COMMISSION MIXTE PARITAIRE
Mardi 15 décembre 2020
- Présidence de M. François-Noël Buffet, président -
La réunion est ouverte à 9 h 30.
Commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur le projet de loi relatif au Parquet européen et à la justice pénale spécialisée
Conformément au deuxième alinéa de l'article 45 de la Constitution et à la demande du Premier ministre, la commission mixte paritaire chargée d'élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif au Parquet européen et à la justice pénale spécialisée, s'est réunie au Sénat le mardi 15 décembre 2020.
Elle procède tout d'abord à la désignation de son bureau, constitué de M. François-Noël Buffet, sénateur, président, de Mme Yaël Braun-Pivet, députée, vice-présidente, de M. Philippe Bonnecarrère, sénateur, rapporteur pour le Sénat, et de Mme Naïma Moutchou, députée, rapporteure pour l'Assemblée nationale.
La commission mixte paritaire procède ensuite à l'examen des dispositions restant en discussion.
M. Philippe Bonnecarrère, sénateur, rapporteur pour le Sénat. - Tous les éléments sont en place pour une commission mixte paritaire conclusive.
Le Sénat a travaillé sereinement sur ce texte, et l'Assemblée nationale a eu le bon goût de retenir les rédactions du Sénat, à une exception près, sur laquelle j'interrogerai mon homologue rapporteure de l'Assemblée nationale.
Le premier volet de ce texte, bien rédigé, porte sur le Parquet européen. En première lecture, nous avons adopté des compléments, retenus par l'Assemblée nationale, qui a également apporté ses propres précisions. Ce projet de loi, très habile, a la capacité de rassembler deux camps politiques habituellement bien éloignés : les souverainistes seront heureux de constater que toutes les mesures privatives de liberté et les décisions au fond seront toujours prises par les juridictions françaises, tandis que les amoureux de la construction européenne verront naître le Parquet européen à partir du 1er janvier 2021 dans des conditions satisfaisantes.
Le second volet concerne la justice spécialisée. Je ne reviendrai pas sur les mesures d'harmonisation prises à la suite du rapport de M. François Molins sur la lutte contre la criminalité organisée. L'essentiel de ce volet portait, en effet, sur l'environnement. Le Sénat a donné son accord à la spécialisation de juridictions - plutôt qu'à la création d'une nouvelle juridiction - sur le contentieux environnemental en matière pénale. L'Assemblée nationale l'a élargie, pertinemment, aux contentieux en matière civile.
Tant le Sénat que l'Assemblée nationale ont validé la possibilité de conclure des conventions judiciaires d'intérêt public (CJIP) - qui ont donné lieu à des applications médiatisées dans le champ fiscal - en matière environnementale.
Sans que ce point soit bloquant, nous nous interrogeons sur l'article 8 bis C qui, à la suite d'un amendement gouvernemental adopté par l'Assemblée nationale, donne aux inspecteurs de l'Office français de la biodiversité (OFB) des compétences de police judiciaire. Cela ne m'enthousiasme pas pour des questions de principe : cette dissémination des officiers de police judiciaire n'est pas une grande avancée démocratique. Quelle sera l'articulation entre la fonction de direction de l'enquête dévolue aux parquets et ces inspecteurs issus d'agences de l'État moins indépendantes ? Je crains que cette dissémination engendre certaines difficultés. Mais ce sujet technique ne doit pas entraîner de longs débats entre nous, tout comme le suivant.
Selon le texte adopté par l'Assemblée nationale, le parquet national antiterroriste (PNAT) ne pourra plus être saisi sur les sujets d'espionnage. Auparavant, cela relevait d'une section spécialisée du parquet de Paris. Le PNAT a changé d'avis entre les lectures dans chaque chambre, estimant qu'il avait suffisamment de responsabilités avec la seule lutte antiterroriste.
Le projet de loi tire les conséquences d'une série de questions prioritaires de constitutionnalité (QPC), et en anticipe certaines, par exemple pour renforcer les garanties des personnes sous tutelle ou curatelle. Une autre disposition ravira les amoureux de l'histoire du droit puisqu'il s'agit de la procédure de « réhabilitation » des condamnés à mort, qui ne concernera que fort peu de cas...
