Jeudi 4 mars 2021
- Présidence de M. Bernard Jomier, président -
La réunion est ouverte à 10 h 35.
« Salles de spectacles et de cinéma » - Audition de Mme Isabelle Gentilhomme, déléguée générale du Syndicat national du théâtre privé (SNDTP), un représentant du Syndicat national du spectacle musical et de variété (PRODISS), un représentant de l'Union syndicale des employeurs publics du spectacle vivant (USEP-SV) et un représentant de la Fédération nationale des cinémas français (FNCF)
M. Bernard Jomier, président. - Nous nous retrouvons aujourd'hui pour la première audition que nous organisons dans le cadre de notre mission commune d'information. Elle est ouverte à la presse et fait l'objet d'une captation vidéo permettant sa retransmission en direct et en vidéo à la demande sur le site internet du Sénat. C'est pourquoi je profite de cette occasion pour rappeler que notre mission d'information, dont la création a été voulue par le Président du Sénat, a pour but d'évaluer les effets des mesures prises ou envisagées en matière de confinement ou de restrictions d'activités et de réfléchir à d'éventuelles adaptations. Elle devrait rendre ses travaux en juillet, mais ne s'interdit pas de publier des recommandations partielles avant cette date.
L'impact dramatique de la fermeture des établissements culturels nous a naturellement conduits à faire de ce thème l'un de nos principaux centres de préoccupation. À quelques jours près, si l'on excepte la parenthèse de l'été et du début de l'automne 2020, cela va faire un an que nos établissements culturels ont baissé le rideau. Au-delà de ses conséquences économiques, la fermeture des salles de spectacles a un impact terrible sur la vie sociale de tous les Français. Elle met également en danger les artistes et notre modèle culturel.
C'est la raison pour laquelle nous accueillons ce matin plusieurs intervenants qui représentent les salles de spectacles de musique et de théâtre, privées, publiques ou subventionnées. Suite à un contretemps, la fédération nationale des cinémas français ne pourra finalement pas se joindre à nous ce matin.
Je voulais vous remercier d'avoir répondu à notre invitation. Au-delà du voeu que nous formulons tous de voir les lieux de culture rouvrir le plus tôt possible, nous comptons sur vous pour nous faire part de la situation de vos établissements, à la fois sur un plan économique et sur les éventuelles mesures sanitaires qui permettraient de reprendre l'activité. Je remercie également particulièrement le Professeur Antoine Flahault de s'être rendu disponible pour nous apporter un éclairage scientifique sur ces questions.
Je vous propose de vous céder la parole pour un bref propos liminaire de cinq minutes environ, au cours duquel vous pourrez également partager avec nous votre appréciation sur l'aide apportée par l'État et les collectivités territoriales depuis le début de la crise et nous indiquer si vous identifiez des adaptations législatives ou réglementaires qui permettraient de surmonter certaines des difficultés que vous pourriez rencontrer.
Puis je donnerai la parole à nos deux rapporteurs, Roger Karoutchi et Jean-Michel Arnaud, pour qu'ils puissent vous interroger, avant que l'ensemble des collègues qui le souhaiteraient vous posent à leur tour leurs questions.
Mme Malika Seguineau, directrice générale du Syndicat national du spectacle musical et de variété (PRODISS). - Permettez-moi quelques mots en introduction pour présenter le PRODISS, premier syndicat d'employeurs du spectacle vivant privé en matière de représentativité patronale. Il se compose de plus de 400 entreprises - producteurs et diffuseurs de spectacles, exploitants de salles, et organisateurs de festivals -, dont 84 % sont de très petites, petites ou moyennes entreprises, réparties sur l'ensemble du territoire. Le PRODISS compte également parmi ses membres les syndicats représentant les théâtres privés et les cabarets. Le PRODISS représente ainsi 90 % du spectacle vivant privé.
Vous avez souligné à juste titre que l'activité dans notre secteur est intégralement à l'arrêt depuis maintenant un an. Contrairement à d'autres secteurs d'activités, le spectacle vivant n'a pas été autorisé à reprendre ses activités et nous n'avons, à ce stade, aucune perspective.
Avant la crise, le secteur du spectacle vivant contribuait très directement à la vitalité de nos territoires. Une étude a montré qu'un euro généré par le coeur de l'industrie créait un euro supplémentaire parmi les prestataires et au sein de l'économie touristique. Le secteur du spectacle vivant représentait, avant la crise, 30 millions de spectateurs annuels et près de 5 milliards d'euros de retombées économiques directes et indirectes par an.
La crise a généré d'importantes pertes. La perte de chiffre d'affaires du spectacle vivant musical et de variété en 2020 est estimée à 84 % du chiffre d'affaires habituel, pour un montant qui s'élève à 2,3 milliards d'euros. Les entreprises affichent des pertes nettes très élevées. Dans une étude que nous lui avons commandée, le cabinet EY a estimé qu'il leur faudrait sept ans, soit jusqu'en 2028, pour récupérer ces pertes nettes, ce qui obérera leur capacité d'investissement pendant cette période. Une entreprise sur deux est menacée de faillite, même si aucune n'est encore à déplorer grâce aux dispositifs d'aide mis en place depuis le début de la crise.
Nous avons besoin de perspectives de reprise, mais celles-ci restent incertaines. Cette incertitude n'est plus tenable pour notre secteur pour plusieurs raisons. D'abord, parce qu'il est maintenant à l'arrêt depuis plus d'un an, ce qui le place dans une situation plus critique que d'autres secteurs qui ont eu la possibilité de poursuivre ou de reprendre leur activité. Ensuite, parce qu'il s'agit d'un secteur fragile, essentiellement composé de TPE-PME. Aussi, parce que son modèle économique repose exclusivement sur la billetterie et que celle-ci est totalement atone, privant les établissements de toutes recettes. Enfin, parce que son mode de fonctionnement et de préparation des événements rend certains délais incompressibles. Décréter la réouverture des lieux est une chose, mais elle ne pourra pas se traduire par une reprise d'activité immédiate. La remise en route des spectacles, tournées et festivals nécessite des temps de préparation : pour remettre en mouvement les équipes artistiques et techniques, pour commercialiser les spectacles, etc. Ce temps de préparation est proportionnel à la taille des projets. Il est de l'ordre de trois mois et demi pour les plus petits projets et peut aller jusqu'à deux ans pour l'organisation des grandes tournées qui irriguent l'ensemble de la France.
Les récentes annonces de la ministre de la Culture au sujet des festivals illustrent ce problème de visibilité et d'anticipation. Certes, Roselyne Bachelot a annoncé qu'il y aurait des rassemblements cet été jusqu'à 5 000 personnes, en position assise et distanciée, sans buvette ni restauration. Mais elle a aussi dit que les règles seraient évolutives en fonction de la situation sanitaire et qu'il faudrait nous revoir chaque mois pour adapter les protocoles. Ce n'est pas une vraie date de reprise, puisque nous ne savons pas quand ces règles commenceront à s'appliquer, alors que la saison des festivals commence pour nos adhérents dès le mois de mai.
Nous demandons un calendrier de reprise avec des dates glissantes de reprise. Nous avons travaillé avec le ministère sur des phasages, mais jamais aucun critère ni aucune date n'y ont été associés. Nos entreprises sont incapables, dans ces conditions, de programmer et d'investir.
