Financement de la sécurité sociale pour 2009 (Suite)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, de financement de la sécurité sociale pour 2009.

Discussion des articles (Suite)

Article additionnel

M. le président.  - Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus à l'amendement n°422, présenté par MM. Vasselle et César, tendant à insérer un article additionnel après l'article 58 :

Après l'article 58, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après le troisième alinéa de l'article L. 732-39 du code rural, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Le cédant d'une exploitation agricole disposant de la durée d'assurance nécessaire pour bénéficier d'une pension à taux plein, peut, après cette cession et la liquidation de ses droits à pension de retraite, conclure avec le cessionnaire de cette entreprise une convention aux termes de laquelle il s'engage à réaliser une prestation temporaire, rémunérée ou non, au maximum limitée à cinq ans, de tutorat. Le tuteur est redevable des cotisations vieillesse visées aux 1°, 2° et 3° de l'article L. 731-42 du présent code, basées sur les assiettes minima applicables aux chefs d'exploitation. Les tuteurs, anciens chefs d'exploitation, sont également redevables de la cotisation forfaitaire de retraite complémentaire obligatoire visée à l'article L. 732-59 du présent code. Le tuteur reste redevable de la cotisation d'assurance accidents et maladies professionnelles des exploitants agricoles. Les conditions d'application des dispositions du présent alinéa sont fixées par décret. »

M. Alain Vasselle.  - Cet amendement intéresse à la fois les agriculteurs en âge de partir à la retraite et les jeunes agriculteurs. Le tutorat consiste à faire accompagner par des seniors des jeunes qui s'installent ; il contribue à la transmission des entreprises, et il permet aux tuteurs de se constituer un complément de retraite. Ce système a déjà été mis en place pour les indépendants. Nous proposons de l'inscrire dans le régime des non salariés agricoles.

Le dispositif de retraite progressive issu de la réforme des retraites de 2003 n'est pas satisfaisant car il est trop complexe. Aujourd'hui, les agriculteurs âgés cessent leur activité, liquident leur retraite et donnent un coup de main d'environ 15 heures par semaine aux jeunes.

Notre amendement crée un nouveau statut de tuteur, qui n'est ni un statut salarié ni celui d'un simple coup de main. Le tuteur pourrait liquider sa retraite de manière provisoire tout en poursuivant son activité : il continuerait ainsi à cotiser à l'assurance vieillesse et acquerrait des droits supplémentaires. Ce dispositif faciliterait l'installation des jeunes. Il intéresse donc à la fois Xavier Bertrand, ministre du travail et des relations sociales, et Michel Barnier, ministre de l'agriculture.

M. Dominique Leclerc, rapporteur de la commission des affaires sociales pour l'assurance vieillesse.  - L'amendement répond bien aux préoccupations de la commission qui souhaite adapter le droit afin de répondre aux attentes des Français parvenus à l'âge de la retraite. Il mérite un sort favorable et nous donnons un avis de sagesse.

M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État.  - Cet amendement soulève deux problèmes réels que nous connaissons bien dans notre département, M. Jean Boyer et moi-même : il faut à la fois permettre aux agriculteurs qui partent à la retraite de transmettre leur exploitation à des jeunes et donner aux jeunes agriculteurs qui connaissent des difficultés la possibilité de se faire assister par de plus expérimentés.

Mais je demande le retrait de l'amendement car il me semble que d'autres dispositifs, prévus par le Gouvernement, apportent une réponse suffisante à ces problèmes : le cumul de l'emploi et de la retraite permettra à un agriculteur retraité d'épauler un jeune agriculteur et, grâce à la cessation progressive d'activité, on pourra commencer à liquider ses droits à la retraite tout en continuant à travailler, par exemple avec un jeune.

Un groupe de travail sur le tutorat est d'ailleurs en place et il est envisagé d'étendre ce dispositif au monde agricole. Je souhaite que vous vous y associiez car il doit rendre ses conclusions avant la mi-décembre pour aboutir à une décision opérationnelle à la rentrée.

M. Alain Vasselle.  - Je n'ai aucune raison de mettre en doute les engagements du Gouvernement et c'est pourquoi j'accepte de retirer l'amendement. J'attends avec impatience la réunion du groupe de travail qui devra s'efforcer de répondre à la fois aux attentes des agriculteurs âgés et à celles des jeunes agriculteurs qui s'installent.

L'amendement n°422 est retiré.

Article 59

I. - L'article L. 161-22 du code de la sécurité sociale est ainsi modifié :

1° Au premier alinéa, le mot : « définitive » est, par deux fois, supprimé ;

2° Après le troisième alinéa, sont insérés trois alinéas ainsi rédigés :

« Par dérogation aux deux précédents alinéas, et sous réserve que l'assuré ait liquidé ses pensions de vieillesse personnelles auprès de la totalité des régimes légaux ou rendus légalement obligatoires, de base et complémentaires, français et étrangers, ainsi que des régimes des organisations internationales dont il a relevé, une pension de vieillesse peut être entièrement cumulée avec une activité professionnelle :

« a) A partir de l'âge prévu au 1° de l'article L. 351-8 ;

« b) A partir de l'âge prévu au premier alinéa de l'article L. 351-1, lorsque l'assuré justifie d'une durée d'assurance et de périodes reconnues équivalentes mentionnée au deuxième alinéa du même article au moins égale à la limite mentionnée au même alinéa. »

II. - L'article L. 352-1 du code de la sécurité sociale est abrogé.

III. - Après le troisième alinéa de l'article L. 634-6 et de l'article L. 643-6 du code de la sécurité sociale, sont insérés trois alinéas ainsi rédigés :

« Par dérogation aux trois précédents alinéas, et sous réserve que l'assuré ait liquidé ses pensions de vieillesse personnelles auprès de la totalité des régimes légaux ou rendus légalement obligatoires, de base et complémentaires, français et étrangers, ainsi que des régimes des organisations internationales dont il a relevé, une pension de vieillesse peut être entièrement cumulée avec une activité professionnelle :

« a) A partir de l'âge prévu au 1° de l'article L. 351-8 ;

« b) A partir de l'âge prévu au premier alinéa de l'article L. 351-1, lorsque l'assuré justifie d'une durée d'assurance et de périodes reconnues équivalentes mentionnée au deuxième alinéa du même article au moins égale à la limite mentionnée au même alinéa. »

IV. - Après l'article L. 723-11 du code de la sécurité sociale, il est inséré un article L. 723-11-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 723-11-1. - L'attribution de la pension de retraite est subordonnée à la cessation de l'activité d'avocat.

« Par dérogation au précédent alinéa, et sous réserve que l'assuré ait liquidé ses pensions de vieillesse personnelles auprès de la totalité des régimes légaux ou rendus légalement obligatoires, de base et complémentaires, français et étrangers, ainsi que des régimes des organisations internationales dont il a relevé, une pension de vieillesse peut être entièrement cumulée avec une activité professionnelle :

« a) A partir de l'âge prévu au 1° de l'article L. 351-8 ;

« b) A partir de l'âge prévu au premier alinéa de l'article L. 351-1, lorsque l'assuré justifie d'une durée d'assurance et de périodes reconnues équivalentes mentionnée au deuxième alinéa du même article au moins égale à la limite mentionnée au même alinéa. »

V. - L'article L. 732-39 du code rural est ainsi modifié :

1° Le troisième alinéa est supprimé ;

2° Après le quatrième alinéa, sont insérés trois alinéas ainsi rédigés :

« Par dérogation aux deux premiers alinéas, et sous réserve que l'assuré ait liquidé ses pensions de vieillesse personnelles auprès de la totalité des régimes légaux ou rendus légalement obligatoires, de base et complémentaires, français et étrangers, ainsi que des régimes des organisations internationales dont il a relevé, une pension de vieillesse peut être entièrement cumulée avec une activité donnant lieu à assujettissement au régime de protection sociale des non-salariés des professions agricoles dans les conditions mentionnées au deuxième alinéa de l'article L. 722-5 ou en fonction de coefficients d'équivalence fixés pour les productions hors-sol mentionnés à l'article L. 312-6 :

« a) A partir de l'âge prévu au 1° de l'article L. 351-8 du code de la sécurité sociale ;

« b) A partir de l'âge prévu au premier alinéa de l'article L. 351-1 du même code, lorsque l'assuré justifie d'une durée d'assurance et de périodes reconnues équivalentes mentionnée au deuxième alinéa du même article au moins égale à la limite mentionnée au même alinéa. » ;

3° L'avant-dernier alinéa est supprimé ;

4° Au dernier alinéa, le mot : « trois » est remplacé par le mot : « deux ».

VI. - L'article L. 84 du code des pensions civiles et militaires de retraite est complété par trois alinéas ainsi rédigés :

« Par dérogation au précédent alinéa, et sous réserve que l'assuré ait liquidé ses pensions de vieillesse personnelles auprès de la totalité des régimes légaux ou rendus légalement obligatoires, de base et complémentaires, français et étrangers, ainsi que des régimes des organisations internationales dont il a relevé, une pension peut être entièrement cumulée avec une activité professionnelle :

« a) A partir de l'âge prévu au 1° de l'article L. 351-8 du code de la sécurité sociale ;

« b) A partir de l'âge prévu au premier alinéa de l'article L. 351-1 du même code, lorsque l'assuré justifie d'une durée d'assurance et de périodes reconnues équivalentes mentionnée au deuxième alinéa du même article au moins égale à la limite mentionnée au même alinéa. »

VII. - Le présent article est applicable à Saint-Pierre-et-Miquelon.

Mme Patricia Schillinger.  - Cet article tend à libéraliser le cumul de l'emploi et de la retraite afin d'inciter les seniors, par la hausse du taux de surcote, à continuer de travailler. Selon le Gouvernement, cela permettra aux retraités d'augmenter leur niveau de vie. Voire.