Seule modification importante, à l'article 11, l'Assemblée nationale a supprimé la peine complémentaire d'interdiction de paraître dans les réseaux de transports publics. Plusieurs groupes politiques du Sénat avaient voté contre cette mesure, mais c'était une demande de la Chancellerie, qui relayait les préoccupations de la région Île-de-France. Son objectif était d'intercepter plus facilement les personnes qui commettent régulièrement des infractions dans les transports publics, au lieu de jouer au chat et à la souris pour les arrêter en situation de flagrant délit. Certes, il convient d'être vigilant avant de décider la création d'une nouvelle peine complémentaire, mais je ne suis pas certain que la peine de droit commun d'interdiction de paraître dans certains lieux puisse aisément s'appliquer à des réseaux de transport. Je serai donc attentif aux explications que voudra bien nous donner la rapporteure de l'Assemblée nationale et j'invite les membres de la commission mixte paritaire qui regretteraient la suppression de l'article 11 à le faire savoir.
Je terminerai par une boutade : il peut arriver que l'Assemblée nationale réalise quelque chose dont le Sénat rêvait, mais qu'il n'osait pas formuler... Depuis plusieurs années, les représentants des notaires se plaignent du rôle reconnu à l'Autorité de la concurrence dans l'organisation de leur profession. Le texte dont nous étions saisis par la Chancellerie visait à faire évoluer les règles issues de la loi Macron de 2015. Celle-ci a renforcé le contrôle de la profession notariale par plusieurs dispositions. Elle a notamment imposé de nouvelles règles de fixation des tarifs par les ministres de la justice et de l'économie - l'influence de Bercy étant souvent prépondérante - et prévu la création d'un fonds interprofessionnel de redistribution, sur l'organisation duquel l'Autorité de la concurrence était appelée à se prononcer. Ce fonds n'a jamais vu le jour. J'avais recherché, lors de l'examen au Sénat, une solution qui me paraissait acceptable par l'Assemblée nationale. Nous avions ainsi supprimé la référence au fonds, autorisé les ordres à percevoir auprès de leurs membres une contribution destinée à financer des aides, le garde des Sceaux étant seul chargé d'en fixer l'assiette et le taux. Nous craignions qu'il soit excessif de demander à l'Assemblée nationale de revenir sur la loi Macron en supprimant toute référence à l'Autorité de la concurrence, mais elle l'a fait !
Sous réserve de la réponse sur l'article 11, tout est donc réuni pour une commission mixte paritaire conclusive...
M. François-Noël Buffet, sénateur, président. - Il ne faut désespérer de rien !
Mme Naïma Moutchou, députée, rapporteure pour l'Assemblée nationale. - Je remercie les sénateurs de leur accueil et de la qualité de leurs travaux. Le projet de loi dont a été saisie l'Assemblée nationale a été particulièrement enrichi par le Sénat ; il est clair et consolidé. Si nous l'avons amendé, nous avons respecté les bases du débat au Sénat : nous avons avalisé tous les apports du Sénat, sauf l'interdiction de paraître dans les réseaux de transports publics qui vient d'être mentionnée.
Nous sommes parvenus à une convergence sur le Parquet européen - le règlement européen nous laissait, il est vrai, peu de marge de manoeuvre. Le système imaginé par le Gouvernement est sans doute le plus à même de concilier l'objectif de coopération et la spécificité de notre cadre procédural, caractérisé notamment par le statut particulier du juge d'instruction.
C'est aussi le cas pour la justice pénale spécialisée. Certes, nous sommes revenus sur l'attribution au PNAT d'une compétence en matière d'espionnage, à sa demande. Mais pour le parquet national financier (PNF) ou les juridictions interrégionales spécialisées (JIRS), nous avons fait nôtres les positions du Sénat.
Nous avons également enrichi le texte, et je me concentrerai sur les trois éléments les plus importants.
En premier lieu, nous avons donné un plus grand relief au chapitre consacré au droit de l'environnement. Sur les seize articles additionnels que nous avons adoptés, huit portent sur cet aspect. Nous avons institué des juridictions civiles spécialisées dans le contentieux de l'environnement ; nous avons précisé les compétences des structures existantes. Nous avons aussi franchi un palier en octroyant des compétences en matière de police judiciaire aux inspecteurs de l'environnement. J'entends vos inquiétudes, mais j'ai été convaincue par le Gouvernement, qui structurera par voie réglementaire un véritable service d'enquêtes environnementales. C'est une avancée, même si nous devrons rester vigilants sur sa mise en oeuvre.
