Mercredi 21 mai 2014
- Présidence de Mme Marie-Christine Blandin, présidente -Diversité culturelle - Table ronde
La commission organise une table ronde sur la diversité culturelle. Sont auditionnés :
- Mme Danielle Cliche, chargée de la mise en oeuvre de la convention de l'UNESCO (Organisation des Nations unies pour l'éducation, la science et la culture) sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles ;
- M. Pascal Brunet, directeur du Relais culture Europe ;
- M. Jean-Michel Lucas, consultant.
Mme Marie-Christine Blandin, présidente. - Aujourd'hui, 21 mai, est la « Journée mondiale de la diversité culturelle pour le dialogue et le développement », consacrée par une résolution de l'assemblée générale de l'Organisation des Nations unies (ONU) en décembre 2002. Nous saisissons cette opportunité pour revenir sur la notion de diversité culturelle, que nous avions déjà évoquée il y a un an, à la faveur de l'adoption, par notre commission, d'une proposition de résolution européenne relative au respect de l'exception culturelle et de la diversité des expressions culturelles, qui ne recouvrent pas exactement le même champ.
Alors que le débat public est en ce moment centré sur l'action de l'Europe et sur son poids face aux États-Unis, il me semblait particulièrement utile d'entendre des experts afin de bien saisir la portée, les illustrations concrètes et les fragilités de la notion de diversité culturelle. Nous accueillons trois spécialistes que je remercie d'être présents ce matin au nom de vous tous.
Mme Danielle Cliche, secrétaire de la convention de l'UNESCO sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles. - La France, comme vous le savez, a été l'un des acteurs clés de cette convention, au moment de son élaboration et de son adoption par la conférence générale de l'UNESCO, en octobre 2005. Alors même que la convention est aujourd'hui ratifiée par 134 parties, nous pouvons constater que, plus que jamais, les principes et les objectifs de la convention, qui figurent dans l'agenda européen sur la culture depuis 2007, sont au coeur des préoccupations actuelles.
Je ne prendrai qu'un seul exemple, très médiatisé en raison des débats qui entourent actuellement les négociations sur l'accord commercial transatlantique : afin que l'accord ne comporte aucun risque de remise en cause de la diversité culturelle et linguistique européenne, de nombreux responsables politiques et acteurs culturels ont obtenu que les services culturels et audiovisuels soient exclus du mandat de négociation de la Commission, en s'appuyant spécifiquement sur la convention.
La convention de 2005 n'est pas une invention de l'UNESCO mais le fruit d'une étroite négociation entre États et représentants de la société civile. Plus encore, elle est le résultat d'un long cheminement politique et théorique. Théorique d'abord avec, d'une part, les travaux de la commission mondiale de 1995 sur la culture et le développement et son rapport Notre diversité créative et, d'autre part, la Conférence mondiale de Stockholm de 1998 sur les politiques culturelles. Politique ensuite, avec l'adoption à l'unanimité de la déclaration universelle de l'UNESCO sur la diversité culturelle en 2001, dont le point fort est d'articuler diversité culturelle et pluralisme, droits de l'homme, accès au savoir et liberté d'expression.
À chacune de ces étapes, une évolution majeure se fait jour, qui nous fait passer d'une vision de la diversité culturelle comme question identitaire, c'est-à-dire la sauvegarde de la pluralité et de la coexistence des identités, à un enjeu davantage centré sur les questions de créativité et d'expression culturelle, en tant que sources de développement économique et social. Parce que la diversité des expressions culturelles assure la rencontre des cultures et leurs échanges, elle est de ce fait reconnue comme étant le réservoir de la créativité de demain. Ceci implique que si toutes les cultures trouvent un espace d'expression et un environnement propice au partage, les expressions des autres cultures seront comme autant de chances d'interaction et d'enrichissement et non comme un défi à la diversité culturelle, non comme une menace.
La convention de 2005 est le résultat de deux éléments :
- une rupture juridique, d'abord, puisqu'elle reconnaît pour la première fois en droit la nature spécifique des biens et services culturels en tant que porteurs d'identité, de valeurs et de sens, et donc la double nature complémentaire, symbolique et économique, de la culture. En outre, elle réaffirme le droit souverain de chaque État de soutenir de manière spécifique, chacune des expressions culturelles qu'il entend protéger et promouvoir. Elle l'encourage, dans le cadre de sa politique culturelle, à prendre toutes les mesures administratives et juridiques qu'il juge nécessaire.
