Débat sur l'immigration étudiante et professionnelle

M. le président.  - L'ordre du jour appelle un débat sur l'immigration étudiante et professionnelle.

M. Manuel Valls, ministre de l'intérieur .  - L'immigration, part constitutive de notre nation, de son histoire, de son présent et surtout de son avenir, doit intéresser au premier chef la représentation nationale. Telle est la raison de notre débat. Les phénomènes migratoires s'accélèrent à l'échelle de la planète mais il s'agit ici de débattre de l'immigration que nous voulons pour répondre aux besoins de notre économie et renforcer le rayonnement de notre pays dans le monde.

La France est belle de ses paysages, de la diversité de ses reliefs, de la variété de ses plaines, du contraste de ses littoraux, mais elle est belle aussi de ses mille visages. Plurielle, cette France n'en a pas moins un seul idéal, la République. Sa langue, sa culture sont les garanties non négociables de notre unité.

Le monde globalisé a réduit les distances et la France doit être sûre d'elle-même et de ses atouts. Elle s'est en partie construite et renforcée au fur et à mesure des vagues d'immigration venue d'abord d'Europe, puis d'Afrique et d'Asie ; 19 % des Français sont immigrés ou fils d'immigrés. La France a été un grand pays d'immigration, elle ne peut le demeurer que dans un cadre réfléchi, organisé et régulé. Loin des clichés, des raccourcis et des outrances, nous devons aborder ce défi dans un esprit de responsabilité et d'apaisement.

Pour être acceptée, l'immigration doit être maîtrisée, contrôlée. Nous savons que les inquiétudes, les peurs, les pulsions existent, les sondages en témoignent. Comment être faible quand des filières exploitent la misère humaine ? Quand des marchands de sommeil profitent de la détresse de ceux qui n'ont rien ? Il faut être ferme quand un étranger sans titre se maintient sciemment et illégalement sur notre territoire. (M. André Reichardt approuve)

Comment bâtir une société si nous confondons maîtrise des flux migratoires et stigmatisation inacceptable ? Depuis onze mois, une nouvelle politique de l'immigration est menée, que je ne laisserai pas caricaturer. Nous agissons avec pragmatisme, avec humanité mais sans naïveté, avec fermeté mais sans arbitraire. La circulaire Guéant sur les étudiants étrangers a été abrogée. Nous avons défini des critères de régularisation exigeants, clairs et uniformément appliqués. Nous avons mis un terme, sauf circonstance exceptionnelle -je pense à Mayotte-, à la rétention des familles avec enfants et mis fin au délit de solidarité. Nous avons créé une retenue de 16 heures pour permettre aux services de police et aux préfectures de vérifier dans de bonnes conditions le droit au séjour ; dans quelques semaines, nous vous proposerons de généraliser le titre de séjour pluriannuel.

Aujourd'hui, nous débattons de l'immigration étudiante et professionnelle. Il faut dire que nous parlons plus souvent d'immigration que de flux migratoires et confondons souvent plusieurs réalités. Jamais nous n'acceptons de regarder sereinement les flux migratoires et de nous demander quelle politique est la mieux adaptée, quels étrangers nous pouvons et devons accueillir, ce que souhaite la représentation nationale. Je vous propose de nous poser collectivement ces questions.

Une formule résume la politique menée ces dernières années : empressement dans les réformes et emportement dans les discours ; la vérité est que les flux migratoires n'ont pas changé... A l'immigration familiale subie, il fallait substituer une immigration triée sur le volet -tellement triée que la carte « compétences et talents » n'est délivrée qu'à 300 personnes par an...

M. Jean-Pierre Sueur.  - Beau succès !

M. Manuel Valls, ministre.  - Ce n'est pas une politique.

M. Jean-Pierre Sueur.  - C'est une antipolitique !

M. Manuel Valls, ministre.  - L'urgence, ensuite, comme on ne pouvait réduire l'immigration familiale sinon en contrevenant à la Convention européenne des droits de l'homme, a été de faire fuir les étudiants étrangers diplômés qui voulaient travailler dans nos entreprises. On nous a expliqué qu'il y avait trop de naturalisés, puis trop d'immigrés ; qu'il fallait diviser par deux les flux migratoires. La mobilité étudiante en a été drastiquement diminuée. Est-ce bien ce que nous voulons ? De telles approximations ne font pas une bonne politique.

J'ai demande au Secrétariat général à l'immigration et à l'intégration de préparer ce débat et je vous ai soumis son rapport rédigé après concertation avec les différents acteurs concernés. C'est ainsi que nous pourrons ensemble définir des priorités d'action et regarder la réalité les yeux ouverts.

Quels sont les flux ? Un peu plus de la moitié -100 000 personnes- obéissent à une logique de droit : mariage, asile politique, maladie... Ce flux n'est pas subi mais reflète nos valeurs et ce que nous sommes, un État de droit.

Nous devons lutter contre la fraude, qui existe. Les préfectures renouvellent bien souvent les titres de séjour sans exercer de contrôle. Demain, le titre de séjour pluriannuel permettra de passer d'une logique de suspicion à une logique d'intégration, d'une logique de guichet à une logique de contrôle.

Le droit d'asile est un droit fondamental, qui doit être protégé. Mais les procédures sont complexes et peuvent conduire à des détournements. Nous devons raccourcir les délais, dans l'intérêt des demandeurs d'asile mais aussi dans celui de notre pays, pour permettre l'éloignement de ceux à qui l'asile a été refusé.

Nous devons aussi mieux accueillir ceux qui ont vocation à rester en France - ce sera l'objet du titre pluriannuel. Le contrat d'accueil et d'intégration doit être revisité ; la formation dispensée à ses signataires n'est pas à la hauteur de la République, non plus que des besoins des intéressés. Nous devons faire vivre les droits et les devoirs chers à Jean-Pierre Chevènement...

