Mardi 5 mars 2019

- Présidence conjointe de Mme Catherine Morin-Desailly, présidente de la commission de la culture et de M. Christian Cambon, président de la commission des affaires étrangères -

La réunion est ouverte à 16 h 30.

Service national universel (SNU) - Audition de M. Gabriel Attal, secrétaire d'État auprès du ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente. - Nous sommes très heureux d'accueillir M. Gabriel Attal, secrétaire d'État auprès du ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse, afin qu'il nous présente le projet gouvernemental de service national universel (SNU). Le 5 décembre dernier, nous avons déjà entendu, dans cette même configuration d'audition conjointe avec la commission des affaires étrangères, le général de corps d'armée Daniel Menaouine, rapporteur du groupe de travail chargé de réfléchir à la mise en oeuvre du SNU. Après un premier rapport rendu en avril 2018, ce groupe de travail a de nouveau été mandaté par le Président de la République pour mener une consultation auprès des associations et des jeunes ; il a remis un second rapport en novembre 2018, avant d'être dissous.

Désormais, la balle est dans le camp du Gouvernement. Alors que les premières expérimentations seront lancées en juin, que le recrutement des volontaires a démarré hier sur une plateforme d'inscription en ligne, nos commissions ont à suivre attentivement la mise en oeuvre de cet engagement fort du Président de la République ; nous nous interrogeons cependant sur l'organisation matérielle, le coût et la multiplicité des objectifs poursuivis.

M. Christian Cambon, président. - Je me fais l'écho de nombre de nos collègues : le SNU est un véritable projet de société, pour lequel nous partageons - sans doute - des intérêts convergents, mais pour lequel la méthode nous est apparue choquante - méthode certes initiée alors que vous n'étiez pas encore membre du Gouvernement. Le Parlement n'a pas été consulté, alors que ce projet touchera chaque famille !

Une « task force » a été mise en place à l'Assemblée nationale, mais de manière confidentielle, constituée de députés d'un seul groupe politique ; elle ne tient pas lieu de consultation. La consultation en ligne des jeunes a été assez réduite, et leurs associations représentatives n'ont pas montré un enthousiasme débordant. Le SNU n'est pas non plus un sujet du grand débat national, alors qu'il l'aurait sincèrement mérité.

Jusqu'à présent, tout s'est réglé dans l'entre-soi des cabinets et des commissions d'experts, ou sur les plateaux de télévision. Vous avez réservé à BFM et au Point la primeur des contours du projet et annoncé le lancement en juin d'une première expérimentation dans treize départements. Nous attendons vos clarifications sur de multiples interrogations.

La loi de programmation militaire sera-t-elle bien respectée ? Elle dispose expressément que le SNU ne sera financé ni en budget, ni en personnel, ni en infrastructures par les crédits des armées. D'après les estimations du Sénat, son coût, que le Gouvernement n'a toujours pas chiffré, sera compris entre 1,5 et 3 milliards d'euros par an. Or ce projet n'est pour l'instant pas financé... Comment le gouvernement entend-il financer le SNU ?

Cette question se pose dès 2019 : la phase de préfiguration démarrera en juin prochain et concernera 3 000 jeunes dans treize départements, soit un coût estimé à 6 millions d'euros. Vous avez déjà lancé des concours pour définir l'uniforme, mais comment ferez-vous sans un sou, puisqu'aucune ligne budgétaire n'est prévue à cet effet dans la loi de finances pour 2019, ni au budget des armées, ni sur d'autres budgets ?

Mon autre inquiétude concerne l'encadrement, point très important qui conditionne la sécurité du dispositif, s'agissant de jeunes de seize ans. Vous avez laissé entendre dans les médias que les armées pourraient y participer directement. Or c'est contraire à la loi de programmation : seul le recours à des volontaires ayant une expérience militaire - réservistes ou retraités - est possible.

Enfin, je m'interroge sur le rythme de mise en place du SNU. La mise en place des différents modules est peu avancée, or vous visez un démarrage en juin ; quelle sera, dans ces conditions, la qualité de la formation dispensée ? Vous allez commencer sans base légale, ni constitutionnelle, le Conseil d'État ayant indiqué qu'une révision de la Constitution était nécessaire pour rendre le SNU obligatoire : avez-vous bien mesuré tous les impacts juridiques ? Vous envisagez une généralisation aux 800 000 jeunes de la classe d'âge en 2022 plutôt qu'en 2026 : franchement, est-ce réaliste, et avec quels moyens ?

M. Gabriel Attal, secrétaire d'État auprès du ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse. - Je vous remercie pour cette invitation autour d'un sujet qui me tient à coeur tout comme il tient à celui de nombreux Français : l'intégration républicaine, le lien entre armée et Nation, l'engagement. J'ai la chance et l'honneur de mettre en oeuvre ce projet depuis ma nomination le 16 octobre dernier aux côtés de Jean-Michel Blanquer. Vous avez déjà abordé de nombreux points avec le général Menaouine. Vos travaux ont été une source d'inspiration du groupe de travail et des réflexions que j'ai menées avec le ministre de l'éducation nationale. La construction de ce dispositif se poursuit ; le Parlement sera associé lors de la présentation du projet de loi sur le SNU - un texte législatif n'est pas nécessaire pour réaliser une expérimentation, il ne le sera que lorsque nous rendrons le dispositif obligatoire pour tous les jeunes.

Nous avons fait tout sauf de l'entre-soi ; nous avons largement consulté, notamment 75 000 jeunes, dont un échantillon représentatif de 50 000 d'entre eux, puisque cette consultation s'est déroulée durant les journées de défense et de citoyenneté, qui rassemblent chaque année tous les jeunes, par-delà leurs origines sociales et géographiques. Ces réponses nous ont permis de construire le dispositif en tenant compte de leurs attentes.

Nombre d'entre vous s'intéressent à ce sujet et ont même été sources de propositions et d'évaluation sur ces questions ; je tiens à saluer votre travail.

Le SNU est une promesse de campagne du Président de la République, et revêt trois grands objectifs : d'abord, créer ou recréer un moment de mixité sociale, de cohésion territoriale, de creuset républicain pour la jeunesse autour des valeurs de la République ; ensuite, apporter aux jeunes des formations dans un contexte où les risques ont évolué - formation aux premiers secours et à la gestion d'événements graves comme des catastrophes naturelles et des attentats terroristes ; enfin, lever les freins à l'engagement. S'engager, c'est donner ce qu'on a de plus précieux, son temps, au service de l'intérêt général. S'engager, c'est bon pour l'intérêt général mais aussi pour celui ou celle qui s'engage. Les jeunes qui sont engagés, par exemple auprès d'associations ou des pompiers volontaires, partent avec plus de chances dans la vie que d'autres. Ils ont davantage confiance en eux, s'interrogent sur leur orientation, développent des compétences - notamment de savoir-être - pour s'insérer ensuite plus facilement dans le milieu professionnel. Tous les jeunes ne s'engagent pas, non pas que certains soient plus altruistes ou plus tournés vers l'intérêt général que les autres, mais parce qu'il y a des freins socio-culturels, géographiques et souvent psychologiques qui persuadent certains jeunes qu'ils n'auraient rien à apporter à la société. Notre pays a encore du mal à montrer à ces jeunes leur utilité sociale. Voilà l'un des objectifs du SNU. Il y a plus de vingt ans, le président Jacques Chirac a pris une bonne décision en suspendant le service militaire, puisque la professionnalisation de notre armée s'est déroulée dans de bonnes conditions ; en revanche, il aurait fallu le remplacer par un autre dispositif pour poursuivre cette ambition de cohésion sociale, de mixité territoriale et de creuset républicain.

À terme, grâce au SNU, l'ensemble d'une classe d'âge pourra partager un moment autour des valeurs de la République. C'est dans cet esprit que ce dispositif avait été proposé dans le programme du Président de la République : à la différence notable du service militaire, il concernera à la fois les garçons et les jeunes filles, et personne ne sera réformé. Les personnes en situation de handicap participeront à ce moment de cohésion - a minima à partir du moment où elles sont scolarisées. Le SNU sera l'un des outils de cette société inclusive qui nous tient à coeur. Toute une classe d'âge se retrouvera, l'année suivant l'année de troisième, vers 15-16 ans. Pendant quinze jours, en hébergement collectif, ils vivront en maisonnée, en compagnie, en brigade, afin de renforcer cet esprit français républicain, loin de leur quotidien et de leurs foyers. Beaucoup découvriront pour la première fois un monde différent, au-delà de leur environnement immédiat ; ce monde leur tend les bras. Ils verront que des initiatives, des atouts, des perspectives existent dans des territoires souvent éloignés du leur, initiatives dont ils n'ont pas forcément connaissance parce qu'il y a encore une « assignation à résidence » dans notre pays : de nombreux jeunes ignorent les opportunités qui existent un peu partout en France. Cette phase de cohésion et ce creuset républicain doivent ouvrir les jeunes les uns aux autres et transmettre un socle de valeurs communes afin de forger une société de la résilience, qui efface les fractures présentes, au sein d'une jeunesse marquée par les attentats de 2015 et qui ne demande qu'à s'engager, qui veut aider son prochain - dès lors qu'elle sait comment le faire, et qu'elle a été formée pour le faire. Nous voyons cette soif d'engagement, notamment à travers des mobilisations pour le climat, mais la jeunesse peine à trouver les voies de l'engagement. Tel est l'objectif du SNU.

Cette jeunesse est marquée encore par un très fort taux de décrochage scolaire. Même si nous travaillons à chaque étape de la scolarisation pour réduire ce décrochage - dédoublement des classes en éducation prioritaire (REP et REP+), dispositif « devoirs faits » avec l'aide aux devoirs pour tous les collégiens, extension de l'obligation de formation de 16 à 18 ans, plan d'investissement dans les compétences pour apporter les moyens nécessaires à la formation de tous les jeunes. Le SNU sera une brique supplémentaire dans cette politique, afin qu'aucun jeune ne sorte de la phase obligatoire du SNU sans avoir non pas une perspective d'insertion toute tracée - ce serait un peu ambitieux - mais un interlocuteur et une voie qui commence à se dessiner. Les NEET (Not in Education, Employment or Training), ces jeunes sans formation, sans emploi ni diplôme sont près de trois millions en France, et 100 000 jeunes chaque année alourdissent ce contingent. Après la phase de cohésion, ils seront appelés à effectuer une mission d'intérêt général de deux semaines, soit 84 heures, perlées sur une année scolaire, auprès d'une association, une collectivité, d'une structure publique ou d'un corps en uniforme comme les sapeurs-pompiers. L'engagement est toujours volontaire, mais encore faut-il qu'il soit éclairé. Chaque jeune doit savoir qu'il a quelque chose à apporter, chacun dans son domaine et à son niveau. À l'issue de ce bloc commun obligatoire de deux fois quinze jours, une phase volontaire autour d'un engagement de trois à douze mois sera proposée aux jeunes qui le souhaitent.

