Jeudi 7 juillet 2022
- Présidence de Mme Françoise Gatel, présidente de la délégation aux collectivités territoriales, et de M. Serge Babary, président de la délégation aux entreprises -
La réunion est ouverte à 10 h 45.
Bilan d'étape de la mission conjointe de contrôle sur la revitalisation des centres-villes et des centres-bourgs
Mme Françoise Gatel, présidente. - Mes chers collègues, nous allons à présent dresser un bilan d'étape de la mission conjointe de contrôle sur la revitalisation des centres-villes et des centres-bourgs. Le Sénat exerce sa fonction d'évaluation avec beaucoup de vigilance et d'attention. Nous ne nous contentons pas de concevoir des lois. Nous les évaluons et en assurons le suivi.
La revitalisation des centres-villes et des centres-bourgs est pour nous une préoccupation majeure depuis des années. Nos deux délégations ont toujours été en première ligne en la matière. Saisi d'une question prioritaire de constitutionnalité, le Conseil constitutionnel a validé en 2020 la philosophie des dispositions que notre Haute Assemblée a adoptées en ce sens dans le cadre de la loi du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique (ÉLAN) sur l'initiative de Rémy Pointereau et de Martial Bourquin. Il a souligné que la redynamisation des centres-villes constituait un objectif d'intérêt général. Les résultats de la dernière élection présidentielle et des élections législatives ne peuvent que raviver, s'il en était besoin, notre ferveur à cet égard.
Trois ans et demi après le vote de la loi ÉLAN, peut-on réaliser un service après-vote efficace et en tirer quelques enseignements ? Quid de l'intérêt des programmes Action coeur de ville (ACV) et Petites Villes de demain (PVD), pilotés par l'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT), qui fait l'objet d'une filature extrêmement bienveillante, mais tout aussi exigeante, de la part du Sénat, avec nos collègues Céline Brulin et Charles Guené ?
Pour mener ce travail d'évaluation, nous avons créé au mois de février une mission conjointe de contrôle présidée par notre collègue Rémy Pointereau et rapportée par nos collègues Serge Babary, président de la délégation aux entreprises, Gilbert-Luc Devinaz et Sonia de La Provôté. Je me réjouis d'accueillir ce quatuor de choc.
M. Serge Babary, président, rapporteur. - La dévitalisation des centres-villes et des centres-bourgs a longtemps été un phénomène sous-estimé, voire nié par les pouvoirs publics. Pendant des années, ces derniers ont fermé les yeux sur le sujet. La disparition progressive des commerces des centres a rendu la dévitalisation visible par tous. Elle dissimulait une réalité bien plus profonde, marquée par la dégradation de l'habitat, la fuite des équipements et des services du quotidien, ou encore la diminution de la population et sa paupérisation.
C'est pourquoi nos deux délégations s'étaient saisies dès 2017 du sujet, qui touche à l'équilibre entre les territoires, au lien social et à l'identité de notre pays. C'est donc un enjeu de société. Veut-on la pérennité de la ville à l'européenne, avec un centre lieu de vie sociale, citoyenne, culturelle et religieuse, ou des cités-dortoirs ?
Le Sénat, lanceur d'alerte, est directement à l'origine du volet revitalisation de la loi ÉLAN, ainsi que des programmes ACV et PVD. Deux questions se posent. La loi ÉLAN, qui visait notamment à mieux réguler l'offre commerciale en périphérie, a-t-elle atteint ses objectifs ? Les programmes ACV et PVD ambitionnent d'allouer des moyens opérationnels aux politiques locales de revitalisation ; le défi est-il en passe d'être relevé ?
Nous avons effectué de nombreuses auditions et réalisé des déplacements qui nous ont permis de rencontrer les acteurs locaux de la revitalisation, c'est-à-dire à la fois les services de l'État et les élus, et d'avoir leur retour du terrain. Nous avons lancé deux consultations en ligne, l'une à destination des élus locaux, l'autre à destination des chefs de projet, des deux programmes. Afin d'exploiter de manière fine et précise les réponses, nous avons fait appel à l'institut de sondages OpinionWay que je remercie pour la qualité du travail réalisé.
M. Frédéric Micheau, directeur général adjoint d'OpinionWay. - Je souhaite présenter rapidement la mission qui a été confiée à OpinionWay.
Premièrement, notre institut n'a été responsable ni de la rédaction des questionnaires ni de la réalisation de la consultation, qui étaient sous la responsabilité du Sénat. La prestation d'OpinionWay commence à partir du traitement des réponses.
Deuxièmement, il s'est agi d'une consultation, et non d'un sondage. Dans une consultation, ne répondent que ceux qui le souhaitent ; la participation est libre. On parle donc non pas de « personnes interrogées », mais de « répondants ». Cela a une conséquence méthodologique forte : l'échantillon des répondants n'est peut-être pas représentatif de la population totale sollicitée.
La consultation auprès des élus locaux a eu lieu du 24 mars au 6 mai, et 856 élus locaux s'en sont saisis, soit un échantillon plutôt substantiel. Celle auprès des chefs de projet a eu lieu du 6 avril au 19 mai, et nous avons 668 chefs de projet qui se sont exprimés, ce qui est statistiquement très important.
