Mercredi 16 septembre 2020
- Présidence de M. Éric Jeansannetas, président -
La réunion est ouverte à 14 h 30.
Examen du rapport
M. Éric Jeansannetas, président. - Mes chers collègues, comme vous le savez, le Sénat a décidé en début d'année, à la demande du groupe de l'Union Centriste, la création d'une commission d'enquête sur le contrôle, la régulation et l'évolution des concessions autoroutières.
Depuis le mois de février, nous avons procédé à une vingtaine d'auditions plénières, qui ont fait l'objet de comptes rendus publiés, tandis que le rapporteur s'est entretenu, pour l'essentiel à distance en raison du contexte sanitaire, avec un grand nombre d'experts, de représentants des services compétents ou encore d'acteurs économiques concernés. Vous avez été invités à suivre ces entretiens si vous le pouviez.
Il est maintenant temps de conclure nos travaux pour lesquels nous avons bénéficié de deux mois supplémentaires en raison de la crise sanitaire.
Vous avez pu prendre connaissance du projet de rapport. Vous sont en outre distribués plusieurs documents dont nous allons reparler : le projet de synthèse, destiné à figurer en tête du rapport, les modifications que le rapporteur et notre collègue Jérôme Bascher proposent d'apporter au rapport, les observations que nos collègues Éric Bocquet, au nom du groupe CRCE, et Olivier Jacquin, au nom du groupe SOCR, souhaitent annexer au rapport et, enfin, un échange de courriels avec un juriste que le rapporteur propose d'annexer au rapport.
Je vous rappelle que vous devrez restituer votre exemplaire du rapport lorsque vous quitterez la salle. Le rapport adopté ne sera en effet publié que lorsque le délai de vingt-quatre heures prévu par l'ordonnance de 1958 pour la constitution d'un comité secret sera échu.
J'attire par ailleurs votre attention sur le fait que seuls les éléments repris dans le rapport sont publics. En conséquence, il ne peut être fait état, et ce pendant vingt-cinq ans, d'éléments figurant dans les documents remis qui ne sont pas cités dans le rapport, ou des propos tenus lors des auditions du rapporteur qui n'y sont pas repris.
Avant de passer la parole à notre rapporteur, je dois vous consulter sur la publication du compte rendu de notre réunion. Y a-t-il des objections ?... Je n'en vois pas. Le compte rendu sera donc publié.
Le rapporteur va nous présenter ses principales conclusions auxquelles vous pourrez réagir et nous examinerons ensuite les propositions de modification.
M. Vincent Delahaye, rapporteur. - Je tiens tout d'abord à remercier notre président qui a vécu une épreuve difficile dans cette période de crise sanitaire, mais a néanmoins continué de participer aux travaux de la commission d'enquête. Je remercie l'ensemble de nos collègues pour leur participation aux auditions plénières et aux auditions que j'ai menées en tant que rapporteur. Je remercie également les administrateurs, qui ont dû travailler pendant l'été. Notre rapport est imposant et il n'est pas facile à relire en peu de temps, mais cela fait partie des contraintes de fonctionnement d'une commission d'enquête. Comme l'a rappelé notre président, nous avons tenu à faire figurer de nombreuses informations dans le rapport, faute de quoi elles seraient perdues. Un résumé reprend l'essentiel. Nous vous proposerons effectivement d'annexer les contributions des groupes CRCE et SOCR : elles contribuent à éclairer utilement nos travaux, puisque nous n'avons pas tous le même point de vue sur l'avenir des concessions. Nous avons essayé d'évoquer dans le rapport toutes les possibilités qui existent, en dégageant les principales pistes qui nous semblent devoir être suivies, à court, moyen et long termes. Le sujet est loin d'être épuisé, même si nous nous sommes efforcés d'être aussi complets que possible.