Reconnaissons néanmoins que le secteur a bénéficié d'un accompagnement de l'État important au travers des dispositifs transversaux mis en place : l'activité partielle exceptionnelle, dont nous espérons qu'elle sera prolongée au-delà du 30 juin 2021 si la situation devait se poursuivre ; le fonds de solidarité renforcé ; les exonérations de cotisations sociales patronales. Nous avons également bénéficié de mesures de soutien sectorielles gérées par le Centre national de la musique. Mais ces mesures ont été conçues à un moment où l'on s'attendait à ce la reprise soit effective en 2021. Il faudra s'interroger sur l'opportunité de prolonger et de renforcer ces aides, dans un premier temps pour la sauvegarde des entreprises, puis ensuite pour leur relance. Le crédit d'impôt pour le spectacle vivant nous parait pouvoir être un autre levier de la relance. Malgré le vote du Sénat lors de l'examen de la loi de finances pour 2021, l'Assemblée nationale a refusé de bonifier ce dispositif. Nous avons absolument besoin d'un outil fiscal pour restaurer notre capacité à investir dans la production de spectacles.
Face aux réticences du Gouvernement à envisager la reprise des spectacles en jauge debout, nous sommes à l'initiative, avec le soutien de la Mairie de Paris, d'un projet scientifique de concert test, qui se tiendra à l'Accor Arena en avril. Nous travaillons en partenariat avec l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris. Les ministères de la Culture et de la Santé sont associés à son organisation. Nous espérons que ce concert permettra d'entamer des discussions autour des conditions de reprise de ce type de spectacles, qu'ils aient lieu en salles ou dans le cadre de festivals. Les spectacles en jauge assise reprendront sans doute plus rapidement.
Mme Isabelle Gentilhomme, déléguée générale du syndicat national du théâtre privé (SNDPT). - Le SNDPT regroupe des entreprises de création, production et diffusion de spectacles de théâtre intervenant à l'échelle nationale : théâtres-producteurs, producteurs-tourneurs et salles de spectacles. Ses adhérents assument le risque de la création. Ils représentent 85 % de la fréquentation théâtrale à Paris, soit plus de trois millions de spectateurs et 50 % des spectacles d'initiative privée en région, soit près d'un million de spectateurs dans les territoires.
En temps normal, le chiffre d'affaires annuel de nos adhérents est de l'ordre de 250 millions d'euros, dont une majorité provient de la billetterie sur les spectacles de théâtre et, de façon plus marginale, de la billetterie sur les spectacles d'humour et musicaux et de la location de salles pour des événements ou de quelques captations.
Nos adhérents emploient près de 6 000 salariés dont 1 500 emplois permanents. Les 4 500 artistes et techniciens intermittents employés par nos adhérents ont pour caractéristique d'être salariés sur de longues périodes (80 dates en moyenne).
Lorsque l'activité a été stoppée nette à la mi-mars 2020, les entreprises étaient déjà dans une situation économique déstabilisée. La fin d'année 2019 avait été compliquée en raison des manifestations contre le projet de réforme des retraites et de leur impact sur les transports, à Paris notamment. La mise en place du volet 1 du fonds d'urgence pour le spectacle vivant, dont la gestion a été confiée à l'Association de soutien au théâtre privé (ASTP), n'a, dans un premier temps, compensé que dix semaines d'inactivité et soutenu uniquement une partie des charges fixes des entreprises. Les entreprises ont eu recours à l'activité partielle pour la majeure partie de leurs salariés permanents et également pour les intermittents, avec un reste à charge important pour ceux-ci et notamment les congés spectacle.
Seuls quelques théâtres ont été en mesure de rouvrir en juin en raison des contraintes sanitaires, mais aussi faute d'être en capacité de relancer une programmation. L'impact du premier confinement représente une perte de chiffre d'affaires de mi-mars à fin mai estimé à près de 60 millions d'euros.
Les théâtres privés ont relancé leur activité en septembre, lorsque cela a été possible, malgré les jauges dégradées et les surcoûts liés à l'application des protocoles sanitaires. La compensation mise en place via le fonds de compensation de la billetterie, géré par l'ASTP, l'a été dans des conditions moins généreuses que celles du fonds de compensation musique-variétés géré par le Centre national de la musique (CNM). Ce dispositif a surtout rapidement trouvé ses limites avec l'instauration du couvre-feu à 21 heures en octobre, qui a condamné les multiprogrammations pourtant essentielles à l'économie des petites salles et rendu impossible pour tous les théâtres la programmation des spectacles plus de quatre fois par semaine, contre une moyenne de six fois en temps normal, nécessaire à l'amortissement des coûts de création des spectacles.
Le deuxième confinement décidé fin octobre a mis un nouveau coup d'arrêt à l'activité théâtrale. Un second volet du fonds d'urgence a été mis en place, toujours géré par l'ASTP, pour soutenir une partie des charges fixes des entreprises du secteur hors masse salariale, cette fois pour seize semaines.
Quant aux producteurs-tourneurs, ils sont dans une situation d'extrême fragilité. La quasi-totalité des tournées et des dates en régions ont été annulées depuis mars 2020. Ils ont été aidés seulement à concurrence de 15 % des coûts de cession de leurs spectacles annulés et non reportés. Or, la plupart des théâtres de régions qui accueillaient leurs spectacles reportent leur programmation au mieux au dernier trimestre 2021, lorsque ce n'est pas en 2022.
Contrairement aux espoirs suscités par les propos de la Ministre concernant une possible réouverture des théâtres en décembre, les salles de théâtres sont restées fermées pendant cette période de l'année qui constitue habituellement la plus forte période d'activité. Le secteur regrette vivement l'absence d'une véritable concertation avec les professionnels. Les salles de spectacles ont le sentiment d'avoir été sacrifiées, alors qu'elles sont pourtant fondamentales, si on ne veut pas les qualifier d'essentielles. Une étude allemande a encore très récemment démontré que les salles n'étaient pas des lieux à risque. Ce sentiment d'injustice perdure, même si le soutien financier de l'État a été maintenu et renforcé via les aides générales et sectorielles.
Notre secteur espère une reprise prochaine, sur la durée. Mais, il est indispensable de nous laisser du temps en amont pour préparer cette réouverture : a minima, trois à cinq semaines pour nous donner le temps nécessaire afin de relancer les programmations et de commercialiser les spectacles. Par ailleurs, il faut absolument éviter le « stop and go » dont les effets sont dramatiques pour l'économie des entreprises de notre secteur. On constate en effet que les mesures sanitaires prises à l'automne 2020 - le couvre-feu du 17 octobre, puis le confinement du 30 octobre - ont eu un effet de ciseau pour les entreprises du fait des dépenses importantes engagées pour relancer l'activité en septembre et de l'absence, au final, de recettes engrangées. Les entreprises n'ont pas pu amortir et rentabiliser par des recettes de billetterie suffisantes les coûts fixes et variables qu'elles avaient pris en charge pour la reprise des spectacles et des productions. Certains établissements estiment que leurs pertes, sur cette période, sont deux fois plus élevées que s'ils n'avaient pas repris leur activité.
Quelles sont les perspectives pour la reprise ? Après plus d'un an de crise sanitaire, la quasi-totalité des entreprises ont une trésorerie négative, hors prêts garantis par l'État (PGE). Elles n'ont plus aucun matelas pour assurer leurs besoins de trésorerie d'exploitation et encore moins pour financer la reprise d'activité. Elles ne pourront pas rembourser leur PGE, ni leurs autres emprunts en cours. Par ailleurs, le crédit d'impôt théâtre, mis en place dans le cadre de la loi de finances pour 2021, n'est pas encore opérationnel.