Parmi les élus locaux, 70 % des répondants sont des élus de communes de moins de 2 000 habitants. Les plus petites communes, les communes rurales sont donc davantage représentées. En outre, 81 % des répondants n'appartiennent ni au programme ACV, précisément parce qu'il y a beaucoup d'élus ruraux, ni au programme PVD, qui a moins de deux ans d'existence, et ils n'ont pas mis en place d'opération de revitalisation des territoires (ORT).
Parmi les chefs de projet, 79 % sont sur le programme PVD et 21 % sont sur le programme ACV.
Mme Sonia de La Provôté, rapporteure. - Nous avons regroupé les différents enseignements de ces consultations en quatre thèmes. Premièrement - c'est moi qui présenterai cette partie -, les mesures ÉLAN sont globalement jugées pertinentes et efficaces par les acteurs locaux. Deuxièmement, de nombreux élus sont engagés dans une politique de revitalisation en dehors des outils d'ORT et des programmes ACV et PVD. Troisièmement, les élus bénéficiant des programmes ACV et PVD ont mieux réussi la revitalisation de leur centre-ville ou de leur centre-bourg. Quatrièmement, ces deux programmes présentent des atouts et des limites du point de vue des acteurs locaux.
Les mesures ÉLAN sont donc globalement jugées pertinentes et efficaces. Mais je précise bien qu'il s'agit là d'une estimation de la part de répondants. Nous avons interrogé des élus et des chefs de projet sur l'efficacité ou non du contenu du texte en distinguant, d'une part, les dispositions juridiques visant à la régulation des implantations commerciales en périphérie et, d'autre part, l'ORT, qui constitue le coeur du volet revitalisation et qui avait amené une dimension importante en matière d'aménagement du territoire dans une loi quasi exclusivement destinée au logement.
M. Frédéric Micheau. - Je commence par les réponses des élus locaux sur les dispositions juridiques relatives à la régulation commerciale de la loi ÉLAN. Sur les sept principales mesures, six sont majoritairement jugées efficaces. Les réponses s'étalent entre 61 % pour la mesure la moins bien notée, c'est-à-dire l'obligation pour la commission départementale d'aménagement commercial de tenir compte de nouveaux critères dans la délivrance des autorisations, jusqu'à 68 % pour la mesure jugée la plus efficace, c'est-à-dire les tests anti-friche.
Les autres mesures sont également jugées efficaces par environ les deux tiers des répondants ; c'est vrai pour la mise en place du document d'aménagement artisanal et commercial, pour le fait que le préfet contrôle si les équipements commerciaux sont conformes à l'autorisation accordée, pour l'obligation pour le demandeur de produire une analyse d'impact du projet commercial et pour le renforcement des obligations de remise en état des surfaces commerciales abandonnées. Enfin, l'obligation d'information des maires des communes limitrophes des demandes d'autorisation d'exploitation commerciale est jugée efficace par quasiment un élu sur deux.
Par ailleurs, 60 % des élus dont le territoire a été signataire d'une ORT estiment que cela a contribué à revitaliser le centre-ville ou le centre-bourg de leur collectivité. Dans le détail, trois mesures sont jugées efficaces ou plutôt efficaces par les élus concernés par une ORT : d'abord, l'accès prioritaire aux aides de l'Agence nationale de l'habitat (ANAH), de la Banque des territoires et d'Action Logement ; ensuite, le renforcement du droit de préemption urbain et du droit de préemption pour les locaux artisanaux ; enfin, l'éligibilité du dispositif de défiscalisation Denormandie dans l'ancien.
Mme Sonia de La Provôté, rapporteure. - L'appréciation positive des élus sur les mesures juridiques adoptées en 2018 est plutôt une bonne nouvelle. C'est la preuve que notre institution a émis des propositions pertinentes pour revitaliser les centres-villes et les centres-bourgs. La loi ELAN a eu un impact positif en matière d'aménagement du territoire, et sur un temps extrêmement court.
En 2018, Rémy Pointereau, ici présent, et Martial Bourquin avaient proposé le dispositif des opérations de sauvegarde économique et de redynamisation (OSER). C'était la pierre angulaire de leur proposition de loi, qui a été - je le rappelle - votée ici à l'unanimité. Il s'agissait de déterminer l'application de plusieurs régimes dérogatoires et de mesures exceptionnelles dans un périmètre circonscrit de centralité urbaine et défini par les élus en partenariat avec l'État. Ce dispositif sénatorial a fortement inspiré la création des ORT, qui permettent aux élus de mettre en oeuvre un projet global de territoire destiné à revitaliser le parc de logements, le parc de locaux commerciaux et d'artisanat et le tissu urbain. L'ORT se matérialise par une convention signée entre la ville, l'intercommunalité et l'État. Elle définit le projet de revitalisation et délimite le périmètre des secteurs d'intervention. La convention confère aux communes signataires une palette d'outils juridiques et fiscaux ad hoc destinés principalement à renforcer l'activité commerciale en centre-ville et à moderniser le parc de logements.
L'efficacité des ORT, révélée par notre consultation en ligne, confirme les retours très positifs des élus que nous avons rencontrés lors de nos auditions et déplacements. Plus les élus ont engagé une démarche ORT, plus leur satisfaction est forte.
