Élection des sénateurs (Suite)
M. le président. - Nous reprenons la suite de la discussion des articles du projet de loi relatif à l'élection des sénateurs.
Discussion des articles (Suite)
ARTICLE PREMIER (Suite)
M. Alain Chatillon. - Pourquoi modifier les choses pour le monde urbain sans le faire pour le monde rural ? Cela n'est pas équilibré.
M. Dominique de Legge. - M. le ministre promet, la main sur le coeur, de ne pas bouleverser les grands équilibres mais tous ses textes vont dans le même sens : une atténuation du poids du monde rural. Après le redécoupage des cantons sur une base essentiellement démographique, voici une modification du collège électoral des sénateurs.
Avec la désignation des grands électeurs, on franchit un pas de plus : je voterai les amendements de suppression. Les territoires ruraux vont faire les frais de votre réforme, qui dissimule peut-être des intentions électoralistes...
M. Manuel Valls, ministre. - Pas de malentendu ni de faux procès. Vous confondez l'élection des délégués au Sénat et l'élection aux conseils départementaux - où s'appliquent des principes constitutionnels, même si nous y avons intégré la représentation des territoires grâce à un amendement du groupe UDI à l'Assemblée nationale, puisque le Sénat n'avait pas voulu du texte. Je suis convaincu que le suffrage cantonal s'en trouvera renforcé.
Pour le Sénat, plus des deux tiers des délégués des conseils municipaux représentent les communes de moins de 10 000 habitants, qui représentent la moitié de la population. Et les délégués des communes de plus de 100 000 habitants ne représentent plus que 7,45 % des délégués en 2010, contre 8,3 % en 1964. Ne nous faites donc pas de procès d'intention : l'article premier rééquilibre les choses pour tenir compte de la croissance démographique dans les plus grandes communes, sans remettre en cause la représentation des plus petites.
Mme Isabelle Debré. - Alors à quoi bon cette modification ?
M. Manuel Valls, ministre. - Nous avons été très raisonnables pour respecter la décision du Conseil constitutionnel et ne pas remettre en cause les équilibres du Sénat. Acceptez la diversité du pays et ne me faites pas de faux procès. (Applaudissements à gauche)
M. Christian Favier. - Le rééquilibrage est modeste et prudent, nous aurions pu aller plus loin. D'autant que l'on ne retire rien aux communes les plus petites. Et comment peut-on voter, dans l'enthousiasme, la loi sur les grandes métropoles il y a quelques jours et se poser ici en défenseur des communes rurales ? Le groupe CRC votera cet article premier.
présidence de M. Didier Guillaume,vice-président
M. René-Paul Savary. - Puisque la modification est minime, raison de plus pour ne pas la faire ! (M. Manuel Valls, ministre, rit) Derrière un redécoupage, il y a toujours des intentions et des arrière-pensées... Vous dites vouloir défendre le monde rural, mais tout ce que vous faites va insidieusement à l'inverse. Les conseillers départementaux, en binôme, ne seront pas au même régime selon qu'ils seront urbains ou ruraux. Rajouter des délégués dans les circonscriptions urbaines, c'est en rajouter encore au suffrage indirect et s'éloigner des électeurs de base. Finalement, cet article premier n'est là que pour faire passer l'article 2 qui réduit le seuil de la proportionnelle.
M. Hervé Maurey. - Je voterai les amendements de suppression pour les raisons évoquées dans l'étude d'impact : assurer une meilleure représentation des zones urbaines et mieux prendre en compte le poids démographique des communes se fait, n'en déplaise au ministre, au détriment du monde rural. Un collègue a tout à l'heure parlé de texte ruralicide. C'est un fait. Et qui vient s'ajouter au texte ruralicide sur les cantonales.
Le poids démographique ? Mais ce sont les élections législatives qui sont là pour le prendre en compte. Les deux tiers des délégués représentent les communes de moins de 10 000 habitants ? Mais les deux tiers des communes ont moins de 500 habitants ! On nous dit que la modification est modeste ; mais dans le Rhône ou le Val-de-Marne, l'impact sera très fort. Les propos provocants de M. Gorce laissent penser qu'il est peut-être en service commandé et exprime tout haut ce que pensent les parlementaires socialistes...
M. Jean-Jacques Mirassou. - Ce n'est pas son genre !
M. Hervé Maurey. - On rogne, peu à peu, sur le rôle du Sénat, « anomalie démocratique » selon un éminent socialiste. Je voterai ces amendements de suppression. (Applaudissements au centre et à droite)
M. Philippe Bas. - Certes, on ne diminue pas en valeur absolue le nombre de représentants de la ruralité, mais en valeur relative si ! Et désigner de plus en plus de grands électeurs non élus, c'est aller sur une voie périlleuse, sachant que le Sénat représente les collectivités territoriales. C'est là l'originalité de notre chambre, composée d'élus locaux, forts d'une vision originale. Que dans certains départements 30 à 35 % des grands électeurs ne soient pas élus mais des militants, c'est dénaturer l'institution sénatoriale. (Applaudissements à droite et au centre)
C'est une goutte d'eau, nous objecte-t-on ? Mais à multiplier les exceptions, on va finir par déroger aux exigences de l'article 24 de la Constitution. Pour toutes ces raisons, je ne voterai pas l'article premier. (Applaudissements sur les mêmes bancs)
M. François Rebsamen. - Tout ce qui est excessif est insignifiant. Un texte « ruralicide » ? Il ne diminue en rien la représentation du monde rural, mais ne fait qu'accroître légèrement celle du monde urbain. (Rires à droite)
Mme Catherine Troendle. - Cela revient au même !
M. François Rebsamen. - Aujourd'hui, une commune de dix habitants a un représentant et une commune de 200 000 habitants, à peine 200. L'inégalité est flagrante. Dans quel monde vivez-vous ? La plupart d'entre vous, j'en suis sûr, habitent en ville... (Exclamations à droite) N'allez pas opposer monde urbain et monde rural. Vous ne voyez pas que la société a changé, ce qui explique nombre de vos échecs électoraux ! (Rires à droite, où on en évoque d'autres) Vous restez sur l'image d'un monde figé - ce qui se comprend de la part de conservateurs. (Vives exclamations à droite)
M. Manuel Valls, ministre. - Voire de réactionnaires !
M. François Rebsamen. - Le texte procède à un léger rééquilibrage ; même s'il est insuffisant à mon goût, je le voterai. (Mêmes mouvements)
Mme Isabelle Debré. - Pas de leçon ! Vous allez à l'échec !
M. André Reichardt. - Tout ce qui est excessif...
M. François Rebsamen. - Le Gouvernement a travaillé dans un souci d'équilibre et le groupe socialiste le soutient. (Applaudissements sur les bancs socialistes)
M. Gérard Cornu. - Je vous reconnais une certaine constance, monsieur le ministre. Au lieu de travailler à réduire le chômage, à améliorer la compétitivité des entreprises et le pouvoir d'achat des citoyens, vous bidouillez, depuis un an, tous les scrutins - municipal, cantonal, et maintenant, sénatorial. (Exclamations sur les bancs socialistes) Vous méprisez le monde rural ! (Mêmes mouvements) Parce que vous voulez rester au pouvoir. Mais les Français ne sont pas dupes !
M. Manuel Valls, ministre. - Vous me faites bien de l'honneur en me donnant la responsabilité de la conduite de la politique économique. Monsieur Bas, vous montrez, au Sénat, la foi du charbonnier.
M. Philippe Bas. - Et vous au Gouvernement...
M. Manuel Valls, ministre. - J'y suis et vous n'y êtes plus, les électeurs sont passés par là... Le Gouvernement avait pris des engagements : il les tient. La réforme que nous proposons est modérée. La ruralité ? Mais qui a supprimé 10 000 postes de gendarmes et de policiers ? C'est vous ! Qui a créé les conditions d'une hémorragie sans précédent dans les effectifs de la gendarmerie et bouleversé l'organisation des brigades ? C'est vous ! Qui, par une politique économique, agricole et de sécurité désastreuse, a mis en cause le monde rural ? C'est vous ! Nous n'avons pas de leçon à recevoir de votre part ! (Applaudissements à gauche)
M. Alain Richard. - Il est sans doute possible de revenir aux conditions d'un dialogue plus courtois et plus amical...
M. François Trucy. - À défaut d'être sincère !
M. Alain Richard. - Dois-je rappeler que les lois électorales de ces 30 dernières années, petites ou grandes, ont toutes été déférées, par vous ou par nous, devant le Conseil constitutionnel ? Et que parfois le râteau nous est revenu dans la figure, chacun à notre tour ?
Pour les élections au suffrage direct, le principe un homme, une voix est incontournable. C'est même sur ce fondement que le Conseil a censuré, en 1995, un texte sur les intercommunalités... Et c'est pourquoi, en 2000, nous avons prévu la représentation proportionnelle dans les intercommunalités.
Sur le département, il y a eu de larges débats pour s'en tenir au tunnel des 30 % assorti de dérogations. Comme je l'avais prévu, le râteau a encore frappé... Sur votre saisine, le Conseil constitutionnel a supprimé de la loi du 17 mai 2013 toute possibilité de dérogation à l'égalité démographique. C'est dire qu'il faut savoir raison garder...
