Favoriser la reconnaissance des proches aidants
M. le président. - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi visant à favoriser la reconnaissance des proches aidants : un enjeu social et sociétal majeur.
Discussion générale
Mme Jocelyne Guidez, auteure de la proposition de loi . - (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains et UC) Depuis plusieurs mois, des initiatives parlementaires transpartisanes convergent pour reconnaître l'engagement des proches aidants, une population menant une action médico-sociale invisible venant en déduction de la charge de l'État. Le 6 octobre dernier, la journée nationale des aidants a été l'occasion de rappeler leurs besoins et leurs attentes. Ce texte y répond, nul doute qu'il fera l'objet d'un large soutien.
Quel soutien pour les aidants ? Il est aujourd'hui si dispersé qu'il en est inefficace et quasiment indétectable. L'État ne tient malheureusement pas sa place, il manque de proactivité envers ceux qui lui font pourtant économiser jusqu'à 16 d'euros par an.
J'ai reçu des témoignages poignants. Celui d'une mère d'un enfant atteint d'une maladie rare. Cet enfant, qui ne dort presque jamais, qui ne s'exprime qu'en criant et s'agite en permanence, ne peut pas être pris en charge tant cette pathologie est lourde et demande une assistance de chaque instant. N'en pouvant plus, isolée et pourtant épaulée par son conjoint, sa mère a failli. Elle a attenté à la vie de sa fille en lui administrant trop de médicaments. Je ne peux m'empêcher de penser aussi à ma soeur et à mon beau-frère qui ont élevé leur fille Léa atteinte du syndrome de Rett. Quel n'a pas été leur épuisement physique et psychologique ! Ces vies sont celles de nombreux Français, nous ne pouvons pas les ignorer.
Qui doit s'occuper des aidants ? La réponse est : nous, Parlement et Gouvernement, maintenant ! L'engagement des aidants ne devrait pas être un « travail de l'ombre » dont l'État se satisfait.
Il eût été facile de laisser le Gouvernement cheminer seul sur ce sujet et de s'en remettre à lui pour trouver des financements. Mais les mesures innovantes que nous proposons ont une valeur thérapeutique pour celles et ceux qui souffrent, qui s'isolent et qui, parfois même, décèdent avant la personne qu'elles aident.
Les solutions que j'apporte ont été discutées avec les associations, les employeurs, l'administration centrale, la CNSA et les parlementaires. Je remercie le rapporteur Henno et la commission des affaires sociales de les avoir parachevées. Ce travail répond à une urgence, à un souhait, à « un enjeu social et sociétal majeur » pour reprendre les mots de la ministre Agnès Buzyn.
Ce texte vise, d'abord, à identifier l'aidant pour l'informer de ses droits, le mettre en contact avec les bons interlocuteurs et les réseaux associatifs. Une plateforme internet lui proposera, après un court questionnaire, un parcours personnalisé. Notre rapporteur a travaillé avec la CNIL pour que soit directement précisé sur la carte vitale de l'aidé, le nom de l'aidant. Un amendement proposera d'intégrer la réciproque.
Parce que l'aidant est parfois un salarié, les branches doivent s'employer à faciliter la conciliation entre sa vie personnelle et sa vie professionnelle. La ministre Pénicaud soutient cette disposition que le Conseil constitutionnel a censurée dans la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel au motif qu'elle constituait un cavalier législatif.
Indemniser le congé de proche aidant n'est pas professionnaliser l'aidant, c'est compenser la perte de salaire qu'il subit. Cela ne coûtera pas un centime à l'État, le financement passera par une surcote sur certains contrats d'assurance. C'est un choix politique, qu'il est tout à fait possible d'assumer comme cela a été fait pour l'écoparticipation.
Madame la ministre, je ne veux pas d'un texte d'affichage, je veux un texte compatible avec l'agenda du Gouvernement, en particulier sur l'harmonisation des droits sociaux des aidants. Je peux me résoudre à renoncer à ses dispositions sur les droits à la retraite si vous me garantissez votre soutien à l'Assemblée nationale. Si l'atelier « aidants » du chantier « Grand âge et autonomie » est au travail, cette proposition de loi ne vide pas le sujet, ne serait-ce qu'en raison de l'article 40. Les problèmes sont depuis longtemps identifiés, les propositions du Gouvernement ne viendront au mieux que fin 2019. Mettons-nous en marche dès à présent.
Les aidants assument une partie de la charge qui incombe à l'État, nous avons une dette envers eux. Sans eux, la France ne serait pas à la hauteur de ses prétentions ! (Applaudissements sur tous les bancs, à l'exception de ceux du groupe LaREM)
M. Olivier Henno, rapporteur de la commission des affaires sociales . - (Applaudissements sur les bancs du groupe UC) Je salue la foi et la conviction avec laquelle Mme Guidez défend sa proposition de loi. Les aidants, c'est un beau et grand sujet ; ce n'est pas un sujet mineur dont s'emparerait une sénatrice fraîchement élue. Les Français ne s'y trompent pas d'ailleurs : 40 % d'entre eux ont entendu parler de la notion de proche aidant - une hausse de 15 % en quatre ans. Plus d'un quart des sondés se sent concerné par la question, pour eux-mêmes ou pour un proche - c'est 5 % de plus qu'en 2015.
Les aidants sont peu aidés, tellement peu aidés, qu'ils sont souvent en voie d'épuisement. Pas moins de 31 % délaissent leur propre santé et déclarent souffrir de stress, de manque de sommeil ou de douleurs. Seuls 13 % sont interrogés sur leur propre santé quand ils accompagnent leur proche à l'hôpital.
Qui ne connaît pas un proche dans cette situation ? Je pense à ce fils de 59 ans qui a compromis sa vie professionnelle et perdu ses droits sociaux pour s'occuper de sa mère, je pense à ces parents qui voient le temps passer avec angoisse en se demandant qui prendra soin de leur enfant polyhandicapé quand ils seront partis, je pense à ce mari qui prend soin de sa femme, atteinte d'Alzheimer, et redoute son départ en Ehpad.
Fallait-il attendre une concertation ? Le projet de loi sur la dépendance ? Non ! Du reste, les propositions de loi du député Pierre Dharréville et de mes collègues du groupe CRCE témoignent d'un mouvement spontané et uniforme. J'ignore l'avenir de cette proposition de loi mais je sais que le Sénat se grandit en se saisissant de cette question. Le sujet est trop grave pour faire l'objet d'un conflit de paternité. « Quand un bébé est beau, il ne manque pas de pères. », disait un ancien député du Nord.
L'intention est partagée, je n'en doute pas, mais nous sommes poliment invités à la contenir. Les raisons d'opportunité calendaire que le Gouvernement avance ne sont guère convaincantes. Le sujet doit être traité de façon globale et cohérente, nous le devons aux 8 millions d'aidants dont l'action ne peut plus être considérée comme une simple extension de la solidarité familiale.
Le congé de proche aidant est une belle initiative. Malheureusement, il sera peu utilisé tant qu'il ne sera pas indemnisé. Cette proposition de loi y remédie. Elle améliore également les modalités d'information de l'aidant et prévoit le renforcement de sa place dans le parcours de la personne aidée.
Je vous invite à adopter ce texte, abouti et équilibré, parce que, comme le disait Jacques Delors, « en matière de solidarité, ce sont souvent les plus fragiles qui sont les plus grands. » (Applaudissements sur tous les bancs, à l'exception de ceux du groupe LaREM)
Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé . - Le Gouvernement accorde une grande importance au soutien aux proches aidants. C'était un engagement du président de la République lors de la campagne, qui s'est traduit dans la feuille de route que le Premier ministre a confiée à Mmes Buzyn et Cluzel.
