Après une salve d'habilitations à légiférer par ordonnances, nous voyons arriver un objet législatif bien particulier appelé étrangement Ddadue - diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne. Il est étonnant que notre glorieuse et cacochyme Académie française ne se soit pas penchée sur le sexe de ce terme comme elle l'a fait, de manière très malheureuse, pour « la » covid-19.
On dira donc indifféremment la Ddadue ou le Ddadue. Notons cependant qu'il est particulièrement dodu, et qu'il fait penser aux festins imaginés par Raymond Roussel.
Il y avait plusieurs enjeux : la crise sanitaire, la préparation de l'après-Brexit, la prolongation de gestion du Feader, la nécessaire transposition de certaines directives ayant trait à la communication et aux droits d'auteur compte tenu du report du projet de loi Audiovisuel.
Malgré son aspect de loi omnibus ce projet de Ddadue ne s'apparente toutefois en rien à une quelconque autorisation à légiférer par ordonnance. Nous avons déjà débattu de beaucoup de ces sujets au sein de nos commissions.
L'article sur la directive Services de médias audiovisuels (SMA) est le fruit de riches discussions de notre commission de la culture avec le ministre Franck Riester, dont je salue l'écoute à l'égard du Parlement.
Ce texte prévoit aussi une série de mesures nécessaires pour l'harmonisation européenne et la consolidation du marché intérieur en matière de protection des consommateurs, de relations inter-entreprises, de réglementation douanière, de transposition de directives et d'adaptation du droit interne en matière financière, de prévention de l'utilisation du système financier aux fins de blanchiment de capitaux ou du financement du terrorisme, d'harmonisation des règles de vente des médicaments vétérinaires
L'objectif premier de ce texte est de mettre notre droit en conformité avec le droit européen. En 2018, 86 % des directives étaient transposées dans les six mois précédant la date butoir. Nous avons progressé, notamment grâce à Bernard Cazeneuve, ministre des Affaires européennes en 2012 et 2013.
En revanche selon le rapport annuel de la commission, la France a encore du chemin à faire en matière de conformité des transpositions, et nous sommes encore régulièrement accusés de sur ou de sous-transposer certains textes européens.
Depuis trois ans, le Gouvernement s'attaque à la manie très française de mal-transposition des textes, et en particulier de surtransposition. Ces errements empêchent citoyens et entreprises de profiter de législations utiles et protectrices. Ainsi de la directive sur la fourniture de contrats et services numériques, qui acte le fait que le prix monétaire n'est pas la forme unique de rémunération dans le monde numérique.
Les articles 3 et 4 concernent les blocages géographiques injustifiés ; 63 % des sites étudiés pratiquaient ces différences entre pays européens.
Autre point important du texte, la coopération douanière des pays membres contre la fraude.
Une interface de coopération virtuelle a été créée au niveau européen par l'Office européen antifraude.
Enfin, ce projet de loi nous aide à présenter un bilan exemplaire en matière de transposition dans la perspective de la présidence française du Conseil européen au premier semestre 2022.
Le groupe LaREM votera ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM et sur le banc de la commission)
M. Pierre Ouzoulias . - La loi portant diverses dispositions sur l'état d'urgence sanitaire a été qualifiée par la rapporteure, Muriel Jourda, de « texte le plus hétérogène depuis 2010 », le record est sans doute battu avec ce projet de loi...
Il était encore possible de comprendre que les circonstances exceptionnelles de la lutte contre la pandémie vous obligeassent à procéder dans l'urgence par ordonnances. Mais le recours systématique à celles-ci dans ce texte pallie des retards de transposition et vous permet de gagner du temps : il y a là de la facilité et de la procrastination.
Je salue le travail de Laurent Duplomb et de Jean Bizet, mais l'entreprise de sauvetage était désespérée.
Monsieur le ministre, je déplore que vos collègues vous aient donné comme premier texte ce projet de loi peu respectueux des prérogatives du Parlement.
La profusion des habilitations prive nos concitoyens de débats pourtant indispensables pour éclairer leurs jugements.
Ainsi notre rapporteur déplore le contournement du Parlement sur la protection des consommateurs, alors que le délai de transposition courrait jusqu'en juillet 2021. Cela aurait mérité un texte à part pour faire comprendre à nos compatriotes l'intérêt de ces dispositions et du travail du Parlement européen.
Même critique pour la directive Omnibus, que vous transposez partiellement et en la paraphrasant, alors qu'elle devait être transposée avant novembre 2020.