L'immigration de travail est très réduite depuis 1974 : 20 000 cartes par an, très loin des chiffres fantasmés que certains -et certaine- mettent en avant. Si le dispositif est très encadré, notre droit est devenu bien bavard : on compte quinze titres de séjour différents pour un étranger désirant travailler. La règle d'opposabilité de l'emploi, assortie d'exceptions multiples, est devenue illisible. Il existe une liste des métiers dits « en tension », qui date de 2008, sur le fondement d'une nomenclature de 2003... Plus personne ne s'y retrouve. A cette complexité inutile, je veux opposer des principes simples.

Les talents de certains étrangers constituent une véritable opportunité pour la France. De nombreux pays modifient leur législation pour attirer les meilleurs chercheurs et créateurs. Nous risquons d'être dépassés. C'est pourquoi il faut que nos règles soient plus lisibles et plus stables. Le droit au séjour reposera sur le titre pluriannuel, les conditions d'accueil seront adaptées ; les étrangers concernés pourront bénéficier d'un accès privilégié à un visa de circulation après l'expiration de leur titre de séjour. Pour favoriser l'accueil des talents étrangers, la France doit changer de discours.

Le second principe, c'est que nous devons protéger notre marché de l'emploi. Il faut d'abord penser à la formation des chômeurs. Mais il peut exister des besoins particuliers dans certaines régions. Mes services travaillent avec ceux de M. Sapin et les partenaires sociaux pour déceler ces besoins -sans méconnaître les obstacles techniques.

Le nombre d'étudiants dans le monde a doublé en quinze ans et il doublera encore d'ici 2020. Les accueillir n'est pas un acte de générosité mais un levier stratégique, un acte de réalisme pour assurer à la France, d'ici vingt ou trente ans, une place centrale dans la circulation des savoirs et de la recherche. 41 % des doctorants sont de nationalité étrangère, mais nous perdons du terrain ; l'Allemagne nous dépasse. Pour tenir notre rang, il faut une approche quantitative mais aussi et surtout qualitative.

Il faut repenser le dispositif de sélection, tenir un discours clair : on vient en France pour réussir -un redoublement par cycle est suffisant. Parce que nous voulons attirer les meilleurs, il faut mieux les accueillir, limiter les démarches inutiles, améliorer les bourses, accompagner aussi les universités. Faire contribuer les étudiants étrangers ? Il faudra en débattre. Nous devons clarifier dans la loi quels étudiants peuvent changer de statut sans que puisse leur être opposée la situation de l'emploi.

La fermeté, ce n'est pas la fermeture. Notre droit doit savoir distinguer. Il faut maîtriser les flux migratoires mais être une destination de choix dans la mobilité de l'excellence. (Applaudissements à gauche)

Mme Geneviève Fioraso, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche .  - Il y a un an, le Gouvernement a abrogé la circulaire Guéant, texte de fermeture et de repli, de rupture avec la tradition d'accueil de notre pays. Avec cette circulaire, nous nous sommes coupés des étudiants étrangers. C'en est fini, mais nous devons aller plus loin pour attirer les talents, les étudiants et les chercheurs de demain. C'est un enjeu stratégique.

Les pays émergents fondent leur développement sur l'élévation du niveau de qualification et la recherche. Voyez la situation en Corée du sud, qui consacre 4,3 % de son PIB à la recherche et développement quand la France n'y consacre que 2,2 %. Elle est le huitième pays d'accueil pour les étudiants coréens, qui s'inscrivent surtout dans des filières artistiques ou littéraires parce que la France n'est pas perçue comme une puissance scientifique et qu'aucun cours n'est dispensé en anglais. L'Inde envoie aussi très peu d'étudiants en France, alors que la mondialisation est en marche. Les pays d'accueil s'organisent, développent des stratégies d'accueil, les grands pays anglophones prennent des positions offensives efficaces.

La France ne doit pas rester à l'écart de cette évolution. Chaque année, 290 000 étudiants étrangers étudient dans notre pays. Nous pouvons nous honorer de notre rayonnement international mais nous avons perdu du terrain, passant de la troisième à la cinquième place mondiale pour l'attractivité de l'enseignement supérieur. Les meilleurs étudiants sont en science et ils ne viennent pas chez nous. Tout a été mis en place pour les décourager. Il a fallu inverser la tendance.

Le Gouvernement considère que les étudiants et les chercheurs étrangers sont une richesse et une opportunité, pas un problème. Ils sont les cadres de demain, où que se déroule leur parcours professionnel. Les mobilités créent des partenariats utiles au développement de nos échanges extérieurs, qui en ont bien besoin. Nous devons nous tourner vers les pays émergents, mais aussi vers l'Afrique, où la Chine est très présente. Il faut intensifier nos partenariats avec les universités étrangères, améliorer les conditions d'accueil et de séjour, sécuriser la première expérience professionnelle. La France doit savoir aussi envoyer ses étudiants en Asie, en Afrique, au Maghreb.

Nous devons aussi améliorer la lisibilité de notre enseignement supérieur. Personne ne s'y retrouve parmi les plus de 3 700 intitulés de licences... Imaginez ce qu'il en est vu de Séoul ou de Tokyo ! La carte des formations sera simplifiée. Il faudra aussi améliorer l'enseignement en langue étrangère, la situation actuelle fait obstacle à la venue d'étudiants des BRICS. Nous élargirons ainsi le socle de la culture francophone en accueillant des étudiants qui vont aujourd'hui le plus souvent dans les pays anglophones.

Nous devons aussi simplifier la chaîne d'accueil, aujourd'hui un véritable parcours du combattant ! Nous allons encourager la dématérialisation et la simplification des procédures d'inscription et de délivrance des visas.