Je vous propose de commencer par le titre du rapport pour lequel je propose : « Concessions autoroutières : des profits futurs à partager avec l'État et les usagers ». Pour la deuxième partie, j'avais aussi pensé à : « négocier pour partager les futurs profits ». Il me semble en effet important de lancer rapidement des négociations avec les sociétés concessionnaires d'autoroutes (SCA).
M. Olivier Jacquin. - Ce titre me semble intéressant, mais la référence à de « futurs » profits laisse entendre que la situation n'est pas profitable actuellement. Or le rapport est éloquent sur ce point. Je suggère donc une autre rédaction : « Concessions autoroutières : renégocier la rente entre l'État et les usagers ». En effet, il s'agit bien d'une rente de situation qui va croissant.
M. Vincent Delahaye, rapporteur. - Le terme de « rente » me gêne. Pour moi, « profit » n'est pas un gros mot : il me semble naturel qu'une société puisse faire des profits, reste à savoir jusqu'à quel niveau. Nous montrons dans le rapport que les sociétés concessionnaires des groupes Vinci et Eiffage auront atteint fin 2022 la rentabilité actionnaires attendue sur la durée de la concession : les profits réalisés après cette date peuvent donc être considérés comme du « bonus » - on parle de près de 40 milliards d'euros de dividendes - : c'est cela qui est à partager, on ne va pas revenir sur les profits déjà réalisés.
Mme Christine Lavarde. - Est-ce que l'on ne se focalise pas uniquement sur les concessions en cours, alors que le rapport ouvre la réflexion sur le futur modèle économique à mettre en place lorsque ces concessions seront arrivées à terme,? Je propose de ne pas s'arrêter à la notion de profit, mais d'insister sur la nécessité de mieux appréhender l'équilibre économique des contrats de concession.
M. Vincent Delahaye, rapporteur. - Un titre est toujours réducteur, il laisse forcément de côté certains aspects. Pour moi, la problématique majeure est que la rentabilité attendue, qui était déjà élevée, sera prochainement atteinte pour deux des groupes alors que les contrats doivent se poursuivre. Leur durée est trop longue de presque dix ans ! L'intérêt général voudrait que la collectivité puisse bénéficier d'une partie de ces profits. Titrer sur ce que l'on va faire dans quinze ans, même si le rapport aborde ce sujet, ne me paraît pas pertinent.
J'ai indiqué que j'aurais aimé faire référence à la notion de négociation, parce que je souhaite qu'il y ait une table ronde. Je le dirais d'ailleurs au ministre quand je lui présenterai le rapport. Les sociétés concessionnaires seront sans doute réticentes, mais il faut leur « mettre la pression », ce que fait le titre que je propose.
Bien sûr, il faut mieux appréhender l'équilibre des contrats, mais cet équilibre est toujours évoqué et jamais défini.
Je vous propose de revenir sur ce sujet en fin de réunion.
M. Éric Jeansannetas, président. - Nous passons donc aux autres propositions de modification.
M. Vincent Delahaye, rapporteur. - Avec la proposition de modification n° 1, notre collègue Jérôme Bascher souhaite insister, dans l'évocation des privatisations de 2006, sur la perte de recettes pour l'État. Sa formulation est plus claire et j'y suis donc favorable.
La proposition de modification n° 1 est adoptée.
M. Vincent Delahaye, rapporteur. - La proposition de modification n° 2, toujours de Jérôme Bascher, insiste sur le rôle des parlementaires dans le renforcement de la régulation intervenu dans la période 2014-2015. Avis favorable.
La proposition de modification n° 2 est adoptée.
M. Vincent Delahaye, rapporteur. - Ma proposition de modification n° 3 tend à souligner que les sociétés concessionnaires resteront bénéficiaires en 2020, malgré la crise sanitaire. Les pertes de chiffre d'affaires sont chiffrées très différemment par l'Autorité de régulation des transports (ART) et les sociétés d'autoroutes, mais les résultats resteront malgré tout positifs et l'équilibre économique des concessions ne sera pas remis en cause.