J'ai annoncé à la mi-janvier une expérimentation dans treize départements, dont un ultramarin, qui seront préfigurateurs en juin prochain : les Ardennes, le Cher, la Creuse, l'Eure, la Guyane, les Hautes-Pyrénées, la Haute-Saône, la Loire-Atlantique, le Morbihan, le Nord, le Puy-de-Dôme, le Val-d Oise et le Vaucluse. M'étant rendu dans chacun d'eux, j'ai une visibilité d'ensemble sur la déclinaison territoriale du SNU. Malgré les délais restreints, chaque département a trouvé un lieu d'hébergement disponible entre le 16 et le 30 juin 2019 pour accueillir entre 150 et 200 jeunes. Le personnel encadrant est en cours de recrutement. Les chefs de centre et leurs adjoints, identifiés, seront formés à partir de fin mars.

Mi-février, j'ai lancé un concours dans treize lycées professionnels pour trouver l'uniforme, ou plutôt la tenue commune des jeunes. Il m'a semblé important de m'appuyer sur le savoir-faire de nos jeunes en lycée professionnel, notamment dans les filières mode et design, pour imaginer cette tenue commune, avec un cahier des charges précis : les couleurs tricolores, les symboles de la République, la devise républicaine... Fin mars, un jury de quatre personnes sélectionnera la tenue commune : le général Benoît Puga, ancien chef d'État-major particulier des présidents Nicolas Sarkozy et François Hollande, actuellement grand chancelier de la Légion d'honneur ; Marie Trellu-Kane, fondatrice d'Unis-Cité, précurseur du service civique ; Simon Porte Jacquemus, jeune créateur français qui s'impose sur la scène internationale comme la relève des créateurs de mode ; et une jeune élue du Conseil national de la vie lycéenne scolarisée à Angers.

J'ai lancé hier, en compagnie de Sébastien Lecornu et de Geneviève Darrieussecq, secrétaire d'État aux armées, la plateforme de recrutement qui centralisera le recrutement pour l'ensemble des départements choisis. Au vu de mes déplacements, j'ai pu mesurer l'attente, même s'il est trop tôt pour disposer de chiffres. La plateforme numérique reçoit énormément de connexions depuis hier. Les préfets et les recteurs m'ont informé de nombreuses candidatures spontanées avant même le lancement de la phase de recrutement. Nous aurons probablement beaucoup plus de mal à gérer les frustrations de ceux qui n'auront pu être retenus qu'à recruter des volontaires pour cette expérimentation.

Les cohortes de volontaires appelés en juin devront être représentatifs de la diversité de la jeunesse française, afin d'éviter tout biais social, culturel ou géographique - certains jeunes ayant davantage accès à l'information. Si besoin, nous irons chercher des volontaires dans chaque catégorie. Chaque département a cartographié sa jeunesse - nombre d'apprentis, de décrocheurs, de jeunes en situation de handicap, de jeunes scolarisés... Nous travaillons avec les missions locales et le réseau information jeunesse.

Cette phase pilote testera notre organisation et nos objectifs en étant pragmatique et économe en moyens. À terme, 800 000 jeunes seront concernés. La phase pilote, qui concernera 2 000 à 3 000 jeunes, coûtera environ quatre millions d'euros. Il n'était pas utile de créer une ligne budgétaire dans le projet de loi de finances pour 2019. À partir de 2020, un programme budgétaire spécifique sera prévu pour sa montée en puissance.

En 2019, ces quatre millions d'euros seront des crédits compensés en fin de gestion sur le programme 124 pour la masse salariale et sur le programme 163 pour les autres crédits - hébergement, activités, transport... Ces programmes sont gérés par le ministère de la jeunesse.

Une phase pilote suppose aussi une évaluation. Au terme de cette phase de cohésion, un premier bilan sera effectué. Le taux d'encadrement de l'expérimentation est très élevé - un encadrant pour cinq jeunes, contre un pour douze voire quatorze mineurs dans les accueils collectifs de mineurs classiques. Nous évaluerons l'utilité de maintenir ou d'adapter ce ratio. Nous établirons un bilan sur l'organisation pratique. À ce stade, il est assez compliqué d'établir une évaluation budgétaire du dispositif en rythme de croisière, dès lors qu'un certain nombre de décisions importantes seront prises à l'issue de la phase pilote, et qu'elles conditionneront cette évaluation. Au vu des projections, nous serons bien en-deçà de 1,5 milliard d'euros. Les évaluations jusqu'à 7 voire 10 milliards d'euros se fondaient sur la construction de centres dédiés pour accueillir des jeunes en hébergement collectif - cela ne sera pas nécessaire.

Les arbitrages pour le calendrier de montée en puissance seront effectués à l'issue de cette phase pilote. Le rapport du général Menaouine préconise une mise en place jusqu'en 2026. Lors de ma nomination, j'ai souhaité qu'on puisse, si possible, aller plus rapidement. Nous sommes en train d'évaluer cette possibilité.

Je suis à la disposition du Parlement pour répondre à vos questions. De nombreux élus et sénateurs sont membres des comités de pilotage départementaux dans les treize départements pilotes, pilotés par le préfet, le recteur et le délégué militaire départemental.

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente. - Je vous remercie de tous ces éléments de contexte. Je cède la parole aux différents rapporteurs budgétaires.

M. Jacques-Bernard Magner, rapporteur pour avis de la mission « Jeunesse et vie associative » pour la commission de la culture. - Les objectifs d'intégration républicaine et d'engagement son légitimes. Mais que disent les jeunes dans la consultation ? Vous prétendez continuer ainsi le « creuset républicain » du service militaire, après quelques années de rupture, mais le service militaire jouait-il un tel rôle ? Il ne concernait que les garçons, et 30 % en étaient exemptés...

Vous avez évoqué l'importance de la vie collective et de la découverte, mais je suis inquiet de la disparition des colonies de vacances et autres centres aérés, faute de moyens, et notamment de personnel. Nous avions laissé cette tâche au bénévolat de grands acteurs de la vie associative que nous n'avons pas assez soutenus, et qui ont été obligés de supprimer, petit à petit, ces centres qui étaient le vrai lieu de socialisation, d'intégration et de découverte de l'autre, sans uniforme.

Oui, nous avons besoin de revenir à la citoyenneté, qui était plus développée auparavant, élément fondamental du vivre ensemble.

J'ai dit au général Menaouine mon inquiétude que ce dispositif interfère avec le service civique - qui sera partie intégrante du SNU - alors que celui-ci commence juste à atteindre son rythme de croisière. Il compte 150 000 jeunes - pour un objectif de 300 000 - et devait bénéficier de moyens supplémentaires. Le SNU ne sera-t-il pas l'aspirateur ponctionnant tous les moyens actuels du service civique ? Avez-vous bien associé les grandes têtes de réseau du monde associatif à vos réflexions ?

M. Jean-Marc Todeschini. - Monsieur le ministre, je vous ai écouté attentivement. J'ai travaillé sur ce sujet pour la commission des affaires étrangères et de la défense, avec mon collègue Jean-Marie Bockel, en 2018. Et je n'ai rien appris de plus aujourd'hui ! J'étais convaincu de l'utilité du service militaire volontaire installé par le président Hollande pour tenter de récupérer des décrocheurs. J'avais vécu cela dans une autre vie avec le service militaire adapté.

Nous sommes devant un engagement de campagne du Président de la République. Attention à ce que les volontaires d'aujourd'hui ne soient pas que des cobayes de cet engagement de campagne. Le président de notre commission a déjà tout dit. Vous avancez le financement pour 2023, c'est-à-dire demain ! Il faut encadrer, héberger, cela a un coût. Le général Menaouine estimait les besoins à 1,7 milliard d'euros en investissement et 1,6 milliard d'euros en fonctionnement. Nous sommes toujours dans le vague, alors que le SNU engagera nos jeunes pour des décennies...

Je partage la nécessité de ramener les jeunes dans le système républicain. J'ai eu à gérer, dans un cabinet ministériel, la suppression du service militaire. Mais il était devenu totalement inégalitaire puisque seuls 50 % des garçons le faisaient, ceux qui en avaient les moyens s'en faisant dispenser. Et mettre en place cette armée de métier était utile.

Comment hébergerez-vous ces jeunes, qui seront toujours sous la responsabilité de leurs parents, et avec quel encadrement ? La Défense n'a plus de casernes libres, et la loi de programmation militaire interdit tout financement du SNU dans le cadre du budget de la Défense. Ce seront donc les crédits du ministère de la jeunesse ?

Selon de nombreux chercheurs et responsables associatifs, quinze jours sont largement insuffisants pour un véritable brassage social. Vous allez essayer cette durée, mais la promesse risque de tourner au fiasco.

De nombreuses organisations de jeunesse sont inquiètes et n'adhèrent pas au volet obligatoire du dispositif. Et la phase ultérieure, optionnelle, correspond au service civique, dont vous devriez plutôt renforcer les moyens.

Je suis surpris que vous lanciez pour demain une opération pour toute une classe d'âge de 800 000 jeunes, dans un tel flou, et que le Parlement en soit tenu à l'écart. Le Gouvernement avait même refusé de nous donner le rapport du général Menaouine. Nous sommes dans un grand flou. Comment inciterez-vous les jeunes qui seront réfractaires ? La ministre des armées déclarait que le SNU ne serait pas obligatoire, elle a été contredite... Vous allez dépenser un « pognon de dingue » pour peu de chose alors que le service civique peut monter en puissance.

Vous envisagez, pour la deuxième phase volontaire, un accueil potentiel chez les pompiers, mais il faudra encadrer 800 000 jeunes, et non 2 000 ! Ce sera très compliqué. Quel sera le statut de ces jeunes ? Seront-ils indemnisés, en plus d'être habillés ?

Nous aurions aimé le dépôt d'un projet de loi sur les bureaux du Parlement afin de mieux connaître ce projet.