Il n'est pas concevable pour le théâtre privé de reprendre son activité avec le maintien des mesures de couvre-feu à 18 heures ou à 20 heures. Une reprise avec couvre-feu à 21 heures pourrait être envisagée dans un premier temps, sous réserve qu'une tolérance soit appliquée pour permettre aux spectateurs de rentrer chez eux sur présentation de leur billet de spectacle.
Il nous parait également indispensable que des mesures financières d'accompagnement de la reprise perdurent et soient même étoffées pour sauver le théâtre privé. Je pense au maintien de l'activité partielle avec une compensation financière de 100 % versée par l'État jusqu'au 31 décembre 2021 ; au maintien de l'accès au fonds de solidarité en complément des aides sectorielles ; au maintien du fonds de compensation de la billetterie durant toute la période où une jauge réduite sera imposée, avec un alignement de ses conditions sur celles fixées par le Centre national de la musique ; à la nécessité de doter le fonds de sauvegarde sectoriel d'un montant permettant de sauver l'ensemble des entreprises ; ou encore à la mise en place d'aides à l'emploi pour les artistes afin de relancer l'activité et les distributions nombreuses. Ces mesures devront être activées et dotées en fonction de l'évolution de la pandémie et « quoi qu'il en coûte », pour reprendre l'expression du Président de la République.
Je me permets de vous adresser un message de la part du CAMULC, le syndicat des cabarets et music-halls, auquel nous sommes associés au sein de la fédération SCÈNES. Il déplore de ne pas avoir été invité à participer à cette table ronde, au sein de laquelle il considère qu'il avait toute sa place au regard de la nature des autres organisations invitées. Il comprend mal cette exclusion, qui lui donne le sentiment que les cabarets, au nombre de 200 en France, dont 170 en région, sont les oubliés du spectacle vivant, malgré le fait qu'ils irriguent l'ensemble du territoire. Leur activité présente des particularités qui auraient justifié qu'ils soient représentés aujourd'hui, notamment la possibilité pour les spectateurs de consommer pendant le spectacle. Le CAMULC se tient à votre disposition pour vous présenter la situation de son secteur, aujourd'hui confronté aux mêmes problèmes et aux mêmes angoisses que tous les établissements représentés dans cette table ronde.
M. Bernard Jomier, président. - Comprenez bien que nous débutons aujourd'hui nos travaux concernant l'impact de la crise sanitaire sur le secteur culturel. Les rapporteurs procèderont à des auditions complémentaires et solliciteront des contributions écrites. Pour le bon déroulement de notre table ronde, il n'était pas souhaitable de multiplier les interlocuteurs, sauf à réduire à l'excès vos temps de parole, ce qui n'aurait pas été satisfaisant pour vous permettre de nous délivrer correctement votre message. Notre mission d'information s'est donnée pour objectif de formuler au plus vite des propositions en associant un maximum d'interlocuteurs à sa réflexion. Ce sera le cas par le biais de consultations orales comme écrites.
M. Loïc Lachenal, au nom de l'Union syndicale des employeurs du secteur public du spectacle vivant (USEP-SV), Président des Forces musicales, directeur de l'Opéra de Rouen. - L'USEP-SV est une fédération qui rassemble les organisations professionnelles du secteur subventionné du spectacle vivant, fondées sur une gestion désintéressée et l'accomplissement de missions de service public et d'intérêt général. À travers les quatre organisations - Les Forces Musicales ; le Syndicat professionnel des producteurs, festivals, ensembles, diffuseurs indépendants de musique (PROFEDIM), le Syndicat national des scènes publiques (SNSP) et le Syndicat des entreprises artistiques et culturelles (Syndeac) - et les 900 adhérents qui la composent, elle défend les valeurs communes de démocratisation de la culture, de liberté de création et de programmation, d'exigence artistique et d'équité territoriale garantie par un renforcement de la décentralisation culturelle. Nos 900 entreprises relèvent du champ de la Convention collective nationale des entreprises artistiques et culturelles (CCNEAC) et représentent près de 70 % de cette branche, qui réunit 110 000 salariés pour une masse salariale totale de près de 800 millions d'euros. Il s'agit de centres dramatiques nationaux, de centres chorégraphiques nationaux, de centres nationaux et régionaux de création musicale, de scènes nationales, de scènes conventionnées, d'orchestres permanents, d'opéras, de théâtres de ville, de compagnies, de festivals, d'ensembles musicaux, etc.
Nous avons réalisé une étude au mois de juin 2020 sur les effets du premier confinement, qui a révélé que celui-ci s'était traduit pour nos adhérents par l'annulation de 19 000 représentations et de 180 000 heures de représentations, de résidences et d'activités annexes. La perte de recettes se situe sur cette période à près de 90 millions d'euros, dont la moitié environ est imputable aux pertes de recettes de billetterie.
Notre secteur est à l'arrêt, dans la mesure où la création artistique n'est rien sans la rencontre avec le public. Il est vrai que nous avons retrouvé certaines libertés pour répéter ou travailler mais ce sont, pour ainsi dire, des mécanismes de perfusion qui permettent seulement à certains d'entre nous de poursuivre une activité artistique et plongent l'ensemble du secteur dans le plus grand désarroi. Depuis la rentrée, notre secteur a montré sa capacité à se réinventer et à s'adapter au gré de l'évolution des règles sanitaires pour maintenir le lien avec le public et favoriser l'émancipation de nos concitoyens à travers la création. Nous avons réalisé des études scientifiques et mis en place des protocoles précis pour l'accueil du public et le travail des équipes. Ceux-ci apportent aujourd'hui de solides garanties de sécurité.
Nous sommes dans l'attente de dates pour la reprise de l'activité. Il avait été question d'une date de revoyure à la fin du mois de janvier, mais force est de constater que ce calendrier n'a pas été respecté. Nous avons certes élaboré un plan de reprise résiliente de l'activité avec le ministère de la Culture, mais nous sommes toujours dans l'attente de l'échéancier et des critères qui permettront de le déclencher et de progresser ensuite entre ses différentes étapes.
De nombreuses aides, transversales et sectorielles, ont été mobilisées pour soutenir notre secteur. Il serait utile qu'un diagnostic soit réalisé pour faire la lumière sur la manière dont elles ont été distribuées. Nos établissements relèvent de régimes juridiques distincts et n'ont pas tous bénéficié du même accompagnement. Les bilans sur les structures sont extrêmement contrastés. Nous sommes également inquiets de savoir si les régimes sociaux seront maintenus. Il s'agit d'outils de gestion de notre branche particulièrement utiles au maintien de la cohésion sociale au sein de nos établissements. Nous nous interrogeons sur la prolongation des mécanismes d'accompagnement sociaux des artistes et techniciens face à une crise désormais profondément ancrée.
Je dois vous faire part de la grande détresse dans laquelle se trouvent aujourd'hui les personnels de nos établissements et les équipes techniques et artistiques. L'absence de perspective et le silence auquel nous sommes confrontés depuis plusieurs mois génèrent un climat psycho-social de plus en plus lourd et inquiétant.
M. Bruno Lobé, au nom de l'Union syndicale des employeurs du secteur public du spectacle vivant (USEP-SV), vice-président du Syndicat des entreprises artistiques et culturelles (Syndeac), directeur du Manège de Reims. - Il est urgent que le plan de réouverture progressive de nos établissements, élaboré en concertation avec la ministre de la Culture, entre en application. Si les salles polyvalentes sont aujourd'hui autorisées à accueillir des élèves, nos établissements, qui me paraissent pourtant plus accueillants, ne le peuvent pas. D'un point de vue sanitaire, nous sommes pourtant prêts pour recevoir des groupes de publics scolaires ou prioritaires. Nous avons un rôle à jouer dans le processus de résilience en aidant à recréer du lien social.