Campus France doit faire la promotion de l'enseignement en France. Nous devons attribuer des titres de séjours valables pour toute la scolarité ; le renouvellement annuel de la carte angoisse les étudiants. Songeons que le brillant assistant ukrainien de Serge Haroche, prix Nobel de physique, est contraint en famille de faire une queue interminable devant la préfecture pour voir renouvelé son titre de séjour ! Je remercie M. Valls d'avoir annoncé la carte de séjour pluriannuel, qui doit devenir la règle.

Un guichet unique sera créé pour que les étudiants et chercheurs puissent y accomplir toutes leurs démarches. Enfin, 40 000 logements étudiants seront bâtis d'ici 2017 ; une part des 13 000 premiers logements sera affectée aux étudiants étrangers.

Le renforcement de notre compétitivité passe par une ouverture du marché du travail à ces étudiants. Un allongement d'un an de l'autorisation provisoire de séjour permettrait d'améliorer la situation.

M. Jean-Pierre Sueur.  - C'est bien !

Mme Geneviève Fioraso, ministre.  - Les étudiants étrangers sont une chance extraordinaire pour notre pays. Je salue l'action menée par Jean-Pierre Chevènement, en son temps. Nous voulons une France tournée vers le progrès, parce qu'une France qui s'ouvre, c'est une France qui se renforce. (Applaudissements à gauche)

Mme Bariza Khiari, pour le groupe socialiste .  - Le président de la République s'était engagé à ce que la question de l'immigration fasse l'objet d'un débat annuel. Ce débat est déconnecté de l'actualité, c'est une bonne chose ; il sera apaisé et, pourquoi pas, consensuel, fondé sur des données partagées. Votre rapport, monsieur le ministre, est un premier pas vers l'apaisement. Nos débats pourront ainsi échapper aux figures imposées et souvent périlleuses.

Nous ne sommes pas friands, dans cette enceinte, de polémiques ou de caricatures. En 2007, la droite républicaine s'était opposée ici à l'introduction des tests ADN dans la procédure de regroupement familial ; en 2009, ma proposition de loi supprimant la condition de nationalité dans certaines professions réglementées a été votée à l'unanimité. Et l'abrogation de la circulaire Guéant n'a pas fait tant de vagues... Il y a un an, les étudiants étrangers avaient alerté sur le mauvais sort qui leur était fait par ce texte aberrant. L'attractivité de la France avait été sacrifiée sur l'autel de la politique du chiffre. Tout cela a laissé des traces, le rayonnement de la France a été écorné. Ce débat ne vise pas à dire s'il faut réduire ou augmenter l'immigration professionnelle mais à éclairer les Français sur ce qu'est l'immigration étudiante.

Le rapport souligne que l'immigration professionnelle est en recul en France depuis 2008. C'est qu'elle est souvent l'aboutissement d'un parcours commencé par des études en France... Elle s'inscrit dans une stratégie de mobilité internationale et s'élève à moins de 105 000 personnes en 2012. La France n'est plus un pays à forte immigration alors que la mobilité va être multipliée par deux d'ici 2020. Le monde se dispute les étudiants, tous les pays font des efforts pour les attirer... Le nombre d'étudiants étrangers est un indicateur d'attractivité.

Si les étudiants étrangers estiment que notre système d'enseignement est excellent, ils critiquent les conditions administratives de leur séjour. L'indignité de leur traitement a tenu lieu de politique de fermeté. Vous venez d'annoncer, monsieur le ministre, la création d'un titre de séjour pluriannuel. Ce sera un progrès considérable. Il est indispensable de mettre fin aux fils d'attentes interminables à l'extérieur des préfectures. Est-il admissible, dans notre République, que des personnes soient obligées d'attendre des jours et des nuits pour un simple renouvellement de document ?

Envisagez-vous de généraliser le caractère pluriannuel du titre d'étudiant à d'autres titres ? La dématérialisation des formalités administratives et la prise de rendez-vous par internet ? Il reste encore onze titres de séjour différents. Ne serait-il pas temps de simplifier tout cela pour parvenir à trois ou quatre catégories ?

En matière d'immigration, la sincérité des chiffres permettra de mettre fin aux inquiétudes de nos compatriotes. Le rapport sur l'immigration devrait également donner les chiffres de sortie. Il faut moderniser notre dispositif statistique, monsieur le ministre.

L'autorisation de travail est une procédure lourde et complexe, qui dissuade les entreprises de recruter des étrangers. Les listes de métiers en tension pourraient être un outil pertinent, mais cette liste est plurielle et peu lisible. Le tableau 14 occupe quatre pages du rapport, avec 100 métiers qui peuvent donner lieu à titre de travail en fonction de la nationalité des postulants... Or, il faut à la fois considérer les besoins des entreprises et protéger le marché du travail en évitant le dumping social. Les outils actuels, lourds et complexes, n'incitent-ils pas les entreprises à contourner la loi ?

Ne faut-il pas envisager un titre intégrant une prolongation d'un an après le diplôme pour permettre à l'ancien étudiant de faire une première expérience professionnelle ? Aujourd'hui, 75 % des diplômés qui demandent un changement de statut l'obtiennent.

En 2008, le Sénat avait approuvé la suppression de la condition de nationalité pour diverses professions.

Les emplois de la fonction publique restent inaccessibles, sauf pour les enseignants chercheurs de l'enseignement supérieur ; pourquoi pas pour les enseignants du secondaire, si le besoin s'en fait sentir ?

