Questions d'actualité

M. le président.  - L'ordre du jour appelle les questions d'actualité au Gouvernement.

Je vous rappelle que la séance est retransmise en direct sur Public Sénat, sur le site Internet du Sénat et sur Facebook.

Au nom du Bureau du Sénat, j'appelle chacun de vous, mes chers collègues, à observer au cours de nos échanges l'une des valeurs essentielles du Sénat : le respect, des uns et des autres et le respect du temps de parole.

« Le temps, le temps et rien d'autre... » (Applaudissements sur tous les bancs), si vous me permettez ce clin d'oeil respectueux.

Différenciation fiscale pour l'outre-mer

M. Jean-Louis Lagourgue .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Indépendants) Madame le Ministre des outre-mer, votre projet de budget se place sous le signe de la récompense du travail, du soutien aux entreprises et du pouvoir d'achat.

Nous approuvons ces lignes directrices, mais nous nous interrogeons sur la méthode. Pouvons-nous continuer à loger tout le monde à la même enseigne ? Élu d'outre-mer, je suis toujours frappé par les velléités d'uniformisation de la métropole.

Votre Gouvernement entendait encourager la différenciation. Laissons de l'air aux territoires d'outre-mer ! Ce sont eux qui savent ce qui est le mieux pour eux.

Je pense à la réforme de l'abattement fiscal pour les populations d'outre-mer, pourtant justifié pour compenser la vie chère et les dépenses liées à l'octroi de mer : pouvez-vous me garantir que cet abattement sera pérennisé ? Je pense également à la suppression de la TVA non perçue récupérable, qui a des effets positifs pour le financement d'investissements productifs outre-mer. Ces mesures ne sont pas des avantages en nature, mais le reflet des spécificités outre-mer.

Comment respecterez-vous les différences entre territoires riches et pauvres, urbains et ruraux, métropolitains et ultramarins ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Indépendants ; MM. Jean-Marc Gabouty et Jean-Noël Guérini applaudissent également.)

Mme Annick Girardin, ministre des outre-mer .  - Nous plaçons ce budget sous le signe de la transformation et nous entendons donner de l'air aux territoires, précisément. Ces dépenses n'étaient pas des avantages indus, mais des dépenses inefficaces et parfois hors d'âge. L'abattement fiscal a été créé « pour permettre aux départements d'outre-mer de s'acclimater à la fiscalité nationale »... en 1960 ! Aujourd'hui, cet abattement d'impôt sur les revenus creuse les inégalités de revenus, qui sont déjà particulièrement importantes outre-mer, et il bénéficie à une épargne qui échappe très largement aux territoires ultramarins. Ensuite, nous diminuerons le plafond et non le taux : 96 % des foyers ne seront pas touchés - pour les couples avec deux enfants, par exemple, seuls seront concernés ceux dont les revenus dépassent 80 000 euros annuels, ce n'est pas ce que j'appelle les ménages les plus pauvres...

Il en ira de même pour la TVA non perçue récupérable, outil inefficace. Nous remettrons la dépense au service du plus grand nombre. Ce sont, pour les quatre prochaines années, 700 millions d'euros qui seront mieux employés. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)

Actions violentes contre les commerces de bouche

M. Jean-Noël Cardoux .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) Cette question s'adressait au ministre de l'intérieur...

Plusieurs voix à droite.  - Où est-il ?

M. Jean-Noël Cardoux.  - On ne compte plus les attaques de boucheries, charcuteries, poissonneries ou fromageries, au nom de la soi-disante cause animale. Vendredi dernier, le saccage de l'abattoir du Haut-Valromey, dans l'Ain, a laissé quatre-vingts salariés sur le pavé.

Les associations à l'origine de ce vandalisme sont ultra-minoritaires mais bénéficient de forts soutiens médiatiques et financiers.

Personne ne nie la nécessité de prendre en compte le bien-être animal, pour les animaux d'élevage comme pour les animaux de compagnie, mais il n'est pas acceptable qu'une minorité, au nom d'une utopie importée du monde anglo-saxon, impose un mode de vie qui met en danger le nôtre.

