- Mercredi 4 juillet 2018
- Commission mixte paritaire sur la proposition de loi visant à garantir la présence des parlementaires dans certains organismes extérieurs au Parlement et à simplifier les modalités de leur nomination
- Commission mixte paritaire sur le projet de loi relatif aux contrôles et aux sanctions en matière de concurrence en Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie
- Commission mixte paritaire sur le projet de loi pour une immigration maîtrisée, un droit d'asile effectif et une intégration réussie
COMMISSIONS MIXTES PARITAIRES
Mercredi 4 juillet 2018
- Présidence de Mme Yaël Braun-Pivet, présidente -
La réunion est ouverte à 10 heures 30.
Commission mixte paritaire sur la proposition de loi visant à garantir la présence des parlementaires dans certains organismes extérieurs au Parlement et à simplifier les modalités de leur nomination
Conformément au deuxième alinéa de l'article 45 de la Constitution et à la demande du Premier ministre, une commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi visant à garantir la présence des parlementaires dans certains organismes extérieurs au Parlement et à simplifier les modalités de leur nomination s'est réunie à l'Assemblée nationale le mercredi 4 juillet 2018.
Elle a tout d'abord procédé à la désignation de son bureau, constitué de Mme Yaël Braun-Pivet, députée, présidente, M. Philippe Bas, sénateur, vice-président, M. Sylvain Waserman, député, rapporteur pour l'Assemblée nationale et M. Loïc Hervé, sénateur, rapporteur pour le Sénat.
La commission mixte paritaire a ensuite procédé à l'examen des dispositions restant en discussion.
M. Loïc Hervé, sénateur, rapporteur pour le Sénat. - Issue d'une initiative conjointe du président du Sénat et du président de l'Assemblée nationale, la proposition de loi soumise à la commission mixte paritaire vise à garantir la présence des parlementaires dans certains organismes extérieurs, également désignés sous l'acronyme « OEP », et à simplifier les modalités de leur nomination.
Elle a été adoptée le 24 mai dernier par l'Assemblée nationale, après engagement de la procédure accélérée, puis le 12 juin par le Sénat, par le biais de la procédure de législation en commission, qui a d'ailleurs très bien fonctionné.
De nombreuses concertations ont été menées : j'ai moi-même consulté l'ensemble des organismes extraparlementaires concernés et reçu près de quatre-vingts contributions écrites.
Nous avons échangé de manière constructive avec M. Sylvain Waserman, rapporteur pour l'Assemblée nationale, afin de vous proposer un texte de compromis.
Il me semble essentiel de réussir cette commission mixte paritaire, notamment parce que, depuis le 1er juillet dernier, seule la loi peut prévoir la présence d'un député ou d'un sénateur dans un organisme extraparlementaire, conformément à la loi organique pour la confiance dans la vie politique du 15 septembre 2017.
Il s'agit de mieux respecter le principe de séparation des pouvoirs, en reprenant une initiative du président du Sénat qui ne nomme plus de sénateurs dans les organismes extraparlementaires institués par voie réglementaire depuis le mois d'octobre 2016.
Il s'agit aussi de rappeler que les organismes extraparlementaires sont nécessaires à l'exercice de nos missions constitutionnelles, afin de mieux contrôler l'action du Gouvernement (avec le Conseil de l'immobilier de l'État, par exemple), d'évaluer les politiques publiques (avec notamment les conseils d'administration de l'École nationale d'administration ou de l'Agence française de développement), et de permettre aux organismes concernés de mieux appréhender les aspirations de nos concitoyens (au travers de l'Observatoire de la laïcité par exemple).
De même, il est opportun de clarifier les modes de désignation des parlementaires dans les organismes extérieurs et de garantir le respect des principes de parité et de pluralisme.
Les deux assemblées ont entamé une démarche de rationalisation des organismes extraparlementaires. Revenons quelques instants sur les textes adoptés par chacune d'elle.
Dans le texte de l'Assemblée nationale, 175 organismes extraparlementaires étaient retenus, contre 202 actuellement, soit une baisse de 13,4 % par rapport à aujourd'hui.
Dans le texte du Sénat, la présence de parlementaires dans 164 organismes était approuvée, soit une baisse de près de 19 % par rapport à aujourd'hui.
L'exercice n'est pas facile : lors de mes travaux, j'ai pu constater l'attachement des parties prenantes à la présence de parlementaires au sein des organismes extérieurs, même lorsque ceux-ci ne se sont pas - ou peu - réunis depuis plusieurs années.
Le texte adopté par le Sénat comprend 93 articles : 46 articles ont été adoptés conformes par les deux assemblées (soit environ la moitié du texte), 11 articles ont été adoptés par le Sénat sous réserve d'ajustements rédactionnels acceptés par le Gouvernement et 18 articles ont été adoptés par le Sénat avec modifications, autres que rédactionnelles, également acceptées par le Gouvernement.
Le texte que nous proposons à la commission mixte paritaire avec mon collègue rapporteur Sylvain Waserman vise à concilier les apports respectifs de l'Assemblée nationale et du Sénat.
Le nombre total d'organismes extraparlementaires s'élèverait à 173, soit une diminution de 14,4 % par rapport à aujourd'hui.
Conformément au souhait de l'Assemblée nationale, la présence de parlementaires serait maintenue dans des organismes comme le Conseil national des professions du spectacle et le Comité national de l'initiative française pour les récifs coralliens. De même, j'ai accepté de revenir sur la fusion du Haut Conseil à la vie associative et du Comité consultatif du Fonds pour le développement de la vie associative, les parties prenantes n'étant pas prêtes pour un tel mouvement.