J'aimerais évoquer, avec le même esprit, plusieurs dispositions européennes relatives aux services numériques gratuits comme les réseaux sociaux. Ce sujet aurait mérité un débat approfondi qui aurait permis au Gouvernement d'expliciter sa doctrine sur le sujet. C'est une nécessité politique absolue. Plutôt que de nous demander de voter un texte que le Conseil constitutionnel a censuré dans sa quasi-totalité, la proposition de loi visant à lutter contre les contenus haineux sur internet, il aurait été préférable qu'il organisât un débat sur la transposition de cette directive pour nous exposer sa doctrine sur le statut et les obligations des opérateurs de plateformes numériques gratuites.
Le pernicieux rétablissement de la nullité des clauses interdisant les cessions de créance aboutissait à créer des instruments financiers toxiques qui participent à la spéculation financière.
L'ancien Premier ministre, Édouard Philippe, nous avait déclaré ici qu'il avait besoin du Parlement ; ce texte montre tout le contraire et la méthode choisie est détestable. C'est un danger pour la démocratie et le groupe communiste républicain citoyen et écologiste votera contre.
Mme Colette Mélot . - Nous mesurons, avec la crise sanitaire, l'importance qu'a pris le numérique dans nos vies. La dépendance de la France et de l'Europe aux Gafam nous préoccupe.
Ce texte apporte des protections supplémentaires aux internautes, sujet cher à la présidente Sophie Primas. Le numérique ne doit pas être une zone de non-droit. L'extension de la garantie de conformité au numérique est donc bienvenue.
Le commerce en ligne bénéficie d'une image de liberté, parfois en décalage avec la réalité. La lutte contre le blocage géographique injustifié constitue une avancée. Les discriminations infondées ne doivent pas être tolérées. Les différences d'accès peuvent être justifiées, par exemple par le droit d'auteur, mais le consommateur doit être informé. À cet égard, la proposition de la commission est pertinente. Notre groupe croit aux vertus d'une concurrence loyale et se réjouit de l'accroissement des prérogatives de la DGCCRF et de l'Autorité de la concurrence.
L'Europe est essentiellement un marché, la concurrence doit y être équitable. Nous saluons l'harmonisation des règles en matière de contribution à la production entre les chaînes de télévision et les services de médias audiovisuels à la demande établis à l'étranger mais ciblant notre territoire.
Nous regrettons l'abandon du projet de loi Audiovisuel mais voterons les amendements du Gouvernement transposant les directives SMA et droit d'auteur - il y a urgence !
Le marché intérieur est l'une des principales forces de l'Union européenne. Les Européens sauront faire face aux défis à venir s'ils restent unis et fidèles à leurs principes. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants ; M. André Gattolin applaudit également.)
M. Pierre Louault . - La crise sanitaire et certaines mauvaises habitudes du Gouvernement nous contraignent à un examen trop rapide de ce texte.
Je salue le travail constructif des deux rapporteurs et de votre ministère. Sur les vingt-cinq articles que compte le projet de loi, treize sont des demandes d'habilitation ; il n'y aura donc peu ou pas de débat. La commission s'est attachée à contrôler strictement le champ d'application des ordonnances et à inscrire certaines dispositions en dur, tout en se gardant de toute surtransposition.
Certaines dispositions sont votées depuis trois ans ; nous avions le temps de faire mieux !
Le texte prévoit des harmonisations en matière de numérique qui vont dans le bon sens. Il transpose la directive Omnibus qui protège davantage les consommateurs - mais insuffisamment les producteurs.
Le texte étend à de nouveaux services numériques la protection des consommateurs sur les plateformes en matière de services en ligne, pour un développement de l'économie numérique dans des conditions de concurrence satisfaisantes.
Il renforce les pouvoirs de la DGCCRF en matière de contrôle de conformité des produits.
Le volet agricole et sanitaire harmonise les réglementations en matière de génétique animale. Notre pays a le plus grand potentiel génétique animal. La classification des maladies ne reconnaît pas suffisamment le danger sanitaire - dans ce domaine, la réglementation française est plus contraignante. Il est vrai que la peste porcine a pu être contenue grâce à l'efficacité de nos services.
Se pose aussi le problème de la désertification vétérinaire. Le travail de la commission vise à protéger les territoires les plus en difficulté en facilitant l'installation de vétérinaires.
Les dispositions de lutte contre la fraude et le blanchiment étaient attendues depuis longtemps.