En deuxième lieu, nous avons procédé à des corrections sur la procédure pénale induites par des décisions récentes du Conseil constitutionnel, consensuelles. Nous n'avons toutefois pas abordé le sujet des conditions de détention, qui mérite un débat approfondi dans nos deux assemblées.
Enfin, en troisième lieu, notre seul point de désaccord sur ce texte concerne l'interdiction de paraître dans les transports publics. Nous refusons la création d'une nouvelle peine et nous avons convaincu le garde des Sceaux d'y renoncer.
Je comprends la logique suivie par le Sénat, mais toutes les personnes que nous avons auditionnées - avocats, procureurs ou magistrats du siège - ont expliqué que cette mesure poserait un problème d'applicabilité. Les modalités de contrôle de cette disposition sont en effet très difficiles à mettre en pratique. Le Sénat a certes prévu l'inscription des personnes condamnées au fichier des personnes recherchées, mais nous savons que les contrôleurs des réseaux de transport n'y auront pas accès, ce qui pose une vraie difficulté. Je ne crois pas par ailleurs en la création d'un fichier bis.
Dernier argument : une mesure similaire existe déjà dans le code pénal, la peine complémentaire d'interdiction de séjour. En théorie, on pourrait d'ores et déjà interdire à une personne d'emprunter une ligne de bus ou un réseau métropolitain dans une commune ou un département donné.
Le sujet est important : c'est pourquoi nous ne l'avons pas ajourné définitivement. Toutefois, il faudra a minima revoir la rédaction de cette disposition et probablement l'introduire dans le code pénal plutôt que dans le code des transports.
Telles sont les raisons qui nous ont conduits à supprimer l'article 11, et ce à une très large majorité : un seul groupe s'y est opposé à l'Assemblée nationale. Je vous demande donc de reporter le débat sur ce sujet, en confirmant la suppression de l'article.
Enfin, à l'article 12, j'ai obtenu que soit supprimé l'avis de l'Autorité de la concurrence pour ce qui est du régime des contributions volontaires obligatoires. Je suis ravie d'avoir devancé les attentes du Sénat ce faisant.
Je tiens à vous remercier de la teneur et de la qualité des travaux du Sénat. Vous le constatez : nous nous sommes inscrits dans la droite ligne de vos votes et j'espère que nos petites différences seront aplanies ce matin.
M. Sébastien Huyghe, député. - Le groupe Les Républicains de l'Assemblée nationale a bataillé pour le maintien de l'article 11, car nous estimions qu'il avait toute sa place dans ce projet de loi. Malheureusement, la quasi-unanimité des groupes a voté en faveur de sa suppression.
M. Didier Paris, député. - Si nous nous acheminons vers un accord, il ne faut pas pour autant banaliser le texte que nous allons voter. Il s'agit d'un texte novateur, pragmatique et ambitieux, ne serait-ce que compte tenu des mesures qu'il comporte pour améliorer la protection de l'environnement.
Le Parquet européen est attendu depuis une vingtaine d'années : ce projet de loi est donc très important en tant que levier politique de la construction européenne. Nous pouvons et devons en être très satisfaits, et ce pour trois raisons : d'abord, il ne porte en aucune façon atteinte à la souveraineté des États membres ; ensuite, il construit un nouvel ordre juridictionnel ou, en tout cas, harmonise les systèmes judiciaires respectifs de chaque État ; enfin, il ne nuit en aucune manière aux libertés individuelles, ce qui aurait été un point de blocage pour les autorités françaises.
En tant que représentant du groupe La République En Marche de l'Assemblée nationale, je tiens, pour conclure, à saluer les efforts du Sénat, qui a amélioré le texte, notamment en ce qui concerne les droits de la défense et la justice spécialisée.
Mme Cécile Untermaier, députée. - Je m'exprime au nom du groupe Socialistes et apparentés. Ce texte nous convient, ne serait-ce que parce que le Parquet européen est l'aboutissement de vingt ans de travaux. L'atterrissage est réussi : nous avons su à la fois ménager les susceptibilités sur les questions de souveraineté et imposer une institution européenne qui, par l'indépendance des procureurs, nous montre la voie à suivre.
Ce projet de loi tire les conséquences des actions menées au cours du précédent quinquennat. Il en est de même en matière de justice environnementale puisque ce texte reprend la convention judiciaire d'intérêt public, une idée figurant dans la loi dite Sapin II. Justice et environnement doivent désormais véritablement marcher ensemble.