Nous avons également travaillé avec M. Sylvain Waserman sur la date d'entrée en vigueur du texte, notamment pour les organismes extraparlementaires de rang législatif qu'il est proposé de supprimer et pour le pouvoir de sanction de l'Autorité de contrôle des nuisances aéroportuaires (ACNUSA).
Sur proposition du Sénat, plusieurs organismes extraparlementaires devenus obsolètes seraient supprimés, comme le Comité de suivi de la loi sur la refondation de l'école de la République ou le Comité de suivi de la loi du 5 mars 2009 relative à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision.
En revanche, la présence de parlementaires serait désormais prévue dans deux organismes stratégiques : le Conseil national de l'air et le conseil d'administration de l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU).
Des suppléants siègeraient également dans divers organismes, tels que le Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres ou la Commission nationale d'évaluation des politiques de l'État outre-mer.
Enfin, nous avons trouvé un compromis pour mieux associer les parlementaires aux travaux des commissions départementales de la coopération intercommunale (CDCI), sur le modèle de ce qui existe pour les commissions départementales chargées de donner un avis sur la répartition de la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR). Cette proposition nous permet de tirer les conséquences des lois de février 2014 limitant le non-cumul des mandats et de permettre aux parlementaires de disposer des informations nécessaires dans les départements où ils sont élus pour faire leur travail de la meilleure manière.
M. Sylvain Waserman, député, rapporteur pour l'Assemblée nationale. - Pour ne pas être redondant avec ce qu'a fort justement dit mon collègue du Sénat, je reviendrai brièvement sur les sujets de négociation les plus critiques et sensibles pour vous montrer que le compromis que nous vous proposons résulte d'un bel exercice de travail collectif et constitue une solution équilibrée.
En premier lieu, sur les treize demandes de suppression d'organismes que formulait le Sénat, nous en avons accepté quatre, après consultation des parlementaires susceptibles d'être concernés.
En deuxième lieu, nous avons également accepté les trois demandes de création de nouveaux organismes extraparlementaires, dont celle, particulièrement sensible, des CDCI. Sur ce sujet, alors que le Gouvernement craignait de voir trop de parlementaires siéger dans ces organismes, nous avons adopté une solution médiane entre votre proposition et notre position initiale, en s'inspirant de ce qui se pratique pour les commissions compétentes en matière de DETR. Je salue, à ce propos, le travail de convergence entrepris par l'Assemblée nationale, le Sénat et aussi le Gouvernement.
En troisième lieu, nous avons accepté de revoir notre position sur la question, également sensible, de la Commission supérieure du numérique et des postes.
En dernier lieu, s'agissant de l'entrée en vigueur de ces dispositions, nous souhaitions ne pas fragiliser les nominations déjà effectuées, certains parlementaires ayant déjà communiqué, dans leur circonscription, sur leur participation à tel ou tel organisme. Le Sénat a accédé à notre demande et je m'en félicite.
Au final, la solution que nous vous proposons me paraît très équilibrée, fruit d'un travail de rapprochement entre nos positions initiales respectives. Je remercie mon collègue sénateur de l'ambiance constructive qui a présidé à nos échanges et de la qualité du travail que nous avons pu accomplir grâce à lui.
Mme Yaël Braun-Pivet, députée, présidente. Je félicite, en votre nom et je crois pouvoir y associer le président Philippe Bas, les deux rapporteurs pour leur travail et cette proposition de compromis.
L'article 1er est adopté dans la rédaction du Sénat.
L'article 1er bis est adopté dans la rédaction du Sénat, sous réserve d'une modification rédactionnelle.
Article 2
L'article 2 est adopté dans la rédaction du Sénat, sous réserve d'une modification rédactionnelle.
Article 3
L'article 3 est adopté dans la rédaction du Sénat, sous réserve d'une modification rédactionnelle.
Article 6
L'article 6 est adopté dans la rédaction de l'Assemblée nationale.
Article 8
L'article 8 est adopté dans la rédaction du Sénat.
Article 9
L'article 9 est adopté dans la rédaction du Sénat.
Article 10
L'article 10 est adopté dans la rédaction du Sénat, sous réserve de modifications rédactionnelles.
Article 11
L'article 11 est adopté dans la rédaction du Sénat.
Article 12
L'article 12 est adopté dans la rédaction du Sénat.
Article 14
L'article 14 est adopté dans la rédaction du Sénat.
Article 19 (supprimé)
L'article 19 est supprimé.
Article 19 bis
L'article 19 bis est adopté dans la rédaction du Sénat.
Article 20
L'article 20 est adopté dans la rédaction du Sénat.
Article 23
L'article 23 est adopté dans la rédaction du Sénat.
Article 26
L'article 26 est adopté dans la rédaction de l'Assemblée nationale, sous réserve d'une modification rédactionnelle.
Article 27
L'article 27 est adopté dans la rédaction de l'Assemblée nationale.
Article 28
L'article 28 est adopté dans la rédaction du Sénat.
Article 29
L'article 29 est adopté dans la rédaction du Sénat.
Article 34 bis
L'article 34 bis est adopté dans la rédaction de l'Assemblée nationale.
Article 34 quater
L'article 34 quater est adopté dans la rédaction du Sénat.
Article 36
L'article 36 est adopté dans la rédaction du Sénat.
Article 38
L'article 38 est adopté dans la rédaction du Sénat.
Article 39
L'article 39 est adopté dans la rédaction de l'Assemblée nationale.
Article 40 bis
L'article 40 bis est adopté dans la rédaction du Sénat.