M. Éric Jeansannetas, rapporteur spécial de la mission « Sport, jeunesse et vie associative ». - La Creuse fait partie des départements testant le SNU. L'ensemble du personnel de l'Éducation nationale est mobilisé pour réussir cette opération test, car nous avons une obligation de réussite. Ces quinze jours doivent avoir un contenu, sinon il nous sera difficile de convaincre une classe d'âge.

Nous débattrons lors du projet de loi de finances de la montée en puissance du SNU, mais les quatre millions d'euros envisagés pour la phase test seront-ils pris au détriment d'autres programmes de la mission « Jeunesse » ?

M. Gabriel Attal, secrétaire d'État. - Je n'oppose pas le SNU aux colonies de vacances ni au service civique, qui sont aussi des outils de brassage social et de cohésion territoriale. Le SNU n'a pas vocation à être l'alpha et l'oméga de notre investissement, mais c'est une pierre supplémentaire, d'ampleur. Il y a un continuum entre l'école - et je pense notamment à l'enseignement moral et civique, à la sensibilisation à l'engagement - et les colonies de vacances. J'ai échangé avec de nombreux acteurs sur leur déclin, dû à différents facteurs : un soutien financier réservé aux catégories populaires au travers des aides de la caisse d'allocations familiales, au détriment des classes moyennes, ce dont se sont plaints de nombreux gilets jaunes et d'autres citoyens durant le grand débat national ; certaines collectivités ont concentré leurs financements sur l'accueil de jour et les centres aérés ; et une raison sociologique, avec la multiplication des familles recomposées - les vacances sont partagées entre les deux parents. Ce déclin des colonies de vacances est préjudiciable à la cohésion, et je travaille avec Jean-Michel Blanquer qu'elles puissent rebondir.

Le budget du service civique a augmenté de 50 millions d'euros en 2019, ce qui montre notre engagement et notre volonté de poursuivre son évolution. Le SNU lève les freins à l'engagement, et il faudra augmenter les moyens du service civique.

La phase volontaire d'engagement du service national universel s'appuie sur des dispositifs existants, tels que le service civique, les pompiers volontaires, le bénévolat dans une association, etc. Le service civique est un formidable outil d'insertion pour les jeunes. Toutefois, la montée en puissance ne dépend pas uniquement de critères budgétaires ou quantitatifs, mais également de critères qualitatifs concernant les missions, afin que l'expérience soit réussie et que les jeunes aient le sentiment d'avoir été utiles. La non-substitution au travail est un autre critère important, qui a déjà donné lieu à des retraits d'agréments. Nous devons continuer à agir en ce sens.

Monsieur Todeschini, je vous remercie d'avoir évoqué le service militaire volontaire (SMV) et le service militaire adapté (SMA). J'ai pu constater moi-même la grande utilité de cet outil pour l'avenir professionnel de jeunes volontaires, lors de mes déplacements en Guyane - pour le SMA - et à Brétigny-sur-Orge pour le SMV.

Cela étant, si j'arrivais aujourd'hui avec un projet de loi sur le service national universel et sur sa montée en puissance, je pourrais entendre vos critiques s'agissant de la difficulté à se lancer de but en blanc dans un projet d'une telle ampleur. Or la phase pilote, dite de préfiguration, nous permet justement d'être pragmatiques, économes dans nos moyens, et d'évaluer les besoins avant d'engager ces 800 000 jeunes. Cette phase conditionnera beaucoup de choses, car à l'issue de celle-ci, nous prendrons un certain nombre de décisions.

Il est vrai aussi que l'« on avance en marchant », et que des travaux sont en cours, notamment pour définir les modules d'intervention qui auront lieu durant la phase de cohésion. Pour l'heure, nous avons communiqué aux comités de pilotage des treize départements pilotes les grandes thématiques des modules qui, selon nos voeux, figureront dans le SNU, à charge pour les comités de faire remonter des propositions très concrètes s'appuyant sur les atouts présents sur le terrain, qu'il s'agisse des associations, des forces de sécurité, des pompiers, etc., et ce en vue d'une éventuelle généralisation de ces propositions. Dans les prochaines semaines, nous ferons « redescendre » aux acteurs concernés un arbitrage comprenant de grands modules nationaux qui devront être les mêmes partout en France, avec une marge de manoeuvre pour une déclinaison locale de ces modules, notamment par le biais d'exercices en extérieur - cet aspect est important. Il s'agit d'une opportunité, pour les différents territoires, de mettre en valeur leurs atouts et de les montrer à des jeunes qui ne les auraient pas connus sans cette expérience.

Si vous m'auditionnez de nouveau dans quelques semaines ou quelques mois, nous pourrons réexaminer la question des modules, sur laquelle on y verra plus clair. Je suis ouvert à tous ceux qui voudront travailler sur ce sujet. Quant au rapport du général Menaouine, j'ai souhaité qu'il soit public - il est en ligne sur internet - et qu'il soit envoyé à chacun d'entre vous, en votre qualité de parlementaire, afin que vous soyez associés très étroitement à ce processus.

Nous avons demandé aux préfets et aux recteurs d'identifier l'ensemble des possibilités d'hébergement qui existent pour les jeunes dans chacun de leurs territoires : leurs réponses font fait état de nombreuses possibilités, à savoir des internats de collèges ou de lycées, des centres de formation, des structures de tourisme social. Dans certains cas, des bâtiments militaires, délaissés depuis la fin du service militaire, tels ceux de l'Institution de gestion sociale des armées (IGESA), pourraient être utilisés.

Lorsque nous aurons atteint notre rythme de croisière, les 800 000 jeunes n'effectueront pas leur SNU en même temps, ce qui créerait des problèmes d'hébergement importants, mais durant l'une des huit à dix périodes de l'année prévues à cette fin - je vous l'annonce aujourd'hui -, soit 80 000 à 100 000 jeunes par période, et entre 800 à 1 000 jeunes par département. Compte tenu des possibilités d'hébergement, les objectifs sont tout à fait atteignables.

J'en viens à la responsabilité parentale. Pour la phase pilote, dès lors que l'engagement aura lieu sur la base du volontariat, un accord parental des jeunes participants sera exigé. Ensuite, les responsabilités ne devraient soulever aucune inquiétude particulière, car elles seront fondées sur les règles classiques en vigueur dans le cadre d'un accueil collectif de mineurs.

Monsieur Jeansannetas, vous avez, en tant que rapporteur spécial de la commission des finances, posé la question du budget. J'y insiste, pour la phase pilote - contrairement à ce qui se passera par la suite -, il n'est pas nécessaire de prévoir une ligne budgétaire dédiée. En effet, dès lors que des décisions importantes devront être prises à l'issue de cette période, il serait délicat d'avancer un coût avant son terme. Et je ne voudrais pas que, cet été, vous me reprochiez d'avoir menti ou de m'être trompé dans mon estimation... Ces crédits seront néanmoins régularisés, c'est-à-dire compensés, en PLFR.

M. Laurent Lafon. - Vous n'avez pas répondu à la question portant sur l'obligation du service national universel. Que se passera-t-il si le jeune ne se présente pas ? Et qu'en sera-t-il si les parents ne donnent pas leur accord ? En outre, comment sera prise en compte la laïcité dans le cadre de ce service ? La liberté de culte sera-t-elle garantie aux jeunes effectuant le SNU ? Par ailleurs, lors de la phase facultative, les diverses associations conventionnelles pourront-elles proposer des places aux jeunes ?

M. Joël Guerriau. - Vous avez raison, monsieur le secrétaire d'État, il est très facile de se procurer sur internet le rapport relatif à la création d'un service national universel, établi par le général Menaouine le 26 avril 2018. À la page 11 de ce rapport, on trouve une vision prophétique du général : La première partie de cette phase de cohésion « devrait se traduire par une cérémonie symbolique : elle pourrait consister très simplement en la remise collective, au dernier soir de l'hébergement, d'un gilet jaune ». Cela ne ferait que 800 000 gilets jaunes supplémentaires ! Cette question est-elle toujours d'actualité ?

M. Jacques Grosperrin. - J'ai été agréablement surpris, lors de mon déplacement à Vesoul, de voir l'intérêt que les jeunes portaient à ce SNU, au-delà de l'avantage du code gratuit. Si j'ai bien compris, le dispositif reposera au départ sur treize départements, puis s'étendra pour s'appliquer aux 700 000 à 800 000 jeunes - c'est beaucoup ! Il faudrait connaître le coût réel du SNU. De plus, pourquoi n'avez-vous pas associé plus étroitement les parlementaires, dans la mesure où la validation et la mise en oeuvre du dispositif relèvent du Sénat et de l'Assemblée nationale ? On a le sentiment que seule l'administration a beaucoup travaillé sur le dispositif.

M. Jacques Le Nay. - J'ai été surpris, pendant mes participations aux réunions du grand débat national, de la méconnaissance du fonctionnement de nos institutions. Peut-on espérer que soit dispensée une instruction civique dans le cadre du SNU ? Ou bien faut-il rendre plus opérationnelle cette formation au cours du cursus scolaire ?

Mme Colette Mélot. - L'un des objectifs est donc de promouvoir la notion d'engagement au sein de la jeunesse française. Vous proposez que la première des deux phases soit obligatoire : comment allez-vous procéder ? Est-il prévu des sanctions, et si oui, lesquelles ?

Quelle articulation envisagez-vous entre le SNU et les cours d'instruction civique et morale dispensés en milieu scolaire, la journée défense et citoyenneté (JDC), le service civique ou le service volontaire européen ?

Mme Christine Prunaud. - J'ai bien compris qu'il n'était pas question de toucher au budget des armées.

L'objectif de ce SNU est notamment de défendre les valeurs de la République. Pour moi, les levers de drapeau où les drapeaux dans les classes ne suffisent pas à développer la citoyenneté des jeunes. J'aurais préféré que le budget qui sera consacré au SNU le soit à l'éducation nationale, pour éviter les fermetures de classes, les suppressions de postes, pour la formation des maîtres, et à ce qui marche bien, à savoir le service civique, le SMA ou le service volontaire européen, destiné aux jeunes, pas forcément en échec scolaire, qui veulent tenter des expériences à l'étranger. Personnellement, je ne vois pas l'utilité de ce SNU.

Mme Vivette Lopez. - Vous avez demandé à l'Observatoire de la laïcité une étude sur l'application du principe de laïcité et sa promotion dans le cadre du futur service national universel. Celui-ci a publié ses recommandations le 18 décembre, en particulier que le port de symboles religieux ne soit pas interdit dans le cadre du futur SNU, alors qu'il l'est lors de la JDC. Devant la polémique, le Gouvernement a affirmé, me semble-t-il, qu'il ne suivrait pas cette recommandation. Le confirmez-vous ?