J'en viens à l'élection sénatoriale et fais observer à M. Bas que le Conseil constitutionnel a jugé que la loi de 2000, qui opérait une forte correction démographique en faveur des villes, était conforme. Le présent texte recherche un équilibre entre le principe un homme, une voix et la représentation équilibrée de la diversité des territoires. Enfin, en droit, un élu représente des êtres humains, jamais des territoires. (Applaudissements à gauche)
M. Éric Doligé. - Je vais tenter de garder mon calme, mais que M. Rebsamen s'applique à lui-même l'adage qui veut que tout ce qui est excessif soit insignifiant. J'ai souvenir du tollé qu'a soulevé le conseiller territorial, qui fut un point de focalisation. On a déjà transféré de nombreuses compétences aux intercommunalités, si bien que les communes, qui craignent de perdre leur compétence urbanisme, se demandent ce qui va leur rester. Je ne reviens pas sur ce qui a été dit sur le département...
Pour les sénatoriales, vous n'ajouterez, dites-vous, qu'une petite touche, mais qui, ajoutée à toutes les autres, fait beaucoup. Sans compter que vous allez peut-être vous attaquer au scrutin législatif... La seule élection à laquelle vous n'ayez pas touché, ce sont les régionales - cherchez l'erreur ! (« Ah ! » à droite). Pourquoi ne pas y mettre du binôme ? M. Rebsamen s'est indigné de l'écart de représentation. Je lui réplique que l'écart de travail, pour les conseillers départementaux, sera plus important encore. (Marques d'approbation à droite) Sans parler des délégués non élus, qui seront plus nombreux que les élus dès 70 000 habitants - au lieu de 80 000 aujourd'hui.
M. Charles Guené. - Ce n'est pas ici le lieu de faire l'exégèse des décisions du Conseil constitutionnel, mais je rappelle qu'il ne s'est pas prononcé sur l'écart de plus ou moins 30 % ni sur le strict respect du principe un homme, une voix, pour se contenter de juger que l'on retenait des formules si alambiquées qu'elles pouvaient permettre qu'on y dérogeât. Il n'y a pas lieu de s'appuyer sur ses décisions pour justifier ce texte.
À la demande du groupe UMP et du groupe socialiste, les amendements identiques nos2, 23, 32 et 39 sont mis aux voix par scrutin public.
M. le président. - Voici les résultats du scrutin :
Nombre de votants | 347 |
Nombre de suffrages exprimés | 347 |
Pour l'adoption | 171 |
Contre | 176 |
Le Sénat n'a pas adopté.
L'amendement n°53 rectifié devient sans objet.
L'amendement n°59 n'est pas défendu.
M. le président. - Amendement n°44 rectifié, présenté par MM. Cornu, de Montgolfier, Billard et Pointereau.
Remplacer le nombre :
800
par le nombre :
1 500
M. Gérard Cornu. - Puisque l'on veut défendre, plus que les territoires, les habitants du monde rural, mon amendement a ici toute sa place...
M. le président. - Amendement n°45 rectifié, présenté par MM. Cornu, de Montgolfier, Billard et Pointereau.
Remplacer le nombre :
800
par le nombre :
1200
M. Gérard Cornu. - Amendement de repli.
M. le président. - Amendement n°54 rectifié, présenté par MM. de Montgolfier, Billard et Cornu.
Remplacer le nombre :
800
par le nombre :
950
M. Albéric de Montgolfier. - Il s'agit d'éviter une augmentation trop importante du nombre de délégués sénatoriaux supplémentaires dans les communes concernées.
L'amendement n°22 n'est pas défendu.
M. Philippe Kaltenbach, rapporteur. - La commission est défavorable à ces amendements. J'indique que la tranche visée par M. Cornu existe, au reste, depuis les débuts de la Ve République, à laquelle, si j'en crois vos exclamations au mot de conservateur prononcé par M. Rebsamen, vous êtes très attachés.
M. Manuel Valls, ministre. - Même avis.
À la demande du groupe socialiste, l'amendement n°44 rectifié est mis aux voix par scrutin public.
M. le président. - Voici les résultats du scrutin :
Nombre de votants | 340 |
Nombre de suffrages exprimés | 340 |
Pour l'adoption | 163 |
Contre | 177 |
Le Sénat n'a pas adopté.
À la demande du groupe socialiste, l'amendement n°45 rectifié est mis aux voix par scrutin public. (Marques d'impatience à droite)
M. le président. - Voici les résultats du scrutin :
Nombre de votants | 340 |
Nombre de suffrages exprimés | 340 |
Pour l'adoption | 164 |
Contre | 176 |
Le Sénat n'a pas adopté.
À la demande du groupe socialiste, l'amendement n°54 rectifié est mis aux voix par scrutin public. (Exclamations à droite)
M. le président. - Voici les résultats du scrutin :
Nombre de votants | 339 |
Nombre de suffrages exprimés | 339 |
Pour l'adoption | 163 |
Contre | 176 |
Le Sénat n'a pas adopté.
À la demande du groupe UMP, l'article premier est mis aux voix par scrutin public.
M. le président. - Voici les résultats du scrutin :
Nombre de votants | 347 |
Nombre de suffrages exprimés | 346 |
Pour l'adoption | 177 |
Contre | 169 |
Le Sénat a adopté.
M. Éric Doligé. - Ça a été dur !
ARTICLES ADDITIONNELS
M. le président. - Amendement n°43 rectifié, présenté par MM. Cornu, de Montgolfier et Billard.
Après l'article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
À la dernière phrase du premier alinéa de l'article L. 288 du code électoral, le mot : « âgé » est remplacé par le mot : « jeune ».
M. Gérard Cornu. - Ce problème revient régulièrement dans les scrutins : en cas d'égalité de suffrages, le candidat le plus jeune doit être élu, non le plus âgé.
M. Philippe Kaltenbach, rapporteur. - Défavorable car ce principe devrait être modifié pour toutes les élections.
M. Manuel Valls, ministre. - Même avis.
L'amendement n°43 rectifié n'est pas adopté.
M. Albéric de Montgolfier. - Conservateurs !
M. le président. - Amendement n°33, présenté par M. Masson.
Après l'article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
À la deuxième phrase de l'article L. 290-1 du code électoral, après les mots : « la section électorale correspondante ou », sont insérés les mots : « , à défaut, ».
M. Jean Louis Masson. - Il faut quand même que les délégués d'une commune associée soient choisis prioritairement parmi les conseillers municipaux élus dans la section électorale correspondante. C'est logique !
M. Philippe Kaltenbach, rapporteur. - L'avis est favorable : priorité doit être donnée dans la désignation des grands électeurs aux élus de la section concernée.
M. Manuel Valls, ministre. - Je rappelle que la loi du 17 mai 2013 a supprimé les sections dans les communes de moins de 20 000 habitants et que le texte que nous examinerons ensuite abrogera toutes les sections électorales. Retrait, sinon rejet.
M. Jean Louis Masson. - L'argument ne tient pas : on ne peut pas se fonder sur une loi qui n'est pas adoptée. Le président de la commission des lois veut d'ailleurs rétablir toutes les sections ! À moins que le rapporteur et le président ne cherchent à noyer le poisson, mais il se débat encore vivement !
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. - Le débat a été vif en commission, nous en reparlerons ce soir.
L'amendement n°33 est adopté et devient un article additionnel.
M. le président. - Amendement n°34, présenté par M. Masson.
Après l'article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. L'article L. 290-1 du code électoral est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les communes déléguées qui ont été substituées aux communes associées en application de la loi n° 2013-403 du 17 mai 2013 relative à l'élection des conseillers départementaux, des conseillers municipaux et des conseillers communautaires, et modifiant le calendrier électoral, conservent un nombre de délégués égal à celui auquel elles auraient eu droit en l'absence de fusion. Ces délégués sont désignés par le conseil municipal de la commune issue de la fusion, parmi les conseillers municipaux domiciliés dans le ressort de l'ancienne commune associée ou à défaut parmi les électeurs inscrits sur les listes électorales de la commune dans les conditions fixées au présent titre. »
II. Le I entre en vigueur à la date d'entrée en vigueur de l'article 33 de la loi n°2013-403 du 17 mai 2013 relative à l'élection des conseillers départementaux, des conseillers municipaux et des conseillers communautaires, et modifiant le calendrier électoral.
M. Jean Louis Masson. - Un mauvais coup était porté aux communes associées dans la loi du 17 mai 2013. Le Gouvernement les avait oubliées.
J'avais alerté le Sénat, qui vota mon amendement, mais en deuxième lecture le président de la commission des lois de l'Assemblée nationale a sorti de sa poche un amendement transformant les communes associées en communes déléguées. Nous en reparlerons ce soir mais la commission des lois, logiquement, devrait soutenir mon amendement.
M. Philippe Kaltenbach, rapporteur. - Outre sa complexité, cet amendement, qui propose un bonus de délégués aux communes associées, présente un risque d'inconstitutionnalité : un traitement différent serait réservé aux communes déléguées selon qu'elles procèdent ou non d'une commune associée.
M. Manuel Valls, ministre. - Même avis.
M. Charles Guené. - Regardons-y de plus près, M. Masson veut corriger une disposition sur les communes associées qui rompt le pacte républicain de 1971 et aboutirait, dans mon département, à réduire le corps électoral de 10 %. Nous nous honorerions en votant cet amendement.
M. Jean-René Lecerf. - J'en profite pour vous interroger, monsieur le ministre, sur le cas des communes associées fusionnées, qui bénéficient d'une sorte de vote plural puisqu'elles conservent leurs délégués tout en restant prises en compte dans la somme des habitants. N'y a-t-il pas là un risque d'inconstitutionnalité ?
M. Jacques Mézard. - Je fais miennes les observations de M. Guené : soit on supprimait les communes associées, soit on respectait le pacte librement consenti entre ces communes qui ne voulaient pas aller jusqu'à la fusion. La modification a été faite sans concertation, qui plus est. Je voterai l'amendement n°34.