- l'aboutissement d'un processus ensuite, car elle est dédiée spécifiquement à la diversité des expressions culturelles transmis par les biens et services culturels, vecteurs contemporains de la diffusion de la culture. En termes d'objectifs, la convention de 2005 postule ainsi que toutes les expressions culturelles résultent bien de la créativité des individus, des groupes et des sociétés.
Afin de préserver cette diversité à toutes les étapes de la chaîne de valeur culturelle, la convention encourage donc les parties à mettre en place des cadres institutionnels et juridiques de gouvernance de la culture qui soient à la fois ouverts, transparents et participatifs, dans un dialogue permanent avec la société civile. Elle est en cela, un véritable instrument de démocratisation culturelle.
La question essentielle de l'impact du numérique appelle à repenser les circuits d'accès, de distribution, de co-production, la circulation des biens et services culturels, la mobilité des artistes et les programmes éducatifs. Lors du dernier du forum « Avenir de la culture, avenir de l'Europe », organisé à Paris les 4 et 5 avril par la ministre de la culture et de la communication de la France, a été adoptée une stratégie européenne de la culture à l'ère numérique, qui s'inspire des principes de la convention. Même si aucun article de cette dernière ne vise explicitement les technologies numériques, cet instrument se conforme implicitement au principe de neutralité technologique.
Nous célébrons aujourd'hui, 21 mai, la Journée mondiale de la diversité culturelle pour le dialogue et le développement. Le message porté par l'UNESCO est que cette diversité est une ressource précieuse pour atteindre les objectifs de développement, qu'il s'agisse de lutter contre la pauvreté, de promouvoir l'égalité des sexes, l'éducation de qualité ou les droits humains.
L'UNESCO met tout en oeuvre pour assurer l'intégration de la culture dans l'agenda du développement post-2015. La résolution adoptée en décembre 2013 par l'assemblée générale des Nations unies, qui reconnaît le rôle de la culture comme moteur et facilitateur de développement durable, tombe à point nommé pour mobiliser encore davantage le potentiel de la diversité culturelle, qui contribuera à la réalisation des objectifs de développement.
Nous comptons sur la France pour faire passer ce message de plaidoyer afin d'encourager la promotion de la diversité culturelle, défendre les artistes sur les marchés internationaux et soutenir l'industrie culturelle indépendante.
En conclusion, ce qui se joue dans la convention de l'UNESCO, au-delà de la protection et promotion de la diversité des biens et services culturels, c'est bien notre capacité à forger des stratégies de développement plus innovantes, et plus durables.
M. Pascal Brunet, directeur du Relais Culture Europe. - Mon intervention vise à brosser un tableau des différentes manières dont se traduit la notion de diversité culturelle dans les politiques de l'Union européenne. Sans qu'il y ait à proprement parler de politique commune de la culture, s'affirme progressivement ce que l'on pourrait nommer « une approche culturelle de l'Union » qui se noue autour des questions commerciales et de la protection des droits de la personne et de la propriété intellectuelle. Aujourd'hui, cette approche culturelle est à vrai dire fortement polarisée sur le volet économique et commercial. Elle se traduit d'abord dans les accords internationaux, bilatéraux ou régionaux que l'Union européenne négocie.
Au-delà des accords en cours de négociation avec les États-Unis, qui sont placés sous les projecteurs, il faut aussi être vigilant sur la façon dont la diversité culturelle est prise en compte dans l'ensemble des accords internationaux. Il y a déjà eu une interprétation de ce concept dans des accords négociés avec le Canada et la Corée du Sud. D'accord en accord, les interprétations divergent si bien qu'il faut reconnaître qu'un certain flou risque d'entourer la notion de diversité culturelle en général. Dans tous les accords internationaux, qu'ils soient de rapprochement, de voisinage ou de négociation économique, un attendu visant la convention de l'UNESCO est systématiquement inséré. C'est un premier socle qu'il faut consolider.
Le mandat d'ouverture des négociations commerciales avec les États-Unis mentionne explicitement une exception culturelle pour sortir l'action culturelle du champ contractuel. Ce signe ne constitue pas un verrou définitif. Les négociations doivent permettre de trouver un terrain d'entente entre un espace peu régulé, les États-Unis, et un espace très normé, l'Union européenne. Chacun devra faire un pas vers l'autre et il n'est pas totalement exclu que chemin faisant, le dossier de l'exception culturelle soit réouvert. Il faut donc rester vigilant.
