Questions orales
M. le président. - L'ordre du jour appelle trente-quatre questions orales.
Listes électorales pour le référendum en Nouvelle-Calédonie
M. Pierre Médevielle . - La Nouvelle-Calédonie est engagée depuis vingt-deux ans dans le processus de l'accord de Nouméa qui se conclut par trois référendums d'autodétermination dont le premier, qui a eu lieu le 4 novembre 2019, a donné une majorité claire en faveur du maintien de la Nouvelle-Calédonie dans la France.
Lors de ce premier scrutin, les personnes de statut coutumier et les personnes de droit commun nées en Nouvelle-Calédonie avaient été inscrites de manière automatique sur les listes électorales.
Cependant, pour le deuxième scrutin, seules les personnes de statut coutumier, c'est-à-dire les Kanaks, pourront être inscrites automatiquement, les natifs de droit commun devant effectuer des démarches complexes pour s'inscrire.
Lors du comité des signataires du 10 octobre 2019, devant l'opposition de l'ensemble des partis loyalistes, le Gouvernement s'est engagé à faire le nécessaire pour que 100 % des natifs soient inscrits.
Au 31 décembre 2019, cet objectif était loin d'être atteint. Cette situation a été dénoncée publiquement par les présidents de groupes majoritaires du Congrès de la Nouvelle-Calédonie, par la présidente de l'Assemblée de la Province Sud et par le président du gouvernement local.
Quelles mesures sont envisagées pour lutter contre cette discrimination qui pourrait aboutir à un résultat favorable à l'indépendance en raison d'un traitement inéquitable des listes électorales par l'État, et conduire par conséquent à une contestation du résultat ?
Mme Annick Girardin, ministre des outre-mer . - La liste électorale spéciale dispense certaines catégories d'électeurs de toute démarche pour s'inscrire.
Pour le deuxième référendum, il a été décidé sur proposition du Congrès de Nouvelle-Calédonie, à 52 voix sur 54, de modifier cette disposition pour cette seule consultation.
Au comité des signataires d'octobre 2019, il a été décidé par compromis que les « natifs n+3 ans » seraient contactés et incités à s'inscrire sur les listes avant fin 2019.
Quelque 1 994 identités ont été repérées. Quelque 751 identités, soit 71 % des 1 053 non inscrits ont pu l'être. Sur les 941 autres identités, après 228 courriers, 112 personnes se sont inscrites.
Le solde correspond à ceux qui ont quitté le territoire ou n'y ont plus d'activité. Il n'y a pas de discrimination. J'ajoute qu'il serait dommageable de faire planer un soupçon d'insincérité sur la prochaine consultation...
M. Pierre Médevielle. - Les faits sont là. Il y a discrimination sur la consonance des noms ; tout est matière à tension, comme le drapeau présent sur les documents officiels.
Les démarches d'inscription sont longues et fastidieuses, elles sont imposées à ceux qui n'ont pas le statut coutumier. J'espère que le scrutin ne sera pas faussé.
Poste de police nationale d'Hérouville-Saint-Clair
Mme Sonia de la Provôté . - Classée en zone de sécurité prioritaire, la commune d'Hérouville-Saint-Clair, dans le Calvados, souffre d'une baisse des effectifs du poste de police depuis plusieurs années. D'où une présence insuffisante d'agents de la police nationale sur la voie publique pour lutter contre l'insécurité. Suite au meurtre d'un jeune homme de 18 ans en mai 2019, qui a marqué tout le monde, aucune amélioration n'a été constatée.
Le maire de la commune déplore en outre des prises de postes par les agents de police d'Hérouville-Saint-Clair dans la commune voisine, tous les matins et tous les soirs, ce qui diminue d'une heure leur présence sur le terrain. Citons aussi les transferts vers le centre de rétention administratif de Rouen, qui ne relèvent pas de leurs attributions.
Les mises à disposition des auteurs d'infractions au commissariat de Caen par les agents de la police municipale plutôt qu'à celui d'Hérouville-Saint-Clair, en vertu de l'article 73 du code de procédure pénale, posent également problème. En effet, cela nuit à la nécessaire proximité de l'action publique en matière de sécurité.
Que proposez-vous pour améliorer le fonctionnement du poste de police nationale d'Hérouville-Saint-Clair ? Ce n'est pas un cas isolé.
Mme Annick Girardin, ministre des outre-mer . - En l'absence de M. Nunez, je vous communique sa réponse.
Nous partageons les mêmes objectifs. Quelque 11 000 heures ont été consacrées par les policiers de la commune d'Hérouville Saint-Clair en 2019 à des missions de voie publique.
En décembre 2019, une nouvelle convention de coordination entre la police municipale et la police nationale a été signée. C'est un partenariat vivant, dynamique.
Quant aux effectifs du commissariat, la circonscription de police de Caen a 464 agents, contre 459 fin 2016. Le commissariat sous-divisionnaire d'Hérouville a vu ses effectifs maintenus, le nombre de gradés et de gardiens supérieurs.
Les horaires d'intervention n'ont pas été réduits et la présence de la police est assurée à chaque fois que nécessaire.
La mise à disposition des personnes arrêtées au commissariat de Caen est destinée à permettre aux agents d'Hérouville de se concentrer sur leurs tâches sur le terrain.
Les violences physiques ont diminué de 11 %, les atteintes aux biens ont diminué de 30 % dans les communes et le nombre de faits élucidés a augmenté de 3 %.
Mme Sonia de la Provôté. - À l'heure où nos forces de l'ordre ont besoin d'un soutien sans faille, il est vital de mettre en oeuvre des moyens à la hauteur, notamment en zone de sécurité prioritaire. Cela doit se traduire par une présence dissuasive et active, sur place. La proximité est la clé de la réussite, pour la sécurité comme pour les autres politiques publiques.
Sécurisation des passages à niveau
M. Dany Wattebled . - Le principal problème du pays est la pandémie mais il existe une autre cause de mortalité préoccupante : les accidents aux passages à niveau.
Une collision sur deux entre un train et une voiture est mortelle pour l'automobiliste. Sur la période 2011-2017, on dénombre 224 collisions, 219 tués et 105 blessés graves voire très graves.
Le nombre d'accidents est certes en baisse depuis dix ans mais ils restent trop nombreux. Ils sont essentiellement dus aux comportements inappropriés des usagers de la route lors de traversées de passages à niveau. Mais il existe des solutions techniques, comme le détecteur d'obstacle sur passage à niveau automatique (Dopna), système français dont le coût est estimé à 50 000 euros par installation ! J'ai posé une question au Gouvernement et transmis un dossier au ministre. Pourquoi le ministère des Transports ne répond-il pas à un sénateur de la République ?
Mme Emmanuelle Wargon, secrétaire d'État auprès de la ministre de la transition écologique et solidaire . - Voici les éléments que M. Djebbari m'a transmis.
Les accidents de passage à niveau sont la deuxième cause de mortalité sur les lignes de train. Les accidents d'Allinges, de Millas nous rappellent douloureusement la réalité de la dangerosité des passages à niveau, dont la sécurisation est impérative.
M. Djebbari a présenté un plan d'action le 3 mai 2019 dont un premier bilan a déjà été présenté. Il est axé sur le renforcement de la connaissance des passages à niveau, la prévention et la sanction, les aménagements et une meilleure gouvernance nationale et locale. Les crédits consacrés à cette question augmenteront de 40 % d'ici à 2022.
Cinq passages à niveau disposent d'un radar dit Lidar en cours d'expérimentation par SNCF Réseau. Les résultats de cette expérimentation ne sont pas encore connus. Le dispositif Dopna n'est pas entièrement automatisé, il est piloté par un opérateur qui observe un écran. Le niveau de réaction n'est pas suffisant. SNCF Réseau a donc décidé d'y renoncer.
La LOM inclut plusieurs mesures nouvelles. Un bilan sera fait à l'été 2020.
M. Dany Wattebled. - Le système Dopna repose sur quatre capteurs et une télétransmission au conducteur. Il est issu d'un brevet. La moindre des choses aurait été de justifier l'abandon du système auprès des étudiants ingénieurs qui l'ont développé. Faire appel à des solutions étrangères et non françaises me pose problème.
Sécurisation de la Nationale 20 en Ariège
M. Alain Duran . - Le protocole d'itinéraire sur la RN20 en Ariège, signé le 22 mars 2017, précise un projet global d'aménagement et identifie les opérations prioritaires et leur financement. Il comprend également un volet d'accord international entre la France et l'Andorre sur les travaux de sécurisation contre les risques naturels sur la RN 20 entre Tarascon et l'Andorre.
L'ensemble des engagements financiers pris s'élèvent à 158 millions d'euros.
J'ai interrogé la ministre de la Transition écologique et solidaire, lors de l'examen du projet de loi d'orientation des mobilités, sur les engagements financiers de l'État. Ceux de la région et du département ont déjà été clairement actés à hauteur de 27 millions d'euros chacun et le gouvernement andorran en a fait de même à hauteur de 10 millions et demi d'euros.
La ministre m'avait alors assuré qu'elle serait « attentive, dans le cadre de la programmation des contrats de plan État-région, à ce que les engagements pris en 2017 dans l'accord franco-andorran soient honorés ».
Le Président de la République a affirmé la même chose lors de son déplacement en Andorre en septembre 2019, précisant son souhait de continuer les investissements en termes d'infrastructures, d'élargir la route nationale, de procéder aux travaux facilitant l'accès à Andorre, en particulier.
Or un flou subsiste quant à l'intégration de ces travaux dans le contrat de plan État-région, d'autant que la ministre de la Transition écologique et solidaire, lors de son audition par la commission des affaires économiques du Sénat sur le projet de loi de finances pour 2020 avait précisé que le volet mobilité, qui représente 50 % des crédits des CPER, serait prolongé de deux ans et intégré en l'état dans les futurs CPER.
La part financière de l'État sera-t-elle inscrite et surtout sous quelle forme ? Une intégration dans le CPER en cours ou une inscription dans celui à venir, c'est-à-dire celui de 2021-2027 ?
De cette réponse dépend l'engagement des travaux... et la santé du BTP !
Mme Emmanuelle Wargon, secrétaire d'État auprès de la ministre de la transition écologique et solidaire . - Le protocole prévoit deux modalités de financement : la déviation de Tarascon, financée dans le cadre du CPER Occitanie, à hauteur de 136 millions d'euros, dont 60 % par l'État ; et la sécurisation contre les risques naturels, cofinancée par la France et l'Andorre.
En 2020, 2 millions d'euros ont été affectés à des sondages géotechniques et à l'acquisition du foncier. L'apport de l'Agence de financement des infrastructures de transport de France (Afitf) a permis à l'État de tenir le calendrier pour les aménagements de sécurité.
La déviation de Tarascon et le pare-avalanche H2, plus complexe, seront engagés plus tard mais le financement de l'Afitf restera disponible.
