- Lundi 5 décembre 2022
- Projet de loi de finances pour 2023 - Examen des amendements de séance sur les articles de la seconde partie non rattachés aux crédits des missions
- Projet de loi de finances pour 2023 - Mission « Défense » (et article 42) - Examen des amendements de séance
- Projet de loi de finances pour 2023 - Mission « Action extérieure de l'État » (et article 41 A) - Examen des amendements de séance
- Projet de loi de finances pour 2023 - Mission « Aide publique au développement » et compte de concours financiers « Prêts à des États étrangers » - Examen des amendements de séance
- Mardi 6 décembre 2022
- Projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne dans les domaines de l'économie, de la santé, du travail, des transports et de l'agriculture - Examen du rapport pour avis
- Proposition de loi tendant à renforcer la protection des épargnants - Désignation d'un rapporteur
- Mercredi 7 décembre 2022
- Mission d'information "flash" sur le champ et la mise en oeuvre effective des dispositifs de suspension des avantages fiscaux pour les dons aux associations - Communication
- Projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027 - Désignation des candidats pour faire partie de la commission mixte paritaire
Lundi 5 décembre 2022
- Présidence de M. Claude Raynal, président -
La réunion est ouverte à 9 h 30.
Projet de loi de finances pour 2023 - Examen des amendements de séance sur les articles de la seconde partie non rattachés aux crédits des missions
M. Claude Raynal, président. - Nous examinons les amendements de séance sur les articles de la seconde partie non rattachés aux crédits des missions. Nous débutons notre réunion par l'examen d'un amendement du rapporteur général.
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - L'amendement n° II-1285 est un amendement de correction technique portant sur la répartition du produit de la taxe d'aménagement entre communes lorsque les délibérations ont déjà été prises par les communes en 2022 au titre de l'année 2023. Il vise également à supprimer les gages non nécessaires.
L'amendement n° II-1285 est adopté.
La commission a donné les avis suivants sur les amendements dont elle est saisie, qui sont retracés dans le tableau ci-après :
Article additionnel avant Article 37 A |
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Auteur |
N° |
Avis de la commission |
Mme CARLOTTI |
II-1168 rect. |
Défavorable |
M. BENARROCHE |
II-1193 rect. bis |
Défavorable |
Article additionnel après Article 39 |
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Auteur |
N° |
Avis de la commission |
M. BREUILLER |
II-968 |
Demande de retrait |
Article additionnel après Article 40 quater |
||
Auteur |
N° |
Avis de la commission |
M. SAVOLDELLI |
II-1188 |
Demande de retrait |
Mme CHAIN-LARCHÉ |
II-216 |
Sagesse |
M. CAPO-CANELLAS |
II-265 |
Sagesse |
Article additionnel après Article 40 sexies |
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Auteur |
N° |
Avis de la commission |
Mme DI FOLCO |
II-114 rect. |
Favorable |
Mme DI FOLCO |
II-115 rect. |
Favorable |
Article 40 septies |
||
Auteur |
N° |
Avis de la commission |
Mme APOURCEAU-POLY |
II-1105 |
Défavorable |
M. BUFFET |
II-482 rect. |
Favorable |
Article 40 decies |
||
Auteur |
N° |
Avis de la commission |
M. HUSSON |
II-1042 |
Favorable |
Mme DI FOLCO |
II-117 rect. |
Demande de retrait |
M. BAZIN |
II-837 rect. |
Favorable |
Article 40 terdecies |
||
Auteur |
N° |
Avis de la commission |
M. HUSSON |
II-1043 |
Favorable |
Mme PAOLI-GAGIN |
II-1176 rect. bis |
Favorable |
Article additionnel après Article 40 quaterdecies |
||
Auteur |
N° |
Avis de la commission |
Mme Laure DARCOS |
II-145 |
Demande de retrait |
Projet de loi de finances pour 2023 - Mission « Défense » (et article 42) - Examen des amendements de séance
Article 27 (crédits de la mission)
La commission a donné les avis suivants sur les amendements dont elle est saisie, qui sont retracés dans le tableau ci-après :
Projet de loi de finances pour 2023 - Mission « Action extérieure de l'État » (et article 41 A) - Examen des amendements de séance
Article 27 (crédits de la mission)
La commission a donné les avis suivants sur les amendements dont elle est saisie, qui sont retracés dans le tableau ci-après :
Article additionnel avant Article 41 A |
||
Auteur |
N° |
Avis de la commission |
Mme CONWAY-MOURET |
II-1245 |
Défavorable |
Mme CONWAY-MOURET |
II-1247 |
Défavorable |
Article 41 A |
||
Auteur |
N° |
Avis de la commission |
M. LE GLEUT |
II-211 |
Favorable |
M. LE GLEUT |
II-211 |
Favorable |
M. KERN |
II-358 |
Favorable |
Mme CONWAY-MOURET |
II-1254 |
Favorable |
Article additionnel après Article 41 A |
||
Auteur |
N° |
Avis de la commission |
Mme CONWAY-MOURET |
II-1244 |
Défavorable |
Projet de loi de finances pour 2023 - Mission « Aide publique au développement » et compte de concours financiers « Prêts à des États étrangers » - Examen des amendements de séance
MISSION « AIDE PUBLIQUE AU DÉVELOPPEMENT »
Article 27 (crédits de la mission)
La commission a donné les avis suivants sur les amendements dont elle est saisie, qui sont retracés dans le tableau ci-après :
État B |
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Auteur |
N° |
Avis de la commission |
M. BASCHER |
II-499 rect. |
Favorable |
M. Pierre LAURENT |
II-1259 |
Défavorable |
M. TEMAL |
II-1221 |
Défavorable |
M. Pierre LAURENT |
II-1258 |
Défavorable |
Article additionnel après l'article 41 D |
||
Auteur |
N° |
Avis de la commission |
Le Gouvernement |
II-1268 |
Défavorable |
Mme CARLOTTI |
II-1224 |
Défavorable |
La réunion est close à 9 h 50.
Mardi 6 décembre 2022
- Présidence de M. Claude Raynal, président -
La réunion est ouverte à 9 h 30.
Projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne dans les domaines de l'économie, de la santé, du travail, des transports et de l'agriculture - Examen du rapport pour avis
M. Claude Raynal, président. - Nous examinons ce matin en première lecture le projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne dans les domaines de l'économie, de la santé, du travail, des transports et de l'agriculture, dit DDADUE.
M. Hervé Maurey, rapporteur. - Le Sénat est la première assemblée saisie sur ce texte, qui comporte 31 articles répartis en trois titres. Le projet de loi étant très composite, il a été renvoyé au fond à la commission des affaires sociales, mais quatre commissions ont reçu des délégations au fond. Pour notre commission, cette délégation porte sur les articles 1 à 8 et 13, pour un total de neuf articles.