La proposition de modification n° 3 est adoptée.
M. Vincent Delahaye, rapporteur. - Ma proposition de modification n° 4 attire l'attention du Gouvernement sur le fait que le niveau des investissements prévisionnels baisse fortement dans les dernières années des concessions. Or il convient de maintenir un haut niveau d'investissement jusqu'à la fin des concessions et de faire en sorte que les infrastructures soient remises en bon état.
La proposition de modification n° 4 est adoptée.
M. Vincent Delahaye, rapporteur. - Avec la proposition de modification n° 5, nous suggérons l'organisation d'un sommet des autoroutes, réunissant les services de l'État, les sociétés concessionnaires et associant l'ART, ainsi que des représentants du Parlement, pour définir l'équilibre économique et financier des concessions autoroutières historiques.
M. Éric Bocquet. - Un sommet des autoroutes, c'est très bien, mais si c'est pour arriver au même résultat que le grand débat, la convention citoyenne, etc., on se fait plaisir ! Il faudrait que les décideurs y donnent vraiment une suite.
M. Vincent Delahaye, rapporteur. - Bien sûr, mais il s'agit surtout d'inciter les sociétés concessionnaires à s'asseoir autour de la table. Si c'est le ministre qui les invite, elles auront du mal à décliner l'invitation.
La proposition de modification n° 5 est adoptée.
M. Vincent Delahaye, rapporteur. - La proposition de modification n° 6 insiste sur la prise en compte des trajets du quotidien. L'association « L'A10 gratuite » a présenté une demande concernant le péage de Dourdan. Nous ne souhaitons pas nécessairement intégrer cette demande dans le rapport comme une proposition en tant que telle, mais nous tenons à soulever la question car elle mérite examen.
Mme Christine Lavarde. - J'avais noté ce passage dans ma lecture du rapport. Existe-t-il d'autres portions d'autoroute payantes en France qui représentent un frein à la mobilité domicile-travail ?
M. Vincent Delahaye, rapporteur. - Si nous ne citons que quelques exemples sans être exhaustifs, nous serons critiqués.
M. Olivier Jacquin. - Je me suis fait la même réflexion que Christine Lavarde. Je pourrais citer un exemple similaire sur l'A4 à Metz. Nous pourrions adopter une rédaction plus large.
Mme Christine Lavarde. - L'idée serait que les trajets pendulaires sur autoroute, lorsqu'il n'y a pas d'alternative, ne soient pas soumis aux mêmes tarifs que les trajets réalisés pour les vacances.
M. Vincent Delahaye, rapporteur. - L'objet initial de ma proposition de modification n° 6 était de supprimer la mention du cas particulier du diffuseur de Dourdan de nos propositions finales, mais de le réintégrer à titre d'exemple dans le rapport. Il ressort de nos échanges, que nous pourrions maintenir la proposition n° 28 en la rédigeant autrement : « examiner la possibilité de revenir sur des péages péri-urbains pénalisant pour les trajets du quotidien, en particulier le diffuseur de Dourdan (A10) pour les usagers locaux ».
La proposition de modification n° 6, modifiée, est adoptée.
Mme Christine Lavarde. - J'aurais quelques suggestions de modification à faire, mais je n'ai pas eu le temps de les préparer formellement.
M. Éric Jeansannetas, président. - Cette réunion a précisément pour objet de discuter de possibles améliorations.
Mme Christine Lavarde. - Le rapport couvre une période historique très longue au cours de laquelle la valeur de la monnaie a fortement évolué ; on trouve même des montants libellées en francs... À certains endroits, on trouve l'indication de l'équivalent en euros de 2020, mais ce n'est pas systématique.
M. Vincent Delahaye, rapporteur. - Il me paraît difficile d'actualiser toutes les sommes mentionnées - nous l'avons fait principalement pour les 6,5 milliards d'euros de manque à gagner pour l'État en 2006, en indiquant que cela équivaut à 7,8 milliards d'euros en 2020. Je suis d'accord pour indiquer l'équivalent en euros des sommes figurant en francs.