Que compte faire le Gouvernement pour protéger ceux qui exercent une activité légalement autorisée ? (Vifs applaudissements à droite et au centre)

M. Christophe Castaner, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement .  - (Exclamations à droite) Chacun est libre de ses choix de consommation, mais cela ne doit pas contrevenir à la liberté de vente et à la sécurité des étals et commerces. Les mouvements spécistes, animalistes et vegans font l'objet d'une surveillance particulière, compte tenu du durcissement de certains d'entre eux ces dernières années.

Le Gouvernement a reçu le président de la Confédération française de la boucherie, boucherie-charcuterie, traiteurs. Le 5 juillet, le ministre de l'Intérieur a demandé aux préfets de région de réunir les représentants des artisans dans chaque département. Une vigilance ferme est organisée autour des commerces de viande et des lieux particulièrement menacés.

Les 10 et 11 septembre, des investigations ont conduit à l'interpellation de six activistes dans le Nord-Pas-de-Calais.

M. Bruno Sido.  - Il faut dissoudre ces associations !

M. Christophe Castaner, secrétaire d'État.  - Tout sera mis en oeuvre pour protéger les activités visées. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, Les Indépendants et sur quelques bancs du groupe UC).

M. Jean-Noël Cardoux.  - Il faut aller plus loin : sanctionner les associations, vérifier leurs financements. Ce sont nos terroirs qui sont en danger. Que dirait M. Collomb si les bouchons lyonnais ne pouvaient plus servir de tabliers de sapeurs ? (Sourires et vifs applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains et UC)

Corridor de la mer du Nord et Méditerranée (I)

Mme Catherine Fournier .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe UC) Le 1er août dernier, était annoncé le règlement européen excluant tous les ports français du corridor maritime mer du Nord-Méditerranée pour le fret maritime reliant l'Irlande à l'Europe continentale - qui passe actuellement, pour la majeure partie, par les ports du Royaume-Uni.

Le Brexit est une occasion à saisir pour les ports français ; mais ce règlement européen ferait des ports du Benelux comme Rotterdam ou Anvers les grands gagnants du Brexit.

La commissaire chargée des transports a déclaré que ce règlement ne remettrait pas en cause le Mécanisme d'interconnexion en Europe (MIE), qui prévoit 30,6 milliards d'euros entre 2021 et 2027. Or, ce règlement ne pourra que creuser les écarts de développement entre nos ports et ceux de nos voisins, ce qui ne manquera pas d'avoir des effets sur le MIE.

Madame la Ministre, quelle sera votre position dans les négociations avec la Commission européenne ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UC et RDSE et quelques applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)

Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports .  - Cette proposition n'était pas acceptable, je l'ai dit dès le mois d'août à la commissaire européenne aux transports. Je l'ai rencontrée à nouveau le 18 septembre. Les ports qui figuraient déjà dans le corridor, comme Calais, y resteront. Mais j'ai aussi demandé la révision du corridor pour tenir compte du Brexit. Les ports français doivent avoir toute leur place. Nous travaillons avec l'Irlande sur ce sujet. Comptez sur ma détermination, comme je sais pouvoir compter sur votre soutien. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM et sur quelques bancs du groupe UC)

Parcoursup

Mme Françoise Cartron .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM) Madame le Ministre de l'Enseignement supérieur, je veux d'abord rendre hommage à Gérard Mourou, qui vient de se voir décerner le prix Nobel de physique. (Applaudissements)

Parcoursup vise à gérer les voeux des futurs étudiants ; il remplace APB qui avait instauré une loterie injuste. (On se récrie sur quelques bancs du groupe SOCR.)

L'instauration d'un quota de mobilité a conduit à presque doubler la part des bacheliers de l'académie de Créteil acceptés à Paris : 43 % contre 26 % en 2017 ; 55 % des bacheliers professionnels ont reçu une proposition en section de technicien supérieur, contre 53 % en 2017 ; 65 % des bacheliers professionnels ont reçu une proposition en section de technicien supérieur contre 53 % en 2017 ; 21 % des bacheliers technologiques ont reçu une proposition en DUT, deux fois plus qu'en 2017. Moins de mille bacheliers restent aujourd'hui en accompagnement. (On se récrie à nouveau à gauche.) Confirmez-vous ces résultats et l'amélioration de l'accueil des étudiants ? Comment comptez-vous parfaire le dispositif, raccourcir les délais d'attente et amoindrir le stress bien compréhensible des étudiants ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)

Mme Frédérique Vidal, ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation .  - Moins d'un an après, le plan Étudiants, six mois après la loi relative à l'orientation et à la réussite des étudiants, les trois engagements pris ont été tenus.

