Recherche et enseignement supérieur
Mme la présidente. - Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur » et les articles rattachés.
Orateurs inscrits
M. Philippe Adnot, rapporteur spécial de la commission des finances. - Madame la ministre, vous devez être une ministre heureuse : vous aviez déjà un budget confortable que l'actualité a permis d'augmenter considérablement. On ne peut en effet examiner les crédits de cette mission sans tenir compte des récents engagements du Président de la République et du Premier ministre. Nous voudrions savoir comment sera utilisée la vente de 2,5 % du capital d'EDF.
Tout cela vient après une autre avancée, le vote de votre loi instituant l'autonomie des universités. Malgré quelques manifestations, c'est un événement qui comptera et sera à l'origine de comportements différents et d'une réelle modernisation.
Le contexte est donc très favorable. Malgré cela, la commission des finances n'est pas....
M. Ivan Renar. - ...totalement satisfaite.
M. Philippe Adnot, rapporteur spécial. - Malgré cela, notre commission reste lucide, capable de critique positive et d'indépendance d'esprit.
Les crédits de la mission augmentent de 4,7 %. Si on intègre les crédits supplémentaires de l'Agence nationale de la recherche et d'Oseo ainsi que les dépenses fiscales, les dépenses en faveur de l'enseignement supérieur au sein de la mission augmenteraient de 6,1 % et celles en faveur de la recherche de 8,2 %.
Je m'interroge sur la portée réelle de la dépense fiscale et m'étonne qu'on puisse chiffrer aussi précisément ce qu'elle va rapporter. Enfin, de puissants esprits peuvent le faire...
L'augmentation du compte d'affectation spéciale « pensions civiles » représente pour les programmes de l'enseignement supérieur` 32 % des moyens supplémentaires en crédits de paiement. En outre, une part importante de l'augmentation résulte du respect des engagements pris par l'État les années précédentes, notamment dans les contrats de plan États-Régions 2000-2006 ce dont, bien entendu, je me félicite. Mais tout cela ne donne pas de crédits supplémentaires à nos universités. Madame la ministre, comment sera utilisé le produit de la vente des titres EDF ?
Je me réjouis de l'augmentation des moyens pour financer le plan « licence ». Après le vote de l'Assemblée nationale, vous avez obtenu 35 millions et nous comptons nous-mêmes apporter notre pierre à l'édifice pour aider à la réussite de ces étudiants dont on connaît le taux d'échec, notamment lors de la première année.
Autre motif de satisfaction : la rénovation du système des bourses qui a été accompagnée de moyens supplémentaires, pour partie rendus disponibles par la suppression de l'allocation de rentrée créée l'année dernière. Encore faudra-t-il veiller à exiger une contrepartie et faire en sorte que les bourses aillent aux vrais étudiants et non à ceux qui veulent seulement profiter de ce statut.
Enfin, je me réjouis du financement des contrats de plan État-régions (CPER) qui iront à la maintenance et à la sécurité des bâtiments. La commission des finances se félicite de l'accueil réservé par les présidents d'université à la loi du 10 août 2007. Encore faut-il veiller à ce qu'ils disposent des ressources humaines nécessaires et d'une comptabilité analytique. Nous partageons votre ambition pour l'insertion professionnelle des jeunes.
L'immobilier universitaire : auparavant, pour chaque université, l'important était de gagner des mètres carrés supplémentaires. Je m'interroge sur la pertinence d'un tel emploi des crédits issus de la vente des titres d'EDF ou des contrats de plan. Un exemple : dans notre CPER, nous avions prévu d'agrandir une bibliothèque universitaire ; mais les méthodes modernes de travail nous conduisent à envisager plutôt d'acquérir des moyens informatiques.
Sur le logement étudiant, j'avais prévu de déposer un amendement mais vous avez trouvé l'argument qui m'en a dissuadé. Vous avez obtenu des crédits supplémentaires : c'est une erreur ! Le ministère de la recherche n'a pas à financer le logement étudiant. C'est aux villes, aux collectivités, aux Offices ou aux investisseurs privés de le faire. Dans mon département, ils le font à moindre coût que le Crous ! (M. Arthuis applaudit)
L'État a une dette, de 3,75 millions, envers les établissements d'enseignement supérieur agricole privé. Les engagements pris en octobre 2003 n'ont pas été tenus : j'ai déposé un amendement à ce sujet.
Pour le Palais de la découverte, que je continue à suivre après mon rapport, les crédits sont disponibles mais les travaux de sécurité n'ont toujours pas commencé. Pouvez-vous nous confirmer qu'ils débuteront au premier trimestre 2008 ? La Recherche, pour sa part, a versé ce qu'elle devait. Le problème de la tutelle n'est toujours pas réglé. Il faut un véritable management dans cette affaire, sous peine de nous retrouver dans la même situation l'année prochaine.
À chaque fois que j'ai participé à une réunion, il m'est apparu que nul ne savait qui devait faire quoi et dans quel délai. Le Palais de la découverte est actuellement ouvert, sous la responsabilité de son directeur, malgré l'avis défavorable de la commission de sécurité. D'autres établissements connaissent une situation analogue, puisque 168 avis défavorables ont été maintenus malgré les travaux effectués. Il est temps d'améliorer la situation.
Lucide quant aux perspectives d'avenir, mon rapport traduit mon admiration pour votre capacité à mobiliser des moyens supplémentaires. Vous avez une influence sur le Président de la République. (Rires) Je vous en félicite ! (Applaudissements au centre et à droite)
M. Christian Gaudin, rapporteur spécial de la commission des finances. - Le programme « recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires » résulte d'un amendement proposé par notre commission l'an dernier. Regroupant un peu plus de 5 milliards d'euros, il finance tout d'abord les grands organismes publics de recherche, comme le CNRS, l'Inserm ou l'Inria. Vient ensuite l'Agence nationale de la recherche (ANR), budgétée pour la première fois cette année comme nous l'avions demandé fin 2006. Enfin, ce programme regroupe les moyens de pilotage de la recherche, avec notamment l'administration centrale et le Haut conseil de la science et de la technologie.
Je me félicite de l'effort consenti cette année. À périmètre constant, les crédits de la recherche augmentent de 3,4 %, soit plus que l'application de loi programme d'avril 2006. En outre, cet effort équilibré profite aux organismes de recherche, à l'ANR -dont les crédits d'intervention passent de 825 millions d'euros à 955- et au crédit d'impôt recherche, triplé et déplafonné par l'article 39.
Cependant, cette satisfaction doit être nuancée.
Le taux de cotisation des établissements publics à caractère scientifique et technologique passera le 1er janvier de 39,5 % à 50 % et 95 des 112 millions supplémentaires alloués au CNRS en 2008 seront absorbés par cette dépense nouvelle...
D'autre part, on peut se demander si la vocation de l'ANR ne risque pas d'être dévoyée à terme par la croissance très soutenue de ses dépenses « hors projet », qui augmenteront de 11,2 % -contre 8,8 % pour la partie « projet »- alors qu'elles représentent déjà un quart de son budget. Pourriez-vous nous éclairer sur la pertinence de ces financements ?
Enfin, des mesures substantielles en faveur de la recherche ont été annoncées lors du Grenelle de l'environnement. Le Président de la République a notamment souhaité qu'un milliard supplémentaire d'euros soit affecté en quatre ans à des recherches spécialisées. Or, ce budget -certes élaboré avant le Grenelle- n'en porte aucune trace, non plus que la programmation de l'ANR pour 2008. Je proposerai un amendement sur cette question.
Le programme « recherche dans le domaine de l'énergie » devra mettre l'accent sur les nouvelles techniques de l'énergie. A l'Assemblée nationale, le Gouvernement s'est engagé à augmenter de 15 millions d'euros le dividende versé par Areva au CEA, qui pourra utiliser cette somme pour ses recherches. Comment la dette du réseau de recherche sur les techniques pétrolières et gazières a-t-elle pu atteindre 29 millions d'euros ? Selon les documents budgétaires, elle doit être remboursée en trois ans, ce qui interdira au réseau de financer aucun projet.
Le principal enjeu de l'année 2008 pour le programme « recherche industrielle » sera la fusion d'Oseo et de l'Agence pour l'innovation industrielle. Comment le futur organisme sera-t-il financé, sachant qu'il sera presque exclusivement placé hors budget ?
Le programme « recherche spatiale » met en évidence une dette inquiétante du Centre national d'études spatiales (Cnes) envers l'Agence spatiale européenne, qui doit encore passer de 354 millions d'euros fin 2007 à 373 fin 2008. Dans ces conditions, il semble irréaliste d'espérer solder les comptes dans trois ans, sauf à envisager une réduction drastique des programmes de l'agence européenne, ou une augmentation massive de notre contribution. La place de la France comme moteur de la recherche spatiale est en jeu. Pour éviter toute nouvelle dérive financière, notre commission à demandé une enquête à la Cour des comptes, conformément à l'article 58 de la Lolf.
La présentation du programme « recherche duale »tient compte des critiques de notre ancien collègue Maurice Blin. Je m'étonne toutefois que la recherche duale soit réduite à la participation du ministère de la défense au Cnes et au CEA, alors que les grands organismes publics de recherche, les universités, l'ANR et Oseo-innovation pourraient mobiliser des acteurs publics et privés sur des problématiques duales.
La commission des finances recommande d'adopter les crédits, sous réserve de ses amendements. Elle est favorable à l'adoption conforme des articles 46,47 et 47 bis rattachés. (Applaudissements au centre et à droite)
M. Pierre Laffitte, rapporteur spécial de la commission des finances. - Le budget présenté pour 2008 est excellent.
M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement. - Tout est dit ! (Sourires)
M. Pierre Laffitte, rapporteur spécial. - Je suis plus particulièrement intéressé part trois priorités du Gouvernement : un meilleur environnement pour les chercheurs ; une recherche sur projets renforcée ; une recherche privée dynamisée.
L'organisation de coopérations et de partenariats est symbolisée par les pôles de compétitivité associant la recherche publique et l'industrie, grande ou petite. Membre du comité d'évaluation, je regrette l'insuffisance des contrats associant l'université dans le cadre de ces pôles. L'étendue du partenariat public privé devrait être un critère d'évaluation, de même que la dimension internationale et la participation des PME. Qu'en pensez-vous ?
Le premier bilan des pôles d'enseignement et de recherche est positif, mais les grands organismes publics semblent peu empressés d'y participer.
Avec M. Jean-Léonce Dupont, nous approuvons certaines propositions du rapport de l'inspection générale de l'administration de l'éducation nationale, notamment en faveur de relations accrues avec le monde économique et de la priorité à une valorisation mutualisée.