Les mesures contre la tromperie sur la matière vendue devraient être appliquées plus strictement en matière agricole, pour mieux reconnaître la qualité alimentaire.
Il n'est pas raisonnable de régler l'utilisation des fonds du Feader par ordonnance. En Allemagne, tout est délégué aux Länder : inspirons-nous-en. La France doit apprendre à gérer la décentralisation de ces fonds, en concertation avec les régions.
Enfin, le Gouvernement a introduit par amendement des articles additionnels transposant par ordonnance la directive SMA et deux directives relatives aux droits d'auteur. En raison du retard pris par le projet de loi Audiovisuel, le Gouvernement a dû recourir à une habilitation. Ces dispositions, attendues par la filière culturelle, méritaient une plus grande concertation.
Le groupe centriste votera ce texte utilement modifié par la commission, notamment en sous-amendant les amendements tardifs du Gouvernement. (Applaudissements sur les travées du groupe UC)
M. Jean-François Rapin . - Monsieur le ministre, qui venez, vous aussi, des Hauts-de-France, je vous souhaite la bienvenue, avec fraternité.
Ce texte technique aborde beaucoup de sujets : protection des consommateurs, adaptation de notre droit bancaire, génétique, médecine vétérinaire...
Je déplore le choix de recourir massivement aux ordonnances : 13 des 25 articles comportent des mesures d'habilitation. Peut-on se passer d'un débat de fond sur des sujets comme l'union bancaire ou l'union des marchés de capitaux ? Que dire de la grande réforme de l'audiovisuel, qui revient par la petite porte ? Les délais de transposition nous imposent de travailler dans l'urgence. Le Parlement paie le prix de cette mauvaise gestion calendaire ; ce n'est pas acceptable.
Ce texte est une voiture-balai législative, sachant que la Commission européenne a mis en demeure la France pour non-respect des délais. Or la procédure des ordonnances est souvent plus longue que le débat parlementaire régulier. Nous devons être prêts pour la présidence française, au premier semestre 2022. Je regrette qu'il faille des menaces de sanction pour respecter nos obligations européennes.
Sur le fond, plusieurs dispositions bienvenues visent à renforcer la solidité du marché intérieur contre les pratiques anticoncurrentielles.
Il améliore la transparence pour les entreprises utilisatrices de services d'intermédiation en ligne PtoB. Seront réputées déloyales certaines clauses entre un fournisseur et un acheteur de plus grande taille.
Le renforcement des sanctions contre les manquements déclaratifs sur le statut des conteneurs est bienvenu. Il y a un vrai sujet avec les pratiques chinoises. L'Office européen de lutte antifraude estime le préjudice à 135 millions d'euros.
Il fallait renforcer l'Autorité de la concurrence, grâce à la transposition de la directive ECN+ ; elle décidera de l'opportunité des poursuites et pourra cibler ses enquêtes sur les contentieux les plus importants.
Le projet de loi renforce l'obligation déclarative des transports de fonds et améliore la prévention du blanchiment de capitaux.
Il renforce aussi la surveillance des maladies animales ; la crise pandémique doit nous conduire à muscler nos politiques sanitaires.
Notre collègue Leleux, rapporteur pour avis des crédits dédiés à l'audiovisuel public, défendra un sous-amendement sur la directive SMA pour garantir l'équité entre plateformes et acteurs de l'audiovisuel.
Sur le volet économique, la commission a introduit des mesures de soutien à l'installation des vétérinaires en zone rurale, à la main des collectivités.
La commission a aussi supprimé plusieurs habilitations, notamment celle qui porte sur la gestion du Feader. Une telle réforme ne peut se faire hors de tout contrôle parlementaire. Nous craignons que la gestion ne se fasse au détriment des collectivités territoriales.
Nous avons enfin tenu à réduire plusieurs délais d'habilitation.
Le groupe Les Républicains votera ce texte technique, mais j'appelle à un plus grand respect du Parlement et à un plus grand respect des délais dans la transposition des directives. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, LaREM et RDSE, ainsi que sur le banc de la commission)
La séance est suspendue à 20 h 5.
présidence de M. Jean-Marc Gabouty, vice-président
La séance reprend à 21 h 35.
Mise au point au sujet d'un vote
Mme Christine Lavarde. - Lors du scrutin n°133, Mme Catherine André souhaitait voter contre.
M. le président. - Acte vous est donné de cette mise au point. Elle sera publiée au Journal officiel et figurera dans l'analyse politique du scrutin.