M. David Assouline.  - Faux !

Mme Frédérique Vidal, ministre.  - Pas de tirage au sort, remettre de l'humain dans le système, rendre la rentrée 2018 moins chère qu'en 2017.

Nous sommes à 23 % de boursiers supplémentaires accueillis dans l'enseignement supérieur, 28 % de boursiers supplémentaires dans les prépas parisiennes les plus sélectives, 20 % en plus de bacheliers professionnels ont trouvé une place en BTS ; 19 % des bacheliers techno en plus ont trouvé une place en IUT. Tout cela grâce aux efforts des équipes pédagogiques, qui ont travaillé d'arrache-pied. Parcoursup est une réussite, les familles le reconnaissent ! (Exclamations sur les bancs du groupe SOCR) Et nous avons fait économiser 100 millions d'euros avec le passage au régime général de sécurité sociale ! Bien sûr, nous tâcherons d'améliorer encore le système. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Les Indépendants)

Transports en Ile-de-France

M. Olivier Léonhardt .  - Madame la Ministre des transports, Gilles Carrez a remis un rapport sur le financement du Grand Paris Express proposant la hausse des taxes sur les bureaux, foncière et du Grand Paris. Il n'est pas question de remettre en cause la nécessité de ce projet, mais il risque d'obérer les dépenses d'entretien de l'existant.

Estimé initialement à 26 milliards d'euros, son coût se monte aujourd'hui à 35 milliards d'euros, en attendant plus... On aurait pu faire beaucoup moins cher et plus écologique, plus adapté aux besoins, sans parler des 5,5 millions d'habitants de grande couronne qui n'en bénéficieront pas, mais qui subissent les problèmes - je songe aux catastrophes, telle celle de Brétigny - sur les réseaux existants. Il y a urgence. Nous ne pourrons attendre quinze ans de plus !

Madame la Ministre, envisagez-vous réellement de faire payer la grande banlieue pour les investissements ? (Applaudissements sur les bancs du groupe RDSE)

Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports .  - Le Grand Paris Express changera la vie de millions de Franciliens ; 200 km de nouvelles lignes, 68 gares, c'est un défi énorme qui bénéficiera à tous. Ne l'opposons pas à la rénovation du réseau existant, qui a fait l'objet, dans le cadre du CPER 2015-2020, d'un plan de 7,6 milliards d'euros, avec le prolongement du RER E, du RER C, de lignes de métro ou de tram, des trains...

Cela est conforme à nos deux priorités : développement du réseau et transport du quotidien. Nous consacrons ainsi 50 % de moyens de plus que ces dix dernières années pour régénérer le matériel ferroviaire. C'est inédit. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)

Corridor de la mer du Nord et Méditerranée (II)

Mme Cathy Apourceau-Poly .  - Suite au Brexit, la Commission européenne a décidé, autoritaire et technocratique, de redessiner les routes maritimes européennes en excluant les ports français de la façade Nord au profit d'Anvers et de Rotterdam, qui n'ont pas les mêmes moyens.

Elle bafoue ainsi son sacro-saint principe du libéralisme, au détriment de Calais qui avait investi 600 millions pour moderniser ses équipements.

Comment une telle décision a-t-elle pu être prise sans l'aval de la France ? Où en êtes-vous dans vos échanges avec la Commission européenne ? Vous contenterez-vous de regarder passer les navires ? (Applaudissements sur les bancs du groupe CRCE ; Mme Maryvonne Blondin applaudit également.)

Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports .  - Le Gouvernement ne regarde pas passer les navires ; il agit. Je l'ai dit, la proposition de la Commission européenne n'était pas acceptable. La majorité des flux entre l'Irlande et le continent passant par le Royaume-Uni, on ne saurait dire quelles routes vont se dessiner, donc pas les décider de manière autoritaire.