Avant de vous présenter leur contenu et les enjeux soulevés par quelques-uns d'entre eux, les articles qui nous sont délégués appellent trois remarques générales sur le texte.
Je ne peux tout d'abord que déplorer les délais très contraints que le Gouvernement nous a laissés pour l'examen de ce texte. Le projet de loi a été présenté au Conseil des ministres le mercredi 23 novembre, alors que nous étions encore en train d'examiner la première partie du projet de loi de finances et que nous nous apprêtions à entamer l'examen de la deuxième partie, avec les missions. Je n'ai donc disposé que de quelques jours pour conduire des auditions et étudier des articles au contenu parfois très technique. Le texte sera examiné en séance publique mardi prochain, laissant peu de marge pour approfondir nos travaux. Ce calendrier très serré et ces conditions de travail sont d'autant plus dommageables que certains articles, notamment l'article 8, présentent des enjeux fondamentaux pour nos entreprises.
Ma deuxième remarque est liée à la première. Si nous nous retrouvons dans cette situation, c'est aussi parce que le Gouvernement a pris du retard dans la transposition de certaines directives ou dans l'adaptation à apporter à certaines dispositions de notre droit pour tenir compte de l'entrée en vigueur des règlements européens. Sur ce point, je n'ai pas l'impression que mon discours a beaucoup changé depuis l'examen du précédent projet de loi DDADUE, pour lequel j'avais également été nommé rapporteur. On aurait pourtant pu s'attendre à quelques progrès, en particulier avec la présidence française du Conseil de l'Union européenne.
Troisième et dernière remarque de portée générale, cinq des neuf articles portent des demandes d'habilitation du Gouvernement à prendre par ordonnance les mesures relevant du domaine de la loi et visant à transposer des directives européennes ou à adapter notre droit aux règlements européens.
Pour examiner ces articles, j'ai choisi d'utiliser une grille d'analyse reposant sur trois « filtres », sur trois interrogations. Premièrement, le recours à une ordonnance se justifie-t-il par des raisons objectives d'absence de marges de manoeuvre laissées au législateur national ou par la nécessité de continuer les travaux et les consultations des parties prenantes ? Ensuite, le contenu de l'habilitation est-il strictement limité à ce qui est nécessaire pour assurer l'adaptation du cadre national aux actes législatifs de l'Union européenne ? L'objectif est bien sûr ici d'éviter tout risque de surtransposition, une préoccupation qui a également fait l'objet d'une attention toute particulière pour les modifications « directes » de notre droit. Enfin, le délai d'habilitation nous permet-il, pour les textes sur lesquels nous ne sommes pas déjà en retard, de respecter nos obligations de mise en conformité au droit européen ?
Ce cadre d'examen désormais posé, j'en viens à la présentation des articles. Vous me permettrez de ne pas procéder par une analyse linéaire, suivant l'ordre des articles, mais par thème. Je terminerai ainsi par les dispositions relatives aux entreprises, qui présentent sans conteste les enjeux les plus importants.
Commençons par les dispositions concernant le secteur assurantiel, avec les articles 1 et 4.
L'article 1er vise à renvoyer à un arrêté la définition des seuils d'applicabilité de la directive « Solvabilité II » et de définition des grands risques. Ces seuils sont aujourd'hui respectivement actualisés par la loi et par un décret en Conseil d'État. Je me suis interrogé sur les conséquences de cette modification, alors que nous ne sommes généralement pas favorables à tout ce qui peut conduire à un dessaisissement du Parlement. Toutefois, dans ce cas, il n'y a aucune marge de manoeuvre laissée aux États membres quant à l'actualisation des seuils, qui a lieu au niveau européen tous les cinq ans pour tenir compte de l'inflation.
L'article 4 porte une demande d'habilitation du Gouvernement visant à transposer les dispositions d'une directive du 24 novembre 2021 relative à l'assurance de la responsabilité civile pour la circulation de véhicules terrestres à moteur. La directive comporte des dispositions permettant de faciliter la souscription d'une assurance et de mieux protéger les victimes. La durée d'habilitation est de neuf mois, pour une directive dont la date limite de transposition est fixée au 23 décembre 2023. Elle doit permettre au Gouvernement de tenir compte de la suppression progressive de la « carte verte ». Le champ de l'habilitation est quant à lui strictement limité aux dispositions nécessaires à la transposition. Cet article ne soulève donc pas de difficultés particulières.
Je passe désormais à deux articles concernant les produits et les acteurs de l'épargne, les articles 2 et 3.
L'article 2 modifie directement notre droit national pour l'adapter au produit paneuropéen d'épargne retraite individuelle, le « PEPP ». Nous sommes en retard de près de neuf mois pour la prise en compte des modifications apportées par un règlement européen du 20 juin 2019 mais, comme l'a dit l'une des personnes auditionnées, on fait ici « du texte pour un produit qui est un échec patent ». Le PEPP n'a en effet pas connu le succès escompté par les autorités européennes : il n'en existe qu'un aujourd'hui, en Slovaquie. Le Gouvernement m'a toutefois alerté sur le fait qu'il pourrait déposer en séance un amendement permettant de compléter l'article 2, pour assurer une coordination et une harmonisation avec les dispositions liées au plan d'épargne retraite, le PER. Pour ma part, je vous proposerai dans un premier temps un amendement rédactionnel.
L'article 3 corrige une erreur de suradaptation du droit national, qui a conduit à appliquer à l'ensemble des entreprises d'assurance, mutuelles et institutions de prévoyance l'obligation de publier des informations en matière de durabilité, pour l'ensemble de leurs produits. Si le règlement européen n'imposait cette publication que pour les produits d'assurance vie, la rédaction reprise dans la loi Énergie-climat de novembre 2019 concerne potentiellement les contrats dits « IARD » (incendie, accident, risques divers). Je suis d'autant plus favorable à cet article que le Sénat, et je ne manquerai pas de le rappeler, avait originellement proposé de supprimer cette disposition dans la loi Énergie-climat, en considérant qu'elle excédait les exigences européennes. Le Gouvernement l'avait réintégrée lors de l'examen à l'Assemblée nationale. Il se rend compte, un peu tardivement, que nous avions eu raison.
Sur cet article, je vous proposerai un amendement permettant de poursuivre l'harmonisation entre les dispositions applicables aux assurances, mutuelles et institutions de prévoyance. Il s'agit notamment d'aligner par le haut les exigences en termes d'honorabilité des dirigeants de ces organismes, les dirigeants de mutuelles disposant en la matière d'une dérogation qui n'apparaît pas justifiée.