Nous connaissons tous des aidants. Certains d'entre nous le sont. Il faut saluer leur engagement, qui s'accroîtra avec le vieillissement de la population. Comment les soutenir ? Je salue la volonté de la Haute Assemblée de saisir ce sujet à bras-le-corps. Les initiatives parlementaires de tous bords se multiplient à travers des propositions de loi ou des amendements ; le Gouvernement s'en félicite.
Beaucoup a été fait. Dans la loi du 28 décembre 2015 sur l'adaptation de la société au vieillissement a été instauré le congé de proche aidant et en consacrant le droit au répit. La loi ESSOC du 10 août 2018 prévoit l'expérimentation de prestations de « relayage » par un professionnel jusqu'à six jours consécutifs.
Toutefois, il faut aller plus loin pour répondre à des situations très variées. Les aidants eux-mêmes connaissent mal les dispositifs. Le non-recours au congé de proche aidant est élevé, comme l'a constaté Dominique Gillot, ancienne sénatrice, dans un rapport remis au printemps.
Le Gouvernement a choisi d'adopter une approche structurée et globale. Nous l'avons adoptée dans le cadre de la concertation nationale « Grand âge et autonomie », lancée le 1er octobre par la ministre de la santé.
Le Gouvernement a engagé une démarche sur les personnes âgées, mais aussi handicapées. Il travaille sur la simplification des démarches pour que le temps consacré au proche ne soit pas du temps consacré à l'administratif. Ainsi le Gouvernement mettra fin à l'obligation de demandes de renouvellement quand le handicap n'est pas évolutif.
Une grande consultation en ligne s'accompagne de dix ateliers. Le Gouvernement a confié la coprésidence de l'atelier à une députée, Mme Vidal. Les parlementaires y sont pleinement associés. Pour l'Assemblée Nationale, M. Dharréville. Le Sénat, lui, n'a pas répondu à l'invitation pour l'heure, ce que nous regrettons.
L'atelier sur les aidants s'intéressera à tous leurs besoins, quel que soit leur profil : jeune ou non, salarié ou non. La concertation aboutira à un projet de loi fin 2019, qui apportera une vision globale et des mesures pour les aidants en cohérence avec les mesures pour les aidés. C'est pourquoi, malgré la qualité de votre travail, le Gouvernement ne peut pas soutenir cette proposition de loi.
M. Philippe Mouiller. - N'importe quoi !
Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État. - Votre proposition de loi risque d'être en décalage avec les conclusions de la concertation.
M. Philippe Mouiller. - Donc, on ne fait rien !
Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État. - Je vais vous exposer, article par article, ma position.
Aujourd'hui, près d'un salarié sur cinq est un proche aidant ; en 2030, ce sera un sur cinq. On sait qu'ils sont davantage susceptibles d'être en arrêt maladie, c'est donc un enjeu pour les entreprises et une question de responsabilité sociale et sociétale. L'article premier modifié par la commission, qui reprend le cadre de l'article 33 de la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel, va dans le bon sens.
À l'article 2, je suis favorable à l'indemnisation du congé de proche aidant mais réservée sur les modalités de son financement. Dans les faits, le congé de proche aidant est très peu mobilisé. Il n'est pas la seule solution : les entreprises doivent mieux prendre en compte la situation du proche aidant. Le financement que vous proposez, par une surtaxe de 1,7 % sur certains contrats d'assurance, pose question : il préserve les finances publiques mais les sources de financement de la dépendance méritent une réflexion plus large. La question de l'articulation entre solidarité familiale et nationale doit faire l'objet d'un débat global. Enfin, la surtaxe que vous proposez risque d'être répercutée par les assurances sur les contrats de santé, ce dont le Gouvernement ne veut pas.
L'article 3 ouvre le dispositif de majoration de durée d'assurance aujourd'hui réservé aux aidants de personnes handicapées aux proches aidants. Le Gouvernement, sur le principe, partage cette préoccupation mais un nouveau système universel de retraites sera présenté dans un projet de loi en 2019. Les sénateurs Jean-Marie Vanlerenberghe et René-Paul Savary ont d'ailleurs accompagné le Haut-commissaire à la réforme des retraites Jean-Paul Delevoye dans trois pays européens pour examiner ce qu'il s'y faisait.
Même réserve sur l'article 4 pour des questions de calendrier.
L'article 5 ouvre aux agents civils et publics la dérogation expérimentale inspirée du baluchonnage québécois instaurée par la loi ESSOC pour le secteur privé. L'intention est louable mais les règles relatives au temps de travail des agents publics relèvent du réglementaire ; une loi n'est donc pas nécessaire.
L'article 6 prévoit l'enregistrement sur la carte vitale du nom de l'aidant et la mise à disposition d'un guide par le proche aidant. Certes, il faut mieux aider et identifier l'aidant mais, là encore, la réflexion est en cours. Nous avons déjà amélioré l'accès aux droits. La caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA) consacre un portail à l'information des aidants ; le Gouvernement va aussi lancer un portail national pour les personnes handicapées. En toute hypothèse, il n'est pas utile de légiférer pour créer un portail. Le Gouvernement met en oeuvre en matière de simplification les recommandations du rapport parlementaire remis au printemps.
L'article 6 pose aussi d'autres problèmes : est-il judicieux d'envoyer systématiquement un guide de l'aidant ?
J'ai pris le temps d'approfondir chaque sujet...
M. Jean-Louis Tourenne. - Oui, et longuement !
Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État. - ...et d'expliquer pourquoi le Gouvernement ne peut pas soutenir cette proposition de loi. Vos initiatives ont vocation à s'insérer dans la stratégie plus complète élaborée par le Gouvernement. Et je profite de l'examen de cette proposition de loi, madame Guidez, pour réitérer l'invitation du Gouvernement à travailler ensemble, de manière globale constructive, (Marques d'ironie) à l'élaboration d'une politique globale en faveur des proches aidants dans le cadre de cette concertation « Grand âge et autonomie ».
M. Jean-Louis Tourenne. - Ça fait du bien quand ça s'arrête !
M. Michel Canevet. - Le Gouvernement peut aussi enrichir les idées du Parlement !
M. Jean-Pierre Decool . - Toutes mes félicitations à Mme Jocelyne Guidez (Vifs applaudissements sur tous les bancs) qui a eu le courage de s'attaquer à la question des proches aidants, un serpent de mer de nos politiques d'accompagnement de la dépendance. Ils représentent pourtant plus de 8 millions de personnes et près de 9 % d'entre eux consacrent au soin d'un proche plus de 40 heures par semaine.
Les aidants renoncent parfois à leur vie personnelle et sociale, sans trouver leur place dans le dispositif d'accompagnement. L'édifice de l'aide aux aidants s'est construit progressivement : loi d'adaptation de la société au vieillissement de 2015 puis loi Paul Christophe sur le don de jour de repos en janvier dernier et, enfin, décret du 9 octobre. Notre devoir est de le compléter par l'indemnisation du congé de proche aidant. Près de 31 % d'entre eux souffrent de stress, de manque de sommeil, de douleurs physiques. Si l'État providence doit être repensé, la protection des plus fragiles doit demeurer sa mission sacrée.
Le rapporteur a simplifié les mécanismes de financement de l'indemnité et éclairé la situation de fin anticipée du congé de proche aidant. Pour demain mettre en oeuvre ce nouveau modèle de financement de l'accompagnement, il faudra surveiller la trajectoire financière du dispositif. La pérennité de ce dispositif est la clé de voûte de sa fonctionnalité. La proposition de loi y pourvoit en majorant la durée d'assurance d'un trimestre par période de trente mois, dans la limite de huit trimestres. Voilà une proposition humaine et sociale, financièrement gagée et fiscalement équilibrée pour préserver l'équilibre des comptes publics. Elle devait être complétée par un volet informatif, ce qui est le cas.
