Jeudi 7 mai 2020
- Présidence de M. Michel Magras, président -
Étude sur l'urgence économique outre-mer à la suite de la crise du Covid-19 - Audition de M. Hervé Tonnaire, directeur des outre-mer, directeur régional Pacifique et M. Philippe Blanchot, directeur des relations institutionnelles du groupe Caisse des dépôts et consignations(CDC)
M. Michel Magras, président. - Nous vous remercions, Monsieur Hervé Tonnaire, directeur des outre-mer, et directeur régional Pacifique de la Banque des territoires du groupe Caisse des dépôts (CDC) de participer à cette audition organisée dans le cadre de l'étude de notre délégation sur l'urgence économique en outre-mer.
Je rappelle que dans le contexte créé par l'épidémie de Covid-19, notre délégation a décidé de poursuivre ses travaux en étudiant les conséquences de cette crise sanitaire sur des économies ultramarines déjà très fragilisées.
Compte tenu des problématiques spécifiques aux outre-mer et du risque que les mesures annoncées ne soient pas adaptées aux particularités de chaque territoire, la délégation a confié à trois de ses membres Stéphane Artano, Viviane Artigalas et Nassimah Dindar, la mission de conduire une série d'auditions en vue de pointer les difficultés et de formuler des propositions pour y remédier.
Monsieur Hervé Tonnaire, vous êtes accompagné de M. Philippe Blanchot, directeur des relations institutionnelles du groupe CDC.
La Banque des territoires est un acteur important pour le maintien du tissu économique et le redémarrage dans nos outre-mer. Votre expertise nous est aussi précieuse dans la perspective d'un prochain point d'étape de nos travaux que nous ferons après l'audition de Mme Annick Girardin, ministre des outre-mer, prévue le 14 mai prochain.
Monsieur le directeur, vous avez été destinataire d'une trame préparée par nos rapporteurs auxquels je laisserai donc le soin de présenter leurs questions après mon propos introductif. Puis vous aurez la parole pour leur répondre.
Pour nos autres collègues, j'ai déjà recueilli un certain nombre d'inscrits qui pourront poser une première série de questions puis après les réponses, nous pourrons éventuellement prendre une seconde série de questions en fonction du temps disponible.
La parole est à Stéphane Artano pour commencer.
M. Stéphane Artano, rapporteur. - Merci Monsieur le président, j'aimerais aborder quatre points pour commencer.
Tout d'abord pouvez-vous, Monsieur le directeur, nous présenter la place de la Banque des territoires, au sein de la Caisse des dépôts et consignations, dans le cadre du plan de soutien de l'économie face à la crise du Covid-19. Quel état des lieux avez-vous établi sur les besoins propres aux outre-mer ?
Par ailleurs, pouvez-vous détailler les mesures d'urgence mises en place par la Banque des territoires à destination des collectivités, des entreprises publiques et des entreprises privées dans les outre-mer ? Quel premier bilan dressez-vous ?
Ensuite, quels sont les domaines dans lesquels des reports d'échéances de remboursement de prêts ont été décidés ? Avez-vous accéléré le versement de certaines subventions pour des entreprises ?
Et enfin, quelle articulation y-a-t-il entre l'action de la Banque des territoires et celle de la Bpifrance pendant cette crise ?
M. Hervé Tonnaire, directeur des outre-mer, directeur régional Pacifique, Banque des territoires du groupe Caisse des dépôts (CDC). - Dès le début de la crise, la Banque des territoires qui regroupe au sein de la Caisse des dépôts les entités, directions et métiers (conseil, investisseur et prêteur notamment) au service des territoires dans une logique d'intérêt général s'est mobilisée dans un souci d'appui immédiat à ses partenaires traditionnels à la fois des opérateurs institutionnels et clients (professions juridiques, organismes de logement social, prêteurs et investisseurs d'intérêt général, collectivités locales et structures de l'économie mixte) mais aussi des acteurs privés partenaires, avec des mesures d'urgence.
Dans cette crise, pour répondre à votre première question, la maison Caisse des dépôts s'est naturellement mobilisée. Des mesures d'urgence ont été prises, pour les données macro-économiques nationales et les chiffres plus précis par territoire ; je vous renvoie à l'annexe du document que je vous ai adressé.
À ce jour, la Banque des territoires (BDT) a mis en place un dispositif de partenariat.
En faveur du service public de la justice, les notaires, les administrateurs judiciaires notamment les officiers publics qui ont une fonction indispensable, impactés par le blocage des transactions immobilières, se sont vus proposer des mesures adaptées à chaque étude. Ainsi, la contribution nationale pour les professionnels du droit est de l'ordre de 600 millions d'euros répartis de la manière suivante : 100 millions au titre des reports d'échéances et 500 millions d'euros au titre de découverts pour frais de trésorerie.
La Banque des territoires est intervenue accessoirement pour fournir 21 milliards d'euros d'appui à l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS) pour gérer sa trésorerie.
Les organismes de logement social, autres partenaires traditionnels de la BDT, se voient proposer des mesures d'urgence qui vont du report d'échéances au rééchelonnement de la dette ainsi qu'une mise à disposition anticipée des prêts, comme l'assouplissement conjoncturel dans l'instruction de ces derniers, notamment sur les délais de transmission des garanties des collectivités locales pour tenir compte du fonctionnement actuel des instances délibératives de ces collectivités. À cette fin, ont été dégagés 2 milliards d'euros (chiffres nationaux).
Pour les sociétés d'économie mixte (SEM), on a mis en place des dispositifs d'appui particuliers y compris de conseil. On intervient aussi, et j'y reviendrai après sur les questions concernant les mesures en faveur du tourisme. Nous avons abondé le premier fonds mis en oeuvre par la BPI qui est un partenaire très important, à hauteur de 50 millions d'euros. De même pour l'économie sociale et solidaire qui a bénéficié d'un abondement, nous allons mettre en place de manière très opérationnelle des fonds d'urgence pour les entreprises en complément des dispositifs de l'État et de la BPI. Pour les outre-mer, ils sont en cours de discussion et d'élaboration. Naturellement, CDC Habitat prend l'engagement d'accélérer la production de 40 000 logements sociaux fléchés sur les outre-mer.
Les structures dans lesquelles la BDT est actionnaire, notamment les sociétés privées sont soutenues et l'actionnaire tient son rôle, assume ses responsabilités en recapitalisant ou accordant des comptes courants lorsque c'est nécessaire, ainsi que l'illustre l'intervention en cours pour une entreprise emblématique telle qu'Air Austral. La Caisse des dépôts accepte de remettre 20 millions d'euros en capital en appui avec la région qui offre 10 millions d'euros (de manière symétrique selon son poids dans le partenariat) afin d'aider le plan de restructuration d'Air Austral pour assurer la continuité territoriale au côté de la BPI, du monde bancaire et donc de l'actionnaire public.
De la même façon, pour l'Aéroport de Tahiti, nous avons tenu un conseil d'administration d'urgence et pris un certain nombre de mesures pour que cette structure du tourisme et de l'aérien qui ne peut pas fonctionner normalement puisse être soutenu par son actionnaire Banque des territoires.
Ainsi, des mesures d'urgence de report d'échéances de prêts et d'aménagements de dettes ont été prises en faveur des professions juridiques, des bailleurs sociaux et dans une moindre mesure du secteur hospitalier et des collectivités, plus généralement du secteur public local. Notre analyse se fait naturellement au cas par cas afin d'adapter les besoins. L'idée principale est que nous faisons confiance tout en essayant d'éviter les effets d'opportunité.