À ce stade, le taux de satisfaction atteint 60 %. Ce chiffre peut paraître bas mais les répondants sont des élus ruraux ayant signé récemment des ORT. Parmi les 40 % qui restent, et qui méritent d'être regardés avec attention, il y a aussi un certain nombre de freins qui doivent être identifiés ; les réponses seront probablement meilleures si nous réinterrogeons les élus dans un ou deux ans. Enfin, 66 % des élus ORT estiment être bien accompagnés par l'État dans la mise en oeuvre et le suivi de l'opération.
Dans la consultation comme lors de nos échanges avec les élus et les chefs de projet, le dispositif Denormandie est souvent cité comme un outil essentiel de revitalisation et un des éléments les plus attractifs du statut d'ORT. C'est une aide fiscale accordée dans le cas d'un investissement locatif en centre-ville dégradé, afin d'encourager la rénovation dans l'ancien. Dans le cadre des ORT, le dispositif prend la forme d'une réduction d'impôt sur le revenu accordée aux particuliers achetant un logement vide à rénover dans certaines zones pour le mettre ensuite en location. Il demeure cependant trop peu connu et sous-utilisé ; cela me rappelle un peu le dispositif Malraux... Nous déplorons que les démarches d'évaluation aient été tardivement engagées et que les services de l'État peinent à nous donner des estimations précises de son utilisation. Lors de son audition, au début du mois de juin, le ministère du logement a indiqué que, sur la base des déclarations faites en 2021, on comptait seulement 700 ménages bénéficiaires. C'est donc très en dessous des besoins. Mais ceux qui en bénéficient témoignent de la grande utilité du dispositif. Étonnamment, le nombre de logements concernés et leur localisation ne sont pas connus des services de l'État, ce qui soulève des interrogations. Nous envisageons de présenter dans le rapport final une recommandation, afin d'assurer un meilleur déploiement du dispositif Denormandie et de conduire une évaluation précise du dispositif et de ses effets sur la revitalisation. Si l'évaluation est positive, il faudra faire connaître largement cette mesure auprès des élus et des investisseurs potentiels.
M. Serge Babary, président, rapporteur. - De nombreux élus sont engagés dans une politique de revitalisation en dehors des outils ORT, ACV et PVD. Nous avons souhaité savoir comment ces élus menaient leurs actions de revitalisation et connaître leurs éventuelles difficultés. Les consultations nous ont apporté des enseignements intéressants.
M. Frédéric Micheau. - La revitalisation est un combat de nombreux élus. Ainsi, 47 % des répondants, soit près d'un sur deux, indiquent que leur collectivité mène des actions de revitalisation en dehors du cadre d'une ORT ou des programmes ACV et PVD.
Selon les chefs de projet, dans de nombreuses collectivités, une politique de revitalisation était conduite avant même le lancement des programmes. Bien souvent, une stratégie était même clairement définie et un diagnostic avait été réalisé.
Il y a une forte méconnaissance des outils qui sont à disposition.
Les mesures juridiques de la loi ÉLAN demeurent méconnues et peu appliquées, avec un taux de méconnaissance variant entre 35 % et 44 % selon les dispositions, et entre 25 % et 35 % des élus locaux qui déclarent connaître ces mesures mais ne pas les appliquer dans leur commune. Ainsi, 61 % des élus qui auraient souhaité bénéficier d'une ORT mettent en avant leur ignorance de l'existence de tel ou tel dispositif quand on leur demande pourquoi ils ne l'utilisent pas. De même, 49 % des élus locaux indiquent ne pas bien connaître les programmes ACV et PVD.
De manière un peu plus surprenante, les chefs de projet, qui sont censés être des spécialistes de tels sujets, ne sont que 40 % à déclarer connaître les mesures de la loi ÉLAN.
Par ailleurs, l'accompagnement de l'État est jugé insuffisant par les élus des villes qui sont hors programme. C'est notamment le cas en matière d'ingénierie, où 72 % des élus nous disent que les apports en matière d'ingénierie des services de l'État, de l'ANCT ou d'autres partenaires sont insuffisants, et en matière de financement : plus de trois quarts des élus concernés jugent les aides financières de l'État et de ses partenaires insuffisantes.
M. Serge Babary, président, rapporteur. - Ces résultats de la consultation confirment nos propres observations. La politique publique de revitalisation souffre d'un déficit de notoriété manifeste qui nuit à son efficacité.
Nous avons vu tout à l'heure que les mesures de la loi ÉLAN étaient jugées efficaces par les élus. C'est positif. Mais leur efficacité devrait être renforcée par une meilleure communication auprès des élus, voire des préfectures. Je pense non seulement aux mesures juridiques de régulation commerciale, mais aussi au statut ORT.
Le cadre juridique actuel paraît suffisant pour réguler l'offre commerciale. C'est la raison pour laquelle notre mission ne devrait pas préconiser le vote d'un nouveau texte de loi. Nous nous orientons plutôt vers une proposition de résolution qui permettra d'engager un débat dans l'hémicycle, en présence du gouvernement, pour mieux faire appliquer la loi.
À titre d'exemple, les élus peuvent réguler l'offre commerciale par le biais des documents de planification urbaine. Cependant, dans certains pays voisins de la France, les grandes surfaces ne sont autorisées à s'installer que dans des zones spécifiquement définies par le plan local d'urbanisme. De même, la loi du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale (loi dite 3DS), qui va dans le sens d'une régulation commerciale par les règles d'urbanisme de droit commun, marque une forme de décentralisation de l'urbanisme commercial souhaitée par nombre d'associations d'élus locaux.