Un mot sur l'immigration familiale, qualifiée de « subie » mais à qui nous confions le soin de s'occuper de nos enfants et de nos vieux... Une étude récente a montré que le travail des femmes immigrées avait un effet positif sur le PIB. Pourquoi les services à la personne sont-ils absents des listes des métiers sous tension alors que les besoins vont croissants, eu égard à une natalité qui ne faiblit pas, à l'allongement de l'espérance de vie et au fractionnement des cellules familiales ? Que l'on ne vienne pas nous dire que l'on subit ces travailleurs ! A nous de faire augmenter le taux d'activité des femmes venues dans le cadre de l'immigration familiale, en leur ouvrant des formations.

Instrumentalisée, l'immigration, réalité ancienne, aspire à la dignité. Le prochain projet de loi devra s'attaquer à ce mal récurrent, l'extrême sensibilité à l'égard de l'autre. J'espère qu'ensemble, nous pourrons démentir ce mot de Kundera selon lequel « l'immigré reste et restera le grand souffrant ». (Applaudissements à gauche)

M. Jean-Pierre Chevènement .  - Voilà de très bonnes orientations, conformes à celles qu'a fixées le président de la République et cohérentes avec le pacte pour la compétitivité qui fait suite au rapport Gallois. Voilà qui est conforme à la meilleure tradition française, et je tiens à en féliciter l'un et l'autre ministres. L'excellent rapport qui nous a été transmis en finit avec l'ère des approximations.

Une grande part de l'immigration est régie par des règles qui s'imposent à la France. Le solde, 110 000 personnes, est inférieur à celui des autres grands pays occidentaux. Le niveau de qualification est moindre et l'immigration de travail, inférieure à 20 000, est particulièrement faible.

Il faut accroître l'attractivité universitaire de la France qui, au cinquième rang mondial, est passée derrière l'Allemagne -on aurait pu s'attendre à pire après le quinquennat Sarkozy... Nos performances, dues à la qualité de notre système universitaire, sont le résultat de l'action de trois ministres des années 1998-1999, quand M. Guéant n'était pas à la manoeuvre.

Mais s'il y a 10 % d'étudiants chinois, on compte peu d'étudiants des autres grandes puissances émergentes. L'anglais comme langue d'enseignement, madame la ministre, ne sera pas, cependant, le meilleur moyen d'améliorer l'attractivité de la France. (M. Jacques Legendre approuve)

Pourquoi si peu d'étudiants russes en France quand il y en a quatre fois plus en Allemagne ? Que font les services de Campus France ? (Mme Dominique Gillot renchérit) Et les bureaux parisiens ? Une présélection serait bienvenue, pour répondre à la demande et à nos besoins. La Russie souhaite envoyer ses étudiants dans nos écoles d'ingénieurs. Si la réglementation interdit des quotas par écoles, changeons-là !

Les mesures annoncées sont bienvenues -visa permanent pour les doctorants étrangers, guichet unique, accueil personnalisé, pourquoi pas des emplois-jeunes ? Je suis contre la modulation des droits d'inscription, car il faut renverser la vapeur.

J'en viens à l'immigration professionnelle. La France comptant plus de 3 millions de chômeurs, on ne saurait supprimer le système d'autorisation (M. André Reichardt approuve), mais on peut l'alléger, accorder des dérogations, notamment pour les chercheurs et les artistes. Sur l'immigration de travail, les préfectures ont été sensibilisées... dans le mauvais sens. Je dis oui à une politique de l'immigration ferme et humaine, avec de nouveaux outils pour l'immigration qualifiée.

L'immigration professionnelle et étudiante, loin d'être un danger, est un atout pour notre pays et le redressement de son commerce extérieur. Nous vous faisons confiance pour aller de l'avant, audacieusement, au service de la France. (Applaudissements à gauche)

Mme Esther Benbassa .  - Je centrerai mon intervention sur l'immigration étudiante, la moitié de l'immigration légale annuelle. J'attends la réalisation des promesses annoncées, alors que la France prend un retard croissant dans tous les domaines. Entre 2005 et 2011, le nombre d'étudiants étrangers admis au séjour a augmenté de 40 %. L'année 2012 a été, en revanche, marquée par un reflux. En 2011, 81,4 % des étudiants étaient extracommunautaires, dont 41 % étaient inscrits en doctorat, ce qui témoigne du dynamisme persistant de la recherche française mais est aussi liée au coût très bas des frais de scolarité : quelques centaines d'euros, à comparer avec les 45 000 dollars demandés à Harvard. (M. André Reichardt approuve)

Les trois quarts des étudiants sont inscrits à l'université, les écoles de commerce et d'ingénieurs ne viennent qu'ensuite. Les liens historiques persistent avec nos anciennes colonies : la majorité des étudiants étrangers viennent d'Afrique ; nous parvenons plus difficilement à attirer des ressortissants de pays émergents, même si nous avons 10,3 % de Chinois. La proportion est féminine à 52,9 %, hormis pour l'Afrique où elle n'est que de 42,8 %.

Qui dit immigration dit aussi fuite des cerveaux, si elle se transforme en immigration durable. On ne peut en faire fi. Reste que la France doit devenir une destination de premier choix pour l'enseignement de haute qualité, y compris en ouvrant des antennes à l'étranger. Chaque établissement doit définir ses orientations internationales et être appuyé par Campus France.

Il faut améliorer les conditions d'accueil. Le titre de séjour pluriannuel et le titre permanent pour les doctorants y pourvoiront. Il serait bon, aussi, d'améliorer l'orientation. Il n'est pas normal qu'un étudiant recalé à Harvard soit accueilli à la Sorbonne, où j'enseigne.

M. André Reichardt.  - Eh oui !

Mme Esther Benbassa.  - Et il faut s'intéresser aux bourses, comme le font les États-Unis.