Suspension du cabotage routier
M. Jean-François Rapin . - En application du règlement européen du 25 octobre 1993 relatif à l'accès au marché du transport routier, les acteurs du transport routier, et notamment l'Organisation des transporteurs routiers européens (OTRE), réclament depuis plus d'un mois l'application de la clause de sauvegarde.
Pourtant, en ce contexte de crise sanitaire, deux inquiétudes majeures sont soulevées par les professionnels du secteur : 81 % des entreprises de transport routier sont en arrêt total ou en très forte baisse d'activité, et la reprise risque d'être lente et progressive. Il est crucial de garantir une activité minimale sans que celle-ci soit captée par des pavillons étrangers.
Seconde inquiétude, les conditions sanitaires dans lesquelles exercent les entreprises étrangères qui transportent des marchandises sur le territoire national. Ces conditions ne seraient pas forcément aussi strictes que les mesures barrières respectées par les conducteurs français.
Le Gouvernement veut-il saisir l'Union européenne afin de faire valoir la clause de sauvegarde et suspendre le cabotage pour une période de six mois ?
Mme Emmanuelle Wargon, secrétaire d'État auprès de la ministre de la transition écologique et solidaire . - La désorganisation de l'économie a touché le transport routier. Le Gouvernement a engagé un dialogue stratégique avec le secteur, qui a démontré son rôle majeur lors de la crise sanitaire.
Nous avons déployé un plan ambitieux de soutien : report de charges, soutien à la trésorerie par la BPI, fonds de solidarité mais aussi des mesures sectorielles : remboursement chaque trimestre, et non semestre, de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE), par exemple.
Le cabotage systématique est une source de concurrence déloyale. C'est un sujet européen qui devrait être réglé par le paquet mobilité, examiné par le Parlement européen début juillet. D'ici là, il faut que les donneurs d'ordre exercent leur devoir de vigilance. Les infractions au cabotage ont été définies comme une priorité d'action par le ministre Djebbari.
M. Jean-François Rapin. - La demande était une suspension du cabotage ; vous n'y avez pas complètement répondu. Le Gouvernement a été sollicité par courrier il y a plus d'un mois et demi par les acteurs du secteur. Dommage qu'il n'ait pas répondu, et que je doive poser une question orale...
Une proposition de résolution européenne a été votée par la commission des affaires européennes sur la difficulté du cabotage routier - qui existait déjà avant la pandémie.
J'attends, sur ce sujet, la plus grande vigilance et la plus grande fermeté du Gouvernement.
Victimes de la sécheresse-réhydratation des sols de 2018
Mme Nicole Bonnefoy . - En décembre dernier, les crédits du programme budgétaire « Urbanisme, territoires et amélioration de l'habitat » ont augmenté de 10 millions d'euros en loi de finances pour 2020 pour mettre en place, de façon exceptionnelle et transitoire, un dispositif de soutien aux victimes les plus affectées par l'épisode de sécheresse-réhydratation des sols survenu en 2018. Pourquoi seulement en 2018, du reste ?
À l'occasion de l'examen au Sénat de ma proposition de loi visant à réformer le régime des catastrophes naturelles, adoptée à l'unanimité le 15 janvier dernier, plusieurs sénateurs ont exprimé des interrogations sur cette initiative gouvernementale créant un dispositif temporaire, dérogatoire au droit commun, et doté d'une capacité financière très limitée au regard de l'ampleur des sinistres engendrés par des phénomènes non reconnus de retrait-gonflement des argiles.
Comme le rapport de la mission d'information l'a en effet souligné, la prise en charge de ces dommages se heurte chaque année à de grandes difficultés dans de nombreuses communes ne bénéficiant pas d'une reconnaissance par arrêté interministériel. Afin d'apporter des réponses durables à ce problème majeur qui frappe chaque année l'ensemble du territoire métropolitain, la mission avait formulé plusieurs recommandations pour faire évoluer les politiques de prévention et d'indemnisation des catastrophes naturelles.
Je souhaite obtenir des précisions sur l'origine de ce dispositif de soutien exceptionnel et sur ses conditions de mise en oeuvre, notamment en termes de calendrier et d'éligibilité pour les sinistrés. J'aimerais savoir si cette initiative préfigure un changement d'approche plus global en matière de prise en charge des dommages résultant des phénomènes de sécheresse.
Mme Emmanuelle Wargon, secrétaire d'État auprès de la ministre de la transition écologique et solidaire . - Je réponds pour Mme Borne.
Un amendement à la loi de finances 2020 a effectivement augmenté de 10 millions d'euros ces crédits du programme 135 « Urbanisme, territoires et amélioration de l'habitat » pour soutenir les victimes les plus affectées par le phénomène de sécheresse-réhydratation.
Cela concerne les propriétaires d'une résidence principale, aux revenus les plus modestes, dans les communes ayant formulé une demande de classement en catastrophe naturelle en 2018 sans l'avoir obtenu. Pour rappel, environ 30 % des communes associées à une demande de catastrophe naturelle n'ont pas été retenues en 2018.
Les bâtiments concernés datent de plus de dix ans et sont devenus impropres à l'habitation. Le dispositif est en cours de calibrage pour une indemnisation en fin d'année.
La distribution sera faite par les préfectures. Ce dispositif reste cependant ponctuel. Une mission d'étude en 2020 sera lancée pour des réponses plus pérennes d'accompagnement des victimes.
Mme Nicole Bonnefoy. - J'ai bien compris que le dispositif était en cours d'écriture. Les sinistrés attendent.
Pourquoi lancer une mission d'étude ? Le Sénat a réalisé des travaux importants sur le sujet et une proposition de loi apporte des réponses. Appuyez-vous sur notre travail, cela sera plus rapide !
Terminal 4 à l'aéroport de Roissy
M. Fabien Gay . - Avec la création du terminal 4, le trafic passerait de 100 millions à 130 millions de passagers par an à l'aéroport Charles de Gaulle.
En janvier, 104 élus de tous bords ont adressé une lettre au Président de la République pour l'alerter. Les riverains de l'aéroport doivent pouvoir s'exprimer. Les chiffres de création d'emplois semblent surestimés.
Quelque 1,4 million de riverains de l'aéroport sont concernés par la pollution. Avec le terminal 4, la hausse du trafic aérien de Roissy-Charles de Gaulle serait de 40 % avec autant d'augmentation de la pollution.
Le trafic de l'A1 et de l'A3, déjà surchargées, serait amplifié. La crise du Covid nous incite à repenser notre modèle de consommation et de production. L'urgence environnementale est là !
Mme Emmanuelle Wargon, secrétaire d'État auprès de la ministre de la transition écologique et solidaire . - Nous nous engageons pleinement dans la transition écologique. Les opérateurs aériens ont de nouvelles obligations comme le dispositif mondial Corsia sur les vols internationaux.
Nous accélérons la transition écologique avec le développement de carburants durables. Le Gouvernement a annoncé le 9 juin, dans le cadre du plan de relance, un financement de 1,5 milliard d'euros pour la R&D et l'innovation centrée sur la décarbonation.
Le calendrier du nouveau T4 de CDG fera l'objet d'un nouvel examen. Le Gouvernement veillera à ce que les nuisances sonores et effets sanitaires soient pris en compte - en particulier le bruit la nuit.
Biocarburants français et importation de soja américain
M. Cyril Pellevat . - Traditionnellement, les États-Unis exportent près de 60 % de leur soja à la Chine, mais à la suite des récentes tensions entre ces deux pays, après la taxation des graines de soja américain, il leur faut trouver de nouveaux débouchés.
Ils visent donc l'Union européenne ; à l'automne 2018, les négociations entre le président des États-Unis et celui de la Commission européenne ont entraîné une augmentation de 112 % des importations européennes de soja américain. C'est un coup porté à la production européenne de matières premières incorporées dans les biocarburants. Les agriculteurs français ne comprennent pas cette mesure.
Comment l'Union européenne peut-elle choisir de remplacer l'huile de palme par une matière première tout aussi nuisible à l'environnement ?
Il est connu que le soja est aussi utilisé pour nourrir les bêtes à viande. Emmanuel Macron dit vouloir une souveraineté protéinique de la France. Aussi, comment peut-il expliquer la position européenne qui va à l'encontre des objectifs européens en matière d'environnement, d'énergie et d'agriculture ? Quelle est la position française sur ce sujet ?
M. Didier Guillaume, ministre de l'agriculture et de l'alimentation . - La position de la France, exprimée par le Président de la République, est claire. La souveraineté protéinique est indispensable pour sortir de la dépendance vis-à-vis du soja américain, mais aussi pour assurer l'alimentation des animaux et des hommes.
L'Union européenne a fixé un cadre clair pour les biocarburants : ils doivent respecter des critères de durabilité fixés par la directive de 2009, qui seront renforcés en 2021.
Le 29 janvier 2019, la Commission européenne a reconnu le système de certification du soja américain comme compatible avec les normes européennes des biocarburants.
La réglementation européenne ne discrimine pas les matières premières entre elles mais impose des critères de durabilité.
Le Gouvernement français ne peut s'opposer à l'entrée du soja américain sur son territoire dès lors qu'il respecte ces prescriptions européennes, mais nous voulons développer notre production propre afin de garantir notre autonomie et ne pas dépendre des tourteaux de soja importés.
Lutte contre le piratage du sport
M. Michel Savin . - Depuis plusieurs années, la France s'est engagée à mieux protéger les ayants droit et diffuseurs des programmes sportifs, avec notamment l'adoption de l'article 24 de la loi Éthique et transparence du sport professionnel.
Toutefois, ce dispositif s'avère insuffisant et il est désormais nécessaire de renforcer la lutte effective contre le piratage des contenus sportifs en direct.
La valeur des droits sportifs en France dépassera 1,5 milliard d'euros dès la saison sportive 2020-2021, et ces droits sont un des éléments important de la solidarité entre le sport professionnel et le sport amateur.
Le phénomène du piratage des contenus sportifs, quant à lui, connaît un véritable essor depuis plusieurs années et le manque à gagner estimé serait de l'ordre de 500 millions d'euros, sans compter la perte de plusieurs centaines de milliers d'abonnés.
Dans le cadre de l'examen du projet de loi de réforme de l'audiovisuel, les députés ont adopté en commission un article 23, visant à la mise en oeuvre d'un dispositif spécifique de lutte contre le piratage du sport, salué par l'ensemble des milieux sportifs.
Alors que la crise sanitaire cause de très fortes difficultés économiques aux acteurs du sport, une mise en oeuvre rapide est nécessaire pour soutenir les acteurs économiques concernés - préserver la solidarité au bénéfice du sport amateur.
Aussi, quel est le calendrier du Gouvernement concernant l'examen de ce projet de loi, qui n'est pas à l'ordre du jour de la session extraordinaire ? Pouvez-vous nous assurer que le dispositif sera adopté dans les plus brefs délais ?