M. Jean Louis Masson. - Tout le problème vient de ce que la transformation des communes associées en communes déléguées a été décidée à la sauvette en deuxième lecture, dans un texte qui n'avait rien à voir. Les communes concernées - et elles sont nombreuses - n'ont même pas été consultées.
À la demande du groupe UMP, l'amendement n°34 est mis aux voix par scrutin public.
M. le président. - Voici les résultats du scrutin :
Nombre de votants | 347 |
Nombre de suffrages exprimés | 347 |
Pour l'adoption | 188 |
Contre | 159 |
Le Sénat a adopté.
L'amendement n°34 devient un article additionnel.
M. le président. - Amendement n°21 rectifié bis, présenté par Mmes Cohen et Gonthier-Maurin.
Après l'article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le premier alinéa de l'article L. 299 du code électoral est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Le candidat et son remplaçant sont de sexe différent. »
Mme Laurence Cohen. - Avec la réforme proposée, 93 sièges continueront d'être pourvus au scrutin majoritaire dans les départements et collectivités d'outre-mer élisant un ou deux sénateurs.
Ceux-ci ne doivent pas être dispensés de toute obligation paritaire, la délégation aux droits des femmes propose, en conséquence, de prévoir, à l'image de ce qu'avait institué la loi du 31 janvier 2007 pour les conseillers généraux, que le candidat et son remplaçant soient de sexe différent.
M. le président. - Amendement identique n°49 rectifié bis, présenté par MM. Maurey, Détraigne, Guerriau, Merceron, Marseille et Deneux et Mme Férat.
Après l'article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le premier alinéa de l'article L. 299 du code électoral est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Le candidat et son remplaçant sont de sexe différent. »
M. Hervé Maurey. - L'objectif avoué de ce texte est de renforcer la parité. Il ne sera pas rempli en abaissant le seuil de la proportionnelle : les élections sénatoriales de 2011 le démontrent ; de même, davantage de femmes ont été élues au scrutin majoritaire à l'Assemblée nationale. Prenons plutôt une mesure concrète pour renforcer la parité, en nous inspirant de la loi de 2007 sur les conseils généraux.
M. le président. - Amendement n°17 rectifié, présenté par M. Masson.
Après l'article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le premier alinéa de l'article L. 299 du code électoral, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Le candidat et la personne appelée à le remplacer comme sénateur dans les cas prévus à l'article L. O. 319 sont de sexe différent. »
M. Jean Louis Masson. - Dans mon département de la Moselle, l'introduction de la suppléance paritaire a doublé le nombre de femmes siégeant au conseil général. Cela a fonctionné, il n'y a pas de raisons de ne pas appliquer cette règle au Sénat.
M. Philippe Kaltenbach, rapporteur. - Cette mesure, proposée par M. Antoine Lefèvre en 2009, a fait l'objet de débats âpres...
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. - Plutôt approfondis !
M. Philippe Kaltenbach, rapporteur. - ... en commission. Des réticences se sont exprimées. Cet amendement contraindrait la liberté de choix du suppléant, ne s'appliquerait pas aux députés et n'a plus de raison d'être avec le scrutin binominal départemental. La commission, partagée, s'en remet à la sagesse de notre assemblée.
M. Manuel Valls, ministre. - Pour défendre ces amendements, vous avez cité l'exemple des cantonales, qui n'est guère probant - je l'ai dit en discussion générale : nous avons constaté une régression en 2011. D'où la modification du mode de scrutin départemental. Rejet, car le Gouvernement veut plus de sénatrices et non pas seulement plus de suppléantes ! (Exclamations à droite)
M. Hervé Maurey. - Je m'étonne de la position de la commission et de la réaction du Gouvernement face à des amendements favorisant la parité - un impératif constitutionnel - et émanant de tous les bancs. Le titulaire serait contraint, soit. Mais vous ne prévoyez pas autre chose pour le binôme. Étendons la mesure aux députés au cours de la navette puisque ce n'est que cela ! La parité, ce n'est pas que des mots...
Mme Évelyne Didier. - L'amendement est symbolique, mais les symboles sont importants. La Délégation aux droits des femmes accomplit un remarquable travail, que le Gouvernement en tienne compte ! Que les partis politiques présentent une femme en tête de liste pour les sénatoriales ! La vérité, malheureusement, est que nous avons besoin de lois pour faire progresser la parité. Monsieur le ministre, ces amendements n'apportent pas de bouleversement : acceptez-les ! (Mme Laurence Cohen, rapporteure de la Délégation aux droits des femmes, applaudit)
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. - M. Kaltenbach a remarquablement fait son travail en rapportant les avis qui ont été présentés : s'il s'en remet à la sagesse, c'est qu'il y avait égalité de vote au sein de la commission.
M. Christophe Béchu. - Je voterai ces amendements. Un peu de cohérence, vous avez imposé le binôme ! Il est vrai que les députés qui l'ont voté se sont bien gardés de proposer d'appliquer un principe paritaire à eux-mêmes. Ne nous comportons pas comme eux : si c'est une bonne réforme, adoptons-la ! (Applaudissements à droite)
M. Jean Louis Masson. - Pourquoi mon amendement passe-t-il en troisième alors que je l'ai déposé en premier ? Puisqu'il en est ainsi, je le rectifie pour le rendre identique aux deux autres, sinon il tombera.
M. le président. - Le classement est opéré par le service de la séance en fonction du texte visé par l'amendement. Votre amendement sera donc le n°17 rectifié bis.
M. Gérard Cornu. - Je ne comprends pas la logique du Gouvernement : le chabada pour les uns, mais pas pour les autres ! Je voterai les trois amendements identiques.
M. Manuel Valls, ministre. - Une séance de rattrapage, qui donnera l'occasion à chacun de témoigner de son attachement à la parité. Je comprends la proposition de la Délégation aux droits des femmes. Les chiffres sont implacables.
Prenons des exemples concrets : il existe un régulateur financier pour les élections législatives qui a coûté cher à la formation politique de M. Béchu, qui le paye encore, dans tous les sens du terme.
L'appariement d'un titulaire et d'une suppléante - disons les choses clairement - ne suffit pas, voyez les élections cantonales. Les suppléantes ne sont pas élues...pour la parité, nous avons introduit le scrutin binominal qui concerne deux élus. La suppléance aux sénatoriales comme forme de parité ? Allons donc !
Si le Sénat veut adopter ces amendements, le Gouvernement ne s'y opposera pas. M. Béchu a certes du talent mais je suis déterminé à ne rien vous céder sur le terrain de la parité. (Exclamations à droite ; applaudissements à gauche) Sagesse.
M. Jean-Pierre Michel. - La position du ministre n'est pas celle de la majorité du groupe socialiste, je demande une suspension de séance.
La séance, suspendue à 18 h 15, reprend à 18 h 30.
Mme Françoise Cartron. - Je suis heureuse...
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. - Mme Cartron est pour les femmes !
Mme Françoise Cartron. - ... de voir tant de membres de l'opposition découvrir la magie de la suppléance. Je voterai, pour ma part, ces amendements sans illusion. Vous restez au milieu du chemin. (On le conteste à droite)
Mme Catherine Troendle. - Vous n'êtes pas si vertueux que cela !
Mme Françoise Cartron. - Encore un effort, messieurs les paritaristes : comme par hasard, les hommes seront titulaires et les femmes suppléantes !
M. Jacques Mézard. - Nous n'avons pas l'habitude de changer d'avis en cours de séance. Il s'agit d'un scrutin uninominal et nous sommes attachés au principe de libre choix du titulaire, un principe de responsabilité et de liberté. Nous ne sommes pas dupes du jeu qui se joue, à droite et au centre. Pour notre part, nous ne modifierons pas notre position même si le message est difficile à faire passer.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. - Le principe de responsabilité et de liberté exigerait aussi de reconnaître aux femmes, 50 % de l'humanité, leur place en politique. Reconnaître cette place, c'est porter haut et fort cette exigence pour inciter les femmes à revendiquer toute leur place dans la société.
À la demande du groupe UDI-UC, les amendements identiques nos21 rectifié bis, 49 rectifié bis et 17 rectifié bis sont mis aux voix par scrutin public.
M. le président. - Voici les résultats du scrutin :
Nombre de votants | 346 |
Nombre de suffrages exprimés | 345 |
Pour l'adoption | 325 |
Contre | 20 |
Le Sénat a adopté.
(Applaudissements sur plusieurs bancs)
M. le président. - Les amendements deviennent articles additionnels.
M. le président. - Amendement n°9 rectifié bis, présenté par MM. Mézard, Alfonsi, Baylet, Bertrand, C. Bourquin, Chevènement, Collin et Fortassin, Mme Laborde et MM. Mazars, Plancade, Requier, Tropeano, Vall et Vendasi.
Après l'article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article L. 305 du code électoral est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Nul ne peut être candidat au second tour s'il ne s'est présenté au premier tour. »
M. Jacques Mézard. - Il s'agit ici de supprimer un véritable archaïsme. Comme c'est un vrai problème de fond, cela n'intéressera personne... Il faudra certainement un scrutin public pour que chacun puisse s'exprimer sincèrement sur cet amendement qui met fin à la règle permettant à un candidat, dans les circonscriptions où l'élection des sénateurs a lieu au scrutin majoritaire, de se présenter au second tour sans avoir été candidat au premier tour. D'autant que se pose le problème du compte de campagne. Il faut régler le problème une bonne fois pour toute.