Je confirme les propos de Loïc Lachenal au sujet de l'aggravation des risques psycho-sociaux. C'est aussi le cas dans les théâtres. C'est un enjeu auquel il faut veiller. La réouverture de nos établissements, ne serait-ce que pour accueillir les seuls publics que je viens d'évoquer, ferait beaucoup de bien à nos salariés.
M. Frédéric Maurin, au nom de l'Union syndicale des employeurs du secteur public du spectacle vivant (USEP-SV), Président du Syndicat national des scènes publiques (SNSP), directeur de l'Hectare, scène conventionnée de Vendôme. - Je souhaite attirer votre attention sur la situation budgétaire actuellement délicate des collectivités territoriales. Elles n'ont pas la possibilité de mener à bien comme elles le souhaiteraient leurs projets culturels sur leur territoire, avec des conséquences inévitables sur l'emploi artistique et culturel et l'accès à la culture. J'ajoute qu'il y a une grande opacité concernant les critères de répartition des aides accordées au titre du plan de relance entre les collectivités territoriales et entre les différents opérateurs culturels. Il faut plus de transparence et une véritable équité entre les territoires.
M. Bernard Jomier, président. - Vous avez entendu l'ensemble de nos intervenants, Monsieur le professeur. Nos salles de spectacle continueraient-elles de représenter de vrais dangers, avec les protocoles qui existent ? Votre vision internationale nous serait utile.
Pr. Antoine Flahault, directeur de l'Institut de santé globale à la faculté de médecine de l'Université de Genève. - Il me paraît important de rappeler, à titre liminaire, que l'accès à la culture fait partie des droits fondamentaux de l'homme. Cela dépasse largement la question de ses droits économiques ainsi que celle de son éligibilité aux différents amortisseurs sociaux que les gouvernements mettent en oeuvre en période de crise.
La covid-19 a trois voies de transmission principales, qui sont aujourd'hui bien documentées. En premier lieu, celle des aérosols que nous expulsons lorsque nous respirons, parlons, chantons ou crions, et dont les particules les plus légères peuvent se maintenir dans l'air pendant plusieurs heures. Une autre voie de transmission, assez peu documentée, réside dans les aérosols les plus lourds qui peuvent, sous la forme de postillons, retomber sur les surfaces et contaminer ces dernières. Enfin, le partage d'instruments de musique, surtout ceux dépourvus de labyrinthes intermédiaires, ou de papiers divers constitue une dernière voie directe de transmission. Comme pour n'importe quelle autre occurrence, des personnes asymptomatiques ou pré-symptomatiques présentes dans une salle de spectacle peuvent être des agents contaminants, à la double condition d'une dose infectieuse et une durée d'infectiosité suffisantes.
Le problème des rassemblements à caractère culturel est bien connu. L'existence de clusters culturels est abondamment documentée : les troupes, y compris de danse, les choeurs, les chanteurs solistes ont été à l'origine de petits clusters, de même pour les karaokés au Japon, ou pour une multitude de manifestations culturelles de tous types qui ont impacté les États-Unis, la Russie, le Canada, la Corée du Sud, les Pays-Bas, l'Allemagne... À chaque fois, ces événements ont entraîné la fermeture des établissements.
Les lieux de contamination doivent être compris de façon large : ils ne désignent pas seulement la salle de spectacle en tant que telle, mais aussi les espaces de circulation, les vestiaires, les bars... La contamination peut également venir des instruments de musique.
Cela étant, pour être plus optimiste, je veux aussi rappeler que des mesures de prévention efficaces existent. L'exemple le plus probant en est l'Espagne, qui a laissé au secteur culturel la possibilité de poursuivre ses activités à certaines conditions. Évidemment, ces dernières comprennent l'imposition d'une jauge réduite, du port obligatoire du masque, d'un écart minimal entre les spectateurs, d'une fermeture des vestiaires et des bars et, surtout, d'un investissement important sur la ventilation.
J'insiste sur ce dernier point. Contrairement à l'intuition, il est désirable dans le contexte actuel de s'inspirer le plus possible des modes de ventilation des transports aériens ou ferroviaires, qui pratiquent les protocoles les plus aboutis en matière de régénération de l'air : une régénération totale toutes les 3 à 5 minutes pour le cas de l'avion. En effet, des centaines de millions de passagers ont emprunté ces voies de transport en 2020 et vous n'avez pas plus de 44 cas de contamination recensés dans le monde entier au cours d'un trajet aérien par l'Association internationale du transport aérien (IATA).
C'est évidemment irréalisable dans des locaux dédiés à des activités culturelles, mais au moins pourrait-on tenter de s'en approcher. Nous pourrions favoriser leur équipement en filtres à air à haute efficacité - filtres HEPA (high-efficiency particulate air). Des moyens de purification de l'air et d'augmentation de la ventilation peuvent être travaillés.
Outre ces mesures, des dispositifs de traçage des cas contact peuvent être rendus obligatoires. À Barcelone, une expérimentation menée à partir d'un échantillon de 500 spectateurs, tous tracés et tous testés, a montré l'efficacité de ces initiatives. Les conclusions sont les mêmes en ce qui concerne les représentations données à l'Opéra royal de Madrid, rempli aux deux tiers, à l'issue desquelles, grâce à un traçage précis, des contaminations ont pu être empêchées. Je signale à cet égard que l'épidémie en Espagne régresse résolument, à un rythme bien plus affirmé qu'en France.
Le dépistage des artistes pourrait être également largement proposé. On peut imaginer, à l'instar de ce qui se fait pour les sportifs professionnels, des programmes de tests de grande ampleur. Je ne préconise pas, pour ce cas particulier, les tests PCR qui, s'ils sont trop fréquemment réalisés, peuvent être nuisibles pour les cloisons nasales. Les tests salivaires, à l'instar de ce qui se pratique en Suisse, doivent être privilégiés.
Sous réserve de ces précautions, une réouverture des lieux culturels pourrait être envisagée, à la condition d'un strict respect des gestes barrières sous peine d'expulsion de la salle, d'une distanciation particulière permettant aux familles de rester ensemble et d'une certaine jauge. La durée du spectacle pourrait également être adaptée suivant la qualité de la ventilation : si la régénération de l'air est similaire à celle de l'avion ou du train, on pourra produire un spectacle de 3 heures ; sinon, on privilégiera des spectacles plus courts.
Je terminerai mon propos en évoquant évidemment la vaccination, qui concourra efficacement à la réduction des risques, notamment pour les personnes âgées.
M. Roger Karoutchi, co-rapporteur - Tout d'abord, je remercie le professeur Flahault. Il est bon d'entendre, dans le climat anxiogène actuel, une parole claire, organisée, structurée, proposant des comparaisons internationales, une parole optimiste pour l'avenir.
Par définition, les dates d'ouverture, les jauges, devront être déterminées par les scientifiques. Mes questions au secteur culturel seront donc posées sous le contrôle du professeur Flahault.