En réalité, le Gouvernement ne souhaite augmenter ni les salaires ni les retraites. L'autorisation du cumul est une manière d'éviter la revalorisation des pensions de retraite. Vous prétendez donner aux Français la possibilité de travailler plus pour gagner plus ; mais dans quelles conditions ? En faisant des heures supplémentaires, en travaillant le dimanche, en renonçant à leurs jours de RTT, et maintenant en continuant de travailler à l'âge de la retraite ! Nous serons bientôt dans la situation du Japon ou des États-Unis où des personnes parfois très âgées sont contraintes de travailler en raison de la faiblesse de leur pension de retraite.

Le vrai problème, c'est le chômage. Vous prétendez encourager les gens à travailler, mais offrez-leur d'abord du travail ! (Applaudissements à gauche)

M. le président.  - Amendement n°185, présenté par M. Fischer et les membres du groupe CRC.

Supprimer cet article.

Mme Annie David.  - Avec cet article, le Gouvernement veut faciliter le cumul emploi retraite, c'est-à-dire ouvrir aux salariés la possibilité de travailler après l'âge légal de la retraite. Comme l'a dit Mme Schillinger, encore faudrait-il qu'il y ait du travail.

En réalité, vous préparez l'allongement de la durée de cotisations en imposant l'idée qu'il est souhaitable, pour les comptes sociaux comme pour les personnes concernées, de travailler plus longtemps.

Vous prétendez que cela relève de la liberté de chacun. Il s'agirait d'un choix individuel, indépendant de tout contexte social. Mais, dans la plupart des cas, les personnes qui souhaiteront cumuler la retraite et un emploi seront des pauvres ! Face à l'érosion de leurs pensions et de leur pouvoir d'achat, elles seront contraintes de continuer à travailler pour pouvoir vivre dignement.

Depuis des années, vous refusez l'ouverture d'un Grenelle des salaires, sous le prétexte que la question salariale relève de la négociation entre les partenaires sociaux. La liberté dont vous brandissez l'étendard, c'est la liberté pour les patrons de faire travailler les retraités : la liberté des uns est le fardeau des autres !

Le Gouvernement oublie le rôle de la loi et des mesures impératives.

Il s'agit de protéger les plus faibles, quitte à le faire contre leur intérêt immédiat. Tel est le sens de toutes les politiques de prévention et d'interventions en santé publique. Qui ne connaît pas un chauffeur qui voudrait être libre de conduire sans ceinture de sécurité ? Et pourtant, il ne viendrait pas à l'esprit du législateur de revenir sur la règle impérative du port obligatoire de la ceinture de sécurité. Nous avons accepté collectivement de réduire ce qui apparaissait de prime abord comme la liberté de chacun pour garantir tout à la fois les intérêts individuels et collectifs.

La République s'est construite sur l'idée qu'il ne peut y avoir de devoirs sans droits. Vous le savez fort bien, vous qui appliquez ce principe aux demandeurs d'emplois, aux retraités et aux bénéficiaires de minimas sociaux. Je m'étonne donc de voir que cette mesure, qui sera profitable aux entreprises, ne s'accompagne d'aucune exigence les concernant.

Au-delà de cette question de la liberté, dont on voit qu'elle n'est qu'un prétexte, c'est sur la notion de travail que nous divergeons. Nous considérons, nous, qu'il y a une vie après le travail. Une vie sociale, syndicale, associative, politique, qui n'est pas moins noble que le temps travaillé. Le droit à une retraite justement rémunérée, permettant de vivre dans la dignité, est la compensation que la Nation doit au salarié pour les efforts que celui-ci a fournis. Or, avec cet article, vous effacez l'apport singulier qui fut le sien.

Nous divergeons également sur le rôle sociétal du travail. Vous nous reprochez de vouloir le partager mais que proposez-vous ? La concurrence entre les salariés de tous âges. Votre refus du partage du travail aurait un sens si vous acceptiez de partager les richesses. Vous ne voulez partager que la misère ou les miettes du travail. Nous sommes convaincus que le travail occupe une place primordiale dans la vie de nos concitoyens et dans la construction des rapports collectifs. Nous considérons qu'il a un rôle émancipateur et de reconnaissance sociale. C'est pourquoi nous refusons d'en priver les plus jeunes.

Nous refusons votre logique d'opposition des pauvretés. (Applaudissements à gauche)

M. le président.  - Amendement n°511, présenté par M. Leclerc, au nom de la commission des affaires sociales.

Après le II de cet article, insérer deux paragraphes ainsi rédigés :

II bis. - Le code de la sécurité sociale est ainsi modifié :

1° La seconde phrase du deuxième alinéa de l'article L. 341-15 est supprimée.

2° Dans le premier alinéa des articles L. 382-27 et L. 634-2, la référence : « L. 352-1, » est supprimée.

II ter. - Dans l'article 20 de l'ordonnance n° 2002-411 du 27 mars 2002 relative à la protection sanitaire et sociale à Mayotte, la référence : « L. 352-1, » est supprimée.

M. Dominique Leclerc, rapporteur de la commission des affaires sociales pour l'assurance vieillesse.  - Coordination.

M. le président.  - Amendement n°383, présenté par M. Detcheverry.

Rédiger ainsi le VII de cet article :

VII. - L'article 14 de la loi n° 87-563 du 17 juillet 1987 portant réforme du régime d'assurance vieillesse applicable à Saint-Pierre-et-Miquelon est ainsi modifié :

1° Dans le premier alinéa, le mot : « définitive » est supprimé ;

2° Après le premier alinéa, sont insérés trois alinéas ainsi rédigés :

« Par dérogation au précédent alinéa, et sous réserve que l'assuré ait liquidé ses pensions de vieillesse personnelles auprès de la totalité des régimes légaux ou rendus légalement obligatoires, de base et complémentaires, français et étrangers, ainsi que des régimes des organisations internationales dont il a relevé, une pension de vieillesse peut être entièrement cumulée avec une activité professionnelle :

« a) À partir de l'âge prévu au 1° de l'article 11 ;

« b) À partir de l'âge prévu au premier alinéa de l'article 6, lorsque l'assuré justifie d'une durée d'assurance et de périodes reconnues équivalentes mentionnée au deuxième alinéa du même article au moins égale à la limite mentionnée au même alinéa. ».

M. Denis Detcheverry.  - L'Assemblée nationale a prévu que les dispositions de cet article 59 s'appliquent au régime d'assurance vieillesse de Saint-Pierre-et-Miquelon. Les choses seraient plus claires si le texte qui régit le régime d'assurance vieillesse de Saint-Pierre-et-Miquelon était complété d'une disposition expresse.

M. Dominique Leclerc, rapporteur de la commission des affaires sociales pour l'assurance vieillesse.  - Il y a encore des restrictions au cumul retraite-emploi. Elles vont à l'encontre de la politique actuelle en direction des seniors : nous voulons que ceux-ci puissent arbitrer librement entre départ à la retraite et poursuite de l'activité professionnelle. C'est pourquoi nous sommes défavorables à l'amendement de suppression ; favorables, en revanche, à celui de M. Detcheverry.

M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État.  - Nous sommes évidemment défavorables à l'amendement de suppression. Nous avons déjà adressé un signal fort en supprimant la dispense de recherche d'emploi. Comment vouloir en rester à l'absurdité administrative actuelle ? Un salarié expérimenté voudrait rester à son poste, son patron souhaite le garder, eh bien non, c'est interdit. Ce salarié doit s'en aller et peut-être qu'au bout de six mois on verra. Ajoutez à cela qu'on vous interdit aussi de cumuler un emploi et une retraite !

Il est vrai, madame David, qu'il faut des garanties. Mais c'est la raison pour laquelle le dispositif que nous proposons ne peut s'appliquer qu'aux salariés qui ont acquis la totalité de leurs droits. D'accord, on doit boucler sa ceinture de sécurité, mais on doit être libre de choisir sa destination !

Favorable, en revanche aux amendements n°s511et 383.

Mme Annie David.  - Il y a quelque chose que je ne comprends pas dans ce que vous présentez comme une garantie : vous nous dites qu'il faut avoir acquis la totalité de ses droits, mais qui pourra être intéressé par ce dispositif, sinon précisément des femmes qui n'ont pas encore droit à pension complète ? Si je vous entends bien, c'est justement elles qui ne pourront cumuler emploi et retraite !

L'amendement n°185 n'est pas adopté.

L'amendement n°511 est adopté ainsi que le n°383.

L'article 59 modifié est adopté.