Le développement de la recherche par projets nous réjouit, avec une mention particulière pour l'ANR. À ce propos, je déplore que certaines rumeurs nées autour du rapport Guillaume suggèrent que l'Agence cesserait de financer les programmes associant les académies et l'industrie. Ce serait le contraire de notre philosophie ! Je suis d'accord pour diminuer, même fortement, le taux de financement avec les grandes entreprises, mais pas avec les petites sociétés innovantes ! Je souhaite que vous preniez une position ferme sur ce sujet.
Sur un autre plan, je m'inquiète que l'on évalue trop précocement les projets de recherche qui démarrent à peine, alors que l'examen doit porter sur les programmes et les conditions de la coopération.
Enfin, je suggère de renforcer le préciput, c'est-à-dire la part des subventions versée à l'établissement qui héberge le projet de recherche. Cela démontrerait l'inanité du slogan -d'inspiration ultra-gauchiste, mais que je trouve réactionnaire- de ceux qui manipulent certains étudiants.
Il ne s'agit pas de mettre la main sur les facultés, mais de les aider à se développer.
La visibilité de la nouvelle agence de l'évaluation reste faible, mais je salue la qualité de son nouveau président. En tout état de cause, les évaluations devront être suivies d'effet. La nouvelle politique repose sur l'encouragement de l'excellence. Il ne peut être question de prendre des crédits aux bons -vous savez à qui je pense- pour les répartir entre des projets disons moins ciblés. (Applaudissements à droite et au centre)
M. Jean-Léonce Dupont, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles. - Après cette période mouvementée, au sens propre, je veux vous assurer, madame la ministre, de notre estime et de notre soutien.
Le projet de loi de finances consacre 13,23 milliards aux programmes « formations supérieures et recherche universitaire » et « vie étudiante » de cette mission : la dépense moyenne par étudiant augmente de 405 euros, pour atteindre 7 375 euros. Le récent engagement du Gouvernement d'affecter 5 milliards supplémentaires à l'enseignement supérieur, soit une augmentation de 50 % sur cinq ans, montre une réelle volonté politique. Comment comptez-vous employer ces sommes, madame la ministre ? Une partie pourrait servir à améliorer l'état du patrimoine immobilier universitaire, dont nous avions déjà dressé un sombre tableau en 2003.
La généralisation du dispositif de « l'orientation active » est positive, mais je m'inquiète de ses modalités, les résultats de sa mise en place en 2007 s'étant avérés très inégaux. Cette réforme de l'orientation doit être une priorité du chantier « Réussir en licence » et mérite qu'on lui consacre les moyens nécessaires.
Pourquoi ne pas expérimenter dans d'autres disciplines les tests indicatifs d'aptitude, qui existent par exemple en musicologie ? Les jeunes prendraient ainsi leur décision en connaissance de cause. Rectorats, proviseurs, équipes éducatives et universités doivent tous jouer le jeu afin de réussir la mise en place, en 2008, d'un service public d'orientation. Il faut veiller à la fiabilité des informations figurant sur le portail électronique national. En attendant le résultat du suivi des cohortes de diplômés, pourquoi ne pas procéder de suite par sondages afin d'évaluer leur insertion professionnelle ? Aider les bacheliers à mieux s'orienter, c'est éviter de leur faire perdre inutilement un an : tout le monde y gagnerait.
Le plan « logement étudiant » est en souffrance. Nous soutenons les amendements adoptés par les députés pour accélérer les réhabilitations. Les crédits des contrats de projet 2007-2013 destinés au logement étudiant ne devront pas être affectés à d'autres opérations, comme cela a été le cas avec les contrats de plan État-région.
La réforme des bourses pourrait être encore améliorée en prenant en compte l'éloignement géographique et en versant un dixième mois en septembre. Le système ne s'est pas adapté à la mise en oeuvre du parcours LMD, même si les Crous versent les bourses dans de meilleurs délais. Comment comptez-vous encourager le développement des prêts aux étudiants ? Quels moyens y seront consacrés ?
Un effort devait être fait en faveur de l'enseignement supérieur privé, auquel nous demandons de renforcer ses actions dans différents domaines : accroissement de la recherche, renforcement de la coopération avec les universités, ouverture sociale, etc.
S'agissant du système LMD, la France figure parmi les bons élèves de la classe européenne. Certes, le dispositif doit encore être amélioré, et les formations médicales et paramédicales ainsi que celles dispensées par les écoles ne sont pas encore alignées.
S'agissant de la réforme des IUFM, le processus d'intégration aux universités est bien engagé ; le nouveau cahier des charges modifie profondément la formation dans le sens que nous souhaitions.
Les établissements se préparent à la mise en oeuvre de la loi du 10 août 2007, dont j'étais rapporteur. Un cahier des charges définit les critères permettant d'apprécier la capacité d'une université à assumer au mieux les nouvelles compétences prévues par la loi. Conformément à nos propositions, des instruments d'audit interne et de pilotage financier et patrimonial seront mis en place, pour renforcer la capacité de gestion des universités. Je m'inquiète, en revanche, du retard observé dans l'organisation des élections pour renouveler les conseils centraux avant août 2008. Nombre d'entre elles risquent d'intervenir en période de partiels ou de stages...
La commission des affaires culturelles a donné un avis favorable à l'adoption des crédits consacrés à l'enseignement supérieur et à la vie étudiante. (Applaudissements à droite et au centre)
M. Jean Boyer, en remplacement de M. Revol, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques - Permettez-moi tout d'abord de vous présenter les excuses de M. Revol, en mission à l'étranger.
Le mouvement dans les universités nous a paru paradoxal, au moment où la Nation consent un effort sans précédent en faveur de la recherche et de l'enseignement supérieur, dans la continuité de l'effort historique initié par le président Chirac en 2004. Conformément aux engagements du nouveau Président de la République, le budget 2008 permet de dépasser les montants déjà ambitieux prévus par la loi de programme pour la recherche, avec une augmentation de 4,7 % des crédits de paiement par rapport à 2007.
Nous espérons que l'effort se poursuivra en 2009, afin de compenser la hausse des cotisations de retraite qui grève cette année l'essentiel des moyens supplémentaires des établissements
Si la budgétisation de l'Agence nationale de la recherche (ANR) renforce incontestablement la transparence, nous espérons qu'elle ne donnera pas lieu à des gels et annulations budgétaires. La recherche sur projet a besoin de visibilité sur la durée.
Enfin, notre commission suivra tout particulièrement la fusion entre l'Agence de l'innovation industrielle et Oseo et surtout la mesure de la performance de la nouvelle entité.
Le CEA est confronté à un décalage entre la stabilisation des subventions de l'État et les engagements pris par le gouvernement précédent lui imposant de développer la quatrième génération de réacteur nucléaire et d'accélérer la recherche dans le domaine des énergies renouvelables. M. Woerth s'est engagé à l'Assemblée nationale à affecter au CEA 15 millions des dividendes d'Areva, mais le compte n'y est pas : comment faire pour doubler ce montant ?
Le Centre national d'études spatiales (Cnes) a été informé par simple courrier électronique que sa dotation pour 2008 serait inférieure de 5,3 millions au montant affiché en loi de finances. Le procédé est choquant, d'autant que cette diminution, qui risque de peser sur le programme d'horloge atomique Pharao, ne fait l'objet d'aucune publicité : on laisse croire aux parlementaires que les crédits du programme « recherche spatiale » restent inchangés.
La commission des affaires économiques a néanmoins donné un avis favorable à l'adoption de ces crédits. (Applaudissements à droite et au centre)
Pour ce qui me concerne, j'ai souhaité me consacrer à l'articulation des moyens de la recherche et de l'enseignement supérieur avec les pôles d'excellence rurale qui ont une composante technologique.
Je regrette que, tout comme celui de l'éducation nationale, le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche ne figure pas parmi les onze départements ministériels qui contribuent à hauteur de 235 millions au fonds national dédié aux pôles d'excellence rurale, alors que l'innovation et la formation figurent parmi les raisons d'être de plus de 60 pôles portant sur des projets concernant l'utilisation des technologies au service des entreprises industrielles et artisanales. La vocation de nos IUT, écoles d'ingénieurs et universités, est la formation, l'innovation et l'expertise au profit des acteurs locaux.
Cette absence dans les budgets se constate sur le terrain : hors du secteur agricole, les exemples de coopération entre l'enseignement supérieur et les pôles se comptent sur les doigts d'une main. Certes, le pôle d'excellence rurale des volcans d'Auvergne a développé un projet de relance et de modernisation de toute la filière concernant la pierre de lave. Cette activité, qui va de l'extraction des pierres jusqu'à leur utilisation comme matériaux de construction, offre de réels débouchés économiques. Ce projet est mené à bien grâce à une collaboration étroite entre les collectivités et l'école privée de Volvic, qui forme des techniciens dans ce secteur. Un véritable cercle vertueux est ainsi engagé : en même temps que l'on développe une industrie et des services à forte valeur ajoutée, on forme les jeunes de la région dans la perspective d'emplois pérennes et qualifiés. Ce bel exemple de coopération aurait été très difficile à réaliser avec quelque établissement public.
C'est l'un des problèmes structurels de l'innovation en France : la trop grande séparation entre les structures publiques d'innovation et de formation et les PME. Des coopérations sont pourtant nécessaires et souhaitables ; la France est encore très loin derrière l'Allemagne et l'Italie. Nos pôles d'excellence rurale à vocation industrielle sont en retard par rapport aux pôles de compétitivité.
Aucun crédit d'État ne leur est destiné. La délégation interministérielle à l'aménagement et à la compétitivité du territoire tente bien de mobiliser plusieurs réseaux professionnels pour assurer l'ingénierie de certains pôles, mais cela se fait sur une base quasi bénévole et ne règle pas la question de l'animation du pôle lui-même. Les pôles sont portés par des acteurs locaux de taille modeste ; j'ai du mal à comprendre qu'ils ne bénéficient pas des mêmes facilités que les animateurs de pôles de compétitivité, qui disposent déjà de moyens de fonctionnement importants. Je connais la différence entre les pôles d'excellence rurale, dédiés à un projet, et les pôles de compétitivité qui ont vocation à faire émerger plusieurs projets. Mais à quoi bon financer 1 million d'euros d'investissements pour le démarrage d'un pôle d'excellence rurale si l'on ne peut pas lui donner les 20 000 euros nécessaires à sa gouvernance et à l'enclenchement de la dynamique locale ? Le système actuel nuit à l'effet de levier recherché au travers des pôles.
