Bioéthique (Deuxième lecture - Suite)
M. le président. - Nous reprenons la deuxième lecture du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, relatif à la bioéthique.
Discussion des articles (Suite)
Article additionnel après l'article 24 quater
M. le président. - Amendement n°43 rectifié quater, présenté par Mme Hermange, M. de Legge, Mme Payet, MM. du Luart, Gilles et Leleux, Mme B. Dupont, MM. Vial, Lardeux, Vasselle, Bailly, Bécot, Falco, Cazalet et de Montgolfier, Mme Des Esgaulx, M. Revet, Mme Rozier, MM. del Picchia, Darniche, B. Fournier, Lorrain, Marini, Pozzo di Borgo, Laménie et Huré, Mmes Henneron et Mélot, MM. Retailleau et Badré, Mme Hummel et MM. Beaumont et P. Blanc.
Après l'article 24 quater, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'institut national de la santé et de la recherche médicale remet chaque année au Parlement un rapport sur la recherche sur les causes de la stérilité.
Mme Marie-Thérèse Hermange. - Cet amendement provient des auditions sur le Médiator. Certains produits semblant sans danger peuvent provoquer la stérilité.
L'Inserm, qui est le seul organisme public de recherche français entièrement dédié à la santé humaine, s'est vu confier, en 2008, la responsabilité d'assurer la coordination stratégique, scientifique et opérationnelle de la recherche biomédicale.
M. Alain Milon, rapporteur. - Pourquoi pas ? Sagesse.
Mme Nora Berra, secrétaire d'État. - Le Gouvernement est favorable.
M. Jean Desessard. - Un rapport par an ne suffit pas à assurer la fertilité, (rires) mais je vais voter l'amendement.
Mme Marie-Thérèse Hermange. - Certains produits utilisés dans le cadre de l'AMP et classés au sein de l'AFSS sous le titre de PTA ne sont pas considérés comme des médicaments. Il faudrait ne pas les oublier.
L'amendement n°43 rectifié quater est adopté et devient un article additionnel.
L'article 24 quinquies A est adopté.
Article 24 octies
Mme Marie-Thérèse Hermange. - Je remercie la commission, la présidence et le rapporteur qui ont accepté d'insérer dans un titre VII quater cet article et les quatorze articles suivants reprenant le contenu de la proposition de loi relative aux recherches sur la personne dans le texte adopté par le Sénat le 20 décembre dernier. Le Sénat a accompli un excellent travail, reconnu par de nombreux juristes, qui permet de sortir d'une situation inextricable. Je regrette que l'Assemblée nationale ait refusé de poursuivre la réflexion engagée sur ce thème.
M. Guy Fischer. - J'approuve ces propos : Mme Hermange a mené sur ce point un travail remarquable avec notre collègue Autain. Il est si rare de nous retrouver que je tenais à le souligner. (Applaudissements à droite)
L'article 24 octies est adopté, ainsi que les articles 24 nonies, 24 decies, 24 undecies, 24 duodecies, 24 terdecies, 24 quaterdecies, 24 quindecies, 24 sexdecies, 24 septdecies, 24 octodecies, 24 novodecies, 24 vicies, 24 unvicies, 24 duovicies et l'article 25.
Les articles 26 à 28 demeurent supprimés. Les articles 30 à 32 demeurent supprimés.
Interventions sur l'ensemble
M. Bernard Cazeau. - Au début de la discussion, j'exprimais mon inquiétude sur la cohérence du débat, car toute position partisane doit être proscrite en la matière : le rapporteur a su le faire comprendre à la commission, mais il nous faut aussi tenir lieu de ce qui s'est passé en séance. Or, le Gouvernement, défendant une position conservatrice, a déposé ou accepté des amendements qui ont profondément dénaturé notre réflexion.
Le refus des recherches sur l'embryon n'est pas la goutte d'eau, mais le torrent qui fait déborder le vase, provoquant le désarroi de nombreux parlementaires, et pas seulement de gauche.
La commission entendait inscrire dans la loi le champ des possibles et le circonscrire par une frontière de l'interdit, mettre le progrès scientifique au service de l'éthique et repousser les limites de l'incurable en respectant la dignité de l'homme.
Au fond, par fidélité moins à des convictions intimes qu'à des calculs électoraux, vous persistez à considérer que les avancées de la science du vivant conduisent à la dépendance de l'homme. Il s'agit tout au contraire d'accroître le pouvoir médical de l'homme sur lui-même. Le ministre de la santé est d'abord le ministre des gens qui souffrent : peut-on délaisser le droit d'être soigné ? De ne plus souffrir ? Écoutez les attentes des malades atteints de pathologies graves. Diminuer la souffrance est un impératif éthique pour toute société.
En outre, nos chercheurs seront distancés dans la compétition scientifique internationale.
Sur de telles questions, chacun doit rechercher la vérité avec modestie, scrupule et respect d'autrui. Hélas, les lobbies conservateurs refusent aujourd'hui la recherche sur les cellules souches embryonnaires, après avoir combattu l'avortement et la PMA. L'article 23 marque la victoire de l'anti-science et du mensonge !