Le cadre juridique actuel offre tous les outils nécessaires aux élus pour répondre aux enjeux des territoires. Le droit de l'urbanisme permet d'agir à une échelle supracommunale et de limiter ainsi le risque de concurrence des territoires. Le droit positif permet aussi aux élus d'assurer la régulation des dark stores, qui font craindre à certains l'évolution vers des villes sans vitrines ; le Gouvernement a publié le 18 mars 2022 un guide précisant la nature de cette activité économique. Les élus peuvent déterminer, via leurs documents d'urbanisme, les zones autorisées pour les entrepôts. Ils disposent donc à droit constant des outils pour les réguler lorsqu'ils estiment qu'ils sont susceptibles de produire des externalités négatives sur leur coeur de ville. La consultation montre que les élus ne tirent pas suffisamment parti des outils juridiques existants pour réguler l'offre commerciale. C'est pourquoi nous les encourageons vivement à jouer sur le levier de l'urbanisme pour assurer une régulation pertinente et adaptée de l'activité commerciale sur leur territoire.
La consultation révèle également un déficit de notoriété des programmes ACV et PVD. Nous envisageons donc de recommander dans le rapport final que soit organisée une fois par an, sur l'initiative du préfet, une réunion d'information ouverte aux élus et aux administrations sur la politique de revitalisation des centres-villes et des centres-bourgs, avec des informations sur les dispositions législatives et réglementaires, ainsi que sur les programmes.
M. Gilbert-Luc Devinaz, rapporteur. - Les élus qui bénéficient des programmes ACV et PVD ont mieux réussi la revitalisation de leur centre-ville ou centre-bourg. Ces deux programmes sont la pierre angulaire de la politique nationale d'appui à cette revitalisation.
Certaines des différences significatives que nous allons évoquer entre ACV et PVD tiennent sans doute au caractère très récent du dernier programme : en effet, le programme ACV a été annoncé par le Premier ministre au mois de décembre 2017, tandis que PVD a été annoncé par le Premier ministre au mois de septembre 2019.
M. Frédéric Micheau. - Je souhaite dresser deux constats.
Premièrement, le ressenti des élus sur l'évolution de la situation du centre-ville depuis 2018 est globalement préoccupant. Seulement 25 % des élus considèrent que la situation de leur centre-ville ou de leur centre-bourg s'est améliorée, contre 48 % pour qui la situation est stable et 27 % qui jugent qu'elle s'est dégradée depuis 2018. Toutefois, ce ressenti est nettement meilleur pour les élus des villes ACV, chez qui le sentiment d'une amélioration est deux fois supérieur, à 51 %. Cela prouve bien l'efficacité de ce programme. Le ressenti des élus des villes PVD, programme plus récent, est intermédiaire.
Deuxièmement, pour 70 % des chefs de projet, le programme ACV apporte une contribution décisive ou importante. En revanche, 52 %, soit plus de la moitié, des chefs de projet PVD estiment prématuré de juger ce programme.
M. Gilbert-Luc Devinaz, rapporteur. - Ces programmes, en particulier ACV, semblent répondre à l'objectif de revitalisation des centres-villes et centres-bourgs. En tout cas, ils contribuent à redonner de la confiance aux élus. Ils produisent des effets très positifs en termes d'image et donc d'attractivité en s'attaquant au sentiment de déclassement. Ils permettent aussi de reconnaître l'engagement des élus et leur refus de céder à la fatalité de la dévitalisation.
En matière de revitalisation, il ne faut pas oublier que nous parlons de politiques publiques lourdes, longues, qui doivent être évaluées dans la durée. Faire sortir une opération nécessite souvent plus d'un mandat. Il n'est donc pas étonnant que la moitié des communes PVD estiment qu'il est encore trop tôt pour juger.
C'est pourquoi je propose que l'État apporte de la sécurité aux élus en garantissant le maintien de ces programmes durant deux mandats au moins.
Je n'oublie pas que deux tiers des élus ayant répondu à la consultation estiment que la situation de leur centre-ville ou centre-bourg s'est dégradée ou ne s'est pas améliorée. Toutes les villes ne sont pas dans un programme. Pour ces dernières aussi, il faut trouver des solutions : mieux faire connaître la loi, mais peut-être également leur donner des moyens pour conserver le dynamisme de leur centre-ville.
Dans leur récent rapport d'information, nos collègues Bruno Belin et Serge Babary proposent de favoriser le maintien et le développement des commerces de proximité en zone rurale en mettant sur pied un nouveau programme d'actions territorialisées « 400 territoires de commerce », porté par l'ANCT, afin d'améliorer la vie quotidienne des Français concernés. Cette mesure nous semble indispensable.
M. Rémy Pointereau, président de la mission conjointe de contrôle. - Nous abordons à présent les atouts et les limites des programmes ACV et PVD. Ces programmes sont plutôt bien perçus par les élus. C'est notamment vrai pour ACV. Une perception aussi positive n'est pas si courante : certaines politiques publiques de l'État ne sont pas toujours bien reçues dans les territoires. Mais celle-ci suscite une véritable adhésion.