M. Jacques Legendre.  -  Très bien !

Mme Esther Benbassa.  - L'anglais est devenu langue dominante dans le monde : nos universités, M. Chevènement ne me suivra pas, devraient en tenir compte. Les Roumains ont accepté que leur université de Cluj enseigne en anglais, si bien que celle-ci attire un grand nombre d'étudiants du monde en médecine et en dentisterie.

Enfin, il est urgent d'élaborer une législation claire relativement au passage du statut d'étudiant à celui de salariés. Les pays émergents ont besoin de talents, de courages. L'immigration étudiante peut leur en fournir. A nous de les y aider. (Applaudissements à gauche)

M. André Reichardt .  - Ce débat est l'occasion pour le groupe UMP d'imposer avec clarté et sincérité ses positions, loin des polémiques exacerbées. L'immigration est une constante, expression tantôt de liberté, tantôt de réaction à la misère. Notre époque n'échappe pas à cette dualité. Quelle réponse apporter, à cette aune, au phénomène ?

L'immigration d'aujourd'hui sera la richesse de demain. C'est dans cet esprit que nous abordons les choses. Former les forces vives d'autres nations participe au rayonnement de notre pays, via le soft power -puisque l'anglais n'est pas tabou pour certains.

L'immigration étudiante reste stationnaire. Notre formation politique ne lui est pas hostile, au contraire. Elle est favorable aux projets d'étude construits. Il est normal de distinguer entre titres de séjour étudiants et professionnels. Nous souhaiterions en savoir plus sur le titre pluriannuel à venir, monsieur le ministre. En revanche, nous sommes réservés sur le visa permanent pour les doctorants, d'autant qu'on a vu des diplômes de complaisance délivrés par le passé. Les frais de scolarité sont très bas dans nos universités, il faudra en tenir compte, d'autant que chez nos voisins, les coûts sont bien plus élevés.

L'immigration de travail, qui représente 25 000 personnes par an, doit s'intégrer à une politique migratoire clairement définie : il faut prendre en compte les 75 % de migrants familiaux, qui ont aussi accès au marché du travail. Il ne s'agit pas de faire peur mais d'alerter. La France est déjà très accueillante, en particulier pour les emplois à faible valeur ajouté, alors que le chômage explose. Nous attendons, monsieur le ministre, des éclaircissements sur vos orientations.

Certes, l'immigration de travail vient combler des manques mais n'est-elle pas précisément le symptôme d'une inadaptation de nos demandeurs d'emplois et d'un manque de compétitivité de nos entreprises ? Et, partant, une étape sur le chemin de la délocalisation ? Sans l'inflation des diplômes, la tertiarisation excessive de nos étudiants, peut-être en irait-il autrement. La question est structurelle et doit nous alerter sur nos politiques de l'emploi.

Nous ne sommes pas pour l'immigration zéro mais pour une immigration maîtrisée. C'est dans cet esprit que nous avons agi durant la précédente législature, loin des caricatures qui en ont été faites et des idéologies nauséabondes que nous récusons bien évidemment. La loi du 16 juin 2011, ni injuste ni laxiste, fut accommodante avec les immigrés qui le méritaient et facilitait le travail de la justice. Les jeunes majeurs étrangers confiés à l'aide sociale à l'enfance ont eu droit à une carte de travail temporaire l'année suivant leurs 18 ans. On est loin d'une politique du tout répressif. Si bien que je comprends mal l'indignation peu maîtrisée de certains. Les exigences liées à la langue et au respect des principes de la République étaient, sans doute, insuffisants. Les dispositions relatives à la rétention et à la compétence des juges ont été injustement critiquées.

La France a été le premier État à avoir mis en oeuvre la directive dite « carte bleue européenne » pour les travailleurs hautement qualifiés. Une carte de séjour temporaire de trois ans leur a été octroyée, étendue à leur conjoint. La circulaire Guéant, vilipendée ? (« Oui » à gauche) Nous ne la renions pas. (Marques d'indignation sur les mêmes bancs) Ce n'est pas un mauvais sentimentalisme qui a conduit notre action. Nous continuerons à militer pour une politique rigoureuse, qui seule fera de l'immigration étudiante et professionnelle une richesse pour notre pays. (Applaudissements à droite et au centre)

Mme Dominique Gillot .  - On connaît les enjeux attachés à la formation des élites dans la mondialisation, qui a fait entrer la logique de la concurrence entre les universités. Pour exister, elles doivent attirer les meilleurs étudiants et les meilleurs chercheurs. Cela contribue au soft power des États. La France s'est située dans cette tradition et a bénéficié de l'apport de brillants étrangers. Le gouvernement Jospin a été novateur. Les gouvernements alternés ont poursuivi, jusqu'à la création d'un opérateur unique, Campus France, dont l'efficacité reste à construire.

Las, une politique brutale a eu des effets désastreux. En dépit de l'augmentation du nombre d'étudiants accueillis, nous sommes relégués au cinquième rang, derrière l'Australie et l'Allemagne. On semble considérer l'étudiant étranger comme un clandestin potentiel. La circulaire Guéant a été désastreuse pour l'image de la France. Vous l'avez abrogée sans tarder, rétablissant l'image de notre pays auprès des étudiants et chercheurs du monde, qui sont les meilleurs ambassadeurs de notre pays, après leur séjour en France.

Trop d'obstacles cependant, demeurent. Des processus administratifs kafkaïens, des exigences vexatoires font, à l'heure d'internet, un mal considérable. Il faut améliorer les dispositifs d'accueil dans le pays d'origine. Je me réjouis de l'annonce d'un titre pluriannuel. Le sérieux des études devra être vérifié chaque année. Cela simplifiera la vie des étudiants et le travail des préfectures. Le guichet unique va également dans le bons sens. Je propose, dans ma proposition de loi...