M. Franck Riester, ministre de la culture . - Je partage votre conviction que le piratage est un fléau, tant pour les contenus sportifs que pour ceux de la création. Les droits sportifs contribuent au financement de toute la filière. Le Gouvernement est totalement mobilisé dans la lutte contre le piratage. J'avais été moi-même rapporteur de la loi Hadopi.
Le projet de loi Audiovisuel prévoit que le juge intervienne en amont des compétitions afin de bloquer les sites dès le début de la retransmission en direct. En commission, les députés ont raccourci les délais de traitement des dossiers. Aves les ministres de la Justice et des Sports, nous examinons la constitutionnalité des dispositions rajoutées par les députés. Soyez assurés de notre détermination à lutter contre le piratage.
Le calendrier est perturbé par les urgences liées au Covid. Nous voulons aller vite, c'est pourquoi la transposition de la directive Services de médias audiovisuels (SMA) se fera vraisemblablement par ordonnance.
Nous recherchons actuellement avec le Sénat et l'Assemblée nationale les créneaux disponibles pour mettre à l'ordre du jour le projet de loi Audiovisuel, qui doit aussi préparer la télévision du futur.
M. Michel Savin. - Un travail important a été réalisé au Parlement. Il n'y a hélas toujours pas de calendrier. La saison sportive débute bientôt, les diffuseurs et les ligues s'inquiètent. Une proposition de loi sera sans doute déposée au Sénat pour agir plus vite.
Bouquinistes de Paris
Mme Catherine Dumas . - Descendants des colporteurs ambulants de l'Ancien Régime, l'histoire des bouquinistes est intimement liée à celle de Paris. Ils sont les gardiens et promoteurs de notre culture française. Anatole France les surnommait « les braves marchands d'esprit ».
Avec leurs 300 000 bouquins, leurs 900 boîtes vert « wagon », ils participent au charme des bords de Seine et constituent une attraction touristique et culturelle, un patrimoine littéraire et historique unique à préserver.
À l'initiative de l'Association culturelle des bouquinistes de Paris et des maires des Ve et VIe arrondissements, Florence Berthout et Jean-Pierre Lecoq, ces 227 librairies à ciel ouvert ont fait leur entrée en février 2019 au patrimoine culturel immatériel français, premier pas vers la reconnaissance au patrimoine mondial de l'Unesco.
La profession a été mise à mal par les gilets jaunes et les grèves, puis par la crise sanitaire. Envisagez-vous un plan de sauvegarde pour sauver cette profession dont des villes comme Tokyo, Montréal et Pékin, se sont inspirées ?
M. Franck Riester, ministre de la culture . - Les bouquinistes de Paris représentent bien un art de vivre à la parisienne. Ces librairies à ciel ouvert, défendues par des passionnés, doivent être accompagnées.
Le ministère de la Culture a accompagné l'Association culturelle des bouquinistes de Paris pour son inscription à l'inventaire du patrimoine culturel immatériel. Ces professionnels doivent être accompagnés, leur savoir-faire préservé.
L'autorité régulatrice est la ville de Paris ; pour autant, le ministère de la Culture est très attentif à l'avenir des bouquinistes et des libraires partout en France.
Avec Bruno Le Maire, nous avons annoncé un plan d'envergure pour soutenir le secteur du livre, de plus de 230 millions d'euros. Quelque 25 millions d'euros supplémentaires sont prévus par le Centre national du livre pour soutenir les librairies indépendantes. De plus, une enveloppe de 12 millions sur deux ans doit les aider à se moderniser. Une partie de ces moyens pourrait être fléchée vers les bouquinistes ; nous allons y travailler.
Mme Catherine Dumas. - Les Parisiens sont très attachés à leurs bouquinistes. La Ville de Paris n'est pas toujours au rendez-vous...
Je compte sur vous pour protéger ces passionnés et faire perdurer cette tradition qui contribue à l'attrait de Paris.
Surveillance des abords des prisons
Mme Nathalie Delattre . - Grâce à une baisse sans précédent de la population carcérale, la vie dans nos prisons reprend cahin-caha. Nous constatons, avec François-Noël Buffet, dans le cadre de notre mission de suivi des lieux de privation de liberté, que des failles demeurent néanmoins.
Au centre pénitentiaire de Gradignan, les projections de téléphones, d'armes blanches ou de boulettes de stupéfiants depuis l'extérieur n'ont pas cessé pendant le confinement. Aux alentours de la prison, cela trouble l'ordre public et la sécurité des riverains. À l'intérieur, ces trafics mettent en danger tant le personnel que les détenus. En exerçant mon droit de visite, j'ai vu des prévenus sous l'emprise de la drogue.
La loi du 23 mars 2019 portant réforme pour la justice permet la mise en place d'équipes de sécurité armées aux abords immédiats des établissements. Si le centre pénitentiaire de Fresnes reprend la formation de ses agents, initiée avant le confinement, la prison de Gradignan n'envisage, elle, aucune unité dédiée pour la surveillance des abords avant 2022, au mieux.
Votre ministère peut-il inciter un directeur de prison à donner la priorité à la création d'une telle équipe ? Pouvez-vous venir constater par vous-même la situation à Gradignan et entendre les représentants du personnel et le maire de la ville ? L'attente est forte.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice . - Ces difficultés touchent l'ensemble des établissements pénitentiaires. Le déploiement des équipes locales de sécurité pénitentiaire (ELSP) vise à lutter activement contre les trafics de substances et objets illicites, à sécuriser les fouilles sectorielles et à renforcer les équipes de surveillance.
La loi du 24 mars 2019 a renforcé leur pouvoir de contrôle. En 2019, 311 agents avaient été formés et 29 équipes locales déployées. Courant 2021, cinquante établissements seront dotés d'une ELSP.
Le centre pénitentiaire de Gradignan - où je souhaite me rendre - n'est pas priorisé car une équipe régionale d'intervention et de sécurité (ERIS) est basée dans l'établissement et peut être activée en cas d'incident. En outre, le centre pénitentiaire va être reconstruit, pour un montant de 137 millions d'euros. Les travaux de démolition ont commencé en juin ; le nouvel établissement de 600 places, entièrement sécurisé, sera livré fin 2022.
La loi de finances initiale pour 2020 consacre 64 millions d'euros à la sécurisation des prisons, soit 8 millions de plus qu'en 2019. Il s'agit de sécuriser les abords périmétriques des établissements par des clôtures, des filins anti-projection et la maintenance des installations de sécurité.
Mme Nathalie Delattre. - L'ERIS n'est jamais sollicitée et la prison de Gradignan ne sera pas reconstruite avant des années !
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. - 2022 !
Restitution des biens mal acquis aux populations spoliées
M. Jean-Pierre Sueur . - Corruption transnationale scandaleuse, les biens mal acquis représentent, selon l'ONU, la moitié des aides au développement. Il faut oeuvrer pour que ces biens, lorsqu'ils sont saisis par la justice, reviennent aux populations spoliées.
L'agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués (Agrasc) fait un travail éminent, mais la situation n'est pas satisfaisante. J'ai déposé une proposition de loi, adoptée à l'unanimité au Sénat en mai 2019. En outre, le Premier ministre a missionné deux députés sur le sujet ; ils ont rendu leur rapport.
Quelles décisions concrètes comptez-vous prendre ? Mme de Montchalin s'était engagée ici-même à ce que la question soit définitivement réglée dans la dernière loi de finances...
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice . - La restitution des avoirs criminels confisqués est un enjeu majeur qui participe à l'oeuvre de justice.
En l'état du droit, les règles de restitution ne prévoient pas le retour systématique et intégral aux États et populations lésées, car aucun mécanisme de contrôle ne garantit la restitution effective aux populations civiles.
Afin de doter la France d'un dispositif efficace, une mission a été confiée aux députés Warsmann et Saint-Martin. Sur la base de ces travaux, nous avons engagé des échanges interministériels pour instituer un mécanisme pertinent tout en assurant un contrôle des fonds.
Deux options sont possibles : créer un fonds de concours géré par l'Agrasc ou affecter à l'Agence française de développement les sommes relatives aux biens mal acquis, avec un fléchage vers les pays concernés. Il faut tenir compte des conséquences diplomatiques et budgétaires et veiller à l'articulation avec les règles habituelles d'indemnisation des victimes.
Je vous assure de mon engagement pour une mise en oeuvre dans les meilleurs délais.
M. Jean-Pierre Sueur. - Je prends acte de votre réponse. Le Sénat a proposé un dispositif, adopté à l'unanimité.
Vos deux options sont recevables, l'essentiel étant que les fonds ne reviennent pas systématiquement aux États mais bien aux populations spoliées.
Nous attendons un texte de loi au plus vite, sachant que le Gouvernement s'était engagé à régler la question dans le dernier projet de loi de finances.
Rapprochement entre Pôle emploi et Cap emploi
M. Bernard Buis . - Le Premier ministre a annoncé en juillet 2018 la fusion de Cap emploi et Pôle emploi au 1er janvier 2021. Depuis, des temps de concertation et de travail ont été organisés pour réfléchir aux modalités de rapprochement. L'un des scénarios retenus serait un rapprochement opérationnel, Cap emploi devenant un service au sein de Pôle emploi chargé spécifiquement de l'accompagnement des personnes en situation de handicap.
Cette organisation se met en place avec des unités pilotes dans chaque région, ainsi que des expérimentations en amont d'une généralisation.
Le volet « maintien dans l'emploi », aujourd'hui de la compétence de Cap emploi mais pas de Pôle emploi, est indispensable dans l'accompagnement des salariés en situation de handicap. Prévoyez-vous de conserver cette compétence au sein du futur service fusionné ?
Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail . - La construction d'une société inclusive est une priorité du Gouvernement. Le taux de chômage des personnes handicapées atteint 18 %, soit deux fois la moyenne nationale.
Le rapprochement des deux opérateurs, voulu par le Premier ministre, a pour but de mieux servir les personnes en situation de handicap et de les rapprocher des entreprises. Une expérimentation est en cours sur dix-neuf sites pilotes, avant une généralisation en 2021.
Il ne s'agit pas d'une fusion mais d'une coordination opérationnelle renforcée, avec une offre de service intégrée qui s'appuie sur une double expertise. Les synergies opérationnelles sont précieuses, j'ai pu le constater sur le terrain. Le volet accompagnement dans l'emploi inclut le maintien dans l'emploi. Le réseau Cap emploi demeure l'opérateur désigné pour accompagner les personnes handicapées, car il a une expertise spécifique.
Nous avons lancé des travaux avec la direction générale du travail et la caisse nationale d'assurance maladie, associant le réseau Cheops - Conseil national handicap & emploi des organismes de placement spécialisés. Les équipes se mobilisent pour travailler ensemble au service du lien entre les personnes en situation de handicap et les secteurs publics et privés. La société inclusive se construit pas à pas.
Emploi des jeunes
M. Olivier Henno . - La situation des jeunes en recherche d'emploi est préoccupante. La crise rend les entreprises frileuses, des promesses de stage, d'embauche et d'apprentissage sont annulées.