Une analyse sur l'impact de la crise sur les outre-mer a été réalisée. En effet, la Banque des territoires a pris l'initiative de mettre en place un groupe de travail hebdomadaire réunissant, sous l'égide du ministère des outre-mer, l'administration (DGOM, direction du Trésor) et les institutions financières publiques (BDT, BPI, AFD et IEOM/IEDOM). Le regard de ces différents acteurs est naturellement bienveillant et part d'un constat simple : les outre-mer sont des territoires ayant des fragilités liées à l'insularité, l'éloignement et l'enclavement.
Le premier constat, bien posé par le sénateur Georges Patient, concerne l'impact très fort de la crise sanitaire sur les collectivités ultramarines qui de par la nature de leurs recettes fiscales c'est-à-dire indirectes et liées au flux (droits de douanes, octroi de mer interne et externe, impôts sur la consommation, taxes sur les carburants...) vont être confrontées à un effet de ciseau bien plus marqué qu'en métropole. Les recettes fiscales sont en attrition alors que la situation demande un besoin supplémentaire d'interventions pour lutter contre la précarité sociale et prendre les mesures sanitaires.
Notre deuxième analyse concerne le secteur du tourisme et des transports aériens. En effet, ce qui est espéré en métropole, à savoir une reprise de l'activité touristique assez rapide et la compensation par une clientèle nationale de la perte des touristes internationaux, ne pourra se produire en outre-mer.
La fermeture prolongée des lignes aériennes - et une reprise qui s'annonce très progressive intégrant une fragilisation par ailleurs de plusieurs acteurs du secteur aérien -, les mesures de « distanciation » sur les vols comme certainement la réticence des voyageurs de prendre l'avion mais également les pertes de pouvoir d'achat d'une partie de la population « cible » des destinations insulaires, vont fragiliser les destinations lointaines notamment si se posent les questions d'aéroports de transits comme dans le Pacifique par exemple. L'impact pour des territoires où la clientèle affinitaire est moindre pour soutenir la rentabilité de lignes aériennes comme certaines îles des Antilles ou la Polynésie sera majeur. Il faudra trouver un ensemble d'outils et mobiliser tous les acteurs (État, collectivités, professionnels, institutions bancaires et financières comme la BDT et la BPI) pour « reconstruire » une offre de tourisme, en outre certainement plus « durable ».
Troisième élément, nous avons l'impression très forte d'une double peine. Nous avons des territoires fragilisés dans lesquels il y a déjà de la précarité sociale et avec cette crise, il y aura un renforcement des inégalités. Cela nécessite des réflexions de l'ensemble des parties prenantes pour éviter une dégradation substantielle.
En résumé, des collectivités fragilisées, un secteur du tourisme qui est majeur mais fortement déstabilisé, et des sociétés déjà fragiles qui vont avoir encore plus de précarité.
M. Michel Magras, président. - Je vous remercie Monsieur le directeur pour votre analyse. Je vous propose de donner la parole aux deux autres rapporteures, Mmes Viviane Artigalas et Nassimah Dindar.
Je dirai juste un mot sur ce que vous venez de présenter. Il est prévu dans la suite de nos travaux une deuxième phase avec des réunions thématiques. Nous aurons une table ronde concernant les compagnies aériennes et nous en organiserons une autre sur le bâtiment et le logement social qui nous permettra de mettre en avant certaines difficultés de gestion de la mission outre-mer, notamment la ligne budgétaire unique (LBU) et examiner dans quelle mesure CDC Habitat est capable de rattraper le retard pris en 2020.
Mme Viviane Artigalas, rapporteure. - Je vous remercie Monsieur le président. Monsieur le directeur, je souhaite vous poser des questions à propos du redémarrage des économies ultramarines. Quels sont les secteurs à soutenir prioritairement selon la Banque des territoires ? J'insisterai aussi sur les volets transports et tourisme car je copilote une cellule de veille « tourisme » de la commission des affaires économiques du Sénat. J'avais interrogé le secrétaire d'État Jean-Baptiste Lemoine pour les outre-mer mais ce dernier ne m'a pas vraiment donné de réponses, en particulier sur le secteur aérien mais aussi sur la quatorzaine imposée à toutes les personnes qui arrivent sur les territoires ultramarins.
Ensuite, comment voyez-vous le calendrier de la reprise ? Il sera forcément différent selon les secteurs mais est-ce que cela prendra plusieurs semaines, mois voire plusieurs années ?
L'économie informelle est importante dans certains territoires d'outre-mer. À Mayotte, les entreprises informelles représentent ainsi les deux tiers des entreprises selon l'Insee. Ces entreprises sont, de fait, exclues des dispositifs d'aide du fonds de solidarité et du prêt garanti par l'État. La Banque des territoires dispose-t-elle d'outils à leur destination ?
La Banque des territoires s'implique beaucoup dans l'accompagnement des entreprises de l'économie sociale et solidaire (ESS). Quelles aides spécifiques de la Banque des territoires prévoyez-vous en outre-mer pour ces entreprises particulièrement fragiles ? Sont-elles appelées à perdurer ?
En tant que directeur régional Pacifique, quelles spécificités constatez-vous au regard notamment des caractéristiques statutaires des collectivités concernées ?
Mme Nassimah Dindar, rapporteure. - Le président de notre délégation, Michel Magras, a évoqué nombre des questions que nous nous posons.
J'ai bien entendu que la Banque des territoires a également comme métier celui de conseil. Pour que nous arrivions à une économie résiliente assez rapidement dans les territoires ultramarins, je souhaiterais savoir si vous êtes favorable à des plans spécifiques par secteur ? Je pense notamment au BTP ou encore au logement social. Je connais l'implication de la Banque des territoires mais comment voyez-vous la reprise de ces secteurs, votre contribution et le travail en commun avec les autres partenaires ? Pour le logement par exemple, avec « Action logement » nous savons qu'il y a un plan de 1,5 milliard d'euros. Pourrait-il y avoir, après le Covid-19, une action croisée entre la Banque des territoires et la Caisse des dépôts ?
De la même manière sur le plan touristique, vous participez à la restructuration d'Air Austral avec 20 millions d'euros et cette aide est indéniablement nécessaire. Pour compléter la question sur le tourisme post Covid-19, y a-t-il des échanges entre la Banque des territoires, la Caisse des dépôts et les autres partenaires qui travaillent sur un Plan tourisme ?
Sur la mobilisation des fonds européens, est-ce qu'il y a une volonté de renforcer les stratégies de développement régional, en particulier dans le bassin de l'océan Indien.
M. Hervé Tonnaire. - Concernant la question du calendrier de la reprise, il y a forcément un enjeu structurant lié à la commande publique des collectivités. Nous intervenons spécifiquement, sur la section investissements, pour les prêts de long terme.
La commande publique est un moteur essentiel des économies ultramarines et doit être soutenue, par financement direct ou encore via CDC Habitat, et la faible taille de ces territoires comme le caractère « captif » de leur marché rend crédible et efficace une relance de type keynésienne avec un effet positif direct et rapide sur le BTP.
Sur les prêts de long terme, la Caisse des dépôts a fait des propositions comme celle d'abaisser fortement sa marge car cela redonnerait de la souplesse à des sections d'investissements et de fonctionnement, et concernant les intérêts financiers des collectivités. Nous avons également proposé d'élargir fortement nos modes d'intervention dans le secteur du tourisme et son financement par les collectivités. Des arbitrages sont en cours à la direction générale du Trésor (DGT).
Le secteur du tourisme fera l'objet d'un comité interministériel le 14 mai prochain. La Caisse des dépôts et la BPI vont être mobilisées, de manière très solidaire, et réfléchissent actuellement à des solutions. Nous sommes sollicités par les conseils régionaux pour participer à des groupes de travail avec les acteurs du tourisme. Je pense qu'il faut que s'organisent des réunions dans chaque territoire au côté de la collectivité disposant de la compétence tourisme.