Premièrement, nous avons tous entendu le ministre Dussopt dire que le « quoi qu'il en coûte » devait se terminer en 2021 et qu'il faudrait alors reconsidérer les aides publiques accordées à l'ensemble des secteurs, afin de réduire l'endettement de l'État relatif à la covid-19. Comment appréhendez-vous cette réduction potentielle des aides publiques ? En Espagne, c'est le manque de moyens financiers pour soutenir les secteurs en cas de fermeture obligatoire des établissements qui est à l'origine de la réouverture des lieux de vie. Une évolution de cet ordre est-elle possible dans votre secteur ?
Deuxièmement, au terme de cette période (en 2021 ou plus tard, puisque l'on imagine mal les festivals se tenir en 2021 alors que nous sommes déjà en mars), l'ensemble du secteur va-t-il devoir se restructurer ? Les faillites et autres difficultés vont-elles entraîner une disparition potentielle d'un certain nombre d'activités ? Y a-t-il un risque d'appauvrissement de l'offre culturelle dans le pays ?
Des spectacles numériques, ou en tout cas des spectacles sans spectateurs, ont été mis en place. D'une certaine façon, ils sont liés au fait qu'il faille bien « vivre », maintenir des répétitions, certains spectacles comme à l'Opéra de Paris. Selon vous, un tel développement a-t-il du sens d'un point de vue budgétaire ? S'agit-il d'un apport important pour la suite de votre activité ? Ou s'agit-il simplement, en ces temps de confinement et de couvre-feu, de maintenir un lien sans prétendre à plus ?
Enfin, avez-vous un peu d'espoir ?
M. Bernard Jomier, président. - Cette dernière question me semble être la plus compliquée...
M. Loïc Lachenal. - Je tiens d'abord à remercier le professeur Flahault pour ses propos, notamment ceux sur l'accès à la culture, qui est pour nous un droit fondamental. Je le remercie également pour ses propos positifs sur notre capacité à minimiser les risques dans notre secteur. Nous avons engagé depuis plusieurs mois un certain nombre de travaux extrêmement précis, associant des organismes scientifiques, technologiques, et des professeurs de médecine, qui recoupent les conclusions du professeur. Nous avons également beaucoup travaillé pour minimiser les risques qu'il a mentionnés, tels ceux liés à l'utilisation des instruments de musique, via par exemple des guides de bonnes pratiques, de désinfection, etc.
Le protocole mis en place pour les orchestres qui ont continué à travailler en vue d'enregistrements ou de captations a été extrêmement efficace : aucun cluster n'a eu lieu dans le monde symphonique depuis septembre. Si certains cas ont été détectés en « pratique vocale », nous commençons à mieux en déterminer les raisons.
Le renouvellement de l'air dans les salles de spectacle permet aujourd'hui de mettre en place des procédés nouveaux ; je rappelle ainsi que les chanteurs acceptent dorénavant de chanter masqués. Nous sommes également en train de prendre des mesures qui concernent la taille des aérosols à la sortie des pavillons d'instrument. Nous renforçons donc les protocoles sanitaires qui garantissent la sécurité du public, et avant tout celle des personnes qui travaillent sur nos plateaux.
Le spectacle vivant est un endroit d'interactions physiques et sociales fondamental. Concernant la baisse des aides en 2021 : il s'agit, effectivement, d'une donnée importante pour nous. La reprise ne se fera que de façon progressive et dégradée en termes de recettes ; il est donc salvateur de pouvoir compter sur la pérennisation des mécanismes de compensation de billetterie ou de compensation des coûts de plateau. Ils seront les outils qui permettront de supporter une reprise sous-optimale. 2021 ne doit donc pas être l'année de retrait de ces mesures ; c'est au contraire au moment où nous sommes en capacité de reprendre que nous avons le plus besoin d'accompagnement. Par ailleurs, étant des opérateurs de service public, le risque de faillite ne nous guette pas principalement. Nous sommes les outils d'une politique publique de la culture, des arts ; à ce titre, nous en appelons à la vigilance des collectivités publiques qui participent au financement de nos structures, qu'il s'agisse de l'État ou des collectivités territoriales.
Concernant le numérique, ce sont aujourd'hui des activités de substitution. D'un point de vue artistique et culturel, rien ne remplacera la rencontre physique entre les spectateurs et les artistes. Ce n'est pas pour rien que l'on parle de spectacle « vivant ». Dans ce type de spectacle, tout peut se passer à partir de la levée du rideau : ce rapport direct à l'expression poétique de l'artiste doit être conservé.
Les moyens de diffusion alternatifs ont permis à des artistes de continuer à exercer leur métier, mais il s'agit avant tout d'un pis-aller. Nous ne pouvons pas construire de modèle économique pérenne pour l'avenir sur cela. Les expériences actuelles se font grâce aux aides mobilisées par le Centre national de la musique, le Centre national du cinéma et de l'image animée, mais il est trop tôt pour dire si une réalité économique pourra exister à cette issue. Il a fallu beaucoup de temps à la musique enregistrée pour s'adapter au numérique, pour passer d'un pillage permanent à un système de diffusion plus responsable. Nous n'en sommes pas à ce stade de maturité pour le spectacle vivant.
M. Aurélien Binder, vice-président du Syndicat national du spectacle musical et de variété (PRODISS), président de Fimalac Entertainment. - Premièrement, il ne faut pas se méprendre sur le déconfinement de la culture : tant que les spectateurs ne sont pas eux-mêmes « déconfinés », tant qu'ils ne sont pas aptes ou enclins à acheter des billets de spectacle, notre écosystème privé risque de mourir.
Deuxièmement, il y un absent dans toute cette discussion : le vaccin. Le Président de la République a annoncé que l'ensemble de la population française serait vaccinée à la fin de l'été. Si c'est le cas, cela nous donne un horizon très clair pour la reprise de notre activité, à partir de fin septembre ou début octobre.
Troisièmement, il convient de noter que les temporalités des différentes aides sont disparates, ce qui soulève la question de leur cohérence pour le secteur culturel. Il y a ainsi des aides sectorielles et des aides transversales. Pour les premières, leur temporalité est déconnectée de l'immédiateté du besoin. Les aides ne sont versées qu'au terme de diverses consultations : c'est un temps long, administratif. La temporalité des aides du fonds de solidarité, au contraire, est vertueuse : le séquençage se fait sur une base mensuelle, à partir de la structure des frais et charges des entreprises (loyers, salaires, etc.). Le fonds vient compenser ces charges mois après mois, sans décalage.
Il y a donc une complémentarité entre les aides sectorielles et les aides transversales, mais également une divergence d'efficacité. Le fonds sectoriel exceptionnel à destination du spectacle vivant privé, initialement de 200 millions d'euros mais dont les crédits ont été ramenés à 115 millions d'euros, est alloué au titre des pertes de 2020, mais ne sera versé qu'en juin, voire en septembre 2021. Par conséquent, à partir du 1er janvier 2021, les entreprises affrontent pleinement la crise, sans allocation ou compensation pour le déficit qui se creuse à nouveau à compter de cette date. C'est pour cela que nous demandons que les secteurs S1 et S1 bis intègrent les entreprises du secteur culturel, car cet écart de temporalité risque d'être fatal.
Enfin, nous demandons que le dédommagement soit calculé sur les pertes réelles des entreprises et non sur leurs charges. Cela nous semble un système juste et vertueux.
Mme Isabelle Gentilhomme. - Concernant les mesures de soutien, il est difficile d'envisager leur diminution sans connaître les conditions ou la date de reprise. Si cette dernière se fait avec une jauge de 50 % ou de 60 %, les théâtres privés devront être accompagnés.