Mme Christine Lavarde. - Par ailleurs, la mention d'un « taux élevé de distribution » quand il est de 624 % ou de 782 % dans l'année de la privatisation me paraît légèrement édulcorée...
M. Vincent Delahaye, rapporteur. - Je propose de préciser « le maintien d'un taux exceptionnellement élevé de distribution », si nos collègues en sont d'accord.
M. Éric Jeansannetas, président. - Je constate que tel est le cas.
Mme Christine Lavarde. - Il est question d'affecter à l'ART tout ou partie du produit des taxes en lien avec ses missions de régulation. Doit-on comprendre que plus l'ART sanctionnera, plus elle aura de recettes ? Par ailleurs, d'un point de vue budgétaire financer une autorité de régulation par une taxe affectée me pose problème. La Commission de régulation de l'énergie (CRE), quand elle gère des taxes, finance des politiques publiques, elle ne les utilise pas pour son propre compte.
Je rappelle par ailleurs que, dans le rapport sur le projet de loi de finances pour 2020, nous avions souligné que les moyens humains de l'ART augmentaient moins vite que son champ de compétences.
M. Jérôme Bascher. - Par respect pour les principes budgétaires, je suis opposé à l'affectation de taxes ou d'amendes à des autorités indépendantes : c'est un dévoiement du budget général.
M. Éric Jeansannetas, président. - Je précise que le mode de financement envisagé ne serait en aucun assis sur le produit d'amendes.
M. Vincent Delahaye, rapporteur. - Je suis d'accord pour ne pas retenir cette solution et je vous suggère de nous proposer en fin de réunion une nouvelle rédaction du passage concerné.
Mme Christine Lavarde. - Par ailleurs, concernant les difficultés rencontrées par l'ART pour effectuer ses missions de contrôle, l'augmentation d'un mois de ses délais d'instruction me paraît une bien faible réponse.
M. Vincent Delahaye, rapporteur. - Cet allongement répond à une demande de l'ART. À titre personnel, je ne suis pas favorable à un allongement excessif des délais, qui ne contribue pas à la réactivité des services. Vous noterez par ailleurs que le rapport comporte d'autres propositions en particulier pour permettre à l'ART d'accéder de plein doit à plus de données qu'actuellement.
Mme Christine Lavarde. - La référence aux « clauses de durée endogène » me semble peu compréhensible.
M. Vincent Delahaye, rapporteur. - Elle est effectivement très technique. L'expression « clauses d'encadrement de la rentabilité » serait effectivement plus claire.
Mme Christine Lavarde. - Enfin, je regrette que l'une des idées phares du rapport, à savoir la fin de la prolongation des concessions pour financer des plans d'investissement ne figure que parmi les dernières propositions du rapport. Il faudrait la mettre davantage en valeur.
M. Vincent Delahaye, rapporteur. - Il ne s'agit pas de mettre fin aux plans d'investissements autoroutiers, mais aux plans d'investissements compensés par un allongement de la durée des concessions existantes sans mise en concurrence. J'insiste toujours dans mes interventions sur ce point important. Nous pourrions le mettre plus en valeur dans la synthèse.
M. Éric Jeansannetas, président. - Merci de vos observations, ma chère collègue. Venons-en maintenant aux contributions que nos collègues Bocquet et Jacquin souhaitent annexer au rapport. Il faut toutefois que la commission en soit d'accord.
M. Vincent Delahaye, rapporteur. - En tant que rapporteur, et après une rapide lecture, je suis favorable à ce que ces contributions figurent en annexe.
M. Éric Jeansannetas, président. - J'ajoute que ces contributions reprennent des conclusions et des points de vue présentés lors des auditions. Y a-t-il des objections ?...
L'annexion des deux contributions au rapport est acceptée.