Gageons que ce texte contribuera à développer le modèle de l'accompagnement des proches aidants. Les Indépendants le soutiennent et vous invitent, après avoir entendu la ministre, à le graver dès aujourd'hui dans le marbre. Ce sera le meilleur moyen d'affirmer notre volonté humaniste (Applaudissements sur tous les bancs, à l'exception de ceux du groupe LaREM)
Mme Christine Bonfanti-Dossat . - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) L'aide aux personnes vulnérables existe depuis la civilisation gréco-romaine : Énée, fuyant Troie, porte son père aveugle et paralysé sur son dos.
Comment concilier l'aide à un proche et le travail ? Comment ne pas, dans ces circonstances, céder à l'oubli de soi ? Comment assurer une présence effective lorsqu'aucun répit n'est autorisé, aucun relais envisageable ?
Je salue le travail formidable de Jocelyne Guidez et Olivier Henno pour répondre à cette question urgente quand la génération des baby-boomers arrive au seuil de la dépendance. Le législateur doit accompagner les « proches donnants » et les protéger sans créer de carcan. Le texte bâtit peu à peu, avec l'indemnisation du congé de proche aidant et d'autres mesures, l'édifice de la reconnaissance du proche aidant. Il fait sens dans notre époque individualiste, notre société si complexe. Adoptons-le ; il en appelle bien d'autres. Regardons la réalité en face, avec conviction, courage et humanité. (Applaudissements sur tous les bancs, sauf sur ceux du groupe LaREM)
Mme Patricia Schillinger . - Ce texte poursuit l'objectif d'accroître la reconnaissance et le soutien du proche aidant. Pas moins de 8,3 millions de personnes soutiennent un proche en perte d'autonomie. Les femmes sont les premières pourvoyeuses d'aide - 57 % - et 4 millions de ces 8,3 millions seraient des salariés : les risques de rupture et d'isolement sont d'autant plus importants pour eux.
L'aide financière, matérielle et sociale du proche aidant doit être améliorée, mais ce texte contribue à fragmenter le traitement de la question, qui a fait l'objet de propositions diverses. Un chantier majeur a été lancé...
Mme Éliane Assassi. - Donc, on ne peut rien faire !
Mme Patricia Schillinger. - Le sujet est incontournable et transversal ; il appelle un plan global et non un texte sectoriel comme celui-ci. La méthode des petits pas a atteint son objectif et ses limites.
Comme le rappelait le Haut conseil de la famille, « le premier droit des aidants est que le plan d'aide de leur proche soit d'un bon niveau et qu'un service public de bonne qualité le mette en oeuvre. »
Je partage l'avis émis par notre collègue député Pierre Dharréville dans son rapport de mission « flash » sur les aidants : « Les personnes aidantes fournissent un travail gratuit, un travail informel qui vient au mieux en complément, au pire en palliatif d'une réponse publique qui n'est pas à la hauteur. »
Voix à gauche. - Vous dites le tout et son contraire !
Mme Patricia Schillinger. - Voilà les raisons pour lesquelles le groupe LaREM s'abstiendra de manière constructive. (Marques d'ironie)
Mme Cathy Apourceau-Poly . - Le groupe CRCE s'investit sur la question depuis longtemps. Une proposition de loi avait suivi en 2018 la mission « flash » de Pierre Dharréville. Le constat fait à l'époque reste valable : les proches aidants assument des tâches incombant à l'État. Afin de leur assurer des conditions d'exercice dignes pour le présent et pour le futur, des propositions avaient été faites sur le droit au répit, les ressources du proche aidant, sa reconnaissance par les professionnels de santé et la facilitation de sa réinsertion dans le monde du travail.
Cette proposition de loi tient compte de ces pistes et reprend la proposition de créer une indemnité de proche aidant, la majoration de la durée d'exercice ou encore l'expérimentation du relayage, qui protège et crée un véritable droit au repos.
Nous nous félicitons de ces avancées mais regrettons les oublis, telles l'articulation plus fine du temps de travail et du temps d'aide via le recours fractionné aux congés, la prise en charge à 100 % des frais financiers ou la reconnaissance des compétences acquises à cette occasion pour faciliter la réinsertion dans l'emploi.
Cela étant, cette proposition de loi marque une avancée considérable car elle crée des droits réels et nouveaux pour les citoyens - préoccupation majeure pour notre groupe. Il est nécessaire de la soutenir hors de toute considération dogmatique. (Applaudissements sur les bancs du groupe CRCE, ainsi que sur de nombreux bancs SOCR, RDSE, UC ; Mme Viviane Malet applaudit aussi.)
Mme Nadine Grelet-Certenais . - L'aidance touche 11 millions de Français et Françaises, des femmes majoritairement, qui travaillent et n'ont pas toujours conscience d'être aidants du fait du manque de reconnaissance de l'assistance quotidienne qu'elles apportent aux personnes en perte d'autonomie, en incapacité ou malades.
Le service gratuit rendu par ces personnes est considérable. Les soutenir est une exigence de salut public, d'autant que d'ici à 2060, le nombre de personnes en perte d'autonomie atteindra les 2,5 millions de personnes.
Je salue l'initiative de Jocelyne Guidez, après celle du député Pierre Dharéville, alors que nous attendons toujours la première mouture du projet de loi sur l'autonomie. Le Sénat, en apportant cette contribution, incite le Gouvernement à accélérer sa propre réflexion. Le législateur n'est certes pas resté inactif sur ce dossier - je songe à la loi d'adaptation de la société au vieillissement de 2015 et au don de jours de congés étendu par la loi du 13 février 2018.
Il faut aller plus loin et la publication par la Commission européenne en avril 2017 du « socle européen des droits sociaux » nous y invite. Loin d'entretenir une vision doloriste de l'aidance, il s'agit bien plutôt pour nous d'apporter un soutien matériel et moral des aidants, de les reconnaître pleinement et de faciliter leur quotidien.
Extension de la durée de congé et assouplissement des modalités de recours, intégration de l'aidance dans la négociation collective, information des aidants, majoration de la durée d'assurance pour les droits à pension, tout cela est nécessaire pour faciliter la vie de l'aidant.
Celui-ci souffre trop souvent d'isolement, de manque de reconnaissance de son travail et d'absence de droits effectifs, alors qu'il pallie les manques de personnel soignant. Des études ont montré la difficulté qu'ont les aidants à demander et à obtenir un soutien professionnel, en raison de la frilosité et de la perception négative des DRH à leur égard.
Le rapport de Dominique Gillot a jeté une autre lumière utile sur le phénomène de désinsertion professionnelle. Il y a là également un enjeu de santé publique. Nous connaissons tous autour de nous des personnes supportant cette « charge mentale » - comme l'on dit désormais.
Intéressons-nous aussi au jeune public dont l'insertion sociale est entravée par l'aidance. Malgré quelques reculs en commission, cette proposition de loi est utile, qui rend non pas hommage mais justice à ces piliers invisibles et indispensables de la solidarité nationale. (Applaudissements sur la plupart des bancs des groupes CRCE au groupe UC, et sur quelques bancs du groupe Les Républicains)
M. Guillaume Arnell . - Je salue l'initiative de Jocelyne Guidez qui fait suite à son rapport sur la proposition de loi de Paul Christophe. J'ai dit à l'époque à la tribune que ce texte allait dans le bon sens, en dépit de quelques lacunes - auxquelles la présente proposition de loi tente de répondre.