Ces observations ne remettent pas en cause l'avis favorable de la commission des affaires économiques sur les crédits de la mission recherche et enseignement supérieur. (Applaudissements à droite et au centre)
Mme la Présidente. - Je vous remercie d'avoir évoqué l'école de Volvic.
Mme Valérie Pécresse, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche. - Ce budget connaît une hausse historique de 1,8 milliard, conformément au voeu du Président de la République d'augmenter le budget de l'enseignement supérieur de 5 milliards en cinq ans et celui de la recherche de 4. Le Gouvernement a donné des précisions sur le rythme d'augmentation de ces crédits. Nous avons signé un protocole cadre avec les présidents d'université sur cette hausse de crédits : 1 milliard par an, cela représente un passage de 11 milliards en 2008 à 15 milliards en 2012, à quoi il faut ajouter les 4 de la recherche et le produit de la vente de 3 % du capital d'EDF.
M. Adnot m'a demandé ce que nous allions faire de cet argent. Il ira à l'investissement immobilier des universités. L'audit que nous avons commandé a fait apparaître que 28 % des bâtiments universitaires n'étaient pas aux normes de construction, de sécurité, d'attractivité. Cet argent ira donc à la réhabilitation des campus dégradés et à la construction ex nihilo de campus à haute visibilité internationale, comme celui de Saclay ou celui qui sera dédié aux humanités et aux sciences sociales à Aubervilliers. Je souhaite que les appels à projets soient nourris par une réflexion sur les besoins et par la recherche d'une très haute qualité environnementale. Ce sera une vitrine de ce que la France fait de mieux.
Conditionner les bourses au fait que l'étudiant étudie vraiment ? J'ai donné instruction en ce sens aux Crous, qui vérifieront désormais l'assiduité des étudiants.
L'application de la loi LRU requiert des ressources humaines. Nous allons créer 700 emplois de catégorie A par transformation d'emplois. Les universités qui voudront devenir autonomes seront dotées de l'encadrement nécessaire. Nous en sommes à 36 universités qui ont changé leur statut dans le cadre de la loi LRU. Elles sont 30, sur 80, à avoir demandé au ministère à pouvoir passer à l'autonomie au 1er janvier 2009. Elles feront l'objet, d'ici la fin de l'été, d'un audit d'organisation qui dira leurs forces et leurs faiblesses et indiquera des prescriptions. Parmi ces 30 universités, on en trouve des petites et des grandes, scientifiques ou de sciences humaines, situées dans des villes moyennes ou dans des métropoles régionales, à Paris ou en banlieue. On voit à cela que l'autonomie profite bien à toutes. Naturellement, l'argent issu de la vente d'EDF s'ajoutera aux 15 milliards inscrits au budget.
Des crédits seront bien affectés aux bibliothèques, monsieur Dupont.
Celles du XXIème siècle ne seront pas identiques à celles du XXème. Il faudra certes développer la numérisation, mais les bibliothèques sont aussi des lieux de vie et de passage.
Collectivités locales et logement étudiant... La dernière loi de décentralisation a permis aux premières de prendre cette compétence ; à ce jour, aucune n'a franchi le pas. Elles sont plus préoccupées par le logement social dans son ensemble, mais j'entends les convaincre, car les conditions de vie difficiles des étudiants tiennent beaucoup au logement et à son coût dans les grandes agglomérations. Les crédits mobilisés dans ce budget sont conséquents. J'ai confié une mission au président de l'Association des Crous et le rapport du député M. Anciaux fera le point en décembre sur le sujet. Il y a des financements croisés, il faut tout remettre à plat, voir comment dynamiser la participation des collectivités locales. Celles-ci ne pourront cependant pas tout faire ; il sera sans doute possible d'inclure des logements dans les nouveaux campus, qui seront alors intégrés au patrimoine immobilier des universités concernées.
S'agissant de l'enseignement supérieur agricole et de sa dette, j'ai bien noté l'amendement dont nous débattrons tout à l'heure ; il y a là un vrai problème, nous y travaillerons.
Le Palais de la découverte a signé au printemps 2007 un contrat avec l'établissement de maîtrise d'ouvrage du ministère de la culture ; un appel d'offres a été lancé pour la maîtrise d'oeuvre, confiée en novembre à un architecte, qui a terminé les études relatives au sous-sol. Un appel d'offres pour la réalisation des travaux va être lancé, dont le lauréat sera connu au premier trimestre 2008. On peut regretter de tels délais pour une remise aux normes ; mais on sait que le Palais était hébergé dans un bâtiment du ministère de la culture, dont la propriété a dû être transférée à un établissement ad hoc. Croyez bien que nous avançons le plus vite possible compte tenu des contraintes et des procédures légales.
Les crédits du Palais figurent au budget de la culture ; mais celui-ci ne siège pas au conseil d'administration du nouvel établissement public, lequel se trouve sous la double tutelle des ministères de l'enseignement supérieur et de l'éducation nationale. Il faudra sans doute modifier le décret du 25 janvier 1990 pour y remédier.
M. Christian Gaudin a évoqué le CNRS et l'augmentation de son budget. Quand on analyse les dotations des organismes de recherche, il faut avoir à l'esprit les crédits affectés par l'Agence nationale de la recherche (ANR) aux équipes qu'ils hébergent. Le CNRS reçoit 250 millions de l'ANR, 10 % de son budget.
M. Christian Gaudin s'est aussi inquiété du montant des financements hors projets de l'ANR. Le préciput est la partie des crédits d'appel à projet versée, non aux équipes de recherche mais aux organismes qui les hébergent. Après une action résolue du ministère, il est passé de 5 % à 11 % des crédits alloués aux projets, ce qui s'ajoute aux 4 % de frais de gestion. Les effets du préciput sont positifs, en ce que les organismes et les universités sont incités à recruter les meilleures équipes et à donner leur chance aux meilleurs projets. Le retour sur l'investissement que constitue l'hébergement des chercheurs permettra de rénover, d'entretenir, d'acheter du matériel. Le préciput passe ainsi de 28 à 48 millions dans le budget de l'ANR ; il figure dans les crédits hors projets, mais est comme on le voit très lié à l'appel à projets.
Les crédits consacrés par l'ANR à l'action régionale augmentent de 5 millions ; ils financent une partie du volet recherche des contrats État-région -ce qui ne correspond pas au coeur de métier de l'Agence ; je suis favorable à une gestion directe par le ministère.
Un groupe de travail sera rapidement mis en place en liaison avec M. Borloo afin d'examiner les conséquences du Grenelle de l'environnement pour les organismes, les universités et l'ANR. Les crédits de l'Agence en matière de recherche environnementale ont déjà été augmentés de 34 millions d'euros, passant de 198 à 232 millions -une progression de 17 % à comparer aux 8,8 % de l'ensemble de ses crédits.
Plusieurs orateurs ont souhaité que le CEA renforce ses activités historiques. Il faut en effet qu'il dispose des moyens nécessaires à sa mission essentielle, le développement du nucléaire du futur. Doivent être pris en compte ceux du Pacte pour la recherche et les 20 millions de l'Institut Carnot. L'énergie, nucléaire ou renouvelable, est une des priorités de la recherche. J'ai proposé à l'Assemblée nationale d'augmenter de 15 millions la part de dividende qu'Areva sert au CEA ; je ne crois pas qu'on puisse aller au-delà. Le CEA, j'en conviens, ne doit pas trop se disperser.
Avec le rapprochement de l'Agence pour l'innovation industrielle (AII), dont l'activité est centrée sur les grandes entreprises, et d'Oseo, qui s'intéresse plutôt aux petites, le Gouvernement entend proposer une gamme d'aides complète qui touche aussi les moyennes structures. Il y avait là une lacune à combler. La dotation garantie à Oseo, soit 280 millions, permettra de soutenir des dizaines de milliers de projets ; son budget d'intervention pour le soutien à l'innovation va tripler, à 520 millions.
M. Laffitte a plaidé pour des partenariats entre les pôles de compétitivité et le monde de la recherche ; 53 millions supplémentaires figurent au budget. La question de la participation des pôles aux conseils d'administration des universités devenues autonomes et à la constitution des réseaux thématiques de recherche avancée est sur la table. Il faut en effet tisser des liens plus étroits entre deux mondes qui ne peuvent s'ignorer.
A l'origine, la création des pôles de recherche et d'enseignement supérieur a fait l'objet d'un consensus pour y associer les universités et les grandes écoles. Le système fonctionne bien, puisque neuf pôles ont été créés et trois sont en cours de finalisation. Il devrait y en avoir une quinzaine fin 2008. Les organismes de recherche doivent également y être associés, mais cela suppose de donner davantage de contenu aux transferts de compétences. La logique d'autonomie pour l'université impose une mutualisation des forces, qui assure également une plus grande visibilité internationale.
L'Agence nationale de la recherche (ANR) a une obligation de 25 % de financement partenarial. Nous attendons les conclusions du rapport Guillaume, mais, dès maintenant, la recherche partenariale est essentielle. Nous nous sommes battus cette année pour l'augmentation du préciput. Nous devons aller plus loin, mais je n'ai pas pour l'instant de réponse autre à vous donner que l'assurance de mon intime conviction.
A la demande de l'Agence d'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur (Aeres), j'ai assisté ce matin à un colloque sur l'évaluation et la décision publique, auquel étaient également conviées les autorités responsables de l'évaluation dans les grands pays voisins. Comparés à eux, nous avons quelques années de retard : ils ont mis en place des procédés d'évaluation indépendants, légitimes, fiables, transparents et ouverts qui permettent d'orienter les décisions de financement public. Le départ de Jean-Marc Monteil a quelque peu désorganisé la mise en place de l'Aeres, qui est désormais présidée par Jean-François Dhainaut. L'évaluation est le corollaire de l'autonomie des universités et des organismes de recherche ; elle ne relève pas d'un mécanisme de sanction, mais d'une logique de progression, en s'inspirant de ce qui fonctionne pour mettre en place de bonnes pratiques.
M. Jean-Léonce Dupont a évoqué l'orientation et les moyens budgétaires qui doivent lui être accordés. J'ai ventilé les crédits de fonctionnement attribués aux présidents d'université pour 2008. Les augmentations des budgets de fonctionnement, hors masse salariale, sont de 10 à 20 %, et de 17 % en moyenne pour chaque université de sciences humaines. Il faut y ajouter les 60 millions correspondant à la création de postes de moniteurs, au repyramidage et à la création de 700 emplois de cadre A, et à la mise en sécurité des locaux. Le milliard qui sera attribué aux universités n'est donc pas virtuel ! En contrepartie, les présidents d'université ont accepté de prendre en charge, à l'aide d'une partie de leur fonds de roulement, le plan d'orientation active et de tutorat qui doit être mis en place dès février 2008, moment où les étudiants vont choisir leur orientation. Pour l'insertion professionnelle, il faudra commencer à procéder à des sondages, car nous n'aurons pas les chiffres des débouchés avant plusieurs années. Nous procédons déjà ainsi pour connaître le taux de réussite en première année en fonction du type de bac.