Des milliers de jeunes sont bloqués. Les plus chanceux sont aidés par leur famille, les autres doivent trouver un emploi précaire pour rembourser leur prêt étudiant ou payer leur loyer. Nous devons tendre la main à ces jeunes pour éviter qu'une génération ne soit sacrifiée.
Les jeunes à la recherche d'un contrat d'apprentissage sont les premiers pénalisés, car la baisse des embauches touche particulièrement les TPE-PME, premiers employeurs d'apprentis. Or l'apprentissage est une chance incroyable pour les jeunes. Je salue l'aide de 5 000 euros pour l'embauche d'un mineur et de 8 000 pour un majeur. Il faut aller plus loin et réduire le reste à charge pour les entreprises. Quelle politique publique pour favoriser l'apprentissage ?
Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail . - Je partage votre conviction. Le taux de chômage des jeunes était passé de 21 % à 18 % avant la crise ; le nombre d'apprentis avait augmenté de 16 % - on voyait la lumière au bout du tunnel. Il n'est pas question que cette génération soit sacrifiée.
L'emploi des jeunes est au coeur de la concertation avec les partenaires sociaux - que le président de la République recevra de nouveau dans quelques jours. Sur l'apprentissage, nous avons voulu aller vite car c'est maintenant que les contrats se signent. D'où une aide exceptionnelle de 5 000 euros pour l'embauche d'un apprenti mineur et de 8 000 euros pour un majeur. Cela revient à un coût quasi-nul pour l'entreprise la première année !
Les jeunes ont compris que l'apprentissage était une voie d'avenir et la demande augmente ; c'est sur l'offre des entreprises qu'il nous faut agir. Les centres de formation des apprentis pourront accueillir jusqu'à six mois un jeune sans contrat pour l'aider à consolider ses acquis et à trouver un maître d'apprentissage. Nous luttons aussi contre la fracture numérique en équipant les apprentis en matériel informatique.
Plus que jamais, l'apprentissage est une voie d'excellence et de réussite. C'est la priorité de notre plan de relance de l'emploi.
M. Olivier Henno. - Merci. Les efforts en direction de cette génération sont indispensables. C'est vrai, le reste à charge est très réduit ; reste à bousculer les mentalités des entreprises, à mobiliser les partenaires sociaux. L'Allemagne reste un exemple : Bayer met en avant le nombre d'apprentis avant même le chiffre d'affaires !
Contrats en alternance
M. Gilbert Roger . - De nombreux jeunes bacheliers, notamment en Seine-Saint-Denis, sont contraints de renoncer à leur projet d'études en alternance, faute de trouver une entreprise pour les accueillir dans le cadre d'un contrat d'apprentissage ou de professionnalisation.
Trouver un tel contrat est un parcours du combattant pour ces jeunes, dont les parents ne disposent pas toujours du capital culturel et économique nécessaire pour les aider. Les organismes de formation ne leur apportent guère de soutien - les plaquettes promotionnelles vantant l'aide à la recherche que permettrait leur réseau ne sont souvent qu'un appât à candidats... Quelles mesures envisagez-vous pour accueillir davantage de jeunes en alternance dans les entreprises ?
Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail . - L'alternance est une voie d'excellence pour accéder à l'emploi, un véritable pied à l'étrier. Mais il est vrai que les contrats peuvent être difficiles à trouver pour certains jeunes, notamment dans les quartiers prioritaires de la ville où les parents n'ont pas de réseau professionnel. C'est alors à l'action publique de rétablir l'égalité des chances.
Nous avons renforcé les missions des CFA en matière d'accompagnement ; ils pourront accueillir les jeunes pendant trois à six mois pour les aider dans la recherche d'un employeur. Je l'ai constaté dernièrement à Rouen : stages en immersion, rencontres avec les employeurs, apprentissage des codes de l'entreprise, rédaction d'un CV sont autant d'aides apportées aux jeunes.
Il faut aussi les aider à résoudre des difficultés matérielles et sociales, de logement ou de transport. Nous finançons des développeurs d'apprentissage dans chaque CFA et soutenons les associations qui mettent en relation jeunes et entreprises, comme Les Entretiens de l'Excellence ou Un Avenir Ensemble. Sept mille entreprises sont prêtes à s'engager dans une approche inclusive.
Une plateforme rassemblera les souhaits de tous les jeunes qui ont opté pour l'apprentissage sur Parcoursup. J'ai demandé aux préfets de réunir les partenaires sociaux et l'Éducation nationale pour apporter une aide opérationnelle sur le terrain, afin que tous les jeunes aient accès à cette voie d'excellence et d'avenir.
M. Gilbert Roger. - Ma question concernait les étudiants post-bac. Souvent, les entreprises cherchent des jeunes en master 2 et leur demandent d'être presque formés. À défaut de contrat d'alternance, ils ne peuvent poursuivre leurs études dans les écoles de commerce, d'ingénieur ou de mécatronique qui ne font rien pour les aider à se rapprocher des entreprises... Peut-être faut-il limiter l'alternance aux masters 2 ?
Marchés publics
Mme Annick Billon . - Le décret du 12 décembre 2019 a relevé le seuil de dispense de procédure pour la passation des marchés publics de 25 000 à 40 000 euros. En cette période de crise, la contrainte que représente la passation de marchés publics réduit la marge de manoeuvre des élus ; le seuil de 40 000 euros freine la commande publique et contribue à fragiliser nos entreprises.
Ne pourrait-on relever temporairement le seuil à 90 000 euros, afin de passer plus facilement des contrats notamment pour les travaux de voirie et de rénovation, et ainsi favoriser les entreprises locales - non par clientélisme mais pour sauvegarder l'emploi sur nos territoires !
M. Cédric O, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances et du ministre de l'action et des comptes publics, chargé du numérique . - Le soutien aux opérateurs économiques est une priorité du Gouvernement. L'ampleur de la crise a conduit à adapter temporairement les règles de la commande publique pour éviter toute rupture d'approvisionnement pendant la crise. Nous avons autorisé la prolongation des contrats arrivant à échéance pendant la période d'état d'urgence sanitaire et protégé les entreprises titulaires de contrats publics quand l'exécution du contrat était impossible. Enfin, les avances financières versées aux entreprises titulaires de marchés ont pu être portées au-delà de 60 % du montant total.
Pour autant, il faut concilier ces mesures de simplification avec le principe constitutionnel d'accès à la commande publique. Agnès Pannier-Runacher a demandé à ses services une analyse juridique approfondie dont les conclusions seront prochainement connues.
Mme Annick Billon. - Je salue les mesures prises mais vous demande d'aller plus loin ; il y a urgence, pour les entreprises et les collectivités territoriales. Les artisans, TPE et PME font la richesse de nos territoires et sont des acteurs essentiels de la formation et de l'apprentissage. Merci d'écouter une demande qui émane du terrain !
Démarchage téléphonique abusif
M. Yannick Vaugrenard . - Le 4 juin, le Sénat adoptait une proposition de loi contre le démarchage téléphonique abusif. Nombre de nos concitoyens renoncent désormais à répondre au téléphone, épuisés par ces appels à répétition.
Le dispositif Bloctel permet, en théorie, de s'inscrire gratuitement sur une liste d'opposition au démarchage téléphonique. Or il est inefficace. C'est pourquoi notre proposition de loi, votée par le Sénat, instaure un préfixe identifiant obligatoire permettant de repérer les démarcheurs. Je regrette que l'exigence d'un consentement clair et explicite au démarchage n'ait toutefois pas été retenue. Onze pays d'Europe dont l'Allemagne, l'Autriche et le Portugal, ont adopté une telle disposition, qui s'applique déjà pour les courriels et les SMS.
J'espère que cette mesure sera reprise par la commission mixte paritaire. Pouvez-vous nous assurer que la proposition de loi sera définitivement adoptée avant les vacances parlementaires ?
M. Cédric O, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances et du ministre de l'action et des comptes publics, chargé du numérique . - L'article L223-1 du code de la consommation interdit, sous peine d'une amende de 75 000 euros, de démarcher les consommateurs inscrits sur une liste d'opposition, qui compte quatre millions de personnes. Mais les nuisances perdurent, car de nombreuses entreprises ne respectent toujours pas la loi. Le Gouvernement a demandé au Conseil national de la consommation un état des lieux et une liste de propositions.
La proposition de loi votée par l'Assemblée nationale puis le Sénat fera prochainement l'objet d'une CMP. Elle prévoit des sanctions plus dissuasives, renforce l'information du consommateur et interdit le démarchage dans le secteur de la rénovation énergétique. La DGCCRF est mobilisée : en 2019, 77 démarcheurs ont été sanctionnés, pour un total de 2,5 millions d'euros d'amende. En 2020, 10 sanctions de plus de 200 000 euros ont été prononcées.
Le Gouvernement agit à la fois sur le plan normatif et sur celui des contrôles pour lutter contre ces pratiques inacceptables.
M. Yannick Vaugrenard. - Je souhaite une adoption du texte au plus vite, ainsi qu'un bilan d'ici un an ou un an et demi pour en mesurer l'efficacité.
Situation des industriels forains
M. Frédéric Marchand . - Les industriels forains, ces artisans de la fête qui évoluent en France depuis près de neuf siècles, ont vu leur activité stoppée net par la crise sanitaire.
Cette profession représente quelque 320 000 emplois directs et indirects, sans compter l'appui à l'économie locale, en particulier la restauration.
La situation des forains est d'autant plus dramatique qu'ils profitent de la basse saison pour entretenir leur matériel. Cela représente d'importants investissements, à peine rentabilisés par l'exploitation de leurs installations. Il leur a fallu ranger leurs manèges alors que la période des foires et des fêtes démarre et que la saison estivale est menacée.
L'aide de l'État de 1 500 euros pour les artisans et indépendants est certes bienvenue et d'autres aides sont possibles. Mais elles ne combleront pas le manque à gagner puisque les charges continuent de courir, que des investissements sont engagés et que, manifestement, les assurances ne comptent pas indemniser.
À l'angoisse économique - 90 % de pertes depuis début mars - s'ajoute un impact psychologique pour des professionnels dont la vie est liée à l'itinérance et aux contacts avec le public.
Le Premier ministre s'est voulu rassurant sur la tenue des fêtes foraines, mais il n'en va pas de même au niveau municipal. Alors que plus de 400 fêtes de villes et villages ont été annulées ou reportées, la profession s'inquiète de savoir comment elle va ressortir de la crise. Alors que les parcs de loisirs ont, eux, rouvert leurs portes, pouvez-vous préciser les intentions du Gouvernement ?
M. Cédric O, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances et du ministre de l'action et des comptes publics, chargé du numérique . - Comme tous les professionnels, les commerçants itinérants ont accès aux mesures de soutien. Les 1 500 euros du fonds de solidarité ne sont que le premier volet ; un second volet, instruit par les régions, permet une aide supplémentaire. Ils bénéficient également des reports ou exonérations de charges, des prêts garantis de l'État et du chômage partiel. S'y ajoutent des aides du Conseil de la protection sociale des travailleurs indépendants.