M. le président. - Amendement identique n°55 rectifié bis, présenté par MM. de Montgolfier, Cornu et Billard.
M. Albéric de Montgolfier. - Même objet. Et la question du compte de campagne est essentielle. La meilleure façon de lever la difficulté est de mettre fin à cette règle étrange.
M. le président. - Amendement identique n°25 rectifié ter, présenté par M. Masson.
M. Jean Louis Masson. - Lors du texte sur les municipales et cantonales, j'avais proposé un amendement dans le même sens. Je poursuis.
M. le président. - Amendement n°15 rectifié ter, présenté par M. Détraigne, Mmes Férat, Morin-Desailly et Goy-Chavent et MM. J.L. Dupont, Merceron, Deneux, Bockel, Namy, Capo-Canellas, Tandonnet, Amoudry, Maurey, J. Boyer, Guerriau, Jarlier, Mercier et Dubois.
Après l'article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article L. 305 du code électoral est complété par trois alinéas ainsi rédigés :
« Nul ne peut être candidat au deuxième tour s'il ne s'est présenté au premier tour et s'il n'a obtenu un nombre de suffrages au moins égal à 12,5 % du nombre des électeurs inscrits.
« Dans le cas où un seul candidat remplit ces conditions, le candidat ayant obtenu après celui-ci le plus grand nombre de suffrages au premier tour peut se maintenir au second.
« Dans le cas où aucun candidat ne remplit ces conditions, les deux candidats ayant obtenu le plus grand nombre de suffrages au premier tour peuvent se maintenir au second. »
M. Yves Détraigne. - Nous allons un peu plus loin en prévoyant aussi qu'il faudra obtenir 12,5 % des suffrages pour se maintenir au second tour.
M. le président. - Amendement n°18 rectifié, présenté par M. Masson.
Après l'article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - Après l'article L. 294 du code électoral, il est inséré un article L. 294-... ainsi rédigé :
« Art. L. 294-... - Dans les départements où les élections ont lieu au scrutin majoritaire, nul ne peut être élu candidat au deuxième tour s'il ne s'est pas présenté au premier tour et s'il n'a obtenu un nombre de suffrages au moins égal à 12,5 % du nombre des électeurs inscrits.
« Dans le cas où un seul candidat remplit ces conditions, le candidat ayant obtenu après celui-ci le plus grand nombre de suffrages au premier tour peut se maintenir au second.
« Dans le cas où aucun candidat ne remplit ces conditions, les deux candidats ayant obtenu le plus grand nombre de suffrages au premier tour peuvent se maintenir au second. »
II. - L'article L. 305 du code électoral est abrogé.
M. Jean Louis Masson. - Il est défendu.
M. Philippe Kaltenbach, rapporteur. - Favorable aux trois premiers amendements, identiques. Je l'avais moi-même proposé avant que la commission ne rejette le texte.
Il n'y avait eu aucun cas en 2008 et 2011 ; un seul en 2001 et 2004. En 1998, il y en avait eu quatre, dont celui qui, à Wallis et Futuna, avait abouti à l'élection de notre collègue Laufoaulu, réélu en 2008.
La Constitution est défavorable à l'instauration d'un tel seuil pour l'élection des sénateurs. Outre que cela irait contre la tradition, cela pourrait nuire au pluralisme.
Avis favorable. En revanche, l'amendement n°15 rectifié ter marquerait une nette rupture et pourrait nuire au pluralisme politique.
M. Manuel Valls, ministre. - Le Gouvernement soutient ces trois amendements identiques, rejoignant M. Mézard dans sa cavalcade contre les archaïsmes. Il est en revanche défavorable à l'introduction d'un seuil pour l'accès au second tour.
Les amendements identiques nos9 rectifié bis, 55 rectifié bis, 25 rectifié ter sont adoptés, et deviennent un article additionnel.
Les amendements nos15 rectifié ter et 18 rectifié deviennent sans objet.
M. Jean Louis Masson. - Mon amendement n°18 rectifié n'aurait pas dû tomber puisqu'il ne concernait que le seuil des 12,5 %, mais je vais le retirer.
Une atteinte au pluralisme, en effet, c'est bien pourquoi je n'avais pas voté le passage de 10 à 12,5 % pour les cantonales... À la législative partielle d'avant-hier, le troisième candidat a eu de quoi se plaindre de ce seuil.
L'amendement n°18 rectifié est retiré.
M. le président. - Amendement n°24, présenté par M. Masson.
Après l'article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article L. 312 du code électoral est ainsi modifié :
1° Après le mot : « départements », sont insérés les mots : « où l'élection a lieu au scrutin majoritaire à deux tours ».
2° Il est complété par une phrase ainsi rédigée : « Dans les autres départements, les électeurs sont convoqués au chef-lieu de leur arrondissement. »
M. Jean Louis Masson. - Dans les départements où le scrutin a lieu à la proportionnelle il n'y a pas de raison de faire déplacer les grands électeurs au chef-lieu, ce qui oblige certains à faire plus de 100 km. Et l'État économiserait des frais de déplacement.
M. Philippe Kaltenbach, rapporteur. - Avis défavorable. Cette mesure compliquerait l'organisation de l'élection dont le préfet a la charge. Cette élection qui a lieu tous les six ans seulement est l'occasion de rassembler les grands électeurs, qui y sont attachés.
M. Manuel Valls, ministre. - Il y a des archaïsmes, mais il y a aussi des traditions. C'en est une, conservons-la.
M. Patrice Gélard. - Un sénateur est l'élu d'un département et pas d'un chef-lieu d'arrondissement. Le point de vue du rapporteur et du ministre est le bon.
L'amendement n°24 n'est pas adopté.
ARTICLE 2
M. Jean Louis Masson . - Je suis très favorable à cet article, pas seulement pour la parité : le scrutin proportionnel évite les coalitions, qui gèlent le pluralisme. On l'a vu en 2003, pour l'élection sénatoriale : le scrutin proportionnel exprime mieux la réalité du terrain. Il n'est pas normal qu'un parti qui dépasse juste les 50 % monopolise les trois sièges.
M. le président. - Amendement n°3, présenté par M. J.C. Gaudin et les membres du groupe UMP.
Supprimer cet article.
M. Jean-Jacques Hyest. - Avoir un scrutin majoritaire pour trois sièges n'empêche pas des membres de l'opposition d'être élus. Ce fut le cas pour le président Sueur. (Murmures ironiques) Qui a été très bien élu.
Que s'est-il donc passé, monsieur Mézard, en commission ? Le texte avait initialement été rejeté parce que vous étiez contre. Qu'est-ce qui vous a fait changer d'avis ? Je le dis d'emblée : si nous retrouvons la majorité, nous reviendrons sur cette disposition que vous ne proposez que pour tenter de gagner un siège dans les départements où vous êtes minoritaires. Mais attention au retour de bâton : les résultats ne sont pas toujours ceux que l'on espérait. Ils seront sanglants dans certains départements... Certains sénateurs qui n'ont pas démérité présenteront des listes dissidentes, faute d'être investis par leur parti.
M. le président. - Amendement identique n°37, présenté par M. Zocchetto et les membres du groupe UDI-UC.
M. Yves Détraigne. - Nous sommes toujours sur les mêmes positions.
M. Philippe Kaltenbach, rapporteur. - Avis défavorable : supprimer cet article, c'est faire perdre l'essentiel de son intérêt à ce texte.
M. Gérard Cornu. - Je voterai ces amendements. La parité est ici un prétexte. Une proportionnelle dans les départements à trois sièges n'aboutira qu'à faire élire les têtes de listes. La vérité, c'est que vous tripatouillez le scrutin pour conserver la majorité. (Exclamations à gauche)
M. Alain Bertrand. - N'est pas Pasqua qui veut...
M. Albéric de Montgolfier. - On évoque la parité. La proportionnelle à trois sièges ne la favorise pourtant en rien, M. Cornu l'a montré. Autre argument, le pluralisme, mais le scrutin majoritaire ne l'empêche en rien. Vous poursuivez une visée électoraliste. Et vous rompez, encore une fois, avec la tradition républicaine qui veut que l'on ne modifie pas un mode de scrutin dans l'année précédant l'élection.
M. Hervé Maurey. - Je voterai ces amendements car nous sommes très attachés au scrutin majoritaire dans les départements à trois sièges. C'est un scrutin de liberté, qui laisse les grands électeurs libres de panacher leurs suffrages. Les élus locaux, il faut en avoir conscience, y tiennent beaucoup. La parité a bon dos. Elle ne fonctionnera qu'à la marge, l'exemple de 2001 le montre. Le pluralisme existe déjà avec le scrutin majoritaire.
M. Valls nous a dit que le président de la République avait pris l'engagement de revenir sur le conseiller territorial, soit. Mais le mode d'élection du Sénat n'a fait l'objet d'aucun engagement de la sorte. Ce texte est sorti de votre chapeau pour tenter de vous éviter de perdre votre courte majorité à la Haute assemblée.
Pourquoi vos arguments sont-ils différents selon le mode de scrutin ? Pour les cantonales en « binôme », vous avez fait l'apologie du scrutin majoritaire. Pourquoi le faire reculer dans l'assemblée où la proportionnelle est la plus forte ? Avec ce texte, 75 % des sénateurs seraient élus de la sorte. Je comprends mal vos contradictions. (Applaudissements sur les bancs UMP)
Mme Évelyne Didier. - Notre groupe s'en tient à sa position de fond : la proportionnelle toujours et partout. C'est une question de démocratie.