M. Ronan Kerdraon.  - Excellente proposition de loi !

Mme Dominique Gillot.  - ...un titre de séjour pluriannuel pour la durée des études et je me réjouis que Mme Fioraso ait soutenu cette idée, comme celle de faciliter la circulation dans tout l'espace Schengen. Il faut aussi assouplir l'accès à l'emploi car seule une expérience professionnelle permettra aux étrangers, à leur retour, de déployer leur savoir-faire dans leurs pays. Et l'on est aussi en droit de vouloir garder certains des talents que l'on a formés.

Il ne suffit pas, pour faire une bonne politique, de simplifier les démarches administratives. Une vraie politique doit se déployer en trois axes. Vers les pays en développement, il faut définir des cibles ou des publics prioritaires, et envisager une modulation des droits d'inscription en fonction des conditions locales. Il n'est pas logique de demander les mêmes droits à un Togolais qu'à un Chinois. Au-delà, il faudra accompagner nos établissements pour qu'ils implantent des campus dématérialisés à l'étranger. Enfin, il faut favoriser l'accueil des étudiants de troisième cycle.

M. le président.  - Il faut conclure.

Mme Dominique Gillot.  - L'immigration étudiante et professionnelle est une chance pour notre pays, un investissement d'avenir durable. (Applaudissements à gauche)

Mme Cécile Cukierman .  - L'immigration est un sujet sensible s'il en est et il est bon que le Parlement en débatte. On se souvient des mesures iniques prises par le précédent gouvernement. Peut-être serait-il temps de revoir le Ceseda en profondeur, tant la droite a durci notre législation en ce domaine.

Les immigrés participent à l'économie de notre pays. Je m'associe à ceux qui demandent la régularisation des sans-papiers selon des critères justes. La France, à en croire les rapports, n'est plus un pays de forte immigration. Il y a donc un décalage entre le discours sur un prétendu « trop d'immigration » et les données chiffrées. Cependant, on ne perçoit guère le changement qu'a apporté l'arrivée de la gauche. L'immobilisme du Gouvernement est un renoncement à poser les bases d'une réforme en profondeur.

Voyager et changer librement de pays est un privilège des riches, dans notre monde ouvert... Il n'en va pas de même pour l'immigration qui, en France, reste liée à notre histoire, et loin des proportions constatées en Allemagne avec l'immigration venue des anciennes Union soviétique et Yougoslavie.

Le savoir est la propriété de l'humanité. L'échange le forge. L'immigration est donc une chance fantastique pour le pays d'accueil. Les jeunes vont où ils ont les meilleures chances de réussir, vers les sociétés les plus fluides, les plus ouvertes à l'avenir, pas vers celles qui se referment sur leur passé.

Or nous assistons à une privatisation des savoirs, accompagnée d'une restriction au séjour. Les étudiants, via les centres d'études en France, sont de plus en plus drastiquement sélectionnés, sur un critère financier. Comment peuvent-ils vivre avec 620 euros par mois sans se jeter dans la gueule du patronat ? Le processus de Bologne est aussi une harmonisation des exigences patronales en Europe. Il est temps de remettre le savoir au coeur de la solidarité.

Un grand nombre de migrants vivent en Europe mais avec des visas touristiques. Il faut s'interroger sur le nombre de redoublements possibles. La France dispose de nombreux atouts et nous ne devons pas y revenir. Une politique de simplification administrative s'impose pour faciliter la vie des étudiants étrangers. (Applaudissements à gauche)

M. Vincent Capo-Canellas .  - Le Gouvernement souhaitait organiser ce débat, qui a lieu en premier devant le Sénat. C'est une bonne chose.

La venue des étudiants étrangers est voulue par tous ; encore faut-il en définir les modalités. Pour l'immigration professionnelle, les besoins des entreprises existent et nous devons en tenir compte. Vous voulez dépassionner le débat, monsieur le ministre, et c'est heureux pour aborder de telles questions. Évitons les approches idéologiques qui voudraient, les unes, accueillir tous les étrangers, les autres, fermer les frontières ; nous sommes pour une approche réaliste.

La lutte contre l'immigration illégale est indispensable. Nous ne pouvons accepter non plus la ghettoïsation de certaines communautés. Comme le disait M. Rocard, notre pays ne peut pas accueillir toute la misère du monde même s'il doit y prendre toute sa part. Depuis votre arrivée place Beauvau, vous menez une politique réaliste. Vous faites preuve de fermeté et nous vous approuvons. En Seine-Saint-Denis, nous sommes montés jusqu'à une centaine de camps de Roms, certes pauvres mais où prospèrent les trafics en tout genre. Votre approche réaliste se traduit par le refus de régularisations massives, comme ce fut le cas en 1981. Les régularisations sont restées des exceptions.

La nécessaire maîtrise des flux migratoires ne peut se faire au détriment des étudiants étrangers ni des besoins des entreprises. La protection du marché du travail impose de garder en l'état la législation en vigueur. Peut-être faut-il simplifier les procédures complexes qui dissuadent les employeurs de recruter. Vous proposez de promouvoir une politique d'attractivité pour attirer les travailleurs les plus qualifiés, nécessaires à notre économie. Attention de ne pas ouvrir les vannes ! Sans doute faudrait-il revisiter la liste des métiers en tension.

L'immigration étudiante fait consensus. Les pays émergents forment de plus en plus leurs jeunes et nous devons recruter des étudiants en maîtrise ou en doctorat, tout en évitant la fuite des cerveaux de ces pays. La France occupe une place honorable, même si elle a perdu du terrain ces dernières années. L'accueil de ces étudiants participe au rayonnement de la France.

