Mardi 17 février 2015
- Présidence de M. Jean-Marie Bockel, président -Communication du Président sur la conférence Paris Climat 2015. Échange de vues sur les résultats de la consultation des élus locaux sur la simplification des normes
M. Jean-Marie Bockel, Président. - Je souhaiterais profiter de cette réunion pour évoquer avec vous différentes questions que la délégation suit actuellement.
Mais, avant cela, j'aimerais vous informer que le Président Larcher a récemment organisé une réunion dans la perspective de la conférence de Paris sur le climat de la fin de l'année. Il s'agissait de réfléchir à l'implication du Sénat dans cette démarche, à travers le travail de ses commissions, délégations et sénateurs impliqués sur ces questions.
Je pense que notre délégation, en tant que représentante des territoires, doit être pleinement associée à cette démarche. Nous aurons certainement un retour de la présidence avec un programme de travail, des documents et des propositions à mettre en place. Des sujets de rapports pourront nous intéresser, en collaboration avec d'autres délégations, notamment la délégation aux entreprises, et avec les commissions, comme la commission présidée par Hervé Maurey. Je voulais vous informer de cette démarche engagée par la présidence du Sénat dans laquelle nous sommes partie prenante.
Je souhaiterais à présent faire un point sur notre mission de simplification des normes. Dans le cadre de cette mission et sous l'autorité de notre collègue Rémy Pointereau, la délégation a adopté un rapport d'information sur le projet de loi relatif à la transition énergétique. En outre, les deux rapporteurs, Rémy Pointereau et Philippe Mouiller, ont élaboré un certain nombre d'amendements au projet de loi. Ces amendements visent des dispositions pouvant avoir pour effet de compliquer la tâche des collectivités, ou de provoquer un surcroît de dépenses difficile à assumer au regard de la situation financière actuelle des collectivités. J'aimerais souligner que nous pouvons à la fois être attentifs à certains excès de règlementation pour la bonne cause et, en même temps, très engagés pour cette bonne cause. Sans être en décalage avec les enjeux de la transition énergétique, nous pouvons aussi être attentifs à la réelle applicabilité d'un certain nombre de textes. Voilà pour ce premier point.
M. Michel Delebarre. - J'aimerais vous informer du rapport sur le rôle des collectivités territoriales dans les négociations climatiques, que j'ai réalisé avec Ronan Dantec à la demande du Gouvernement dans la perspective de la conférence de Paris. Ce rapport devrait être disponible. Nous avons travaillé sur les démarches qu'avaient eues les collectivités françaises et européennes. Je vous en informe afin de participer à notre réflexion si cela était nécessaire.
M. Jean-Marie Bockel, Président. - Tout à fait. Il pourrait en effet être intéressant, lorsque nous travaillerons sur ces questions, de faire référence à ce rapport.
Je souhaiterais maintenant faire un point d'étape sur la consultation des maires lancée par le Président Larcher et plusieurs d'entre nous lors du Congrès des maires. Pour la première fois, le Bureau du Sénat a décidé que nous ne serions pas présents sur le site du salon mais plutôt dans la Salle des Conférences au Sénat. C'est là que la consultation a été lancée, les élus locaux visitant le Sénat étant invités à répondre sur place.
Ceci nous a permis de recueillir un grand nombre de réponses, car de nombreux élus - plusieurs milliers - se sont rendus au Sénat, ce qui a fait de ce questionnaire un grand succès. Nous avons en tout recueilli 4 200 réponses très complètes.
Le questionnaire a été axé sur la question de l'empilement normatif. Il s'agissait de permettre aux élus locaux de mettre en exergue certaines priorités.
Sur les 4 200 réponses, 63% des élus ont désigné l'urbanisme et le droit des sols comme secteur prioritaire de simplification. Pour 36%, la mise en accessibilité des établissements relevant du public est une priorité, tandis qu'un quart d'entre eux a désigné la règlementation de l'achat public, et le même nombre a choisi l'environnement.