N'oublions pas, par ailleurs, que les mesures de couvre-feu condamnent une partie de nos activités, notamment les multiprogrammations, qui sont essentielles aux petites salles. En outre, comme l'indiquait Aurélien Binder, il importe de savoir si le public sera au rendez-vous, si réouverture des théâtres il y a.
Concernant les captations numériques : elles existent depuis longtemps dans le théâtre, mais cela reste marginal. Ce n'est évidemment pas pareil qu'un spectacle vivant, qui s'incarne dans un rapport entre une scène, des comédiens et une salle. En outre, aller au spectacle, partager un moment d'émotion dans une salle, contribue à créer du lien social, ce qui, bien entendu, n'est pas le cas lorsque l'on est seul face à un écran. Il serait dramatique de penser qu'un partage d'émotion pourrait être remplacé par un écran.
M. Bernard Jomier, président. - Quel est votre point de vue, professeur Flahault, sur l'hypothèse d'un retour à la vie normale lorsque le taux de population vaccinée sera suffisamment élevé ?
M. Antoine Flahault. - Je partage cet espoir ; c'est bien l'objectif de la vaccination, que de retrouver une vie normale. Sur ce sujet, Israël agit comme un laboratoire vivant, puisque plus de 80 % de sa population adulte est vaccinée, ce qui permettra de voir comment y renaît la vie économique et sociale. Dans une autre proportion, l'expérience du Royaume-Uni permettra également ces observations.
Il reste un point encore incertain : le vaccin réduit-il la transmission du virus ? Le vaccin empêche aujourd'hui d'être malade, de développer des formes sévères de la maladie, et ce de façon très efficace ; mais nous ne savons que peu de choses quant à son effet sur la transmission. Il y a des arguments solides qui laissent espérer de bonnes nouvelles de ce point de vue. Mais il s'agit d'études qui demandent du temps ; pour l'instant, ce n'est qu'un espoir. Si la transmission est effectivement réduite, nous retrouverons en effet une vie bien plus normale, sous réserve qu'il n'y ait pas de nouveau mutant ou variant qui vienne obérer l'efficacité de cette vaccination.
M. Bernard Jomier, président. - Ce qui ne nous exonère donc pas, bien au contraire, de travailler à une reprise rapide !
M. Jean-Michel Arnaud, co-rapporteur. - Je tiens d'abord à remercier les intervenants pour la richesse de leurs analyses et la présentation des conditions difficiles de la filière culturelle. Le travail de la mission est de capter ces difficultés, qu'elles soient liées aux restrictions encore en cours ou aux perspectives de court terme pour le secteur.
Vous avez évoqué l'espoir de pouvoir travailler, car vous demandez, comme tous les professionnels, le droit d'exercer votre métier et de retrouver une vie normale.
L'objectif de notre mission est aussi de se préparer à la réitération d'une situation telle que celle que nous vivons aujourd'hui. Il me semble important d'évaluer les moyens nécessaires pour permettre la restructuration des salles et les adapter aux protocoles sanitaires.
Il faut préparer l'avenir. Vous avez évoqué la diversité de statut de vos établissements et il est indispensable de penser aux financements nécessaires pour adapter les salles, quel que soit leur statut, public ou privé. La transformation des salles doit permettre de ne pas se retrouver dans la même situation plus tard, en présence d'un autre virus dont les modalités de transmission seraient de même type.
Si les aides de l'État vous permettent pour l'instant de survivre, je m'interroge sur la façon dont vous pourrez régénérer une vision culturelle, et inciter les Français à revenir dans vos lieux de vie, vos lieux d'expression culturelle et vos lieux économiques.
Mme Sylvie Robert. - Les questions liées au manque de visibilité et de cadre, que j'avais déjà soulevées dans le rapport que j'ai réalisé au nom de la commission de la Culture à l'issue du premier confinement en juin, me semblent être toujours d'actualité. Nous ne sommes malheureusement pas au bout du tunnel. Vous êtes des professionnels responsables qui travaillent à des protocoles pour faciliter la réouverture et je pense que nous devons être optimistes.
Pour autant, il me semble qu'aujourd'hui, l'impact psychologique des mesures de restriction doit être mieux pris en compte. Je m'étonne de la façon dont le plan de relance, assez bien doté pour la culture, est concrètement mis en oeuvre dans les territoires. Il me semble que nous n'en sommes qu'à la sauvegarde et qu'il faudra penser à de nouvelles modalités d'accompagnement lorsque nous en serons - enfin - à la relance.
Dans un contexte où beaucoup d'artistes sont fragilisés, beaucoup de créations et de projets ont été reportés, voire annulés, comment pensez-vous que pourront se bâtir les prochaines saisons ? Je m'interroge d'autant plus qu'il n'est pas certain que de nouvelles mesures de relance soient envisagées par le Gouvernement pour le secteur.
Par ailleurs, le fonds de soutien des festivals annoncé par la ministre vous parait-il suffisant ? Existe-t-il à ce jour des réflexions sur la création d'un fonds de soutien à l'équipement et à l'investissement pour permettre d'adapter les salles aux protocoles sanitaires ? Quelle est votre position quant à la proposition d'un « pass sanitaire » et d'un renforcement du traçage ? Enfin, je m'interroge sur la situation des festivals qui se déroulent en plein air. Les risques y sont-ils importants en jauge debout ?
Mme Évelyne Renaud-Garabedian. - J'ai pour ma part deux questions. Je connais mal le secteur de la culture, étant issue de celui du tourisme et de l'hôtellerie. Il me semble cependant que des parallèles sont possibles.
Le professeur Flahault a évoqué la situation des avions qui, malgré une fréquentation importante, n'ont provoqué que très peu de contaminations. Pourquoi n'est-il pas proposé aux propriétaires de salles de cinéma de purifier l'air comme cela peut être fait à l'intérieur des avions ? Pourriez-vous par ailleurs m'indiquer le taux de remplissage permettant de rentabiliser un spectacle ?
Ma deuxième question porte sur les compagnies d'assurance. Avez-vous été couverts par vos polices d'assurance pour les spectacles annulés ? Comment les représentations annulées ont-elles été traitées ? Alors que les contrats d'assurance ont été renouvelés, quelles ont été les évolutions pour les primes et les polices d'assurance ?
M. Olivier Darbois, président du Syndicat national du spectacle musical et de variété (PRODISS), directeur général de la société Corida. - Concernant l'avenir, nous sommes convaincus que le pass sanitaire et la vaccination sont la lumière au bout du tunnel. Du point de vue du spectacle vivant privé : si nous n'avons pas 80 % à 90 % de taux de remplissage, nous ne sommes pas rentables. En deçà, il ne peut s'agir que d'une phase de transition qui doit être accompagnée.
Le pass sanitaire et les données personnelles relatives à la vaccination susceptibles de l'alimenter posent des problèmes éthiques et de liberté, je le conçois très bien. Ce type de question pose beaucoup moins de difficultés dans les pays nordiques. Le pragmatisme pousse cependant à considérer que c'est à ce jour la seule solution.
Concernant la territorialité des aides pour le spectacle vivant privé, des interrogations ont émergé sur le bénéfice des fonds de soutien.
Nous sommes des entrepreneurs : le risque, c'est notre métier. Quand un entrepreneur investit dans la production d'un spectacle, il sait qu'il prend un risque. Il gère ses risques et ses profits.