Avec la BPI, nous avons une relation concertée pour chaque territoire afin d'apporter des réponses conjointes sur le fonctionnement (BPI) et l'investissement (Caisse des dépôts) dans le cadre d'une stratégie portée par les collectivités disposant de la compétence tourisme (conseil régional, collectivité unique, département, éventuellement communes et EPCI).
Notre volonté est bien de réfléchir à des solutions de portage, public et/ou privé, pour consolider ce secteur avec un regard tant sur les petites structures que, éventuellement, sur la mise en place de « champions » régionaux. Il ne s'agit pas de n'aider que les plus forts, il faut soutenir aussi la petite exploitation familiale de tourisme.
Les directeurs régionaux auront toutes les informations le 12 mai, avant la réunion du 14 mai. La Banque des territoires souhaite décliner avec les collectivités et l'État en concertation avec les professionnels du tourisme, les plans qui pourraient être mis en place pour les court, moyen et long termes.
En outre, la Banque des territoires essaie dans le cadre de ses interventions à accompagner les secteurs associatif et de l'économie sociale et solidaire (ESS) en appui et en complément du rôle des autres acteurs (État, collectivités, BPI et AFD).
D'ores et déjà, la question de l'économie informelle est fondamentale à Mayotte. Nous souhaitons nous impliquer davantage dans ce territoire. Dans les prochains jours seront mis en place des fonds « résistance-Covid » qui visent les TPE et les structures du secteur de l'ESS, non éligibles aux dispositifs État et BPI. Ces fonds permettent d'apporter de la trésorerie sous forme d'avances remboursables à taux zéro et sont créés aux côtés des collectivités (région, département, collectivité unique ou gouvernement dans le Pacifique). La Réunion, la Nouvelle-Calédonie, Mayotte, la Polynésie mais aussi la Guadeloupe et Saint-Martin devraient voir de tels dispositifs se mettre en place.
Ainsi qu'il vient d'être exposé, la Banque des territoires propose des fonds spécifiques d'appui aux structures de l'économie sociale et solidaire. Par dérogation et dans une logique d'appui très claire et volontariste aux territoires d'outre-mer identifiés, il a été retenu une disposition très favorable d'abondement de 5 euros par habitant par fonds pour tout territoire ultramarin, contre un montant maximal de 2 euros en métropole. Les arbitrages internes sont en cours de finalisation car nous n'avons pas besoin de l'autorisation de la DGT dans ce cadre.
Concernant le logement social, évoqué par Madame la sénatrice Nassimah Dindar, il s'agit d'un sujet majeur pour la relance. Nous avons avec Action Logement un plan ambitieux. Il faut que les dispositifs soient complémentaires et permettent un effet de levier. Nous savons très bien que dans certains endroits, il faut faire du « cousu-main ». Nous sommes sur des opérations très complexes avec un coût difficilement modélisable qui requiert de l'ingénierie financière. L'action de la Caisse des dépôts avec celle des acteurs du logement social devrait avoir un double effet positif, à la fois quantitatif et qualitatif
Sur le tourisme et l'aérien, il devrait y avoir un dispositif national, renforcé par la BPI, très formaté. Dans ce cadre, la Banque des territoires fera, territoire par territoire, une analyse pour mettre en place des outils en mobilisant toute son ingénierie. La relance dans le Pacifique notamment s'annonce longue et délicate.
Je reste à votre disposition Monsieur le Président ainsi que Mesdames et Messieurs les sénateurs pour d'éventuelles précisions.
M. Michel Magras, président. - Je vous remercie, Monsieur le directeur, pour vos propositions concrètes pour aider et accompagner nos territoires.
M. Philippe Blanchot, directeur des relations institutionnelles du groupe Caisse des dépôts (CDC). - Si vous me permettez j'ajouterai un mot, Monsieur le Président, pour compléter l'intervention d'Hervé Tonnaire. De manière générale, les prêts de la Caisse des dépôts sont des prêts réglementés. Les prêts de la Caisse des dépôts aux collectivités et au secteur public local qui sont considérés comme onéreux, ses taux variables sont indexés sur le taux de livret A. En revanche, les marges retenues sont décidées par le ministère des finances. Or nous sommes prêts à prêter davantage aux collectivités et moins cher, mais cela nécessite l'autorisation de Bercy.
Aujourd'hui, l'État décide en matière de macro-épargne. La surépargne issue de la crise et de la non-consommation des mois de mars et d'avril, cet argent nous souhaiterions le reprêter pour financer des prêts territoriaux. Pour ce faire, nous espérons un soutien de votre part afin que le coût des crédits soit moins cher pour les collectivités ultramarines.
M. Michel Magras, président. - L'appel a été entendu. Qui souhaite encore intervenir ?
M. Maurice Antiste. - Est-ce que dans vos réflexions vous avez pensé aux dégâts de la crise sur les budgets des collectivités comme les pertes de recettes au titre de l'octroi de mer, ce qui va miner complètement les budgets des communes.
M. Hervé Tonnaire. - C'est exactement ce que l'on évoquait à l'instant et de la nécessité du soutien du Parlement. La Caisse des dépôts partage complètement cette analyse. J'ai travaillé pour la collectivité de Guyane. Depuis le début de la crise, j'ai annoncé que l'on aurait un effet systémique sur les collectivités parce qu'avec le poids de l'octroi de mer interne et externe, les droits de douane en zone Pacifique, les taxes sur les carburants, la situation sera dramatique pour les collectivités, pour les communes, les EPCI et les collectivités régionales.
Très clairement, pour notre part, on sait que l'on peut apporter une aide. La BDT a proposé de mobiliser les fonds très puissants du Livret A qui se chiffrent en dizaine de milliards d'euros pour permettre de refinancer ces collectivités sur le long terme et de manière sécurisée. La capacité de mobiliser sur du temps long peut permettre la commande publique, de refinancer ce qui sera redéployé de la section d'investissement vers des interventions économiques.
On est prêt aussi à préfinancer notamment le fonds de compensation pour la TVA (FCTVA), l'avance de trésorerie des collectivités pour redonner cette souplesse.
Pour l'aide aux collectivités, les conditions de prêt relèvent de la Direction générale du Trésor. On se bat actuellement - et on espère que vous nous aiderez - pour obtenir de meilleures conditions de financement des collectivités en raison du très fort intérêt général.
Mais on aide aussi directement les collectivités sans avoir besoin d'autorisation. J'ai approché chacune des structures qui relèvent de ma direction, en tant que directeur des outre-mer, et mes collègues ont la même mission. Nos fonds interviennent en capital pour soutenir des sociétés d'économie mixtes. Le sénateur Artano a pris l'exemple de Saint-Pierre-et-Miquelon. Pour la SEM Archipel développement, une recapitalisation est envisagée à hauteur de 700 000 à 900 000 euros du côté de la Banque des territoires, alors que les autres banques n'ont pas forcément l'envie d'y aller. Il existe également un projet pour la Chambre interconsulaire de Saint-Pierre-et-Miquelon et pour aider Wallis-et-Futuna. Tout cela pour dire que l'on est susceptible d'aider tous les territoires qui mettent en place un dispositif de portage d'entreprises.
Concernant le tourisme, on intervient en capital, en appui mais sur du long terme ce qui n'est pas de la « prédation ». Je voudrais vous livrer quelques pistes de réflexion issues d'un échange avec les collectivités que ce soit en métropole ou en outre-mer.
Ne faudrait-il pas prévoir des structures de portage pour les exploitants qui pourraient être fragilisés. La BDT porterait les murs, les exploitants conserveraient leurs exploitations, de manière à leur redonner des liquidités, avec des dispositifs de sortie lorsque les choses se passent bien. Ils pourraient alors récupérer la propriété des murs par une forme d'usufruit. On est prêt à faire preuve de beaucoup de souplesse sur la base de texte existant, avec des collectivités compétentes et les acteurs économiques du territoire. La BDT prendrait un risque capitalistique auprès des acteurs des territoires et l'argent des collectivités ne serait pas mobilisé. Avec un effet de levier sur le « modèle français de la CDC », on pourrait mobiliser à titre privé des capitaux qui sont d'intérêt général, mais pas du tout dans une démarche de rentabilité comme celle des fonds de capitalisation américains.