Je poursuis avec trois articles concernant les marchés financiers et les établissements bancaires, et qui ne posent pas de difficultés au regard du champ et du délai de l'habilitation. Je présenterai rapidement ces trois articles techniques mais je pourrai bien sûr apporter des précisions s'il y a des questions sur leur contenu.
L'article 5 porte des mesures nationales d'adaptation au régime pilote mis en place par le règlement européen pour les infrastructures de marché reposant sur la technologie des registres distribués, plus connue sous le terme de blockchain. Le régime pilote est destiné à promouvoir le numérique dans le secteur financier, tout en encadrant les risques soulevés par ces innovations technologiques - selon la logique dite du « bac à sable », qui permet d'accorder des exemptions réglementaires ciblées pour encourager une innovation. L'Autorité des marchés financiers m'a confirmé disposer des moyens nécessaires pour assurer cette nouvelle mission.
L'article 6 porte une demande d'habilitation du Gouvernement à prendre par ordonnance les mesures législatives d'adaptation du cadre relatif au redressement et à la résolution des contreparties centrales. C'est ce qu'on appelle en France les chambres de compensation, qui jouent un rôle d'intermédiaire entre les acheteurs et les vendeurs. L'ACPR m'a indiqué que la France était en retard, le règlement datant du mois de décembre 2020, mais que le délai d'habilitation de six mois était suffisant.
L'article 13 porte lui aussi une demande d'habilitation à légiférer par ordonnance pour transposer une directive du 24 novembre 2021 sur les gestionnaires de crédits et les acheteurs de crédits. Concrètement, il s'agit du traitement des prêts non performants, qui grèvent depuis longtemps les bilans de certaines banques européennes. Le régime proposé repose sur deux mécanismes : soit les banques pourront confier la gestion de ces créances à des sociétés spécialisées, qui seront chargées de leur recouvrement ; soit elles pourront revendre ces créances à d'autres sociétés, qui ne sont pas nécessairement des établissements de crédit agréés par l'ACPR et qui pourront ensuite confier leur gestion aux sociétés spécialisées précitées.
L'ACPR a confirmé en audition le besoin d'une habilitation pour une durée de neuf mois, au regard de la complexité du dispositif et de l'ampleur des modifications à apporter aux différents codes et lois en vigueur. Pour citer son représentant, il s'agit de trouver un équilibre entre protection du consommateur et efficacité économique, et de ne pas confier le recouvrement de ces créances à des groupes dont les méthodes ne seraient pas pleinement encadrées
J'en termine désormais avec les dispositions concernant les entreprises, qui me paraissent soulever les enjeux les plus importants.
L'article 7 porte une demande d'habilitation du Gouvernement à légiférer par ordonnance pour transposer la directive du 24 novembre 2021 relative à la communication, par certaines entreprises et succursales, d'informations relatives à l'impôt sur les revenus des sociétés. La directive vise à « renforcer le contrôle par le public de l'impôt sur les revenus des sociétés supporté par les entreprises multinationales exerçant dans l'Union ». Si l'habilitation ne soulève pas de difficultés particulières, j'ai souhaité approfondir deux éléments du dispositif qui seront essentiels pour son bon fonctionnement.
J'ai d'abord interrogé le Gouvernement sur les obligations qui pèseront sur les entreprises, qui doivent déjà transmettre ces données à l'administration fiscale. Nous ne devons pas leur imposer de nouvelles charges déclaratives : au titre de la directive, les données exigées dans le cadre du reporting public pourront correspondre à celles déjà transmises à l'administration fiscale.
J'ai ensuite cherché à obtenir des précisions sur la clause de sauvegarde. La directive laisse en effet la possibilité aux États membres de permettre que certaines données ne soient pas publiées lorsque leur divulgation porterait gravement préjudice à la position commerciale des entreprises. Il me semble indispensable que le champ de cette clause de sauvegarde soit cohérent avec celle mise en oeuvre chez nos partenaires européens.
Enfin, l'article 8 porte lui aussi une demande d'habilitation du Gouvernement, cette fois-ci pour transposer la directive dite « CSRD » relative à la publication d'informations en matière de durabilité par les entreprises. J'attire d'abord votre attention sur le fait que la directive n'a été définitivement adoptée par le Conseil que la semaine dernière, de sorte qu'elle n'a pas encore été publiée au Journal officiel de l'Union européenne.
Ainsi, sur un sujet aussi sensible que la refonte de l'ensemble des obligations de publication d'informations extra-financières des entreprises, on nous demande de voter une habilitation sur un texte dont la version définitive n'est même pas encore stabilisée au niveau européen...
Surtout, la demande d'habilitation est particulièrement large. En l'état, le Gouvernement nous demande de lui permettre de prendre toutes les mesures qu'il jugerait utiles sur les obligations sociales et environnementales des entreprises, soit un périmètre que je considère comme tout à fait démesuré.
Ce champ excède très largement celui de la directive : concrètement, si vous me permettez cette expression, l'habilitation permettrait au Gouvernement de faire un grand ménage dans tous les dispositifs faisant peser des contraintes environnementales, sociales et de gouvernance sur les entreprises. Je vous proposerai donc un amendement pour le restreindre aux seules mesures en matière de publication des informations non financières ainsi que pour le limiter aux domaines dans lesquelles la législation française ferait doublon avec les nouvelles obligations de la directive CSRD.
Pour finir, je souhaite vous signaler que je travaille sur une éventuelle modification des règles relatives à l'enregistrement et à l'agrément des prestataires de services sur actifs numériques (PSAN). Les événements récents, et notamment la faillite de FTX, doivent attirer notre attention sur les risques de ces produits, en particulier lorsqu'ils sont gérés par des entreprises exerçant sans régulation aucune, ou quasiment. S'il est probable que FTX aurait pu être enregistré en France, il n'aurait sans doute pas pu être agréé, les contrôles étant beaucoup plus stricts.
Comme certains le savent, le règlement européen sur les marchés de cryptoactifs, dit règlement « MiCA », doit entrer en vigueur au mois d'octobre 2024, avec une période de transition courant jusqu'au mois de mars 2026. Il en résulte un « appel d'air » pour les acteurs, qui se pressent de demander leur enregistrement pour pouvoir bénéficier de cette période de transition.
Il me semble dès lors envisageable, pour protéger les consommateurs et la stabilité du système financier, de fermer de manière un peu anticipée la procédure d'enregistrement, pour inviter les acteurs à demander leur agrément, sous le régime français. Je précise que les règles seraient toujours les règles françaises et non les futures règles européennes, de manière à ne pas déstabiliser cet écosystème.
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Je ne peux que déplorer le retard pris dans la transposition des directives européennes. C'est un problème récurrent en France.