M. Frédéric Micheau. - Je commencerai en présentant dans un premier temps les atouts de ces programmes. Ceux-ci sont appréciés, notamment pour la dynamique partenariale qu'ils apportent et pour l'accompagnement qu'ils permettent.
Il était proposé aux chefs de projet dans le questionnaire d'utiliser spontanément trois mots pour qualifier les atouts des programmes concernés. L'analyse des « nuages de mots » fait ressortir cinq points.
Premier point, ces différents programmes accélèrent ou structurent une démarche de revitalisation globale et multisectorielle.
Deuxième point, ces programmes permettent de nouer ou de resserrer les relations partenariales entre les différents acteurs. La qualité du partenariat est jugée très largement positive avec les services déconcentrés de l'État, avec la Banque des territoires, la Caisse des dépôts et consignations et l'ANCT.
Troisième point, les apports en matière d'ingénierie sont, eux aussi, très appréciés, surtout pour le programme PVD. Les collectivités ont signalé que le cofinancement des programmes sur les postes de chef de projet ou de manager de centre-ville était un sujet crucial, voire vital : sans cette participation financière, la plupart de ces postes n'auraient pas pu être créés ou ne pourraient pas être financés.
Quatrième point, 46 % des chefs de projet ACV et 27 % des chefs de projet PVD expriment un jugement plutôt positif sur la qualité des projets qui se déploient dans les programmes.
Dernier point, la mise en réseau est très appréciée.
S'agissant des limites ou des faiblesses de ces programmes, les « nuages de mots » sont très éloquents, puisque l'expression qui revient le plus souvent est la suivante : « peu de financement ». Les élus estiment que les limites des programmes sont liées à des difficultés d'accès au financement des projets, ces derniers étant difficilement mobilisables, insuffisants et dépourvus de lisibilité dans le temps.
Par ailleurs, les élus et chefs de projet considèrent que le commerce constitue la première des thématiques insuffisamment soutenues, la seconde étant l'espace public.
En outre, les programmes sont jugés lourds, formalistes, complexes et lents à se mettre en place.
Enfin, les objectifs locaux sont parfois imprécis.
M. Rémy Pointereau, président de la mission conjointe de contrôle. - Permettez-moi de synthétiser l'ensemble de ces remarques.
Tout d'abord, ACV et PVD sont des programmes novateurs, bien accueillis par les élus locaux. Ils reflètent un changement d'approche de l'État dans ses relations avec les collectivités : écoute, volonté de s'appuyer sur les besoins du terrain pour faire du cousu main, transversalité. Une telle philosophie est saluée par l'ensemble des associations d'élus.
Ces programmes permettent également d'apporter une ingénierie indispensable. Les chefs de projet constituent bien évidemment une pierre angulaire ; leur statut et leur financement devront être confortés.
Ces programmes supposent un effort d'accompagnement très important de l'État, dans la mesure où la politique de revitalisation est une politique partagée.
Ensuite, s'agissant du financement, quatre grandes critiques sont formulées.
Première critique, les communes ACV n'ont d'accès prioritaire ni à la DETR, la dotation d'équipement des territoires ruraux, ni à la DSIL, la dotation de soutien à l'investissement local, ni au FNADT, le Fonds national d'aménagement des territoires. La mission a pu d'ores et déjà vérifier ce point, en sollicitant les chiffres auprès du ministère de la cohésion des territoires. On peut regretter cette absence de priorisation pour les communes ACV mais il faut aussi veiller à préserver les communes rurales. En effet, la DETR qu'elles reçoivent a diminué entre 2018 et 2021.
Deuxième critique, ces dotations pèsent trop peu dans l'enveloppe globale, dont la majorité est constituée de prêts, de prises de participation ou d'aides aux bailleurs privés. Ainsi, les dotations de l'État, dans le programme ACV, ne représentent que 600 millions d'euros, sur les 5 milliards d'euros prévus pour le programme. Les villes ACV ont accès à Action Logement, ce qui n'est pas le cas des villes PVD. En effet, nous l'avons entendu partout, la frustration est au rendez-vous face au manque de financement.
Troisième critique, les aides de l'État et des partenaires demeurent insuffisantes, y compris lorsqu'on les considère dans leur globalité : elles représentent en moyenne moins de 25 % des plans de financement des projets ACV. La politique de revitalisation des centres-villes est donc essentiellement financée par les collectivités territoriales.
Dernière critique, les collectivités n'ont pas de visibilité pluriannuelle des financements et doivent composer au coup par coup, sans perspective. Il convient donc de prolonger sur deux mandats ces opérations.
Nous ferons des propositions sur tous ces points dans notre rapport final.
Enfin, il n'est pas simple d'évaluer l'effet des programmes en termes de revitalisation, eu égard à la multiplicité des dispositifs et à l'interaction de nombreux acteurs. Nous devrons donc proposer une méthode pour évaluer les actions menées sur ces centres-villes et l'impact global des politiques publiques. La réussite de ces programmes se jugera au niveau local. Ce sont donc aux élus locaux de prendre le temps de fixer des objectifs de programme, et de consacrer du temps et des moyens à une évaluation de qualité.
Nous vous donnons rendez-vous le 29 septembre prochain, pour l'examen du rapport définitif.