Vous proposez un titre de séjour pluriannuel et c'est une bonne chose. L'administration devra pourtant continuer à surveiller les flux migratoires. Vous le voyez, nous sommes réalistes en ce domaine. (Applaudissements au centre et à droite)

M. Jean-Yves Leconte .  - Débattre de manière apaisée de l'immigration, c'est essentiel, comme l'avait dit le président de la République. Nous devons accueillir des jeunes étudiants, qui seront les ambassadeurs de notre pays pour la vie. De même faut-il recevoir les immigrants professionnels dont notre économie a besoin.

La France accueille de nombreux étudiants étrangers, mais elle a perdu de son attractivité. La circulaire Guéant a eu des effets désastreux qu'il sera difficile d'effacer. Les demandes administratives devront être simplifiées, mais la réputation de notre enseignement supérieur ne peut être déconnectée de la réalité économique.

Et puis il faut parler de Campus France et de ses dysfonctionnements. La procédure suivie est lente, compliquée et coûteuse. Campus France émet un avis sur le dossier des étudiants et les consulats émettent, ou non, des visas. Tout ceci est incompréhensible.

M. Jean-Pierre Chevènement.  - Très bien !

M. Jean-Yves Leconte.  - Voyez les chiffres au Mali ou en Russie. Les étudiants finiront par aller chercher ailleurs une formation qualifiante. Plutôt que d'être l'antichambre des consulats, Campus France devrait être placé sous l'égide des universités de l'enseignement européen. Profitons de notre réseau à l'étranger pour proposer des mises à niveau dans notre langue aux aspirants étudiants.

Le prochain boom démographique est en Afrique. C'est notre devoir que d'accompagner ce continent en l'aidant à s'accrocher au train de la croissance.

La généralisation des titres de séjour pluriannuels est une excellente nouvelle. Nous simplifions ainsi la vie des étudiants en France et allégeons les tâches des préfectures.

L'accès au marché du travail est le commencement des études. L'APS passera de six mois à un an. Les anciens étudiants doivent pouvoir avoir accès à un CDI. Enfin, la suppression de la mention de retour au pays d'origine est une nécessité. Au nom de quoi les obliger à rentrer chez eux ? La question de frais de scolarité est posée. La France doit offrir la qualité maximale sans que cela soit supporté par les contribuables français, mais il est difficile de prévoir des tarifs différenciés en fonction des nationalités, hors ressortissants européens.

Notre marché du travail n'est pas indépendant de celui des autres pays européens. Faisons en sorte que notre droit du travail ne soit pas contourné.

Posons-nous la question du montant de la taxe pesant sur les immigrants. Pourquoi taxer l'employeur qui emploie un étranger alors que c'est cet emploi qui permettra de dynamiser notre société ? (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Ronan Kerdraon .  - J'ai eu beaucoup de plaisir à entendre les propos du ministre, qui tranchent avec ceux du gouvernement antérieur. Depuis la fin des années 90, le nombre d'étudiants étrangers a considérablement augmenté : aujourd'hui, un étudiant sur dix est étranger. La France est perçue comme un pays ayant un rôle culturel et intellectuel primordial.

Hors dans quelques établissements qui les accompagnent, les étudiants qui débarquent sont seuls, c'est un choc de cultures. Livrés à eux-mêmes, ils doivent comprendre notre système universitaire compliqué, trouver un logement, ouvrir un compte bancaire... Si bien que 80 % des étudiants étrangers souffrent de difficultés financières. Ils se plaignent des mauvaises conditions d'accueil dans les universités françaises. Les informations sont données au compte-gouttes et sont trop parcellaires. Les préfectures de police et les organismes de logement donnent aussi trop peu d'informations. De nombreux rapports ont été publiés sur le sujet. Au Gouvernement d'agir, maintenant, en créant un guichet unique.

Dans cette course à l'excellence, la France a les moyens de son ambition. La très controversée circulaire Guéant, heureusement abrogée, portait atteinte à l'image de notre pays.

La carte pluriannuelle est une bonne nouvelle et referme le chapitre ouvert par l'ancien gouvernement. Je salue la proposition de loi Gillot, qui répond à une revendication forte des étudiants étrangers. Campus France doit revoir sa politique et il n'est plus possible de demander aux étudiants étrangers de disposer de 7 000 euros par an -le décret de septembre 2011 doit être retiré.

Le président de la République s'est engagé à accueillir 50 000 étudiants par an, nous devons offrir un accueil de qualité à tous ceux qui viennent chercher l'excellence dans nos universités. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

Mme Geneviève Fioraso, ministre .  - Je remercie le groupe socialiste d'avoir pris l'initiative de ce débat, qui s'est déroulé de façon sereine. L'accueil et les conditions de vie des étudiants méritent d'être améliorés, tout le monde l'a dit. Le Gouvernement s'est engagé pour le logement, nous travaillons sur la question des cautions avec Mme Duflot.

La francophonie... L'Afrique subsaharienne est importante, très convoitée par les pays asiatiques. Nous avons développé des relations particulières avec le Maroc et le Sénégal, pays sur lesquels nous entendons nous appuyer. J'ai évoqué les BRICS... Je remercie M. Chevènement d'avoir insisté sur la Russie, avec laquelle nous avons des liens linguistiques historiques ; le niveau scientifique et technologique en Russie est très élevé, nous devons accueillir davantage d'étudiants.

La défense de la francophonie n'est pas incompatible avec l'accueil des étudiants coréens, indiens ou brésiliens. Mais l'obstacle du langage est important, surtout pour les formations scientifiques et technologiques ; nous avons donc proposé de déroger, de manière très encadrée, à la loi Toubon, afin d'autoriser des formations en anglais, mais aussi en allemand -étant entendu que le passage du diplôme se fera en français. Nous pourrons ainsi accueillir des étudiants qui, sinon, iraient dans les universités anglo-saxonnes, ce qui permettra d'élargir à la fois notre influence et nos marchés économiques.