Ma seconde remarque porte sur les exigences de communication de données extra-financières des entreprises. Hier, lors de l'examen des articles non rattachés de la seconde partie du projet de loi de finances, des amendements ont été déposés et visaient à étendre l'obligation de publier un bilan carbone et un plan de transition à toutes les entreprises de plus de 50 salariés, et non de plus de 500 salariés. Autant il importe de prendre en compte les préoccupations environnementales, autant il ne semble guère utile de multiplier les contraintes.
Je partage la vigilance de notre rapporteur à l'égard des cryptoactifs. En l'absence d'une réglementation adaptée, les acheteurs de ces produits ont de fortes chances, si vous me permettez l'expression, d'y « laisser des plumes ».
M. Sébastien Meurant. - Quoi que l'on pense des cryptoactifs ou de la blockchain, ils font désormais partie de notre monde. Je ne suis guère rassuré. Je rappelle que, s'agissant des produits structurés, toutes nos autorités de contrôle ont failli : des collectivités territoriales, des hôpitaux se sont retrouvés piégés pour avoir souscrit à ces produits qu'on leur avait vivement conseillés. Le numéro deux de la Caisse des dépôts et consignations (CDC) était aussi le patron de Dexia... Je ne suis pas hostile par principe aux cryptoactifs, mais nous devons savoir ce qu'ils recouvrent. Quelles pistes de régulation vous semblent intéressantes ?
M. Michel Canévet. - Je ne comprends pas pourquoi nous examinons si tardivement ce texte. Celui-ci comporte de nombreuses demandes d'habilitation du Gouvernement à légiférer par ordonnance : sont-elles vraiment nécessaires ? Ne pourrait-on pas inscrire directement les dispositifs dans le corps de la loi ?
M. Patrice Joly. - Je remercie notre rapporteur qui a su nous présenter simplement des sujets très complexes. On ne peut que déplorer en effet qu'il nous faille examiner ce texte dans des délais aussi contraints.
Les dispositions sur les assurances et l'amélioration des conditions d'indemnisation des personnes lésées en cas d'accidents de la route semblent satisfaisantes.
L'article 2 modifie notre droit pour l'adapter au produit paneuropéen d'épargne-retraite individuelle, qui n'a pas été un succès, alors que nous sommes en plein débat en France sur la réforme des retraites. Le débat oppose les partisans de la retraite par répartition et les partisans de la retraite par capitalisation. J'ai choisi le camp de la répartition : ce système est plus sûr pour les cotisants et il ne s'accompagne pas de la constitution de grandes masses financières qui fluctuent au gré des décisions des fonds de pension, au risque de déstabiliser des pans entiers de l'économie. Ce sujet mériterait un texte spécifique.
Les cryptoactifs ont été conçus pour s'affranchir de tout cadre, de toute règle. Ces instruments financiers remettent en cause la souveraineté des États. La faillite de FTX montre que les petits épargnants risquent d'être ruinés. En toile de fond, il faut évidemment s'interroger sur la fraude et l'évasion fiscales : cette dernière est estimée à 1 000 milliards d'euros chaque année, soit l'équivalent du budget européen annuel !
M. Christian Bilhac. - J'approuve votre amendement visant à permettre à l'ACPR d'accéder aux casiers judiciaires des dirigeants de mutuelles dans le cadre du contrôle de leur honorabilité. Ces derniers sont élus par leurs sociétaires.
On peut s'interroger sur la multiplication des demandes d'habilitation à légiférer par ordonnance ; celles-ci aboutissent souvent à des surtranspositions. On pourrait le comprendre s'il y avait urgence, mais ce n'est pas le cas. Mieux vaudrait inscrire dans le corps de la loi les dispositions de transposition : le Parlement pourrait ainsi exercer son contrôle et cela permettrait de limiter les dérives des surtranspositions.
M. Hervé Maurey, rapporteur. - Je partage l'avis de notre rapporteur général, évitons de multiplier les normes et les obligations qui pèsent sur les entreprises. Nous devrons être vigilants sur ce sujet, alors que les normes de reporting qui devront être prises en application de la directive CSRD sont actuellement en cours d'élaboration.
Monsieur Meurant, le règlement MiCA sur les cryptoactifs doit entrer en vigueur au mois d'octobre 2024, avec une période de transition courant jusqu'au mois de mars 2026. Certains acteurs seront tentés de demander rapidement leur enregistrement pour pouvoir bénéficier de cette période de transition. L'enjeu serait donc de faire en sorte de restreindre la procédure d'enregistrement pour inviter les acteurs à demander leur agrément, sous le régime français. Nous échangeons avec le Gouvernement, qui pense être en mesure de formuler des propositions au moment de l'examen du texte à l'Assemblée nationale... On a l'impression que le Gouvernement fait peu de cas du Sénat. Nous tenterons de faire des propositions en vue de la séance publique, mais nous ne sommes pas certains d'y parvenir. Dans ce cas, nous interpellerons le Gouvernement dans l'hémicycle pour montrer que nous sommes conscients de la nécessité d'agir et pour ne pas laisser cette primeur aux députés.
Michel Canévet demandait pourquoi le projet de loi était si tardif, mais c'est au Gouvernement qu'il faudrait poser la question ! Comme l'a rappelé le rapporteur général, ce retard quant à la transposition des directives est devenu habituel. La dernière fois, le Gouvernement s'est justifié en évoquant la préparation de la présidence de l'Union européenne et aujourd'hui, on nous dit que l'exercice de cette présidence a pris beaucoup de temps ; la prochaine fois, il s'agira d'autre chose... Nous avons étudié la possibilité de réduire certaines durées d'habilitation ou d'inscrire directement dans le projet de loi les transpositions, mais cela paraît compliqué compte tenu des délais très courts dont nous disposons.
Enfin, le renforcement des critères d'honorabilité pour les responsables de mutuelles semble d'autant plus nécessaire que les critères envisagés s'appliquent déjà aux dirigeants de sociétés d'assurance et d'institutions de prévoyance. Il s'agit donc simplement d'un alignement par le haut pour accroître la portée des contrôles de l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution.