Il était nécessaire de sanctuariser la question du logement étudiant dans les contrats de plan État-région car il faut distinguer ce point de la question immobilière générale. Désormais, nous avons un budget plus important qui nous permettra d'y faire face. Le critère de l'éloignement géographique, pour les bourses, doit être maintenu, tout en simplifiant le système. Le dixième mois de bourse constitue une mauvaise réponse à une bonne question, car les études ne durent que neuf mois. En revanche, il faut s'atteler au problème spécifique du coût de la rentrée universitaire, qui doit être financé avec le premier versement de la bourse, généralement versé tardivement. Nous avons avancé celui-ci de quinze jours cette année pour 50 % des étudiants. En 2008, le coût de la rentrée universitaire sera moins pesant avec la possibilité d'étaler sur trois mois le règlement des frais d'inscription et de sécurité sociale.
Nous sommes en négociation avec l'Association française des banques (AFB) pour définir les modalités des prêts étudiants. Il s'agira d'avances remboursables à échéance lointaine après la fin des études pour ne pas handicaper les étudiants au moment de leur entrée sur le marché du travail. Ces prêts pourront durer dix ans et seront faits à taux modéré, avec garantie sur la défaillance de la personne. Ces crédits ne seront probablement pas utilisés dès 2008. Nous avons donc réaffecté ces fonds pour que le sixième échelon pour les 100 000 étudiants les plus défavorisés puisse entrer en vigueur au plus vite.
Au sujet du système licence-master-doctorat (LMD) et des études médicales et paramédicales, j'attends les conclusions des rapports qui me seront remis au premier semestre 2008. Le rapport Geoffroy sur l'intégration des IUFM va m'être remis. Nous tiendrons les délais de la loi Fillon en métropole, mais avec un délai pour l'outre-mer : dans la zone Antilles-Guyane, l'IUFM est réparti sur trois sites.
Des mouvements dans les universités ont retardé les élections aux conseils centraux, mais très peu étaient programmées ce trimestre. Une seule aura lieu la semaine prochaine à Paris V, où Axel Kahn est candidat. Nous attendons les nouvelles dates d'élections. Le pic devrait se situer en mars, entre les partiels et les vacances de Pâques...
M. Revol me demande de poursuivre l'effort en 2009. Cela correspond à l'engagement du Président de la République. M. Revol a par ailleurs raison de me mettre en garde contre le gel des crédits de l'ANR. L'augmentation de la subvention du Cnes est conforme à son contrat. Du fait de l'exonération de TVA, la subvention est diminuée de 5,3 millions, mais il ne s'agit que d'une différence comptable qui n'affecte pas sa capacité d'intervention.
M. Jean Boyer a évoqué les pôles d'excellence rurale, qui répondent à une logique de territoire. Il ne faudrait pas rendre leur financement plus complexe. Cela relève de M. Barnier.
M. Pierre Laffitte. - J'aborderai quatre points. La priorité est à l'excellence. Madame le ministre, vous devez étendre cette nécessité à l'ensemble des universités française, c'est important à l'international. Pour l'attractivité de nos territoires, nous devons également être excellents dans la préparation de l'avenir.
Dans les classements internationaux, notre pays régresse continument, alors que notre enseignement secondaire fut un des meilleurs au monde. Nous nous plaçons à présent derrière les pays nordiques, la Grande-Bretagne, l'Allemagne... Et la partie scientifique semble la plus faible. Il faut réagir. Le lien public-privé devrait être mieux connu et exploité par les universitaires. En mission à Munich avec des chercheurs et des enseignants, j'ai pu constater comme eux les performances de l'université technologique de Munich, dont peu d'établissements français seraient capables. Madame la ministre, il faut inciter les universitaires à séjourner quelques semaines chez nos voisins les plus en pointe afin de nous inspirer de tel ou tel aspect de leur organisation.
Fin février aura lieu un forum franco-allemand. Quelle part y sera accordée à la recherche ? Poursuivra-t-on, par exemple, l'action de l'association franco-allemande pour la science et la technologie, qui a déjà mis en relation des centaines de scientifiques ? Au même moment aura lieu à Stockholm un colloque sur l'innovation. Un high level group est chargé de le préparer, qui réunit des personnalités telles que l'ancien premier ministre finlandais, le ministre suédois de l'industrie... J'ai été porté à la présidence de ce groupe, j'ignore pourquoi (sourires), sans doute en raison de la notoriété de Sophia-Antipolis. Il y a là, en tout cas, des opportunités à saisir pour préparer la présidence française de l'Union européenne : l'innovation en Europe pourrait en être un des points clé.
Nous manquons cruellement d'incubateurs tels qu'en possèdent Israël ou les États-Unis et grâce auxquels de petites équipes universitaires parviennent en moins de deux ans à lever des centaines de millions et à fabriquer des entreprises à croissance rapide. Le Sénat a, en première partie, adopté un amendement visant à étendre les dispositions fiscales de la loi Tepa qui incitent les assujettis à l'ISF à financer des sociétés innovantes -et, dans des zones expérimentales, à installer des incubateurs innovants. Le transfert technologique de la science vers la création de richesse et d'emploi est une phase cruciale.
Au lendemain du Grenelle de l'environnement, il est temps de promouvoir les thématiques de la biodiversité et du développement durable, temps de mettre en avant les sciences humaines et la physique. Est-il vrai que l'ANR va réduire ses financements en matière de recherches sur l'énergie ? Les chercheurs en sciences humaines ont des actions et des thématiques très diverses. Ils devraient acquérir une unité de vues et ensemble travailler à transformer les mentalités, les ouvrir au développement durable. Voilà des thèmes pour les chercheurs du CNRS ou de l'Institut des sciences de l'homme. A l'École des Mines, lorsque j'ai introduit la sociologie, j'ai essuyé bien des critiques. Or les chercheurs de l'école donnent à présent des cours au MIT ! La sociologie française fut en pointe il y a cent ans, elle est aujourd'hui très dispersée. Il faut agir. (Applaudissements au centre et sur quelques bancs UMP)
M. Serge Lagauche. - Certes, les crédits de la recherche et de l'enseignement supérieur sont en hausse. Mais la seconde délibération intervenue à l'Assemblée nationale a déjà minoré ces crédits de près de 36,5 millions d'euros. En outre, la sincérité de ce budget est déjà mise en doute : les régulations budgétaires sont déjà annoncées ! Le Cnes par exemple en fera les frais.
Mais c'est la structure même de cette hausse qu'il convient d'examiner ; la majeure partie en est « mangée » par l'augmentation des cotisations retraite des établissements publics à caractère scientifique et technologique, le rattrapage des engagements non respectés par l'État dans les contrats de plan 2000-2006 et par le triplement du crédit impôt recherche. Bref, peu de mesures nouvelles !
On est loin de la « rupture » annoncée. Le crédit, nous dit-on, équivaudra à un quart de ce budget. Autrement dit, le quart du budget n'est soumis à aucune évaluation ! Le contrôle est érigé en dogme lorsqu'il s'agit de services publics, mais vous êtes nettement moins regardants sur les aides fiscales au privé ! L'impératif « chaque euro dépensé est un euro utile » est passé par pertes et profits. Le Gouvernement doit mettre en regard le montant du crédit d'impôt et le - faible- financement des équipes de recherche et des incubateurs. Et il n'y a pas que dans nos rangs que l'on doute de l'efficacité de ce dispositif : il est modifié chaque année depuis quatre ans, c'est un aveu !
Quel est l'impact exact du crédit impôt recherche en emplois ? Dans quelle proportion les sommes sont-elles réinvesties dans le budget recherche de l'entreprise ? Sont-elles vraiment, en elles-mêmes, une incitation à investir dans la recherche-développement ? Le Conseil supérieur de la recherche et de la technologie regrette que le crédit soit calculé sur le montant absolu des dépenses, au profit d'un petit nombre de grandes entreprises pharmaceutiques et électroniques qui font systématiquement de la recherche au niveau mondial. Le conseil note que cet effet d'aubaine ne bénéficie guère aux petites entreprises, qui ont des dépenses de recherche faibles en montant, mais risquées.
Vos crédits comportent un signe négatif très fort envers la communauté scientifique : pour la première fois depuis très longtemps, aucune création de postes n'est prévue, le pire était donc possible. Vous affirmiez pourtant aux députés il y a trois semaines : « II va falloir recruter environ 3 700 chercheurs et enseignants-chercheurs par an d'ici à 2012, et l'on compte 4 000 doctorants chaque année. » A quand une gestion prévisionnelle et pluriannuelle de l'emploi scientifique ? Le manque de perspective de carrière restreint notre vivier potentiel de jeunes chercheurs ! Et les à-coups en matière de recrutement sont néfastes. De même, vous avez promis aux présidents d'université les moyens de leur autonomie. Aucune création de poste administratif ou technique ! Comment les universités pourront-elles assumer leurs nouvelles compétences ? Le renforcement de l'encadrement est notoirement insuffisant.
Avec la mobilisation contre votre loi, vous payez le prix du manque de concertation, de la précipitation, d'un examen « verrouillé » au Parlement, en plein milieu de l'été. Et si la mobilisation des étudiants n'est pas exempte de toute considération électorale à l'approche du renouvellement des Crous et des conseils d'administration universitaires, certaines inquiétudes, sur le fond, sont légitimes. D'ailleurs, nombre de présidents d'université favorables à l'autonomie cherchent comment corriger les aspects les plus négatifs de votre loi : réhabilitation du rôle du Conseil scientifique, composition des commissions de recrutement, limitation des contractuels...
Nous serons vigilants sur l'application de la loi : votre Gouvernement se faisant en tout le chantre de l'évaluation, nous ne doutons pas qu'il organisera bientôt un débat serein sur les conséquences de l'autonomie des universités ! Ce budget n'est pas cohérent avec les priorités affichées par le Président de la République, on le comprend par la liste même des secteurs moins soutenus l'an prochain : le secteur spatial, l'environnement, l'énergie, les transports, l'équipement, l'habitat, la recherche militaire et civile ! Nous perdons de la vitesse dans la recherche spatiale : la dette du Cnes envers l'Agence spatiale européenne s'aggrave, nous cédons du terrain à nos voisins allemands.