On est prêt à prendre le risque d'une rentabilité moindre pour préserver l'emploi et permettre la relance. Et le jour où on n'a plus besoin de nous, la BDT se retire dans des conditions qui n'assèchent pas la reprise ou les repreneurs.
Il faudra porter des actifs qui seront compliqués mais on est vraiment ouvert sur chaque territoire à un dialogue local naturellement appuyé sur la réflexion nationale. La vocation de la Banque des territoires est d'être en appui des territoires et à l'écoute des collectivités et des acteurs du territoire. C'est ce qu'on nous demande d'être en général, c'est notre légitimité. La BDT n'est pas une banque classique. Avec de meilleurs financements sur du temps long ou du préfinancement sur des dispositifs comme la FCTVA aux collectivités, on pourrait mobiliser nos fonds propres pour les outre-mer : sur le tourisme, les énergies renouvelables, la transition écologique et les performances énergétiques et naturellement l'économie sociale et solidaire en complémentarité avec la Banque publique d'investissement. Il y a une complémentarité entre nous et la BPI, l'AFD, l'IEDOM et l'IEOM en zone Pacifique.
M. Michel Magras, président. - Nous avons bien entendu votre ouverture en faveur de l'appui et l'écoute des territoires. Les parlementaires sont mobilisés et ces questions seront évoquées devant la ministre la semaine prochaine.
Nous avons fait un tour d'horizon très important.
Je vous en remercie et nous pourrons transmettre le message auprès des collectivités. J'ai bien noté votre volonté de vous impliquer de manière complémentaire pour laisser aux collectivités le choix des gérer les questions qui sont les leurs. Nous aurons certainement l'occasion de solliciter la branche CDC Habitat pour des démarches plus concrètes.
Mme Victoire Jasmin. - J'ai trouvé votre intervention passionnante et vous avez répondu à nos questions. Je vous en remercie.
M. Hervé Tonnaire. - Nous sommes à votre disposition. Nous sommes à l'écoute de tous les dossiers des territoires et avons une très forte mobilisation avec un regard très bienveillant.
M. Michel Magras, président. - En tant que parlementaire, nous sommes bien conscients du rôle de la CDC dans nos territoires et nous vous en remercions.
Jeudi 7 mai 2020
- Présidence de M. Michel Magras, président -
Étude sur l'urgence économique outre-mer à la suite de la crise du Covid-19 - Audition de Dominique Caignart, directeur des réseaux Île-de-France et outre-mer, Bpifrance
M. Michel Magras, président. - Après M. Hervé Tonnaire, directeur des outre-mer de la Banque des territoires du groupe Caisse des dépôts et consignations (CDC), nous poursuivons par une nouvelle audition dans le cadre de notre étude sur l'urgence économique en outre-mer.
Nous accueillons M. Dominique Caignart, directeur des réseaux Ile-de-France et outre-mer de Bpifrance, la Banque publique d'investissement, qui est étroitement associée au Plan de soutien aux entreprises du Gouvernement, en particulier à travers le Prêt garanti par l'État (PGE).
Nous vous remercions, Monsieur le directeur, d'avoir accepté cette audition afin de pouvoir répondre à nos préoccupations qui sont vives face à l'impact de la crise sanitaire sur des économies ultramarines déjà très fragilisées et à nos interrogations sur les possibilités de reprise rapide.
Comme à l'accoutumée, vous avez été destinataire de la trame préparée par nos rapporteurs - Stéphane Artano (RDSE, Saint-Pierre-et-Miquelon), Viviane Artigalas (Socialiste et républicain - Hautes-Pyrénées) et Nassimah Dindar (Union centriste - La Réunion) - auxquels je laisserai le soin de présenter leurs questions après mon propos introductif.
Je crois utile que nos collègues puissent resituer Bpifrance dans l'ensemble du réseau des grandes institutions financières publiques et que vous nous fassiez part des remontées de terrain concernant les mesures d'urgence mises en place par le Gouvernement, car de leur réussite dépend beaucoup le redémarrage de nos petites - et même très petites - entreprises qui constituent l'essentiel du tissu économique de nos outre-mer.
En outre, compte tenu de la dégradation des finances publiques locales, nous sommes aussi très inquiets, et notre collègue George Patient l'a souligné à juste titre, de la capacité de nos collectivités à accompagner la reprise. Nous sommes très attentifs aux actions que peuvent entreprendre les banques publiques pour les aider.
Nous avons beaucoup de questions à vous poser et je cède donc la parole sans plus tarder à Stéphane Artano.
M. Stéphane Artano, rapporteur. - Bonjour à tous. J'ai quatre questions à vous poser. Pouvez-vous nous présenter l'ensemble des mesures exceptionnelles de soutien aux entreprises auxquelles Bpifrance est associée et la place de celle-ci par rapport aux grandes institutions financières publiques ?
La garantie de Bpifrance sur le PGE est limitée à 90 %, ce qui a alimenté de nombreux débats et lèse de nombreuses entreprises ultramarines, compte tenu de la frilosité des banques locales. Le premier bilan du PGE dont vous disposez confirme-t-il cette difficulté ? Quelles solutions Bpifrance pourrait-elle imaginer pour surmonter cet obstacle ?
Dans la zone Pacifique, certaines spécificités ne freinent-elles pas l'application de ces dispositifs ?
Enfin, Bpifrance est associée aux dispositifs régionaux de soutien mis en place par les collectivités ultramarines. Pouvez-vous dresser un panorama et un premier bilan par collectivité de ces différents dispositifs ?
Mme Viviane Artigalas, rapporteure. - Mes questions portent sur le redémarrage de l'économie ultramarine et sur votre vision de l'avenir pour les outre-mer.
Au-delà des aides de trésorerie, Bpifrance peut-elle contribuer au redémarrage économique des territoires ultramarins en prenant en compte les pertes d'exploitation liées à la mise à l'arrêt des économies locales ?
Vous proposez des prêts à taux 0 aux TPE et PME, pour une durée de sept ans. Ne faut-il pas craindre un excédent d'endettement des entreprises ultramarines, déjà très fragilisées ? Ces entreprises pourront-elles décaler leurs échéances de remboursement beaucoup plus massivement qu'elles ne l'ont déjà fait ?
Quelle appréciation portez-vous sur le pilotage des mesures de relance économique dans les territoires ultramarins ? Ces dispositifs sont-ils suffisamment déconcentrés et décentralisés ?
Quels sont les secteurs prioritaires (transport, commerce, tourisme, numérique) à soutenir pour le redémarrage des économies locales ? Comment envisagez-vous le calendrier de la reprise ? Êtes-vous favorable à des plans spécifiques par secteur ou par collectivité pour les outre-mer ?
Bpifrance a-t-elle prévu des actions de développement pour le secteur de la santé, notamment pour les infrastructures, les laboratoires de recherche ou la production de matériels médicaux ?
Quels moyens financiers devraient être mobilisés pour renforcer l'autonomie alimentaire des territoires ultramarins et sécuriser les filières d'approvisionnement, comme l'agriculture et la pêche ?
Bpifrance peut-elle mobiliser des financements européens et promouvoir des stratégies de développement à l'échelle régionale ?
M. Dominique Caignart, directeur des réseaux Île-de-France et outre-mer de Bpifrance. - C'est un privilège d'être devant vous aujourd'hui et de vous parler de notre action, après l'audition de Nicolas Dufourcq, directeur général de Bpifrance, hier par le Sénat.
Bpifrance est contrôlée à 50 % par l'État et à 50 % par la Banque des territoires. Nos missions sont d'autant plus prégnantes dans les moments difficiles que nous traversons depuis trois mois.