Les ports français déjà dans le corridor y resteront, j'en ai eu l'assurance. Le Gouvernement va nommer un coordinateur interministériel pour le Brexit qui travaillera avec les ports concernés et les collectivités locales.

Il faut vingt heures pour relier Dublin à Cherbourg, contre trente-huit heures pour Zeebruges. Les ports français doivent avoir toute leur place : Calais, le Havre, mais aussi Cherbourg, Brest et Roscoff. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)

Mme Cathy Apourceau-Poly.  - Je vous ai proposé, par lettre, un plan B : un accord bilatéral France-Royaume-Uni pour préserver le hub logistique exceptionnel du Calaisis ; j'attends toujours votre réponse. (Applaudissements sur les bancs du groupe CRCE)

Nomination du procureur de Paris

M. Jérôme Durain .  - (Applaudissements nourris sur les bancs du groupe SOCR) Madame la Garde des Sceaux, il flotte dans l'air un désagréable parfum d'ingérence du pouvoir exécutif. Vis-à-vis du Parlement d'abord. L'exécutif a tenté d'intimider la commission d'enquête présidée par M. Philippe Bas. Malgré quelques coups de fils déplacés, le Sénat a tenu bon. (Applaudissements sur les bancs des groupes SOCR, Les Républicains et UC ; Mme Esther Benbassa applaudit également.)

Vis-à-vis de la justice ensuite. Les trois candidatures présentées pour la succession du procureur de Paris, François Molins, ont été écartées, malgré un grand oral passé devant le Premier ministre. C'est une mauvaise manière pour ces magistrats, un désaveu pour vous.

Dans ces circonstances, comment pouvez-vous nous rassurer sur l'indépendance de l'autorité judicaire et, surtout, garantir la crédibilité du futur procureur de Paris ? (Vifs applaudissements sur tous les bancs, à l'exception de ceux des groupes LaREM et RDSE)

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice .  - Je veux vous rassurer : on ne saurait douter de l'indépendance des procureurs, et du procureur de Paris en particulier.

Voix à droite.  - Et du suivant ?

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - Il est toujours important, comme je l'ai fait sur la commission d'enquête, de rappeler les principes constitutionnels. (Marques d'ironie à droite)

M. Jean-François Husson.  - Ah ! On nous fait la leçon !

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - Le dialogue entre le garde des Sceaux, le Premier ministre et le président de la République autour d'une nomination aussi importante est normal et naturel ; il repose sur l'article 20 de la Constitution, selon lequel « le Gouvernement détermine et conduit la politique de la Nation ». Quelle politique plus importante que la politique pénale de notre Nation ? Il est donc naturel que les procureurs s'inscrivent dans une chaîne hiérarchique, sous mon autorité et celle du Premier ministre.

La Constitution garantit l'indépendance des magistrats, qui décident librement de l'opportunité des poursuites et ne reçoivent strictement aucune instruction individuelle. (Mouvements à droite)

Le projet de révision constitutionnelle, que j'espère avoir le plaisir de défendre prochainement devant vous (Exclamations sur divers bancs), conforte ces garanties en donnant au Conseil supérieur de la magistrature un avis conforme sur les nominations.

M. le président.  - Veuillez conclure.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - Ce dialogue est de bon sens. Comment imaginer s'en passer, s'agissant d'un poste aussi important... (Huées à droite et à gauche, quelques applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)

M. Jérôme Durain.  - Nous connaissons ces arguments, peu convaincants. Il faut garantir l'indépendance de la justice et rompre le lien entre le ministère et le parquet. Donnez-nous donc le calendrier de la réforme constitutionnelle !