Article 41
L'article 41 est adopté dans la rédaction de l'Assemblée nationale.
Article 43
L'article 43 est adopté dans la rédaction du Sénat.
Article 46
L'article 46 est adopté dans la rédaction du Sénat.
Article 47
L'article 47 est adopté dans la rédaction du Sénat.
Article 48
L'article 48 est adopté dans la rédaction du Sénat.
Article 50
L'article 50 est adopté dans la rédaction du Sénat.
Article 52 bis
L'article 52 bis est adopté dans la rédaction du Sénat.
Article 56
L'article 56 est adopté dans la rédaction du Sénat.
Article 57 (pour coordination)
L'article 57, adopté conforme par les deux assemblées, est rappelé pour coordination.
Il est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission mixte paritaire.
Article 58 (pour coordination)
L'article 58, adopté conforme par les deux assemblées, est rappelé pour coordination.
Il est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission mixte paritaire.
Article 60 (supprimé)
L'article 60 est supprimé.
Article 62
L'article 62 est adopté dans la rédaction du Sénat.
Article 64
L'article 64 est adopté dans la rédaction du Sénat.
Article 65 bis
Mme Yaël Braun-Pivet, députée, présidente. - Il s'agit de la proposition de compromis évoquée par les rapporteurs dans leurs propos liminaires, consistant à s'inspirer, pour les commissions départementales de la coopération intercommunale (CDCI), du modèle des commissions compétentes en matière de dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR).
L'article 65 bis est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission mixte paritaire.
Article 68
L'article 68 est adopté dans la rédaction du Sénat.
Article 69
L'article 69 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission mixte paritaire.
Article 69 bis
L'article 69 bis est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission mixte paritaire.
Article 72
L'article 72 est adopté dans la rédaction du Sénat.
Article 72 bis
L'article 72 bis est adopté dans la rédaction du Sénat.
Article 74 bis
L'article 74 bis est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission mixte paritaire.
Article 76
L'article 76 est adopté dans la rédaction du Sénat.
Article 77 bis
L'article 77 bis est adopté dans la rédaction du Sénat.
Article 78
L'article 78 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission mixte paritaire.
M. Jean-Yves Leconte, sénateur. - Je souhaiterais tout d'abord me réjouir de la réussite de cette commission mixte paritaire.
Je voudrais ensuite souligner un regret que j'ai déjà exprimé en séance publique lors de l'examen de la proposition de loi au Sénat : les Français de l'étranger apparaissent comme les oubliés de ce texte.
En effet, le Sénat a fait très attention aux commissions départementales de la coopération intercommunale (CDCI), qui sont un sujet de préoccupation majeure pour les élus de la haute assemblée. Mais, pour les Français de l'étranger, il a été considéré que les commissions compétentes en matière de bourses scolaires et d'action sociale ne méritaient pas la présence de parlementaires. Or, ces derniers jouaient un rôle de vigie sur des budgets importants - les bourses scolaires en faveur des Français établis hors de France représentent ainsi plus de 100 millions d'euros.
Je souhaiterais, en outre, souligner la contradiction suivante : depuis 2016, le président du Sénat ne nomme plus de sénateurs dans les organismes extérieurs prévus par un texte règlementaire, position qui n'a pas été partagée par le président de l'Assemblée nationale. Compte tenu des dispositions transitoires de la loi organique pour la confiance dans la vie politique du 15 septembre 2017, des députés pourront continuer à siéger dans un certain nombre d'organismes extérieurs pendant quatre ans, tandis que le Sénat ne pourra y désigner de représentants !
Mme Yaël Braun-Pivet, députée, présidente. - Je vous remercie et mets aux voix le texte qui nous est proposé.
La commission mixte paritaire adopte, ainsi rédigées, l'ensemble des dispositions restant en discussion de la proposition de loi visant à garantir la présence des parlementaires dans certains organismes extérieurs au Parlement et à simplifier les modalités de leur nomination.
La réunion est close à 10 heures 50.
- Présidence de Mme Yaël Braun-Pivet, présidente -
La réunion est ouverte à 11 heures.
Commission mixte paritaire sur le projet de loi relatif aux contrôles et aux sanctions en matière de concurrence en Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie
Conformément au deuxième alinéa de l'article 45 de la Constitution et à la demande du Premier ministre, une commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif aux contrôles et aux sanctions en matière de concurrence en Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie s'est réunie à l'Assemblée nationale le mercredi 4 juillet 2018.
Elle a tout d'abord procédé à la désignation de son bureau, constitué de Mme Yaël Braun-Pivet, députée, présidente, M. Philippe Bas, sénateur, vice-président, Mme Catherine Kamowski, députée, rapporteure pour l'Assemblée nationale et Mme Catherine Troendlé, sénateur, rapporteur pour le Sénat.
La commission mixte paritaire a ensuite procédé à l'examen des dispositions restant en discussion.
Mme Yaël Braun-Pivet, députée, présidente. - Le projet de loi au sujet duquel nous sommes réunis a été déposé au Sénat le 28 février dernier. Il a été adopté successivement par les deux assemblées le 10 avril et le 28 juin.
Je donne la parole aux rapporteures qui semblent parvenues à un accord, en commençant par Mme Catherine Troendlé au nom du Sénat.
Mme Catherine Troendlé, sénateur, rapporteur pour le Sénat. - Ce projet de loi concerne essentiellement les pouvoirs d'enquête de l'autorité polynésienne de la concurrence (APC), qui relèvent du législateur national dans la mesure où ils peuvent porter atteinte aux libertés individuelles. Le Sénat a adopté à mon initiative deux dispositions additionnelles, inspirées par les auditions réalisées pour préparer l'examen du texte.