Le Gouvernement est conscient des difficultés qu'ont entraînées les mesures sanitaires - que nous espérons pouvoir alléger, dans la foulée des annonces du Président de la République. Nous souhaitons un retour à la vie normale au plus vite, tout en restant vigilants. Le Gouvernement est déterminé à ce que cette profession, comme les autres, résiste au mieux et reparte le plus vite possible.
M. Frédéric Marchand. - Merci pour cet engagement. L'important, pour les forains, est de pouvoir travailler, et de renouer le lien avec les municipalités. Nous avons hâte de retrouver cet art de vivre à la française.
Annulation des charges des TPE
M. Jean-Pierre Moga . - Le 4 mai 2020, le Gouvernement annonçait une annulation des charges sociales des entreprises de moins de dix salariés, contraintes de fermer pendant la période de confinement. Cette mesure est d'une grande aide pour ces entreprises.
Les modalités de ce premier geste du Gouvernement, vital pour ces entreprises, restent cependant à définir : le périmètre des charges incluses doit être conséquent pour être efficace.
Pour retrouver le niveau d'activité économique d'avant la crise du Covid-19, il faudra du temps : la situation sanitaire reste préoccupante et les perspectives de reprise sont incertaines. D'après les professionnels du secteur, 400 000 très petites entreprises (TPE) pourraient prochainement fermer définitivement. Dès lors, les dispositifs d'aide qui ont été mis en place devront durer le plus longtemps possible.
Le Gouvernement pourrait-il envisager la prolongation de l'annulation des charges jusqu'à la vraie relance de l'activité, qui n'aura sans doute pas lieu avant septembre ?
Envisage-t-il d'étendre l'annulation des charges aux TPE n'ayant pas fait l'objet d'une obligation de fermeture administrative mais qui ont vu leur chiffre d'affaires significativement diminuer ? Les TPE sont aujourd'hui très inquiètes pour leur survie et ont besoin de soutien, pendant cette période difficile pour nos entreprises.
M. Cédric O, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances et du ministre de l'action et des comptes publics, chargé du numérique . - Le Gouvernement a mis en place une mesure exceptionnelle d'allégements des cotisations et contributions sociales sur trois mois pour les TPE qui ont fait l'objet d'une mesure de fermeture administrative pendant la période de confinement.
Ce dispositif qui figure dans le PLFR 3 prévoit aussi une aide au paiement des autres cotisations et contributions de l'employeur pour diminuer massivement les passifs sociaux constitués depuis la mi-mars. Les entreprises qui auront continué à cotiser bénéficieront elles aussi du dispositif, ce qui les aidera pendant la reprise.
Les entreprises de moins de 250 salariés des secteurs les plus fragiles auront droit à un mois supplémentaire de report de cotisations et contributions sociales.
Le Gouvernement est pleinement mobilisé pour soutenir les entreprises dans la phase de reprise comme dans celle du confinement.
Le PLFR prévoit des plans d'apurement automatique des créances sociales ainsi que la remise de certaines dettes pour les entreprises dont l'activité aurait fortement baissé.
L'ensemble de l'économie étant concerné par la baisse d'activité, le Gouvernement met en place des mesures de soutien plus générales. Cet ensemble d'outils comprend aussi le fonds de solidarité, prolongé au-titre du mois de mai.
M. Jean-Pierre Moga. - Les TPE, ce sont les deux tiers de nos entreprises. Il est essentiel de les soutenir.
Conséquences de la réforme de la taxe d'habitation
Mme Céline Brulin . - Le Gouvernement a décidé la suppression progressive de la taxe d'habitation pour les résidences principales.
Certes, un mécanisme de compensation a été mis en place pour les communes. Mais ce dernier ne tiendrait pas compte de certaines cotisations fiscalisées par les communes comme, par exemple, les contributions aux syndicats intercommunaux sans fiscalité propre, ce qui porte tort aux syndicats intercommunaux à vocation scolaire (Sivos). Dans mon département, plus d'une centaine de communes seraient impactées, et cela se chiffre à plusieurs dizaines de milliers d'euros pour chacune d'entre elles.
C'est un premier couac, et je crains que ce ne soit malheureusement pas le seul, dans la compensation promise à l'euro près de la suppression de la taxe d'habitation. Or inutile de développer sur les difficultés financières des communes, difficultés amplifiées par la crise sanitaire.
Allez-vous compenser à l'euro près les pertes pour les communes de la réforme de la taxe d'habitation et réparer l'oubli de la perte de la contribution syndicale dans la compensation de cet impôt?
M. Cédric O, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances et du ministre de l'action et des comptes publics, chargé du numérique . - Les syndicats, qu'ils soient mixtes ou intercommunaux, sont des établissements publics de coopération intercommunale sans fiscalité propre, qui ne disposent dès lors d'aucun pouvoir fiscal. Ils perçoivent des contributions budgétaires de leurs communes membres.
En vertu de l'article 1609 quater du CGI, le comité d'un syndicat peut décider de lever une part additionnelle aux quatre taxes directes locales en remplacement de tout ou partie de la contribution des communes associées. Dans ce cas, les taux de fiscalité applicables à leur profit sont déterminés proportionnellement aux recettes que chacune des impositions directes locales procure à la commune.
Les Sivos n'ont aucune fiscalité propre. La fiscalisation des contributions syndicales ne peut être mise en oeuvre que si le conseil municipal ne s'y est pas opposé. Elle relève donc d'un choix de gestion de la commune, qui n'a pas vocation à être compensé.
Mme Céline Brulin. - Si ces compensations ne sont pas versées, les communes devront taxer d'autres acteurs, à commencer par les entreprises. Or dans les territoires ruraux, ce sont souvent des TPE. Le contexte économique actuel n'y invite pas.
Je vous alerte aussi sur le surcroît des dépenses scolaires pour les communes, qui doit être compensé par l'État.
Plan de soutien à l'industrie du décolletage
Mme Sylviane Noël . - Après la crise sanitaire, notre pays est frappé par une crise économique sans précédent.
L'automobile fait l'objet d'un plan de soutien de l'État présenté il y a quelques jours. Hélas, ce plan apporte très peu de solutions à un pan important de la filière automobile constitué par l'industrie du décolletage qui, regroupant 600 entreprises et 14 000 salariés pour un chiffre d'affaires de plus de 2 milliards d'euros, est confrontée à des défis majeurs.
Le plan présenté ne traite que partiellement les questions de fond soulevées depuis des mois par les professionnels du secteur. Les réponses y sont inadaptées.
Qu'en est-il des contours du fonds de soutien aux entreprises qui ne sont toujours pas clairs pour les principaux intéressés, deux mois après avoir été mis en place ? Qu'en est-il du dispositif de soutien à l'emploi en discussion avec l'Union des industries des métiers de la métallurgie, qui est insuffisant pour faire face à la crise structurelle engendrée par la baisse des moteurs thermiques, le développement des voitures électriques et l'émergence des voitures autonomes ? Ce plan ne répond pas aux grands enjeux de cette industrie et il accélère une mutation des motorisations thermiques vers l'électrique qui offre dix fois moins de volume en termes de pièces à décolleter.
L'industrie du décolletage mérite un plan de soutien spécifique. Sinon, chaque mois perdu voit environ 500 collaborateurs de plus au chômage. Il y a urgence à maintenir ces compétences et ces emplois.
Quelles mesures, le Gouvernement envisage-t-il pour la sauvegarde de l'industrie du décolletage, filière essentielle au maintien de notre souveraineté industrielle ?
M. Cédric O, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances et du ministre de l'action et des comptes publics, chargé du numérique . - Les entreprises de la vallée de l'Arve, surtout des PME et TPE familiales, sont confrontées à des difficultés depuis la décroissance du diesel engagée en 2015. Elles sont notamment liées à un manque de diversification.
Ces fragilités ont été amplifiées par la crise du Covid-19. Anticipant une baisse de leur chiffre d'affaires de 20 % à 40 %, ces entreprises ont massivement bénéficié des mesures d'urgence de l'État.
Mais à moyen et long terme, l'enjeu est l'adaptation de cette filière aux évolutions en cours. Le nouveau fonds de soutien à l'investissement dans le secteur de l'automobile soutiendra les projets de diversification et de modernisation menés par la filière.
La vallée de l'Arve bénéficiera aussi d'un plan d'action spécifique, pour un repositionnement stratégique. Les outils existent. Il faut s'en saisir.
Mme Sylviane Noël. - Le décolletage est un savoir-faire vieux de plus de trois siècles qui a aussi des usages médicaux et optiques.
Les 600 millions d'euros d'aides bénéficieront surtout aux équipementiers de rang 1, alors que les entreprises concernées sont pour la plupart sous-traitants de rang 2.
Manque de places dans les services pour enfants handicapés dans le Haut-Rhin
Mme Catherine Troendlé . - Le 11 février dernier a eu lieu à l'Élysée la cinquième conférence nationale du handicap. Elle a été l'occasion de faire un point en matière de politique publique autour du handicap mais aussi de préciser les jalons à venir. Cet événement illustre le fait que le Président de la République a souhaité faire de la politique du handicap une des priorités de son quinquennat actuel.
Sur le terrain, cependant, la question du handicap n'est pas traitée. Dans le Haut-Rhin en particulier, 295 enfants attendent une place en instituts médico-éducatifs (IME) et 376 jeunes pour les services d'éducation spéciale et de soins à domicile (Sessad). C'est beaucoup plus que dans le reste du Grand Est.
Un petit garçon de 6 ans atteint d'un handicap très lourd est 26e sur la liste d'attente d'un IME du Haut-Rhin qu'il souhaite rejoindre en septembre.
Aujourd'hui, chaque enfant, quel que soit son handicap, doit pouvoir suivre un enseignement adapté. Il est inconcevable qu'un enfant en situation de handicap se retrouve sans autre alternative.
Les lacunes dans les instituts médico-éducatifs du département du Haut-Rhin concernent également le taux d'équipement. Concernant les jeunes, ce taux pour les Instituts thérapeutiques, éducatifs et pédagogiques (ITEP) et les Instituts d'éducation motrice (IEM) et les Sessad est largement inférieur aux taux des autres départements du Grand Est. Comment comptez-vous agir ?
Mme Sophie Cluzel, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée des personnes handicapées . - Le Président de la République s'est engagé à faire du handicap une priorité du quinquennat. Merci d'avoir rappelé sa volonté.
Nous investissons très fortement dans l'Éducation nationale pour mieux scolariser les enfants et organiser la coopération avec le secteur médico-social.
Le taux d'équipement de votre département est plus élevé que la moyenne régionale pour les Sessad mais inférieur pour les établissements.
L'Agence régionale de santé (ARS) Grand Est dispose de 10 millions d'euros de financements complémentaires pour 2020, puis de 21 millions d'euros en 2021 pour des solutions d'équipement.