M. Éric Doligé. - Je rappelle que les départements à trois sièges sont de petits départements, donc souvent des départements ruraux. Le président de la commission des lois est l'exemple vivant du fait que les électeurs ne veulent pas mettre tous les oeufs dans le même panier, ils donnent un signe politique, mais veulent aussi saluer la qualité d'une personnalité. C'est la réalité du milieu rural, qui est tout autre que celle des grandes villes. (Applaudissements sur les bancs UMP)
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. - Je n'ai pas l'habitude qu'on me cite tant en exemple...
M. René-Paul Savary. - Mon département a connu les deux modes de scrutin. Dans l'un et l'autre cas, quand on veut se présenter, on arrive à convaincre les électeurs. Ceux-ci vont-ils comprendre ces changements incessants ? Ils préféreraient que l'on s'attache à leurs préoccupations qui sont vives, dans le monde rural, avec la baisse des dotations. Ne changeons pas de pied sans cesse et restons-en au scrutin majoritaire dans les départements moyens.
À la demande des groupes socialiste et UMP, les amendements identiques n°s3 et 37 sont mis aux voix par scrutin public.
M. le président. - Voici les résultats du scrutin :
Nombre de votants | 345 |
Nombre de suffrages exprimés | 344 |
Pour l'adoption | 170 |
Contre | 174 |
Le Sénat n'a pas adopté.
L'amendement n°16 n'est pas défendu.
M. le président. - Amendement n°50 rectifié, présenté par Mme Lipietz et les membres du groupe écologiste.
Rédiger ainsi cet article :
I. - Au premier alinéa de l'article L. 294 du code électoral, les mots : « sont élus trois sénateurs ou moins » sont remplacés par les mots : « est élu un sénateur ».
II. - Après l'article L. 294 du même code, il est inséré un article L. 294-... ainsi rédigé :
« Art. L. 294-... - Dans les départements où sont élus deux sénateurs, l'élection a lieu au scrutin majoritaire binominal à deux tours.
« Nul candidat d'un binôme n'est élu sénateur au premier tour de scrutin si son binôme n'a réuni la majorité absolue des suffrages exprimés et un nombre de voix égal au quart des électeurs inscrits.
« Au second tour de scrutin, la majorité relative suffit. Si plusieurs binômes de candidats obtiennent le même nombre de suffrages, l'élection est acquise au binôme qui comporte le candidat le plus jeune. »
III. - Après l'article L. 299 du même code, il est inséré un article L. 299-... ainsi rédigé :
« Art. L. 299-... - Dans les départements où les élections ont lieu au scrutin binominal, les candidats se présentent en binôme de sexe différent. Ils doivent mentionner dans leur déclaration de candidature, pour chaque candidat, les nom, prénoms, date et lieu de naissance, domicile et profession de la personne appelée à les remplacer comme sénateur dans les cas prévus à l'article L. O. 319. Ils doivent y joindre l'acceptation écrite des remplaçants, lesquels doivent remplir les conditions d'éligibilité exigées des candidats.
« Le candidat et la personne appelée à le remplacer comme sénateur dans les cas prévus à l'article L. O. 319 sont de même sexe.
« Nul ne peut figurer en qualité de remplaçant sur plusieurs déclarations de candidature. Nul ne peut être à la fois candidat et remplaçant d'un autre candidat. Nul ne peut désigner pour le second tour de scrutin une personne autre que celle qui figurait sur sa déclaration de candidature lors du premier tour. »
Mme Hélène Lipietz. - On nous a seriné que le meilleur scrutin pour la parité était le scrutin binominal. Dont acte...
M. le président. - Amendement n°46 rectifié, présenté par MM. Cornu, de Montgolfier, Billard et Pointereau.
Alinéa 2
Remplacer les mots :
deux sénateurs
par les mots :
quatre sénateurs
M. Gérard Cornu. - Avec ce seuil pour la proportionnelle, vous allez changer radicalement la nature du Sénat, puisque 75 % des élus le devront à la proportionnelle. Or ce qui fait la force du Sénat, c'est que les sénateurs sont élus à raison de leur personnalité et pas seulement de leur appartenance politique. Au lieu d'élus de terrain, on va se retrouver avec des apparatchiks. Il est dommage que le Sénat soit réduit à cela par vos petits calculs électoraux.
L'amendement n°47 rectifié est retiré.
M. Philippe Kaltenbach, rapporteur. - Défavorable à l'amendement de Mme Lipietz. Son amendement favoriserait certes la parité, et je m'étonne du peu d'allant de MM. Maurey et Cornu à son égard, mais la tradition du scrutin uninominal dans les départements à un ou deux sièges mérite d'être préservée.
M. Cornu, par provocation sans doute, propose de ne retenir la proportionnelle que dans les départements à cinq sièges. Défavorable, bien sûr, à son amendement. Dans les petits départements, la proportionnelle n'interdira pas aux petites listes de recueillir des voix. La gauche est attachée à des règles justes, comme elle l'était en 2000.
M. Manuel Valls, ministre. - Même avis défavorable.
M. Hervé Maurey. - L'amendement de Mme Lipietz a le mérite de la cohérence. Je réitère ma question au ministre : pourquoi se fait-il l'apôtre de modes de scrutin différents selon les élections ? Pourquoi deux poids deux mesures ? On l'a compris, c'est parce qu'il y a le feu au lac, on l'a vu avec les élections partielles.
Mme Odette Herviaux. - J'entends ici des propos surréalistes et contradictoires. Élue en 2001 à la proportionnelle, j'étais la seule femme tête de liste, je le dis à ceux qui pourraient, dans leur propre parti, faire un effort pour laisser plus de femmes dans cette position. J'ai tenu, en 2011, à présenter une liste, alors que la proportionnelle n'avait plus cours. Pour moi, la seule solution qui vaille en démocratie, c'est, comme l'a dit Mme Didier, la proportionnelle le plus souvent possible. J'ajoute qu'un sénateur ne représente pas la ville ou le milieu rural mais l'ensemble de son département. (Applaudissements à gauche)
M. Jean-Pierre Raffarin. - Vous êtes la démonstration vivante, madame, que le scrutin majoritaire, qui nous a élus, est le bon. Prenons de la hauteur et regardons le monde. Croyez-vous qu'Israël, avec une proportionnelle intégrale, fonctionne bien et démocratiquement ? La proportionnelle a des vertus mais elle n'est pas plus démocratique en tant que telle. Pour moi, ce qui compte, dans une démocratie, c'est que l'alternance soit possible. En matière de représentativité, il y a des dizaines de modèles, et aucun n'est parfait.
M. Jean-Pierre Michel. - Très bien !
M. Manuel Valls, ministre. - La particularité de la France est d'avoir des modes de scrutin différents selon les élections, voire au sein d'une même assemblée - voyez le Sénat. Nous avons la proportionnelle intégrale aux européennes, un scrutin mixte aux régionales, le scrutin majoritaire aux municipales... La capacité d'alternance, à laquelle je suis extrêmement attaché, se manifeste à l'Assemblée nationale.
Comment concilier le fait majoritaire et la représentation plurielle des opinions ? Voilà la question qui nous est posée. Les deux candidats en lice au deuxième tour de la présidentielle proposaient tous deux l'instillation d'une certaine dose de proportionnelle... Nous ne nous opposons ici que sur le seuil de la proportionnelle : nous voulons le rétablir dans les départements à trois sièges, constatant notamment le recul de la parité aux dernières élections sénatoriales. C'est la cohérence et c'est la logique. (Applaudissements sur les bancs socialistes)
M. Patrice Gélard. - Il n'est pas de scrutin bon ou mauvais, on l'apprend dès les premières semaines à la faculté de droit. Le législateur fait un choix et s'en mord souvent les doigts ensuite - c'est tout.
L'amendement n°50 rectifié n'est pas adopté.
M. Gérard Cornu. - Je vais retirer mon amendement, qui est effectivement provocateur, en soulignant que parler de proportionnelle pour trois sièges est un abus de langage ; l'élection s'apparentera à un scrutin à un tour où seules les têtes de liste seront élues...
L'amendement n°46 rectifié est retiré.
À la demande du groupe UMP, l'article 2 est mis aux voix par scrutin public.
M. le président. - Voici les résultats du scrutin :
Nombre de votants | 347 |
Nombre de suffrages exprimés | 347 |
Pour l'adoption | 176 |
Contre | 171 |
Le Sénat a adopté.
La séance est suspendue à 19 h 40.
présidence de M. Jean-Léonce Dupont,vice-président
La séance reprend à 21 h 45.
Mise au point au sujet d'un vote
M. Gérard Cornu. - Sur le scrutin 265, MM. Raffarin et Fouché, qui souhaitaient s'abstenir, ont été déclarés votant pour.
Discussion des articles (Suite)
ARTICLE 3
M. Jacques Berthou . - Cet article 3 vise à élargir le scrutin proportionnel pour, dites-vous monsieur le ministre, favoriser la parité et la pluralité politique. Malheureusement, il se trouve que les têtes de liste sont bien souvent des messieurs. Pour renforcer la parité, il ne suffit pas de légiférer : il faut changer les moeurs. Un grand nombre de listes favorisera la pluralité politique, certes. Du même coup, cela ouvrira aussi la porte à des élus extrémistes - je pense au Front national. Les vieux briscards se retrouveront têtes de liste, alors que le scrutin majoritaire permettait l'émergence de candidats reconnus par les électeurs pour leur action locale. Je m'interroge donc. Faut-il systématiquement favoriser l'élection de candidats qui ont pour seul mérite d'appartenir à un parti politique ? (Applaudissements sur quelques bancs socialistes, UDI-UC et UMP)
M. Manuel Valls, ministre. - Je comprends vos interrogations. Sur la parité, j'ai rappelé tout à l'heure que la proportionnelle peut être contournée par la multiplication des listes. Mais songez à ce que le Parlement a voté pour les municipales : cela fera plus de grands électeurs femmes. Songez aussi à la parité du scrutin cantonal, qui, avec des élus ancrés dans les territoires, changera des moeurs que nous n'ignorons pas. Il faut faire le pari de l'intelligence des territoires.