Article 60

I. - L'article L. 351-10 du code de la sécurité sociale est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« La majoration de pension prévue à l'article L. 351-1-2 s'ajoute également à ce montant minimum dans des conditions prévues par décret. »

II. - Le III de l'article L. 14 du code des pensions civiles et militaires de retraite est ainsi modifié :

1° Au deuxième alinéa, les mots : « trimestres de service » sont remplacés par les mots : « trimestres d'assurance » ;

2° Le troisième alinéa est ainsi rédigé :

« Sont pris en compte pour ce calcul les trimestres entiers cotisés. » ;

3° Au dernier alinéa, le pourcentage : « 0,75 % » est remplacé par le pourcentage : « 1,25 % ».

III. - Le I et le 1° du II sont applicables aux pensions prenant effet à compter du 1er avril 2009. Les 2° et 3° du II sont applicables aux trimestres d'assurance cotisés et effectués à compter du 1er janvier 2009.

Mme Gisèle Printz.  - Ce dispositif de majoration n'est pas assez incitatif. Vous en venez à créer une inégalité en ajoutant une pénalité supplémentaire à ceux qui vont mal et en accordant une prime à ceux qui vont bien. Ce n'est pas ainsi qu'on réglera le problème !

L'article 60 est adopté.

Mise au point au sujet d'un vote

M. Yvon Collin.  - Je souhaite faire une mise au point sur des votes intervenus hier. Sur les amendements n°s517 à l'article 61 bis et 518 à l'article 61 ter, M. Vendasi a été porté votant pour alors qu'il voulait voter contre.

M. le président.  - Dont acte.

Discussion des articles (Suite)

Article 61

I. - L'article L. 1237-5 du code du travail est ainsi modifié :

1° Le premier alinéa est complété par les mots : « sous réserve des septième à neuvième alinéas : » ;

2° Le 2° est ainsi rédigé :

« 2° Pour les bénéficiaires d'une préretraite ayant pris effet avant le 1er janvier 2010 et mise en oeuvre dans le cadre d'un accord professionnel mentionné à l'article L. 5123-6 ; »

3° Le 4° est complété par les mots : « et ayant pris effet avant le 1er janvier 2010 » ;

4° Sont ajoutés trois alinéas ainsi rédigés :

« Avant la date à laquelle le salarié atteint l'âge fixé au 1° de l'article L. 351-8 du code de la sécurité sociale et dans un délai fixé par décret, l'employeur interroge par écrit le salarié sur son intention de quitter volontairement l'entreprise pour bénéficier d'une pension de vieillesse.

« En cas de réponse négative du salarié dans un délai fixé par décret ou à défaut d'avoir respecté l'obligation mentionnée à l'alinéa précédent, l'employeur ne peut faire usage de la possibilité mentionnée au premier alinéa pendant l'année qui suit la date à laquelle le salarié atteint l'âge fixé au 1° de l'article L. 351-8 du code de la sécurité sociale.

« La même procédure est applicable les quatre années suivantes. »

II. - Supprimé........... ;

III. - À la dernière phrase du premier alinéa de l'article L. 1221-18 du code du travail, les mots : « âgés de soixante ans et plus licenciés » sont remplacés par les mots : « âgés de cinquante-cinq ans et plus licenciés ou ayant bénéficié de la rupture conventionnelle mentionnée à l'article L. 1237-11 ».

IV. - Au dernier alinéa du même article L. 1221-18, les mots : « au cours de l'année civile précédente » sont remplacés par les mots : « ou a été mis en retraite à l'initiative de l'employeur au cours de l'année civile précédente ainsi qu'aux employeurs dont au moins un salarié âgé de cinquante-cinq ans ou plus a été licencié ou a bénéficié de la rupture conventionnelle mentionnée à l'article L. 1237-11 au cours de l'année civile précédente ».

M. Guy Fischer.  - Nous nous opposerons franchement et vivement à cet article dont l'adoption serait lourde de conséquences pour les salariés. C'est une nouvelle attaque violente à un code du travail que nombre d'entre vous désirent vider de sa substance. D'ailleurs c'est bien simple, depuis l'élection de M. Sarkozy, le code du travail perd chaque jour davantage sa fonction première qui est de protéger les salariés contre les mauvais coups du patronat.

M. Roland Courteau.  - C'est bien vu.

M. Guy Fischer.  - Cet article constitue une attaque sans précédent contre le droit à la retraite, après d'autres attaques frontales comme l'assujettissement des pensions à la CSG et à la CRDS -merci M. Barrre !-, la loi Balladur de 1996, qui a instauré l'indexation des retraites sur les prix et non plus sur les salaires, et la loi Fillon de 2003 qui a allongé la durée de la cotisation à 41 annuités d'ici 2012.

M. Jean-Louis Carrère.  - Fillon, un sacré « effaceur » !

M. Guy Fischer.  - De fait -c'est subtil mais tout aussi nocif-, après le Perp et le Perco qui signent le règne du chacun pour soi, vous continuez de déshabituer les Français de la retraite par répartition en reculant aujourd'hui l'âge du départ à la retraite.

M. Alain Gournac.  - Exact !

M. Guy Fischer.  - Monsieur Gournac, cette franchise ne m'étonne pas de vous... Les salariés travailleront jusqu'à 70 ans.

M. Alain Vasselle et M. Alain Gournac.  - Ceux qui le souhaitent !

M. Guy Fischer.  - Pour justifier l'injustifiable, vous brandissez l'argument de la liberté de choix du salarié.

M. Alain Vasselle.  - Vous êtes contre la liberté !

M. Guy Fischer.  - A vous entendre, hors du travail, point de salut ! Et l'engagement associatif, le militantisme syndical, le plaisir de passer du temps avec ses proches et ses amis ? Ne nous y trompons pas, la période de la retraite la plus riche, c'est entre 60 et 70 ans...

Mme Jacqueline Chevé.  - La retraite, ils n'en veulent pas !

M. Guy Fischer.  - ...mais l'épanouissement personnel ne se quantifie pas en espèces, pas plus qu'il ne satisfait aux critères de rentabilité, si chers aux libéraux ! Personne, au CRC, à gauche, ne voudrait priver notre peuple d'une liberté dont il jouit de moins en moins, pris dans les chaînes de la précarité, de la pauvreté, de la difficulté à boucler les fins de mois. La liberté de travailler jusqu'à 70 ans, ce n'est pas une liberté ; c'est travailler au-delà de ses envies, et parfois de ses capacités, parce qu'il faut boucler les fins de mois. A cette prétendue liberté, j'oppose le droit à la dignité.

M. Jean-Louis Carrère.  - Très bien !

M. Alain Gournac.  - Le travail, c'est la dignité !

M. Alain Vasselle.  - Arrêtez de nous faire un procès d'intention !

M. Guy Fischer.  - Ce que les Français attendent, c'est que l'on reconnaisse leur dignité ! Aussi le groupe CRC défend-il l'idée qu'aucuns minima sociaux ne devraient être inférieurs au seuil européen de pauvreté. Pour la droite, la liberté, c'est comme la santé : elle n'a pas de prix, mais elle a un coût.

M. Roland Courteau.  - Exact !

M. Guy Fischer.  - D'où notre amendement de suppression de cet article scélérat ! (Applaudissements à gauche)

M. Dominique Leclerc, rapporteur de la commission des affaires sociales pour l'assurance vieillesse.  - Oh la la !

M. Alain Gournac.  - Vive la liberté ! (Exclamations à gauche)

M. Jean-Pierre Godefroy.  - Monsieur le ministre, vous allez nous expliquer que l'on empêche des milliers et des milliers de Guy Roux et de professeur Montagnier anonymes de travailler au-delà de 65 ans en France. Je doute qu'ils soient aussi nombreux et qu'on en trouve dans le secteur du bâtiment...

M. Alain Gournac.  - Ça existe !

M. Jean-Pierre Godefroy. - ...sur les chantiers navals plombés par l'amiante...

M. Alain Gournac.  - Ça existe !

M. Jean-Pierre Godefroy. - ...les chantiers routiers et ferroviaires, ou encore dans la sidérurgie...

M. Roland Courteau.  - Très juste !

M. Jean-Pierre Godefroy.  - ...chez les marins-pêcheurs et les caissières de supermarché ! (Vifs applaudissements à gauche)

M. Alain Vasselle.  - Et les salariés agricoles ?

M. Jean-Pierre Godefroy.  - Moi, les salariés que j'ai rencontrés sont fatigués, brisés...

M. Alain Gournac.  - Honteux !

M. Jean-Pierre Godefroy.  - Honte à vous, monsieur Gournac ! (Applaudissements à gauche) Ces salariés espèrent seulement que la solidarité nationale leur permettra de vivre une retraite décente à 60 ans.

Les chiffres sont têtus : l'âge moyen de départ à la retraite reste de 58 ans, le taux d'emploi des seniors de 38 % est très inférieur aux objectifs européens -la légère augmentation de 1 % observée depuis 2003 est, d'après un rapport du Gouvernement du 31 décembre 2007, la conséquence de la démographie- et près des deux tiers des salariés, au moment du départ à la retraite, ne sont plus en activité. En fait, vous repoussez l'âge du départ à la retraite pour masquer l'échec de votre politique en faveur des seniors... (M. Alain Vasselle s'exclame)

Or, sans amélioration du taux d'emploi des seniors, point de retour à l'équilibre financier des retraites. Si les Français veulent toucher une retraite complète, auront-ils le choix de ne pas travailler ? Non ! C'est la baisse des pensions qui les contraindra à prolonger leur activité pour, la présidente de la Cnav l'a fort bien dit, « repousser leur rendez-vous avec la précarité ! » (Vifs applaudissements à gauche)

Cet article, comme le précédent qui libéralise le cumul entre emploi et retraite, vise à habituer les Français à l'idée qu'ils devront travailler jusqu'à 70 ans pour obtenir une pension décente. (Applaudissements à gauche) Aggraver ainsi les inégalités entre, d'une part, ceux qui, bien portants et qualifiés, pourront travailler plus longtemps et, d'autre part, les autres qui devront se contenter de pensions de plus en plus faibles est inacceptable !