Les proches aidants jouent un rôle fondamental auquel l'État ne peut entièrement se substituer, et leur nombre va aller croissant. Il faut leur faciliter la tâche, mais pas seulement : il faut aussi les aider à concilier leur vie professionnelle avec cette activité, tout en prenant en compte ses effets sur leur santé. Je rappelle que 22 % des aidants sont obligés de reporter leurs propres soins, 11 % ont des problèmes de santé depuis qu'ils sont aidants et un tiers décède avant la personne aidée ! Le risque de surmortalité est réel. Les progrès de l'information et de l'orientation des aidants apportés par le site internet et le guide prévus à l'article 6 sont donc indispensables.
La proposition de loi de Pierre Dharréville, examinée le 8 mars à l'Assemblée nationale, n'a pas été adoptée, les députés y voyant une énième réponse partielle et isolée, « au coup par coup ». Je ne puis souscrire à de tels propos : le législateur ne peut se contenter d'attendre les projets du Gouvernement ! (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes RDSE et UC ; Mme Catherine Conconne applaudit également.)
La question de l'accompagnement des personnes en situation de dépendance est essentielle, surtout à Saint-Martin, qui ne compte qu'un établissement spécialisé. Il est impératif de développer les structures d'accueil de jour, de créer des places en Ehpad. Cela ne suffira certes pas, mais, sensible à la détresse et à la solitude des aidants familiaux, je n'ai pas hésité une seconde à cosigner ce texte.
Le groupe RDSE dans son intégralité votera ce texte. (Applaudissements sur la plupart des bancs)
Mme Élisabeth Doineau . - Quel est donc ce nouveau monde qui nous avait été promis, qui a démoli pierre par pierre, article par article, cette proposition de loi ? Tout ce qui vient du Parlement est systématiquement rejeté. Vous avez besoin d'aide pour trouver le nouveau monde ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UC et Les Républicains)
Chaque Français est amené à devenir un aidant, hélas, compte tenu de la démographie et de la progression des maladies neuro-dégénératives. L'aidance représente entre 0,6 et 0,8 point de PIB, entre 12 milliards et 16 milliards d'euros de travail non reconnu, quoiqu'il soit difficile de chiffrer des preuves d'amour.
À nous d'apporter aux proches aidants le soutien qui leur est dû, d'être à la hauteur de la situation, madame la ministre. Près de 30 % des aidants décèdent avant la personne aidée ! L'aidant ne sait pas même toujours qu'il est aidant : c'est un parent, un ami, un voisin qui s'oublie lui-même à prendre soin de l'autre. Le risque d'isolement, de traumatisme psychologique est entier. Pour y remédier, beaucoup quittent leur métier, la fragilité sociale s'ajoutant à la fragilité économique. Quid alors de la retraite ? Le proche aidant forme un duo avec l'aidé, mais seul ce dernier est reconnu. Ce n'est pas juste. Aussi un appui médico-social doit-il être apporté au proche aidant.
Les associations se multiplient pour apporter du soutien aux proches aidants, auxquels se joignent les départements, la conférence des financeurs. Mais ce n'est pas suffisant.
Notre rapporteur Olivier Henno a dit l'essentiel : détecter l'aidant le plus rapidement possible, l'épauler, lui donner un soutien financier, lui conférer une reconnaissance dans son entreprise, assurer le suivi de ses droits, créer un lien identifiable aidant-aidé...
Plusieurs amendements ont été adoptés dans ce sens en commission, sans modifier la philosophie de cette proposition de loi. Ce texte n'est pas d'opposition, c'est un texte d'avenir, pour une société juste et humaine, humainement juste et justement humaine. (Applaudissements sur la plupart des bancs)
M. Philippe Mouiller . - Près de 2,3 millions de nos concitoyens répondent à la définition du proche aidant donnée par la loi du 28 décembre 2015.
En janvier dernier, nous ajoutions une pierre à l'édifice de la loi de 2015 en adoptant la proposition de loi de Paul Christophe sur le nombre de jours de congés aux proches aidants. Je salue la détermination de Jocelyne Guidez, et le travail d'Olivier Henno pour aller plus loin encore.
Les proches aidants suppléent les manques de notre politique sociale. De nombreux proches aidants pâtissent de leur tâche, moralement, financièrement, physiquement. Cette proposition de loi instaure d'abord une indemnisation du congé du proche aidant, innovante, fondée sur une surcote sur les produits d'assurance.
Je retiens aussi l'article 4, qui affilie tous les proches aidants au même régime vieillesse du régime général.
Il y a urgence. Or, madame la ministre, vous invoquez le calendrier... Vous oubliez là le rôle du Sénat, force de propositions, en déniant notre travail et nous renvoyant sur nos bancs alors que nous étions prêts à coconstruire. Quelle drôle de conception de la vie démocratique. (Applaudissements sur les bancs des groupes UC et Les Républicains)
Le groupe Les Républicains votera ce texte.
M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales . - Je tiens d'abord à féliciter Mme Guidez et M. Henno. Je vous invite à voter cette proposition de loi, à l'unanimité si possible, faisant fi des injonctions du Gouvernement.
Je rappelle que le président Sarkozy, que d'aucuns ne disaient pas très démocrate, a fait inscrire dans la Constitution le droit du Parlement de décider d'une partie de son ordre du jour pour voter des textes qui n'auront pas moins que les projets du Gouvernement force de loi...
La commission des affaires sociales a réfléchi aux problèmes des hôpitaux, des CHU, et le Gouvernement de répondre : vos idées sont bonnes, mais attendez-donc que nous fassions un projet de loi pour remettre tout cela en place ! Ce matin même, le Gouvernement déniait toute valeur à nos travaux sur le financement de l'Inserm au motif que le Gouvernement y réfléchissait ; idem sur les Ehpad : un projet de loi serait en préparation. Sur les aidants encore à l'instant : bravo, excellent travail, de bonnes idées, à reprendre, mais attendez donc notre texte, plus complet ! Quant aux malades, ils attendront leurs proches, qui attendront eux-mêmes... Les droits du Parlement sont bafoués depuis quelque temps (Applaudissements sur tous les bancs à l'exception de ceux du groupe LaREM) Aussi suis-je tenu de vous inviter, chers collègues, à voter en fonction de ce que vous ressentez, et non de ce que l'on vous ordonne. (Vifs applaudissements sur tous les bancs à l'exception de ceux du groupe LaREM)
La discussion générale est close.
Discussion des articles
ARTICLE PREMIER
M. Maurice Antiste . - Le 31 janvier, lors de la discussion de la proposition de loi sur le congé proche aidant, je soulignais la nécessaire évolution législative. Toutes les mesures réglementaires ont été prises par le Gouvernement ; manque la publication du rapport sur la question.
Le développement du nombre d'Ehpad n'est pas le signe de la meilleure prise en charge de nos aînés. Ce serait en revanche le cas d'une législation sur les aidants.
Quelque 92 180 personnes âgées de 60 ans et plus résident en Martinique, soit un quart de la population : une proportion équivalente à ce qu'elle est en métropole, mais supérieure à ce qu'elle est en Guadeloupe.
En 2030, 145 000 personnes auront 60 ans et plus, pour 39,6 % de la population en Martinique, contre 30 % en métropole. Cela montre l'acuité de la question pour nous. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR)
M. le président. - Amendement n°1 rectifié bis, présenté par Mme Guidez, M. Vanlerenberghe, Mme Doineau, MM. Marseille et Delahaye, Mme Létard, MM. Médevielle et Janssens, Mmes Vullien, Vermeillet et Loisier, MM. Le Nay, Moga et Delcros, Mmes Billon et Gatel, MM. Kern, Cadic, Lafon, Cigolotti, Louault, Longeot, Cazabonne et L. Hervé, Mme Morin-Desailly, MM. Dallier, Mouiller et Savary, Mme Noël, MM. Raison et Perrin, Mme Micouleau, MM. A. Marc, Lefèvre, Daubresse, Cuypers et Houpert, Mme A.M. Bertrand, MM. Piednoir et B. Fournier, Mme Garriaud-Maylam, M. Vogel, Mmes L. Darcos et Malet, MM. Paccaud et Decool, Mme Kauffmann, MM. Chatillon, Priou et Huré et Mmes Bonfanti-Dossat et Bruguière.