Mme Sylvie Robert. - J'ai souvenir des grands débats que nous avons eus au sujet de l'article 7 de la proposition de loi de Rémy Pointereau et Martial Bourquin, pour trouver un compromis entre protection du patrimoine et revitalisation des centres-bourgs et centres-villes.
Je formulerai quatre remarques.
Tout d'abord, je vous rejoins s'agissant de la méconnaissance de ces programmes et, singulièrement, des outils mis en oeuvre. Les dispositifs fiscaux, en particulier le dispositif Denormandie, qui concerne l'investissement locatif, ne sont absolument pas connus.
Ensuite, au-delà des questions d'ingénierie, des problèmes de méthodologie se font également jour. Les chefs de projet sont souvent très jeunes et sortent tout juste de l'école. On assiste à de nombreuses réunions, où personne ne sait exactement qui fait quoi. Des questions de formation et d'accompagnement se posent.
Il convient également pour les élus de définir très en amont leurs objectifs.
Aujourd'hui, 27 % des élus répondants ont le sentiment que leurs centres-villes se sont encore dégradés. Le terme de « ressenti » me paraît toutefois un peu flou ; il convient sans doute d'objectiver les choses.
Enfin, avez-vous observé des évolutions post-covid ? Je pense aux moyens de déplacement, aux nouveaux modes de vie et d'habitat. Dans ce contexte, la revitalisation des centres-villes et des centres-bourgs devient un enjeu encore plus important, avec des problématiques accrues d'accès à l'habitat et aux services. Les questions de financement deviendront encore plus prégnantes, ce qui doit nous encourager à formuler des recommandations.
M. Michel Canévet. - Nous sommes un certain nombre de Bretons ici. Or il se trouve que, dès 2017, la région Bretagne, avec le concours de l'Établissement public foncier de Bretagne, avait lancé deux appels à projets pour dynamiser les bourgs ruraux et les villes. Une telle politique a été largement amplifiée au niveau national.
En Bretagne, nous avons le sentiment que l'État mène ces opérations sans concertation avec les collectivités territoriales. Ainsi, alors qu'il serait utile de mobiliser des financements croisés pour la réussite des opérations, un fonctionnement en silo perdure.
Par ailleurs, les élections présidentielles et législatives ont mis en évidence le désarroi de la population des communes rurales. Face à ce sentiment, il faut apporter un minimum de services dans les bourgs de taille modeste afin d'éviter le recours à un véhicule pour les besoins quotidiens.
La difficulté est liée au lancement des opérations. Il y a là une politique territoriale à définir, dont l'État pourrait prendre l'initiative, dans la mesure où le problème est national. Je pense notamment au cas particulier d'une petite commune, où il a fallu batailler pour obtenir un contrat aidé afin de lancer véritablement le chantier du tiers-lieu.
M. Thierry Cozic. - Vos présentations rejoignent des témoignages d'élus que nous avons pu recueillir.
À l'heure actuelle, ces outils sont encore largement méconnus, malgré l'accompagnement de l'État, qui a sollicité à marche forcée un certain nombre de communes pour entrer dans ces dispositifs. Pour ma part, je constate le manque d'accompagnement financier du programme PVD. J'ai souvent entendu les élus s'interroger sur la plus-value de ce dispositif.
Les intercommunalités ont du mal à recruter des personnels pour l'ingénierie. Par ailleurs, le fait de placer un professionnel à la disposition d'une seule commune et non pas de l'ensemble du territoire interroge.
Ne pensez-vous pas que ces dispositifs manquent de lisibilité ? J'ai le sentiment qu'on les empile les uns sur les autres et qu'on finit par s'y perdre. On dilue ainsi notre volonté de revitalisation des territoires. Ne serait-il pas opportun de créer un dispositif global ?
M. Didier Mandelli. - Permettez-moi de revenir sur le dispositif Denormandie, qui ne concerne que 700 bénéficiaires - c'est un chiffre ridicule ! -, alors que le potentiel défini représentait 3 millions de logements sur l'ensemble du territoire. Je rapproche une telle situation du texte portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, qui prévoit un objectif de « zéro artificialisation nette ».
Selon moi, au-delà d'une méconnaissance du dispositif, c'est la difficulté de sa mise en oeuvre qui aboutit à un tel résultat. En effet, par rapport au dispositif Pinel, qui prévoit les mêmes avantages fiscaux, il est plus facile, pour les prescripteurs tels que les banques ou les groupements d'investisseurs, d'acheter un logement neuf sur plan plutôt qu'un logement ancien dans lequel il faut faire des travaux. Les prescripteurs ne s'embêtent pas avec la complexité du dispositif Denormandie !
Pour assurer le succès de ce dispositif, il faudrait, dans un premier temps, l'étendre à l'ensemble des communes. Il faut également que l'État s'implique par le biais de ses foncières, notamment la Caisse des dépôts et sa filiale, Icade, qui mène aujourd'hui des opérations gigantesques. Je fais référence au projet concernant 70 sites d'Engie. Le potentiel existe donc en termes d'investisseurs. Il faut simplifier les démarches, pour que le particulier souhaitant bénéficier d'une réduction de son impôt sur le revenu puisse le faire facilement.
Ce rapport d'étape nous permet effectivement de faire des propositions pour améliorer le dispositif.