Pour que travailler plus longtemps soit vraiment un choix, il faudrait maintenir avec volontarisme un taux de remplacement élevé pour une retraite à taux plein -celui-ci n'a cessé de se dégrader depuis la réforme Balladur de 1993-, et non miser sur le cumul entre emploi et retraite et l'épargne privée. Il faut conforter la sécurité sociale pour garantir à tous des pensions décentes, en proportion de leur niveau de vie en activité. La récente crise financière a montré les risques encourus par les pays qui ont confié le sort de leurs retraités aux fonds de pension et à l'épargne privée.

M. Guy Fischer.  - Très juste !

M. Jean-Pierre Godefroy.  - Les mutations démographiques et l'augmentation de l'espérance de vie exigent de nous du dynamisme pour faire face à l'augmentation mécanique de la durée de la retraite par rapport à celle de l'activité. Mais une fois de plus, vous préférez la dérégulation à la solidarité et la liberté que vous défendez...

M. Jean-Louis Carrère.  - Ils ne savent pas ce que c'est la liberté !

M. Jean-Pierre Godefroy.  - ...c'est celle d'aimer ses chaînes ! Nous sommes résolument opposés à cet article 61. (Vifs applaudissements à gauche ; M. Alain Gournac est agacé)

M. Jean Desessard.  - Qu'ajouter après ces interventions ? La politique, ce n'est souvent que la répétition de mécontentements. (Sourires)

Près de la moitié des retraités, soit 6 millions, ont une pension inférieure au Smic et leur pouvoir d'achat a perdu plus de 10 % en dix ans. Les revalorisations de 1,1 % au 1er janvier et de 0,8 % au 1er septembre n'ont pas compensé l'augmentation des prix à la consommation de 3,3 % entre juillet 2007 et juillet 2008.

Quid de l'augmentation de 25 % des petites retraites avant 2012 promise par le Président de la République ? En fait, aucune des promesses du candidat n'a encore été tenue...

M. Xavier Bertrand, ministre.  - Faux !

M. Jean Desessard.  - Ni l'ouverture des négociations sur la pénibilité du travail...

M. Xavier Bertrand, ministre.  - Faux !

M. Jean Desessard.  - ...ni la réforme des pensions de réversion.

M. Jean-Louis Carrère.  - Mais, pour le paquet fiscal, chapeau bas !

M. Jean Desessard.  - Quant à la loi Fillon de 2003, son financement n'est pas assuré car, au lieu de tout miser sur l'augmentation de la durée de cotisation, il aurait fallu chercher d'autres sources de financement.

M. Dominique Leclerc, rapporteur de la commission des affaires sociales pour l'assurance vieillesse.  - Lesquelles ?

M. Jean Desessard.  - Ce Gouvernement s'entête à appliquer les vieilles recettes, injustes et inefficaces. Repousser l'âge légal de départ à la retraite est virtuel puisque l'âge moyen reste 58 ans. (M. Alain Vasselle, rapporteur de la commission des affaires sociales pour les équilibres financiers généraux et l'assurance maladie, le nie) Le résultat, ce sera la diminution des pensions.

De fait, on comprend encore moins l'utilité de ne plus limiter le cumul entre emploi et retraite, autrefois plafonné à 1,6 fois le Smic. A qui cela profitera-t-il ?

Cette mesure ne profitera certainement pas à ceux qu'une pension trop faible obligera à trouver un complément de ressources pour joindre les deux bouts, mais plutôt aux cadres qui cumuleront une activité rémunérée au niveau de leur ancien salaire avec une retraite payée par la collectivité - avez-vous d'ailleurs estimé le coût de cette mesure ?

Vous espériez supprimer sans faire de vagues l'âge de la mise à la retraite d'office mais les députés UMP ont involontairement donné l'alerte en repoussant cet âge à 70 ans. Cette mauvaise solution frappe d'abord les jeunes qui sont les premiers touchés par la crise. La baisse du chômage ne doit rien à votre politique, mais tout au départ des générations nées durant les trente glorieuses. (M. Alain Gournac s'exclame) Les jeunes sont donc les premières victimes du recul de l'âge de départ en retraite : cette mesure injuste serait contreproductive.

Et je ne dis rien de l'extension à 41 ans de la durée de cotisations, que vous vous apprêtez à décider par décret pour ne pas avoir à justifier votre refus de dégager de nouvelles ressources pour les retraites. Les propositions ne manquent pourtant pas ici, de la taxation des stock-options à celle des parachutes dorés.

M. Jean-Louis Carrère.  - Écoutez les propositions !

M. Jean Desessard.  - Cela permettrait de prendre sa retraite à 60 ans avec 37,5 annuités de cotisations pour laisser la place aux jeunes. Mais vous préférez persister dans vos recettes injustes et inefficaces plutôt que d'admettre qu'il faut travailler moins pour vivre mieux tout en évitant d'épuiser les ressources naturelles. On mesure la grandeur d'une société à la façon dont elle traite ses personnes âgées. Ce n'est pas en les forçant à travailler jusqu'à l'épuisement que vous grandirez notre société. (Applaudissements à gauche)

M. Roland Courteau.  - Travailler jusqu'à 70 ans ? Votre réflexe rétrograde devient une provocation dans la situation actuelle. Nos compatriotes ne s'en étonnent pas car, pour la France d'en bas, cette mesure est bien dans la logique d'un Gouvernement qui remet en cause les 35 heures, projette de généraliser le travail du dimanche et démantèle avec constance le code du travail. Votre idée fixe est de revenir sur les acquis sociaux du gouvernement Jospin et de la majorité plurielle, sur ceux de la période Mitterrand aussi. Allez-vous remonter jusqu'à Léon Blum ?

M. Guy Fischer.  - Ils l'ont déjà fait !

M. Roland Courteau.  - Votre logique est celle de la dérégulation à tout crin !

Vous reconnaissez que les pensions sont insuffisantes et le seront encore plus. Eh bien, que les salariés travaillent plus, jusqu'au quatrième âge ! Cela rappelle certain slogan : travailler plus, mais pour vivre moins longtemps... Prenez garde à ne pas remettre en cause le mouvement général d'allongement de l'espérance de vie, qui était dû en partie à la retraite à 60 ans. L'espérance de vie est inférieure de 10 ans dans certains métiers, qui brisent les hommes dès 50 ans, comme Jean-Pierre Godefroy l'a expliqué.

Mais votre stratégie, depuis 2003, est celle de l'allongement de la durée de cotisation. Elle se heurte au droit de partir à la retraite à 60 ans ainsi qu'à la mise à la retraite d'office à 65 ans, d'où la mesure rétrograde contenue dans cet article. Certes, vous ne remettez pas directement les seuils en cause et les salariés resteraient libres. Mais quel choix auront-ils face à l'insuffisance des retraites ? Jean-Pierre Godefroy l'a souligné : un million des 13 millions de retraités vivent en dessous du seuil de pauvreté et 50 % des retraites sont inférieures au Smic. Vous allez dire aux salariés : « vous êtes libres de partir à la retraite », mais quelle est cette liberté avec de telles pensions de misère ? (Applaudissements sur les bancs socialistes) Vous allez dire aux salariés : « partez quand vous voulez, mais attention au montant de votre pension ! ».

Avec votre mode de calcul...

M. Nicolas About, président de la commission.  - C'est le même !

M. Roland Courteau.  - ...les salariés brisés n'auront qu'une retraite scandaleusement faible.

Mon grand-père maternel est mort à 65 ans usé, brisé par une vie de très dur labeur. C'était il n'y a pas si longtemps, l'âge de la retraite était alors à 65 ans, et il n'a profité de la retraite que pendant quelques semaines. Quelle sera la durée de vie des retraités, monsieur le ministre ?

M. Jean-Louis Carrère.  - Il n'écoute pas !

M. Bernard Frimat.  - Son comportement est scandaleux !

Mme Raymonde Le Texier.  - C'est une stratégie.

M. Roland Courteau.  - Est-il choquant que les travailleurs aient quelques années de retraite ? Votre seule réponse est : « qu'ils travaillent plus longtemps », mais vous demandez-vous s'ils le pourront vraiment ?