Nous respectons les convictions personnelles de chacun, mais la majorité sénatoriale a invoqué un vote éthique pour justifier un vote politique. Vous avez oublié que vous étiez des élus de la République ! (Applaudissements sur les bancs socialistes)
M. Guy Fischer. - En première lecture, nous avions voté le texte du Sénat, en espérant que l'Assemblée nationale respecterait nos travaux.
Hélas, le texte issu de l'Assemblée nationale et modifié par le Sénat n'est pas acceptable car il risque de multiplier des pratiques à la marge de la légalité.
Vous avez refusé aux couples de femmes et aux couples pacsés de recourir à l'AMP, refusé la création d'un registre positif des donneurs d'organes, pourtant très attendue par les professionnels. Nous comprenons que certains ne veulent pas devenir donneurs, nous comprenons que les familles hésitent à se prononcer, mais pourquoi ne pas respecter ceux qui ont décidé donner leurs organes post mortem ?
Nous regrettons le vote sur le dépistage prénatal : nous voulons respecter la volonté des couples, surtout des femmes, de poursuivre ou non une grossesse lorsque l'enfant naîtra handicapé.
J'ai estimé hypocrite la disposition relative à la recherche sur l'embryon, puisque l'interdiction de principe s'accompagnera probablement de dérogations systématiquement accordées.
L'amendement adapté à ce sujet tendait bien sûr à dessaisir la CMP, mais il bloque la recherche pour très longtemps !
Nous ne pouvons que voter contre le texte. (Applaudissements sur les bancs CRC-SPG)
M. Jean Desessard. - Je vais être court, puisque la messe est dite... si je puis me permettre. (Sourires) Nous regrettons l'absence de toute avancée sociétale, notamment envers les homosexuels, qui restent exclus du don du sang et de la PMA. Les enfants nés de GPA à l'étranger resteront des orphelins juridiques !
Vous avez invoqué les symboles pour interdire la recherche sur les cellules souches embryonnaires. J'aurais préféré une position franche et progressiste.
Déçus par ce texte, les sénateurs Verts voteront contre.
Ma seule consolation, c'est le maintien de la clause de révision : grâce à elle, nous pourrons reprendre dans cinq ans ce texte conservateur ! (Applaudissements à gauche)
M. François Fortassin. - Au cours de ce débat, je suis passé de l'espérance à la mélancolie, puis à la déception.
Le travail de la commission fut exemplaire, le débat en séance publique promettait d'être de grande tenue : tous les espoirs étaient permis dans un pays qui se flatte d'être celui des Lumières et des droits de l'homme.
Hélas, le fait sociétal n'a pas été pris en compte. D'autres pays accepteront ce que nous refusons, ce qui fera prendre du retard à notre recherche. Certes, on peut avoir raison contre tous, mais je regrette une occasion manquée pour les personnes qui souffrent et espèrent beaucoup de la science. Ce soir, quoique ce ne soit pas ma nature, je suis un peu triste. (Applaudissements à gauche)
M. Bruno Retailleau. - Fort logiquement, nous avons discuté des origines de l'homme et de son avenir. La discussion a été d'un bon niveau et marqué par le respect mutuel.
Notre deuxième lecture aboutit à un texte meilleur que celui voté en première lecture ; il progresse par rapport à la mouture de l'Assemblée nationale.
Je pense notamment à l'adoption de mon amendement sur la trisomie 21, à l'adoption de celui de Mme Hermange sur la gratuité du don d'organe, qui constitue un progrès par rapport au texte de l'Assemblée nationale, et à l'adoption de celui de Mme Payet exigeant une vie commune de deux ans pour la PMA hors mariage, ce qui protégera mieux les enfants à naître.
Surtout, les dispositions applicables à la recherche sur les embryons nous évitent de connaître une transgression anthropologique majeure. C'est un symbole, auquel je suis très attaché.
Je voterai ce projet de loi aujourd'hui, sans préjuger de mon vote sur les conclusions de la CMP.
M. Dominique de Legge. - Nous sommes tous attachés à la dignité humaine. S'agit-il de progressisme ou de conservatisme ? Le problème est bien plus compliqué... En fait, nous sommes tous attachés à la dignité humaine, et nous l'exprimons avec nos mots, nos valeurs et nos convictions, éventuellement religieuses... si ce n'est pas un gros mot dans un hémicycle laïc.
Comment ne pas éprouver des doutes? J'admire ceux qui voteront sans état d'âme ! Je revendique le droit de douter.
Si l'homme était mis au service de la science, il serait réduit à l'état de matière.
On peut s'interroger sur le DPN ou sur l'AMP lorsqu'elle a une finalité autre que de surmonter l'infertilité.
Je peine à distinguer l'autorisation encadrée et l'interdiction assortie de dérogations, mais je crois que nous allons dans le bon sens.