A-t-on une idée plus précise de la jeunesse concernée par le SNU ? Y a-t-il une ligne de conduite bien définie au sujet des Français qui résident à l'étranger ou qui ont une double nationalité ? Est-il envisagé d'accueillir, comme dans le cadre du service civique, des volontaires étrangers ?

Enfin, où exactement le mineur fera-t-il son SNU ? Pour favoriser le brassage social, les jeunes seraient affectés dans un département autre que celui dont ils sont originaires. Un département limitrophe, ou plus loin, au sein de leur région ? Qui paiera le déplacement ? Pour les jeunes Guyanais, vous imaginez le coût !

M. Gilbert-Luc Devinaz. - Un sondage riche d'enseignements a été fait auprès de 400 jeunes de Villeurbanne, commune où la diversité sociale est totale. Des étudiants du campus sur Villeurbanne m'ont même parlé d'un service national environnemental, qui pourrait être très intéressant dans le cadre du service national universel.

L'an dernier, auditionné par la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, le général Bosser, chef d'état-major de l'armée de terre, s'était inquiété du financement du SNU. De fait, rien n'est prévu dans la loi de programmation militaire ni dans le budget 2019. Certes, nous n'en sommes qu'au stade expérimental, mais il devrait quand même pouvoir être possible de resserrer la fourchette actuelle, à savoir entre 1,7 et 10 milliards d'euros. Sinon, ce n'est pas la peine d'en passer par cette phase expérimentale. De même, sur quelle ligne budgétaire ce projet sera-t-il financé ? Le budget des armées sera-t-il mis à contribution ?

Quelles seront les formations et qualifications de ceux qui encadreront ces mineurs ?

M. Stéphane Piednoir. - On peut subodorer que le résultat de cette phase expérimentale sera excellent et que nous serons invités à généraliser le SNU à l'ensemble du territoire.

Selon vous, les internats des collèges et des lycées pourraient être utilisés comme lieux d'hébergement pendant les quinze jours initiaux. Où iront pendant ce temps les résidents de ces internats ?

Vous avez fait un parallèle avec le service national. Sera-t-il possible d'être objecteur de conscience et de se soustraire à la partie obligatoire du SNU ?

S'agissant du code de la route, vous avez évoqué, me semble-t-il, l'utilisation de plateformes. Faites-vous référence à celles contre lesquelles les auto-écoles descendent dans la rue, qui sont un vrai scandale ?

Mme Isabelle Raimond-Pavero. - Le Président de la République s'est récemment rendu à Gargilesse-Dampierre, où il a rencontré le maire et le président du Conseil régional. Il a indiqué, à l'occasion de ce déplacement, que les sites de l'Agence nationale pour la formation professionnelle des adultes (AFPA), voués à la fermeture, pourraient être en priorité consacrés à des actions de formation dans le cadre du SNU. La reconversion envisagée sera-t-elle systématique ? De quels financements le dispositif bénéficiera-t-il ? La nomination d'un coordinateur national du SNU a également été annoncée, bien qu'un tel poste n'ait pas été prévu par la feuille de route initiale. Quel sera son rôle ? Ses missions pourraient-elles se voir limitées faute de moyens ?

Mme Annick Billon. - Vous semblez soucieux de la représentativité des différents groupes de la société au sein du SNU. Or, il apparaît dans divers articles de presse que les jeunes filles sont particulièrement intéressées par le dispositif. Devons-nous en conclure qu'elles le sont davantage que leurs homologues masculins ? Le cas échéant, envisageriez-vous de fixer un seuil maximum de participation des filles afin d'assurer une parité inversée ? En matière de gestion de la mixité, alors que le Président de la République a, en 2017, érigé l'égalité entre les femmes et les hommes au rang de grande cause du quinquennat, quelle en sera la traduction s'agissant du SNU ?

M. Rachel Mazuir. - Notre collègue M. Gilbert-Luc Devinaz a évoqué la question de l'encadrement qui m'interpelle également. De quelle formation bénéficieront les encadrants ? Le SNU concerne-t-il les jeunes à l'issue de la classe de troisième - il rassemblerait alors des participants d'âge et d'aspect physique fort différents - ou ceux d'une classe d'âge ? Quoi qu'il en soit, la formation des encadrants sera essentielle, dans un contexte où l'éducation nationale rencontre déjà des difficultés de recrutement. Je m'interroge également sur les locaux mis à la disposition des jeunes du SNU : si des solutions provisoires sont envisageables pour une période de quinze jours, des hébergements plus durables devront être adaptés d'ici 2022. Les bâtiments de colonies de vacances, fréquemment propriétés de communes, devront ainsi être mis aux normes. Les collectivités territoriales seront-elles à ce titre mises à contribution ? Enfin, alors qu'environ 30 % d'une classe d'âge était autrefois exemptée de service militaire, comment imaginer que le SNU ne souffrira d'aucune exception ? L'objectif me semble difficile à atteindre dans certains quartiers.

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente. - Je rebondirai pour ma part sur les propos malicieux de Ladislas Poniatowski : quels critères ont présidé au choix des départements sélectionnés pour l'expérimentation ?

M. Maurice Antiste. - Le service militaire a connu, à l'époque, des adaptations. Je crois utile de les envisager, notamment au profit de l'Outre-mer, dès le temps de l'expérimentation.

M. Gabriel Attal, ministre. - Mme Mélot, ainsi que MM. Lafon et Mazuir, m'ont interrogé sur le principe de l'obligation. Il est prévu d'organiser le dispositif du SNU sur le modèle de la JDC, dont le non-respect est sanctionné par divers verrous. Elle représente ainsi un préalable à l'obtention du baccalauréat, du permis de conduire et de plusieurs diplômes d'études supérieures. Les verrous applicables au SNU feront l'objet d'un débat dans le cadre du projet de loi à venir. À mon sens, la validation de tout diplôme comme la présentation à un concours administratif devraient être conditionnées à la participation au SNU. Nous aurons également un débat sur le lien entre le SNU et l'exercice des droits civiques. Je crois en tout état de cause utile de s'inspirer de la JDC, à laquelle se plient 98 % des jeunes.

En réponse à M. Laurent Lafon et à Mme Vivette Lopez s'agissant de la laïcité, je vous indique que, comme le service militaire en son temps, le SNU s'organisera dans le strict respect du principe de neutralité religieuse. Chacun toutefois pourra pratiquer individuellement son culte dans une salle dédiée, comme il en existe dans les internats, les hôpitaux ou les prisons. Seules les associations sous le régime de la loi de 1901 seront autorisées à accueillir des missions d'intérêt général, critère excluant du dispositif les associations confessionnelles.

Monsieur Guerriau, la proposition du rapport du général Menaouine que vous évoquée n'a pas été retenue. En revanche, le préfet présidera une cérémonie durant laquelle, à l'issue de la phase de cohésion, la tenue commune sera remise aux jeunes.

MM. Jacques Grosperrin et Gilbert-Luc Devinaz m'ont interrogé sur le coût du dispositif, lequel ne sera connu avec précision qu'à la fin de la phase pilote. Nous l'estimons à 1,4 milliard d'euros, pour un coût de 4 millions d'euros s'agissant de l'expérimentation correspondant à 2 000 euros par jeune pour quinze jours. Des économies d'échelle doivent être envisagées lorsque le SNU sera généralisé. Je demeure à la disposition des parlementaires qui souhaitent travailler à mes côtés sur le SNU, sur le modèle de la task force créée à l'Assemblée nationale. Un projet de loi interviendra ultérieurement ; nous collaborerons à cette occasion.

Madame Mélot et monsieur Le Nay, le SNU fait écho à l'actualité, laquelle nous rappelle avec force la méconnaissance de certains de nos concitoyens quant au rôle des institutions et des élus. Le SNU représente à cet égard une réponse, certes partielle. Plus modestement que le travail approfondi devant être réalisé par l'éducation nationale en matière d'éducation morale et civique, le SNU proposera un module relatif aux institutions initié par des associations d'éducation populaire selon des méthodes relevant de la pédagogie active. En outre, les missions d'intérêt général constitueront autant d'occasions de rapprochement entre les jeunes et les élus locaux. Déjà, des projets sont envisagés dans des centres communaux d'action sociale (CCAS) ou des maisons départementales des personnes handicapées (MDPH). J'indique également à Mme Colette Mélot que la JDC disparaîtra lorsque le SNU sera généralisé. D'ailleurs, les jeunes qui participeront à la phase pilote seront exemptés de JDC. Les organisateurs de la JDC apporteront pour leur part des compétences fort utiles au nouveau dispositif. En outre, le service civique et le corps européen de solidarité ont vocation à se trouver renforcés grâce au SNU.

Je suis navrée, madame Prunaud, que vous doutiez de l'efficacité du dispositif. La phase pilote, peut-être, vous fera changer de regard... Je partage toutefois votre analyse : pour transmettre aux jeunes les valeurs de la République, le drapeau français, bien qu'utile, ne suffira pas. Nous proposerons donc également des actions d'éducation morale et civique.

Madame Lopez, les jeunes français résidant à l'étranger ne sont pas appelés à participer à la JDC, pas plus qu'ils ne l'étaient autrefois au service militaire sauf à s'établir sur le territoire national avant l'âge de vingt-cinq ans. Ils ne sont, dès lors, par prévus dans les effectifs du SNU, sauf à s'y porter volontaires. Les participants à la phase pilote effectueront leur SNU dans une autre région et dans un autre département que les leurs et la mixité géographique et sociale des affectations en maisonnée sera assurée pour chaque groupe de jeunes issus d'un même département. L'Outre-mer obéira aux mêmes règles. Du reste, grâce à un préfet particulièrement mobilisé, des échanges de jeunes s'organisent entre la Guyane et des départements métropolitains participant à l'expérimentation.