M. Alain Vasselle.  - Ils choisiront librement !

M. Roland Courteau.  - Il est très préoccupant que cette mesure n'ait été préparée par aucune concertation avec les syndicats. Étrange conception du dialogue social ! Décidément, il avait vu juste, ce représentant du Medef qui disait que le désordre de la politique du Gouvernement n'était qu'apparent et qu'il s'agissait en fait de remettre en cause les acquis sociaux de ces dernières années. (Applaudissements à gauche)

M. Jean-Claude Etienne.  - M. Courteau l'a dit, le texte voté à l'Assemblée nationale ne modifie pas les seuils. Je comprends que l'on s'interroge sur les intentions, mais c'est sur le texte qu'on nous demande de voter. Or la réalité est que l'âge de la vie bouge et qu'il bouge très vite, ce qui constitue une chance pour notre société. On dit que l'espérance de vie est de 83 ans pour les femmes et de 78 ans pour les hommes ; cependant ce calcul mesure la longévité moyenne, de la naissance à la mort, et ce qui nous intéresse ici est l'espérance de vie à 60 ou 65 ans ; les choses sont alors très différentes, et l'espérance de vie passe à 87 ans pour les femmes et à 82 ans pour les hommes. En pratique, quand on arrive à 60 ou 65 ans, on a encore un quart de siècle à vivre. Comment dès lors voulez-vous envisager les projets comme on le faisait il y a quinze ans ? Il est logique de se poser des questions et en discuter n'est pas aberrant. Je suis donc d'accord avec vous sur la baisse ou le maintien des seuils. Il me semble que le ministre a pris des engagements et je souhaiterais qu'il les confirme.

S'il est vrai que l'espérance de vie a augmenté, jusqu'à quel âge jouit-on d'une bonne santé ? Selon une étude de l'Inserm, les hommes vivent sans gros ennui de santé jusqu'à 68 ans et les femmes jusqu'à 69 ans.

Selon l'Observatoire européen des espérances de santé, les hommes se sentent en bonne santé jusqu'à 68 ans, les femmes jusqu'à 70 ans ; au Danemark et au Royaume-Uni, on monte à 71 et 74 ans.

En ce sens, vous avez raison (on apprécie à gauche) : les cadres souhaitent souvent prolonger leur activité après 60 ans, tandis que, dans les professions où la pénibilité est plus forte, on souhaite plus rarement continuer le travail après cet âge, c'est bien normal.

M. Alain Gournac.  - Et la liberté de chacun ?

M. Jean-Claude Etienne.  - La pénibilité du travail influence l'appréciation, mais il faut prendre également en compte des aspects psychosociaux : au même âge, le travail sera pour certains un repère dans la vie, pour d'autres une source d'angoisse d'autant plus forte qu'on s'approche du terme de la vie.

Au total, je fais donc mienne cette opinion du philosophe Jeremy Bentham : chacun, à chaque âge, est seul juge de ce qui est le meilleur pour soi. Il n'y a pas de règle générale qui vaille pour tous : le choix doit être laissé à l'individu ! Nous avons trop vu les inconvénients d'une norme générale abstraite appliquée à tous. (Applaudissements à droite et au centre)

Mme Patricia Schillinger.  - Cet article est l'un des plus scandaleux de ce texte. Les députés de la majorité ont estimé que la suppression de la retraite d'office pourrait gêner les entreprises, ils ont donc adopté un amendement pour laisser aux salariés la faculté de continuer à travailler jusqu'à 70 ans, s'ils le souhaitent, limite à laquelle la retraite d'office s'appliquera de nouveau. Mais ne nous y trompons pas : les salariés ne disposeront pas d'une retraite suffisante, ils devront poursuivre leur travail au-delà de 65 ans, ce sera une quasi-obligation. Deux Français sur trois estiment que la possibilité de travailler jusqu'à 70 ans remettra en cause l'âge légal de départ à la retraite, ils ne sont pas dupes ! Pour le Gouvernement, la solution miracle consisterait à travailler toujours plus : après la fin des 35 heures, les heures supplémentaires, le travail du dimanche et les 41 annuités, voici qu'on travaillera jusqu'à 70 ans !

La pénibilité n'est pas prise en compte. Or, pour les maçons, pour ceux qui travaillent à la chaîne, la pénibilité est un facteur évident d'usure plus rapide au travail : l'espérance de vie d'un ouvrier est de 7 ans inférieure à celle d'un cadre ! Monsieur le ministre, à part la précarité, vous proposez quoi ?

Ces mesures, bien sûr, n'ont donné lieu à aucune concertation ! Il aurait fallu un vrai débat, plutôt que de négocier sur un coin de table. Les seniors travaillent moins en France qu'en Europe, ils peinent à trouver de l'emploi. Pourquoi, dans ces conditions, autoriser le travail jusqu'à 70 ans, sinon pour retarder le paiement des retraites ?

Cet article remet également en cause la solidarité intergénérationnelle. Ce n'est pas aux plus anciens de continuer à travailler après 65 ans pour financer les allocations versées aux jeunes chômeurs en recherche d'emploi !

M. Michel Mercier.  - Notre débat montre bien que cette question revêt une dimension humaine qui nous touche tous. Je ne crois pas que la mesure vise à allonger la durée du travail. Je me souviens que ma grand-mère, qui était confectionneuse... (Mme Bernadette Dupont s'exclame) Vous ne voulez donc pas que je parle ? On peut tout autant lever la séance... Ma grand-mère et mes parents, donc, ont dû travailler 50 ans avant d'espérer une retraite. Le progrès technique doit être partagé et contribuer à la réduction du temps de travail.

M. Guy Fischer.  - C'est certain !

M. Michel Mercier.  - Cependant, entre 40 ans et 50 ans de travail, il y a de la marge, donc de la place pour le débat ! Mais j'ai deux regrets.

Monsieur le ministre, je regrette que vous n'ayez pas mieux défendu votre texte à l'Assemblée nationale, il était bien meilleur que celui qui nous arrive. Vous vouliez permettre aux salariés qui le souhaitent de travailler plus longtemps avant de faire valoir leurs droits à la retraite. C'est une bonne chose, car la retraite couperet m'a toujours paru une facilité pour se séparer de salariés sans leur verser d'indemnités de licenciement. Si l'on autorisait plus généralement les salariés à travailler après 65 ans, on rendrait plus difficile de telles pratiques et nous donnerions un droit nouveau aux salariés. Au lieu de quoi, la limite posée à 70 ans pousse à croire qu'elle n'est là que pour fixer la durée des cotisations.

Il ne devrait y avoir qu'une seule échéance : l'âge de 60 ans, à partir duquel chacun pourrait faire valoir son droit à la retraite, s'il le souhaite, avec des dispositions spécifiques pour tenir compte de la pénibilité et des carrières longues.

En outre, ce texte n'intègre pas les résultats de la négociation sur la pénibilité, et c'est dommage, car la pénibilité est une donnée essentielle du problème. On peut être usé par le travail à 50 ans, ou au contraire pouvoir le continuer jusqu'à 70 ans : on ne peut traiter tout le monde de la même façon.

Nous aurions donc pu reconnaître un droit nouveau aux salariés, celui de prendre sa retraite à 60 ans, au choix, avec des ajustements pour tenir compte de la pénibilité et des carrières longues : c'est une occasion manquée ! (Applaudissements au centre)

M. le président.  - Amendement n°186, présenté par M. Fischer et les membres du groupe CRC.

Supprimer cet article.

Mme Isabelle Pasquet.  - Le droit d'accès à la retraite préoccupe nos concitoyens, les jeunes générations redoutent le sort que l'avenir leur réserve. La retraite par capitalisation, à laquelle le Gouvernement essaie d'habituer nos compatriotes, ne rencontre guère le succès : seulement 334 000 salariés ont conclu un Perco, ce résultat est anecdotique.

Nous savons bien que les mesures provisoires, expérimentales, temporaires et volontaires deviennent, avec le temps, générales et obligatoires. Nous vous avons écouté, monsieur le ministre, lors de la discussion générale et nous nous doutions que vous alliez évoquer l'exemple du professeur Montagnier. Mais il y a aussi des millions de Français anonymes qui n'aspirent qu'à une chose : le droit de percevoir une retraite leur permettant de vivre dignement. Que faites-vous de cette liberté-là ?

Certes, le droit à la retraite à 60 ans est maintenu, mais quel en sera le taux ? Après avoir individualisé les relations de travail, vous faites de même pour l'après-travail, alors qu'une solution solidaire est nécessaire, surtout en ces périodes de crise. (Applaudissements à gauche)

M. le président.  - Amendement identique n°301, présenté par Mme Demontès et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Mme Annie Jarraud-Vergnolle.  - Cette disposition relative au départ à la retraite marque un recul inacceptable.

Le dispositif permettant le départ à la retraite avant 60 ans pour les salariés ayant débuté leur carrière professionnelle très tôt était une mesure de justice sociale. Or vous le supprimez.

En second lieu, vous présentez un article permettant aux salariés de travailler jusqu'à 70 ans. Vous allez ouvrir ainsi la porte à toutes les dérives et à toutes les inégalités. Sous prétexte d'offrir plus de libertés aux salariés, cette provocation remet en cause la retraite à 60 ans. Qu'en est-il d'ailleurs de la liberté des personnes de moins de 60 ans qui ont droit à la retraite et qui désormais devront rester à leur poste ? Qu'en est-il de la liberté alors que des personnes en bonne santé pourront continuer à travailler pour augmenter le montant de leur retraite tandis que d'autres, usées par le travail, seront obligées de s'arrêter ? Sous prétexte de liberté, ce dispositif est injuste et prépare un report de l'âge de la retraite.