Par ailleurs, la diversité culturelle doit se transcrire dans des verrous législatifs. Selon l'interprétation des droits de la propriété intellectuelle qui sera retenue dans les textes communautaires, on verra apparaître des dispositifs plus ou moins ouverts ou plus ou moins fermés dans les États européens. C'est le même processus qu'enclenchera la discussion des normes communautaires régulant les aides publiques qui pourraient, plus ou moins, limiter la liberté d'intervention des pouvoirs publics en soutien à la culture.
C'est aussi au niveau, souvent délaissé, du cadre programmatique dessiné par les stratégies de l'Union, qu'il conviendra de peser car s'y joue aussi la question de la diversité culturelle. Le seul programme qui aujourd'hui aborde véritablement cette question est dénommé « Europe créative ». Il représente 1,4 milliard d'euros et il est destiné au soutien aux médias et à l'action culturelle, notamment le cinéma.
Dans les débats actuels sur les politiques de l'Union, se discute déjà la possibilité de faire émerger une véritable politique communautaire de la culture mais il faut se garder d'un optimisme un peu trop rapide car il n'existe pas de consensus mais de vraies tensions au sein de l'Union sur cette question. Il ne faut pas, par exemple, surestimer la force du consensus apparent sur l'exclusion de la culture hors du champ de négociations commerciales avec les États-Unis. Nous aurions d'ailleurs tort de nous restreindre à la seule défense de l'exception culturelle pour promouvoir une politique de la diversité culturelle. Il faut élargir la focale et parallèlement, construire des alliances solides avec d'autres États membres, puisque nous n'avancerons pas à vingt-huit.
M. Jean-Michel Lucas, consultant. - Grâce au travail fourni par l'UNESCO, la diversité culturelle progresse. Mais à côté de cette dimension internationale, il ne faut pas perdre de vue l'importance de cet enjeu aux niveaux national et territorial, où il est plus difficile de faire avancer la diversité culturelle. Afin de renforcer l'attractivité des territoires, les politiques parient bien souvent sur les atouts locaux en termes de créativité et d'innovation, en oubliant les fondamentaux de ces accords internationaux en matière de diversité culturelle. Je prendrai l'exemple de Nantes : la ville mène une politique de « quartier de la création », destinée à faire émerger des jeunes pousses qui empruntent aux ressources culturelles pour devenir professionnels. Cependant on s'aperçoit que la seule façon de penser l'avenir professionnel c'est, avec son projet culturel, d'être compétitif sur le marché et de rentabiliser son projet.
Je me suis pour ma part toujours refusé à abandonner l'engagement de solidarité mis en avant par la Déclaration universelle sur la diversité culturelle de 2001 dont l'un des considérants est libellé de la manière suivante : « aspirant à une plus grande solidarité fondée sur la reconnaissance de la diversité culturelle, sur la prise de conscience de l'unité du genre humain et sur le développement des échanges interculturels ». Dans son rapport de 2011 sur La dimension culturelle du Grand Paris, M. Daniel Janicot invite à certain pragmatisme qui permette au Grand Paris de s'extraire d'un passé culturel muséifié pour investir les nouveaux marchés de la compétition mondiale entre métropoles sur l'enjeu culturel. J'avais ironisé sur le fait qu'on avait de plus en plus l'impression que les artistes étaient devenus des munitions dans une guerre culturelle mondiale. Lorsque je l'ai rencontré, M. Janicot s'est alors excusé auprès de moi pour avoir négligé cette idée de solidarité, alors qu'il était le numéro deux de l'UNESCO au moment de la négociation de la convention sur la diversité culturelle.