M. Claude Raynal, président. - Nous en venons au périmètre du texte. En application du vade-mecum sur l'application des irrecevabilités au titre de l'article 45 de la Constitution, adopté par la Conférence des Présidents, le rapporteur propose d'inclure dans le périmètre des articles délégués les dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne dans le domaine de l'économie et des finances, concernant plus précisément : les modalités de détermination des seuils d'applicabilité de la directive « Solvabilité II » et des seuils de définition des grands risques ; l'adaptation de notre droit aux actes législatifs de l'Union européenne en matière d'assurance de la responsabilité civile résultant de la circulation de véhicules automoteurs et du contrôle de l'obligation d'assurer cette responsabilité ; l'adaptation de notre droit aux actes législatifs de l'Union européenne en matière de produits d'épargne retraite ; l'harmonisation des obligations applicables aux mutuelles, aux institutions de prévoyance et aux sociétés de groupe d'assurance ; l'adaptation de notre droit aux actes législatifs de l'Union européenne en matière de communication, par certaines entreprises et succursales, d'informations relatives à l'impôt sur les revenus des sociétés ; l'adaptation de notre droit aux actes législatifs de l'Union européenne encadrant la publication d'informations en matière de durabilité par les entreprises ainsi que les obligations relatives aux enjeux sociaux, environnementaux et en matière de gouvernance d'entreprise des sociétés commerciales ; les règles applicables aux infrastructures de marché reposant sur la technologie des registres distribués ; les règles relatives aux contreparties centrales ; et les règles relatives aux gestionnaires de crédits et acheteurs de crédits de la directive du 24 novembre 2021.
Il en est ainsi décidé.
EXAMEN DES ARTICLES
Article 1er (délégué)
La commission proposera à la commission des affaires sociales d'adopter l'article 1er sans modification.
M. Hervé Maurey, rapporteur pour avis. - L'amendement COM-34 est rédactionnel.
L'amendement COM-34 est adopté.
La commission proposera à la commission des affaires sociales d'adopter l'article 2 ainsi modifié.
M. Hervé Maurey, rapporteur pour avis. - L'amendement COM-35 vise à étendre les exigences s'appliquant aux responsables de mutuelles en matière d'honorabilité, afin de les harmoniser avec celles qui s'appliquent aux responsables de sociétés d'assurance et d'institutions de prévoyance. En effet, les dirigeants de mutuelles bénéficient actuellement d'une dérogation, d'éventuelles condamnations pour crimes et délits n'étant pas prises en compte quand elles ont fait l'objet d'une dispense d'inscription au casier judiciaire. Nous proposons une harmonisation par le haut.
L'amendement COM-35 est adopté.
La commission proposera à la commission des affaires sociales d'adopter l'article 3 ainsi modifié.
Article 4 (délégué)
La commission proposera à la commission des affaires sociales d'adopter l'article 4 sans modification.
M. Hervé Maurey, rapporteur pour avis. - L'amendement COM-36 est rédactionnel.
L'amendement COM-36 est adopté.
La commission proposera à la commission des affaires sociales d'adopter l'article 5 ainsi modifié.
Articles 6 et 7 (délégués)
La commission proposera à la commission des affaires sociales d'adopter les articles 6 et 7 sans modification.
M. Hervé Maurey, rapporteur pour avis. - L'amendement COM-37 vise à restreindre le champ de l'habilitation à légiférer par ordonnance, en permettant au Gouvernement de modifier les obligations de publication des entreprises uniquement pour les cas dans lesquels ces obligations interviendraient dans un domaine déjà couvert par les actes délégués pris par la Commission européenne en application de la directive relative à la publication d'informations en matière de durabilité par les entreprises.
L'amendement COM-37 est adopté.
La commission proposera à la commission des affaires sociales d'adopter l'article 8 ainsi modifié.
Article 13 (délégué)
La commission proposera à la commission des affaires sociales d'adopter l'article 13 sans modification.
Le sort des amendements examinés par la commission est retracé dans le tableau suivant :
TABLEAU DES SORTS
Proposition de loi tendant à renforcer la protection des épargnants - Désignation d'un rapporteur
La commission désigne MM. Jean-François Husson et Albéric de Montgolfier rapporteurs sur la proposition de loi n° 586 (2021-2022) tendant à renforcer la protection des épargnants, présentée par MM. Jean-François Husson et Albéric de Montgolfier.
La réunion est close à 10 h 05.
Mercredi 7 décembre 2022
- Présidence de M. Claude Raynal, président -
La réunion est ouverte à 10 heures.
Mission d'information "flash" sur le champ et la mise en oeuvre effective des dispositifs de suspension des avantages fiscaux pour les dons aux associations - Communication
M. Claude Raynal, président. - Nous entendons ce matin M. le rapporteur général Jean-François Husson et M. le rapporteur spécial Éric Jeansannetas, co-rapporteurs de la mission d'information « flash » créée par notre commission sur le champ et la mise en oeuvre effective des dispositifs de suspension des avantages fiscaux pour les dons aux associations.
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Cette mission nous a été confiée après que la pétition de la Fédération nationale des chasseurs (FNC) mettant en cause les avantages fiscaux pour les dons aux associations lorsque celles-ci commettent des actes délictueux a recueilli 100 000 signatures. Nous avons découvert, avec Éric Jeansannetas, que, comme souvent, des dispositifs législatifs existaient déjà, mais qu'ils n'étaient pas utilisés.
M. Éric Jeansannetas, rapporteur spécial de la mission « Sport, jeunesse et vie associative ». - Le 15 février 2022, Willy Schraen, président de la Fédération nationale des chasseurs, a en effet déposé sur la plateforme dédiée du Sénat une pétition qui vise à « la fin de la réduction fiscale pour les dons aux associations qui utilisent des moyens illégaux contre des activités légales ».
À la fin du mois de juin 2022, la pétition a dépassé le seuil des 100 000 signatures. La Conférence des présidents a décidé d'y donner suite en la renvoyant à la commission des finances. Par la suite, notre commission a fait le choix de mettre en place une mission d'information « flash » sur le champ et la mise en oeuvre effective des mécanismes de suspension des avantages fiscaux pour les dons aux associations.
Le rapporteur général et moi-même, en ma qualité de rapporteur spécial de la mission « Sport, jeunesse et vie associative », avons mené onze auditions entre les mois de juillet et octobre. Nous avons entendu des représentants des chasseurs, du monde agricole, ainsi que des représentants des associations et les administrations concernées.
Nous avons souhaité, dans le cadre de ces travaux, faire le bilan des dispositifs existants et formuler des recommandations sur la mise en oeuvre des mécanismes de suspension des avantages fiscaux pour les associations.
La réduction d'impôt sur le revenu pour les dons aux associations d'intérêt général, codifiée à l'article 200 du code général des impôts (CGI), est une dépense fiscale ancienne ; elle date, pour être précis, des débuts de la IVe République. Elle a vocation à encourager les contribuables à s'impliquer dans le développement du tissu associatif, qui est l'une des pierres angulaires de la société civile. À cet égard, cette réduction d'impôt fait figure de symbole, et le monde associatif a souvent rappelé lors des auditions son attachement au régime du mécénat.
D'ailleurs, d'autres réductions fiscales ont été mises en place sur ce modèle ; je pense au régime du mécénat applicable pour les entreprises, et à la réduction d'impôt sur la fortune immobilière pour les dons.