Face à l'émotion que suscitent ces différentes mesures, nous vous demandons de permettre aux personnes ayant travaillé depuis l'âge de 14 ans de conserver leurs droits à la retraite et de vous engager à revenir sur cet article qui repousse l'âge de la retraite à 70 ans. (Applaudissements à gauche)

M. Nicolas About, président de la commission.  - Mais on ne repousse rien !

M. le président.  - Amendement n°187, présenté par M. Fischer et les membres du groupe CRC.

Rédiger comme suit cet article :

La loi n° 2003-775 du 21 août 2003 portant réforme des retraites est abrogée.

M. Guy Fischer.  - Depuis 2003, les attaques des gouvernements de droite contre le droit à la retraite pour tous ne cessent de se multiplier, et la loi Fillon du 21 août 2003 en est le parfait exemple. C'est pourquoi nous entendons la supprimer : on peut toujours rêver.

M. Nicolas About, président de la commission.  - Mais oui !

M. Guy Fischer.  - On nous disait à l'époque qu'en échange de l'effort de tous, c'est-à-dire des salariés, cette loi assurerait les retraites de demain et qu'elle permettrait de revenir à l'équilibre. Or, tel n'est pas le cas. Les salariés, quant à eux, continuent à faire des efforts. Vous avez allongé la durée de cotisation, afin de tenir compte du papy-boom.

Il était pourtant possible de mettre en oeuvre une réelle politique de l'emploi en limitant le recours au temps partiel, en améliorant les conditions de travail, en permettant aux entreprises d'être plus productives, même si nous sommes déjà un des pays les plus productifs de l'Union européenne.

Mais vous avez préféré réduire les pensions de nos concitoyens en instaurant un mécanisme de décote à l'encontre des fonctionnaires. En outre, toutes les pensions ont diminué en raison de leur indexation sur les prix et non sur les salaires. Enfin, la loi Fillon a permis l'émergence des Perco, ces chevaux de Troie de la retraite par capitalisation, censés venir concurrencer notre régime de retraite solidaire, assis sur la répartition et fondé sur la solidarité nationale. Avec la crise financière mondiale, on voit les bienfaits de la retraite par capitalisation : les retraités américains se retrouvent pour la plupart privés de ressources !

Il y avait pourtant d'autres possibilités, comme l'augmentation des cotisations patronales. Mais vous l'avez refusé sous prétexte de ne pas accroître le coût du travail. Cela devient d'ailleurs une idée fixe : le RSA en est la preuve. Il sera d'ailleurs intéressant de voir comment le RSA pèsera sur le niveau de rémunération des salariés.

M. Nicolas About, président de la commission.  - Nous verrons !

M. Guy Fischer.  - Nous en discuterons demain avec M. Hirsch.

Nous aurions pu aussi taxer les stock-options, les parachutes dorés, les attributions d'actions gratuites... Bref, faire participer la sphère économique et financière à notre système de retraite.

Mais vous n'avez cure de toutes ces propositions et les Français subissent vos réformes injustes.

M. le président.  - Amendement n°188, présenté par M. Fischer et les membres du groupe CRC.

Rédiger comme suit cet article :

L'article 4 de la loi n° 2003-775 du 21 août 2003 portant réforme des retraites est ainsi rédigé :

« Art. 4. - La Nation assure à un salarié ayant travaillé à temps complet et disposant d'une durée d'assurance de 37,5 annuités, le bénéfice d'une pension garantie à au moins 75 % du salaire brut moyen. »

Mme Isabelle Pasquet.  - Alors que vous voulez rallonger la durée légale de cotisation et que vous entendez laisser les salariés travailler jusqu'à 70 ans, nous vous proposons un autre projet de société. Il est en effet nécessaire, urgent et possible de revenir à la règle des 37,5 annuités pour ouvrir droit à une retraite à taux plein correspondant à 75 % du salaire brut.

Les retraites ne sont en effet pas des charges et elles n'handicapent pas l'économie de notre pays. Il est inacceptable, alors que des milliards s'échangent quotidiennement en bourse, que les pensions de nos concitoyens ne cessent de se réduire. Cette diminution est due à l'indexation des pensions sur les prix et à l'allongement des durées de cotisations qui conduisent bon nombre de nos concitoyens à quitter leur emploi avant d'avoir cotisé suffisamment pour bénéficier d'une retraite à taux plein.

Alors oui, nous en appelons à une autre logique financière ! Il faut créer les conditions d'un financement dynamique et solidaire des retraites en relevant la part des salaires dans la valeur ajoutée globale. Plus de salaires, c'est à la fois plus de cotisations et de consommation. Il faut réformer l'assiette des cotisations sociales patronales en instaurant une modulation, un malus-bonus en fonction de la politique salariale des entreprises. De même, nous proposons d'étendre les prélèvements sociaux à tous les revenus financiers, à l'exception de ceux de l'épargne populaire, et d'inciter fiscalement et socialement les entreprises à mieux rémunérer leurs salariés. En outre, il conviendrait de contrôler l'utilisation des fonds publics accordés aux entreprises en interdisant les licenciements à celles ayant bénéficié de telles aides. Enfin, il faut démocratiser notre système de protection sociale en permettant, par exemple, aux salariés d'élire directement leurs représentants dans les conseils d'administration.

La propension du Gouvernement à débloquer plusieurs milliards en quelques heures nous conforte dans l'idée qu'il y a de l'argent...

M. Nicolas About, président de la commission.  - Mais non !

Mme Isabelle Pasquet.  - ...et qu'il suffit d'en repenser l'utilisation. (Applaudissements à gauche)

L'amendement n°459 n'est pas défendu.

M. le président.  - Amendement n°356 rectifié bis, présenté par MM. Adnot, Darniche, Mme Desmarescaux, MM. Masson, Türk et Dassault.

Compléter l'avant-dernier alinéa du 4° du I par les mots :

, sauf en cas d'inaptitude manifeste du salarié à poursuivre l'exercice de son activité professionnelle ou lorsque cette dernière ne répond plus aux besoins de l'employeur

M. Philippe Adnot.  - Je me réjouis que l'on donne plus de libertés à ceux qui souhaitent travailler plus longtemps. Je regrette en revanche que l'on ne pense pas assez à la liberté des entrepreneurs. (Exclamations ironiques sur les bancs socialistes) Je crains que cette mesure ne provoque en définitive beaucoup de litiges. Lorsqu'un salarié a travaillé de nombreuses années dans la même entreprise, l'entrepreneur sera tenté de le garder jusqu'à 65 ans, même si sa productivité est moindre. Mais ensuite, si le salarié souhaite continuer à travailler, l'entrepreneur n'aura comme seule solution que de le garder ou de provoquer un licenciement économique : il devra alors payer les indemnités de licenciement et de départ à la retraite, alors qu'il aura accepté que son salarié reste jusqu'à 65 ans.

Tout le monde va voter cet article (on s'en défend à gauche) en estimant que c'est une bonne manière faite aux salariés mais, ce faisant, vous oublierez les entreprises. Je crains que ce dispositif n'aboutisse à l'effet inverse de celui que vous recherchez.

M. le président.  - Amendement n°245 rectifié ter, présenté par Mme Procaccia, MM. Etienne, Milon, Jacques Blanc, Cambon, Mmes Panis, Bernadette Dupont, Sittler, Lamure, Papon, Rozier et Mélot.

Avant le dernier alinéa du 4° du I de cet article, insérer deux alinéas ainsi rédigés :

« L'employeur peut faire vérifier par un médecin assermenté l'aptitude du salarié à poursuivre son activité sur l'emploi qu'il occupe.

« Si le salarié n'est pas apte à poursuivre son activité, l'employeur peut faire usage de la possibilité mentionnée au 1° de l'article L. 351-8 du code de la sécurité sociale.

Mme Catherine Procaccia.  - Cet amendement a été rédigé en tenant compte de mon vécu professionnel, de celui des salariés et non pas des entrepreneurs.

N'en déplaise à certains, à 70 ans, on peut être encore jeune et actif ! (Sourires) La retraite couperet à 65 ans n'est pas satisfaisante. On ne commence pas à travailler à 20 ans et souvent, à 65 ans, on n'a pas cotisé pendant 40 ans !

Il faut prendre en compte les besoins de ces salariés mais aussi des entreprises. Certains salariés ne veulent pas prendre leur retraite car ils s'ennuient chez eux, ou ne supportent pas leur conjoint... (Exclamations à gauche) Dans une grande entreprise, on peut leur trouver un poste moins fatigant, par exemple, mais quid des PME ou des TPE ? Le licenciement n'est pas adapté. Notre amendement offre au chef d'entreprise qui s'interroge la possibilité de demander un avis médical. La commission a préféré que l'avis soit rendu par un médecin assermenté, même si, pour ma part, j'ai confiance dans la médecine du travail. (Applaudissements sur certains bancs UMP)

M. Dominique Leclerc, rapporteur de la commission des affaires sociales pour l'assurance vieillesse.  - Avis défavorable, bien entendu, aux amendements de suppression et à ceux qui remettent en cause la réforme de 2003.

L'âge de la retraite reste fixé à 60 ans. La loi de 2003 visait à favoriser l'emploi des seniors en incitant les entreprises à conserver les salariés et en laissant à ces derniers le libre choix du moment où quitter le monde du travail.