M. Daniel Salmon. - Lors de nos visites de terrain, nous avions pu ressentir les constats qui viennent d'être dressés ici. On le voit, ces programmes sont méconnus. Les financements doivent s'inscrire dans la durée, pour une meilleure lisibilité.
Dans un contexte d'érosion du pouvoir d'achat, nous travaillons beaucoup sur le commerce de proximité. Or ce dernier, pour avoir des clients, doit être « compétitif ». En milieu rural, la population peut accepter d'acheter des produits alimentaires un peu plus chers. Mais lorsque le surcoût est de 50 % ou de 100 %, plus personne ne les achète !
Nous devrons donc travailler sur la compétitivité du commerce local, pour faire en sorte de réduire les distorsions de concurrence avec la grande distribution. On le sait bien, ces commerces locaux achètent à des prix beaucoup plus élevés que ceux qui sont accordés à la grande distribution.
Mme Françoise Gatel, présidente. - En écho aux propos de Sylvie Robert, on assiste en effet à une évolution de la sociologie et des achats. Aujourd'hui, des « magasins de confection » disparaissent dans les communes moyennes, les consommateurs achetant moins de vêtements ou davantage via le e-commerce. La crise sanitaire a également accentué le recours aux drive ou aux livraisons à domicile. Ces évolutions dépassent l'essor du télétravail et de la double résidence.
Il y a ensuite un enjeu de revitalisation : comment remettre de la vie dans la ville ? On voit des personnes âgées revenir habiter dans les centres-bourgs, car elles ne peuvent plus résider à la campagne. Mais il faut aussi, pour pouvoir les accueillir correctement, réimplanter en coeur de ville non seulement des commerces, mais aussi des services. C'est alors un cercle vertueux qui s'enclenche.
De nouveaux modes de revitalisation associatifs se développent également, comme l'opération La Ville à Joie, lancée par des jeunes pour animer ponctuellement certaines petites villes dans différents territoires, dont la Nièvre.
Je veux souligner aussi tout le mal que font les appels à projets. Il faut encore être au courant de ces derniers, avoir les moyens d'y répondre... Au final, ils engendrent beaucoup de frustration. Je suggérerais plutôt un système dans lequel le territoire contractualiserait avec l'État dans un cadre pluriannuel.
Le dispositif Petites Villes de demain, que je connais bien, comprend une aide importante en ingénierie, ce qui permet à des communes d'engager une démarche de réflexion qu'elles n'auraient pas pu mener sans ce dispositif, et qui peut aussi bénéficier à l'ensemble des communes de l'intercommunalité. En revanche, la question du financement des projets reste entière : la DETR et la DSIL ont certes augmenté, mais le nombre de projets éligibles également...
M. Rémy Pointereau, président de la mission conjointe de contrôle. - Je ne suis pas surpris que plus de 25 % des répondants jugent que la situation continue de se dégrader. Elle était parfois tellement catastrophique ! Plus un poids lourd est chargé, plus il met de temps pour freiner... Il faut du temps pour redresser une situation.
Il est vrai, cher Michel Canévet, que l'État fonctionne souvent en silo. La création de pôles d'excellence ruraux a permis de développer des territoires isolés, c'était une bonne mesure, mais jamais l'État n'a interrogé les régions ou les départements sur le cofinancement de ces opérations.
Pour les dispositifs Actions coeur de ville et Petites Villes de demain, c'est la même chose : ces projets n'ont pas donné lieu à une concertation avec les régions.
Enfin, comme Didier Mandelli, je serais favorable à l'extension du dispositif Denormandie aux locaux commerciaux.
Mme Sonia de La Provôté, rapporteure. - Je partage votre avis sur le dispositif Denormandie. Les communes et les porteurs de projet qui l'ont utilisé le plébiscitent. Il y a avant tout un problème d'information.
En effet, les dispositifs ACV et PVD ne suffisent pas. Après le rapport de Rémy Pointereau et de Martial Bourquin, 200 villes avaient été retenues, pour un potentiel estimé de 600 villes moyennes. Ces dispositifs font surtout office de symbole : ils mettent l'accent sur la nécessité d'accompagner les centralités urbaines, petites ou moyennes, pour leur permettre de conserver de la vitalité. Mais ils restent de l'ordre du symbole et ne peuvent pas couvrir l'ensemble des besoins de financement à l'échelle du territoire français.
Comme le souligne Michel Canévet, le foncier, c'est le nerf de la guerre ! Or, certains territoires ne disposent pas de structures de portage. Là où il y a des établissements qui l'assument, cela fonctionne mieux. Le « zéro artificialisation nette » représente à la fois une contrainte pour les territoires ruraux et une opportunité, car le renchérissement du foncier vierge va rendre financièrement intéressantes les opérations de réhabilitation dans les centres urbains. Nous ferons des propositions sur le portage du foncier.
Enfin, on ne peut pas résumer une politique publique à un empilement d'appels à projets. Il faut du temps, des élus et des financements pour y répondre, sans oublier qu'un projet de revitalisation s'inscrit toujours dans l'histoire et les spécificités d'un lieu. Il me semble qu'il revient donc plutôt aux élus de bâtir un projet et de réaliser un appel de fonds en cohérence avec ce dernier.