Il s'agit tout d'abord de donner à l'Autorité nationale de la concurrence et à l'APC la possibilité de coopérer dans le cadre d'enquêtes en matière de pratiques anticoncurrentielles. Elles ne le peuvent pas actuellement ; c'est un oubli qu'il convient de réparer.
Nous avons ensuite voulu rétablir dans la loi du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique l'obligation de transmettre à la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) les déclarations d'intérêts et de patrimoine des membres, directeurs généraux et secrétaires généraux des autorités administratives indépendantes que peuvent créer la Polynésie française, mais également la Nouvelle-Calédonie, par parallélisme des formes avec les règles applicables dans le cadre national. La disposition applicable aux membres et personnels des autorités ultramarines avait été supprimée involontairement par la loi du 9 décembre 2016, dite « Sapin 2 », relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique.
Outre des modifications rédactionnelles ne soulevant aucune difficulté, la commission des Lois de l'Assemblée nationale a également ajouté deux éléments au texte en navette.
Elle a d'abord assujetti aux obligations déclaratives auprès de la HATVP les rapporteurs généraux des autorités administratives indépendantes créées par la Polynésie française et la Nouvelle-Calédonie, alors qu'une telle obligation n'existe pas au niveau national pour le rapporteur général de l'Autorité de la concurrence. Cette disposition me gêne car elle entraîne une rupture d'égalité.
L'Assemblée nationale a ensuite adopté un nouvel article 4 étendant à l'Autorité de la concurrence de la Nouvelle-Calédonie (ACNC) certains pouvoirs d'enquête en matière de pratiques anticoncurrentielles. Là encore je trouve ces dispositions juridiquement perfectibles. J'ai toutefois entendu la présidente de cette autorité, qui m'a convaincue de l'urgence à les adopter pour permettre le bon accomplissement de ses missions. Je me range à cette idée même s'il y avait sans doute, de mon point de vue, de meilleures méthodes pour atteindre le but recherché.
Mme Catherine Kamowski, députée, rapporteure pour l'Assemblée nationale. - Je vais m'astreindre à une certaine brièveté dans mon intervention car ce projet de loi ne suscite ni difficulté, ni opposition. L'Assemblée nationale l'a d'ailleurs adopté à l'unanimité, je crois qu'il en a été de même au Sénat.
Le principal objet de ce texte consiste en la ratification de l'ordonnance du 9 février 2017 relative au droit de la concurrence en Polynésie française, qui vient apporter des compléments à la loi du pays dans les domaines restés de la compétence de l'État. Il n'y a aucune réserve à formuler, tant et si bien que nos deux assemblées ont d'ores et déjà voté cette ratification conforme. La promulgation devra intervenir avant le 10 août prochain pour respecter les prescriptions de l'article 74-1 de la Constitution.
La commission mixte paritaire est donc exclusivement saisie des apports du Sénat et de l'Assemblée nationale.
L'article 2, introduit par le Sénat à l'initiative de son rapporteur et modifié à la marge par l'Assemblée nationale, traite des voies et délais de recours contre les décisions de l'Autorité polynésienne de la concurrence. C'est une matière réglementaire, mais le Sénat s'est ému - à juste titre à mon sens - du retard du Gouvernement dans la publication du décret d'application. C'est une décision pragmatique que les députés ont pleinement soutenu ; nous demanderons à la commission mixte paritaire de faire de même.
L'article 3 a également été introduit dans le projet de loi au Sénat. Il soumet aux obligations de déclaration auprès de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique les membres du collège ainsi que les directeurs généraux et secrétaires généraux de l'Autorité polynésienne de la concurrence. À nouveau, le Sénat a fait preuve de pragmatisme en étendant cette obligation à l'Autorité de la concurrence de la Nouvelle-Calédonie, bien qu'elle ne soit pas dans le périmètre initial de l'ordonnance. C'est, encore une fois, une démarche bienvenue que l'Assemblée nationale a soutenue.
Les députés ont souhaité que soient également concernés les rapporteurs généraux des deux autorités, qui disposent de prérogatives notables et qui n'étaient pas mentionnés car la disposition légale relative à l'Autorité nationale de la concurrence, dont s'inspire l'article 3, souffre d'une malfaçon depuis la loi « Sapin 2 ». Lors de nos échanges, il est apparu que le Sénat souhaitait que les corrections soient effectuées en bloc et non pas à pas. C'est une option que nous n'avions pas privilégiée mais à laquelle nous pourrions probablement nous rallier.
Enfin, l'article 4 résulte d'amendements identiques portés par M. Philippe Gomès et moi-même afin, toujours par pragmatisme, de profiter du projet de loi pour pallier un manque dont souffre l'Autorité de la concurrence de la Nouvelle-Calédonie. Les procédures et techniques d'enquête en droit national de la concurrence n'ont pas été étendues à la Nouvelle-Calédonie depuis 2009, d'où des difficultés ressenties sur le terrain. L'Assemblée nationale a opportunément souhaité procéder à ces extensions. Je crois que ceci ne pose pas de difficulté majeure à nos collègues sénateurs.
Je vous invite donc à conclure un accord sur ces bases.
Je conclus cette intervention en remerciant le rapporteur du Sénat, Catherine Troendlé, avec qui les échanges ont été fructueux comme vous pouvez en juger, puisque nous sommes parvenues, sous l'autorité bienveillante de nos présidents de commission respectifs, à aplanir les différences d'appréciation de nos deux assemblées pour sceller un accord profitable à tous, en Polynésie française comme en Nouvelle-Calédonie.