Vous avez évoqué les programmes Erasmus, qui bénéficient d'une augmentation de leur financement, même si les programmes en direction de la Méditerranée ont été touchés. Je me suis battue avec d'autres pour que la Commission européenne développe des programmes Erasmus dans les filières technologiques et professionnelles.

Sur les droits d'inscription, le débat n'est pas tabou, mais il ne faut pas s'attendre à gagner beaucoup de devises... Le nombre d'étudiants concernés serait faible. Pourquoi d'ailleurs ne pas faire un avantage de nos droits historiquement bas ?

Je me félicite des titres pluriannuels de séjour et de l'extension à un an après les études, aussi de notre convergence de vues.

Campus France fait l'objet d'une évaluation conjointe par le ministère des affaires étrangères et le mien ; l'institution est récente, mais les dysfonctionnements sont trop nombreux pour être négligés. Le Sénat sera tenu informé.

Merci de partager notre état d'esprit, mesdames et messieurs les sénateurs. Nous animons insuffisamment nos réseaux d'alumni -un nom un peu barbare pour désigner nos réseaux d'anciens étudiants étrangers (Mme Esther Benbassa s'amuse), alors qu'il s'agit d'un outil redoutablement efficace. Nous avons là des marges de progression. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Manuel Valls, ministre .  - J'ai été moi aussi heureux de la sérénité des débats de ce soir. La Haute assemblée sait prendre du recul et se méfier des idées reçues ; voilà qui lui fait honneur. Les migrations internationales sont l'un des grands phénomènes du XXIe siècle. Il faut oser en débattre sans a priori, sans angélisme ni naïveté.

La France a une position singulière en Europe. Elle a une démographie favorable, position enviable comparée à celle de l'Allemagne ou l'Italie. Pour autant, notre pays affronte une crise qui pèse sur la situation de l'emploi.

A court terme, une circulaire mettra en oeuvre les dispositions que vous avez évoquées sur le titre de séjour pluriannuel, la sélection des étudiants, l'autorisation de travail, l'accueil en préfecture. Oui, madame Gillot, il faut mettre fin au cauchemar annuel du renouvellement des titres de séjour. Nous devons améliorer l'accord des étrangers en préfecture, avec des rendez-vous par internet.

L'action de Campus France devra être évaluée dans le cadre d'une stratégie fondée sur l'excellence, ce qui impliquera de responsabiliser les universités.

A court terme, il faut aussi réfléchir à l'évolution des outils de l'immigration professionnelle : le foisonnement de normes et des dispositifs nuit à notre attractivité. Mes services travaillent avec ceux de mon collègue en charge du travail pour définir un cadre plus efficace et plus réactif.

À moyen terme, il faudra faire évoluer le cadre légal. Un projet de loi sera déposé, je le souhaite cet été, afin de généraliser les titres de séjour pluriannuels, améliorer l'accueil en préfecture pour concentrer les moyens sur le contrôle, refondre les titres de séjour et renforcer les moyens de lutte contre l'immigration irrégulière dans le respect du droit. Ce texte ne sera pas une cathédrale législative mais elle permettra de tirer un trait définitif sur la loi Guéant. Nous travaillons ainsi à une réforme d'équilibre, durable et responsable. J'espère qu'un large consensus sera possible.

A plus long terme, il faudra réfléchir aux questions migratoires avec deux objectifs : la lutte contre l'immigration irrégulière mais aussi l'attractivité de notre territoire. Si nous nous refermons sur nous-mêmes, demain nous serons marginalisés.

Tout cela nécessite de la pédagogie, les peurs sont encore là. Si l'immigration devenait incontrôlée, nos concitoyens nous jugeraient sévèrement. Nous avons besoin du comité interministériel pour contrôler les flux, établir des statistiques fiables et exhaustives, s'appuyer sur les travaux des experts et des chercheurs. J'ai proposé au Premier ministre de refonder le comité en ce sens.

Il nous faudra aussi dynamiser l'accueil des migrants les plus pauvres. Si l'immigration professionnelle est limitée, il y a aussi une immigration familiale qui a accès au marché du travail. La formation professionnelle devra être améliorée -60 % des migrants familiaux ont un niveau inférieur au baccalauréat. Les primo-arrivants ont du mal à trouver du travail, leur insertion est lente -on sait ce qu'il en est dans certains quartiers.

Quid des métiers réservés aux nationaux ? Il faudra y réfléchir. Enfin, il y a des employeurs sans scrupule qui contournent les règles, emploient des étrangers sans papier ou des travailleurs communautaires faussement détachés. Un plan national a été adopté. Les contrôles seront renforcés et les sanctions exemplaires. Ce qui n'exclut pas une régularisation au cas par cas dans les conditions strictes, uniformes et transparentes de la circulaire du 28 novembre 2012.

Le débat de ce soir n'est qu'une étape sur la voie de la refondation de notre politique migratoire, qui doit être intelligente et responsable. Il a démontré que l'on peut discuter dans un cadre apaisé. Je salue vos interventions et l'implication de Mme Fioraso : notre pays redeviendra le pôle d'attractivité qu'il n'aurait jamais dû cesser d'être. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

Le débat est clos.

Prochaine séance, aujourd'hui, jeudi 25 avril 2013, à 9 h 30.

La séance est levée à minuit trente.

Jean-Luc Dealberto

Directeur des comptes rendus analytiques

ORDRE DU JOUR

du jeudi 25 avril 2013

Séance publique

A 9 heures 30

1. Débat sur la loi pénitentiaire.

A 15 heures

2. Questions d'actualité au Gouvernement.

A 16 heures 15

3. Débat sur la politique européenne de la pêche.