Et que dire de l'ambiance gouvernementale ? Après déjà six départs, certains ministres font leurs valises, d'autres songent aux municipales - ils sont quatre à viser la mairie de Paris ! Nous avons besoin d'un Gouvernement concentré sur sa tâche, respectueux de la justice comme du Parlement. (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains, SOCR et CRCE, ainsi que sur plusieurs bancs du groupe UC)

Malaise dans la ruralité

M. Jacques Genest .  - Roger Gicquel ouvrait son journal télévisé, il y a quelques années, en déclarant : « La France a peur ». Aujourd'hui, je peux vous affirmer : les ruraux en ont ras-le-bol. Ras-le-bol d'être oubliés, ignorés, méprisés. Ras-le-bol de la taxation du carburant, qui les pénalise doublement, de la limitation aveugle à 80 km/heure, des déserts médicaux, de la fracture numérique... Qui s'en émeut, quand ils sont régulièrement privés de téléphone fixe ?

Cette année, le Gouvernement a refusé de porter les retraites agricoles à 85 % du SMIC, alors qu'il fait des cadeaux aux super-riches... Curieuse conception de la solidarité !

Les retraités ruraux, souvent déjà exonérés de taxe d'habitation, perdent du pouvoir d'achat. La colère gronde dans les campagnes, et la taxation du transport routier risque de déclencher la révolte dans les champs. Les ruraux ne sont ni les premiers ni les derniers de cordée mais les oubliés de la Macronie !

Monsieur le Premier Ministre, que comptez-vous faire pour leur redonner espoir ? (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains et UC ; Mme Mireille Jouve applaudit également.)

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires .  - (« Ah ! » à droite) Je sais votre attachement au monde rural et le partage. Ne cédons pas au poujadisme rural. (Mouvements à droite) Rappelons que le monde rural avance, innove. Mais ce monde s'estime plus éloigné des centres de décisions qu'avant la décentralisation. Les fusions autoritaires de régions et d'intercommunalités n'ont pas aidé ! (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains, UC et RDSE ; M. Patrick Kanner applaudit également.) Le Gouvernement ne touchera pas à la carte et entend respecter les communes, qui sont fondamentales.

Le plan Santé de Mme Buzyn est excellent pour les territoires (mouvements dubitatifs sur divers bancs). Le Gouvernement agit dans le domaine du numérique : l'Ardèche aura de nouveaux pylônes cette année. Enfin, nous avons besoin de donner davantage de liberté aux services déconcentrés de l'État, qui connaissent mieux le territoire que les administrations centrales. (Applaudissements sur les bancs du groupe RDSE)

M. François Grosdidier.  - Il faudrait vous nommer au Gouvernement !

M. Jacques Genest.  - Si défendre la ruralité, c'est être poujadiste, je le suis ! Je vous invite, avec le Premier ministre, à venir constater le désarroi des habitants de nos territoires très ruraux comme la montagne ardéchoise. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)

État du réseau routier

M. Jean-Pierre Corbisez .  - « Faites une pause for me... formidable », pouvait-on lire ce matin sur l'A1. Nous connaissons enfin les conclusions de l'audit externe sur l'état du réseau routier national; elles sont sans appel.

Depuis 2007, la proportion de chaussée en bon état est passée de 57 % à 47 %. Dans les Hauts-de-France, 67 % du réseau non concédé méritent des travaux d'entretien, sans parler du viaduc d'Echinghen. De plus en plus d'ouvrages d'art nécessitent un entretien ; plus de la moitié des ponts nécessiteraient des interventions préventives. Après le drame de Gênes, le Sénat a d'ailleurs mis en place une mission d'information sur le sujet.

Le budget annoncé par le Gouvernement, considérable, reste en deçà des attentes. Les 13,4 milliards d'investissement ne permettront pas d'atteindre le scénario 2 du Conseil d'orientation des infrastructures.

Quel sera l'arbitrage, sur le montant global de l'enveloppe et sur les clés de répartition ? (Applaudissements sur les bancs du groupe RDSE)

Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports .  - L'entretien du réseau routier et sa remise en état sont la priorité des priorités. Il ne doit plus être une variable d'ajustement. Le drame de Gênes nous le rappelle.

Dès 2018, le Gouvernement a augmenté de 100 millions d'euros le budget d'entretien et de régénération des routes nationales, et lancé des audits sur l'ensemble des réseaux, dont les conclusions ont été rendues publiques. J'ai ainsi publié l'état des principaux ponts : les citoyens ont le droit de savoir.