J'aimerais souligner un exemple intéressant. Il s'agit d'une réponse apportée à une question portant sur la connaissance par les élus d'une instruction du 2 avril 2013, par laquelle le Premier ministre demande aux ministres et aux préfets ainsi qu'à leurs services d'utiliser toutes les marges de manoeuvre autorisées par les textes pour simplifier la mise en oeuvre des projets publics ou privés. Il s'agissait de recueillir des éléments sur l'efficacité réelle des outils mis en place par l'État pour lutter contre la complexité normative. 82% des répondants ont indiqué qu'ils n'avaient pas eu connaissance de cette instruction, 88% d'entre eux ont estimé qu'elle n'avait pas eu d'impact sur la gestion quotidienne, et 80% ont indiqué qu'ils souhaitaient que les services de l'État communiquent régulièrement sur la mise en oeuvre de cette règle de bon sens.
J'aimerais souligner le fait que plusieurs choses ont été faites au sujet des normes, notamment le rapport sur la lutte contre l'inflation normative remis au Premier ministre en mars 2013 par nos collègues Alain Lambert et Jean-Claude Boulard. Il existe d'autres rapports et les sénateurs ont déjà fait de nombreuses propositions sur cette question.
Je souhaiterais également faire quelques observations sur les pistes évoquées par le questionnaire dans deux domaines : l'accessibilité, d'une part, et les aides des caisses d'allocations familiales dans le cadre de la réforme des rythmes scolaires, d'autre part. Les nombreuses réponses de nos collègues sur ces sujets montrent un vrai souci de pragmatisme.
Ainsi, près de 92% des 3 300 répondants sur ce point ont répondu positivement à une question sur la possibilité pour le préfet de prolonger le délai de mise en accessibilité en cas de difficulté particulière ou quand les travaux nécessitent une technicité particulière. Par ailleurs, 72% des sondés ont été favorables à un assouplissement du dispositif qui consiste en la possibilité d'expérimenter dans les territoires volontaires une formule de mise en accessibilité à l'échelle d'un territoire - et non pas au niveau national. Cette formule permettrait de réaliser l'accessibilité non pas établissement par établissement ou équipement par équipement, mais sur un périmètre plus vaste.
Concernant la procédure qui permet de percevoir la prestation versée par la caisse d'allocations familiales pour aider à la réforme des rythmes scolaires, 71% des communes qui ne perçoivent pas cette prestation spécifique ont indiqué que cette situation n'est pas liée à la complexité des procédures administratives.
Nous allons distribuer un document relatif à ces réponses. Celui-ci n'est pas encore finalisé et nous procèderons par la suite à un travail organisé, synthétique et lisible.
Nous pouvons dès à présent nous interroger sur ce que nous allons pouvoir tirer de ces recherches. Je pense que la délégation peut centrer une partie de ses travaux sur les secteurs qui ont été identifiés par nos collègues élus, à condition évidemment d'avoir une bonne méthode de travail.
Devons-nous élaborer des propositions de simplification sur les projets de loi qui arrivent en discussion ou sur les normes existantes ? Mon opinion est qu'il vaut mieux cibler de façon extrêmement pragmatique, texte par texte, comme nous l'avons fait de manière expérimentale sur la transition énergétique. Nous pourrions fixer quelques cibles limitées et porter toute notre attention, pendant un temps donné, sur celles-ci.
J'espère que la délégation pourra, à l'avenir, présenter des résultats et que ceux-ci seront entendus par les commissions permanentes et, plus généralement, en séance publique.
Je pense que cette démarche doit se faire en interaction avec les maires et les élus. Notre partenariat avec l'Association des maires de France va en ce sens.
Je sais par ailleurs qu'une « newsletter » en rapport avec ces questions est actuellement préparée au Sénat.
Nous pouvons également, de façon prospective, nous saisir de certaines de ces questions, et je pense que le groupe de travail sur la simplification animé par Rémy Pointereau s'inspirera probablement des réponses à ce questionnaire.