Je rappelle que partir à taux plein veut dire partir sans décote, mais pas obligatoirement en ayant acquis la totalité des droits dont on pourrait jouir.

La France a le plus faible taux d'emploi des seniors en Europe ; c'est aussi le pays où l'on rentre le plus tard dans le monde du travail. Il faut agir à la fois en amont et en aval. L'âge couperet disparaît : ceux qui le souhaitent pourront aller au bout de leur volonté.

Je comprends l'inquiétude de M. Adnot.

M. Nicolas About, président de la commission.  - Nous aimons tous les entreprises. Il n'y a pas les bons d'un côté et les méchants de l'autre !

M. Dominique Leclerc, rapporteur de la commission des affaires sociales pour l'assurance vieillesse.  - Absolument. Il y a une culture d'entreprise.

M. Jean-Pierre Bel.  - Les syndicalistes ont la culture d'entreprise !

M. Dominique Leclerc, rapporteur de la commission des affaires sociales pour l'assurance vieillesse.  - Nous avons beaucoup débattu en commission de la proposition de Mme Procaccia, qui est pertinente mais non sans risque : ne risque-t-on pas des saisines abusives pour des mises à la retraite d'office ? Sagesse.

M. Xavier Bertrand, ministre.  - Je demande à M. Adnot et à Mme Procaccia de bien vouloir retirer leurs amendements. Sur ce dossier, il faut faire simple : ne compliquons pas en créant une nouvelle procédure de reconnaissance de l'inaptitude. Le vrai sujet, c'est de ne plus chasser les salariés de l'entreprise à 65 ans. Les indemnités de fin de carrière qui existent aujourd'hui ne sont pas neutres pour les entreprises : le nouveau système ne doit pas tout bouleverser, d'autant que la rupture peut être négociée, elle n'est pas forcément conflictuelle.

Madame Procaccia, vous aurez à vous prononcer sur la médecine du travail à l'issue des négociations en cours. Il y a beaucoup à faire, en matière de prévention comme de suivi, notamment pour certaines branches d'activité. Je sais que vous déposerez un amendement si vous n'êtes pas satisfaite du résultat ! Mais ne complexifions pas les choses ce soir.

Je sais qu'il est inutile de demander à la gauche de retirer ses amendements... Mais votre réveil est bien tardif : dès le 28 avril, j'ai envoyé au président Bel et à la présidente Borvo Cohen-Seat ce document d'orientation, transmis à l'ensemble des partenaires sociaux. (Le ministre brandit une brochure) Tout y est, notamment l'objectif d'une pension égale à 85 % pour les salariés au Smic. Toutes les réponses, toutes les garanties sont là. Je n'ai jamais reçu la moindre remarque de votre part !

M. Jean-Pierre Bel.  - Nous sommes ici pour ça !

M. Xavier Bertrand, ministre.  - C'est page 4, noir sur blanc : la mise à la retraite d'office est supprimée.

Mme Raymonde Le Texier.  - Ce n'est pas ça qui nous gêne !

M. Xavier Bertrand, ministre.  - Pourquoi ne vous êtes-vous pas exprimés lors du débat en juin sur l'emploi des seniors ?

La retraite reste à 60 ans, aucune condition financière n'est modifiée. Nous ne changeons pas le code de la sécurité sociale, qui fixe l'âge de la retraite, mais le code du travail ! Assez de caricature. Dans de nombreux pays, gauche et droite se retrouvent sur la question des retraites et de la protection sociale. Ailleurs, d'autres en restent aux postures... Il n'y a pourtant pas 36 solutions !

La retraite reste à 60 ans, mais un salarié de 65 ans qui se sent bien, qui veut rester en activité ne sera plus automatiquement mis à la retraite. Souvenez-vous du cas du professeur Montagné : plus jamais ça, avait-on dit. Mais il faut une loi. Dois-je rappeler l'affaire Guy Roux ? Et Jean-Yves, de Lille, cet anonyme que l'on met dehors alors qu'il veut rester ? Il y en a des milliers comme lui ! Si l'on n'enlève rien aux millions qui ne veulent rien changer, pourquoi interdire aux quelques milliers qui le souhaitent de rester en activité ? (Applaudissements à droite)

Dans une société où l'on vit de plus en plus longtemps, pourquoi refuser de permettre de travailler plus longtemps, tant qu'on apporte des garanties.

Quand on a commencé à travailler à 14, 15 ou 16 ans, on a le droit de ne pas aller jusqu'à 60 ans. C'est cette majorité qui l'a voulu, car ces salariés symbolisent la valeur travail.

Cela coûte entre 2 et 2,5 milliards par an. Mais c'est la fierté de ce Gouvernement d'avoir maintenu ce dispositif.

Il y a aussi des secteurs d'activité où l'on est cassé physiquement avant 60 ans. Et c'est pour cela qu'il faudra reconnaître la pénibilité du travail. Et ce n'est pas simple : si c'était simple, des propositions de loi auraient été présentées depuis longtemps. Mais il n'est pas facile de déterminer qui fait un métier pénible, ni à partir de combien d'années d'exercice l'espérance de vie diminue. Car le vrai scandale, c'est l'écart de sept années entre celles d'un cadre supérieur et d'un ouvrier. Il est vrai aussi que le débat sur la pénibilité a été retardé par le dispositif décidé en faveur des carrières longues, lequel a permis à beaucoup de ceux qui exercent un métier physiquement dur de partir en retraite avant 60 ans. Mais j'ai repris le dossier, je rencontre chaque semaine les partenaires sociaux en vue d'aboutir à un accord tripartite ; il faut aussi s'assurer du financement...

L'âge de la retraite reste fixé à 60 ans mais, de grâce, n'interdisez pas à ceux qui le veulent de continuer à travailler et permettez à ceux qui ont exercé un métier pénible de partir avant. Nous mettons au point un système qui offre plus d'équité, plus de souplesse, plus de liberté !

M. le président.  - Sur les amendements de suppression nos186 et 301, je suis saisi d'une demande de scrutin public par les groupes socialiste et CRC.

M. Guy Fischer.  - Nous sommes en total désaccord avec le Gouvernement. La date du 18 novembre 2008 restera dans les mémoires comme celle d'une journée noire où Nicolas Sarkozy, sa majorité UMP et le Medef auront insidieusement repoussé l'âge de la retraite jusqu'à 70 ans. Insidieusement, car, comme pour le travail du dimanche, ils se cachent derrière un pseudo-volontariat. C'est une régression sans précédent de nos acquis sociaux. (Applaudissements à gauche)

M. Jean-Pierre Bel.  - Monsieur le ministre, vous avez interpellé les présidents de groupes socialiste et communiste de façon un peu cavalière. Bien sûr, nous recevons des courriers des ministres, nous les examinons avec attention et, quelquefois, nous travaillons sur certaines de leurs orientations. Mais nous sommes ici au Sénat et je considère qu'il existe un temps parlementaire propre, que nous sommes en droit d'utiliser. Les questions importantes ne se règlent pas par courrier ni par accusé de réception. Il y a ici ceux qui pensent que vous nous proposez une nouvelle liberté et ceux qui soupçonnent que vous êtes en train de préparer les esprits à un recul de l'âge de la retraite. Nous sommes des parlementaires, nous sommes majeurs ; alors, ne nous donnez pas de leçons ! Les présidents de groupe ont le droit de choisir leur terrain d'action ! (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Bernard Cazeau.  - Après avoir sonné le glas des 35 heures et avant d'étendre le travail du dimanche, voilà que le Gouvernement a décidé de répondre de la plus mauvaise manière à un vrai problème, celui de l'emploi des seniors, à l'occasion de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale. A l'origine, avec l'article 61, vous envisagiez, assez subtilement, de retirer aux employeurs la possibilité de mettre leurs salariés à la retraite d'office à 65 ans. Un amendement de votre majorité a permis d'aller plus loin, en repoussant à 70 ans la mise à la retraite d'office, démasquant ainsi votre véritable intention. Cet amendement ouvre la boîte de Pandore et nous fait mettre le doigt dans l'engrenage. Dès lors qu'on peut travailler jusqu'à 70 ans, demain, peut-être, nous aurons à discuter de l'allongement continu de la durée requise de cotisation !

M. Guy Fischer.  - Eh oui !

M. Bernard Cazeau.  - Pour justifier cette élévation de l'âge de la retraite, vous n'avez pas hésité à évoquer la liberté et le libre choix des salariés. Mais les salariés sondés ont compris ce qu'il en était et ils sont plus des deux tiers à refuser cette régression sociale : 73 % des ouvriers et 79 % des employés ! Vous déclariez la semaine dernière que le recul de la retraite obligatoire à 70 ans répondait à une absurdité juridique, celle de la barrière d'âge de la mise à la retraite d'office à 65 ans. Pour vous, c'est le principal frein à l'envie des Français de travailler plus longtemps. En réalité, c'est votre argumentaire qui est absurde. Pour travailler jusqu'à 70 ans, encore faut-il que les entreprises ne se débarrassent pas systématiquement des plus de 55 ans ! C'est là-dessus qu'il faut faire des amendements ! (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Alain Vasselle.  - Il y a des sanctions prévues !