Lorsque nous avons demandé la création d'un fonds de relance, nous souhaitions que soient indemnisés de façon vertueuse tous les acteurs de l'écosystème. Le bénéfice du fonds était pondéré par la taille des acteurs et de leurs besoins : les plus petits étant les mieux indemnisés.
Ce fonds de relance est rapidement devenu un fonds de sauvegarde. Il n'a jamais donné lieu à de la surcompensation, contrairement à une idée reçue, mais il peut être nécessaire de mieux coordonner et d'unifier les différents fonds, y compris ceux créés dans les territoires par les différents échelons de collectivités territoriales.
M. Bernard Jomier, président. - Une seule remarque : ce défaut d'agilité et d'adaptation me semble être un marqueur de la gestion de crise dans notre pays.
M. Frédéric Maurin. - En réponse à la question de la sénatrice Sylvie Robert sur les collectivités territoriales, si on doit adapter nos établissements avec des ventilations équipées de filtres suffisamment puissants pour éviter la propagation des aérosols, beaucoup de petites et moyennes collectivités territoriales ne pourront pas le faire seules. Ainsi, il faudra déployer des moyens pour que la reprise de nos activités dans ces théâtres puisse se faire. Des petites villes de 5, 10 voire 15 000 habitants auront des difficultés à adapter à de nouvelles normes leurs établissements culturels, pour certains assez âgés, alors même que cela sera sûrement nécessaire pour se protéger de nouveaux virus qui pourraient survenir à l'avenir. Il faudra donc une aide significative.
Quant au plan de relance qui devient un plan de sauvegarde, je voudrais revenir sur le rôle des collectivités territoriales et celui du bloc communal vers lequel les services du Premier ministre nous renvoient constamment, au motif qu'ils n'auraient pas la compétence pour intervenir et qu'ils ne peuvent pas influer sur la façon dont les collectivités, et plus particulièrement le bloc communal, doivent travailler. Or, on constate un effet de ciseau : si les aides actuelles s'arrêtent en 2021, les collectivités territoriales risquent d'engager, elles aussi, une baisse de l'accompagnement des projets sur les territoires, en particulier pour les lieux non labellisés, non conventionnés, qui représentent une grande partie du maillage culturel et artistique français dans le domaine du spectacle vivant. Cet effet de ciseau aurait des conséquences dévastatrices et profondes, dans la mesure où les théâtres municipaux sont le vivier de la création artistique de demain. Ils constituent des lieux de diffusion de la culture, de résidence et d'accompagnement très importants.
La question du pass sanitaire nécessite une réflexion sérieuse. Notons néanmoins qu'aujourd'hui, l'ensemble des citoyens français n'a pas accès à la vaccination. Nous sommes, pour ce qui concerne l'USEP-SV, des services publics. Nous nous imaginons mal refuser à nos concitoyens l'accès à notre service public sous prétexte qu'ils n'ont pas accès à la vaccination. Cela pose une question de citoyenneté et d'équité républicaine dans notre pays ! Si effectivement à terme, l'ensemble des citoyens a accès à la vaccination, on pourra reposer la question du pass sanitaire, de la même façon qu'il pourra s'imposer pour voyager à l'étranger. Mais, en l'état actuel des choses, l'ensemble des organisations du spectacle public n'est pas favorable à son instauration.
Mme Isabelle Gentilhomme. - Je souhaite revenir sur la question de l'équipement des salles privées en systèmes de ventilation et de filtrage. Comme l'a dit mon collègue, il faudra un accompagnement spécifique.
En ce qui concerne les mesures de relance, je souhaiterais signaler qu'a été mis en place un crédit d'impôt « théâtre ». Je profite de cette occasion pour remercier les sénatrices et les sénateurs pour leur concours dans cette avancée. Il n'est pas encore opérationnel, mais il contribuera ensuite à la création et donnera une bouffée d'air aux créateurs dans un cadre vertueux, dans la mesure où il encourage à l'emploi.
Quant au pass sanitaire, ce dispositif peut être intéressant, mais je souscris aux réserves exprimées par mon collègue : il ne peut pas aujourd'hui s'entendre uniquement pour les personnes vaccinées, car l'ensemble de nos concitoyens n'a pas accès à la vaccination.
Je voudrais enfin attirer votre attention sur la mise en place de QR codes. Nous y sommes favorables mais il faut cependant noter que l'ensemble de notre public n'est pas équipé de smartphone. Il existe encore une fracture numérique dans notre pays ; certaines personnes souffrent par ailleurs d'une hypersensibilité à l'électromagnétisme. Il faudra donc trouver des solutions alternatives pour ces publics.
M. Bernard Jomier, président. - Une question relative aux festivals a été posée. Nous traiterons en détails des festivals lors d'une prochaine table ronde mais Mme Seguineau souhaitait en dire quelques mots.
Mme Malika Seguineau. - Pour répondre à la question de Mme Robert, nous avons accueilli l'annonce de la ministre de la Culture concernant les conditions dans lesquelles pourra se tenir la saison 2021 des festivals avec quelques satisfactions et beaucoup d'interrogations. Plus de 100 festivals sont représentés au sein du PRODISS. Il s'avère que beaucoup d'entre eux vont annuler leur édition 2021 car ils ne seront pas en capacité de respecter le cadre annoncé par Mme Bachelot, à savoir, même si cela reste encore flou, celui d'un public assis, distancié, masqué et non restauré avec une jauge allant jusqu'à 5 000 personnes. Cela ne correspond pas à l'ADN d'un grand nombre de festivals en France qui rallient des publics de familles et de jeunes. Pour répondre à votre question sur l'intérêt du public, Monsieur Karoutchi, ces publics ont été sondés par un grand nombre de festivals et ils ont très envie de revenir, surtout le public jeune, coincé à la maison depuis de longs mois, mais pas dans ces conditions. C'est pourquoi, cette année encore, un certain nombre de rassemblements devra être annulé.
D'autres festivals s'interrogent sur la manière dont ils pourraient s'adapter pour se conformer au format proposé pour l'édition 2021, puisque nous sommes fortement incités à travailler sur un modèle résilient, sous peine de passer pour de mauvais élèves dans le cas contraire. Nous essayons d'y travailler, ce qui n'a rien d'évident dans un modèle économique privé, qui repose sur la billetterie mais aussi sur les recettes des bars et de la restauration, qui demeurent à ce jour interdits. Un fonds d'accompagnement de 30 millions d'euros a été annoncé pour tous les festivals de France, dont 20 millions pour les festivals musicaux - musiques actuelles, musique classique. Je vous laisse faire le calcul, cela représente 2 000 à 3 000 euros par festival, tout au plus.
Nous allons bien sûr nous organiser malgré tout, et déployer nos meilleurs efforts pour que des événements puissent se tenir cet été, mais soyons réalistes : quels organisateurs seront en capacité d'organiser des manifestations dans de telles conditions cette année ? Sans doute, et je l'espère, nos amis du secteur subventionné dont les modèles sont sans doute plus adaptés à ces contraintes, et notamment à celle de la jauge assise. Mais au PRODISS, la très grande majorité de nos adhérents sont des festivals de moyenne et grande capacités en jauge debout. L'adaptation se révèle pratiquement impossible pour eux.
Nous comptons envoyer des propositions et le chiffrage de nos besoins à la ministre de la Culture pour reprendre les discussions, car nous avons compris que nous serions amenés à nous revoir chaque mois pour adapter les modèles. Toutefois, ces annonces nous plongent dans l'inquiétude de voir qu'un certain modèle de festival, celui de l'esthétique des musiques actuelles, ne puisse une seconde fois pas se tenir cette année. C'est la raison pour laquelle nous travaillons à des expérimentations - les concerts test -, car nous voulons encore croire à la jauge debout demain.