Dernier point au sujet de l'article 12 : n'oublions pas que l'Autorité de la concurrence a un rôle à jouer dans la mesure où elle a pour mission de protéger les professionnels des risques anticoncurrentiels qui pourraient émerger.
Malgré cette réserve, notre groupe votera ce texte.
M. François-Noël Buffet, sénateur, président. - Nous allons donc passer à l'examen des articles et des rédactions proposées par les rapporteurs.
Article 1er
L'article 1er est adopté dans la rédaction de l'Assemblée nationale.
Article 1er bis (nouveau)
L'article 1er bis est adopté dans la rédaction de l'Assemblée nationale.
Article 2
L'article 2 est adopté dans la rédaction de l'Assemblée nationale.
Article 3 bis (nouveau)
L'article 3 bis est adopté dans la rédaction de l'Assemblée nationale.
Article 4
L'article 4 est adopté dans la rédaction de l'Assemblée nationale.
Article 4 bis (nouveau)
L'article 4 bis est adopté dans la rédaction de l'Assemblée nationale.
Article 4 ter (nouveau)
L'article 4 ter est adopté dans la rédaction de l'Assemblée nationale.
M. François-Noël Buffet, président. - Les rapporteurs proposent d'adopter l'article 4 quater dans la rédaction de l'Assemblée nationale, sous réserve de modifications rédactionnelles.
Les modifications proposées par les rapporteurs sont adoptées.
L'article 4 quater est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission mixte paritaire.
Article 5
L'article 5 est adopté dans la rédaction de l'Assemblée nationale.
Article 5 bis (nouveau)
L'article 5 bis est adopté dans la rédaction de l'Assemblée nationale.
Article 7 bis (nouveau)
L'article 7 bis est adopté dans la rédaction de l'Assemblée nationale.
M. François-Noël Buffet, président. - Les rapporteurs proposent d'adopter l'article 8 dans la rédaction de l'Assemblée nationale, sous réserve d'une modification rédactionnelle.
La modification proposée par les rapporteurs est adoptée.
L'article 8 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission mixte paritaire.
Article 8 bis AA (nouveau)
L'article 8 bis AA est adopté dans la rédaction de l'Assemblée nationale.
Article 8 bis A (nouveau)
L'article 8 bis A est adopté dans la rédaction de l'Assemblée nationale.
Article 8 bis B (nouveau)
L'article 8 bis B est adopté dans la rédaction de l'Assemblée nationale.
Article 8 bis C (nouveau)
L'article 8 bis C est adopté dans la rédaction de l'Assemblée nationale.
Article 8 bis D (nouveau)
L'article 8 bis D est adopté dans la rédaction de l'Assemblée nationale.
Article 8 bis E (nouveau)
L'article 8 bis E est adopté dans la rédaction de l'Assemblée nationale.
Article 8 bis
L'article 8 bis est adopté dans la rédaction de l'Assemblée nationale.
Article 8 ter A (nouveau)
L'article 8 ter A est adopté dans la rédaction de l'Assemblée nationale.
Article 8 ter
L'article 8 ter est adopté dans la rédaction de l'Assemblée nationale.
Article 8 quater (nouveau)
L'article 8 quater est adopté dans la rédaction de l'Assemblée nationale.
Article 9
L'article 9 est adopté dans la rédaction de l'Assemblée nationale.
Article 10
L'article 10 est adopté dans la rédaction de l'Assemblée nationale.
Article 10 bis (nouveau)
L'article 10 bis est adopté dans la rédaction de l'Assemblée nationale.
Article 11 (Supprimé)
M. Sébastien Huyghe, député. - Je rappelle que le groupe Les Républicains de l'Assemblée nationale est opposé à la suppression de cet article.
L'article 11 est supprimé.
Article 12
L'article 12 est adopté dans la rédaction de l'Assemblée nationale.
Article 13
L'article 13 est adopté dans la rédaction de l'Assemblée nationale.
Article 14
L'article 14, adopté en termes identiques par les deux assemblées, est rappelé pour coordination. Il est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission mixte paritaire.
Intitulé du projet de loi
L'intitulé du projet de loi est adopté dans la rédaction de l'Assemblée nationale.
La commission mixte paritaire adopte, ainsi rédigées, l'ensemble des dispositions restant en discussion du projet de loi relatif au Parquet européen, à la justice environnementale et à la justice pénale spécialisée.
La réunion est close à 10 heures