M. Bernard Cazeau.  - Le taux d'emploi des seniors de 55 à 64 ans n'est que de 38 % en France, contre 42,5 % en moyenne européenne. Vous masquez les vraies questions, celles qui ont trait à la pénibilité du travail et à un financement viable des retraites. Nous voterons l'amendement de suppression. (Applaudissements à gauche)

M. Claude Domeizel.  - J'ai eu en main vos écrits du 28 avril. Il y est précisé en note que les mises en retraite d'office seraient supprimées. Nous n'avions pas à répondre. Nous avons seulement pensé que cela annonçait une grande loi sur les retraites, conformément à ce qui avait été prévu en 2003 et à ce qu'avait promis le candidat Sarkozy. Mais jamais nous n'aurions imaginé que vous alliez ainsi procéder, par petites touches. Cette rafale de reculs dans les âges de départ en retraite, le passage de 40 à 41 années de cotisation, tout cela vise à préparer les esprits et à faire accepter que ce qui est maintenant facultatif devienne un jour la règle. (Vives protestations à droite)

M. Alain Vasselle.  - Cessez vos procès d'intention !

M. Alain Gournac.  - Changez de disque !

M. Claude Domeizel.  - Je comprends que mes propos vous gênent mais j'aimerais pouvoir continuer. Vous dites que le droit de partir à la retraite à 60 ans n'est pas remis en cause, mais je ne vous crois pas. Le Conseil d'orientation des retraites, à la demande du Medef, n'a-t-il pas procédé à l'évaluation des conséquences financières du report de l'âge de départ à la retraite à 61, 62, 63, 64 ou 65 ans ? C'est inadmissible. L'article 61 nous prépare à une remise en cause de l'âge de la retraite : c'est pourquoi je voterai avec conviction les amendements de suppression. (Applaudissements à gauche)

A la demande du groupe CRC, les amendements de suppression n°s186 et 301 sont mis aux voix par scrutin public.

M. le président.  - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 341
Nombre de suffrages exprimés 337
Majorité absolue des suffrages exprimés 169
Pour l'adoption 148
Contre 189

Le Sénat n'a pas adopté.

L'amendement n°187 n'est pas adopté.

M. Jean Desessard.  - Je ne veux pas laisser propager l'idée selon laquelle il y aurait d'un côté les partisans de la liberté, de l'autre côté les défenseurs bornés des acquis. (On ironise bruyamment à droite) Dans une société comme la nôtre, ce qui avantage les uns désavantage les autres. Je vous en donnerai un exemple, dans un domaine tout autre que celui des retraites. Lorsque la télévision en couleur est apparue, nous avions, moi et ma famille, un téléviseur en noir et blanc. Au début, cela ne posait pas de problème : quelques privilégiés avaient la télévision en couleur, sans que cela nuise aux autres. Mais le moment est venu où les présentateurs ont commencé à montrer des cartes en couleur, et à y désigner des zones jaunes et des zones rouges... (Rires) Avec notre téléviseur en noir et blanc, impossible de voir la différence ! Ce qui avait avantagé les uns, en fin de compte, nous désavantageait.

De la même manière, la liberté accordée à quelques-uns de partir plus tard à la retraite finira par devenir la norme et une contrainte pour les autres.

La vraie liberté, ce serait d'accorder à ceux qui n'ont pas cotisé assez longtemps au moment où ils atteignent l'âge de la retraite, le droit de continuer à travailler afin d'augmenter leur nombre d'annuités ! La vraie liberté, ce serait d'accorder des droits sociaux à ceux qui souffrent, afin de leur permettre de vivre dignement pendant leur retraite ! (Applaudissements sur les bancs socialistes)

J'ai participé au groupe de travail sur la crise financière. J'ai pu m'y rendre compte que certains s'en étaient mis plein les poches en mettant en danger l'épargne ! On peut bien refuser de les appeler des méchants ou des rapaces...

M. Jean-Marc Todeschini.  - Ce sont des voyous !

M. Jean Desessard.  - La liberté, dans une société capitaliste inégalitaire comme la nôtre, c'est la liberté accordée à quelques uns d'avoir toujours plus, et de laisser toujours moins aux autres. C'est seulement dans une société solidaire qu'une véritable liberté serait possible.

Seuls les salariés bien payés, qui ont un travail intéressant, voudront travailler au-delà de l'âge de la retraite. On pourrait penser que c'est une bonne chose de permettre aux gens de travailler plus longtemps, par exemple s'ils en ont assez de leur conjoint... (Sourires) Mais vous avez ôté tout plafond de cumul de ressources, à l'article 59 : cela montre bien que cette mesure est destinée aux plus favorisés !

Mme Catherine Procaccia.  - Caricature !

M. Jean Desessard.  - Cet article 61 est idéologique, et il favorise certaines classes sociales au détriment des autres. (Applaudissements à gauche)

M. Alain Vasselle.  - Et votre opposition, elle n'est pas idéologique ?

L'amendement n°188 n'est pas adopté.

M. Philippe Adnot.  - Je conviens que mon amendement n°356 rectifié bis n'est pas satisfaisant : une telle mesure relève de la négociation entre les partenaires sociaux. Je retire donc l'amendement. Mais je souhaitais attirer l'attention sur les problèmes que soulève cet article, et sur les situations conflictuelles qui risquent d'apparaître au sein des entreprises. Il faut tenir compte des difficultés des employeurs sinon il faudra revenir sur la question.

L'amendement n°356 rectifié bis est retiré.

Mme Catherine Procaccia.  - Je n'ai pas l'habitude de retirer les amendements que je dépose, mais j'accepte de retirer l'amendement n°245 rectifié bis, suivant les suggestions de mes cosignataires. Nous souhaitons toutefois que, dans le cadre des négociations entre les partenaires sociaux, il soit décidé que le médecin du travail peut être saisi par l'employeur. Si ce n'est pas le cas, je déposerai une proposition de loi pour modifier le code du travail. (Applaudissements à droite et au banc des commissions)

L'amendement n°245 rectifié bis est retiré.

M. le président.  - Mme David va expliquer son vote sur l'article. (Marques de lassitude à droite)

M. Nicolas About, président de la commission.  - C'est effectivement nécessaire ! (Sourires)

Mme Annie David.  - Je voterai résolument contre cet article. Le ministre s'est voulu rassurant mais il m'a confortée dans ma position : le salariés que vous voulez voir continuer à travailler ne devront pas être trop mal en point, ce seront seulement les cadres de haut niveau.

Cet article est un mauvais signal envoyé à nos concitoyens à qui vous dites qu'il est impossible, malgré leur travail des années durant, malgré leurs cotisations et l'allongement de durée de cotisation, de prétendre à une pension de retraite digne. Je voudrais également dire combien cet article est, dans sa construction même, scandaleux. Il est issu d'un amendement défendu par un député de la majorité, qui modifie considérablement le droit en vigueur ; le Gouvernement, qui ne cesse de répéter combien il est attaché au dialogue social, ne s'est pas opposé à son adoption. Pourtant, les partenaires sociaux n'ont pas été consultés. Vous pressentiez leurs réactions et sans doute vouliez-vous éviter une mobilisation comme celle qu'avait subie en son temps M. Juppé.

Je vous ai même entendu, monsieur le ministre, défendre cet amendement sous prétexte qu'il serait le fruit du travail parlementaire, qu'il montrait un renforcement du rôle du Parlement ! Savez-vous dans quelles conditions ce projet de loi de financement de la sécurité sociale est étudié au Sénat ? Il a eu moins d'une semaine pour y travailler depuis son adoption par l'Assemblée nationale.

M. Nicolas About, président de la commission.  - C'est exact

Mme Annie David.  - Nous avons dû y consacrer samedi, dimanche et jour férié. Est-ce cela revaloriser le rôle du Parlement ?

M. Nicolas About, président de la commission.  - Non, et ce comportement est scandaleux.

Mme Annie David.  - Les partenaires sociaux n'ont pas été consultés sur ce sujet. Vous avez trahi votre engagement en matière de temps de travail en ne respectant pas les conclusions de la position commune. Vous privez les organisations syndicales présentes dans les conseils d'administration des établissements publics de santé de la moindre information les concernant dès lors que l'hôpital est placé sous administration provisoire, vous poursuivez l'allongement de la durée de cotisations sans les consulter. La liste n'est pas close ! (On évoque le temps de parole à droite)

Ils apprécieront que, sous prétexte de respecter la prétendue liberté des uns à travailler plus longtemps, vous durcissiez les conditions d'accès au mécanisme de départ anticipé à la retraite pour carrières longues. Ceux de nos concitoyens qui ont travaillé depuis l'âge de 14 ans devront avoir cotisé 172 trimestres ! Ils sont libres, mais une liberté payante puisqu'ils ne peuvent pas -et cela sera pire demain- bénéficier d'une retraite à taux plein. (Applaudissements sur les bancs CRC)

M. Alain Vasselle.  - Ce débat est assez éclairant sur l'urgence qu'il y a à modifier notre règlement intérieur ! (Applaudissements à droite et au centre)

M. le président.  - Le Sénat le fait à l'initiative de son nouveau président. Il est vrai que nous aurons passé deux heures sur cet article 61...

M. Guy Fischer.  - La majorité ne reconnaît plus à l'opposition le droit de parler ? Il en faudra davantage pour nous bâillonner !

L'article 61 est adopté.