Je suis convaincu, comme M. Devinaz, de l'intérêt d'un SNU environnemental. La consultation nationale a d'ailleurs montré qu'outre les questions de défense et de sécurité, les jeunes s'intéressaient tout particulièrement à cette problématique. Le SNU comprendra, en conséquence, un module de sensibilisation à la protection de l'environnement durant la phase de cohésion. Nous y travaillons avec France Nature Environnement et des associations de terrain. Monsieur Devinaz, vous m'avez également, avec M. Rachel Mazuir, interrogé sur l'encadrement des jeunes, sujet qui préoccupe évidemment les parents. Sachez que de nombreux professionnels possèdent les compétences nécessaires : les titulaires d'un brevet d'aptitude aux fonctions d'animateur (BAFA) pouvant faire état d'une expérience auprès d'adolescents, les éducateurs spécialisés, les membres de l'éducation nationale, les anciens militaires et les réservistes notamment. Nous nous appuierons sur eux et complèterons leur expérience par une formation spécifique au SNU dispensée en mars ou en avril préalablement au lancement de la phase pilote. Dans ce schéma, l'implication de l'armée sera particulièrement importante. Quant aux normes d'encadrement, avec un adulte pour cinq jeunes, nous nous trouverons au-delà de la réglementation.

N'ayez pas d'inquiétude, monsieur Piednoir : la phase de cohésion se tiendra pendant les vacances scolaires, ce qui évitera tout chevauchement en matière d'occupation des internats. À mon sens, dans le cadre du service militaire, l'objection de conscience s'expliquait par un refus de manier les armes. Or, le maniement des armes - d'aucuns le regrettent - n'est pas prévu lors du SNU. S'agissant du permis de conduire, un module de présentation du code de la route sera dispensé lors de la phase de cohésion, puis un accès à une plateforme d'apprentissage offert - un appel à projet à destination des professionnels est lancé à cet effet dans chaque département. Un premier passage du code de la route sera pris en charge par le SNU à hauteur de 30 euros par jeune.

Mme Raimond-Pavero m'a interrogé sur l'avenir des centres AFPA. Aucune décision n'a encore été prise au niveau national, mais nous soutenons les projets de reconversion en sites de formation pour le SNU proposés par les élus locaux, à l'instar récemment du maire de Châteauroux. M. Laurent Petrynka a effectivement été nommé coordinateur interministériel du SNU. Il fut auparavant directeur de l'Union nationale du sport scolaire (UNSS), expérience fort utile au regard de l'importance du sport lors de la phase de cohésion. Son rôle consiste à coordonner l'action des différentes administrations concernées par le dispositif et à organiser la collaboration avec les associations et les collectivités territoriales. Il dispose, pour sa mission de préfiguration du SNU, de douze emplois équivalents temps plein.

Nous avons effectivement constaté, madame Billon, la mobilisation forte des jeunes filles pour participer au SNU. Je me suis récemment rendu dans un département qui comptait vingt-huit filles parmi les trente volontaires ! Elles font preuve d'une volonté de découvrir d'autres horizons, d'apprendre à se défendre et de participer à un dispositif dont la version précédente, le service militaire, leur était fermée. Pour autant, nous assurerons la parité des cohortes ; préfets et recteurs sont mobilisés à cet effet.

Monsieur Antiste, les départements d'outre-mer, où les attentes à l'égard du dispositif paraissent particulièrement élevées, participeront au SNU dans les mêmes conditions que les territoires métropolitains. La Guyane a été sélectionnée pour la phase pilote. Sur ce point, madame Morin-Desailly, le choix s'est porté sur un département pour chaque région, en fonction de critères de diversité géographique et sociale, en prenant également en considération la présence d'une implantation militaire importante, comme dans l'Eure, le Morbihan, les Ardennes ou la Guyane.

M. Christian Cambon, président. - Nous vous remercions, monsieur le Ministre, pour vos réponses empreintes d'une grande passion. Vous aurez compris que le Parlement souhaite ne pas être mis à l'écart de l'élaboration de cette réforme capitale.

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente. - Absolument ! Nous poursuivons nos travaux sur le SNU, y compris sur le terrain. Nos inquiétudes portent principalement sur le coût du dispositif, dans un contexte budgétaire et fiscal tendu.

Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.

La réunion est close à 18 h 5.

Mercredi 6 mars 2019

- Présidence de Mme Catherine Morin-Desailly, présidente -

La réunion est ouverte à 09 h 40.

Proposition de loi en faveur de l'engagement associatif - Examen des amendements de séance au texte de la commission

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente. - Nous en venons à l'examen des amendements de séance déposés sur la proposition de loi en faveur de l'engagement associatif, sur lesquels notre rapporteur Antoine Karam va présenter ses avis. 31 amendements ont été déposés dont 20 restent à examiner.

Je vous rappelle qu'en application d'une décision du Bureau de notre assemblée, prise sous l'impulsion du Président du Sénat, nous sommes tenus d'appliquer rigoureusement les irrecevabilités de nature constitutionnelle.

Quatre amendements - les n°s 11 de notre collègue Michel Savin, 16 de notre collègue Céline Brulin, 24 de notre collègue Laurence Rossignol et 25 de notre collègue Mireille Jouve - ont été déclarés irrecevables par le président de la commission des finances au titre de l'article 40 de la Constitution, car créant ou aggravant une charge pour les finances publiques.

Le contrôle de la recevabilité au titre de l'article 45 de la Constitution relève quant à lui directement de notre commission.

En application de notre Règlement et de la jurisprudence du Conseil constitutionnel relative aux « cavaliers » législatifs, sont susceptibles d'être déclarés irrecevables les amendements qui n'ont pas de lien suffisant avec le texte déposé sur le bureau de l'Assemblée nationale.

Dans le cadre de l'examen de cette proposition de loi, qui, je vous le rappelle, a pour objet d'encourager l'exercice de responsabilités dans les associations et de favoriser l'engagement bénévole au sein de celles-ci, le rapporteur proposera à la commission de déclarer l'irrecevabilité de quatre amendements, si ces derniers ne sont pas retirés par leurs auteurs. Il s'agit plus précisément des amendements n°s 18 et 19, présentés par notre collègue Jean-Pierre Grand, et n°s 27 et 29 de notre collègue Françoise Laborde.

Notre rapporteur justifiera sa proposition au moment de l'examen de chacun d'entre eux.

Je vous rappelle que l'application des irrecevabilités par le Sénat n'a pas pour objet de brider l'initiative parlementaire - même si je peux concevoir la frustration légitime de l'auteur des amendements concernés - mais de garantir la qualité des débats afin que ces derniers demeurent centrés sur le texte. La jurisprudence du Conseil constitutionnel sur le sujet s'avère d'ailleurs particulièrement stricte.

Ce sujet revêt une importance particulière dans la perspective de l'examen prochain du projet de loi pour une école de la confiance ; le Sénat sera attendu sur sa capacité à élever le débat. L'application, stricte et juste, des irrecevabilités y participe pleinement.

Le rapporteur présente un amendement qu'il souhaite faire adopter par la commission.

M. Antoine Karam, rapporteur. - Je vous présente un amendement de nature rédactionnelle, qui réécrit les dispositions relatives à l'application de l'article 2 à Wallis-et-Futuna, en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française.

L'amendement n° 32 est adopté.

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente. - Nous en venons aux amendements de séance.

M. Antoine Karam, rapporteur. - Présenté par nos collègues du groupe CRCE, l'amendement n° 14 restreint le bénéfice de l'exception de négligence prévue au premier alinéa de l'article L. 651-2 du code commerce aux seules sociétés et associations. Cela ne me semble pas logique, puisque l'article 1er a justement pour objet d'en ouvrir le bénéfice à l'ensemble des personnes morales de droit privé, dont les associations font partie, qui sont concernées par la procédure de comblement de passif. Avis défavorable.

M. Claude Kern. - Cet amendement omet les associations d'Alsace et de Moselle, qui ne relèvent pas de la loi du 1er juillet 1901.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 14.

M. Antoine Karam, rapporteur. - L'amendement n° 21 vise à faire prendre en compte la qualité de bénévole du dirigeant associatif en matière de responsabilité pénale, pour les seuls délits. Nous avions déjà rejeté un amendement analogue lors de l'examen en commission. Avis défavorable.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 21.

M. Antoine Karam, rapporteur. - L'amendement n° 23 permet aux associations d'ouvrir une souscription pour régler les dommages-intérêts auxquels elles ont été condamnées par une décision de justice. Avis défavorable.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 23.

M. Antoine Karam, rapporteur. - L'amendement n°  26 de nos collègues Mireille Jouve et Françoise Laborde étend aux responsables d'activité le bénéfice du congé d'engagement. La notion de responsable d'activité est une notion floue, d'autant que le droit en vigueur prévoit que les dirigeants comme les personnes ayant des fonctions d'encadrement peuvent en bénéficier. Avis défavorable.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 26.

M. Antoine Karam, rapporteur. - L'amendement n° 15 rectifié permet aux salariés exerçant des responsabilités au sein d'une association de bénéficier d'aménagements d'horaires individualisés afin d'honorer leurs obligations associatives. Il existe déjà de multiples dispositifs permettant aux salariés d'exercer une activité bénévole, comme le congé d'engagement. Cette disposition créerait une contrainte majeure pour les entreprises et les administrations, qui ne tient absolument pas compte des nécessités de service. Avis défavorable.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 15 rectifié.

M. Antoine Karam, rapporteur. - L'amendement n°  8 de notre collègue Michel Savin prévoit que l'employeur rémunère, dans la limite de trois jours par an, les périodes de congé prises au titre du congé d'engagement. Je vous rappelle qu'au cours des débats de la loi relative à l'égalité et à la citoyenneté, la majorité sénatoriale avait rejeté une telle mesure, que la rémunération de ce congé constituerait une lourde charge pour les employeurs. Elle va aussi à l'encontre de la définition même du bénévolat : s'il est rémunéré, il n'est plus désintéressé.

M. Michel Savin. - J'entends bien les explications du rapporteur. Il faut cependant passer des paroles à l'acte. On ne peut plus répéter qu'il faut former correctement les bénévoles sans qu'ils bénéficient d'un congé rémunéré pour ce faire, à l'instar de ce qui existe pour les responsables syndicaux.

Mme Françoise Laborde. - Je suis très favorable à cet amendement. On demande aux bénévoles de se former davantage, encore faut-il leur en donner le temps.

Mme Sonia de la Provôté. - Je comprends l'intention de l'amendement mais il revient quand même à créer une charge supplémentaire pour l'employeur. Je ne suis pas sûre que le contexte s'y prête.

M. Jacques-Bernard Magner. - Ce souhait est légitime mais il ne correspond pas aux revendications des associations et des bénévoles. Rémunérer le bénévolat de quelque façon que ce soit, c'est le transformer profondément.

Mme Annick Billon. - Je partage les inquiétudes de ma collègue Sonia de la Provôté mais il faut garder à l'esprit que de nombreuses associations remplissent des missions de service public. Elles ont besoin pour cela de bénévoles formés.