Sylvie Robert évoquait le ressenti encore négatif d'un grand nombre d'élus. Il faut dire que l'on emploie depuis des années un vocabulaire absolument dramatique - déprise, dévitalisation, déclassement, diagonale du vide, désertification, « France moche » - qui a contribué à déclasser dans les têtes de nombreuses communes en France. Nous devons redonner une image positive de ces territoires. La crise du covid y a contribué, les programmes ACV et PVD également, en montrant qu'il y a une vie en dehors des métropoles.
M. Serge Babary, président, rapporteur. - Je partage l'avis de Sylvie Robert : il faut définir des objectifs très en amont. Les communes qui réussissent leurs projets sont souvent celles qui en ont fait une véritable stratégie politique, par exemple dans le cadre d'un programme municipal. Mais, en cas de difficultés de financement ou opérationnelles, les élus perdent la face devant leurs électeurs, ce qui fait dire à beaucoup d'entre eux que ces projets sont des machines à frustration. C'est bien d'avoir une vision, un projet à long terme, mais encore faut-il avoir une continuité de financements pour les mener à bien.
Je souscris à la remarque de Daniel Salmon sur les prix dans les commerces ruraux. Il reste à inventer un nouveau modèle de commerce. Certains commerces existants peuvent sans doute être sauvés à condition d'opérer une véritable révolution en lien avec les nouveaux moyens de communication.
L'avenir pourrait passer aussi par des commerces multiservices tenus par des commerçants traditionnels ou des néocommerçants qui accepteraient d'appartenir à un réseau pour limiter le coût des approvisionnements. Le problème du prix est en effet essentiel.
M. Gilbert-Luc Devinaz, rapporteur. - Je me suis rendu récemment à Saint-Just-d'Avray, petite commune de 940 habitants près de Lyon, qui abrite notamment un bar-restaurant. Son gérant va bientôt cesser son activité pour des raisons d'âge, ce qui compromet aussi l'existence de l'épicerie de proximité que la commune s'est battue pour implanter juste à côté. Sans oublier que les bars-restaurants en milieu rural servent de cantine aux artisans et entreprises locales.
Je compléterai la liste des lieux importants établis par Françoise Gatel en y ajoutant les stades et gymnases, qui constituent aussi des lieux d'échange extrêmement importants.
Je souscris à l'idée que les dispositifs de financement sont en effet très nombreux et souvent mal connus.
Frédéric Micheau a bien précisé les limites de son étude : il a procédé à une synthèse des réponses que nous avons reçues. C'est pourquoi il me semble préférable, intellectuellement, d'utiliser le terme de « ressenti » à propos des réponses des élus.
En effet, les objectifs des projets ne sont parfois pas assez bien définis, mais il faut aussi pouvoir disposer d'indicateurs pour suivre dans le temps leur mise en oeuvre. Or, ces indicateurs font défaut.
Sylvie Robert a posé la question des évolutions liées à la crise du covid. Elles sont réelles. Dans le Beaujolais, les maires m'ont signalé une hausse des prix de l'immobilier après les nombreux achats effectués par des personnes aisées qui résidaient auparavant dans la métropole de Lyon. À Tarare, j'ai pu constater que le tiers-lieu engendrait de nouveaux comportements. Ainsi, certains étudiants ne se déplacent plus en métropole : ils suivent leurs cours en télétravail, ce qui permet aussi à leur famille de réaliser des économies.
On parlait à une époque d'un centre métropolitain qui ne cessait de grossir. Ce fut le cas à Lyon, avec 1,6 million d'individus qui vivent sur un territoire restreint, non sans conséquence sans doute sur leur niveau d'agressivité. Le développement de la fibre et la crise du covid permettent de nouveau de poser la question d'un développement en « grappes de raisin ». Ces évolutions posent certes de nouveaux problèmes de mobilité - nous n'avons pas encore trouvé la bonne solution pour remplacer la voiture -, et l'abus d'internet peut s'avérer parfois plus catastrophique encore que les transports en commun au plan du développement durable, mais elles peuvent aussi permettre de redynamiser certaines communes économiquement dépendantes de la métropole.
Enfin, la science distingue les grands singes asociaux, comme les orangs-outans, et les grands singes sociaux. Nous faisons partie de la deuxième catégorie. Les dispositifs ACV et PVD nous permettent de renouer avec notre nature profonde et de travailler ensemble.
Mme Françoise Gatel, présidente. - Merci à tous !
On parle beaucoup du mal que le développement des grandes surfaces en périphérie a fait au commerce de proximité, mais on oublie que les ronds-points sont tout aussi mortels, non pas à cause des gilets jaunes qui ont pu les investir, mais parce que la boulangerie, la pharmacie et le fleuriste s'installent autour. Il faut veiller à ce point dans la régulation de l'implantation des commerces.
Enfin, si nous voulons garder l'espoir de conserver des services dans les centres-bourgs, il faut aussi que tout un chacun se mobilise. La création de commerces associatifs dans certaines communes en constitue un bon exemple.
Il faut aussi installer des universités dans les villes petites et moyennes. Ainsi, à Guingamp, commune plus connue généralement pour son club de football, l'Institut national supérieur de l'éducation artistique et culturelle vient de s'installer dans une ancienne prison rénovée. Il accueille des étudiants en master, et cela change le regard sur la ville.
La réunion est close à 12 h 25.