Dans l'opération PGE, nous intervenons principalement en raison de notre savoir-faire en matière de garantie pour le compte de l'État. Bpifrance se contente avec ce dispositif de gérer la garantie pour le compte de l'État.
Il s'agit d'un dispositif très important, dont je m'entretiens chaque jour avec mes différents interlocuteurs. Nous n'aurions jamais imaginé devoir mettre en oeuvre un tel projet et personne ne savait il y a trois mois ce qu'était le PGE. Ce dernier est né il y a six semaines et, depuis lors, 60 milliards d'euros de crédits ont été consentis à 370 000 entreprises. En six semaines, la profession bancaire s'est mobilisée et, grâce à un outil performant dès le départ, nous avons pu adresser ces 60 milliards d'euros de financement aux entreprises ayant disposé d'un préaccord de leurs banques.
La notoriété de Bpifrance a été complétée par une action de communication immédiate, à un moment crucial. Il fallait en effet expliquer aux entreprises que la situation qui était imposée l'était dans des conditions financières supportables. Nous avons mis en place un numéro vert, sollicité des dizaines de milliers de fois dès les premiers jours, alors que l'État n'était pas encore en mesure de répondre aux 70 000 entreprises qui venaient chercher des informations. Nous avons donc mis en place un processus de communication vertueux, avec des messages très rassurants, ayant permis d'éviter une panique bancaire et entrepreneuriale.
Les tout premiers jours de cette opération, nous savions que le PGE ne serait pas opérationnel immédiatement. Il fallait en effet tout d'abord que les banques acceptent ce produit imposé par l'État et fédèrent leurs équipes. Nous avions quant à nous été associés en amont par l'État et avons d'emblée mené trois actions majeures.
Nous avons tout d'abord relancé les fonds de garantie que Bpifrance avait utilisés lors de la crise de 2008-2009. Le premier jour de la crise, dès le mois de mars, les banquiers disposaient donc d'une solution de garantie de l'État, pour les affaires les plus urgentes. Nous avons relancé des fonds de garantie, de façon éphémère. Il s'agissait de garantir les prêts à moyen terme, ainsi que les autorisations à court terme que les banques confirmaient à leurs entreprises clientes. Le PGE a relayé ce fonds de garantie, que nous avons arrêté.
L'État nous avait en outre demandé de créer un équivalent Bpifrance du PGE. Nous avons donc créé le prêt Atout, qui cible les mêmes entreprises que le PGE. Ce prêt a été monté uniquement sur trésorerie Bpifrance. Il diffère du PGE, car il est confirmé immédiatement sur cinq ans, alors que le PGE est un crédit sur un an, qu'il est possible de reporter sur six ans. Nous avons obtenu une enveloppe de 3 milliards d'euros pour ce prêt, que nous avons distribuée et décaissée en près de 4 semaines, avec une très belle performance dans les outre-mer.
Après que nous ayons épuisé notre prêt Atout, l'État nous a invités à nous inscrire dans le dispositif du PGE, au même titre que les autres entreprises. Le fonds prévu pour le PGE est de 300 milliards d'euros, mais ce plafond ne devrait pas, à mon avis, être atteint. Nous communiquons avec l'ensemble des réseaux bancaires et nous constatons que les dossiers qui devaient être traités dans l'urgence l'ont déjà été. Certains pourraient de nouveau devoir être instruits, mais nous n'atteindrons probablement pas 300 milliards d'euros. Dorénavant, Bpifrance a l'autorisation de continuer à aider ses clients avec sa gamme classique, ainsi qu'avec le PGE bancaire, au même titre que les autres banques.
Bpifrance propose plusieurs produits complémentaires à l'offre des réseaux bancaires, mais nous ne pesons que 3 % ou 4 % des encours bancaires au niveau national. Nous devons donc être présents là où nous sommes attendus, par exemple pour les phases de risque, comme l'innovation, l'international, etc.
Nous avons également proposé aux régions de monter un prêt qui s'adressera en priorité aux petites entreprises, le prêt Rebond, que nous avions créé en Île-de-France il y a trois ou quatre ans. Nous l'avons dupliqué dans toutes les collectivités. À La Réunion, 6 ou 7 millions d'euros de prêts Rebond ont déjà été accordés et nous sommes en voie de finalisation des conventions avec les quatre collectivités aux Antilles et en Guyane, Saint-Martin compris. Ce prêt Rebond complètera le dispositif PGE et ne comportera pas de clause de rendez-vous au bout d'un an, qui peut parfois inquiéter les entreprises. Le PGE est en effet accordé sur un an presque gratuitement. L'entreprise ne versera à la fin de la première année que le coût d'accès à la garantie de l'État, qui est dérisoire (0,25 % à l'année). Au bout d'un an, une clause de rendez-vous est prévue avec le banquier, qui peut demander le remboursement ou étaler le crédit sur cinq ans. Les taux peuvent alors augmenter, ce qui peut gêner certaines entreprises. Néanmoins, les taux ne devraient pas flamber, après 15 jours de panique constatés sur les marchés.
Nous avons, quant à nous, souhaité créer un prêt pour les petites entreprises, le prêt Rebond, portant sur un montant de 10 000 à 300 000 euros, sans garantie, à taux 0, comme les collectivités l'ont souhaité. Il s'agit ainsi du produit qui était attendu par les TPE et les PME.
Ces prêts sont complètement digitaux. Nous avons travaillé sur ces sujets avec les entreprises des fintechs (technologies financières) les plus évoluées actuellement. Aujourd'hui, deux collectivités - Auvergne-Rhône-Alpes (AURA) et Île-de-France - sont en test pour un parcours client complètement digitalisé concernant les offres inférieures à 50 000 euros. Le client ne rencontre personne et obtient un chèque de 50 000 euros en moins de deux heures. Ce processus qui a commencé voici huit jours en région AURA et ce mardi en Île-de-France, sera étendu aux outre-mer.
L'année dernière, à la demande de la ministre, nous avions déjà amélioré nos produits de financement des créances publiques, en anticipant des dérapages dans les délais de paiement. Nous constatons d'ailleurs des dérapages supplémentaires. Contrairement aux banques, Bpifrance ne demande pas à l'entreprise le remboursement de la facture qu'elle a payée pour le compte de la collectivité. Nous portons ainsi des créances sur six, neuf mois, voire plus d'un an pour certaines collectivités. Nous avons donc fourni un effort particulier sur les « produits ultramarins ».
Outre ces produits spécifiques, nous continuons de proposer nos autres produits, notamment ceux qui ont été conçus l'année dernière avec nos ministères de tutelle. Nous avons donc créé des produits que nous sommes en train de distribuer. Ces produits fonctionnaient bien depuis leur lancement, mais ce succès a été quelque peu enrayé du fait de la crise du Covid-19. Malgré tout, le flux d'affaires se poursuit, notamment le prêt de Développement outre-mer. Les subventions d'investissement de la stratégie 5.0 ont également été lancées depuis le début de l'année. Les subventions innovation outre-mer complètent la gamme nationale, alors qu'auparavant, les critères nationaux ne permettaient pas de soutenir l'innovation ultramarine. Nous sommes donc en train de distribuer ces produits et le flux d'activités se poursuit.
Enfin, je vous remercie pour avoir collégialement appuyé la démarche d'autonomie de Bpifrance l'année dernière, suite aux Assises des outre-mer. Nous nous sommes éloignés de l'AFD l'année dernière et avons créé un réseau Bpifrance, avec des directions territoriales, des chargés d'affaires, des implantations de Bpifrance. En 18 mois, l'AFD a rapatrié les 30 collaborateurs qu'elle mettait à notre disposition. En parallèle, nous avons embauché 16 collaborateurs outre-mer, qui ont été appuyés par des équipes franciliennes, pour aller plus vite dans l'étude des dossiers. Nous avons positionné des chargés d'affaires Bpifrance dans tous les territoires ultramarins, y compris en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie.