M. René Vandierendonck. - Ce questionnaire confirme pleinement ce que l'on entend sur le terrain, notamment en ce qui concerne les thèmes à simplifier. À cause du Grenelle de l'environnement et, dans de nombreux cas, d'un certain zèle de la part de la Direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL), qui rend de moins en moins compte au préfet, beaucoup de maires ont l'impression d'être aujourd'hui face au scénario suivant : la DREAL est le service qui empêche, la Direction départementale des territoires et de la mer (DDTM) est le service qui auparavant était facilitateur. Mais même cela est de moins en moins vrai, dans le mesure où les DDTM doivent faire face à une diminution de leurs moyens et donc de leur capacité à conseiller et à apporter une aide technique. Alors que la loi NOTRe doit entraîner un renforcement de l'intercommunalité, que la loi ALUR a préconisé un PLU intercommunal, les maires sont aujourd'hui arc-boutés sur l'octroi des permis de construire. En effet, faute de moyens, les instructions des permis ne font plus l'objet d'une aide technique de la part des services déconcentrés de l'État. Certes, on nous parle d'une mutualisation des moyens qui viendrait compenser leur manque, mais nous connaissons tous la réalité. Il est important que notre délégation puisse approfondir ce thème de l'urbanisme et réfléchir aux moyens de faciliter la vie quotidienne du maire, dans le contexte d'un PLU et demain d'un SCOT intercommunaux. Nous devons réfléchir aux possibilités de mettre en place des systèmes qui puissent être des aides au quotidien.
Mme Marie-Françoise Perol-Dumont. - Il y a, chez les maires, le sentiment que certains services de l'Etat s'autorégulent avec beaucoup trop d'autonomie par rapport au préfet. Ainsi, entre les différentes DREAL, l'interprétation de la loi ALUR peut fortement varier. On s'en aperçoit en particulier dans certaines communes limitrophes où la DREAL interdit une extension d'exploitation agricole au motif qu'il n'y a pas d'urbanisation continue, alors que dans le département voisin, à 500 mètres, un projet similaire est autorisé. Il me semble nécessaire de remettre le préfet au centre du jeu afin d'avoir une application uniforme de la loi sur l'ensemble du territoire.
M. Jean-Marie Bockel, Président. - Pour ceux d'entre nous qui avons un mandat local depuis très longtemps, et dans certains cas depuis avant les grandes lois de décentralisation, nous avons bien conscience de la perte de pouvoir du préfet.
M. Michel Delebarre. - Je pense que nous devons tirer toutes les conséquences du rapport remis au Premier ministre par MM. Lambert et Boulard.
M. Jean-Marie Bockel, Président. - M. Lambert est prêt à venir nous rencontrer dans le cadre de la simplification des normes et de son rôle au comité national d'évaluation des normes. Toutefois, il me semble important qu'il vienne non pas devant le seul groupe de travail sur la simplification, mais devant l'ensemble de la délégation.
M. Philippe Dallier. - Nous ne devons pas oublier qu'une de nos difficultés à agir en amont s'explique par le fait que le Gouvernement maîtrise l'ordre du jour. C'est pourquoi, et le texte sur la transition énergétique en constitue un très bon exemple, nous pourrions agir de manière différente. Pour mémoire, en 2005, le Parlement avait voté la loi sur l'accessibilité sans mesurer son impact pour les collectivités territoriales. Or, ces dernières sont aujourd'hui confrontées non seulement à des difficultés financières, mais aussi à des moyens techniques insuffisants pour réaliser les travaux nécessaires. De plus, les délais de mise en accessibilité prévus par ce texte - lequel a fait naître beaucoup d'espoirs auprès des personnes handicapées - ont été repoussés. Il me semble que nous risquons d'être dans le même cas de figure pour la loi sur la transition énergétique. Dans un grand élan de développement durable et de protection de la planète, nous avons voté de nouvelles dispositions en matière de constructions à faible consommation en énergie. Au cours des débats, nous avons entendu que le surcoût serait faible, à peine 5%. Or, tous ceux qui ont entrepris la construction de bâtiments à haute qualité environnementale savent que nous sommes très souvent confrontés à de mauvaises surprises et à des surcoûts de 15 à 20%. On va donc imposer aux collectivités territoriales des contraintes très fortes dans une période de baisse des dotations. C'est pourquoi il me semble intéressant que notre délégation, à titre préventif, s'empare du sujet pour aller voir sur le terrain comment les choses vont se mettre en place et ce que les élus en pensent. L'idée est de ne pas attendre la date butoir de 2018 pour s'intéresser aux problèmes générés par cette loi. À mon avis, les conséquences que va engendrer cette loi ne sont pas assez bien mesurées.