Les partis concourent à l'expression de la vie politique et il y a aussi besoin de personnalités. On a vu, ici, des exemples - Mme Herviaux, M. Sueur - élus quel que soit le mode de scrutin. Mme Herviaux, élue sous deux modes de scrutin, était-elle prisonnière des partis ? Non.
Je suis un élu de l'Essonne. Michel Besson a été élu en se présentant contre sa formation politique. Dans la région parisienne avec des grands électeurs qui sont souvent me dit-on des militants politiques...
La question qui se pose ici est celle des départements à trois sièges. Quelqu'un a pris, tout à l'heure, l'exemple du Loiret, qui compte des villes et des territoires ruraux. La proportionnelle donnera-t-elle la main aux partis ? Nullement. Les grands électeurs seront là, qui choisiront en leur âme et conscience. Je ne crois pas que la proportionnelle coupera l'ancrage des élus avec les grands électeurs. Tandis que la place des femmes gagnera du terrain...
La proportionnelle ne remettra pas en causse ce scrutin particulier qu'est le scrutin sénatorial où des élus de terrain élisent les sénateurs.
M. le président. - Amendement n°4, présenté par M. J.C. Gaudin et les membres du groupe UMP.
Supprimer cet article.
M. Jean-Jacques Hyest. - Parallélisme avec notre demande de suppression de l'article 2. Prétendre que l'ont fait la proportionnelle à trois sièges pour la parité, c'est ne pas manquer d'air quand on affirme dans le même temps que les personnalités pourront présenter leur propre liste... CQFD...
M. le président. - Amendement identique n°38, présenté par M. Zocchetto et les membres du groupe UDI-UC.
M. Yves Détraigne. - On ne va pas favoriser mais réduire le pluralisme. Le scrutin majoritaire permet de panacher, au contraire du scrutin de liste, bloqué.
Et il ne sera plus nécessaire d'avoir un ancrage territorial pour se faire élire : il suffira de se reposer sur l'aura de la tête de liste. C'est faire du Sénat une assemblée politique, comme l'Assemblée nationale, et se priver des avantages du bicamérisme. Au Sénat, le débat, plus serein, enrichit la navette. D'où notre amendement de suppression.
M. Philippe Kaltenbach, rapporteur. - Il n'y aurait donc, sur la liste à la proportionnelle que d'affreux apparatchiks ? Dans mon département, j'ai été élu sur une liste en raison de mon expérience d'élu de terrain. Et M. Jacques Gautier, pour citer un autre exemple, a obtenu, avec sa liste dissidente, presque autant de voix que M. Karoutchi.
Évitons de caricaturer : le monde urbain compte aussi des élus de terrain !
M. Manuel Valls, ministre. - Nous connaissons le risque que comporte le scrutin de liste. Mais le Sénat, entre 2001 et 2004, qui a connu cet épouvantable régime des partis, a-t-il changé de nature ? Non ! Le président Sueur en est un exemple vivant.
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. - C'est trop en jeter : trouvez-en quelques autres, il y en a.
M. Manuel Valls, ministre. - Sortons de la caricature. Mme Campion, élue de la partie la plus rurale de l'Essonne, est-elle un apparatchik ?
J'ai entendu l'hymne à la dépolitisation. Je reconnais que les débats ici sont plus calmes, et que la politique n'y prend aucune part, que MM. Pasqua, Karoutchi, Laurent, Rebsamen, ne sont rien d'autre que des élus de terrains, mais enfin...
La proportionnelle dans les départements à trois sénateurs ne changera pas la nature du Sénat.
M. Gérard Cornu. - Compte tenu de la configuration de nos départements à trois sièges, qui sont, globalement, ruraux, on ne va pas ainsi favoriser la parité. L'amendement sur la parité avec les suppléances, qui renforcera davantage la parité que cette disposition, a été voté à la presque unanimité. On cite M. Sueur, Mme Herviaux... Mais ce sont des élus de terrain. M. Sueur a été maire d'Orléans, son action était reconnue. Les électeurs ne s'y trompent pas.
Votre proportionnelle n'en aura que le nom : elle ressemblera davantage à l'élection à un tour car seules les têtes de liste seront élues. La question est finalement celle des têtes de liste ; voyez le cas de Mme Herviaux, qui a été élue au scrutin majoritaire et à la proportionnelle. Ne nous donnez pas de fausses excuses.
M. Christian Favier. - Sortons du manichéisme qui oppose élus de terrain et apparatchiks. Y aurait-il des élus sans militants ? Il n'est donc pas indigne que des militants puissent prétendre à l'élection. Dans mon département, on a su présenter une liste d'élus ayant une longue expérience de terrain, avec d'autres qui en avaient moins, comme Mme Benbassa, dont nul ne contestera qu'elle occupe parfaitement sa fonction. Si nos collègues de l'opposition tiennent tant à la parité, qu'ils déposent un amendement demandant que les têtes de liste soient des femmes. (Mme Laurence Cohen, rapporteure de la Délégation aux droits des femmes applaudit) Nous rejetterons les amendements de suppression de l'article.
M. Hervé Maurey. - Je veux rendre hommage à M. Berthou qui a dit tout haut ce que pensent tout bas nombre de ses collègues.
M. Jean-Jacques Mirassou. - Qu'en sais-tu ?
M. Hervé Maurey. - Plusieurs collègues socialistes m'ont dit qu'ils rejettent ce mode de scrutin, mais qu'ils le voteront, par discipline.
On va passer à une proportion de trois quarts de sénateurs élus à la proportionnelle contre la moitié aujourd'hui : les élus de terrain risquent de manquer cruellement à cette assemblée. La liste proportionnelle fait la part belle à la tête de liste. On ne parle pas ici des Hauts-de-Seine et de l'Essonne, qui élisent quatre à cinq sénateurs. Ce qui nous chiffonne, c'est ce seuil porté à trois sièges.
M. Marc Daunis. - Je suis surpris par l'appréciation que vous portez sur les grands électeurs. Vous semblez les juger incapables de distinguer, derrière la tête de liste, les talents. Ils céderaient, à vous entendre, aux sirènes de la « tête de gondole ». C'est leur faire bien peu d'honneur. Si je prends l'exemple des Alpes-Maritimes, un sénateur socialiste a pu être élu grâce à la proportionnelle qui favorise donc le pluralisme.
M. René-Paul Savary. - Nous n'arriverons pas à nous convaincre mais s'il n'y a pas automatiquement avantage sur le pluralisme ni sur la parité, pourquoi changer la loi ? Je ne referai pas l'article sur les exemples vivants, monsieur Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. - Merci !
M. René-Paul Savary. - Dans les très gros départements, personne ne conteste la proportionnelle. La question est celle des départements moyens. Nous tenons à l'équilibre actuel. J'ai bien entendu l'argument de M. Favier : dans mon département, si une femme était tête de liste, nous remonterions à la seconde place : nous ne serions pas contre ! (Mouvements divers)
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. - Puisqu'il a été fait état, avec excès, de ma situation, je veux dire que j'ai eu le bonheur d'être élu député au scrutin majoritaire avant et après les découpages de M. Pasqua. Mais aussi à la proportionnelle.
M. Alain Néri. - C'est vrai !
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. - J'ai été élu sénateur au scrutin majoritaire et à la proportionnelle. Je n'ai cumulé les fonctions de maire et de sénateur qu'une année - mais mieux vaut en rester là pour M. Mézard. François Mitterrand disait qu'il n'y a pas de mode d'élection parfait. Ce qui n'est pas mauvais, c'est d'en changer de loin en loin. Qu'aurait donné la proportionnelle à l'Assemblée nationale si elle avait duré dix ans ? M. Daunis a cité l'exemple des Alpes-Maritimes qui prête à réfléchir : un million d'habitants, cinq sénateurs et aucun de l'opposition ? Dans mon département les huit parlementaires ont été un temps du même bord politique : est-ce une juste représentation de la population ? On pourrait parler des modes de scrutin à perte de vue mais à force les arguments finissent par s'annuler. Relativisons les positions trop absolues.
À la demande du groupe UMP, les amendements de suppression n°s4 et 38 sont mis aux voix par scrutin public.
M. le président. - Voici les résultats du scrutin :
Nombre de votants | 347 |
Nombre de suffrages exprimés | 346 |
Pour l'adoption | 170 |
Contre | 176 |
Le Sénat n'a pas adopté.
M. le président. - Amendement n°52 rectifié, présenté par Mme Lipietz et les membres du groupe écologiste.
Alinéa 2
Remplacer cet alinéa par deux alinéas ainsi rédigés :
« Dans les départements où sont élus trois sénateurs, l'un des sénateurs est élu au scrutin de liste proportionnel suivant la règle de la plus forte moyenne, sans panachage ni vote préférentiel, sur une liste nationale.