En ce moment, je participe chaque jour à des téléconférences, à l'initiative de mes différentes tutelles, avec les banquiers et les autres établissements de la sphère publique. Sous le pilotage des ministères de l'outre-mer et de l'économie nous n'avons d'ailleurs jamais aussi bien communiqué entre les « structures publiques » qu'en cette période de crise. Les équipes ministérielles, de la Banque des Territoires, de l'AFD, de l'IEOM/IEDOM et de Bpifrance communiquent avec une grande fluidité et une grande rapidité. Chaque semaine, nous coordonnons nos actions, définissons les priorités et nous apprenons tous à bien nous connaître. Cette période est donc très constructive de ce point de vue, notamment en vue de la phase de rebond, sur laquelle nous travaillons de façon très intense avec la Banque des territoires.
Hier, nous avons tenu deux conférences importantes avec les banques antillaises et réunionnaises concernant le PGE. Contrairement aux idées reçues, d'après les chiffres publiés par le ministère de l'économie et des finances (Minefi) au 24 avril, le déploiement des PGE dans les DROM est tout à fait satisfaisant. Le PNB des DROM pèse 1,9 % du PNB national. Or, les PGE accordés aux entreprises des DROM représentent 2 % du montant national en euros, ce qui est légèrement supérieur au poids de ces entreprises dans le PNB. 1,7 % des entreprises françaises concernées par ces prêts sont originaires des DROM. Nous pourrons revenir sur ce sujet si vous le souhaitez. Au 5 mai, d'après nos bases d'information, ces chiffres sont en légère baisse. Nous restons très vigilants quant à cette notion d'adéquation par rapport à la dynamique nationale. De grands groupes, comme la FNAC, commencent à souscrire des PGE, ce qui fait augmenter les chiffres nationaux. Les PGE les plus importants d'outre-mer concernent pour l'heure les compagnies aériennes, sans atteindre les 500 millions d'euros demandés par le groupe FNAC. De plus, certains groupes d'outre-mer sont plus discrets et ont peut-être moins besoin de PGE que d'autres groupes métropolitains. Il reste que nous n'observons pour l'heure aucun décalage statistique entre les PGE accordés par les banques ultramarines aux entreprises ultramarines et la situation nationale.
En ce qui concerne les prêts Atout, Bpifrance disposait d'une enveloppe de 3 milliards d'euros, dont 80 millions d'euros réservés aux entreprises ultramarines (soit 3 % de l'enveloppe nationale). Plus de 70 millions d'euros de prêts Atout ont été décaissés et 10 millions d'euros devraient l'être sous peu. Nous avons donc pu décaisser notre dotation cinq semaines après le lancement du produit. Nous avons notamment permis à Air Austral de passer une échéance très compliquée, car ce groupe n'avait pas le temps de monter un dossier complet et avait besoin de 20 millions d'euros. Deux banquiers lui ont prêté 10 millions d'euros et Bpifrance a proposé un prêt Atout de 10 millions d'euros. Un autre dossier est en cours avec le Comité interministériel de restructuration industrielle (CIRI) pour ce groupe, pour un montant bien plus significatif, car les besoins des compagnies aériennes desservant l'outre-mer sont très importants. Il s'agit ainsi de l'un de nos chantiers très importants pour les semaines à venir.
Les prêts de Développement outre-mer (l'un des plus beaux produits que j'ai vendus pendant toute ma carrière) continuent leur vie et sont toujours en croissance. La ministre des outre-mer voulait mettre en place un prêt complétant les prêts bancaires en outre-mer, où nous avons tiré les taux du marché à la baisse, en raison de nos barèmes nationaux, tandis que les autres banques ont des pratiques différentes sur ces territoires. La ministre considérant cependant toujours que les entreprises ultramarines payaient leur crédit trop cher, nous avons proposé un crédit bon marché, pour que les entreprises ultramarines bénéficient des mêmes taux que celles de la métropole. Ce prêt revient ainsi à 0,07 centime, contre 2 ou 2,5 avec les banques. Avec ce produit, les entreprises ultramarines peuvent se financer au même taux que leurs homologues de l'hexagone. Ce prêt de Développement outre-mer met donc les entreprises ultramarines au niveau des taux des entreprises métropolitaines, ce dont je suis très satisfait. Il y a quatre ou cinq ans, lorsque nous nous sommes tournés vers les outre-mer, nous avions constaté que le marché bancaire local était quelque peu figé et nous l'avons donc un peu bousculé.
Dans les COM, nous étions face à deux obstacles majeurs : l'absence d'euro et de numéro d'immatriculation SIREN pour les entreprises. Personne à Bercy n'avait envisagé cette situation dans le cadre du PGE, conçu en euros dans toutes ses chaînes de traitement. La ministre ne nous a cependant pas laissé le choix et a insisté auprès de Nicolas Dufourcq pour que nous trouvions une solution. Forts d'une lettre de mission volontariste de la ministre, nous avons approché la Banque de France, qui disposait d'un moyen dérivé pour attribuer des numéros SIREN à des entreprises. Nous lui avons expliqué qu'elle devait s'attendre à recevoir, sous huit jours, des premières demandes de SIREN qui pourraient se chiffrer jusqu'à 20 000 à 30 000 entreprises des collectivités d'outre-mer COM. La Banque de France a estimé qu'il serait compliqué de satisfaire ces demandes, or nous y sommes collégialement parvenus en dix jours. Les banques de Polynésie et de Nouvelle-Calédonie ont également réalisé un miracle, en créant les chaînes informatiques et les contrats adéquats. Aujourd'hui, elles décaissent donc chaque jour des PGE sur ces territoires, alors que cela paraissait impossible il y a un an. Il s'agit d'une grande satisfaction commune, qui soude les équipes et a fait naître de solides relations entre les acteurs bancaires. Nous avons mis au point un site spécifique, sur lequel l'entreprise polynésienne envoie un mail à la Banque de France lui demandant un SIREN dérogé, avec lequel l'entreprise peut déposer un PGE au même titre qu'une entreprise métropolitaine. Le banquier délivre quant à lui son crédit en francs Pacifique.
En ce qui concerne les dispositifs régionaux, nous avons mis en place le prêt Rebond à La Réunion, où nous pouvons accorder 20 millions d'euros, avec 7 millions d'euros déjà consentis en quinze jours. Face à ce succès, ces fonds devraient être réapprovisionnés. La région Réunion a également redoté un fonds de garantie, pour aller plus loin que les PGE dans certains cas. Sur ces nouveaux produits Covid-19, nous avons encaissé des dotations budgétaires uniquement sur La Réunion, mais des négociations sont en cours pour Mayotte, la Martinique, la Guadeloupe et la Guyane. Nous devrons lancer un prêt Rebond sur ces quatre collectivités dans les jours à venir. Les territoires ultramarins ne seront donc pas lésés, leurs spécificités seront même reconnues. Il y a cinq ans, Bpifrance n'était pas présente en outre-mer, alors qu'elle l'est à présent, avec une gamme de produits améliorée par rapport à l'hexagone, grâce à l'État. Les moyens budgétaires obtenus du ministère ont permis de créer des produits spécifiques à nos territoires et de les distribuer. Tous les produits métropolitains sont également distribués en outre-mer, sans exclusion.
Pour revenir sur la question du positionnement de l'AFD, de la Banque des territoires et de Bpifrance, dans l'esprit des gouvernants et de nos dirigeants, Bpifrance a vocation à se consacrer à l'entreprise, la Banque des territoires aux collectivités et à l'habitat, tandis que l'AFD conserve un positionnement original. Cependant, dans le cadre du Covid-19, la Banque des territoires va probablement proposer quelques aides pour des micro-entreprises et des autoentrepreneurs. Ces offres demeureront néanmoins ponctuelles et la répartition des rôles de nos trois établissements reste très précise.