Mme Maina Sage, députée. - La ratification de l'ordonnance est très attendue et il est important de parvenir à un accord, d'autant plus que la date limite pour y procéder approche. Ce texte est une bonne opportunité pour régler les difficultés rencontrées en Nouvelle-Calédonie et les ajouts proposés ne me semblent pas constituer des cavaliers législatifs. Je relève d'ailleurs que l'article 3 mentionnait déjà la Nouvelle-Calédonie dans sa rédaction issue du Sénat.
Au nom de mes collègues Philippe Gomès et Philippe Dunoyer, je tiens à rappeler que les lois du pays de nos territoires prévoient déjà les évolutions que nous introduisons dans ce texte.
Sur l'exclusion des rapporteurs généraux du périmètre de contrôle de la Haute Autorité, j'entends l'argument du parallélisme des formes.
En ce qui concerne la coopération avec l'Autorité de la concurrence nationale, il faut veiller à ce que cette modification respecte bien le droit calédonien. Lorsque nous avions procédé à cette adaptation en Polynésie française, nous nous étions assurés que la loi du pays le permettait. Est-ce bien le cas en Nouvelle-Calédonie ?
Mme Catherine Troendlé, sénateur, rapporteur pour le Sénat. - Je vous confirme que c'est bien le cas.
M. Philippe Gosselin, député. - Je crois que le besoin d'adaptation des textes est avéré aussi bien en Polynésie française qu'en Nouvelle-Calédonie. Durant la précédente législature, M. Philippe Gomès et moi avions essayé de porter ces évolutions : nous n'y étions pas parvenus faute de vecteur législatif. Au plan politique, il y avait pourtant déjà consensus.
Il me semble qu'il ne faut pas attendre un hypothétique texte législatif pour procéder aux nécessaires évolutions en Nouvelle-Calédonie alors même que les besoins sont immédiats.
Mme Yaël Braun-Pivet, députée, présidente. - Lors de mon accession à la présidence de la commission des Lois, Mme Sage avait attiré mon attention sur la rareté des vecteurs législatifs concernant les territoires ultramarins. Nous avons bien une opportunité aujourd'hui.
Mme Catherine Troendlé, sénateur, rapporteur pour le Sénat. - Je vous rejoins complètement sur la difficulté à trouver un vecteur législatif. Dès l'automne prochain, je compte déposer une proposition de loi pour compléter le dispositif que nous examinons aujourd'hui concernant la Nouvelle-Calédonie.
Lors de nos débats sur la loi du 28 février 2017 de programmation relative à l'égalité réelle outre-mer et portant autres dispositions en matière sociale et économique, nous avions interrogé la ministre des outre-mer, relevant qu'il serait sans doute pertinent de disposer d'un rendez-vous législatif régulier au lieu d'attendre une loi de grande ampleur tous les cinq ans. Elle a semblé partager cette idée.
Mme Maina Sage, députée. - Les députés ultramarins demandent de façon récurrente un rendez-vous annuel dédié aux outre-mer. Dans le cadre de la révision constitutionnelle, il est prévu un rendez-vous annuel pour les ratifications prises sur le fondement de l'article 73 ; il me semble qu'il faudrait étendre ce dispositif.
Mme Yaël Braun-Pivet, députée, présidente. - Je crois que nous convenons tous de la nécessité d'échéances régulières.
Je vous propose d'entamer sans plus attendre l'examen des dispositions restant en discussion.
L'article 2 est adopté dans la rédaction de l'Assemblée nationale.
L'article 3 est adopté dans la rédaction du Sénat.
L'article 4 est adopté dans la rédaction de l'Assemblée nationale.
L'intitulé est adopté dans la rédaction de l'Assemblée nationale.
La commission mixte paritaire adopte, ainsi rédigées, l'ensemble des dispositions restant en discussion du projet de loi relatif aux contrôles et aux sanctions en matière de concurrence en Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie.
La réunion est close à 11 h 25.
- Présidence de Mme Yaël Braun-Pivet, présidente -
La réunion est ouverte à 11 heures 30.
Commission mixte paritaire sur le projet de loi pour une immigration maîtrisée, un droit d'asile effectif et une intégration réussie
Conformément au deuxième alinéa de l'article 45 de la Constitution et à la demande du Premier ministre, une commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi pour une immigration maîtrisée, un droit d'asile effectif et une intégration réussie s'est réunie à l'Assemblée nationale le mercredi 4 juillet 2018.
Elle a tout d'abord procédé à la désignation de son bureau, constitué de Mme Yaël Braun-Pivet, députée, présidente, M. Philippe Bas, sénateur, vice-président, Mme Elise Fajgeles, députée, rapporteure pour l'Assemblée nationale, et M. François-Noël Buffet, sénateur, rapporteur pour le Sénat.
La commission mixte paritaire a ensuite procédé à l'examen des dispositions restant en discussion.
M. François-Noël Buffet, sénateur, rapporteur pour le Sénat. - Je me bornerai à formuler de brèves observations, compte tenu de l'impossibilité dans laquelle nous nous sommes trouvés, ma collègue rapporteure de l'Assemblée nationale et moi-même, de parvenir à un compromis, malgré le travail approfondi que nous avons mené ensemble, au cours d'échanges courtois et sincères. Je tiens à saluer le dialogue constructif engagé avec l'Assemblée nationale et à remercier en particulier les présidents de nos deux commissions avec lesquels nous avons longuement et résolument travaillé à un accord.