M. Vincent Delahaye, rapporteur. - Je propose également d'insérer en annexe à notre rapport le courriel que nous a adressé en juillet Jean-Baptiste Vila, maître de conférences en droit public à l'université de Bordeaux, qui voulait attirer notre attention sur différents points juridiques, notamment les provisions pour renouvellement. Je n'ai alors pas pris le temps de lui répondre. Dans une interview récente à Capital, il déclare avoir alerté les sénateurs et ne pas avoir été entendu. Je lui ai finalement répondu par courriel la semaine dernière, et je vous propose de mettre en annexe du rapport aussi bien son courriel que ma réponse.
M. Jérôme Bascher. - Je ne suis pas très à l'aise avec l'idée d'insérer la réponse du rapporteur au courriel en annexe. Y a-t-il des précédents en la matière ?
M. Vincent Delahaye, rapporteur. - Je préfère que ma réponse figure également. Au demeurant, il est souhaitable que le débat se poursuive. S'il y a des polémiques ou des contestations, nous répondrons et cela nous permettra de faire vivre la discussion.
M. Jérôme Bascher. - La mode, aujourd'hui, c'est que toute commission d'enquête suscite une polémique, non pas tant sur le contenu du rapport que sur le déroulement des travaux. Nous avons tous des exemples récents présents à l'esprit. Je crains que cette publication en annexe ne crée un précédent, et que certaines personnes ne soient tentées de l'utiliser pour discréditer les commissions d'enquête et remettre en cause notre institution.
M. Vincent Delahaye, rapporteur. - En l'occurrence, il s'agit d'une petite négligence de ma part, car j'ai omis de répondre à M. Vila au mois de juillet. Cela ne veut pas dire qu'on en fera une règle générale.
M. Éric Bocquet. - Je suis favorable à la publication en annexe de l'interpellation de M. Vila et de la réponse du rapporteur. Dans un article intitulé « Quinze ans après, la privatisation des autoroutes continue de faire polémique », publié dans Le Figaro du 21 juillet, il est écrit que les auditions de notre commission d'enquête ont « parfois tourné aux règlements de comptes sur un sujet qui reste passionnel ». Or, je n'ai jamais ressenti un tel climat au cours de nos travaux. Le rapport n'est pas encore publié, mais déjà on bombarde...
La publication de l'échange de courriels en annexe du rapport est acceptée.
Mme Christine Lavarde. - Nous proposons donc de replacer les deux derniers alinéas du paragraphe intitulé « La régulation du secteur autoroutier doit encore être améliorée » par un alinéa rédigé comme suit : « Qu'elle soit financée directement par le budget général ou via des taxes affectées, le principal enjeu budgétaire pour l'ART demeure celui de son plafond d'emplois, qu'il paraît indispensable de relever rapidement. »
M. Vincent Delahaye, rapporteur. - Cette rédaction me convient.
M. Éric Jeansannetas, président. - Il s'agira donc de la proposition de modification n° 8.
La proposition de modification n° 8 est adoptée.
M. Vincent Delahaye, rapporteur. - Nous avons eu de très bonnes relations avec l'ART pendant les travaux de notre commission d'enquête, même s'il a parfois été difficile d'obtenir des réponses simples, notamment sur la question de l'équilibre et de la rentabilité des contrats. Je suis également un peu resté sur ma faim à la lecture de son premier rapport quinquennal qui analyse la rentabilité projet à partir d'une méthode d'équivalence d'actifs.
Il en résulte qu'entre 2017 et 2019, s'il n'y avait pas eu d'augmentation de tarifs, la rentabilité des sociétés concessionnaires d'autoroutes aurait augmenté de 0,138 % au lieu de 0,150 %. La différence est donc assez marginale, et l'on ne trouve pas vraiment d'explications dans le rapport de l'ART, très utile par ailleurs.