Ce budget a certes été élaboré avant les conclusions du Grenelle et les engagements du Président de la République, mais vous auriez pu en tenir compte par amendement. Au lieu de quoi, les crédits à la recherche pluridisciplinaire ont encore été diminués à l'Assemblée nationale en seconde délibération !
Vous prônez la concurrence entre les pôles de recherche et les réseaux thématiques, les grands organismes vont jouer les seconds contre les premiers. Notre recherche souffre d'un manque de coordination entre les structures et de mobilité dans les carrières : c'est ce qu'a montré le premier bilan des pôles de recherche. Madame la ministre, que comptez-vous faire, enfin, pour que les doctorats soient mieux reconnus ? Nous ne critiquons pas votre manière de gérer, mais l'insuffisance même de ce budget : le groupe socialiste votera contre. (Applaudissements à gauche)
M. André Ferrand. - Nous vous félicitons, madame le ministre, de tenir avec ce budget les engagements de la loi programme : les moyens de la recherche et de l'enseignement supérieur augmentent de 7,8 %, conformément au voeu du Président de la République, que l'enseignement supérieur gagne 5 milliards et la recherche 4 milliards en cinq ans.
Nous avons une longue tradition d'excellence scientifique, mais nos résultats sont devenus trop faibles dans la compétition mondiale. La loi de programme a donné un nouveau souffle à la recherche, celle sur l'autonomie des universités a supprimé des contraintes à leur épanouissement. Malgré les 381 millions supplémentaires pour les universités, elles viennent de subir une tentative de déstabilisation, nourrie d'une désinformation outrancière. Le 28 novembre, le Premier ministre signait avec les présidents d'université un accord garantissant la hausse du budget des universités de 50 % en 5 ans ; vous aviez annoncé la veille, madame le ministre, l'accélération des réformes lancées depuis l'été concernant les bourses, la lutte contre l'échec en premier cycle et le logement. J'espère que cette détermination et la nature exceptionnelle de ce budget, apaiseront toutes les inquiétudes !
Le représentant des Français de l'étranger qui vous parle, cependant, ne peut manquer de vous inviter à tourner le regard vers l'international. Nos pôles de compétitivité seront de dimension internationale ou ne seront pas. Notre territoire doit attirer les talents, vos services et ceux de M. Hortefeux ont à coopérer. L'enseignement technique et professionnel à l'étranger, ensuite, est un sujet majeur : tous les pays en ont besoin, nos entreprises y sont engagées, mais aussi bien des collectivités locales et des chambres de commerce. Je regrette que ce foisonnement ne soit pas davantage soutenu ni organisé, il en va de notre influence dans le monde ! L'action est certes interministérielle, mais je crois que l'impulsion doit venir de vous, madame la ministre et je vous vois en chef de « l'orchestre France » : j'espère que vous accepterez cette mission.
Le prix Nobel de physique a été attribué à un Français, Albert Fert, chercheur et professeur à l'université Paris XI, pour ses travaux liés aux nanotechnologies. Cette marque de reconnaissance de la vitalité de la recherche française est encourageante. Le groupe UMP votera ces crédits. (Applaudissements à droite)
M. Ivan Renar. - Le Gouvernement et la majorité se félicitent d'une augmentation budgétaire sans précédent, mais le milieu de la recherche clame qu'en réalité, l'enveloppe est vide ! L'essentiel de la hausse est absorbé par l'inflation, la rénovation des bâtiments et les arriérés de salaires : ce budget compense le collectif qu'on vous a refusé cet été, alors qu'il fallait rattraper plusieurs années d'immobilisme ! Mais il y avait plus urgent cet été : 15 milliards de cadeaux fiscaux ! Les enseignants, les chercheurs, les étudiants, les personnels d'université ne verront rien de la hausse annoncée. L'effort principal va au crédit d'impôt-recherche, dont l'efficacité n'a jamais été évaluée : il est grand temps de le faire.
Sur le fond, ce budget est tout en continuité, pour réorienter la recherche et l'enseignement supérieur vers les besoins des entreprises. Or, s'il faut certainement renforcer les liens entre ces deux mondes, le rapprochement n'implique pas la subordination ! L'enseignement supérieur doit demeurer autonome, disposer de ressources propres pour rechercher ce qui fait l'humanité, plutôt que les moyens de renforcer toujours plus la compétitivité des entreprises ! Le rapprochement entre la recherche publique et les entreprises, pour être serein, suppose que les entreprises embauchent des docteurs ou post-docs rompus aux rythmes de la conduite de travaux scientifiques.
Mais une fois encore, le Gouvernement soutient massivement la recherche-développement du secteur privé et l'innovation, privilégiant la rentabilité immédiate et sacrifiant la recherche fondamentale. Les chercheurs ont beau dire et répéter que la recherche fondamentale a sa propre temporalité, qu'elle est faite de tâtonnements, de mises au point de concepts purement théoriques parfois invalidés, pour le Gouvernement seuls comptent les résultats à très court terme. Il serait pourtant avisé d'écouter les scientifiques, tel Albert Fert aux mardis de Descartes : tous disent qu'ils n'auraient pu mener leurs travaux à bien s'ils avaient uniquement bénéficié de financements sur projet. Les découvertes de demain imposent une prise de risque incompatible avec la rentabilité à court terme D'où l'importance de maintenir des organismes de recherche disposant de fonds propres et d'une marge de manoeuvre leur permettant de soutenir des axes de recherche dont la finalité n'est pas connue a priori. De même, nous devrions entendre les propos de Mme Faust, première présidente d'Harvard, qui, en octobre affirmait que « l'université ce n'est pas seulement les résultats financiers du prochain trimestre. [...] Il s'agit d'un enseignement qui modèle à vie, un enseignement qui transmet l'héritage des millénaires, un enseignement qui façonne l'avenir ». Les orientations prises depuis plusieurs années fragiliseront durablement notre recherche et notre enseignement supérieur, déjà confrontés à la désaffection des jeunes pour les filières scientifiques. On peut s'inquiéter aussi de l'avenir de notre recherche quand le nombre annuel de doctorants stagne autour de 10 000 par an. Peut-on sérieusement croire que cette tendance s'inversera sans de réelles perspectives pour les étudiants ?
Ce budget se caractérise également par l'absence de création d'emplois statutaires. Certes, les financements de l'ANR permettront quelques emplois mais leur durée sera liée à celle des contrats. Que deviendront alors ces chercheurs sans débouchés sur des emplois stables ? Alors que l'avenir du pays dépend de la recherche et de l'enseignement supérieur, il y aurait lieu d'établir une programmation pluriannuelle de l'emploi scientifique, tant pour lisser les remplacements des départs à la retraite que pour encourager les jeunes à s'engager dans cette voie. Mais, cette année encore, seules sont prévues des mesures d'accompagnement permettant aux universités de transformer des emplois de catégorie B et C en catégorie A. Reste que l'enveloppe consacrée à ces mesures est insuffisante.
Quant aux crédits de revalorisation des carrières des enseignants et enseignants chercheurs, ils représentent en moyenne une augmentation de 7 euros par personne, qui traduit toute la considération que la Nation porte à ses scientifiques. Comment parvenir aux objectifs de Lisbonne quand l'investissement de l'État dans le système éducatif se réduit d'année en année ?
La légère revalorisation des allocations de recherche demeure insuffisante. La désaffection des étudiants pour les métiers de la recherche ne peut être traitée avec des demi-mesures. Car, demain, pourra-t-on encore encourager les entreprises à développer leur recherche sur le territoire national, si elles ne trouvent plus de personnels qualifiés ? Au crédit impôt-recherche, ne faudrait-il pas préférer la revalorisation des carrières scientifiques ?
Madame la ministre, votre budget s'inscrit dans la ligne du Pacte pour la recherche, voté sous la précédente législature, qui prévoyait de changer structurellement l'appareil national de recherche et d'enseignement supérieur. Nous aurions préféré une véritable rupture avec la politique de vos prédécesseurs ! Il est plus que jamais nécessaire d'engager des moyens considérables pour répondre à la démocratisation de notre enseignement supérieur, notamment en recrutant de nombreux enseignants chercheurs, ce qui renforcerait l'encadrement pédagogique en premier cycle pour, à terme, parvenir à un taux d'encadrement identique à celui des classes préparatoires. Ce ne sont pas les 40 millions affectés à la réussite en licence qui remédieront au taux d'échec des jeunes étudiants !
Mais pour opérer des recrutements pertinents, encore faudrait-il développer le vivier des thésards dont il conviendrait de doubler le nombre pendant dix ans. Le crédit d'impôt pourrait jouer un rôle s'il n'était accordé qu'aux entreprises embauchant des docteurs : une telle dynamique irriguerait notre pays en matière grise.
Ce ne sera pas le cas en 2008, vous organisez la pénurie du futur et fragilisez encore un peu plus le service public de l'enseignement supérieur et de la recherche. Le mouvement de contestation des étudiants et la mobilisation croissante des chercheurs et enseignants chercheurs démontrent que le débat est loin d'être clos. La Nation ne pourra en faire l'économie. Si le vote de votre loi, en urgence durant l'été, a permis de limiter les échanges contradictoires, de nombreuses questions restent en suspens. Ce budget traduit ces insuffisances, il n'est pas bon, nous ne le voterons pas. (Applaudissements sur les bancs CRC)
M. Georges Othily. - La dégradation du système universitaire français n'était plus à prouver, les chiffres des dépenses par étudiant, des bourses, des crédits d'équipement ou de recherche parlent d'eux-mêmes. Il était donc largement temps de réformer ce système. C'est ce que nous avons fait grâce à la loi votée cet été. C'est bien l'absence d'autonomie qui entrave le bon fonctionnement des universités. Nous avons voulu libérer ces énergies et donner à nos universités les moyens de devenir plus réactives, et je crois que nous y sommes parvenus.
Ce budget continue d'aller dans ce sens et les crédits de cette mission sont en hausse. Une des priorités était d'accompagner la réforme des universités. Ce budget renforce les moyens des fonctions d'encadrement des universités et ceux consacrés au parc immobilier universitaire, notamment l'université des Antilles et de la Guyane qui en raison de sa situation géostratégique mérite un traitement adapté. Les universités d'outre-mer, avec des moyens sans rapport avec leurs besoins réels et confrontées à un taux de boursiers qui bat des records nationaux, offrent pourtant une formation de qualité à notre jeunesse.