Le Sénat a constaté, au moment de se saisir du texte adopté par l'Assemblée nationale, que deux éléments majeurs, au moins, faisaient défaut : d'une part, un réel renforcement de la lutte contre l'immigration irrégulière et, d'autre part, un traitement complet de la problématique de l'intégration. Je n'évoque pas ici les sujets relevant de la compétence de l'Union européenne, ni les enjeux budgétaires, qui ne pouvaient être traités dans le projet de loi qui nous réunit, alors même qu'ils conditionnent la mise en oeuvre effective des dispositions votées par le législateur.
Tirant les conséquences de ces manques et refusant un texte qui se limiterait à une simple panoplie de mesures techniques, le Sénat a élaboré un contre-projet plus cohérent, plus ferme et plus réaliste. Il a ainsi substantiellement réécrit le projet de loi transmis par l'Assemblée nationale et adopté un texte qui propose des choix structurants pour une politique migratoire efficace. Il en est résulté des divergences de points de vue entre les deux assemblées qui nous sont apparues irréconciliables, nous empêchant de soumettre à votre approbation une proposition de compromis sur l'ensemble du texte.
Mme Élise Fajgeles, députée, rapporteure pour l'Assemblée nationale. - Je rappellerais avant toute chose l'esprit qui avait animé notre travail en première lecture. Il consistait à trouver un équilibre sur ces sujets épineux qui traitent aussi bien de l'accueil des demandeurs d'asile que de l'intégration des étrangers sur notre territoire en passant par la reconduite des personnes sans titre de séjour.
C'est cet équilibre nécessaire qui avait conduit la majorité de l'Assemblée nationale à enrichir, en première lecture, le contenu de ce projet de loi de plusieurs avancées importantes, comme la généralisation des centres d'accueil et d'examen des situations (CAES) en vue d'un meilleur accueil avant l'enregistrement de la demande d'asile, l'augmentation des garanties accordées aux demandeurs d'asile tout au long du traitement de leur demande, la redéfinition du séquençage de la rétention administrative, une meilleure prise en compte de la situation des personnes vulnérables à l'occasion de non-admissions à la frontière terrestre, le renforcement du rôle du juge judiciaire dans la sanction des étrangers délinquants ou criminels, la limitation du périmètre du délit d'aide à l'entrée et au séjour irrégulier ou la possibilité pour les demandeurs d'asile de travailler au bout de six mois pour une meilleure intégration par le travail.
Tous ces sujets ont fait l'objet d'importantes modifications de la part du Sénat, qui a notamment rendu les CAES expérimentaux, entièrement réécrit le séquençage de la rétention et supprimé le travail à six mois.
Même si, sur ces points, un compromis aurait certainement pu être trouvé, d'autres, en revanche, remettaient clairement en question l'équilibre du texte, tels que l'introduction d'un vote parlementaire sur le nombre d'étrangers admis au séjour, par catégories, pour les trois années à venir, la suppression de l'article 1er relatif à la délivrance de titres pluriannuels aux apatrides et bénéficiaires de la protection subsidiaire, le durcissement des conditions de réunification et de regroupement familial ou encore la suppression de l'aide médicale d'État.
Aussi, malgré notre volonté d'aboutir et de trouver des solutions pragmatiques pour rendre plus effectif le droit d'asile en France et plus efficaces les procédures de reconduite à la frontière, il nous est apparu impossible de parvenir à un texte commun sans remettre en cause l'équilibre global que nous avions trouvé en première lecture.
Je remercie mon collègue François-Noël Buffet pour la qualité des échanges que nous avons noués ainsi que la présidente de la commission des Lois de l'Assemblée nationale et le président de celle du Sénat sous l'égide desquels ils se sont déroulés.
M. Jean-Yves Leconte, sénateur. - Il n'est pas ici question de rouvrir une discussion générale sur le sujet, compte tenu des écarts constatés entre les textes adoptés par chaque assemblée.
Je veux néanmoins saluer certaines avancées apportées par le Sénat que je serais heureux de voir confirmées par l'Assemblée nationale : la suppression d'une orientation directive sans garantie d'hébergement ; le maintien à trente jours du délai pour former un recours devant la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) en lieu et place du mécanisme, plus complexe, adopté par l'Assemblée nationale ainsi que la disposition adoptée à l'initiative de notre collègue Alain Richard permettant d'encadrer les conditions d'accès à l'aide juridictionnelle afin qu'elle n'allonge pas les délais d'examen des demandes ; l'encadrement du placement en rétention des mineurs accompagnant leur famille, même si nous aurions souhaité, pour notre part, une interdiction pure et simple.
À cet égard, il me paraît important que chacun prenne bien conscience que la France, à la différence d'autres pays européens, parie sur l'éloignement par le placement en centre de rétention administrative (CRA). Tel n'est pas le choix, par exemple, de l'Allemagne qui parvient à faire mieux que nous en ayant moins recours à la rétention. Je pense que le « tout rétention » n'est pas le bon vecteur d'amélioration de notre système.
Je souhaite également appeler votre attention sur la question des obligations de quitter le territoire français en détention, qui a fait l'objet d'un amendement du Gouvernement et sur laquelle j'avais formulé une proposition alternative. De mon point de vue, l'amendement du Gouvernement ne permet pas de répondre totalement à la censure du Conseil constitutionnel. Je vous invite donc à regarder attentivement ce sujet pour faire en sorte que l'administration procède aux diligences nécessaires afin que la personne sortant de prison n'aille pas en rétention et puisse être expulsée immédiatement. De ce point de vue, les dispositions proposées par le Gouvernement et adoptées par le Sénat mériteraient, selon moi, d'être améliorées.