Mme Céline Brulin. - Nous voyons d'un très bon oeil tout ce qui peut aider les bénévoles. Les freins à l'engagement se constatent partout, y compris chez les sapeurs-pompiers volontaires. Si je comprends l'intention de l'amendement, il nous faut considérer cette question d'un point de vue plus général.

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente. - Je propose d'approfondir ce débat en séance publique.

M. Jean-Pierre Leleux. - Il s'agit d'une idée qui mérite d'être creusée. À qui cette possibilité d'un congé rémunéré est-elle offerte ?

M. Michel Savin. - Il s'agit selon moi d'ouvrir cette possibilité aux personnes exerçant des responsabilités au sein d'une association : directeur, trésorier, ... Ces derniers sont parfois démunis devant les responsabilités qui sont les leurs. Faire financer par les employeurs les formations des responsables associatifs ne me semble pas détourner le bénévolat. Ce serait un signe positif en direction de ceux qui se forment aujourd'hui sur leurs congés.

Mme Samia Ghali. - Cet amendement part d'une bonne intention mais le remède qu'il propose ne résout pas le mal. Être bénévole représente un sacrifice. Si l'on rémunère, sous quelque forme que ce soit, le bénévolat, il faut être vigilant à ce que l'on ne se trouve pas face à un bénévolat de profit.

M. David Assouline. - Si le bénévolat devient une manière d'obtenir un avantage, cela me semble assez dangereux. Cet amendement me semble ouvrir la porte à des effets pervers redoutables.

M. Antoine Karam, rapporteur. - Je rappelle à mes collègues que le congé d'engagement ouvert aux bénévoles exerçant des fonctions de direction et d'encadrement, d'une durée maximale de six jours par an, peut être rémunéré si cela est prévu par la convention collective.

La commission émet un avis favorable à l'amendement n° 8.

M. Antoine Karam, rapporteur. - L'amendement n° 20 reprend avec quelques modifications un amendement déjà rejeté en commission, qui ouvre la possibilité pour un ancien salarié d'une association d'y exercer à titre bénévole. Il vise à permettre à un demandeur d'emploi d'accomplir une activité bénévole au sein d'une association ayant été préalablement son employeur, à titre accessoire et après un délai de carence. Il me semble que cette disposition ouvrirait un risque important de fraude. Avis défavorable.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 20.

M. Antoine Karam, rapporteur. - L'amendement n° 9 rectifié de notre collègue Michel Savin crée un crédit d'impôt sur le revenu au profit des salariés ayant recours au congé d'engagement associatif. Comme l'amendement précédent, il me pose un problème de principe : si le temps consacré au bénévolat donne lieu à rémunération, alors ce bénévolat n'est plus un acte gratuit et désintéressé mais une activité rémunérée. En outre, dans le contexte actuel, je ne suis pas convaincu de l'intérêt de créer une nouvelle niche sociale. De plus, il aboutirait à une rémunération différenciée entre les bénéficiaires, car ce dernier serait lié à leur rémunération principale. Avis défavorable.

M. Michel Savin. - Cet amendement poursuit le même objectif que le précédent, en ouvrant un crédit d'impôt au profit des salariés ayant recours au congé d'engagement associatif.

M. Jean-Pierre Leleux. - Là encore, je crains que cette mesure ne s'avère beaucoup trop large.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 9 rectifié.

M. Antoine Karam, rapporteur. - L'amendement n° 28 de notre collègue Françoise Laborde supprime le plafond, fixé aujourd'hui à 20 % du revenu imposable, applicable à la réduction d'impôt sur le revenu au titre des frais engagés dans le cadre d'une activité bénévole. Cet amendement omet de mentionner que l'article 200 du code général des impôts permet de reporter l'excédent sur les cinq années ultérieures. Dans ce cadre, qui me paraît satisfaisant, cet amendement me semble globalement satisfait et j'invite son auteur à le retirer. À défaut, l'avis est défavorable.

Mme Françoise Laborde. - J'ai été étonnée que mon amendement ne soit pas déclaré irrecevable au titre de l'article 40. Certes, il est globalement satisfait - mais il y a des personnes non imposables qui ne bénéficient pas de cette réduction d'impôt.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 28.

M. Antoine Karam, rapporteur. - Notre commission a fait exception à sa pratique constante à l'égard des demandes de rapport - à savoir de les supprimer de manière quasi systématique - en maintenant l'article 1er bis. Nous avons considéré qu'il s'agissait d'un sujet très technique, hors de portée du contrôle parlementaire et pour lequel nous avions besoin des lumières du Gouvernement. Je vous propose, mes chers collègues, que cette exception en demeure une et que nous continuions à appliquer notre doctrine s'agissant des demandes de rapport.

En l'espèce, l'amendement n°  10 demande au Gouvernement un rapport sur les congés à destination des bénévoles associatifs. Son auteur, notre collègue Michel Savin, reconnaîtra aisément qu'il vise essentiellement à alerter le Gouvernement à ce sujet. Avis défavorable.

M. Michel Savin. - Il existe aujourd'hui de nombreux dispositifs sur lesquels il serait intéressant que nous ayons un éclairage et une évaluation de la part du Gouvernement.

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente. - Nous pourrions demander à la Cour des comptes de réaliser une étude à ce sujet.

La commission émet un avis favorable à l'amendement n° 10.

M. Antoine Karam, rapporteur. - L'amendement n°  13 du même auteur demande au Gouvernement un rapport sur la situation de l'emploi associatif. Pour les mêmes raisons qu'évoquées pour l'amendement précédent, l'avis est défavorable.

J'ajouterai que nos collègues Jacques-Bernard Magner et Alain Dufaut ont produit récemment un rapport de grande qualité sur les conséquences de la réduction des contrats aidés sur les associations et l'emploi associatif : le Parlement peut tout à fait s'y intéresser dans l'exercice de sa fonction de contrôle.

M. Michel Savin. - Au contraire, il s'agit de donner une suite au travail de nos collègues. Il s'agit de faire prendre en compte leurs conclusions et leurs préconisations afin que l'on puisse avancer.

La commission émet un avis favorable à l'amendement n° 13.

M. Antoine Karam, rapporteur. - Je propose un avis favorable à l'amendement n° 22 qui supprime l'ajout d'un alinéa spécifique prévoyant une sensibilisation à la vie associative dès le CM2, arguant qu'il relève davantage du domaine réglementaire.

La commission émet un avis favorable à l'amendement n°  22.

M. Antoine Karam, rapporteur. - avis défavorable à l'amendement n°  7 rectifié qui est incompatible avec l'amendement n°  22.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n°  7 rectifié.

M. Antoine Karam, rapporteur. - L'amendement n°  17 supprime l'article 4, issu de l'amendement de notre collègue Roger Karoutchi. Si j'ai quelques réserves sur le bien-fondé de cet article, je suis solidaire de la position que la commission a adoptée. Pour ces raisons je propose un avis défavorable.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n°  17.

M. Antoine Karam, rapporteur. - L'amendement n°  1 rectifié corrige la contradiction entre l'objet initial de l'article 4 et le dispositif originel de notre collègue Roger Karoutchi. Si j'avais émis des réserves sur cette mesure, j'émets néanmoins un avis favorable sur cet amendement.

La commission émet un avis favorable à l'amendement n°  1 rectifié.

M. Antoine Karam, rapporteur. - L'amendement n°  19 crée une obligation d'information des anciens dirigeants d'une association en cas de changement de ses statuts et d'enregistrement de ces derniers en préfecture.

Cet amendement me semble dépourvu de lien avec les objectifs du texte, à savoir encourager l'exercice de responsabilité au sein des associations et favoriser l'engagement des bénévoles.

Je propose par conséquent à la commission de déclarer cet article irrecevable au titre de l'article 45 de la Constitution.

L'amendement n°  19 est déclaré irrecevable au titre de l'article 45 de la Constitution.

M. Antoine Karam, rapporteur. - L'amendement n°  4 rect. permet la mise à disposition de fonctionnaires au profit d'associations reconnues d'utilité publique ou exerçant une mission d'intérêt général.

Je propose un avis défavorable car la mise à disposition dans les règles actuelles risquerait de se traduire par une charge très importante pour les associations. Celles-ci seraient en effet tenues de rembourser la rémunération complète du fonctionnaire ainsi mis à disposition.

Je crois savoir que le Gouvernement réfléchit à un dispositif analogue mais plus avantageux pour les associations dans le cadre du renforcement du mécénat de compétence.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n°  4 rectifié.

M. Antoine Karam, rapporteur. - L'amendement n°  18 prévoit que la liste nominative de ses adhérents ne peut être réclamée à une association ni à l'occasion d'une demande de subvention auprès d'une collectivité ni dans le cadre du contrôle réalisé après l'obtention de celle-ci.

Cet amendement me paraissait lui aussi dépourvu de lien avec les objectifs du texte, je propose donc à la commission de le déclarer irrecevable au titre de l'article 45 de la Constitution.

L'amendement n°  18 est déclaré irrecevable au titre de l'article 45 de la Constitution.

M. Antoine Karam, rapporteur. - L'amendement n°  29 abroge l'article 4 de la loi du 2 janvier 1907 concernant l'exercice public des cultes afin de supprimer la possibilité pour une association cultuelle d'exister sous le régime de la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d'association.

Cet amendement me semblant dépourvu de lien avec les objectifs du texte, je propose de le déclarer irrecevable au titre de l'article 45 de la Constitution.

Mme Françoise Laborde. - L'application de l'article 45 de la Constitution n'est pas simple pour les uns et les autres. Le rapporteur explique que cet amendement est sans rapport avec le texte mais a pu toutefois être examiné par l'Assemblée nationale. Je pense qu'il est temps d'avoir une discussion sur ses modalités d'application, même si j'entends que cet amendement est à la limite de l'objet du texte.

M. David Assouline. - On peut estimer que cet amendement n'est pas sans lien avec le texte puisqu'il concerne les associations et peut concerner les bénévoles.

M. Antoine Karam, rapporteur. - Ce lien doit s'apprécier au regard de la finalité du texte.

La commission émet un avis favorable à l'amendement n°  29.

M. Antoine Karam, rapporteur. - L'amendement n°  27 supprime la possibilité pour les communes de mettre des locaux communaux à la disposition d'associations de nature cultuelle - tout en permettant au maire de le refuser par ailleurs ce qui est incohérent.

Comme le précédent, j'estime que cet amendement est dépourvu de lien avec les objectifs du texte. Je propose donc à la commission de le déclarer irrecevable au titre de l'article 45 de la Constitution.