La création de places en Sessad pour la rentrée dans le Haut-Rhin est prioritaire. Une convention a été passée entre l'ARS et l'Éducation nationale en juillet 2019 pour formaliser cet engagement.
Nous mobiliserons le comité de pilotage de l'école inclusive à la fin de l'année pour préparer la rentrée scolaire. Une unité d'enseignement en maternelle de sept places sera ainsi ouverte dans votre département. Enfin, le 0800 360 360 est en cours de déploiement afin de ne laisser personne sur le bord du chemin. Pragmatisme et conjugaison des forces sont les moyens pour soutenir les familles.
Mme Catherine Troendlé. - Vos objectifs sont ambitieux mais on ne voit pas les résultats sur le terrain, malgré les moyens dédiés. N'oubliez pas notre département, madame la ministre.
Missions des agents sécurité incendie et d'assistance aux personnes
M. Jean-Louis Tourenne . - Ma question porte sur la situation des agents de sécurité incendie et d'assistance aux personnes (SSIAP) du centre hospitalier universitaire (CHU) de Rennes.
Leurs missions d'origine portaient sur la sécurité incendie et l'assistance aux personnes. Elles n'ont cessé d'évoluer en quantité et en technicité sans que l'effectif ait été adapté aux nouvelles exigences des emplois ni que la reconnaissance salariale soit au rendez-vous.
Ainsi, se sont ajoutées progressivement la prévention et l'intervention lors d'agressions des personnels, l'intervention auprès de patients agités, l'accueil et la police dans les parkings, la régulation et le contrôle de la circulation sur un espace de 33 hectares concerné par les importants travaux du CHU, les recherches après les fugues de patients, la gestion des chambres des médecins intérimaires, l'accompagnement des personnels quittant l'hôpital la nuit, dépannage des ascenseurs et gestion des arrivées et départs par hélicoptère.
Ces salariés sont dépassés, fatigués et amers. Or ils ne bénéficient pas de l'indemnité forfaitaire de risque à certains agents de la fonction publique hospitalière dont ils sont écartés alors qu'ils sont en permanence exposés. Il convient également de les qualifier et de faciliter leur passage en catégorie B.
Que comptez-vous faire face à ces revendications ?
Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État auprès du ministre des solidarités et de la santé . - Les effectifs du CHU de Rennes sont supérieurs aux exigences réglementaires et aux préconisations de la commission de sécurité. Les missions ont été redéfinies depuis le 1er juin 2007 et n'ont pas évolué depuis.
Depuis 2018, la révision de l'organisation des cycles de travail de l'équipe de sécurité intervient dans le cadre d'un dialogue social très actif : le projet est guidé par le respect du principe d'équité avec les autres professionnels du CHU, afin de mieux lisser les jours de travail et de repos sur l'ensemble de l'année. Quelque douze réunions ont été organisées afin de formaliser le recueil des avis de l'équipe comme des représentants du personnel sur le projet.
Les déroulés de carrière et les perspectives professionnelles ont aussi été évoqués et ont été définies des grandes lignes pour chaque fonction.
L'harmonisation des recrutements au grade Opé 2 a été actée et l'accès au grade de technicien hospitalier pour les chefs d'équipe proposé.
Le CHU est engagé en faveur de la formation professionnelle, qui concerne à 50 % des effectifs des personnels non médicaux.
M. Jean-Louis Tourenne. - Vous n'avez pas répondu à l'ensemble des questions. Le Ségur de la santé doit tenir compte de ces problématiques.
Tests sérologiques en officine
M. Alain Milon . - Au vu de ce qui se passe en Chine et dans le Pacifique, la réussite du déconfinement dépend notamment de notre capacité à tester au plus vite une grande partie de la population.
La stratégie nationale de déconfinement fixe un objectif de 700 000 tests virologiques chaque semaine en laboratoires depuis le 11 mai. Ces tests visent en premier lieu des personnes symptomatiques puis, en cas de résultat positif, les individus avec lesquels elles ont eu un contact.
En parallèle de ce dispositif qui mobilisera fortement les laboratoires, il sera crucial de dépister le maximum de patients asymptomatiques.
Acteurs de santé et de proximité, les pharmaciens pourraient intervenir de façon complémentaire aux laboratoires en testant l'ensemble des individus asymptomatiques qui le souhaitent, notamment ceux ayant eu des symptômes révolus durant les dernières semaines.
En tant que professionnels de santé, les pharmaciens auront pour devoir d'indiquer aux individus dont le résultat est négatif qu'ils peuvent tout de même être porteurs du virus et leur rappelleront ainsi les mesures de sécurité à respecter.
L'intérêt des tests sérologiques en pharmacie menés sur la base du volontariat est de pouvoir dépister de potentiels porteurs de virus asymptomatiques qui ne seront pourtant pas ciblés par les tests de laboratoire. Les tests sérologiques en officine constitueront un outil de prévention supplémentaire dans le cadre de la lutte contre le Covid-19.
Avec une présence territoriale et une force de frappe - puisque c'est la guerre - permettant de réaliser au minimum 500 000 tests par semaine, les pharmacies constituent un levier stratégique dans le dispositif de diagnostic.
La multiplication des tests sérologiques contribuera par ailleurs aux enquêtes épidémiologiques, les officines formant un réseau de poids pour enrichir la collecte et la transmission de ces informations de santé.
Ce dispositif irait dans le sens de l'avis rendu le 18 mai 2020 par la Haute Autorité de santé (HAS), qui souligne que les tests rapides d'orientation diagnostique (TROD) sont réalisables dans davantage de lieux, en comparaison avec les tests sérologiques de type TDR réalisés en laboratoires, et bien sûr par les pharmaciens.
Que ferez-vous pour permettre au plus vite le dépistage des individus asymptomatiques qui le souhaitent ?
Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État auprès du ministre des solidarités et de la santé . - Le ministre de la Santé a accepté de faire droit à la demande des pharmaciens de réaliser des TROD sérologiques. Un arrêté sera pris en ce sens rapidement.
La HAS a émis des recommandations sur les TROD réalisés par d'autres professionnels de santé que les biologistes, pour des patients ayant des difficultés d'accès à un laboratoire de biologie médicale.
La HAS a inclus logiquement les pharmaciens dans la liste des professionnels autorisés car ils maillent finement tout le territoire et contribuent à l'accès aux soins de la population. L'ouverture réglementaire prévue par l'arrêté les concerne donc. La HAS a considéré que les autotests étaient en revanche prématurés.
Souveraineté et indépendance sanitaires
Mme Christine Bonfanti-Dossat . - Un mois après le début de la phase de déconfinement, au moment où les terrasses des cafés et des restaurants renouent avec un esprit français si convivial, plusieurs secteurs piliers fondamentaux de l'économie ont l'esprit moins festif et le coeur moins léger. Je veux parler de notre souveraineté sanitaire et de la situation du laboratoire pharmaceutique UPSA implanté à Agen au coeur du Lot-et-Garonne.
UPSA, ce sont 300 millions de boîtes de médicaments vendues chaque année dans plus de 60 pays, dont 98 % de la production est réalisée et conditionnée en Lot-et-Garonne. Ce sont 1 400 emplois directs et 3 600 emplois indirects dans mon département. Cette entreprise, au coeur du cyclone du Covid-19, a fait face à la demande exceptionnelle en produisant et distribuant un million de boîtes de paracétamol par jour.
Mais UPSA, c'est aussi la triste illustration des politiques publiques industrielles contemporaines : baisse structurelle de la production, tentation de délocalisation et concurrence étrangère déloyale.
Chaque acteur est en droit d'attendre un pilotage stratégique et une politique avantageuse du prix des médicaments made in France.
En 2005, la France était le premier pays producteur de médicaments en Europe ; quinze ans après, nous sommes relégués au quatrième rang.
Or la crise du Covid-19 a mis en lumière la nécessité absolue de produire en France.
Pour ce qui est d'UPSA, au regard de la forte capacité de ce fleuron industriel de répondre présent en temps de crise, des mesures de régulation économique - baisse de prix, générification - sont susceptibles de pénaliser sa production en menaçant par conséquent l'avenir du site du Lot-et-Garonne.
Qu'envisagez-vous pour éviter des délocalisations tout en favorisant le tissu industriel qui garantira à la France une réelle souveraineté sanitaire ?
Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État auprès du ministre des solidarités et de la santé . - Les ruptures de stock de médicaments sont une préoccupation majeure des pouvoirs publics. À ce titre, tout levier incitatif permettant de développer l'investissement dans les capacités de production de principes actifs, matières premières et médicament sur le territoire de l'Union européenne à ce jour est investigué.
Agnès Buzyn a présenté le 8 juillet 2019 une feuille de route pour mieux prévenir, gérer et informer les patients et les professionnels de santé fondée sur 28 actions regroupées en 4 axes : la transparence et la qualité de l'information afin de rétablir la confiance ; renforcer la prévention et lutter contre les pénuries de médicaments ; améliorer la coordination nationale et européenne ; enfin, créer une gouvernance nationale autour d'un comité de pilotage chargé de la stratégie de prévention et de lutte contre les pénuries de médicaments.
La crise a confirmé ces besoins. Pendant la pandémie, la France et l'Union européenne ont tristement vécu la perte stratégique liée à la délocalisation des productions de médicaments et de matières premières.
Produire plus, mieux, différemment sont des exigences absolues.
Toutes les modalités en faveur de l'indépendance sanitaire de la France sont à l'étude.
Un nouvel élan doit être donné à une nouvelle stratégie pharmaceutique européenne.
Mme Christine Bonfanti-Dossat. - Vous me faites un exposé. La souveraineté n'est pas un gros mot, mais un devoir pour les dirigeants. Les Français vous la demandent. Vous la leur devez !
Gestion du linge dans les établissements publics de santé
Mme Catherine Deroche . - Ma question porte sur le coût des dépenses de gestion du linge dans les établissements publics de santé.
La fonction « textile » est importante d'un point de vue sanitaire mais aussi économique dans les centres hospitaliers et les établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad).
L'entretien du linge est un poste important : il représente plus de 2 % du budget d'un hôpital et plus de 4 % de celui d'un Ehpad.
Une majorité des hôpitaux français a recours à une gestion interne du linge. Ce choix s'accompagne d'avantages certains, tels un contrôle de la chaîne de production et une forte réactivité des services. Mais le coût moyen d'exploitation au kilogramme de linge des blanchisseries hospitalières s'avère supérieur d'au moins 25 % à celui des blanchisseries privées. D'après l'Union des responsables de blanchisseries hospitalières (URBH), 80 % d'entre elles seraient en deçà du seuil de rentabilité. En Europe, quatre hôpitaux sur cinq ont recours à un prestataire privé.
D'après une étude réalisée par le Groupement des entreprises industrielles de services textiles (Geist), l'externalisation des fonctions logistiques à l'étranger est présentée comme un outil de productivité et de maîtrise des coûts. Il s'agit de gagner en souplesse, avec une extension du foncier disponible et un allègement des contraintes en ressources humaines.