Aujourd'hui, la réduction fiscale pour les dons constitue le principal soutien public en faveur des associations. En 2021, on estime à 4,8 millions le nombre de foyers fiscaux donateurs, pour un montant de 2,8 milliards d'euros. Le montant total de la réduction fiscale prévue à l'article 200 du CGI est de 1,6 milliard d'euros.
Cette réduction fiscale repose sur une double relation de confiance. D'un côté, les associations n'ont pas à se prévaloir d'une autorisation préalable pour émettre des reçus fiscaux ouvrant droit à la réduction d'impôt pour les dons. De l'autre, les contribuables doivent pouvoir donner aux causes qui leur tiennent à coeur en ayant la garantie suffisante que les activités menées par les associations respectent la loi.
C'est pour cette raison qu'il n'est pas acceptable que des associations qui commettent des infractions puissent bénéficier indirectement d'un soutien public grâce à cette réduction d'impôt. L'ensemble des personnes auditionnées ont d'ailleurs réaffirmé ce principe. Nous avons notamment reçu des témoignages de violences et de dégradations commises envers des chasseurs et des agriculteurs. Leurs représentants ont exprimé leur inquiétude légitime face à de tels actes et craignent que des associations qui commettent ou soutiennent ces actes puissent parallèlement bénéficier de la réduction d'impôt pour les dons. Tel est d'ailleurs l'objet de la pétition qui a mené à la création de cette mission d'information.
Bien entendu, la mission n'a pas vocation à porter des accusations sur certaines associations en particulier ni la compétence de mener une enquête sur celles qui commettraient des infractions. En revanche, nous nous sommes attachés à vérifier que les mécanismes de suspension du régime du mécénat qui existent aujourd'hui répondent aux enjeux que je vais présenter brièvement.
Tout d'abord, la Cour des comptes a la possibilité de contrôler la conformité des dépenses à l'appel à la générosité publique, et le ministre chargé des comptes publics peut, à la suite d'une déclaration de non-conformité de la Cour, décider de suspendre les avantages fiscaux de l'association.
Ce contrôle porte sur des associations qui présentent des enjeux financiers importants et qui montrent des signes de difficultés de gestion. Ce sont des cas qui ne correspondent pas exactement à ceux de l'objet de la pétition, qui visent les associations qui pourraient mener ou soutenir la réalisation d'infractions de droit commun. Nous nous sommes donc davantage concentrés sur les autres mécanismes de contrôle.
Depuis l'entrée en vigueur le 1er janvier 2022 de l'article 18 de la loi du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République, l'administration fiscale peut contrôler sur place que les associations qui émettent des reçus fiscaux respectent les conditions prévues par la loi. Ce dispositif étant entré en vigueur il y a moins d'un an, le retour d'expérience de son application n'est pas encore possible. Toutefois, nous en avons étudié la portée.
Enfin, depuis 2009, le paragraphe II de l'article 1378 octies du CGI prévoit un mécanisme de suspension automatique de la réduction d'impôt pour les dons aux associations pour celles qui ont été définitivement condamnées au pénal pour certaines infractions - l'abus de confiance, l'escroquerie, les actes de terrorisme, le blanchiment d'argent, le recel, l'usage de menace ou de violence à l'égard d'un agent public et l'atteinte à la vie d'autrui par la diffusion d'informations relatives à la vie privée, familiale ou professionnelle.
Le rapporteur général va maintenant détailler la mise en application concrète de ces mécanismes et présenter nos recommandations qui découlent de nos constats.
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - S'agissant, tout d'abord, du contrôle opéré en vertu de l'article 18 de la loi précitée, nous avons constaté qu'il subsistait une ambiguïté : l'administration fiscale se borne-t-elle à effectuer un contrôle formel de l'objet de l'association avec l'une des catégories mentionnées à l'article 200 du CGI, ou mène-t-elle un contrôle approfondi des moyens utilisés pour que l'association remplisse ses objectifs ?
Pour prendre un exemple, une association qui utilise des moyens illégaux dans un objectif d'intérêt général, comme la défense de l'environnement, peut-elle bénéficier de la réduction d'impôt pour les dons ? La direction générale des finances publiques (DGFiP) nous a répondu qu'une association qui utiliserait des moyens illégaux pour des objectifs relevant du régime du mécénat ne serait pas autorisée à émettre des reçus fiscaux. Cela confirme que notre arsenal juridique comprend déjà un dispositif permettant de suspendre le bénéfice de la réduction d'impôt sur les dons pour les associations qui commettent des infractions, même si leurs objectifs entrent dans le cadre de l'article 200 du CGI.
Néanmoins, relevons que la suspension des avantages fiscaux n'est pas automatique dans le cadre de cette procédure. Les services de la DGFiP disposent d'une marge d'appréciation pour savoir quels actes illégaux seraient passibles ou non d'une suspension de l'avantage fiscal pour les dons.
En revanche, comme Éric Jeansannetas vient de l'indiquer, dans certains cas, la DGFiP est obligée de suspendre le régime du mécénat, comme prévu au paragraphe II de l'article 1378 octies du CGI.
Dans la disposition originelle, qui date de 2009, la liste des infractions était limitée à l'abus de confiance et à l'escroquerie. La loi du 24 août 2021 en a étendu le champ, en y intégrant d'autres infractions, que nous vous avons citées. Il a fréquemment été évoqué, notamment lors de l'examen du projet de loi de finances, l'opportunité d'élargir une nouvelle fois ce mécanisme de suspension automatique. Toutefois, nous nous sommes aperçus qu'il convenait avant tout de s'assurer de l'application effective des mesures déjà adoptées.
Si l'administration fiscale exerce désormais un contrôle de la régularité des dons aux associations, elle n'est pas pour autant juge au fond de la légalité des actions que mènent ces structures.
Nous avons bien sûr conscience des difficultés que cela engendre chez les personnes victimes de ces infractions. Mais les associations peuvent aussi compter parmi leurs membres des personnes qui commettent des actes illégaux, sans même le savoir ni cautionner leurs agissements coupables. La détermination des infractions relève avant tout de l'enquête et de la procédure judiciaires, et non de l'action de l'administration fiscale.
L'articulation entre l'exercice de la justice pénale et le contrôle de l'administration fiscale est donc essentielle dans la mise en oeuvre des mécanismes de suspension de la réduction fiscale pour les dons aux associations. Or, nous nous sommes rendu compte au cours de cette mission que cette articulation est tout simplement absente en ce qui concerne le mécanisme de suspension automatique des avantages fiscaux pour les dons aux associations. Il n'existe en effet aujourd'hui aucun circuit qui permet à l'administration fiscale de prendre connaissance des associations ayant été condamnées pour ces infractions, et donc de suspendre leurs avantages fiscaux.