M. Bruno Lobé. - Pour répondre à une question de Mme Robert sur la programmation et les équipes artistiques, ces dernières sont évidemment nos partenaires les plus privilégiées, elles représentent la moitié de nos adhérents. On ne se rend pas bien compte pour l'heure du cataclysme à venir pour les saisons prochaines. D'une part, nous ferons face à un vrai embouteillage dans la programmation à venir de nos lieux. Nous avons essayé d'être très vertueux et avons pu payer les cachets des spectacles annulés, car nous en avions la capacité. Nous avons aussi tenté de les reporter pour la plupart, et c'est cela qui créé un embouteillage. D'autre part, un grand nombre de créations en cours n'ont pas pu être montrées et, pour certaines, semblent avoir disparu. C'est aussi une conséquence de l'encombrement de la programmation. Il y a eu, je pense, beaucoup de disparitions d'équipes et de projets artistiques sans ce que cela n'ait fait de bruit. Nous allons nous rendre compte, dans les saisons à venir, des faillites de ces équipes artistiques et de projets qui n'auront pas pu se créer. Il serait important que des crédits du fonds pour la reprise d'activité soient fléchés en direction de ce problème.
Quant au plan de relance de l'État, les crédits ont été transférés aux Directions régionales des affaires culturelles (DRAC), mais nous n'avons pas de visibilité sur la manière dont ils sont distribués et, surtout, sur les priorités qui ont été définies.
M. Antoine Flahault. - Pour revenir sur la question du plein air, il n'y a pas, selon moi, dans la littérature scientifique, de clusters survenus en plein air. Je n'ai pas connaissance de l'existence de tels clusters, ni après la Fête de la musique en France, ni après les manifestations Black Lives Matter dans le monde, notamment aux États-Unis. Dans des pays qui tracent beaucoup comme l'Australie, il n'y a pas eu non plus, à ma connaissance, de clusters rapportés en plein air. Le plein air doit être promu comme un lieu permettant des pratiques à très faible risque de circulation du virus. L'essentiel des contaminations dans les stades de foot, par exemple, sont survenues lors de la « troisième mi-temps », et non dans le stade stricto sensu. Le problème des grands rassemblements est sans doute cette fameuse « troisième mi-temps », c'est-à-dire ces partages conviviaux de repas et de boissons sur place dans des bars ou des restaurants, ou même chez soi après l'événement.
Quant aux spectacles dans des espaces clos, l'expérimentation conduite à Barcelone montre que l'on peut avoir des concerts debout, y compris sans distance physique, si le masque est bien porté. Il n'y a donc pas tellement de raisons, en plein air, d'imposer d'être assis. La seule route de transmission qui subsiste en plein air, est la route, si je puis dire « balistique », directe, c'est-à-dire le cas où vous postillonnez sur quelqu'un situé trop près de vous. La distance physique en plein air doit donc assurer une sécurité quasiment totale. Et, si vous avez un masque ainsi que vos voisins, en plein air vous ne risquez rien. Les aérosols ne sont pas un objet de contamination en plein air, pas plus que le plein air n'est un cadre de risque de tabagisme passif. Si la densité est très forte, le port du masque et la distanciation physique sont des mesures de précaution supplémentaires qui doivent permettre la tenue de festivals en plein air.
Pour la question de la restauration, s'il est possible de manger et de boire à distance des gens qui ne sont pas de votre foyer, alors cela ne représente pas non plus de risque supplémentaire. Le plein air devrait être promu, et selon moi, ne présente pas de risque.
Concernant le pass sanitaire et les QR codes, je suis conscient du problème des personnes électro-sensibles, même s'il ne s'agit pas d'une question clairement documentée sur le plan scientifique aujourd'hui ; les gens le rapportent et c'est cela qui est important. Je suis également sensible à l'argument selon lequel certains de vos publics ne sont pas toujours équipés de smartphones. Cela dit, et dans un premier temps, comme accompagnement de mesures de déconfinement, je pense qu'il est de l'intérêt des milieux du spectacle d'adhérer à des méthodes de traçage modernes rendues possibles par le smartphone. Il sera intéressant et important de documenter l'absence de clusters d'une part, et d'autre part, en cas de clusters, de rechercher rapidement les personnes à l'origine de la chaîne de contamination afin de comprendre ce qu'il s'est passé. Cela permettra également de ne pas jeter le discrédit sur la profession à nouveau, si des clusters non contrôlés, des « méga clusters », apparaissaient, comme cela a pu arriver par le passé, et comme cela pourrait encore arriver.
Je suis aussi très sensible à la question éthique dans le cas de la mise en place d'un pass vaccinal. Je crois cependant qu'il est plutôt envisagé, en France, la mise en place d'un pass sanitaire qui permettrait d'accéder à des événements, en cas d'anticorps ou de test négatif. Il est bien entendu qu'il ne devra pas s'agir d'un test coûteux comme un test PCR, mais d'un test rapide et non coûteux afin de ne pas pénaliser les personnes qui souhaiteraient assister à un spectacle.
En ce qui concerne la jauge, si un taux de remplissage de 80 ou 90 % est probablement trop élevé pour les spectacles en salles à ce jour, je pense qu'il est possible d'aller au-delà de la jauge de 50 %. Pour reprendre l'exemple espagnol, à l'Opéra royal de Madrid, la jauge retenue est de 66 %. J'ignore la composition exacte de votre public, mais si on part d'une jauge de 50 % et qu'on y ajoute les personnes d'un même foyer qui sont autorisées à s'asseoir côte à côte, on remplit davantage les salles de spectacle. Vous pourriez travailler sur ce type de mécanisme, où vous acceptez que les gens qui vivent ensemble puissent être assis les uns à côté des autres, avec une distance vis-à-vis des personnes ne vivant pas dans le même foyer. Cela vous permettrait sans doute d'avoir des taux de remplissage de l'ordre de 66, voire 70 %. Il n'y a donc pas une nécessité d'être à 50 %, me semble-t-il.
Pour les salles de cinéma, on peut imaginer qu'elles puissent faire l'objet d'investissements en systèmes de ventilation. Cela leur sera, en tout état de cause, très utile dans le futur, car tous les virus respiratoires ont une composante de transmission par aérosols. Il s'agit donc d'un investissement dont les bénéfices ne se limiteront pas à la seule lutte contre la covid-19.
M. Bernard Jomier, président. - Merci beaucoup, Professeur, je pense que l'on peut dire que vous avez répondu à la question de mon collègue Roger Karoutchi sur l'espoir, et vous avez renforcé l'interrogation que j'exprime au nom de mes collègues : qu'attendons-nous ? Nous sommes dans un pays qui prend des mesures très uniformes, très générales, alors qu'avec quelques efforts d'adaptation, nous pourrions éviter l'arrêt total des activités culturelles. Ce constat pourrait être dressé dans bien d'autres domaines...
Nous poursuivrons notre travail lors de notre prochaine table ronde, et mes collègues auront certainement à l'esprit vos propos concernant les événements qui se tiennent en plein air, car nous aborderons justement spécifiquement la question des festivals. Merci à toutes et tous, en visioconférence comme en présentiel, pour vos contributions très utiles à nos travaux.
La réunion est close à 12 h 25.
Cette table ronde a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat. Le compte rendu de cette réunion sera publié ultérieurement.