Compléter cet article par quatre alinéas ainsi rédigés :
...° L'article L. 6323-14 est ainsi modifié :
...) Après le mot : « technologiques », sont insérés les mots : « , les salariés mentionnés à l'article L. 6323-12 » ;
...) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Un décret en Conseil d'État fixe les conditions d'application du premier alinéa pour les agents publics civils et militaires. »
Mme Jocelyne Guidez. - Cet amendement établit une priorité pour le congé personnel de formation (CPF) en faveur des salariés qui se seraient absentés au titre des congés sociaux non rémunérés.
Il vise les proches aidants du privé comme du public. Nous leur devons ce droit. La demande est forte. Il ne s'agit pas de créer une égalité mais de prendre en compte l'absence contrainte des proches aidants de l'entreprise.
Les chefs d'entreprise soutiennent cet amendement. Le dispositif de l'article premier a reçu de nombreux soutiens.
M. Olivier Henno, rapporteur. - Avis favorable à ce dispositif qui renforce le soutien aux proches aidants et complète la proposition de loi en en étendant le bénéfice aux fonctionnaires.
Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État. - Le dispositif me semble inadapté. La durée du congé proche aidant est déjà prise en compte dans la détermination de l'ancienneté.
De plus, les partenaires sociaux peuvent déjà organiser une priorité d'accès aux formations pour les salariés aidants. L'amendement est donc satisfait. Retrait.
L'amendement n°1 rectifié bis est adopté.
L'article premier, modifié, est adopté.
ARTICLE 2
Mme Jocelyne Guidez . - Le CPA aurait profité à moins de dix personnes sur 267 000 proches aidants en 2016. Si un dispositif ne fonctionne pas, soit on le supprime, soit on l'améliore. S'il n'est pas indemnisé, le CPA ne peut être efficace. On pourrait même avoir affaire à des arrêts maladie de complaisance. (Applaudissements sur les bancs du groupe UC)
M. le président. - Amendement n°18, présenté par M. Henno, au nom de la commission.
Alinéas 10 et 12
Supprimer ces alinéas.
M. Olivier Henno, rapporteur. - Cet amendement approfondit la cohérence du dispositif et son rapprochement avec l'allocation journalière de présence parentale en retirant l'employeur du circuit de son versement.
Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État. - Cet amendement améliore la cohérence du dispositif, mais je ne peux le soutenir en raison de la position du Gouvernement sur l'article 2.
L'amendement n°18 est adopté.
M. le président. - Amendement n°5, présenté par Mme Grelet-Certenais et les membres du groupe socialiste et républicain et apparentés.
Alinéa 11, dernière phrase
Remplacer cette phrase par deux phrases ainsi rédigées :
Cette indemnité est cumulable avec la rémunération découlant de la situation mentionnée au deuxième alinéa de l'article L. 3142-18 du code du travail. Elle n'est pas cumulable avec l'allocation mentionnée à l'article L. 544-1 du code de la sécurité sociale.
Mme Nadine Grelet-Certenais. - Cet amendement rétablit le texte initial de la proposition de loi en donnant la possibilité au proche aidant de cumuler l'indemnité perçue au titre du congé de proche aidant avec la prestation de compensation du handicap (PCH) ou la rémunération versée au titre de l'allocation personnalisée d'autonomie (APA) de la personne aidée.
Parler d'effet d'aubaine me paraît inapproprié. Être aidant n'est pas un choix. C'est un investissement personnel, dont le chiffrage est connu ; de plus le taux de non-recours aux aides est très important. Permettre aux aidants d'obtenir une prestation compensatoire est juste ; tout comme sauvegarder des droits à la PCH et à l'APA de la personne aidée.
Enfin, il n'y a pas lieu de parler de cumul puisque les prestations ne vont pas aux mêmes bénéficiaires.
M. le président. - Amendement n°19, présenté par M. Henno, au nom de la commission.
Alinéa 11, dernière phrase
Remplacer les mots :
L. 232-1 du code de l'action sociale et des familles
par les mots :
L. 544-1 du même code et la rémunération mentionnée au deuxième alinéa de l'article L. 232-7 du code de l'action sociale et des familles
M. Olivier Henno, rapporteur. - Cet amendement précise le périmètre du non-cumul de l'indemnité de proche aidant, en ajoutant la rémunération touchée par l'aidant au titre de l'APA.
Sur l'article 5, avis défavorable. La commission des affaires sociales est soucieuse d'éviter les effets d'aubaine. La proposition de loi n'a pas pour but de doublonner les aides.
Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État. - Avis défavorable aux deux amendements.
L'amendement n°5 est adopté.
L'amendement n°19 n'a plus d'objet.
M. le président. - Amendement n°4 rectifié bis, présenté par Mme N. Delattre, MM. Requier, Arnell, Artano et A. Bertrand, Mme M. Carrère, MM. Castelli, Collin et Corbisez, Mme Costes, MM. Dantec, Gabouty, Gold et Guérini, Mmes Guillotin et Jouve, M. Labbé, Mme Laborde et MM. Léonhardt, Menonville, Roux et Vall.
Alinéa 14, deuxième phrase
Remplacer les mots :
d'employeurs et de salariés
par les mots et une phrase ainsi rédigée :
d'employeurs, de salariés et de membres d'associations représentatives d'usagers. Les membres d'associations représentatives d'usagers ne sont pas rémunérés et aucun frais lié au fonctionnement de ce conseil de gestion ne peut être pris en charge par une personne publique.
M. Guillaume Arnell. - L'article 2 met en place un fonds spécifique pour financer le congé de proche aidant administré par un conseil de gestion composé à parité de représentants de l'État, de représentants d'employeurs et de salariés. Cet amendement y associe les usagers.
M. Olivier Henno, rapporteur. - Avis défavorable. De quels usagers s'agit-il ? Cette notion ne peut s'appliquer dans un cadre familial.
Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État. - Avis défavorable.
M. Guillaume Arnell. - Je préfère le retirer.
L'amendement n°4 rectifié bis est retiré.
M. le président. - Amendement n°6, présenté par Mme Grelet-Certenais et les membres du groupe socialiste et républicain et apparentés.
Alinéa 19
Rétablir cet alinéa dans la rédaction suivante :
b) Le 2° est abroge?.
Mme Nadine Grelet-Certenais. - Cet amendement rétablit la suppression du nombre de renouvellements possibles du congé de proche aidant du champ de la négociation collective, ouvrant ainsi la possibilité d'un nombre de renouvellements non plafonnés dans la limite de trois années.
Les besoins sont compliqués à évaluer. Il faut de la souplesse et de la réactivité aux aléas de santé de la personne aidée. La suppression du nombre de renouvellements du champ de la négociation collective instaure un climat d'apaisement dans l'entreprise sans porter préjudice aux équilibres. La sérénité est la clé de la bonne santé psychologique et physique.
M. Olivier Henno, rapporteur. - Avis défavorable. Ce congé ne doit pas pouvoir être renouvelé à l'infini. Cela deviendrait insoutenable pour les branches.
Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État. - Même avis.
L'amendement n°6 n'est pas adopté.
L'article 2, modifié, est adopté.
ARTICLES ADDITIONNELS
M. le président. - Amendement n°7, présenté par Mme Grelet-Certenais et les membres du groupe socialiste et républicain et apparentés.