Enfin, je regrette que, sur la problématique de l'attractivité de notre pays pour les étudiants étrangers, le Gouvernement ait été trop réservé et la majorité sénatoriale quelque peu nostalgique de la « circulaire Guéant », si l'on en juge par les amendements adoptés sur le sujet à l'initiative de nos collègues du groupe Les Républicains.
En définitive, si aucun des deux textes ne me paraît satisfaisant, l'Assemblée nationale pourrait, à tout le moins, prendre en compte certains des apports bienvenus du Sénat.
M. Éric Coquerel, député. - Je dois avouer que les déclarations liminaires des deux rapporteurs ne me surprennent guère.
Je constate que le Sénat a aggravé le caractère « répressif » de la loi, même s'il est vrai que certaines des évolutions qu'il a adoptées, comme le maintien des délais de recours devant la CNDA ou l'interdiction du placement en rétention des mineurs isolés et la limitation de la durée de rétention des mineurs accompagnant leur famille, insufflent un peu d'humanité dans ce projet de loi.
Quoi qu'il en soit, ce constat et les propos que j'ai entendus ne devraient pas donner à penser que le texte adopté par l'Assemblée nationale en première lecture serait plus équilibré que celui du Sénat, alors qu'il demeure, à mes yeux, toujours aussi déséquilibré, inhumain et inefficace, faute d'apporter des réponses aux questions soulevées par l'immigration actuelle.
Je me satisferai donc assez bien de l'échec de cette commission mixte paritaire, qui permettra à ceux qui le souhaitent de poursuivre leur mobilisation face à ce texte et leur opposition à son adoption définitive.
M. Philippe Bonnecarrère, sénateur. - Je veux d'abord à mon tour remercier les présidents des deux commissions des lois ainsi que les rapporteurs dont je suis convaincu qu'ils ont fait tous les efforts nécessaires pour essayer de trouver une solution permettant de faire aboutir cette CMP. Parallèlement, nous devons faire un constat d'échec. Il n'y a bien sûr pas d'obligation de résultats pour une CMP, chacun assemblée étant libre de ses choix - et nos institutions règlent cette question aisément.
L'absence d'accord a cependant une signification un peu particulière sur ce sujet. Premièrement, le groupe centriste du Sénat avait approuvé le texte issu de nos débats en première lecture pour permettre d'avancer sur ce sujet difficile. Nous avions indiqué nettement que nous soutenions ce qui était selon nous une proposition, une base de négociation en vue de la CMP, et non un contre-projet. Nous avions fermement exprimé notre souhait d'un accord en CMP et inscrit cette perspective comme le motif de notre vote. Aussi regrettons-nous l'échec de cette CMP. Lorsque le texte reviendra devant le Sénat, cette situation nous conduira probablement à modifier notre vote.
Deuxièmement, c'est un échec sur un texte particulier en raison du poids humain, juridique et politique des enjeux de l'asile et des migrations. Nous sommes sur un sujet largement européen qui ne peut être abordé de façon satisfaisante dans un cadre strictement franco-français. Alors que les pays européens sont très divisés, ils ont fait l'effort de rechercher un accord, et celui intervenu il y a quelques jours, même imparfait, permet une expression européenne commune. C'est important pour l'opinion publique qui perçoit ainsi un cap, une forme de volonté. Je regrette que l'Assemblée et le Sénat n'aient pu réaliser ce que les pays d'Europe, bien que plus divisés que nous ne le sommes, sont pourtant parvenus à accomplir.
Troisièmement et dernièrement, je crains que les conséquences de l'échec de cette CMP ne soient finalement négatives pour tout le monde. Il n'y aura pas de gagnants, seulement des perdants : le Gouvernement, bien sûr, dont le texte, même pour des élus bienveillants à son égard, a aussi bien des faiblesses - si l'on pouvait répondre à des problèmes aussi complexes et douloureux que les migrations par de simples modalités procédurales, cela se saurait - mais aussi le Parlement, dans son ensemble, incapable d'unité pour proposer des solutions sur un sujet aussi important et occupé par des motifs purement politiques inaudibles de nos concitoyens.
Au nom de mes collègues centristes, je vous fais donc part de notre très profond regret.
Mme Yaël Braun-Pivet, députée, présidente. - Les deux rapporteurs et le président Philippe Bas s'associent à moi pour vous remercier de votre intervention. Effectivement, nous n'avons pas ménagé nos efforts pour aboutir à une CMP conclusive, mais les conditions n'étaient, hélas, pas totalement réunies.
Mme Éliane Assassi, sénatrice. - Je regrette d'abord qu'un texte aussi important que celui-ci ait été examiné en procédure accélérée et que le débat ait été contraint dans le temps, tant à l'Assemblée nationale qu'au Sénat.
Quelle que soit sa version, cela reste un texte qui s'attaque aux droits fondamentaux et à la dignité humaine. Que ce soit à l'Assemblée nationale ou au Sénat, mon groupe ne trouve aucun point d'accord sur ce texte.
Il y a plusieurs mesures inacceptables dont certaines sont totalement non-négociables. Je veux évoquer ici l'accélération du traitement des demandes d'asile qui, selon nous, empêche l'exercice des droits, la réduction des délais de recours, la généralisation de l'enfermement disproportionné des personnes, dont les familles avec enfants, et même pour une durée réduite à cinq jours, le délit de solidarité assoupli à l'Assemblée nationale mais durci au Sénat, et la suppression de l'aide médicale d'État (AME) par le Sénat.