Une externalisation de la gestion du linge dans nos établissements publics de santé est-elle envisagée ?
Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État auprès du ministre des solidarités et de la santé . - La fonction « textile » concerne une part importante du budget des collectivités territoriales, de nombreux emplois, et joue sur la qualité et la sécurité des soins. La réflexion doit donc prendre en compte tous ces enjeux pour décider au mieux.
La crise du Covid a montré le caractère crucial de la gestion du linge, quel que soit le modèle retenu.
Il faut une grande qualité et une grande réactivité : les différents modèles existants devront donc être analysés selon ces critères.
Cette question a toute sa place dans le Ségur de la santé. La logistique est partie intégrante de la bonne organisation des soins.
Mme Catherine Deroche. - L'hôpital a besoin de se recentrer sur ses missions. Soulager les soignants de certaines fonctions apparaît nécessaire.
Accueil des enfants en situation de handicap par les assistantes maternelles
M. Philippe Mouiller . - En 2018, le Haut Conseil de la famille, de l'enfance et de l'âge a, dans son rapport sur l'accueil et la scolarisation des enfants en situation de handicap de moins de 7 ans, fait des propositions, pour mobiliser davantage les assistantes maternelles.
En effet, les enfants en situation de handicap de moins de 3 ans sont très peu accueillis par des assistantes maternelles et plus souvent gardés exclusivement par leurs parents.
À compter du 1er novembre 2019, le complément de libre choix de mode de garde (CMG) a été revalorisé de 30 % pour les familles allocataires de l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé (AEEH), pour favoriser la garde des tout-petits, reconnaître le surcoût que peut représenter cette garde et ainsi assurer un meilleur revenu aux assistantes maternelles.
Cependant, l'impact de cette mesure risque d'être limité. Sur 265 000 allocataires de l'AEEH, seuls 33 000 en bénéficient au titre d'un enfant de moins de 6 ans et 4 700 familles bénéficient de l'AEEH pour un enfant et du CMG pour un autre de leurs enfants.
Par ailleurs, les enfants porteurs d'un handicap mais non reconnus par le biais de l'AEEH ne peuvent bénéficier de cette majoration. De plus, la reconnaissance du handicap chez les enfants peut être tardive et intervenir bien après ses 3 ans, voire ses 6 ans. Le Haut Conseil proposait d'allouer une prime aux assistantes maternelles qui se formeraient pour accueillir un enfant en situation de handicap ou qui en garderaient déjà un.
Quelle suite réserverez-vous à cette proposition de garde des enfants en situation de handicap par les assistantes maternelles ?
Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État auprès du ministre des solidarités et de la santé . - La proposition du Haut Conseil de verser une prime aux assistantes maternelles fera l'objet d'une expertise.
Au-delà, beaucoup a été fait pour améliorer l'inclusion des enfants handicapés, comme le bonus mis en place en 2019 dans le cadre de la COG entre l'État et la CNAF, pour les établissements accueillant des enfants en situation de handicap, y compris pour les enfants n'ayant pas encore eu la reconnaissance de la MDPH en 2020.
Le dispositif monte en puissance. L'obligation d'inclusion des établissements est renforcée, notamment en matière d'aménagement des locaux et de simplification de la réglementation.
Nous proposons l'expérimentation de référents santé et inclusion au sein des relais d'assistantes maternelles.
Le plan de formation des professionnels de la petite enfance inclut les assistantes maternelles dans ses six priorités.
M. Philippe Mouiller. - Je salue les avancées en matière de formation, mais les assistantes maternelles sont le relais entre les établissements et les familles : elles doivent donc être formées. C'est urgent.
Transformation des jardins d'enfants
M. Max Brisson . - L'adoption du projet de loi de la confiance a ramené de trois à six ans l'obligation de scolarisation, ce qui a eu un effet sur les jardins d'enfants.
Ces structures contrôlées par le ministère des Solidarités et de la Santé répondent aux exigences réglementaires des politiques publiques de la petite enfance. Elles bénéficient des financements des caisses d'allocations familiales de même que les parents qui y placent leurs enfants. Elles accueillent environ 10 000 enfants avec une concentration forte en Alsace, en Bretagne, à Paris et à La Réunion.
Voilà un an, les jardins d'enfants furent au centre des débats dans cet hémicycle. Le projet de loi pour une École de la confiance prévoyait leur suppression. Les débats à l'Assemblée nationale et au Sénat ont permis de leur octroyer un délai de cinq ans pour se transformer en école maternelle privée sous contrat ou hors contrat ou de se recentrer sur les enfants de moins de trois ans.
Le ministre de l'Éducation nationale disait qu'il fallait garder toutes leurs caractéristiques positives.
Mais les jardins d'enfants se plaignent d'une absence d'information. Comment les accompagner et les financer ?
Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État auprès du ministre des solidarités et de la santé . - La France compte plus de 260 jardins d'enfants, majoritairement financés par les CAF.
En abaissant par la loi du 26 juillet 2019 l'âge de l'entrée obligatoire à l'école à trois ans, le Gouvernement a modifié leurs conditions de fonctionnement, puisque ces structures étaient ouvertes aux enfants de deux à six ans.
L'État a donné cinq ans aux jardins d'enfants pour s'adapter à ce nouveau cadre.
L'intérêt pédagogique de ces structures est reconnu, et il nous faut donc préparer leur évolution. Mandatée le 3 janvier, une mission de l'IGAS et de l'Inspection générale de l'éducation, du sport et de la jeunesse a rendu un premier rapport intermédiaire le 16 avril. Le 3 mars a commencé une enquête auprès des responsables des jardins d'enfants pour recueillir des renseignements plus fins et éclairer les décisions qui seront prises.
M. Max Brisson. - Si je comprends bien, ma question est trop précoce. Quoi qu'il en soit, un accord est nécessaire pour préserver les jardins d'enfants et leur caractère particulier.
La séance est suspendue quelques instants.
Label « station de tourisme »
Mme Martine Berthet . - Ma question porte sur les avantages accordés à une communauté de communes labellisée « station de tourisme ».
La loi NOTRe du 7 août 2015 a transféré la compétence tourisme des communes vers les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI), au 1er janvier 2017.
Dans le département de la Savoie, la communauté de communes des vallées d'Aigueblanche (CCVA) a été classée « station de tourisme » par le décret du 17 décembre 2019. Je vous avais interpellée à ce sujet, madame la ministre, le 25 octobre 2018, et je vous remercie d'y avoir donné suite.
Cette labellisation consacre une volonté continue de la CCVA de soutenir le développement touristique et économique de son territoire.
Un tel label accorde aux communes divers avantages tels que le surclassement démographique, la perception du produit de la taxe de publicité foncière et de la taxe additionnelle aux droits d'enregistrement. Cependant, il semble que rien ne soit encore prévu pour que ces avantages puissent s'appliquer directement à l'intercommunalité et non aux communes membres. Pourtant l'intercommunalité assume toutes les charges de cette compétence, comme la gestion de l'eau, de l'assainissement et des déchets.
Une mesure est-elle envisagée afin de s'adapter à cette évolution et d'accorder l'ensemble des avantages permis par la labellisation station de tourisme à l'EPCI ?
Mme Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales . - La communauté de communes des vallées d'Aigueblanche est en effet le premier EPCI à bénéficier de ce label. Les communes de moins de 5 000 habitants peuvent bénéficier directement du produit de taxes additionnelles, elles peuvent recruter davantage de fonctionnaires ou à des rangs supérieurs, et l'indemnité de formation des élus communaux est majorée. Ces avantages ne s'appliquent qu'aux communes.
Sur les deux premiers, il n'est pas opportun de modifier les textes d'autant qu'un seul EPCI serait concerné.
La taxe de séjour relève déjà des compétences des EPCI. En outre, les autres ressources financières et humaines supplémentaires pourront in fine être utilisées au développement de la politique touristique de l'EPCI.
Quant au troisième avantage relatif à la rémunération des élus, il correspond à des sujétions et des responsabilités particulières par rapport à des communes de taille comparable et doivent donc correspondre à des situations objectives. Le législateur n'a pas souhaité en élargir le bénéfice au-delà de l'échelon municipal.
Mme Martine Berthet. - Pour une meilleure organisation de l'EPCI, plus de souplesse apparaît nécessaire.
Contrats de plan État-régions 2021-2027
M. François Bonhomme . - Ma question concerne l'état d'avancement des négociations et de la formalisation des nouveaux contrats de plan État-régions (CPER) pour la période 2021-2027.
Les CPER définissent les actions que l'État et chacune des régions s'engagent à mener et à financer conjointement, sur une période de six à sept années. Ils ont vocation à financer les projets exerçant un effet levier pour l'investissement local.
Depuis près de quarante ans, ils constituent un support déterminant des politiques de l'État en direction des territoires et un outil essentiel pour leur aménagement et leur développement.
Dans cette vision territorialisée des politiques publiques, les priorités nationales composent avec les spécificités et les mobilisations locales.
L'année 2020 devait être l'occasion de négocier les enveloppes financières et les projets contractualisés entre l'État et les régions pour la nouvelle génération de contrats. Les CPER devaient être finalisés d'ici la fin de l'année, pour démarrer en 2021 pour six ans, période correspondant à la programmation des fonds européens, essentiels pour la région Occitanie, son agriculture, son développement social, économique, urbain, rural et aéronautique.
Or les documents de programmation pour la période 2021-2027 n'ont toujours pas été arrêtés. Dans certaines régions, il a été demandé aux présidents de conseil départementaux de se prononcer en dix jours sans qu'ils puissent consulter les maires et les présidents de communautés de communes pour bâtir des propositions dans la concertation.
Les mobilités sont au coeur des préoccupations quotidiennes. Elles doivent être prioritaires, afin d'attirer les investissements dans les réseaux ferroviaires et routiers, d'autant plus que les objectifs fixés sous les contrats précédents sont loin d'être atteints.
À quelle date la signature des prochains CPER est-elle prévue et quelle sera la contribution financière mise par l'État sur le volet mobilités, avec une attention particulière pour la modernisation des réseaux routiers et ferroviaires ?
Mme Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales . - Vous avez raison, les CPER sont un outil essentiel. Le travail sur les nouveaux contrats a hélas été ralenti par la crise du Covid, laquelle a rendu nécessaire un plan de relance, notamment dans le domaine de l'aéronautique. Dès lors, CPER et plan de relance doivent être coordonnés pour une mise en oeuvre territoriale. L'articulation entre les deux fait l'objet du travail que je mène en ce moment avec l'ensemble des présidents de région, que je viens de réunir avec les préfets de région, lesquels sont chargés de négocier les contrats.
J'ai évoqué ces problèmes avec la présidente de la région Occitanie. Les négociations ont repris depuis trois semaines : les régions ont parfois besoin de mettre à jour leurs priorités après la crise sanitaire. Un point d'étape sera fait en juillet, dans le cadre d'une rencontre avec les présidents de région, avant la signature des CPER, si nous le pouvons, en fin d'année.