Après l'article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au troisième alinéa de l'article L. 6111-6 du code du travail, dans sa rédaction résultant de la loi n°2018-771 du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel, après les mots : « les salariés », sont insérés les mots : « , les personnes en situation de handicap au titre des articles L. 5213-1 à L.5213-3, les salariés atteints de maladie chronique et les proches aidants mentionnés à l'article L. 113-1-3 du code de l'action sociale et des familles ».
Mme Nadine Grelet-Certenais. - Cet amendement précise que le conseil en évolution professionnelle concerne bien les personnes en situation de handicap et les proches aidants. Selon la commission des affaires sociales, il est satisfait. Est-ce le cas ?
Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État. - En effet, il est satisfait. Retrait ?
L'amendement n°7 est retiré.
M. le président. - Amendement n°9, présenté par Mme Grelet-Certenais et les membres du groupe socialiste et républicain et apparentés.
Après l'article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au premier alinéa du II de l'article L. 6122-1 du code du travail, dans sa rédaction résultant de la loi n°2018-771 du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel, après les mots : « d'illettrisme, », sont insérés les mots : « de handicap, de proche aidant, d'exclusion professionnelle ».
Mme Nadine Grelet-Certenais. - Cet amendement place les aidants et les personnes en situation de handicap au rang des priorités dans le cadre du programme national prévu à l'article L. 6122-1 du code du travail, qui prévoit la mise en place d'une politique d'accompagnement professionnel spécifique des jeunes sortis du système scolaire et des personnes à la recherche d'un emploi.
La prévention évite l'exclusion, l'accompagnement permet l'épanouissement. Faire apparaître explicitement la situation du jeune aidant ne peut que l'aider.
M. Olivier Henno, rapporteur. - Avis défavorable. La loi prévoit la possibilité pour l'État de financer un programme pour les jeunes décrocheurs. Il faut qu'il reste extrêmement ciblé. Évitons la concurrence avec les organismes de formation.
Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État. - Retrait ? Cet amendement est satisfait.
L'amendement n°9 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°8, présenté par Mme Grelet-Certenais et les membres du groupe socialiste et républicain et apparentés.
Après l'article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le second alinéa de l'article L. 6324-1 du code du travail, dans sa rédaction résultant de la loi n°2018-771 du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel, est complété par les mots : « ou dont l'état de santé au travail justifie une réorientation anticipée pour éviter la désinsertion professionnelle ».
Mme Nadine Grelet-Certenais. - Inspiré du rapport de Dominique Gillot, cet amendement fait en sorte que les salariés en risque de désinsertion professionnelle pour cause de maladie, d'accident ou de diagnostic de handicap, et dont l'état de santé au travail le justifie, bénéficient d'une reconversion ou d'une promotion sociale ou professionnelle par des actions de formation spécifiques.
Le proche aidant oublie sa propre santé et reporte des soins. Leur permettre d'adapter leur situation de travail prévient leur exclusion professionnelle.
M. Olivier Henno, rapporteur. - Avis favorable. L'idée est judicieuse et cohérente.
Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État. - La désinsertion professionnelle dépasse le sujet des proches aidants. Avis défavorable.
L'amendement n°8 est adopté et devient un article additionnel.
ARTICLE 3
Mme Jocelyne Guidez . - Cet article porte sur les retraites des proches aidants. Je me félicite que le Sénat puisse adopter cet article. Le Gouvernement, en ne présentant pas d'amendement de suppression, soutient-il cette politique en faveur des proches aidants ? Le transmettra-t-il au haut-commissaire à la réforme des retraites ?
M. Michel Canevet . - Cet article est très important. Il ne faut jamais oublier les droits ultérieurs des aidants, notamment la retraite. Il n'y a aucune raison de les pénaliser. À l'orée d'une réforme des retraites, il faudrait intégrer les dispositions de l'article 3. Sensibilisons le Gouvernement à l'intérêt de cet article. (Applaudissements sur les bancs du groupe UC)
L'article 3 est adopté.
ARTICLE 4
M. le président. - Amendement n°12, présenté par M. Henno, au nom de la commission.
Alinéa 5
Remplacer les mots :
cinquième, sixième, septième et huitième alinéas
par les références :
1°, 2°, 3° et 5°
M. Olivier Henno, rapporteur. - C'est un amendement de coordination.
Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État. - Avis favorable.
Mme Laurence Cohen. - Admirable ! (Sourires)
L'amendement n°12 est adopté.
L'article 4, modifié, est adopté.
ARTICLE 5
M. Maurice Antiste . - Permettre à un professionnel de remplacer un proche aidant plusieurs jours d'affilée à domicile, pour que celui-ci puisse se ressourcer et s'occuper de lui-même, est actuellement un rêve inaccessible à cause d'un cadre réglementaire inadapté.
En effet, plusieurs professionnels sont contraints de se relayer auprès de l'aidé à cause de la limite à 10 ou 12 heures de travail consécutif fixée par la convention collective des services à la personne. Or les relayeurs estiment que les temps trop courts sont une maltraitance. Le consensus se dégage sur une durée de 36 heures a minima. Il faut s'appuyer sur une documentation solide.
Le coût du relayage doit aussi être raisonnable pour assurer le droit au répit.
L'article 5 est adopté.
ARTICLE ADDITIONNEL
M. le président. - Amendement n°3 rectifié bis, présenté par MM. Saury, Cardoux et Brisson, Mmes Deromedi, Micouleau, Berthet et Raimond-Pavero, MM. Lefèvre et Houpert, Mme Bories, MM. Perrin, Raison et Panunzi, Mme de Cidrac, MM. Savary et Bonhomme, Mmes Renaud-Garabedian et Lanfranchi Dorgal et MM. Pierre, Priou, Kennel, B. Fournier et Dériot.
Après l'article 5
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans chaque département, la conférence des financeurs de la prévention de la perte d'autonomie des personnes âgées peut décider d'affecter une partie des ressources qui lui sont allouées par la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie à des actions visant à prévenir les difficultés physiques et psychiques auxquelles peuvent être confrontés les proches aidants.
M. Hugues Saury. - Cet amendement permet à la conférence départementale des financeurs de la prévention de la perte d'autonomie des personnes âgées, d'utiliser une partie des ressources qu'elle reçoit de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA) au titre de la section 5 pour financer des actions en faveur des proches aidants.
La conférence départementale des financeurs pourrait faciliter le financement d'actions de prévention de l'épuisement physique ou psychique auquel sont fréquemment exposés les proches aidants. Elle s'inscrirait en parfaite complémentarité avec la mission première de la conférence des financeurs, visant à financer des actions de prévention de la perte d'autonomie.
Une telle disposition exprimerait une forme de reconnaissance supplémentaire du rôle essentiel joué par les proches aidants en favorisant le renforcement de l'efficacité de leur présence auprès des personnes âgées.
M. Olivier Henno, rapporteur. - L'intention est louable mais elle est satisfaite par le droit en vigueur ; la section 4 du budget de la CNSA est consacrée au soutien des aidants. La commission des affaires sociales déplore d'ailleurs régulièrement le cloisonnement excessif des missions de financements de la CNSA. N'en rajoutons pas. Retrait ou avis défavorable.
Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État. - Cela fait l'objet des travaux en atelier dans le cadre du chantier lancé par le Gouvernement. Avis défavorable.
M. Hugues Saury. - Le groupe des DGA de l'Action sociale des départements me confirme qu'ils n'ont pas accès aux financements.
Mme Nassimah Dindar. - Je confirme : la Conférence des financeurs n'ouvre pas la prévention sur les aidants à l'ensemble des financements.
Je le vois à La Réunion. En outre, la conférence se réunit souvent en fin d'année quand le budget ne peut plus être utilisé.