Mme Josiane Costes, sénatrice. - Je remercie les présidents de nos deux commissions ainsi que nos deux rapporteurs. Le groupe du Rassemblement Démocratique et Social européen (RDSE) du Sénat est très attaché au modèle de l'État de droit, en France et pour tous. Le texte adopté par le Sénat comporte deux points positifs : le maintien à trente jours du délai de recours devant la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) et l'interdiction de placer en centre de rétention administrative les mineurs non accompagnés - même si nous aurions préféré qu'aucun mineur ne puisse être placé en rétention. Nous regrettons également que les mesures sur l'intégration, notamment préconisées par le « rapport Taché », n'aient pas trouvé de place dans ce texte.
M. Jacques Grosperrin, sénateur. - La commission de la culture et de la communication du Sénat s'était saisie pour avis de ce projet de loi. J'attire votre attention sur l'un des apports du Sénat, à savoir le rétablissement de la visite médicale des étudiants étrangers primo-arrivants par l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII). L'ancienne majorité avait imposé en 2016 une situation quelque peu bancale car potentiellement dangereuse : les universités se retrouvaient responsables, sans aucun moyen, de la prévention médicale des étudiants étrangers primo-arrivants et notamment du dépistage de maladies à gros potentiel épidémique. C'est pourquoi le Sénat a souhaité que ces visites continuent d'être assurées par l'OFII car c'est une question de santé publique. Il nous serait fort agréable que l'Assemblée nationale reprenne cette disposition.
M. Philippe Bas, sénateur, vice-président. - Je remercie la présidente de la commission des Lois de l'Assemblée nationale ainsi que les deux rapporteurs pour la qualité du travail accompli ces derniers jours, et notamment hier au cours d'une longue réunion ayant permis de discuter de chacune des dispositions de ce texte en vue d'un accord.
Le contre-projet du Sénat est inspiré par une volonté d'efficacité dans la lutte contre la fraude, de resserrement des conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France et d'amélioration des conditions d'éloignement des étrangers sans titre. Mais nous avons voulu également marquer clairement notre attachement à un certain nombre de principes fondamentaux relevant de l'humanisme : c'est la raison pour laquelle nous avons interdit que des mineurs non accompagnés soient placés en rétention ; c'est aussi pour cela que lorsqu'une famille est en instance d'éloignement et doit être placée en rétention, nous avons prévu qu'elle ne puisse pas rester plus de cinq jours dans un centre de rétention.
En matière de politique migratoire, il nous a semblé crucial de donner au Gouvernement les moyens d'agir réellement et efficacement : c'est en ce sens que nous avons proposé la refonte de l'AME, le renforcement de l'efficacité du régime de rétention, le maintien du délit d'aide à l'entrée, au séjour ou à la circulation irréguliers d'un étranger en France, le vote annuel de contingents d'entrée sur le territoire national en fonction des titres de séjour - et non des quotas par nationalités dont il n'a jamais été question -,une meilleure maîtrise de la langue française avant l'obtention d'un titre de séjour, l'encadrement de l'immigration familiale, le renforcement de la lutte contre les fraudes, et notamment celles aux allocations familiales de la part de familles d'étrangers éloignés. Sur tous ces sujets, il existe une grande distance entre le texte du Sénat et celui de l'Assemblée nationale, malgré les efforts importants consentis par les députés, la rapporteure et la présidente de la commission des Lois.
Le nombre de sujets sur lesquels il aurait ainsi fallu édulcorer le texte du Sénat pour parvenir à un compromis nous aurait fait aboutir à un texte transactionnel, dont la lisibilité aurait été altérée par rapport à la version votée à une large majorité de notre assemblée.
En dépit de cette main tendue, et compte tenu des attentes des Français qui, sur un sujet aussi important que la politique migratoire, veulent des mesures de fermeté et d'efficacité assumées, nous avons considéré que nous ne pouvions pas parvenir à un texte qui aurait constitué un entre-deux. Le Gouvernement et la majorité de l'Assemblée nationale souhaitent un texte en deçà des attentes du Sénat. Vous étiez prêts à accepter beaucoup d'avancées dans notre sens, mais nous avons considéré que, globalement, la pesée n'était pas suffisante.
Notre volonté de clarté, de fermeté et d'efficacité, qui exclut la transaction et le compromis, explique que nous n'ayons pas pu aboutir, malgré l'excellence du climat de travail que nous avons eu dans l'examen de ce texte.
Mme Yaël Braun-Pivet, députée, présidente. - Je pense que les raisons pour lesquelles cette commission mixte paritaire est vouée à l'échec sont comprises de tous. Nous n'avons pourtant pas ménagé nos efforts pour parvenir à un compromis car nous considérions qu'un accord avec le Sénat ne trahirait pas ce que nous souhaitions voir figurer dans le texte. Sur un certain nombre de dispositions, il existait en effet une possibilité d'équilibre, sans renier les positions respectives des deux assemblées. Nous comprenons que cette ligne d'équilibre ne répond pas à la volonté de plus grande fermeté, voire d'intransigeance, du Sénat.
Je constate donc l'échec de la commission mixte paritaire. Nous examinerons à nouveau ce projet de loi dès la semaine prochaine en commission et reviendrons à la plupart des dispositions que nous avions précédemment adoptées.
La commission mixte paritaire a constaté qu'elle ne pouvait parvenir à élaborer un texte commun sur les dispositions restant en discussion du projet de loi pour une immigration maîtrisée, un droit d'asile effectif et une intégration réussie.
La réunion est close à 12 h 10.