La situation de l'enseignement supérieur en Guyane est inquiétante. La structure universitaire est dispersée et par conséquent peu lisible. Elle est composée de diverses entités : quatre établissements plus ou moins autonomes (l'IUFM, l'IUT, l'IESG et le Pôle universitaire Guyanais), l'UFR de médecine administrée depuis les Antilles, des délocalisations de services communs, et une représentation du président de l'Université et de son administration sur le pôle Guyane pour coordonner l'ensemble. J'ai appelé de mes voeux, comme plusieurs élus d'outre-mer, la création rapide d'une université de Guyane autonome : l'efficacité serait accrue si toutes ces structures fusionnaient.
Cette revendication, légitime, émane depuis longtemps du corps enseignant et des étudiants ainsi que de l'ensemble des Guyanais et de leurs élus. Depuis maintenant vingt-cinq ans, l'université des Antilles et de la Guyane assure la promotion de la culture et de la science française et européenne dans ces régions, sans négliger la défense de la culture caribéenne. Elle ne pourra continuer cette mission que si les pouvoirs publics prennent en compte ses particularités qui ne l'empêchent pas d'être une université performante. L'article 42 de la loi relative aux libertés et responsabilités des universités prévoit que le Gouvernement prendra par ordonnance des mesures d'adaptation de cette loi aux caractéristiques ultramarines. Nous avons eu depuis de nombreuses réunions de travail et sommes parvenus à des accords sur l'avenir de cette grande structure universitaire. Madame le ministre, vous allez donc signer une ordonnance dans laquelle nous espérons que chaque site sera doté d'une autonomie de gouvernance. Nous y tenons. Pouvez-vous nous rassurer sur le contenu de cette ordonnance et les délais de sa publication et de sa ratification ?
Ce budget traduit votre volonté de faire de l'enseignement supérieur et de la recherche une priorité. La majorité du groupe RDSE le votera.
M. David Assouline. - Pour nous, lors du débat sur votre loi, les maitres-mots étaient : condition sociale de l'étudiant, échec en premier cycle, manque d'insertion professionnelle et carrière des doctorants et post-doctorants. Et les lourdeurs administratives compliquaient toute innovation.
Lorsque nous avons dit qu'une réforme supposait des moyens, donc une loi de programmation, vous avez opposé la nécessité d'aller vite. Nous avons dit que l'absence de concertation avec les étudiants et les enseignants ne garantissait pas l'acceptation de la réforme. Les faits nous ont donné raison puisqu'à la rentrée universitaire, les étudiants ont ressenti une grande incompréhension. Sentant au dessus de leur tête l'épée de Damoclès de l'échec en premier cycle et l'état du parc universitaire, ils ont vu dans la réforme de la gouvernance un risque d'inégalités accrues entre universités.
Vous avez donc dû leur donner des garanties alors que vous ne nous aviez pas écoutés lorsque nous avions pronostiqué une rentrée difficile en l'absence de collectif budgétaire. Vous avez donc fini par donner raison à l'exigence de moyens immédiats, en accélérant le calendrier. En écoutant l'opposition, même lorsqu'elle combat énergiquement vos projets, vous auriez moins de difficultés !
Les problèmes sont là. Sur les bancs de la majorité, on croit les connaître : vous incriminez la réforme de 1986, notamment l'accès massif à l'enseignement supérieur et la faiblesse des droits d'inscription. Ainsi, la démocratisation de l'université expliquerait la dévalorisation des diplômes, donc le chômage massif des jeunes. Cette approche est cohérente, mais elle repose sur les présupposés inexacts qui inspirent votre politique.
En effet, l'exploitation des enquêtes « emploi » conduites par l'Insee depuis vingt-cinq ans prouve que la démocratisation de l'enseignement supérieur à la fin des années quatre-vingt a permis une meilleure insertion professionnelle des générations concernées, alors que la mise entre parenthèses de cet effort dans les années quatre-vingt dix s'est traduite par une détérioration. Ce constat scientifique éclaire les choix d'aujourd'hui : la démocratisation n'est pas en cause, mais la mauvaise orientation des bacheliers est source d'échecs à l'université. Lorsqu'un étudiant sur deux est éliminé au cours du premier cycle, certains en déduisent que la moitié d'entre eux n'a pas sa place dans l'enseignement supérieur. Or, si les bacheliers des filières professionnelles et technologiques échouent massivement, 80 % de ceux qui proviennent de l'enseignement général obtiennent un diplôme en trois ans au maximum.
En fait, il y a un déficit flagrant d'accompagnement. En ce domaine, quels sont vos objectifs et vos moyens ? Il pourrait sembler judicieux de vendre des actions d'EDF. En disant cela, je suis gentil car elles ont été bradées si l'on en croit les banquiers, pour qui l'annonce précipitée a divisé par deux la somme récoltée par l'État. En d'autres termes, si vous aviez anticipé cette mesure au lieu d'y recourir in extremis, vous auriez obtenu plus d'argent.
Il y a le temps du dialogue pour identifier les difficultés, il y a le temps de l'action pour y remédier, mais votre logique libérale laisse le champ libre aux seules universités bien dotées. Les plus démunies n'ont pas les moyens d'une bonne autonomie, même si le pire serait le statu quo. Allez-vous donner plus à celles qui en ont le plus besoin ? Comment les accompagnez-vous ?
Alors que vous vous vantez de rendre la recherche française plus attractive, nous sommes surpris de voir que les emplois scientifiques sont simplement pérennisés, alors que 1 058 d'entre eux n'avaient pas été consommés fin 2006, dont 93,2 % concernaient des postes d'enseignants chercheurs. Nous craignons que la stabilisation ne cache une diminution. Je m'interroge aussi sur le plan de réhabilitation des campus. Comment sera-t-il élaboré ? Les universités les moins dotées seront-elles prioritaires ? Vu les sommes en jeu, pouvez-vous nous donner l'assurance qu'il n'y aura pas de partenariat public-privé ?
J'en viens à la vie étudiante, plus particulièrement au logement. Vous dites que les collectivités territoriales peuvent postuler. Mais elles sont engagées dans la construction de logements sociaux ! À Paris, nous avons construit 3 500 logements pour étudiants, soit presque dix fois plus que pendant la précédente mandature municipale. Quelles garanties d'État offre-t-il aux collectivités territoriales pour qu'elles se sentent épaulées au lieu d'avoir encore une fois l'impression que l'État délègue pour ne pas faire lui-même ? (Applaudissements à gauche)
M. Jean-François Voguet. - Leur situation sociale ne cessant de se dégrader, les étudiants sont en première ligne pour la question du pouvoir d'achat, qui va régresser pour la sixième année consécutive après la hausse des prix subie en septembre. Pourtant, le Président de la République n'a rien annoncé en faveur de la vie étudiante. En ce domaine, vos crédits sont notoirement insuffisants, alors qu'aucune mesure nouvelle n'est intervenue depuis 2001.
D'après le Conseil économique et social, plus de 75 % des étudiants travaillent pour payer leurs études. Au demeurant, les boursiers, soit seulement 30 % d'entre eux, doivent également travailler vue la modicité des sommes versées. Beaucoup d'étudiants vivent au-dessous du seuil de pauvreté. Entre 18 et 25 ans, on a la vie devant soi, pleine de promesses. On souhaite s'y engager pleinement et de façon autonome. Est-il normal de solliciter en permanence ses parents, qui ne disposent pas toujours des revenus nécessaires ? L'insuffisance des ressources est la première cause d'abandon.
Nous devons assurer le succès de tous en permettant à chacun de suivre un parcours de réussite. À cette fin, les aides à la vie étudiante sont essentielles. Le Premier ministre a fixé l'objectif d'amener 50 % d'une classe d'âge à un diplôme de l'enseignement supérieur. Nous ne pouvons que souscrire à ce bel objectif, mais il ne sera qu'une promesse mensongère en l'absence d'aides substantielles en faveur des étudiants. Or, ce que vous nous proposez n'est nullement à la hauteur de cette ambition.
Aujourd'hui, les étudiants rencontrent des difficultés innombrables. Quel dommage pour eux ! Quel énorme gâchis pour notre société !
Lors des questions d'actualité, je vous ai demandé d'augmenter votre budget. Vous n'avez pas répondu mais le soir même, le Président de la République a reconnu d'une certaine façon que le compte n'y était pas puisqu'il a mentionné l'urgente nécessité d'investir. Il faut maintenant des actes. La réussite pour tous passe par le soutien de chacun, ce qui exige une allocation universelle d'étude et d'autonomie.
Dans cette attente, votre budget devrait répondre au moins à l'urgence. Il faut augmenter le montant des bourses, prévoir un dixième mois, aider 50 % des étudiants. Qu'attendez-vous ? La crise du logement exige que l'on réalise les engagements de 2008 et que l'on rattrape les retards. Cela a un coût, mais j'estime que notre pays a les moyens d'y faire face. Pour cela, il faut faire le choix de la jeunesse et de l'avenir contre celui de la rente et de la spéculation. (Applaudissements à gauche)
M. Yannick Bodin. - L'actualité de la rentrée universitaire a une nouvelle fois démontré la grande inquiétude des étudiants. Principal objet de cette appréhension : la sélection. Les étudiants craignent à juste titre que ne s'aggrave leur parcours du combattant qui, dans un cas sur deux, n'aboutit même pas à un diplôme.
La réforme du premier cycle n'a que trop tardé. Quelles mesures comptez-vous prendre, madame la ministre, rien n'étant prévu au titre de cet exercice budgétaire ? Votre loi sur l'autonomie des universités ne vise que les modalités techniques de leur gouvernance et ne propose rien contre la sélection par l'échec.
Il faut que cesse l'hypocrisie qui veut qu'en France, on ne sélectionne pas à l'université. Dans la réalité, on pratique la pire des sélections après le baccalauréat : la sélection naturelle ! Abandonnent d'abord ceux qui, faute d'information sur l'orientation, échouent dans des formations sinistrées. Partent ensuite ceux qui doivent travailler pour soutenir l'effort financier exigé, soit environ un sur deux : leur taux d'échec est de 40 % supérieur à celui des autres. Un quart renoncent aux soins médicaux et, chaque année, 20 % abandonnent leurs études pour des raisons financières. Partent enfin ceux qui ne possèdent pas un capital culturel ou conceptuel suffisant pour réussir dans des filières plus difficiles qu'il n'y paraît, comme les sciences humaines.