Lorsque nous reprendrons cette discussion dans cinq ans, certains éprouveront les mêmes doutes. C'est ce qui fait la grandeur de notre débat. (Applaudissements à droite)
Mme Roselle Cros. - Je veux être positive, même si je mesure la déception de certains collègues. La présidente de la commission a su organiser un débat passionné. La discussion de grande qualité que nous venons d'avoir justifie la révision quinquennale du droit de la bioéthique. Son maintien est positif.
Il en va de même pour le maintien des principes essentiels de la bioéthique.
Je salue l'adoption de l'amendement à forte valeur symbolique sur la trisomie 21 (M. Jacques Blanc approuve) et de celui réaffirmant le contrôle de la Cnil sur les Cecos.
La recherche sur l'embryon était le principal enjeu de la deuxième lecture au Sénat. J'aurais préféré un compromis entre l'autorisation encadrée et l'interdiction atténuée. Il faudra beaucoup de pédagogie pour expliquer cette loi aux chercheurs. Faisons confiance à la recherche !
M. Alain Milon, rapporteur. - Avec un texte pareil !
Mme Roselle Cros. - Une large majorité de l'Union centriste votera ce projet de loi. (Applaudissements à droite)
Mme Marie-Thérèse Hermange. - Ce texte n'est pas parfait, mais nous l'avons amélioré : 31 amendements ont été satisfaits ou adoptés. Citons la reconnaissance du sang de cordon dans la thérapeutique ou le régime de la recherche sur l'embryon...
D'autres points sont plus problématiques. Je pense à l'anonymat, à nombre de dispositions relatives à l'AMP ou aux embryons surnuméraires...
Nous avons souvent opposé ici la science et le droit. Parce qu'il y a encore quelque chose à chercher, je voterai le projet de loi aujourd'hui en réservant ma position finale sur les conclusions de la CMP. (Applaudissements sur certains bancs à droite)
M. Alain Milon, rapporteur. - Je remercie mes collègues, grâce auxquels cette discussion, comme la précédente, a été de très haute tenue.
Le Sénat a confirmé que le don de cellules hématopoïétiques devrait être autorisé par un juge. C'est bien. Il a rétabli son texte de première lecture sur le sang de cordon. Très bien. Nous avons adopté un amendement de Mme Payet sur l'information des femmes enceintes ; nous avons supprimé le renvoi à décret pour les enfants nés viables ; nous avons adopté un amendement Hermange sur les Cecos. Je regrette que l'anonymat n'ait pas été levé.
Sur l'AMP, nous avons confirmé la possibilité de don de gamètes avec autoconservation ; nous avons refusé l'AMP de commodité : j'en suis satisfait.
À l'inverse, le Sénat a refusé au privé de recueillir le don de gamètes. C'est à mes yeux intolérable : les cliniques privées travaillent aussi au bien-être de la Nation, comme le secteur public.
Le texte du Sénat a été rétabli sur l'AMP et le don ovocytaire, c'est également positif. Nous avons maintenu la révision dans cinq ans et c'est un point sur lequel nous ne reviendrons pas lors de la CMP.
Le dispositif limitant la recherche sur l'embryon est dramatique pour la recherche ! Nous n'avons pas voté la GPA -pourquoi pas, mais c'est dommage- non plus que la levée de l'anonymat du don de gamètes, ce qui est regrettable. À titre personnel, je voterai contre ce texte.
M. Jean Desessard. - Et bien !
Mme Muguette Dini, présidente de la commission des affaires sociales. - Je remercie tous ceux qui ont participé aux travaux en commission et en séance publique. Je remercie aussi les présidents de séance et notre rapporteur (M. Guy Fischer applaudit), avec qui je me suis sentie en profonde cohérence, et Mme la ministre, même si nous ne sommes pas toujours d'accord. Chers collègues, votez bien ! (Applaudissements à droite)
À la demande du Gouvernement, le projet de loi est mis aux voix par scrutin public.
M. le président. - Voici les résultats du scrutin :
Nombre de votants | 339 |
Nombre de suffrages exprimés | 327 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 164 |
Pour l'adoption | 173 |
Contre | 154 |
Le Sénat a adopté.
Mme Nora Berra, secrétaire d'État. - Je vous remercie pour la qualité de nos échanges. Les convictions respectives se sont exprimées dans un esprit de franchise et de respect mutuel. Je rends un hommage particulier à Mme Hermange, qui s'est ralliée à l'amendement Gaudin. Il faut accepter des compromis.
Je rassure ceux qui souhaitaient un régime d'autorisation encadrée ; l'interdiction avec dérogation protège l'embryon mais ne pénalise pas la recherche : 69 protocoles, dont onze portant sur des embryons, ont été acceptés par l'Agence de la biomédecine ; 41 équipes se sont mobilisées sur ces projets. Enfin, le premier essai clinique de thérapie cellulaire a été autorisé ; c'est le troisième au monde.
Ce projet de loi respecte les valeurs essentielles auxquelles nous sommes tous attachés. Cette loi de responsabilité et d'équilibre ne fige rien, mais permet d'avancer ; elle vous donne les moyens d'exercer pour l'avenir votre vigilance et d'impulser les évolutions nécessaires. (Applaudissements sur quelques bancs UMP)