M. Jean-Marie Bockel, Président. - Il faut signaler que tous nos amendements au projet de loi « transition énergétique » ont jusqu'à ce jour été rejetés, même les amendements rédactionnels. Ainsi, l'impact de la délégation sur ce texte a jusqu'à présent été nul. Cela doit au moins nous interpeller. Certes il fallait le faire, tester cette méthode. Toutefois, il me semble intéressant d'essayer de cibler davantage nos actions et, surtout, de ne pas faire des amendements de simplification sur un texte en cours d'examen notre unique outil d'action. Je trouve la démarche d'évaluation permanente très positive. Nous devons la mener en lien direct avec les élus locaux. Dans tous les cas, nous devons faire attention à ne pas apparaître comme une délégation « réactionnaire », mais plutôt comme un organe voulant faire réussir les réformes sociétales en soulignant les points faibles des textes et les conséquences sous-estimées qui risquent à moyen terme de réduire la portée du texte.
M. Dominique de Legge. -Comme vous, Monsieur le Président, j'ai été frappé de constater que les amendements présentés par les rapporteurs de la délégation ont été rejetés à ce stade de la discussion du projet de loi. Je croyais, peut-être naïvement, que s'il y avait bien quelque chose de consensuel au Sénat, et dont nous avions tous entendu parler à l'occasion du renouvellement de l'automne dernier, c'était la volonté d'endiguer l'inflation normative.
Au-delà des intentions, qui sont bonnes et sur lesquelles nous pouvons nous retrouver, le texte, dans le prolongement du Grenelle de l'Environnement, crée des dispositifs juridiques qui fragilisent terriblement la norme juridique et les collectivités.
Je ne prendrai qu'un seul exemple : le texte fixe des objectifs et des normes à un « horizon ». J'ignore quelle est la valeur juridique de l'horizon, dont le propre est de se déplacer au fur et à mesure que l'on avance... Je vois bien ce qu'il y a devant l'horizon, mais pas ce qu'il y a derrière. Ce n'est que lorsque j'aurai dépassé l'horizon que je le découvrirai...
Sur le plan de la méthode, je souhaiterais savoir si des contacts ont été pris avec les rapporteurs et les membres des commissions saisies au fond avant la séance publique. Afin de garantir la crédibilité de notre délégation et du Sénat - car je rappelle que c'est le Sénat et l'ensemble des sénateurs qui se sont engagés dans cette démarche de simplification -, ne peut-on essayer, sur les textes les plus emblématiques, d'avoir une discussion préalable transpartisane avec les commissions saisies au fond ?
M. Jean-Marie Bockel, Président. - Je crois que votre proposition pourrait être testée.
Je me félicite de cette discussion de méthode, quelques mois après la reconstitution de notre délégation.
Je rappelle que plusieurs rapports sont en cours d'élaboration : le rapport sur les conséquences de la tempête Xynthia de Christian Manable et un co-rapporteur qui doit encore être désigné, le rapport sur les gens du voyage de Michel Le Scouarnec et moi-même, et enfin le rapport sur le financement des lieux de culte d'Hervé Maurey, qui sera présenté en mars.
Enfin, nous pourrions prochainement organiser une réunion de bureau, et revenir devant la délégation avec des propositions pour répondre aux questions qui ont été soulevées.