A l'inverse, la sélection pour les BTS et les IUT, comme pour les classes préparatoires aux grandes écoles, se fait sur dossier scolaire ou concours. Notre système est bicéphale : 50 % sur concours ou dossier, et 50 % par l'échec. Cette situation ne peut plus durer et l'on comprend la révolte universitaire ! Les filières sélectives courtes sont utilisées comme moyen d'éviter le premier cycle à l'université ; les bacheliers des filières technologiques et professionnelles, à qui elles sont en principe destinées, sont dessaisis des places.
Ce budget est un trompe-l'oeil : les augmentations sont superficielles, voire virtuelles, la vie étudiante n'est pas une priorité et les boursiers passeront l'hiver avant d'être éventuellement reconsidérés. Les exonérations fiscales ne concernent que ceux qui sont imposables. Et la problématique du premier cycle universitaire n'est même pas posée !
Le « tout sauf la fac » prévaut dans les lycées. Les filières sélectives sont en effet les seules à proposer un encadrement professoral adapté, des liens avec le monde de l'entreprise ainsi qu'un réseau relationnel à taille humaine. Ces filières -BTS, IUT, grandes écoles et leurs classes préparatoires, médecine, pharmacie- concernent 50 % de nos étudiants.
Comme l'indique le rapport de la mission d'information dont j'étais rapporteur, la diversité sociale dans les classes préparatoires a nettement régressé, passant sous la barre des 10 % d'élèves issus de catégories sociales défavorisées. A croire que la sélection ne profite qu'aux bons élèves de milieu aisé, et que les plus modestes sont orientés vers des formations qu'ils sont jugés capables de suivre. Cette sélection à deux vitesses est tout à fait injuste !
Les liens entre ces filières d'excellence et l'université sont bien trop ténus, ce qui accentue le sentiment de schizophrénie de notre système. Quel avenir envisagez-vous, madame la ministre, pour les formations courtes et sélectives dans le cadre d'une réforme du premier cycle ? Comment comptez-vous mettre l'université au niveau de ses ambitions et des attentes des étudiants de notre pays ? Ce budget n'offre aucune réponse satisfaisante : notre groupe ne le votera pas. (Applaudissements à gauche)
M. Jean-Marc Todeschini. - L'augmentation annoncée de 5 % des moyens budgétaires comprend le report de TVA et le rattrapage de salaires et de retraites qui correspondent à des impayés de l'État : en réalité, vous ne faites que payer les dettes. L'augmentation de1,3 milliard destinée à la recherche ne permettra pas de combler le retard de financement pris lors des exercices budgétaires précédents : pour honorer la loi de programme pour la recherche du 18 avril 2006, il aurait fallu prévoir au moins 6 milliards supplémentaires... On est loin du compte.
L'objectif fixé par les états généraux de la recherche ainsi que par les Conseils européens de Lisbonne et Barcelone de porter à 3 % du PIB le budget de la recherche en 2010 ne sera vraisemblablement pas atteint. La part des dépenses de recherche dans le PIB ne cesse de baisser, de 2,23 % en 2002 à 2,13 % en 2006. Le collectif « Sauvons la recherche » estime qu'il faut 14 milliards supplémentaires pour atteindre les objectifs européens de 2010. Compte tenu de l'inflation, les moyens n'augmentent que de 0,6 %, les missions de service public étant les premières à être sacrifiées.
Comme l'a rappelé le collectif « Sauvons la recherche », l'autonomie scientifique des universités ne sera qu'une façade dans une construction dirigiste et centralisée entièrement contrôlée par l'ANR, imposant une recherche sur projets à court terme, sans prise de risque, sur les axes détaillés établis par le ministère, avec un nombre croissant de personnels précaires.
Ce contrôle du champ scientifique par le politique est complété par l'Aeres, dont la direction est entièrement nommée. La concentration de pouvoirs sans contrepouvoirs sera aggravée par la disparition programmée des organismes de recherche publics, à commencer par le CNRS, principal vecteur d'une recherche autonome sur le long terme, privilégiant la pluridisciplinarité et la prise de risque. Les unités mixtes de recherche dépendant d'une université concilient une vision nationale et internationale et la dimension locale. Or la commission d'Aubert s'apprête à casser ce système qui a fait ses preuves...
Alors que les États-Unis, le Japon, les pays émergents consacrent d'énormes moyens à la recherche, comment comptez-vous, avec une aussi faible ambition, assurer l'entrée de la France dans une véritable économie de la connaissance ?
Le crédit d'impôt prévu à l'article 39 du projet de loi de finances représente une dépense fiscale supplémentaire de 390 millions selon le Gouvernement. En réalité, son coût pourrait atteindre 800 millions, qui s'ajoutent au 1,39 milliard prévus en 2007. La réforme profitera d'abord aux grandes entreprises, au détriment des PME. Il aurait mieux valu diminuer les crédits affectés au crédit impôt recherche pour augmenter ceux versés aux laboratoires par le biais des établissements.
Depuis 2002, nous sommes dans l'impasse. La France accuse un retard flagrant par rapport aux États-Unis et au Japon mais aussi à l'Inde ou au Brésil. La politique des divers gouvernements de droite a aggravé la situation.
La précarité et l'absence de perspectives font fuir nos doctorants vers le Japon et les États-Unis, ou vers des carrières commerciales. La question des carrières est donc prioritaire. Cela suppose un rapprochement assumé entre les universités et les organismes. Notre recherche est malade du cloisonnement des acteurs publics avec le facteur aggravant qu'est l'ANR. La précipitation mise pour la loi sur l'autonomie a eu pour effet d'escamoter la question des moyens.
Revenons aux principes de mutualisation, de pluridisciplinarité et de démocratie définis par les états-généraux d'octobre 2004 ! (Applaudissements à gauche)
Mme Valérie Pécresse, ministre. - Ayant employé beaucoup de mon temps de parole et voulant en garder pour les amendements, je dirai simplement que sur les incubateurs, je partage entièrement le souhait émis par M. Laffitte.
Il y a, monsieur Lagauche, 700 ETPT créés dans les universités, à travers 2 250 postes de monitorat, pour que les doctorants acquièrent une vraie expérience professionnelle, ainsi que 700 emplois repyramidés d'encadrement pour permettre l'autonomie.
Oui, monsieur Ferrand, nous avons douze formations technologiques à l'étranger et c'est une priorité que nous conserverons.
Monsieur Othily, le texte de l'ordonnance sera transmis au Conseil d'État mercredi prochain. J'attends les remarques des élus antillais guyanais et du président de l'université, puis le texte sera soumis au conseil des ministres le 23 janvier pour une publication début février. Sur les IUFM, la réflexion se poursuit.
Mon temps de parole ne suffirait pas à réfuter l'ensemble de contrevérités émises par MM. Renar, Assouline, Voguet, Bodin et Todeschini.
M. Ivan Renar. - Ce ne sont pas des contrevérités !
Mme Valérie Pécresse, ministre. - Monsieur Assouline, nous allons donner davantage aux universités qui en ont le plus besoin, ce sera le critère pour les crédits de réussite en licence. Monsieur Voguet, la situation sociale des étudiants nous préoccupe : les bourses des 100 000 étudiants les plus défavorisés vont augmenter de 7,2 %.
Monsieur Bodin, les formations courtes et sélectives feront partie de notre plan licence. Enfin, monsieur Todeschini, l'effet point de la fonction publique se répercute d'une année sur l'autre, il ne s'agit pas d'impayés là où l'État tient ses engagements ! (Mme la ministre regagne sa place. Vives protestations à gauche)
M. Jean-Marc Todeschini. - Autant dire que tout notre débat ne sert à rien !
M. Ivan Renar. - C'est honteux !
Rappels au règlement
M. David Assouline. - Rappel au règlement !
Madame la Ministre a parlé longtemps en réponse aux rapporteurs et quand les groupes s'expriment, elle n'a plus rien à dire ! Cette manière de nous balancer quelques réponses comme à des amendements mineurs est pour le moins cavalière.
M. Ivan Renar. - Rappel au règlement !
C'est la première fois que les élus de l'opposition sénatoriale sont ainsi traités comme des invités de raccroc. S'il y avait aussi peu de problèmes que vous dites, pourquoi les universités seraient-elles en ébullition ? Ce n'est pas parce que vous allez dans le mur en klaxonnant que nous dirions des « contrevérités ».
Nous avons essayé d'échanger, sans la moindre agressivité à votre endroit. Je n'en veux pas aux rapporteurs, qui n'y peuvent mais ; je constate seulement qu'ils sont traités en wagons de première classe et nous de deuxième ou de dixième.
Mme Valérie Pécresse, ministre. - Les orateurs des groupes n'ont rien dit de neuf par rapport à ce qu'avaient dit les rapporteurs. Je ne vais pas tout répéter ! Compte tenu de l'organisation du débat, il ne me restait guère de temps de parole.
C'est une leçon pour moi : dorénavant, j'attendrai que tous les orateurs se soient exprimés avant de répondre.
M. Yannick Bodin. - Rappel au règlement !
Il y a quelques mois, le débat sur la loi d'autonomie des universités avait été digne d'un débat parlementaire. Chacun s'était exprimé et vous aviez amplement répondu. Aujourd'hui, on a le sentiment d'un vrai dialogue entre vous et les rapporteurs, après quoi, par raccroc, on consent à laisser du temps à la discussion générale. Les sénateurs ont pour mission de s'exprimer. Si vous considérez pouvoir leur répondre avant même qu'ils n'aient parlé, vous les frustrez et leur donnez le sentiment que vous les méprisez.
M. Jean-Marc Todeschini. - Rappel au règlement !
Je suis moi aussi très irrité par la façon dont la ministre traite l'opposition. En disant que ses élus l'indisposent, elle montre sa peur du débat parlementaire. Déjà, lors de la discussion de la loi LRU, elle a écouté jusqu'au moment où elle a monté le ton pour chercher l'incident de séance. (Mme la ministre proteste)
Les rapporteurs sont honorables mais ne sont pas les seuls sénateurs à l'être. Le Sénat n'est pas une maison où l'on met le petit doigt sur la couture du pantalon, où l'on accepte d'entendre « Circulez, il n'y a rien à dire » !
Mme Valérie Pécresse, ministre. - J'ai malheureusement dépassé mon temps de parole en répondant aux rapporteurs. C'est une erreur que je reconnais, si c'est ce que vous voulez me faire dire.
Mme la Présidente. - J'aurais pu être indulgente...
L'an prochain, nous réexaminerons en Conférence des présidents cette possibilité de répondre aux rapporteurs avant les orateurs des groupes, qui a été ouverte pour les débats de plus de deux heures. L'expérience de cette année n'est pas très concluante.
Examen des crédits
Article 33
Mme la Présidente. - Amendement n°II-13, présenté par M. Christian Gaudin, au nom de la commission des finances.