« Pour les deux autres sénateurs, l'élection a lieu au scrutin binominal majoritaire à deux tours selon les modalités définies par la loi n° 2013-403 du 17 mai 2013 relative à l'élection des conseillers départementaux, des conseillers municipaux et des délégués communautaires, et modifiant le calendrier électoral. »
Mme Hélène Lipietz. - Scrutin binominal au niveau départemental pour les deux premiers sièges, et proportionnel au niveau national pour le troisième : voilà ce que nous proposons, nous inspirant de l'exemple allemand pour atteindre les objectifs de parité et de pluralisme politique.
M. le président. - Amendement n°48 rectifié, présenté par MM. Cornu, de Montgolfier et Billard.
Alinéa 2
Remplacer le mot :
trois
par le mot :
cinq
M. Gérard Cornu. - Je vais retirer cet amendement, mais je m'étonne que l'on n'entende ici citer que des départements à cinq ou six sénateurs : nous ne sommes pas contre la proportionnelle dans ce cas, nous l'avons même votée. Ce que nous contestons, c'est l'élection de 75 % des sénateurs à la proportionnelle. En fixant le seuil à quatre sièges, nous étions parvenus à un équilibre harmonieux, que vous allez rompre. Ce n'est pas bon pour la démocratie.
L'amendement n°48 rectifié est retiré.
M. Philippe Kaltenbach, rapporteur. - La proposition de Mme Lipietz est baroque...
M. Jacques Mézard. - Excellent !
M. Philippe Kaltenbach, rapporteur. - ... qui propose un système complexe d'élection, de niveau local et national. Elle porte atteinte à l'égalité des sénateurs dans une matière qui relève de la loi organique. Avis défavorable.
M. Manuel Valls, ministre. - Même avis.
L'amendement n°52 rectifié n'est pas adopté.
M. François Patriat. - C'est avec gravité et tristesse que je m'apprête à voter pour la première fois contre un texte de ma formation politique. Je ne crois pas manquer de courage en politique : député de Beaune, j'ai voté la loi Evin, parce que je pensais qu'elle répondait à un problème de santé publique.
J'ai toujours été hostile à la proportionnelle. C'est au nom de ma conviction que je m'exprime ici, et au nom de la justice, que vous évoquez souvent, monsieur le ministre, comme le président de la République. Mais je vois, dans vos propos de ce soir, un peu de cynisme. Vous avez dit, tout à l'heure, que qui voulait être élu pouvait l'être...
M. Manuel Valls, ministre. - Je n'ai pas dit cela !
M. François Patriat. - ... citant Michel Berson. J'ai vu aussi un parlementaire européen débarqué de nulle part... et y repartir. Paris est une chose, où je vois que mes collègues se soucient d'être en position éligible, les départements ruraux une autre. Il faudra à certains parcourir des centaines de communes pour convaincre. Les grands principes ? Mais même ceux des radicaux s'effacent devant les petits calculs. La proportionnelle, peut-être, mais jamais à deux sièges !
Si le Sénat doit être élu à la proportionnelle, qu'on le dise et qu'on le fasse plutôt que de créer deux catégories de sénateurs. Il y a ceux à qui on donne des têtes de liste et ceux qui gagnent leur élection sur le terrain, voix par voix.
Avec gravité et tristesse, je voterai donc pour la première fois contre un texte présenté par le Gouvernement, contre cet article 3 et contre le projet de loi. (« Bravo ! » et applaudissements au centre et à droite)
M. Manuel Valls, ministre. - Je fais aussi de la politique depuis plusieurs années, je le dis à M. Patriat que j'estime. Alors, oublions le mot de cynisme. La droite a applaudi M. Patriat...
M. Jean-Claude Lenoir. - Nous est-il interdit d'applaudir ?
M. Gérard Cornu. - Avec sincérité !
M. Manuel Valls, ministre. - Je n'en doute pas, cela venait du fond du coeur.
J'ai pris un seul exemple ; mon propos était surtout de dire que nous ne faisons rien de nouveau : nous revenons à la loi de 2000, présentée par le gouvernement Jospin, dans lequel siégeait M. Patriat. Les modes de scrutin ne font pas les élections, je l'ai dit et répété.
M. Jean-Claude Lenoir. - Cela devrait vous inquiéter !
M. Manuel Valls, ministre. - Bien sûr, il y a la liberté de choix, mais reconnaissez, monsieur Patriat, que la gauche est constante et que ses propositions pour le Sénat sont logiques et cohérentes.
M. Jean-Claude Lenoir. - Décidément, M. Jospin reste la référence !
À la demande du groupe UMP, l'article 3 est mis aux voix par scrutin public.
M. le président. - Voici les résultats du scrutin :
Nombre de votants | 347 |
Nombre de suffrages exprimés | 346 |
Pour l'adoption | 176 |
Contre | 170 |
Le Sénat a adopté.
ARTICLES ADDITIONNELS
M. le président. - Amendement n°51 rectifié, présenté par Mme Lipietz et les membres du groupe écologiste.
Après l'article 3
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article L. 300 du code électoral est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa est complété par deux phrases ainsi rédigées :
« L'ensemble des listes soutenues par un parti politique au niveau national respectent la parité au niveau de leurs têtes de liste. Si une liste est soutenue par plusieurs partis, c'est l'appartenance partisane du candidat en tête de liste qui est prise en compte. » ;
2° Après le premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Un décret en Conseil d'État précise les modalités et les sanctions financières relatives au non-respect de la règle de parité des têtes de liste. »
Mme Hélène Lipietz. - Une réelle parité passera, nous avons été plusieurs à le dire, par la parité des têtes de liste au niveau national.
M. Philippe Kaltenbach, rapporteur. - Mme Lipietz est très créative. Néanmoins, son amendement pose de multiples problèmes pratiques : « un parti politique au niveau national » n'est pas une notion juridique ; on renvoie des sanctions financières à un décret, ce qui est contraire à l'article 4 de la Constitution.
M. Manuel Valls, ministre. - Même avis défavorable.
L'amendement n°51 rectifié n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°14 rectifié bis, présenté par M. Détraigne, Mmes Férat, Morin-Desailly et Goy-Chavent et MM. J.L. Dupont, Merceron, Deneux, Bockel, Capo-Canellas, Tandonnet, Amoudry, Maurey, J. Boyer, Guerriau, Mercier et Dubois.
Après l'article 3
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au premier alinéa de l'article L. 301 du code électoral, le mot : « deuxième » est remplacé par le mot : « troisième ».
M. Yves Détraigne. - Le délai de deux semaines laissé pour déposer sa candidature est trop proche du scrutin. On l'a vu en septembre 2011. Laissons quinze jours entre le dernier jour de dépôt de candidature et le jour du scrutin, quitte à réduire d'une semaine le temps laissé au dépôt de candidature.
M. Philippe Kaltenbach, rapporteur. - Favorable : la campagne pourra se faire dans de meilleures conditions.
M. Manuel Valls, ministre. - Cela va dans le sens d'une meilleure administration : favorable également.
M. Jean Louis Masson. - Cet amendement est excellent, il faudrait régler aussi la question de la liste définitive des grands électeurs, souvent connue très tardivement.
L'amendement n°14 rectifié bis est adopté et devient un article additionnel.
M. le président. - Amendement n°10 rectifié, présenté par MM. Mézard, Alfonsi, Baylet, Bertrand, C. Bourquin, Chevènement, Collin et Fortassin, Mme Laborde et MM. Mazars, Plancade, Requier, Tropeano, Vall et Vendasi.
Après l'article 3
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans les six mois suivant la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport détaillant par département et par catégorie le nombre d'électeurs composant le collège appelé à élire les sénateurs.
M. Jacques Mézard. - Nous avons déposé cet amendement pour attirer l'attention sur l'insuffisance de l'étude d'impact annexée au projet de loi : elle ne comporte pas, de façon détaillée par département, le nombre supplémentaire de délégués des conseils municipaux.
Vos services, monsieur le ministre, m'ont fourni ces éléments : la progression de délégués est de 0 % dans le Cantal, de 0,7 % en Corrèze et, à Paris, elle est supérieure à 20 %. J'aurais aimé le savoir plus tôt mais mon amendement n'a plus de raison d'être.
L'amendement n°10 rectifié est retiré.
ARTICLE 4
M. le président. - Amendement n°5, présenté par M. J.C. Gaudin et les membres du groupe UMP.
Supprimer cet article.
M. Gérard Cornu. - Amendement de cohérence. Monsieur le ministre, au Sénat, veuillez croire que nous savons être sincères dans nos applaudissements, qui ne sont pas politiciens ni provocateurs, comme vous nous l'avez reproché. (Applaudissements à droite)
M. Philippe Kaltenbach, rapporteur. - Défavorable à cet amendement de suppression.
M. Manuel Valls, ministre. - Même avis.
À la demande du groupe UMP, l'amendement n°5 est mis aux voix par scrutin public.
M. le président. - Voici les résultats du scrutin :
Nombre de votants | 346 |
Nombre de suffrages exprimés | 345 |
Pour l'adoption | 168 |
Contre | 177 |
Le Sénat n'a pas adopté.
À la demande du groupe UMP, l'article 4 est mis aux voix par scrutin public.
M. le président. - Voici les résultats du scrutin :
Nombre de votants | 347 |
Nombre de suffrages exprimés | 346 |
Pour l'adoption | 177 |
Contre | 169 |
Le Sénat a adopté.
ARTICLES ADDITIONNELS
M. le président. - Amendement n°35 rectifié, présenté par MM. Maurey, Détraigne, Merceron, Guerriau, Deneux, Marseille et Capo-Canellas et Mme Férat.
Après l'article 4
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La présente loi s'applique à compter du premier renouvellement du Sénat suivant le 1er janvier 2017.