M. Olivier Jacquin. - L'expertise demandée à Frédéric Fortin, l'expert indépendant sollicité par le rapporteur, est un élément important de nos travaux. Comment pourra-t-on défendre le sérieux de son travail, notamment face aux sociétés concessionnaires ?
M. Vincent Delahaye, rapporteur. - On ne s'autodésigne pas expert. Frédéric Fortin, qui travaille sur la privatisation des sociétés d'autoroutes et leur rentabilité depuis de nombreuses années, est reconnu par ses pairs.
Pour la période allant de 2006 à 2019, les données sont issues des comptes des sociétés concessionnaires. Les données prévisionnelles des sociétés d'autoroutes étant couvertes par le secret des affaires, la seule façon de procéder était de se tourner vers une évaluation extérieure. J'ai demandé à Frédéric Fortin de retenir des prévisions plus prudentes que celles qu'il avait initialement envisagées. Pour l'année 2020, avec la crise sanitaire, il s'est fondé sur une diminution de 25 % du chiffre d'affaires, soit davantage que les prévisions de l'ART.
M. Olivier Jacquin. - J'ai toute confiance en son travail, mais il me semble aussi assez facile de décrédibiliser un expert indépendant.
M. Vincent Delahaye, rapporteur. - Il sera assez simple, chaque année jusqu'à la fin des contrats de concession, de comparer les prévisions et les résultats.
Les prévisions transmises chaque année par les SCA à l'ART jusqu'à la fin des contrats - je les ai consultées, mais elles ne peuvent pas être publiées et n'ont pas été communiquées à Frédéric Fortin - sont par ailleurs cohérentes avec les prévisions de Frédéric Fortin.
M. Éric Jeansannetas, président. - Venons-en maintenant à la synthèse qui vous a été distribuée et qui figurera également en tête du rapport.
M. Éric Bocquet. - Peut-on voter la synthèse indépendamment du rapport ?
M. Vincent Delahaye, rapporteur. - Non, la synthèse est indissociable du rapport, me semble-t-il.
En revanche, l'absence d'allongement de la durée des concessions ne ressort pas suffisamment de la synthèse, alors que c'est un point essentiel, qui devrait être mentionné en gras.
M. Olivier Jacquin. - On pourrait aussi l'ajouter dans la liste des propositions.
M. Vincent Delahaye, rapporteur. - En effet.
M. Jérôme Bascher. - On peut aussi mentionner, comme préalable à la rubrique « préparer la fin des concessions », cette non-prolongation de la durée des concessions.
M. Vincent Delahaye, rapporteur. - C'est une bonne idée, qui n'empêche pas de le faire figurer ensuite en gras en tête de l'axe 5.
Ces propositions et l'annexe, ainsi modifiée, sont adoptées.
M. Éric Jeansannetas, président. - Nous revenons à présent au titre du rapport.
M. Vincent Delahaye, rapporteur. - Ma proposition de modification n° 7, déjà évoquée, rédige ainsi le titre : « Concessions autoroutières : des profits futurs à partager avec l'État et les usagers. »
M. Patrice Joly. - Et pourquoi pas : « Rééquilibrer le partage des forts profits à venir avec l'État et les usagers ? »
M. Olivier Jacquin. - Ce serait un titre consensuel et très social-démocrate !
M. Jean-Raymond Hugonet. - L'adjectif « fort » n'ajoute pas grand-chose, d'autant que personne ne peut préjuger des profits à venir. En revanche, il manque sans doute la notion d'équité. Je compléterais ainsi la proposition du rapporteur : « Des profits futurs à partager équitablement avec l'État et les usagers. »
M. Olivier Jacquin. - J'avais une proposition plus radicale : « Concessions autoroutières : un niveau de profit exceptionnel - réguler et maîtriser dès maintenant. » Mais je vais sans doute un peu loin dans le sens de la régulation au goût du rapporteur...
M. Éric Bocquet. - Un titre qui évoquerait les seuls profits serait réducteur. N'oublions pas non plus les enjeux d'aménagement du territoire et de transition écologique.