Notre réseau n'est pas neuf, les infrastructures vieillissent mais font l'objet d'un suivi rigoureux : il n'y a pas de situations d'urgence. Les travaux nécessaires sont entrepris immédiatement, comme sur le viaduc d'Echinghen.

Avec 850 millions d'euros d'ici 2022 et 930 millions sur le quinquennat suivant, nous atteignons un niveau inédit. Il faudra cependant trouver des ressources pour financer les besoins prioritaires. Je compte sur votre sagesse pour nous en donner les moyens. (Quelques applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et RDSE.)

Politique générale

Mme Jacqueline Eustache-Brinio .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) Monsieur le Premier Ministre, début septembre, le ministre de l'Intérieur ne ménageait pas ses critiques envers le président de la République. Quelques jours plus tard, il annonçait sa candidature à la mairie de Lyon - tant pis pour le renouvellement de la classe politique - puis présentait sa démission, refusée... Mais, nous l'apprenons aujourd'hui, maintenue ! C'est inédit, c'est un grand moment politique : alors que l'insécurité atteint un niveau de plus en plus insupportable, on joue une pièce de boulevard au plus haut sommet de l'État !

On ne peut être ministre de l'Intérieur qu'à 100 %. Comment faire croire que c'est le cas à présent ? Les Français ne veulent plus de ces mises en scène, ils attendent de la sincérité et des résultats.

M. Collomb va-t-il oui ou non quitter le ministère de l'Intérieur ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et sur quelques bancs du groupe SOCR)

M. Édouard Philippe, Premier ministre .  - (Ah ! sur plusieurs bancs) Vous posez la question de la sécurité des Français.

Des voix à droite.  - Non ! (On s'en amuse à gauche.)

M. Édouard Philippe, Premier ministre.  - C'est la première priorité de ce Gouvernement. C'est ce qui a motivé notre action : réorganisation et coordination des services de renseignement, renforcement des moyens budgétaires, matériels et humains du ministère de l'Intérieur. Ce matin encore, une opération minutieusement préparée a été conduite avec succès, toujours dans le souci constant de protéger nos concitoyens.

Oui, les ministres doivent se consacrer pleinement à leur tâche. C'est pourquoi aucun des membres de mon Gouvernement ne dirige un exécutif local.

Mme Laurence Rossignol.  - Ils y pensent très fort !

M. Édouard Philippe, Premier ministre.  - Cela n'a pas toujours été le cas, sous les quinquennats précédents. (On se récrie à droite.)

L'implication et l'engagement d'un ministre au service du pays doivent être entiers. Gérard Collomb l'a dit : dès qu'il entrera en campagne, il quittera le Gouvernement. Cette attitude n'a pas toujours été celle des responsables ministériels candidats à une élection - je le dis sans esprit de polémique. (M. André Gattolin applaudit.)

Vous citez un article de presse. Aux termes de l'article 21 de la Constitution, le Premier ministre dirige l'action du Gouvernement. Aux termes de l'article 8, il lui revient de proposer au président de la République la désignation ou la fin des fonctions des membres de son Gouvernement. Les choses sont claires et je prendrai prochainement mes responsabilités à cet égard. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM et sur quelques bancs du groupe UC)

M. François Grosdidier.  - Le plus tôt sera le mieux !

Mme Jacqueline Eustache-Brinio.  - Ma question était claire : M. Collomb va-t-il quitter le Gouvernement ? Vous n'y avez pas répondu. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)

Clause de conscience sur l'IVG

M. Bernard Jomier .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR) Récemment, le président d'un syndicat de gynécologues-obstétriciens a créé la polémique sur la clause de conscience en matière d'IVG. Le code de déontologie, à son article 47, interdit qu'on contraigne un médecin à pratiquer quelque acte que ce soit, c'est entendu. Mais on ne peut accepter les remises en cause répétées du droit fondamental à l'IVG. Cette clause superfétatoire est une double peine pour les femmes, dont 5 000 se rendent encore à l'étranger pour pratiquer une IVG. C'est pourquoi, à l'initiative de Mme Rossignol, nous demandons sa suppression. Quand allez-vous enfin rendre effectif le droit à l'IVG, notamment en renforçant le rôle des sages-femmes et des généralistes en la matière ? (Applaudissements sur les bancs des groupes SOCR et CRCE)

Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé .  - J'ai condamné avec virulence les propos que vous évoquez. Nul ne doute de ma volonté de faciliter l'accès à l'IVG. Si des femmes se rendent à l'étranger, c'est parce qu'elles ont dépassé le délai légal appliqué en France.