Modifier comme suit les crédits des programmes :
Affecter au programme « Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires » 6 millions en autorisations d'engagement et en crédits de paiement actuellement affectés au programme « Recherche dans le domaine de l'énergie ».
M. Christian Gaudin, rapporteur spécial. - Nous voulons commencer à traduire dans ce budget les engagements présidentiels pris à l'occasion du Grenelle de l'environnement. Il s'agit de renforcer les crédits de recherche des énergies durables, qui progressent seulement de 3 %, contre 8,8 % pour les autres crédits de l'ANR. Nous gageons cette augmentation sur les ressources de l'Institut français du pétrole : les sociétés pétrolières pourront lui apporter la compensation nécessaire pour « repousser les limites du possible dans l'exploration du pétrole et du gaz »
Mme Valérie Pécresse, ministre. - Retrait ! Outre qu'il faut inclure le préciput, l'effort de recherche consenti en faveur de l'environnement est déjà très important.
Le contrat avec l'IFP doit être respecté. J'ajoute que l'institut consacre 25 % de ses moyens de recherche aux énergies nouvelles et aux économies d'énergie.
M. Christian Gaudin, rapporteur spécial. - En considération des moyens supplémentaires destinés à tenir compte des conclusions du Grenelle de l'environnement, je retire l'amendement.
L'amendement n°II-13 est retiré.
Mme la présidente. - Amendement n°II-14, présenté par M. Adnot, au nom de la commission des finances.
Modifier comme suit les crédits des programmes (en euros) :
Recherche dans le domaine de l'énergie
AE Réduire de 3 000 000
CP Réduire de 3 000 000
Formations supérieures et recherche universitaire
AE Majorer de 3 000 000
CP Majorer de 3 000 000
M. Philippe Adnot, rapporteur spécial. - Nous voulons vous aider, madame la ministre, à réussir le plan Licence, qui marque votre volonté de changer l'université. Vous allez sans doute me faire la même réponse qu'à l'amendement précédent, mais il faut avoir une vision globale de la situation. L'industrie finance déjà des chaires, des écoles d'ingénieurs ; pourquoi pas l'industrie pétrolière ? Elle a les moyens d'aider l'IFP à améliorer son dispositif de recherche, d'autant que le déplafonnement du crédit d'impôt recherche va bénéficier aux grandes entreprises du secteur dans des proportions bien supérieures au prélèvement que nous proposons.
Mme Valérie Pécresse, ministre. - J'ai le même avis qu'à l'amendement précédent. Le plan Licence est en effet un chantier majeur, qui sera doté bien plus largement en 2009 qu'en 2008. Nous avons mobilisé des crédits pour apurer la dette de l'État envers certaines entreprises ; l'amendement pèserait indirectement sur celles-ci, notamment des PME.
M. Pierre Laffitte. - Je suis fermement opposé à cet amendement. Nous avons légiféré pour faire émerger des centres d'excellence, dont certains, tels les instituts Carnot, travaillent avec l'industrie.
M. Philippe Adnot, rapporteur spécial. - Ce n'est pas le cas de l'IFP.
M. Pierre Laffitte. - Mais si, l'IFP est un institut Carnot, il a passé une convention pluriannuelle avec l'État sur la période 2006-2012 pour développer massivement la recherche dans le développement durable ; et il travaille avec l'industrie pétrolière dans un domaine essentiel où son excellence est internationalement reconnue, le confinement du gaz carbonique. Il a même formé un prix Nobel. S'il ne peut plus faire de recherche en amont, sa situation sera très difficile, les entreprises iront voir ailleurs.
L'industrie pétrolière fait des profits ? Tant mieux ! Ceux de Total sont pour l'essentiel distribués en France, l'entreprise procède même au rachat de ses propres actions pour mieux se défendre en cas d'OPA. L'industrie pétrolière et parapétrolière est née d'une idée du général de Gaulle, elle a été continûment soutenue depuis. On ne peut prendre le risque de faire disparaître ce fleuron de notre économie.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. - Il faut ramener cet amendement à sa juste mesure. D'abord, il ne s'agit pas de l'IFP. Les groupes comme Total font notre fierté, c'est vrai ; mais je ne suis pas sûr que leurs dividendes soient servis en majorité à des actionnaires français ; l'intervention des fonds d'investissement va croissant ...
La commission des finances maintient son amendement, qui appelle à la responsabilité et à l'engagement des entreprises, notamment celles du pétrole et du gaz. Le crédit d'impôt recherche est une puissante incitation à la construction de partenariats.
M. Philippe Adnot, rapporteur spécial. - Pour aller vite et être efficace, madame la ministre, vous allez mobiliser une part des réserves des universités. Nos 3 millions pourraient vous aider.
Nous ne visons pas l'école de l'IFP, monsieur Laffitte, chacun fera ses arbitrages. Le crédit d'impôt recherche va passer de 10 à 100 millions d'euros, c'est dire que les sociétés pétrolières auront une certaine capacité de récupération. Et si elles font appel à l'IFP, elles pourront même doubler le montant de dépenses de recherche éligible. Notre amendement est un appel à la solidarité.
L'amendement n°II-14 est adopté.
Mme la présidente. - Amendement n°II-192 rectifié, présenté par MM. Bizet, Braye, Detcheverry, Dulait, Gruillot, G. Larcher et Trillard.
Modifier comme suit les crédits des programmes (en euros) :
Recherche dans le domaine de l'énergie
AE Réduire de 2 500 000
CP Réduire de 2 500 000
Enseignement supérieur et recherche agricoles
AE Majorer de 2 500 000
CP Majorer de 2 500 000
M. Denis Detcheverry. - Nous souhaitons renforcer les moyens des écoles nationales vétérinaires. Leur formation coûte cher, qui nécessite un encadrement important, de lourdes charges immobilières et de matériel. Ces établissements rencontrent de graves difficultés pour respecter les normes imposées par l'Europe. L'école d'Alfort doit créer une nouvelle salle d'autopsie, rénover ses toitures et mettre ses bâtiments en sécurité électrique. Les écoles doivent en outre recruter des praticiens hospitaliers, leurs principales directions sont sous la responsabilité d'enseignants chercheurs, alors que les écoles d'ingénieurs agronomes disposent d'ingénieurs ou d'inspecteurs vétérinaires.
L'abondement proposé permettrait à peine aux quatre écoles nationales vétérinaires de disposer des moyens suffisants pour préserver leur compétitivité au niveau européen et international. L'enseignement supérieur agricole et les écoles vétérinaires ont été un peu oubliés ces dernières années ; il serait équitable qu'une faible part du complément annoncé la semaine dernière par le Président de la République leur soit attribuée.
Quant au gage, les dispositions de l'article 39 du présent projet de loi de finances déplafonnent le crédit impôt recherche dont peuvent bénéficier les entreprises de ce secteur, qui profitent, de plus, des cours historiquement élevés des produits pétroliers.
M. Christian Gaudin, rapporteur spécial. - Cette préoccupation est légitime, mais les écoles qui relèvent du programme 142 peuvent bénéficier du produit de la vente des titres EDF par l'État car elles appartiennent à l'enseignement supérieur français. Je souhaiterais connaître l'avis du Gouvernement.
Mme Valérie Pécresse, ministre. - Le Gouvernement est défavorable. C'est le deuxième amendement qui propose d'effectuer un prélèvement sur le programme « recherche dans les domaines de l'énergie ». 3 millions d'euros pour le plan « licence » et 2,5 millions pour l'enseignement agricole privé représentent 70 % des crédits prévus pour régler les dettes envers les entreprises pétrolières et gazières. Le problème du gage se pose donc.
En revanche, je conviens de la nécessité d'entretenir le patrimoine immobilier historique de l'école de Maisons-Alfort. Une rénovation s'impose au plus vite : il faut refaire les toitures, mettre l'installation électrique aux normes de sécurité, construire une salle d'autopsie. Le ministère de l'agriculture et de la pêche a inscrit dans le budget 2008 1,4 million d'euros pour effectuer ces travaux.
Dans le cadre de ce projet de loi de finances, le Gouvernement ne peut aller plus loin. En tant qu'école d'enseignement supérieur, l'école vétérinaire pourra participer aux appels à projets lancés dans le cadre de la vente d'EDF. Vous pouvez donc considérer que l'amendement est satisfait.
M. Denis Detcheverry. - Je suis d'accord.
L'amendement n°II-192 est retiré.
L'amendement n°II-185 n'est pas soutenu.
Mme la présidente. - Amendement n°II-194 rectifié, présenté par MM. Christian Gaudin, Adnot, Retailleau, Mercier, Badré et Soulage.
Modifier comme suit les crédits des programmes (en euros) :
Formations supérieures et recherche universitaire
AE Réduire de 1.000.000
CP Réduire de 1.000.000
Enseignement supérieur et recherche agricoles
CP Majorer de 1.000.000
CP Majorer de 1.000.000
M. Christian Gaudin. - Cet amendement trouve son origine dans un rapport d'audit du Conseil général de l'agriculture, de l'alimentation et des espaces ruraux, selon lequel les « mesures de régulation budgétaire n'ont pas permis à l'État de respecter intégralement les engagements pris à l'égard des établissements d'enseignement privés dans le cadre de l'application du décret d'octobre [2003] ». Le retard cumulé atteindrait 3,75 millions d'euros.
Cette dette devrait faire l'objet d'un plan de résorption, comme le préconise le rapport sur la mission « Recherche et enseignement supérieur ». Dans l'attente, cet amendement organise une certaine solidarité entre les établissements d'enseignement supérieur privés en ventilant une partie des 5 millions votés par l'Assemblée nationale en leur faveur. 1 million d'euros seraient prélevés des crédits destinés à l'université pour bénéficier à l'enseignement supérieur et à la recherche agricoles.
M. Philippe Adnot, rapporteur spécial. - Avis favorable. Il n'y a pas de dépenses nouvelles, mais une solidarité à l'intérieur d'une même mission.
Mme Valérie Pécresse, ministre. - J'y suis également favorable. Grâce à une exonération de la taxe sur les salaires en 2008 et à l'augmentation des crédits voté par amendement à l'Assemblée nationale, l'enseignement supérieur privé bénéficiera d'une augmentation de 34 % de ses subventions en un an, après une augmentation de 70 % ces dernières années. Il est donc possible d'effectuer cette petite péréquation.
L'amendement n°II-194 est adopté.
Les crédits de la mission, modifiés, sont adoptés.
L'article 46 est adopté, ainsi que les articles 47 et 47 bis.