La présidente de région a bien signalé à mon attention le plan ferroviaire et en particulier les petites lignes. Dans votre région, la mobilité professionnelle participe en effet à l'aménagement du territoire.
Pôle de santé pluridisciplinaire à Langon
Mme Florence Lassarade . - La crise du Covid a mis en lumière le projet, en cours depuis deux ans, de création par des professionnels du secteur médical et paramédical, d'un pôle de santé dynamique regroupant des médecins, des dentistes, des paramédicaux et une piscine de rééducation et de réathlétisation.
Les praticiens devant rejoindre le projet étaient très intéressés par la situation de ce pôle en zone de revitalisation rurale (ZRR) avec les avantages inhérents à ce dispositif. Or le classement de la commune de Langon en ZRR est prévu jusqu'au 31 décembre 2020. L'ouverture du pôle était programmée pour novembre 2020, afin de pouvoir bénéficier pleinement de ce dispositif attractif pour recruter des praticiens. Malheureusement, le chantier de ce pôle, interrompu en raison de la crise du Covid-19, continue à prendre chaque jour du retard depuis la reprise, en raison des nombreuses contraintes liées aux conséquences de la crise sanitaire. Deux médecins se projettent sur des structures déjà en fonctionnement hors du bassin de population du sud-Gironde ; et l'un d'entre eux s'est installé dans un autre département.
Dans les conditions économiques actuelles, le recrutement de praticiens devient extrêmement compliqué et la possibilité de voir l'offre médicale du secteur s'agrandir s'estompe. Parallèlement, les investissements réalisés avant la crise doivent être remboursés avec, in fine, des pénalités liées au retard de livraison du chantier consécutif aux nouvelles contraintes dues à la crise sanitaire.
Une clause spéciale Covid-19 sera-t-elle prévue afin de proroger le dispositif ZRR sur le premier trimestre 2021, pour sauver les projets dont la réalisation a débuté avant le confinement ? Ce prolongement concernera-t-il la commune de Langon ?
Mme Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales . - Divers rapports ont été produits sur les ZRR, dont certains ici même...
M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État. - Excellents !
Mme Jacqueline Gourault, ministre. - Oui, nous avons décidé que les communes qui devaient en sortir en juillet y resteront jusqu'à la fin de l'année. Nous réfléchissons à un report des ZRR telles quelles ou à la priorisation de certains territoires, comme le souhaite l'association des maires ruraux. Quoi qu'il en soit, il n'y aura pas d'arrêt brutal du dispositif.
Quant au pôle de Langon, la délégation départementale Gironde de l'ARS n'a pas été sollicitée pour un accompagnement alors qu'un travail conjoint avec l'ARS et la CPAM semble nécessaire, dans le cadre du contrat local de santé. L'ARS Nouvelle Aquitaine a été informée par nos soins. Cette dernière reste à l'entière disposition des professionnels qui portent le projet pour les accompagner, sans éluder le possible passage par l'étape une maison de santé pluridisciplinaire ou même d'une équipe de soins primaires.
Les avantages accordés aux ZRR doivent être prolongés, nous en sommes conscients.
Mme Florence Lassarade. - Merci pour votre réponse. Je transmettrai votre conseil aux porteurs du projet, important pour notre ville. Vous savez combien cette zone est défavorisée.
Centres d'accueil des demandeurs d'asile et logement social
M. Éric Gold . - Je relaie une question posée par plusieurs élus locaux de mon département. Le décret du 5 mai 2017 prévoit qu'un logement locatif social équivaut à trois places en logements-foyers, en centre d'accueil des demandeurs d'asile (CADA) ou en centre d'hébergement et de réinsertion sociale (CHRS). Ce calcul peut conduire à diviser par trois le nombre de places en foyer CADA, et ainsi faire basculer une commune en dessous du seuil de 20 % ou 25 % de logements sociaux : c'est pénalisant pour ceux qui accueillent une CADA, dont certains ont pourtant engagé des politiques fortes pour accueillir au mieux les demandeurs d'asile.
Un assouplissement est-il envisageable s'agissant de ce mode de calcul pour récompenser les communes volontaristes ?
Le sujet est identique s'agissant de l'accueil des gens du voyage, du fait d'un décret du 26 décembre 2019 ayant rendu le calcul défavorable pour les terrains locatifs familiaux accueillant des gens du voyage.
Mme Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales . - Le cadre réglementaire décompte les places en CADA comme autant de logements dès lors qu'elles répondent à des critères minimaux d'autonomie et de décence - présence de cuisine, de douche, etc. - fixés par la réglementation. À défaut, le calcul est d'un logement pour trois places. Une évolution n'est pas envisagée, notamment parce que la plupart des structures sont anciennes.
Il s'agit d'améliorer l'accueil des demandeurs d'asile en incitant à la création de logements dignes. Cela me semble nécessaire à leur bonne intégration dans notre société et à la scolarisation de leurs enfants.
Je me souviens des débats que nous avons eus il y a environ un an et demi lors d'une modification de la loi Sécurité intérieure et logement. Nous allons dans le même sens : il faut que ces CADA soient dignes et irréprochables.
M. Éric Gold. - Il faut encourager les communes qui s'engagent sur ces politiques difficiles.
Plan de relance pour l'industrie du tourisme, de la restauration et de l'hôtellerie
Mme Dominique Estrosi Sassone . - Le plan de relance pour l'industrie du tourisme, de la restauration et de l'hôtellerie, fortement touchée dans les Alpes-Maritimes, a été annoncé à la mi-mai, pour un montant de 18 milliards d'euros mais il y a beaucoup de trous dans la raquette.
Les professionnels attendent des aides par secteur. Il y avait 50 000 prêts garantis de l'État début mai pour 200 000 entreprises ; c'est faible, d'autant que les assureurs n'ont pas pris d'engagements.
L'État doit vérifier que les banques jouent bien leur rôle. Les loyers impayés représentent des dettes qui s'additionnent aux charges fixes ; il faudrait les annuler et rembourser les bailleurs.
Les mesures sanitaires réduisent les capacités d'accueil, ce qui mérite une compensation si elles ne sont pas allégées.
Enfin, autocaristes, chauffeurs, grossistes en boissons, torréfacteurs ne bénéficient pas des mesures sectorielles. Pourquoi ne pas envisager une baisse temporaire du taux de TVA à 5,5 %, comme en Allemagne ? Qu'en est-il du plan Marshall annoncé par le commissaire européen Thierry Breton ?
M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères . - Je fais le point chaque mardi avec les professionnels du tourisme. Nous en sommes à plus de 8 milliards d'euros engagés par 84 000 entreprises, dont deux tiers consommés par l'hôtellerie, pour 2 milliards d'euros et 13 000 entreprises et la restauration, pour 4,5 milliards d'euros et 62 000 entreprises.
Les prêts garantis par l'État saisonniers permettent d'emprunter le montant des trois meilleurs mois d'activité de l'année, soit davantage que les 25 % des prêts garantis par l'État « traditionnels »...Nous avons demandé en outre à la fédération bancaire française que les échéances relatives au tourisme soient reportées à douze mois au lieu de six mois.
Vis-à-vis des assureurs, nous n'avons pas faibli, obtenant qu'ils portent à un milliard d'euros leur contribution pour le tourisme. Les négociations se poursuivent avec la profession.
Un amendement au PLFR 2, à l'initiative de Jean-Noël Barrot, prévoit une évaluation à l'automne de l'impact de la crise, positif et négatif, sur les assureurs pour, le cas échéant, réévaluer les contributions.
L'État a abandonné ses propres créances de loyer. Une médiation du crédit a été engagée par les opérateurs privés, mais avec peu d'écho à ce stade : seulement une soixantaine de dossiers remontés dans le secteur du tourisme.
Autocaristes, grossistes et distributeurs sont bien éligibles au plan sectoriel.
Concernant la TVA, c'est plutôt l'Allemagne qui fait un pas en direction de la France, dont le taux est de 10 %, puisqu'elle avait une TVA à 19 %. Nous allons continuer à accompagner la reprise, en soutien des professionnels.
Concernant le plan Marshall, une réunion des chefs d'État et de Gouvernement se tiendra vendredi. Ils se retrouveront à nouveau en juillet. La France, avec l'Allemagne, fera en sorte que 20 %, idéalement, de ses mesures soient dédiées au secteur du tourisme européen.
Prise en charge des enfants handicapés scolarisés à l'étranger
Mme Hélène Conway-Mouret . - L'intégration des enfants porteurs de handicap demande des aménagements particuliers et notamment dans certains cas la présence d'une auxiliaire de vie scolaire (AVS).
Beaucoup de Français de l'étranger ont rencontré des difficultés car les accompagnants des élèves en situation de handicap (AESH) sont directement rémunérés par les parents. Les aides ne couvrent pas les dépenses.
Lors d'un déplacement en Espagne, j'ai échangé avec des représentants de l'association Aledas, qui fait un travail formidable pour aider les enfants en difficulté d'apprentissage scolaire au lycée français de Barcelone, où l'on recense onze AVS qui aident treize enfants dont quatre autistes. Le salaire brut d'une AVS est de 14,50 euros par heure pour la personne qui l'engage. Or l'agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE) ne prévoit que 10 euros par heure pour couvrir cette dépense. Les 4,5 euros restants sont à la charge des familles boursières.
Allez-vous revoir les critères d'attribution des aides afin d'être en phase avec la politique du Gouvernement en faveur des handicapés ?
M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères . - Le handicap est une grande cause du quinquennat et l'école inclusive est une priorité de notre Gouvernement.
Au sein de l'AEFE, la prise en charge de la rémunération des accompagnants doit être intégrale. Si d'aventure, il y avait un reste à charge, comme dans ce cas particulier, je propose un dialogue avec l'association car il n'y a pas d'obstacle à la prise en charge intégrale.
Les crédits alloués sont de plus de 350 000 euros sur le programme 151. Une centaine d'élèves boursiers en ont bénéficié en 2018-2019. Le nombre d'heures d'accompagnement est ajusté au programme scolaire.
Si la loi de 2005 sur le handicap ne s'applique pas hors de France, elle doit rester une référence constante au sein de l'AEFE.
Il conviendrait d'étendre le dispositif d'aide aux familles non boursières, car le handicap laisse entendre de lourdes dépenses. J'y travaillerai avec Mme Cluzel et les représentants des Français hors de France.
Mme Hélène Conway-Mouret. - Vos propos me rassurent mais le cas que je signale n'est pas exceptionnel. Mme Cazebonne, à l'Assemblée nationale, a déposé un amendement à ce sujet, repoussé par le Gouvernement.
On ne peut se reposer sur les bonnes volontés. Le plus simple serait d'intégrer le reliquat dans le montant de la bourse, en élargissant les critères sociaux.
La séance est suspendue à 12 h 45.
présidence de M. Philippe Dallier, vice-président
La séance reprend à 14 h 30.