Madame Nassimah Dindar vous m'avez en outre demandé si nous couvrions les pertes d'exploitation. C'est le cas, car nous intervenons sur les pertes de chiffre d'affaires et de revenus des entreprises. Nous restons néanmoins très vigilants concernant cette notion de pertes, car des entreprises souffrent parfois moins que ce qu'elles prétendent. Il arrive que l'entreprise perde effectivement 25 % de son chiffre d'affaires, sans que cela corresponde effectivement à une perte comptable de 25 %. L'État nous demande donc d'analyser ces éléments. Aujourd'hui, les prêts Rebond, Atout et PGE couvrent les pertes d'exploitation. Un PGE est un crédit, que l'entreprise devra ensuite rembourser. Il ne s'agit donc pas là d'un cadeau. Les entreprises qui ne pourront pas rembourser seront celles qui auront déposé le bilan. Les entrepreneurs souhaiteraient que les assureurs prennent en charge les pertes d'exploitation, ce que ces derniers ne pourront pas faire car en effet ce n'est pas prévu dans les contrats et ferait exploser le modèle économique de l'assurance. Il convient de rester pragmatique. Les assureurs pourront libérer quelques centaines de millions d'euros pour aider les entreprises, mais ils ne pourront pas couvrir des pertes d'exploitation suite à la crise Covid-19. S'ils le faisaient, ils seraient en effet contraints de déposer le bilan.
En ce qui concerne l'impact du prêt Rebond et des autres crédits sur l'endettement et les entreprises, il est majeur et bien entendu nous interpelle sérieusement. Par contre nous n'avons pas dû affronter cette crise dans les pires conditions, car l'année 2019 a été une bonne année, c'est très utile aujourd'hui pour distinguer les entreprises en difficulté récurrente de celles qui ne le sont qu'à cause du Covid-19. Les banques ont également connu une bonne année 2019, ce qui les rend plus « allantes » aujourd'hui. Le contexte n'est donc pas le plus mauvais pour affronter cette crise majeure. Les entreprises françaises s'étaient toutefois endettées, car l'argent n'était pas cher. Dès lors, tout l'endettement supplémentaire complexifie les analyses et risque d'augmenter significativement les ratios sur lesquels les banques s'appuient et cotent les entreprises. Nous nous entretenons régulièrement avec les chefs d'entreprises et certains me livrent des témoignages poignants, en nous expliquant par exemple que les prêts qu'ils souscrivent actuellement ne leur serviront au mieux qu'à survivre. Nous devons donc leur trouver des solutions pour qu'ils remboursent ce crédit à l'État, tout en continuant à les aider à emprunter, pour qu'ils investissent. Cette continuité de l'investissement est en effet une condition de survie pour nos entreprises. Voilà l'enjeu de la relance que nous devrons imaginer avec sans doute de nouveaux produits originaux et alternatifs, de conception nationale dans un premier temps.
En ce qui concerne le pilotage de la relance économique, j'ai pour mission depuis la fin des Assises des outre-mer de créer un réseau Bpifrance, ce qui m'a obligé à nouer des contacts avec les services de Bercy et des territoires des outre-mer. Je découvre une dynamique opérationnelle qui s'amplifie, doublée d'un réel pragmatisme. Ces Assises des outre-mer m'avaient semblé très constructives et cette phase de cohésion se déroule à présent. Dès avant la crise, je me rendais chaque semaine au ministère des outre-mer et à Bercy, pour évoquer les produits, les marchés, etc. Ces sujets font donc l'objet de réflexions constantes, mais, depuis la crise, nous avons franchi un nouveau cap d'efficacité dans notre dynamique partenariale, y compris entre établissements. Je ne suis cependant pas pour autant impliqué dans les relations entre les collectivités et l'État.
Votre question portant sur les secteurs prioritaires est très importante. Nicolas Dufourcq nous demande à ce titre de régulièrement interroger nos clients, comme le fait la Banque de France. Nous estimons qu'un secteur terriblement difficile à redresser sera celui du tourisme, prépondérant en outre-mer. En métropole, nous étudierons comment le déconfinement va libérer le commerce et nous incitera à nouveau à aller au restaurant. Cependant, les métropolitains se réapproprieront leurs territoires et ne songeront sans doute pas à prendre un billet d'avion pour aller à La Réunion ou aux Antilles pour la saison d'été, voire la saison d'hiver. Les craintes sont multiples à ce titre, notamment concernant la pérennité des établissements et des compagnies aériennes. Nous avons fait état aux pouvoirs publics de cette extrême urgence pour le tourisme. La semaine prochaine, l'État, la Banque des territoires et Bpifrance présenteront un plan Tourisme de 3 milliards d'euros, avec de nouveaux produits, des orientations originales, avec la mobilisation de tous les savoir-faire de Bpifrance en matière de tourisme. Il s'agit en l'occurrence d'une partie de notre ADN et d'une part importante de notre activité. Un énorme enjeu se profile sur ces questions. Je ne suis pas certain que le plan Tourisme sera pleinement adapté à la demande qui sera constatée en outre-mer. Je vous rassure cependant : si les produits développés ou budgétisés dans le plan Tourisme ne suffisent pas, nous pourrons actionner d'autres leviers en outre-mer pour aider ce secteur. Le prêt Rebond est par exemple adressable au tourisme, de même que le prêt de Développement outre-mer. Nous allons aussi mettre en place des produits complémentaires dans les mois à venir et je veillerai à ce que l'on réserve un segment budgétaire aux outre-mer. De très importants enjeux pèsent sur ce secteur d'activité.
Au 6 mai, nous avions dépassé 1 milliard d'euros de PGE en outre-mer, uniquement dans les DROM. Sur cette somme, 670 millions d'euros avaient été décaissés, qu'il faut ajouter aux 70 millions d'euros de prêts Atout de la PBI. Or seulement 5 % de ces 670 millions d'euros ont été décaissés pour le secteur du tourisme. Nous ne nous expliquons pas cette situation, mais nous solliciterons les banques à ce propos. Je suppose que de nombreux petits établissements ne sollicitent pas de PGE, car ils estiment qu'ils ne pourront pas les obtenir. À l'inverse, de grands groupes sont en train de faire des demandes d'aide, peut-être dans d'autres régions, hors outre-mer. Il reste que ce poids de 5 % du tourisme dans les demandes de PGE recensées jusqu'à présent semble atypique. Nous resterons donc vigilants sur ce sujet et continuerons de questionner les banquiers sur ce point.
Nous envisageons par ailleurs que le secteur du commerce repartira à la hausse. Le pouvoir d'achat des consommateurs ne devrait en effet pas être complètement entamé et la consommation utile devrait repartir. Or cette consommation est la plus importante en outre-mer.
Le numérique constitue quant à lui l'une de nos cibles et nous poursuivons les prêts à l'innovation. Ce secteur semble toutefois avoir été moins touché que les autres et les programmes de R&D n'ont pas été stoppés par la crise du Covid-19.
Il faudrait faire repartir les secteurs de la construction et du BTP. Il s'agit de l'un des seuls axes de relance de l'outre-mer, le tourisme demandant d'autres moyens. Ces secteurs du bâtiment et du BTP exigent des budgets que ne seront sans doute plus en mesure de fournir les collectivités ni l'État. Les grands chantiers devraient se poursuivre sur quelques mois, voire quelques années, en Guyane. Ils devraient diminuer à La Réunion et, dans les Antilles, l'inquiétude est plus forte.
Je souligne en outre que mes équipes sont présentes en outre-mer depuis moins d'un an. Il faut donc saluer le remarquable travail qu'elles ont accompli dans le cadre de la crise sanitaire que nous traversons.