Mme Nadine Grelet-Certenais. - La conférence des financeurs finance les actions de prévention. Elle est déjà très sollicitée. Attention à ne pas désengager la CNSA. Nous nous abstiendrons.
L'amendement n°3 rectifié bis est adopté et devient un article additionnel.
ARTICLE 6
M. Olivier Henno, rapporteur . - Cet article traite des modalités d'information du proche aidant. Des membres de la commission des affaires sociales se sont étonnés de l'introduction du nom du proche aidant dans la carte Vitale de l'aidé ; moi aussi, à la vérité. Mais à la réflexion, j'y suis favorable. C'est tout à fait conforme au droit en vigueur : l'arrêté du 14 mars 2007 relatif aux informations pouvant figurer sur la carte Vitale autorise d'y faire figurer l'identité d'une personne à contacter en cas de besoin, avec son consentement comme celui du titulaire de la carte, comme l'a précisé la CNIL lors des auditions. La confidentialité des données personnelles n'est pas mise en cause.
Mme Jocelyne Guidez . - Cet article touche à la vie, l'accompagnement, la reconnaissance des proches aidants. Il aide à leur repérage, leur donne une visibilité en identifiant un duo aidant-aidé dans la carte Vitale, en particulier auprès des médecins, des pharmaciens et des autres professionnels de santé.
La mise en place d'une plateforme numérique ouvrira un parcours personnalisé à l'aidant. Madame la ministre, l'isolement tue l'aidant. Le guide payant n'est pas satisfaisant : il faut un parcours clés en main. Je regrette votre refus du dialogue sur ce point.
Mme Nadine Grelet-Certenais . - Le groupe socialiste avait en effet exprimé des réserves en commission à l'inscription sur la carte Vitale, lui préférant le dossier médical partagé (DMP). Il nous a été répondu que ce DMP n'était pas encore opérationnel. Compte tenu de l'urgence, nous voterons cet article.
M. le président. - Amendement n°14, présenté par M. Henno, au nom de la commission.
Alinéa 2, première phrase
Après les mots :
dérogation au I,
insérer les mots :
et dans les conditions fixées par décret en Conseil d'État,
M. Olivier Henno, rapporteur. - Nous proposons de préciser cet article par un décret en Conseil d'État, en particulier l'obligation pour l'organisme destinataire de la demande de la personne aidée d'intégrer le nom de son aidant au sein de sa carte Vitale et les modalités de communication du guide de proche aidant.
Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État. - Cet amendement est satisfait. Retrait ?
L'amendement n°14 est adopté.
M. le président. - Amendement n°13, présenté par M. Henno, au nom de la commission.
Alinéa 2, première phrase
Compléter cette phrase par les mots :
, ou à la personne auprès de laquelle le proche aidant ou la personne de confiance intervient
M. Olivier Henno, rapporteur. - Cet amendement prévoit que l'aidé peut aussi figurer sur la carte Vitale de l'aidant.
Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État. - C'est une option intéressante mais qui n'a de sens qu'avec un dispositif coordonnant les intervenants médicaux. C'est plus complexe qu'il n'y paraît. Sagesse.
L'amendement n°13 est adopté.
M. le président. - Amendement n°15, présenté par M. Henno, au nom de la commission.
Alinéa 3, première phrase
1° Supprimer les mots :
à sa caisse d'assurance maladie d'affiliation
2° Après les mots :
au sens
insérer les mots :
et selon les modalités
M. Olivier Henno, rapporteur. - Cet amendement précise la personne de confiance d'une personne qui n'est pas admise en soins hospitaliers ou médico-sociaux. La caisse primaire d'assurance maladie n'étant pas le bon interlocuteur, il est préférable de renvoyer au médecin traitant.
Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État. - C'est vrai. Sagesse.
Mme Nadine Grelet-Certenais. - En l'absence de médecin traitant, pour les situations très dégradées, il peut être plus judicieux de conserver les deux destinataires.
L'amendement n°15 est adopté.
M. le président. - Amendement n°16, présenté par M. Henno, au nom de la commission.
I. - Alinéa 4
Supprimer les mots :
ou de personne de confiance
II. - Alinéa 5
Remplacer les mots :
et des aidants familiaux
par les mots :
leur proposant un parcours individualisé et territorialisé
M. Olivier Henno, rapporteur. - Cet amendement précise l'objet du site internet, dans le sens du soutien individuel et territorialisé.
Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État. - Nous partageons l'objectif mais des outils existent déjà et évolueront en fonction des besoins, sans oublier les CLIC, CCAI et CCAS déjà impliqués dans l'information des aidants. Sagesse.
L'amendement n°16 est adopté.
L'article 6, modifié, est adopté.
ARTICLE ADDITIONNEL
M. le président. - Amendement n°10, présenté par Mme Grelet-Certenais et les membres du groupe socialiste et républicain et apparentés.
Après l'article 6
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le Gouvernement remet au Parlement, avant le 1er février 2019, un rapport sur la mise en place d'une politique publique spécifique de soutien et d'accompagnement notamment scolaire à l'égard des jeunes aidants.
Mme Nadine Grelet-Certenais. - Une enquête publique réalisée par Ipsos et Novartis en octobre 2017 confirme que l'aide a un impact décisif dans le développement et l'insertion scolaire et sociale des jeunes aidants.
Cet amendement demande donc au Gouvernement un rapport visant à définir les contours d'une politique publique capable d'accompagner les jeunes aidants dans leur quotidien.
Être jeune aidant est particulièrement difficile. Quelle égalité des chances pour eux, qui passent ce temps à aider, au risque de leur propre parcours scolaire, de leur insertion professionnelle ? On peut envisager des temps d'échange, un appui pratique et des aménagements du temps scolaire et universitaire.
Ce rapport pourrait servir de base à l'intégration de mesures dédiées aux jeunes proches aidants dans le cadre de l'examen parlementaire de la loi pour une école de la confiance présentée il y a peu au Conseil supérieur de l'Éducation.
M. Olivier Henno, rapporteur. - Avis défavorable. La jurisprudence de la commission des affaires sociales sur les rapports est constante.
Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État. - Même avis. La question des jeunes aidants est prise en compte dans la concertation.
L'amendement n°10 n'est pas adopté.
L'article 7 est adopté.
INTITULÉ DE LA PROPOSITION DE LOI
M. le président. - Amendement n°17, présenté par M. Henno, au nom de la commission.
Supprimer les mots :
: un enjeu social et sociétal majeur
M. Olivier Henno, rapporteur. - C'est un amendement de simplification du titre.
Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État. - Le titre de la proposition de loi reprend les mots prononcés par Agnès Buzyn lors de l'examen de la proposition de loi Dharréville le 6 mars. Sagesse.
L'amendement n°17 est adopté.
Explications de vote
Mme Jocelyne Guidez . - Madame la ministre, mesurez mon désarroi. Votre refus de tout changement - pas un avis favorable, sur aucun amendement ! - démontre l'opposition de votre Gouvernement à toute initiative parlementaire. J'ai fait des demandes régulières de co-construction auprès des services du ministère, mais je n'ai reçu vos réponses que deux jours avant la séance publique. C'est de l'amateurisme et de l'irrespect.
Oserez-vous tenir notre majorité pour que l'Assemblée nationale retoque ce texte, à la veille du Téléthon ? Parce que vous voulez la paternité des mesures, vous prenez en otage des aidants qui attendent les mesures que nous leur proposons.
Serez-vous sourde à la détresse des proches aidants ? Dans ce cas, je vous souhaite bien du courage lorsque vous vous expliquerez devant eux.
J'en appelle à la raison et à l'intime conviction de nos collègues députés. Le courage politique, c'est de se battre pour apporter des mesures de justice attendues, désirées, espérées.