Le nombre d'IVG est totalement stable depuis dix ans, il n'y a donc aucune difficulté de recours. On pourrait d'ailleurs souhaiter qu'il y en ait moins - et c'est ma responsabilité de faciliter l'accès à la contraception et à la pilule du lendemain. J'ai ainsi instauré une consultation pour les jeunes filles dès 17 ans pour parler de prévention et de santé sexuelle, que le PLFSS ouvrira également aux garçons.

M. Didier Guillaume.  - Très bien !

Mme Agnès Buzyn, ministre.  - Les difficultés d'accès dues à la clause de conscience n'ont touché qu'un hôpital, et ont été immédiatement résolues. J'ai demandé à mes services d'évaluer les difficultés potentielles, les ARS y travaillent.

Nul ne peut imposer à un médecin de pratiquer un acte médical non vital. La clause de conscience protège les femmes d'une conversation peu agréable et d'actes réalisés dans de mauvaises conditions. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM et sur quelques bancs du groupe UC)

M. Bernard Jomier.  - Aucun droit sociétal ne doit être limité par une clause spécifique. Et pour la PMA que vous voulez ouvrir à toutes les femmes, que ferez-vous ? (Applaudissements sur les bancs des groupes SOCR et CRCE)

Pouvoir d'achat des retraités

M. Jean Louis Masson .  - Le Gouvernement matraque les personnes âgées : hausse de 3 % de la CSG, mise en cause de la pension de réversion des veuves, gel des retraites...

Pour le président Macron, les retraités seraient des privilégiés. Pourtant, beaucoup ont commencé à travailler à 14 ans, aux 40 heures, avec quatre semaines de congés payés... Il en va tout autrement pour les actifs d'aujourd'hui, qui bénéficient du travail des générations précédentes. Il faut être de mauvaise foi pour prétendre que les retraités vivent à leurs crochets !

Les retraites ne sont pas des aides sociales mais le produit de cotisations versées tout au long d'une vie de travail. Pour réduire le déficit, évitons d'abord les mesures démagogiques comme la suppression de la taxe d'habitation ou la baisse du prix du permis de chasse ! Le Gouvernement allemand vient de revaloriser les retraites de 3,4 %... N'est-il pas honteux de prendre le chemin inverse ?

M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics .  - Certes, la retraite est un droit acquis à la suite de cotisations. Mais dans notre système par répartition, ce sont les actifs qui financent, par leurs cotisations, les pensions de leurs aînés. C'est pourquoi nous sollicitons un effort des retraités, via une hausse de la CSG.

Les pensions ne sont pas gelées, mais revalorisées de 0,3 % contre 0,4 % en moyenne les années précédentes.

Quant aux pensions de réversion actuellement servies, elles ne sont aucunement menacées : le Premier ministre et Agnès Buzyn l'ont déclaré assez clairement. Nous voulons un système durable, qui assure une juste pension.

Dès cette année, la baisse de la taxe d'habitation compensera presque intégralement la hausse de la CSG pour la plupart des retraités. Enfin, le minimum vieillesse a été revalorisé de 35 euros cette année et le sera de 100 euros sur les trois prochains exercices. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM)

M. Jean Louis Masson.  - C'est de la poudre aux yeux ! Un franc courant n'est pas un franc constant. (M. Pierre-Yves Collombat applaudit, tandis que certains rappellent à l'orateur que l'euro a remplacé le franc.) Une revalorisation de 0,3 %, c'est une baisse en termes réels. Une étude récente montre que huit retraités sur dix perdront en moyenne 700 euros en deux ans. Ne venez pas dire, Monsieur le Ministre, que vous défendez les retraités !

La séance est suspendue à 17 h 45.

présidence de M. Philippe Dallier, vice-président

La séance reprend à 17 h 50.