M. Hervé Maurey. - Si cet amendement était soutenu par la majorité sénatoriale et le Gouvernement, ce dont je ne doute pas, cela montrerait que ce texte est exempt de toute arrière-pensée politicienne. De plus, 2017 est la date prévue pour le projet de loi sur l'interdiction du cumul des mandats, ce serait cohérent.
M. le président. - Amendement identique n°56 rectifié, présenté par MM. de Montgolfier, Billard et Cornu.
M. Gérard Cornu. - On a beaucoup parlé de cohérence. Or nous avons adopté des mesures lourdes ce soir puisque 75 % des sénateurs seront...
Mme Jacqueline Gourault. - ... des femmes ?
M. Gérard Cornu. - ... élus à la proportionnelle. Mieux vaut repousser l'entrée en vigueur de ce texte à 2017, ce serait un acte de bonne foi.
M. Philippe Kaltenbach, rapporteur. - Rejet, (on feint de s'en étonner à droite) car le texte apporte de simples ajustements, un délai de plusieurs années ne se justifie pas. En outre, la modification intervient plus d'un an avant des élections sénatoriales, ce qui est conforme à la tradition et à l'usage républicain. Enfin, tous les textes modifiant le scrutin sénatorial se sont appliqués aux élections suivantes. Il n'y a pas lieu de faire une exception.
M. Manuel Valls, ministre. - J'ajoute que M. Poncelet et ses collègues avaient déposé leur texte le 22 mai 2003, pour une réforme devant prendre effet aux élections de septembre 2004, soit un délai plus court que celui que nous avons observé.
Quant au cumul des mandats, je serai ravi d'en discuter bientôt avec vous. (Sourires)
M. Jean-Jacques Hyest. - Pendant la session extraordinaire !
Les amendements identiques nos35 rectifié et 56 rectifié ne sont pas adoptés.
INTITULÉ DU PROJET DE LOI
M. le président. - Amendement n°19 rectifié, présenté par Mmes Cohen et Gonthier-Maurin.
Après les mots :
l'élection des
insérer les mots :
sénatrices et des
Mme Laurence Cohen. - Je me réjouis des déclarations en faveur de la parité. On m'objectera qu'il existe des règles de grammaire. Soit, mais la primauté du masculin sur le féminin s'est imposée sous l'impulsion d'un abbé qui, se piquant de grammaire, déclarait en 1675 « Quand les deux genres se rencontrent, il faut que le plus noble l'emporte ». Auparavant, la règle de proximité prévalait, en grec, en latin comme en ancien français, et l'on disait « Les hommes et les femmes sont belles » ou bien « les femmes et les hommes sont beaux ». Un peu d'histoire de la langue ne fait pas de mal à cette heure... (Applaudissements)
M. Philippe Kaltenbach, rapporteur. - La commission a émis un avis défavorable contre l'avis de son président et de son rapporteur.
M. Manuel Valls, ministre. - Sagesse !
M. le président. - Mot qui est du genre féminin, comme chacun sait. (Sourires)
M. Jean-Jacques Hyest. - Franchement, cet amendement ne change rien mais supposerait de réviser la Constitution à Versailles. Partout, on y lit, madame la rapporteure, « les députés » et « les sénateurs », et « le président de la République ». Franchement, faut-il aller à Versailles pour cela ? Sans doute, cet été, si nous nous ennuyons... Je ne m'opposerai pas à cet amendement mais tout de même !
M. Gérard Cornu. - Je le voterai même si je trouve dégradant que la modification se borne à modifier l'intitulé du projet de loi.
M. Yves Détraigne. - Je suis issu des juridictions financières. Des « conseillères-maîtresses » à la Cour des comptes ? Cela sonne ridicule. Revenons à la langue : il n'existe pas de neutre. Les mots sénateur et député ne désignent que des fonctions ; vouloir tout féminiser est un peu excessif.
Mme Catherine Troendle. - Nul besoin de féminiser mon titre de sénateur pour savoir que je suis une femme. J'ajoute que, lorsque paraît un rapport du sénateur Troendle, il est lu sans préjugé parce que, des préjugés contre les femmes, il y en a encore. Je revendique haut et fort le masculin de la fonction !
Après une épreuve à main levée déclarée douteuse, l'amendement n°19 rectifié, mis aux voix par assis et levé, n'est pas adopté.
Interventions sur l'ensemble
M. Christian Favier . - Le groupe CRC votera ce texte avec conviction. Faire progresser la proportionnelle au Sénat renforcera la démocratie, la parité et le pluralisme. Cependant, pour résoudre la crise politique, il faudra donner une tout autre ampleur à la rénovation de nos institutions politiques. Cela passera, entre autres, par l'extension de la proportionnelle à l'Assemblée nationale et par le renforcement du monde urbain dans le collège électoral du Sénat. En attendant, nous voterons ce texte a minima. (Applaudissements sur les bancs CRC)
M. Jean-Jacques Hyest . - Ce texte comporte deux éléments majeurs. Le premier est un délégué supplémentaire par tranche de 800 habitants dans les communes de plus de 30 000 habitants, ce qui bouleversera les choses dans les départements avec des grandes agglomérations. Nous aurions apprécié d'avoir une étude d'impact précise. Le deuxième est l'abaissement du seuil de la proportionnelle aux départements élisant trois sénateurs. Cela provoquera la multiplication des listes et nous avons entendu ce soir des sénateurs qui estiment ne pas avoir démérité et qui seront dans l'impossibilité d'être réélus.
La parité ? À quatre sièges, oui, mais à trois elle n'est pas vraiment assurée. Pour toutes ces raisons, nous voterons contre ce mauvais projet de loi. (Applaudissements sur les bancs UMP)
M. Jacques Mézard . - Cet intéressant débat nous a donné le temps de la réflexion - au-delà de ce qui a eu lieu, à l'arraché, sur la question de la suppléance - n'est-ce pas monsieur Hyest... Mais il ne faut pas se voiler la face. Sous l'excellente IIIe République et la non moins excellente IVe République, puis sous la Ve République que je ne qualifierai pas (sourires), chaque majorité a essayé de préserver ou de conforter son avance. Tout le reste est littérature et cette littérature est parfois fort mauvaise. En 2000, une majorité a réformé le scrutin sénatorial - M. Patriat en faisait partie.
M. François Patriat. - Je n'ai pas voté ce texte !
M. Jacques Mézard. - Mais vous apparteniez à la majorité... En 2004, la nouvelle majorité a considéré qu'il fallait remonter le seuil de la proportionnelle à quatre sièges. Cela ne lui a pas forcément réussi. En 2008, nous avons vu arriver un sénateur de la magnifique île de Saint-Martin et un autre de la non moins magnifique île de Saint-Barthélemy. Le but était toujours le même. Et récemment, on a vu un député des Français de l'étranger élu avec 13 % de votants. C'est la réalité de la République. Tant que les deux partis majoritaires ne se mettront pas d'accord pour ne pas modifier les scrutins, ils seront changés à chaque alternance.
M. Gérard Cornu. - Et le RDSE ?
M. Jacques Mézard. - Il assume. J'assume. Nous sommes là pour voter quand nous l'estimons juste.
Un texte a minima ? Je considère que c'est un texte maximum. Nous avons évité le pire, jusqu'à la proportionnelle dans les départements à deux sièges, monsieur Patriat. Proposition déraisonnable !
M. François Patriat. - Mais juste ! Je défends, comme vous, des principes.
M. Jacques Mézard. - Vous défendez vos intérêts. Chacun ici le fait. Ne faites pas de procès d'intention aux autres. La proportionnelle dans les départements à deux sièges, c'est la mort du pluralisme.
M. Hervé Maurey . - Je salue le courage de M. Patriat qui, avec gravité et solennité, a su trouver des mots justes.
M. Marc Daunis. - Quel hommage sincère !
M. Hervé Maurey. - Tout à fait. Le suspens était à son comble : qu'allait faire le RDSE ? En commission comme en discussion générale, le président Mézard avait été si sévère que nous l'avions applaudi. Mais le mystère n'est plus : le groupe RDSE votera pour. Dont acte. Mais je lui rappelle qu'en droit, nul ne peut se prévaloir des turpitudes d'autrui... Mais peut-être est-ce le progrès dans la parité, accompli avec notre amendement, qui l'a déterminé...
En ramenant le seuil de la proportionnelle à trois sièges, on va amoindrir la liberté des grands électeurs, renforcer le poids des appareils et transformer en profondeur le rôle de notre Haute assemblée. Renforcer la parité, le pluralisme ? Autant de trompe-l'oeil qui n'auront pas d'effet - nous le verrons en 2014. La réalité, c'est l'arrière-pensée électorale. Mais ce n'est pas ce tripatouillage... (Exclamations à droite) Le mot vous gêne ? Ce n'est pas ce tripatouillage qui canalisera la colère des élus qui vont, pour la première fois de leur histoire, subir des baisses de dotations...
M. Manuel Valls, ministre. - C'est faux !
M. Hervé Maurey. - ... quand vous aviez fait campagne contre leur gel ; elles ne sont pas dégelées, elles fondent... Sans parler de la réforme des rythmes scolaires que vous leur avez imposée. La colère des élus gronde. Vous le verrez en 2014 ! (Applaudissements au centre et à droite)
M. François Rebsamen. - Et vous, donc !
À la demande du groupe UMP, l'ensemble du projet de loi est mis aux voix par scrutin public.
M. le président. - Voici les résultats du scrutin :
Nombre de votants | 346 |
Nombre de suffrages exprimés | 345 |
Pour l'adoption | 175 |
Contre | 170 |
Le Sénat a adopté.