Le Gouvernement n'a pas démontré que mes propositions n'étaient pas acceptables. Votons d'une seule voix ! (Applaudissements sur tous les bancs à l'exception de ceux du groupe LaREM)
Mme Laurence Cohen . - Le groupe CRCE votera ce texte. La proposition de loi Dharréville a été rejetée à l'Assemblée nationale au prétexte fallacieux d'absence d'évaluation du coût.
J'espère que cette proposition de loi recueillera l'unanimité que n'a pas eue notre proposition de loi examinée hier sur l'AAH.
La position de la ministre me rend perplexe quant au rôle attribué à nos deux assemblées. Le président Milon l'a souligné avec force et gravité.
Je me souviens aussi de notre texte sur les retraites des salariés agricoles, qui faisait l'unanimité mais a été retoqué par le Gouvernement au prétexte qu'il présenterait un projet de loi bien meilleur. Résultat : les retraités agricoles et nous-mêmes l'attendons toujours ! (Applaudissements sur tous les bancs à l'exception de ceux du groupe LaREM)
Le Gouvernement légifère à sa guise en convoquant des collectifs d'experts : ce n'est pas acceptable dans un pays démocratique. (Applaudissements sur tous les bancs à l'exception de ceux du groupe LaREM)
Mme Catherine Conconne . - Madame la ministre, vous avez devant vous la représentation des territoires. Et vous êtes témoin d'une belle unanimité : le pays entier parle par notre voix ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UC)
Nous sommes nombreux, ici, à avoir exercé des mandats locaux, à avoir exercé des responsabilités parce que, contrairement à d'autres au Gouvernement, nous avions été élus. (Applaudissements). En tant qu'élus locaux, nous avons tous été confrontés à ceux qui ne sont rien - et dont le monde n'est pas le vôtre, celui de la rationalité, de l'efficacité, où toute l'humanité se réduit à des tableurs Excel !
Entendez cette voix des élus, qui savent, qui touchent aux réalités. Vous auriez pu accepter cette loi, pour trouver une solution concrète pour les oubliés de votre nouveau monde, ç'aurait été la voie pour faire oublier que votre premier de cordée est le président des riches.
Un immense Martiniquais, qui me guide au quotidien, Aimé Césaire, nous rappelle toujours cette formule : « un pas, un autre pas, encore un autre pas, et toujours tenir gagner chaque pas ». Cette proposition de loi est pleine de bon sens.
Les aidants souffrent, madame la ministre, entendez-les ! Ils sont les derniers de cordée et il ne faudrait pas qu'ils dévissent. Ils soulagent l'État du « pognon de dingue » que coûterait leur travail s'il devait être payé à son prix. Les aidants méritent notre soutien, votons cette loi ! (Applaudissements sur tous les bancs à l'exception de ceux du groupe LaREM)
Mme Nassimah Dindar . - J'ai été choquée par votre discours d'introduction, madame la ministre. Simone de Beauvoir, en 1960, écrivait : « L'individu ne reçoit une dimension humaine que par la reconnaissance d'autrui ». La politique du Gouvernement gagnerait une reconnaissance humaine par le vote de cette proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs des groupes UC et SOCR)
M. Philippe Mouiller . - Cette proposition de loi que le groupe Les Républicains votera a été mûrement réfléchie. Je suis d'un naturel optimiste. Le sujet est sur la table ; le combat continue. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et UC)
Mme Nadine Grelet-Certenais . - Cette proposition de loi est un bon signal, en particulier envers les aidants salariés. Elle leur offre une possibilité de choix, les aide à concilier vie professionnelle et vie personnelle. Longue vie à cette proposition de loi, que nous voterons ! (Applaudissements sur tous les bancs à l'exception de ceux du groupe LaREM)
Mme Laure Darcos . - Cette proposition de loi a une valeur symbolique très forte. Notre vote a un écho bien au-delà de notre assemblée.
Combien d'entre nous ont reçu des parents désespérés de voir leur enfant privé d'une scolarisation normale ? Mme Guidez et moi-même connaissons bien le cas d'un restaurateur : comment peut-il tenir son restaurant lorsque l'école lui refuse de prendre son enfant ? Battons-nous pour que les parents aidants soient accompagnés. (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains et UC)
M. Guillaume Arnell . - Il est des moments où l'on se sent bien dans cet hémicycle. Comme beaucoup, j'ai été personnellement concerné par cette situation. Le texte est un bel exemple de ce que nous pouvons faire ensemble, sans dogmatisme et sans consignes.
Le RDSE votera ce texte. (Applaudissements sur tous les bancs à l'exception de ceux du groupe LaREM)
Mme Colette Mélot . - Je félicite à mon tour Olivier Henno et Jocelyne Guidez pour cette proposition de loi, utile pour les proches aidants qui s'investissent dans cette tâche très lourde.
Le groupe Les Indépendants votera ce texte. (Applaudissements sur tous les bancs à l'exception de ceux du groupe LaREM)
M. Antoine Karam . - Le groupe LaREM s'abstiendra positivement. Pour ma part, porteur du badge « J'aide » où un coeur remplace le i, je voterai ce texte. Proche aidant moi-même, j'aide mon frère aîné, jadis animateur hors pair des maisons de culture sur mon territoire, aujourd'hui atteint de la maladie d'Alzheimer. De retour ce week-end, je lui dirai ce que nous avons accompli ! (Mmes les sénatrices et MM. les sénateurs se lèvent et applaudissent.)
Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État. - Élue locale, travailleuse sociale de formation, ancienne agente de CCAS, ancienne députée, je suis ministre depuis peu - mais j'ai vingt-cinq ans d'expérience professionnelle dans le social. Il n'y a pas de posture dans la position du Gouvernement : en témoignent les propositions de loi adoptées avec notre soutien récemment - sur le don du sang ou encore sur le don de jours aidants. Le travail parlementaire ? Il existe, en témoignent les nombreux amendements apportés aux textes récents - la loi ELAN est ainsi passée, je vous le rappelle, de 65 à 234 articles au cours de son examen parlementaire.
Le Gouvernement ne rejette pas ce texte (On se récrie sur quelques bancs.), il valorise simplement le travail de concertation et la réflexion globale. (Exclamations sur de nombreux bancs)
M. Hervé Marseille . - J'ai bien entendu les propos de Mme la ministre, ils ne m'étonnent guère, tant nous en avons l'habitude ici... Presque aucun texte ne passe d'abord au Sénat, c'est un fait - nous avons d'ailleurs passé un mois de septembre bien léger... Nous sommes habitués à ne pas être entendus !
Nous savons bien que le Gouvernement et la majorité de l'Assemblée nationale veulent leurs propres textes. Les décisions ne sont pas prises au Parlement, mais à Bercy et ailleurs au Gouvernement.
Soyez assurés que nous serons très attentifs à la révision constitutionnelle. Les parlementaires sont si ennuyeux, voyez-vous : ils discutent, ils font des amendements ! (Applaudissements) La majorité LaREM, elle, sait se tenir : elle ne lit même pas les textes avant de les voter !
Madame la ministre, je suis désolé que cela tombe sur vous, mais comprenez que nous n'acceptions pas que l'unanimité au Sénat soit traitée ainsi. Et aucune explication ne peut nous suffire ! (Applaudissements sur tous les bancs)
À la demande du groupe UC, la proposition de loi est mise aux voix par scrutin public.
M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°7 :
Nombre de votants | 344 |
Nombre de suffrages exprimés | 323 |
Pour l'adoption | 323 |
Contre | 0 |
Le Sénat a adopté la proposition de loi.
(Vifs applaudissements sur tous les bancs ; Mmes les sénatrices et MM. les sénateurs se lèvent.)
Mme Jocelyne Guidez. - Merci à tous !