Mme Françoise Laborde. - Je retire cet amendement.

L'amendement n°  27 est retiré.

Le sort de l'amendement du rapporteur examiné par la commission est retracé dans le tableau suivant :

Article 2

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

M. KARAM

CULT.1

Amendement rédactionnel

Adopté

La commission donne les avis suivants :

Article 1er

Auteur

Objet

Avis de la commission

Mme BRULIN

14

Restriction de l' «exception de négligence » aux seuls dirigeants d'associations régies par la loi du 1er juillet 1901.

Défavorable

Article additionnel après Article 1er

M. GRAND

21

Prise en compte la qualité de bénévole du dirigeant d'une association en cas de délit.

Défavorable

M. GRAND

23

Possibilité, pour une association, d'ouvrir une souscription pour l'indemnisation de dommages et intérêts à laquelle elle a été condamnée.

Défavorable

Mme JOUVE

26

Extension du congé engagement aux bénévoles responsables d'activité.

Défavorable

Article additionnel après Article 1er bis

Mme BRULIN

15 rect.

Aménagement d'horaires au profit des salariés exerçant des responsabilités au sein d'une association.

Défavorable

M. SAVIN

8 rect.

Rémunération par l'employeur d'un congé de trois jours par an pour les responsables d'association bénévoles.

Favorable

M. GRAND

20 rect.

Possibilité d'un exercice bénévole au sein d'une association pour les anciens salariés de celle-ci.

Défavorable

M. SAVIN

9 rect. bis

Crédit d'impôt sur le revenu au titre de certaines activités bénévoles exercées par les salariés.

Défavorable

Mme LABORDE

28 rect.

Déplafonnement des frais des bénévoles donnant lieu à une réduction d'impôt sur le revenu.

Défavorable

M. SAVIN

10 rect.

Demande de rapport sur les congés à destination des bénévoles associatifs.

Favorable

M. SAVIN

13 rect.

Demande un rapport sur l'emploi associatif.

Favorable

Article 2

M. GRAND

22

Suppression de la sensibilisation à la vie associative dès le CM2.

Favorable

Mme MÉLOT

7 rect. ter

Extension de la sensibilisation à la vie associative pour l'ensemble des classes de l'école primaire.

Défavorable

Article 4

Mme BRULIN

17

Suppression de l'article.

Défavorable

M. KAROUTCHI

1 rect.

Rectification d'une erreur - exemption de la limite de nombre de stagiaires pour les stages d'une durée inférieure ou égale à deux mois.

Favorable

Article additionnel après Article 4

M. GRAND

19

Information des anciens membres de l'administration d'une association de l'enregistrement en préfecture des nouveaux membres de cette administration.

Irrecevable

Article additionnel après Article 5

M. THÉOPHILE

4 rect.

Mise à disposition de fonctionnaires auprès d'associations reconnues d'utilité publique ou exerçant une mission d'intérêt général.

Défavorable

M. GRAND

18

Non divulgation de la liste nominative des adhérents d'une association lors du contrôle de celle-ci par la collectivité lui ayant attribué une subvention.

Irrecevable

Mme LABORDE

29

Suppression de la possibilité, pour les associations cultuelles, d'exister sous le régime de la loi de 1901.

Favorable

Mme LABORDE

27

Interdiction de la mise à disposition de locaux communaux pour les associations cultuelles

Retiré

La réunion est close à 10 h 26.

- Présidence de Mme Catherine Morin-Desailly, présidente -

La réunion est ouverte à 10 h 30.

Audition de Mme Bariza Khiari, vice-présidente du Conseil de l'Alliance internationale pour la protection du patrimoine dans les zones de conflit (ALIPH)

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente. - Nous avons le plaisir d'accueillir parmi nous ce matin notre ancienne collègue Bariza Khiari, présidente de l'institut des cultures de l'Islam.

Elle a également été chargée, en début d'année, de représenter la France au sein du conseil de l'Alliance internationale pour la protection du patrimoine dans les zones de conflit (ALIPH), dont elle occupe les fonctions de vice-présidente. Il s'agit d'un fonds mondial, destiné à contribuer à la sauvegarde du patrimoine culturel menacé par les conflits armés. Pour mémoire, il a été créé à l'initiative de notre pays et des Émirats arabes unis au lendemain de la conférence internationale d'Abou Dabi de décembre 2016 sur le patrimoine en danger.

Notre commission s'était intéressée de près à ces questions lors de l'examen de la loi du 7 juillet 2016 relative à la liberté de la création, à l'architecture et au patrimoine. Vous vous souvenez sans doute que l'article 56 de cette loi, inséré en cours de navette sur la base des préconisations du rapport de Jean-Luc Martinez, Président-directeur du musée du Louvre, a renforcé notre arsenal législatif afin de lutter plus efficacement contre le trafic illicite de biens culturels et donné la possibilité de créer en France des refuges pour les biens culturels menacés.

Il faut dire que la communauté internationale manque souvent de moyens pour agir de façon concrète contre les destructions de patrimoine et les pillages, au-delà des condamnations faites dans le cadre de résolutions de l'ONU ou de l'action de l'UNESCO en la matière. La mise en place de l'ALIPH, doté de plus de 70 millions de dollars en provenance de plusieurs pays et partenaires privés, pourrait marquer un tournant dans la protection du patrimoine de l'humanité.

Je vous rappelle que nous entendrons également la semaine prochaine Charles Personnaz au sujet du rapport qu'il a remis au Président de la République sur le sujet, dans lequel il propose plusieurs pistes pour renforcer l'action de la France dans la protection du patrimoine du Moyen-Orient.

Mme Bariza Khiari, vice-présidente de l'Alliance internationale pour la protection du patrimoine dans les zones de conflit. - Après avoir été sénatrice pendant treize ans, dont trois ans en tant que membre de cette commission, je suis très émue d'avoir l'opportunité de revenir parmi vous pour vous faire part de mes nouvelles missions.

L'acronyme ALIPH renvoie à la première lettre de l'alphabet arabe. En réalité, cette organisation trouve son origine au Sénat. Avec notre collègue Sylvie Robert, nous avions rédigé en 2015 une tribune publiée dans Mediapart intitulée « Faire triompher la culture contre la barbarie » pour dénoncer les destructions par Daech des oeuvres d'art du musée de Mossoul et des vestiges du patrimoine culturel de Mésopotamie, qui constitue le berceau de l'humanité. À nos yeux, il s'agissait d'autant d'atteintes au passé, à la différence et à l'humanité. J'avais compris, depuis la destruction des mausolées de Tombouctou au Mali en 2012, le caractère totalitaire de l'islam obscurantiste et intégriste, prêt à effacer les traces de sa propre civilisation pour plonger les peuples dans l'ignorance et mieux les dominer.

Nos propos ont suscité l'intérêt d'Audrey Azoulay, qui était alors conseillère du Président de la République en charge de la culture. Elle a souhaité reprendre nos idées dans un discours prononcé par François Hollande à l'UNESCO. Dans notre tribune, nous avions formulé trois propositions : d'abord, renforcer les moyens de lutte contre le trafic illicite d'objets d'art ; ensuite, créer des refuges dans des villes ou des pays pour protéger les oeuvres menacées par des conflits sous l'égide de l'UNESCO, avec l'idée de les restituer ensuite à leur pays d'origine ; enfin, créer un fonds pour la réhabilitation du patrimoine dans les zones de conflit.

Plusieurs pays ont rejoint depuis la France et les Émirats arabes unis dans ce combat : le Maroc, le Luxembourg, le Koweït, l'Arabie Saoudite et la Suisse. Cette dernière prend en charge les frais de location et les charges de notre siège, situé à Genève. Elle nous a d'ailleurs reconnu le statut d'organisation internationale. C'est ce qui explique que nous ayons du suivre une procédure contraignante pour le recrutement de notre secrétaire général. Parmi les 350 candidats qui se sont présentés, c'est un diplomate français, Valéry Freland, qui a été retenu. La présence d'un français à la tête du secrétariat de l'ALIPH me paraît utile, compte tenu de l'ingénierie culturelle de très haut niveau dont notre pays dispose.

Nous avons parfois des doutes, en tant que parlementaires, sur le devenir de nos propositions et de nos initiatives. La création de l'ALIPH est la preuve que le succès peut être au rendez-vous. Celle-ci est désormais en ordre de marche. Il faut dire que ce fut une action commune, à la fois de Sylvie Robert, membre de la commission de la culture, et de moi-même, membre de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, compte tenu de la double dimension du sujet. Nous avons également bénéficié du concours de Jean-Luc Martinez, Président-directeur du Louvre, dont les conclusions du rapport intitulé « Cinquante propositions françaises pour protéger le patrimoine de l'humanité », remis au Président de la République quelques mois après notre tribune, convergeaient avec nos propositions.

Le Président de la République, Emmanuel Macron, joue un rôle important pour convaincre d'autres chefs d'État d'engager leur pays à rejoindre l'ALIPH. La Chine nous a récemment rejoints par ce biais. Le Japon a donné son accord de principe il y a peu. Je constate que la démarche poursuivie par l'ALIPH rencontre un franc succès ; les pays y ont véritablement toute leur place. Mais, nous comptons aussi parmi nous plusieurs contributeurs privés. C'est l'une des originalités de cette organisation. Les fondations Gandur, Kaplan et Ghetty sont des soutiens très importants. Nous avons d'ailleurs souhaité que la présidence de l'ALIPH soit confiée à l'un des contributeurs privés plutôt qu'à l'un des représentants des États pour éviter les difficultés que rencontrent d'autres organisations, à l'instar de l'UNESCO. Le trio a la tête du conseil de fondation, formé du Président, Thomas Kaplan, et des deux vice-présidents, Mohamed Al Mubarak, représentant des Émirats arabes unis, et moi-même, fonctionne très bien.

L'ALIPH a déjà soutenu cinq projets depuis sa mise en place.

Le premier projet, désormais achevé, concernait la réhabilitation du monastère de Mar Benham à Kidhr dans le nord de l'Irak. La remise en état de ce monastère était hautement symbolique, Daech l'ayant détruit car il s'agissait à la fois d'un lieu de prière pour les chrétiens et de pèlerinage pour les musulmans. Les habitants du village voisin ont proposé de donner les pierres en bon état de leurs maisons pour reconstruire le monastère.