Ainsi, depuis son entrée en vigueur en 2009, le mécanisme de suspension automatique du régime du mécénat n'a jamais été appliqué. Il est pour le moins préoccupant, et même navrant, que cette disposition n'ait jamais été mise en oeuvre depuis treize ans...
Notre première recommandation est donc très simple : il faut mettre très rapidement en place les outils permettant d'appliquer le mécanisme de suspension automatique de la réduction fiscale pour les dons aux associations en cas de condamnation pénale définitive pour certaines infractions. Les juridictions pénales doivent pouvoir transmettre à l'administration fiscale la liste des décisions définitives concernées par les dispositions du paragraphe II de l'article 1378 octies du CGI. En sens inverse, il est nécessaire que l'administration fiscale communique à la direction des affaires criminelles et des grâces la liste des organismes à but lucratif faisant appel à la générosité du public.
Ces échanges de données permettront - c'est notre deuxième recommandation - de produire des statistiques sur le nombre d'associations condamnées en vertu de l'une des infractions susmentionnées.
Les remontées de données provenant de l'autorité judiciaire pourraient également permettre à l'administration de lancer un contrôle de la régularité des dons, sur le fondement de l'article L. 14 A du livre des procédures fiscales, tel qu'il a été modifié par l'article 18 de la loi précitée. C'est ainsi que la suspension du régime du mécénat pourrait être décidée dans l'un ou l'autre de ces cas.
Nous recommandons donc de finaliser les conditions de mise en oeuvre de la nouvelle procédure de contrôle de la régularité des dons aux associations issue de l'article 18 de la loi précitée, et de mettre en place un suivi quantitatif des décisions qui sont prises sur son fondement.
Pour conclure, la mission déplore l'absence, à l'heure actuelle, d'un véritable contrôle de l'éligibilité à la réduction fiscale pour les dons aux associations, faute de la mise en place d'un circuit entre l'autorité judiciaire et l'administration fiscale. La raison de cette carence ne provient pas d'une lacune des textes législatifs, qui couvrent aujourd'hui déjà un grand nombre de cas, mais simplement d'un défaut d'application de ces textes. Il est indispensable que tout soit mis en oeuvre pour que ce contrôle soit rendu opérationnel le plus rapidement possible, afin que soit préservée la double relation de confiance au fondement du régime fiscal des dons.
C'est seulement une fois que nous aurons un réel retour d'expérience sur ces dispositifs que nous pourrions envisager de les ajuster, si nécessaire.
M. Claude Raynal, président. - Depuis la promulgation de la loi, combien de décisions de justice ont pu donner lieu à des sanctions automatiques ?
M. Didier Rambaud. - Ma question est technique. Une adhésion à une association peut-elle être considérée comme un don ? Si oui, chaque adhérent peut réclamer une déduction fiscale. Il y a quelques années, dans ma commune, le président d'un club de basket a refusé à un membre qui en faisait la demande la déduction fiscale, arguant que son association n'était pas reconnue d'utilité publique.
M. Patrice Joly. - J'aimerais que l'on prenne la mesure de ce que représente la dépense fiscale, 1,6 milliard d'euros pour des dons à hauteur de 2,8 milliards d'euros - c'est beaucoup. Le contribuable décide ainsi de la destination de ses impôts ; or il ne lui revient pas de savoir ce qui est bon pour l'intérêt général. J'entends l'intérêt des associations, et leur travail à la cohésion sociale est une évidence. Oui à l'incitation à participer, mais elle va très loin. Je rappelle mon traumatisme quant au financement de la fondation LVMH ; le Président de la République a été invité à inaugurer cette structure financée essentiellement par des dépenses fiscales à hauteur de 500 ou de 700 millions d'euros. Aussi, il conviendrait de revoir les modalités de déductions fiscales.
Par ailleurs, peut-on établir un parallèle avec le mécénat d'entreprise ? Les problématiques sont-elles équivalentes ?
M. Roger Karoutchi. - Il est exact que la déduction fiscale peut apparaître lourde dans certains cas. Toutefois, depuis des années, l'État finance de moins en moins la vie associative ; si l'on supprime les déductions fiscales, la plupart des associations n'auront plus qu'à mettre la clef sous la porte.
Dans le cas où l'on décide de suspendre une déduction pour raison de fraude ou autre, le fisc pourrait-il demander le remboursement des déductions fiscales des années antérieures ?
M. Claude Raynal, président. - Si ce remboursement vise les contribuables, j'espère que non.
Mme Sylvie Vermeillet. - La question est très intéressante, et vos recommandations sont plus que légitimes. Il est en effet édifiant d'entendre que, depuis 2009, la loi n'est pas appliquée. Lors de l'examen du projet de loi de finances (PLF) pour 2023, j'ai déposé un amendement prévoyant une déduction maximale de 50 % et non de 66 % ou de 75 %. Dans un contexte d'économies à réaliser, il me semblait judicieux que l'État participe à hauteur de 50 % - c'est une piste à étudier. Il faudrait probablement aussi davantage cibler le champ des associations concernées.
Il convient en effet de permettre à l'administration de recueillir les décisions de justice, et qu'elle ait les moyens de contrôler les reversements fiscaux. Dans le cadre de la lutte contre le terrorisme et le blanchiment d'argent, ne pourrait-on pas travailler sur l'origine des dons ? Il faudrait établir une traçabilité de ces fonds. Vous proposez que la déduction soit supprimée en cas de condamnation, mais si les fonds sont illicites, peut-on agir en amont ?
M. Jean-Michel Arnaud. - Quel est le nombre d'associations reconnues d'intérêt général ? Dans mon département, je m'interroge sur certaines associations reconnues d'utilité publique. Dans l'affirmative, peut-on envisager un agrément renouvelé pour que les associations démontrent qu'elles n'ont pas été l'objet d'une condamnation pénale ?
Par ailleurs, la question du financement public à des structures souvent associatives qui ne respectent pas parfois la loi est un vrai sujet. Je pense, par exemple, aux cirques, qui bénéficient de financements publics au titre de la diffusion culturelle ou de l'art du cirque, qui ne respectent pas les règles dans les territoires et font parfois l'objet de condamnations pénales. Au-delà des associations, nous devons examiner ce sujet d'intérêt supérieur.
M. Claude Raynal, président. - Vous élargissez là le périmètre de la mission.
M. Jérôme Bascher. - Lors de l'examen du PLF, aux amendements présentés sur ce sujet, le ministre nous a répondu : « Circulez, il n'y a rien à voir. ». Si l'association fait de l'escroquerie, de la fraude fiscale, les recommandations répondent à cette problématique. Mais si les associations se sentent menacées de rescrit fiscal, elles se constituent en collectif. Je pense à l'association L214. Que peut-on faire contre un collectif ?