Avec le tourisme, pour lequel nous allons annoncer un plan, le secteur du BTP est celui qui suscite le plus d'inquiétudes. Dans le domaine du transport, les flux vont redémarrer. Nous sommes actionnaires de la CMA-CGM (Compagnie Maritime d'Affrètement - Compagnie Générale Maritime) et savons que les marchandises vont à nouveau circuler. Nous ne sommes pas trop inquiets de ce point de vue, si tant est que les entreprises passent le cap.
Pour aider le BTP, il serait intéressant de définir des budgets pour l'habitat et les travaux publics, ainsi que des budgets d'entretien pour les collectivités, pour faire travailler les entreprises de second oeuvre et d'entretien, qui constituent elles aussi une des clés du rebond.
Je précise aussi que Bpifrance n'a pas particulièrement de secteurs de prédilection en outre-mer. En innovation, nous nous intéressons à la dynamique du numérique, de la biotechnologie, de la medtech, etc. Nous travaillons avec le secteur de la Biotech en outre-mer, à La Réunion, en Guyane, mais il s'agit souvent de Biotech simple.
Dans le secteur de la santé, nous sommes bien implantés à La Réunion, aux côtés des banques. Nous agrandissons par exemple des cliniques privées et oeuvrons dans le domaine des maisons de retraite, ainsi qu'aux Antilles. Nous ne poursuivons pas de projet de disruption médicale majeure cependant Bpifrance travaille avec presque tous les groupes de cliniques privées et de maisons de retraite, et nous sommes l'un des acteurs importants de cette concentration de moyens. Au départ, nous financions toutes les cliniques privées, qui ont commencé à se concentrer dans un second temps. Nous travaillons à présent avec une dizaine de grands groupes, qui sont tous devenus de très importants clients.
Ce processus se retrouve dans l'énergie, qui est l'un de nos secteurs de prédilection. En Guyane par exemple, subsistent d'importants gisements d'équipements en énergie. Dès que nous le pourrons, nous relancerons des actions en faveur de l'énergie propre.
Le secteur de l'agroalimentaire nous intéresse beaucoup, en lien avec des valeurs de production locale, d'autoconsommation et de proximité, en conformité avec la stratégie 5.0 de la ministre. Dès que je me rends en outre-mer, je visite toujours ces entreprises agroalimentaires de circuit court, qui utilisent des matières premières locales. Je regrette toujours d'entendre que nos entrepreneurs voient arriver dans les containers des produits métropolitains moins chers que les leurs. Nous optimisons donc au maximum les plans de financement des outils de production qu'ils nous demandent et qui peuvent conduire à des circuits courts. Ces projets sont en effet probablement les plus vertueux. Par exemple, nous sommes toujours fiers de citer l'entreprise Isautier comme l'une de nos références. Ce client a sollicité presque toute la gamme de nos produits et il est labellisé Bpifrance excellence.
En ce qui concerne la pêche, nous venons d'accorder un prêt à une coopérative de La Réunion, où nous réalisons une importante pénétration dans l'industrie du poisson.
Enfin, Bpifrance est autonome s'agissant des fonds européens. Nous disposons en effet d'une telle notoriété et d'une telle confiance de nos actionnaires que nous ne distribuons que très peu de fonds européens. Nos entreprises n'y ont en effet guère d'avantages et nous n'utilisons aujourd'hui ces fonds européens que pour notre activité innovation. Nous allons cependant utiliser un peu de fonds FEDER dans le cadre des prêts Rebond, principalement à La Réunion. En termes d'innovation, ce territoire a en effet un temps d'avance par rapport aux autres.
L'année dernière, nous avons dégagé un bilan très intéressant, alors que nous étions en train de nous séparer de l'AFD, dans un contexte relationnel compliqué. Ce bilan 2019 s'avère toutefois très probant, puisque nous avons assuré des solutions de financement de garanties à près de 2 000 entreprises. Nous devrions faire encore mieux cette année, malheureusement dans un contexte difficile. Certains PGE traduisent de véritables complexités, mais nous allons injecter des montants de crédit très importants dans les entreprises ultramarines. Les banques nous indiquent ainsi avoir réalisé en seulement deux mois une production équivalant à un semestre de l'année dernière. Ce rythme devrait rester intense dans les deux mois à venir et nous allons sans doute pulvériser les chiffres de l'année dernière, où nous avions réalisé 100 millions d'euros de crédit en direct. Nous avons déjà souscrit cette année 80 millions d'euros de prêt Atout et les autres produits se comportent bien. Cette année 2020 sera donc très impressionnante en termes de chiffres. Dans quinze jours, les banques ultramarines auront décaissé plus de 1 milliard d'euros pour les entreprises ultramarines. N'hésitez pas à me solliciter pour que j'actualise ces chiffres, ce que je ferai bien volontiers.
Nous sommes donc au rendez-vous et, à voir l'énergie déployée par mes collaborateurs, je suis certain que nous ne vous décevrons pas.
M. Michel Magras, président. - Merci beaucoup. Certains de mes collègues souhaitent-ils prendre la parole ?
M. Stéphane Artano, rapporteur. - Je suis intéressé par la documentation relative au prêt Rebond. Les collectivités peuvent-elles également souscrire cette offre ?
M. Dominique Caignart. - La documentation du prêt Rebond est disponible sur le site de Bpifrance, actualisée au fil de nos signatures avec les collectivités. Il s'agit d'un prêt à 0 % sur sept ans, avec deux ans de différé. Certaines collectivités le ciblent à 50 000 euros, d'autres à 100 000 euros et d'autres encore, à 300 000 euros, en fonction de leurs moyens et de leurs objectifs. Les maquettes restent néanmoins identiques. Ce prêt ne s'adresse qu'aux entreprises et non aux autoentrepreneurs.
Mme Victoire Jasmin. - Je souhaitais vous féliciter pour votre intervention, particulièrement exhaustive et pédagogique. Vous évoquez le dynamisme de La Réunion par rapport aux autres collectivités, ce qui me questionne, car nous l'avons constaté dans plusieurs autres domaines.
M. Michel Magras, président. - Effectivement, vos réponses ont été exhaustives. Dans les années qui ont suivi sa création, Bpifrance a parfois semblé un peu freiner son implication outre-mer. Je vous félicite pour le chemin accompli. Vous vous impliquez notamment dans les territoires situés dans le Pacifique, ce qui démontre bien votre démarche très volontariste.
Je souhaitais également revenir sur votre gestion du produit correspondant à la suppression de la TVA NPR. Je constate que le Gouvernement se pose des questions sur la sous-consommation de ces crédits.
Un autre point devrait nous inquiéter pour les années à venir : comment prendre en considération la perte d'exploitation s'agissant d'une crise sanitaire, qui ne constitue pas un risque majeur ? Vous l'avez dit : les assurances ne couvrent pas ce type de risques. Avec l'activité partielle, l'État a joué son rôle et les entreprises du tourisme ne sollicitent pas encore beaucoup les dispositifs mis en place. Toutefois, il ne faudrait pas que cette situation s'éternise. Des questions de fond se posent donc sur l'activité touristique, qui sera particulièrement difficile à relancer.
En tant que parlementaires, nous veillerons à ce que les outre-mer ne soient exclus des crédits et des financements publics. .
Nous connaissons la frilosité du système bancaire vis-à-vis des entreprises ultramarines et nous sommes satisfaits que le Sénat ait soutenu votre implication dans le PGE. Votre présence est en effet indispensable. Nous pourrons à nouveau faire appel à vous au moment des bilans et des points d'étape.
M. Dominique Caignart. - On parle bien de ce que l'on aime bien. Ma mission est particulièrement exaltante et, à compter de septembre, je me consacrerai uniquement aux outre-mer. Nos ambitions sont en effet très fortes pour ces territoires.