Nous avons également pour projet de restaurer le musée de Mossoul. L'étude de faisabilité a été confiée à un consortium dont le Louvre fait partie. Il s'agira d'une opération très coûteuse, qui nécessitera une levée de fonds conséquente.

Nous contribuons également à la réhabilitation du tombeau des Askia à Gao au Mali. Il s'agit d'un monument symbolique de l'architecture en terre.

Comme nous pensons être appelés à financer d'autres projets de restauration d'architectures en terre dans les années à venir, sans doute au Yemen lorsque la situation le permettra, nous avons également décidé de financer une formation sur ce sujet.

Enfin, nous avons contribué pour partie au financement de l'exposition de l'Institut du Monde arabe consacrée aux cités millénaires pour sensibiliser la jeunesse à la préservation du patrimoine.

Ces différents projets nous avaient directement été proposés par le musée du Louvre. Dorénavant, les projets que nous financerons le seront sur la base d'appels à projets. Nous avons mis en place une plateforme à cette fin. Les projets les plus lourds passeront par le filtre du comité scientifique de l'organisation, présidé par Jean-Luc Martinez. Nous conservons également des moyens pour pouvoir octroyer des aides d'urgence afin d'intervenir rapidement dans des situations de péril imminent sur le patrimoine.

Les projets soutenus par l'ALIPH sont fondamentaux pour permettre tant aux populations locales de retrouver l'accès à leur culture qu'à la jeunesse de se familiariser avec la pluralité de la sienne. L'idée est souvent répandue dans les pays musulmans qu'il n'y avait rien avant l'Islam. C'est pourquoi la réhabilitation des synagogues, des églises et autres lieux revêt un enjeu majeur pour témoigner du passé multiculturel très riche de ces pays. Je crois fermement à l'importance de se réapproprier son passé pour faciliter l'accueil de l'autre.

Mme Catherine Dumas. - Notre groupe interparlementaire d'amitié France-Chine s'est rendu en Chine en juillet 2018 et nous avons pu évoquer la protection du patrimoine. C'est une question dont nos partenaires chinois s'emparent aujourd'hui.

Quelles sont les relations entre l'ALIPH et l'UNESCO ?

M. Pierre Ouzoulias. - ALIPH c'est aussi l'alpha de l'alphabet grec et l'aleph de l'alphabet hébreu, c'est le commencement.

Votre témoignage est émouvant pour l'archéologue que je suis, qui a fouillé à Palmyre et à Bosra. Malheureusement, les destructions de vestiges archéologiques au Moyen-Orient n'ont pas pris fin avec la chute de Daech comme en témoignent les destructions de patrimoine yéménite par les Saoudiens. Il est de la responsabilité de la France de dire haut et fort que le patrimoine archéologique doit être préservé, où qu'il se trouve.

Alors que nous, archéologues français, avions été merveilleusement accueillis en Syrie lorsque nous étions venus pour des fouilles, les archéologues syriens qui ont quitté leur pays et cherché refuge en France ont été particulièrement mal accueillis. Je déplore un terrible manque de coordination entre les ministères des affaires étrangères, de la culture et de l'intérieur en ce domaine. Nous devons aussi protéger ces cerveaux, ils sont l'avenir de ce patrimoine syrien que nous allons devoir reconstruire.

M. Alain Schmitz. - Je rejoins notre collègue Pierre Ouzoulias sur le caractère essentiel du facteur humain dans la préservation du patrimoine. Je m'inquiète aussi du trafic d'objets d'art issus des pillages.

Nous avons tous été choqués par la destruction des Bouddhas de Bâmiyân en Afghanistan ...

Mme Sonia de la Provôté. - C'est dramatique !

M. Alain Schmitz. - ..., avez-vous des projets de protection du patrimoine en Afghanistan ? Notre école archéologique française y était très représentée.

Mme Annick Billon. - Quelle part de votre financement relève des entreprises privées ? Quelles sont-elles ? Ce financement est-il pérenne ?

Vous soutenez actuellement cinq projets majeurs. Quels sont vos critères de choix ?

Combien existe-t-il de villes refuges ? Quelles sont-elles ?

Mme Marie-Pierre Monier. - Je voudrais également insister sur la dimension humaine, si importante dans la préservation du patrimoine.

L'ALIPH a-t-elle aussi pour mission de dresser un état des lieux du patrimoine en péril et de proposer des mesures de protection préventive ?

Que sait-on du marché noir lié aux oeuvres d'art pillées sur les sites archéologiques ?

Quel est le montant de la contribution française à l'ALIPH ?

Mme Laure Darcos. - Cette contribution de l'État français a-t-elle un caractère pérenne ? Sur quel budget est-elle inscrite dans le projet de loi de finances ?

Quelles sont vos relations avec l'UNESCO ?

Les populations locales ont-elles conscience des enjeux de destruction de leur patrimoine ? L'ALIPH entretient-elle un dialogue avec les populations concernées ?

Mme Françoise Laborde. - Quel lien entretenez-vous avec d'autres fondations pour le choix des projets à financer ?

Mme Bariza Khiari. - En réponse à Mme Catherine Dumas, sachez que notre conseil d'administration comprend un membre chinois, parfaitement francophone, M. Wen Dayan.

Nos relations avec l'UNESCO ne sont pas toujours simples car celle-ci considère que la préservation du patrimoine fait partie intégrante de ses missions et nos modes de fonctionnement sont très différents : l'ALIPH a un mode d'organisation de type start up alors que le fonctionnement de l'UNESCO, avec le principe d'un pays - une voix, a un fonctionnement plus lourd. Par ailleurs, l'UNESCO n'intervient que sur les sites classés.

Mais nous rencontrons néanmoins régulièrement la directrice générale, Mme Audrey Azoulay, un membre de cette organisation est d'ailleurs présent au conseil d'administration de l'ALIPH ; et nous avons prévu de signer une convention de partenariat avec celle-ci. Quoi qu'il en soit, cette organisation reste un acteur incontournable compte tenu de sa richesse documentaire et de son réseau mondial, comme en témoignent les travaux sur le tombeau des Askia au Mali ou la participation de l'UNESCO dans le consortium de réhabilitation du musée de Mossoul.

Monsieur Pierre Ouzoulias, je m'engage à rencontrer les archéologues syriens sur la situation desquels vous venez de m'alerter. Ils sont la mémoire de la Syrie. Je partage votre constat : nous ne savons pas accueillir, pas plus les étudiants que les chercheurs étrangers.

L'ALIPH n'intervient ni à Alep ni à Palmyre pour ne pas cautionner le régime de Bachar el-Assad. En revanche, nous intervenons dans les zones libérées de Daech, à Raqqa par exemple. Quant au Yémen, qui connaît des destructions épouvantables, l'ALIPH et l'UNESCO envisagent d'intervenir dès que cela sera possible.

Concernant les Bouddhas de Bâmiyân qui ont été détruits, la seule possibilité de restauration consisterait à élaborer une présentation en trois dimensions selon les échanges qui ont eu lieu avec le Louvre.

En réponse à Mme Billon, nous observons que les financements privés sont aujourd'hui moins importants que ceux apportés par les États. C'est pourquoi nous avons aussi choisi de confier la présidence de l'ALIPH à un contributeur privé afin de les développer. La France et les Émirats arabes unis avancent main dans la main en se donnant du temps. Nous ne rencontrons pas de difficultés.

Les critères de sélection des projets ont été élargis à des situations de terrorisme et de guerre civile ainsi qu'à des situations d'après-conflits, le critère déterminant étant l'existence d'un patrimoine.

Concernant les villes-refuges, des locaux du Crédit municipal ont été mis à disposition par le Conseil de Paris et on constate une volonté d'implication des pays du nord de l'Europe.

S'agissant des marchés illicites, je vais demander au quai d'Orsay de réaliser un bilan de la résolution portée par la France en ce domaine.

Les populations ont d'abord conscience de la destruction des infrastructures et de leurs habitations. En Irak et en Syrie, compte tenu des niveaux d'éducation élevés, elles ont également conscience de la destruction du patrimoine. C'est pourquoi nous sommes particulièrement bien accueillis dans ces pays.

Il faut créer un écosystème touristique avec « des choses à voir ». La réhabilitation du patrimoine doit s'accompagner du développement de « petits métiers » afin de favoriser les transports et l'artisanat. Les critères de choix des projets doivent donc prendre en compte la possibilité de développer cet écosystème dans les zones concernées.

L'Humanité est faite d'identités multiples. Ces cités millénaires ont su, de tout temps, accueillir l'Autre. Il est important d'expliquer à ces jeunesses qu'elles ne viennent pas de nulle part.

S'agissant des aspects budgétaires, les crédits viennent à la fois des ministères des affaires étrangères et de la culture qui se sont engagés sur un versement unique de 30 millions d'euros. Une fois ce crédit initial épuisé, la structure devra être en mesure de trouver des financements par ses propres moyens.

L'article 42 de la loi n° 2016-1918 du 29 décembre 2016 de finances rectificative a autorisé les entreprises à déduire leurs contributions à l'ALIPH alors-même que son siège est situé en Suisse. Beaucoup d'entreprises ont fait part de leur souhait de participer à son financement et nous allons les solliciter. Les promesses s'élèvent à 100 millions d'euros dont 70 millions ont déjà été récupérés grâce à l'action de Jack Lang dont j'ai pris la suite. La France a déjà versé 15 millions d'euros cette année et nous allons demander aux autres membres de verser prochainement la deuxième partie de leur contribution. Cet argent est placé afin de produire des intérêts qui permettent de financer la structure.

Les relations avec l'UNESCO sont aujourd'hui pacifiées. Elle est seule compétente pour gérer les inscriptions au patrimoine mondial et dispose d'une expertise qui nous est précieuse.

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente. - L'Institut du monde arabe a organisé une exposition remarquable sur les Chrétiens d'Orient et Charles Personnaz, que nous auditionnerons la semaine prochaine, a réalisé un rapport de grande qualité sur le patrimoine du Moyen-Orient.

Mme Bariza Khiari. - Ce rapport est formidable. Il traite à la fois des Chrétiens d'Orient et des écoles. Je me suis intéressée depuis longtemps à l'avenir des Chrétiens d'Orient. Nous sommes à l'origine de la conférence de Paris sur les minorités. On travaille sur la réhabilitation du patrimoine des minorités. Le ministre de la culture a organisé récemment une réunion avec 130 opérateurs français et nous espérons pouvoir prochainement réaliser une rencontre similaire avec les opérateurs qui travaillent avec le quai d'Orsay.

La réunion est close à 11 h 26.