M. Claude Raynal, président. - La question posée ici est celle du financement des associations par l'État au travers des avantages fiscaux portant sur les dons, les collectifs n'en bénéficient pas.
M. Christian Bilhac. - Comme nombre d'entre nous, je fais des dons aux associations depuis des années. Jamais l'administration fiscale ne m'a demandé de fournir les reçus que m'adressent les associations. A priori, il n'y a pas de suivi par l'administration fiscale de tous ces dons aux associations.
M. Emmanuel Capus. - Dans quel véhicule législatif pourrons-nous mettre en oeuvre ces trois recommandations ?
M. Claude Raynal, président. - Les recommandations consistent à dire qu'il faut appliquer les textes existants.
M. Éric Jeansannetas, rapporteur spécial. - Non, l'administration fiscale ne transmet pas la liste des organismes non lucratifs à l'autorité judiciaire.
Oui, monsieur Rambaud, l'adhésion est un don. En revanche, toutes les associations n'ouvrent pas pour autant droit à la déduction fiscale, telles les associations sportives.
Monsieur Joly, le financement de la fondation LVMH dépasse largement le périmètre de notre mission « flash ». Quant au parallèle avec le mécénat d'entreprise, savoir si des entreprises condamnées peuvent conduire à la suspension de la réduction fiscale, c'est un autre sujet. La réduction fiscale pour les dons aux associations est plafonnée à 20 % du revenu imposable, ce qui permet de limiter les avantages pour le contribuable.
Monsieur Karoutchi, le remboursement des avantages fiscaux au titre des années antérieures n'est pas demandé au contribuable. En revanche, l'article 1740 A du code général des impôts prévoit une amende pour les associations qui ont émis de manière irrégulière des reçus fiscaux. Le montant de l'amende peut inclure les années précédentes.
Madame Vermeillet, certes, la loi a peu d'effets, mais je rappelle que la liste des infractions conduisant à la suspension automatique de la réduction d'impôt pour les dons aux associations a été élargie : abus de confiance, escroquerie, actes de terrorisme, blanchiment d'argent, recel, usage de menace ou de violence à l'égard d'un agent public. Il n'en demeure pas moins qu'aucune suspension d'avantage fiscal lié aux dons aux associations n'a été prononcée à ce jour à la suite d'une condamnation pénale définitive d'après les informations que nous avons recueillies.
Le système de l'agrément renouvelable pose plusieurs difficultés. Actuellement, les associations se constituent librement, c'est un principe constitutionnel. Les Français y sont très attachés. Le contrôle administratif sur la liberté de s'associer et l'objet des associations paraît donc extrêmement difficile à mettre en place.
Monsieur Bascher, en vertu de la jurisprudence, une association peut être constituée de fait, même si elle s'appelle collectif.
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Je souhaite insister sur trois sujets.
Je rappelle le contexte de tension à l'endroit de quelques mouvements associatifs, dont certains membres se livrent à des comportements pour le moins répréhensibles. Dans le cadre d'une association, qui est responsable ? La responsabilité de l'association est-elle engagée, ou seulement celle d'une poignée d'individus ?
Il s'est posé le cas de L214 face à certains mouvements de défense du monde rural et agricole et au monde de la chasse. La pétition pointe le fait qu'il est inacceptable que des associations financées par l'impôt se livrent à des exactions ou à des actes répréhensibles ou condamnables.
La loi est claire, et d'ailleurs, la loi de 2009 a été renforcée par celle de 2021, comme nous l'avons dit. La carence vient avant tout de l'absence de connexion entre l'autorité judiciaire et l'administration fiscale. C'est pourquoi il faut faire en sorte qu'elles échangent des informations sur les associations condamnées au pénal.
Je l'ai dit, les dispositifs existent. Encore faut-il les appliquer et les mettre en oeuvre ! En cas de problème, la procédure doit pouvoir être enclenchée. Il peut s'agir d'une initiative individuelle, en marge de l'engagement associatif, ou l'association peut être mise en cause pour complicité. À l'issue de la procédure pénale, il est possible, j'y insiste, et c'est le plus important, de suspendre les avantages fiscaux pour les dons et donc de stopper les financements publics, même si l'on pourrait allonger encore la liste des infractions conduisant à la suspension automatique de la réduction d'impôt.
Concernant l'objet de la mission, le monde associatif a redouté qu'il s'agisse d'une manière insidieuse de remettre en cause le financement par les particuliers via la déduction fiscale. Le Haut Conseil à la vie associative, France générosités nous ont alertés sur ce sujet. Nous les avons rassurés, en précisant qu'il ne s'agissait que de répondre à la pétition. D'ailleurs, c'est à la dernière audition que nous avons vraiment compris que le mécanisme de 2009 n'était pas appliqué. Les missions « flash » permettent d'identifier rapidement un problème et d'apporter des réponses. En l'espèce, la réponse est simple : mettre en oeuvre les dispositifs qui existent.
M. Éric Jeansannetas, rapporteur spécial. - J'aimerais apporter une précision à l'attention de Mme Vermeillet et de M. Bilhac sur la traçabilité. Obliger le donateur à indiquer l'association à laquelle il donne risquerait d'être anticonstitutionnel, car contraire au respect de la vie privée du contribuable. Dans le cas du financement du terrorisme, c'est l'enquête qui permettra de retracer les financements.
S'il n'y a pas encore eu de suspension de la déduction fiscale d'une association à la suite d'une condamnation pénale définitive, le contrôle de la Cour des comptes est effectif, bien qu'il ne concerne que les grandes associations. La Cour peut émettre des recommandations pour demander, par exemple, aux présidents des associations une mise en conformité, et le ministre chargé des comptes publics est libre de suspendre ou non le régime fiscal des dons.
M. Claude Raynal, président. - Je ne pense pas que le blanchiment et le financement du terrorisme passent par ces dons aux associations.
Les recommandations des rapporteurs sont adoptées.
La commission autorise la publication du rapport d'information de MM. Jean-François Husson et Éric Jeansannetas, rapporteurs, sur le champ et la mise en oeuvre effective des dispositifs de suspension des avantages fiscaux pour les dons aux associations.
La réunion est close à 10 h 50.
Projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027 - Désignation des candidats pour faire partie de la commission mixte paritaire
La commission soumet au Sénat la nomination de MM. Claude Raynal, Jean-François Husson, Mme Christine Lavarde, MM. Roger Karoutchi, Michel Canévet, Mme Isabelle Briquet et M. Didier Rambaud comme membres titulaires, et de MM. Arnaud Bazin, Stéphane Sautarel, Jérôme Bascher, Vincent Delahaye, Thierry Cozic, Pascal Savoldelli et Jean-Claude Requier comme membres suppléants de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027.
La réunion est close à 10 h 50.