M. Vincent Delahaye, rapporteur. - Un titre est forcément réducteur, et nous sommes obligés de choisir une cible. Je ne suis pas partisan d'un titre trop long.
M. Jérôme Bascher. - Je propose alors : « Plus de concessions sur les concessions ! »
M. Vincent Delahaye, rapporteur. - Il me semble que nous devons faire référence à notre priorité dans le titre. Il faut parvenir à discuter de ce bonus sur la rentabilité des autoroutes. Nous ne pouvons pas attendre la fin des contrats pour le faire. Les sociétés d'autoroutes elles-mêmes ont intérêt à ce débat.
Je propose in fine le titre suivant : « Concessions autoroutières : des profits futurs à partager équitablement avec l'État et les usagers. »
La proposition de modification n° 7, modifiée, est adoptée.
M. Patrice Joly. - Je tiens à remercier le rapporteur pour son excellent travail et sa ténacité.
M. Olivier Jacquin. - Je salue également la qualité du travail et l'ouverture d'esprit du rapporteur, qui a accepté nombre de nos propositions d'auditions.
Le rapport, même s'il relève d'une philosophie qui n'est pas la mienne, est parfaitement cohérent avec la ligne de Vincent Delahaye, celle d'une approche libérale refusant la rente et le monopole, attachée à l'idée de justice.
Personne, me semble-t-il, ne pourra attaquer ce rapport, conforme à l'idée d'une institution sénatoriale produisant un travail sérieux et cohérent.
Pour prolonger ce travail passionnant, je déposerai dans les mois à venir, avec mes collègues du groupe socialiste et républicain, une proposition de résolution sur la future gestion des autoroutes.
M. Éric Bocquet. - Je m'associe aux remerciements. Les commissions d'enquête sont sans doute l'un des aspects les plus intéressants du travail parlementaire. Disons qu'elles permettent de faire tomber quelques copeaux de langue de bois...
Je regrette toutefois que l'on n'ait pas pu entendre les salariés, qui servent souvent de variable d'ajustement. De même, sur l'analyse juridique des contrats, nous aurions peut-être dû creuser davantage, à partir de la contribution de M. Vila.
De notre côté, nous optons clairement dans notre contribution pour une gestion publique, via une société adossée à l'État, Autoroutes de France, qui serait financée par les péages. Je regrette que ce scénario ait rapidement été écarté dans le rapport, au nom de la dette.
M. Vincent Delahaye, rapporteur. - Au nom surtout de son coût !
M. Éric Bocquet. - On a privatisé en 2006 au nom de la dette, et aujourd'hui on pourrait refuser la nationalisation au nom de la même dette...
Nous nous abstiendrons donc sur le rapport.
Le rapport est adopté et la commission d'enquête en autorise la publication.
M. Éric Jeansannetas, président. - Avant de nous séparer, je souhaite à mon tour remercier notre rapporteur pour son investissement indéfectible dans ce sujet délicat.
Je vous remercie également, mes chers collègues, pour votre assiduité, y compris à distance, dans cette période difficile.
J'espère que notre rapport, qui sera présenté lors d'une conférence de presse vendredi matin, permettra de dépassionner ce débat et, surtout, de le rationaliser. Je souhaite également qu'il conduise à réunir les acteurs autour d'une table avec des objectifs précis dans l'intérêt des usagers et de l'État, et à préparer bien entendu l'avenir de la gestion de nos autoroutes.
M. Vincent Delahaye, rapporteur. - J'ai beaucoup apprécié de travailler avec vous tous sur ce rapport, qui constitue d'une certaine manière la synthèse de ma vie professionnelle. Il faut, dans ce débat, de la rationalité, mais aussi un peu de passion si l'on veut pouvoir faire bouger les lignes. Personne n'a intérêt à l'immobilisme, y compris les sociétés d'autoroutes.
La réunion est close à 16 h 10.