S'attache à la définition même de la culture un enjeu politique fort. La Déclaration de Fribourg sur les droits culturels de 2007 propose une définition particulièrement large de la culture, en précisant que « le terme «culture» recouvre les valeurs, les croyances, les convictions, les langues, les savoirs et les arts, les traditions, institutions et modes de vie par lesquels une personne ou un groupe exprime son humanité et les significations qu'il donne à son existence et à son développement ». Se pose alors la question de l'identification des espaces politiques d'arbitrage entre la dimension économique et l'ambition de « faire humanité ensemble ». Certains responsables politiques ont pris de l'avance - je pense à nos amis de la communauté française de Belgique qui ont consacré, dans un décret-loi de décembre 2013, la définition de la culture comme moyen de « faire humanité ensemble ». Les cinq départements engagés dans le programme « Paideia 4D+ », la Gironde, le Nord, La Manche, le Territoire de Belfort et l'Ardèche, ont lancé une dynamique qui, localement, prend une dimension internationale en réévaluant les politiques publiques territoriales au regard du référentiel international défini par l'UNESCO. L'objectif d'attractivité locale doit désormais prendre en compte cette ambition de « faire humanité ensemble ». L'identification du lieu politique d'arbitrage entre ces deux visions, la dynamique économique et la mise en avant des droits culturels des personnes ou des groupes, permettrait d'avoir une approche un peu plus équilibrée de ce qui se passe un peu partout en Europe, en particulier du poids des replis identitaires.
L'idée de diversité culturelle en France reste pour moi un mystère, une grande énigme. La défense de l'exception culturelle, au nom de la diversité culturelle, a toujours constitué un élément moteur de notre politique internationale. On pourrait en déduire naïvement que cette idée est au coeur de la politique du ministère de la culture. Mais on s'aperçoit, lorsqu'on examine les textes réglementaires définissant les missions du ministère, qu'il n'est nulle part fait référence au mot « diversité ». C'est pour moi une énigme car comment l'État peut-il se battre à l'extérieur pour défendre cette idée de diversité culturelle sans l'inclure dans ses textes d'organisation institutionnelle ? Je renvoie également à la responsabilité du législateur qui, lorsqu'il a été amené à discuter des compétences des collectivités territoriales, n'a pas saisi la balle au bond en maintenant une compétence générale en la matière, alors qu'il suffirait de reprendre la définition des responsabilités publiques contenue dans la Déclaration de 2001.
L'enjeu du développement durable humain doit être abordé sérieusement, tant au niveau de l'Organisation des Nations unies (ONU) qu'au niveau local, comme une notion qui porte un sens et ne se réduit pas seulement à une activité.
Mme Marie-Christine Blandin, présidente. - La diversité culturelle suscite, ici même, des débats où il est question, certes de compétitivité, mais aussi d'humanité. Ce type de discussion organisée dans le cadre de notre commission constitue une belle opportunité d'approfondir nos réflexions sur le sujet et de donner du sens à notre action législative.
M. Jacques Legendre. - Nous avons au sein de cette commission un regard précis, et éventuellement critique, sur la convention internationale de l'UNESCO de 2005 relative à la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles. La quasi-unanimité recueillie à l'occasion de son adoption ne doit pas nous faire oublier l'opposition des États-Unis. Il est à craindre que nous soyons en présence d'un simple accord de façade, fragilisé par un certain nombre de lacunes et d'ambiguïtés, et j'aimerais connaître la position de l'UNESCO quant à la réalité de la mise en oeuvre de cette convention.
Je rappelle qu'historiquement, la notion d'exception culturelle a été introduite comme un dispositif défensif, à l'occasion des négociations commerciales du GATT (General Agreement on Tariffs and Trade). C'est par la suite qu'elle a été reprise par l'UNESCO.
Si les pays de l'Union européenne ont signé la convention de 2005, on s'étonne parfois des positions prises à ce jour par quelques États. On s'étonne aussi des foudres déclenchées à Bruxelles par certains de nos amendements visant, par exemple, la protection de nos intérêts européens en matière de nouvelles technologies.
Je note par ailleurs que l'on se préoccupe de diversité culturelle dans un contexte d'appauvrissement linguistique, notamment au sein des institutions européennes où l'usage de l'anglais ne cesse de s'étendre.
La commission de la culture du Parlement européen est sensibilisée à ces questions, mais son travail est-il réellement pris en compte ? Nous sommes dans une situation paradoxale où le Conseil de l'Europe a la volonté, mais pas les moyens, d'agir en faveur de la diversité culturelle et où, à l'inverse, l'Union européenne en aurait les moyens mais pas la volonté.
Enfin, j'émettrai volontiers l'hypothèse que certaines manières d'appréhender la culture par nos élites, ainsi que leur propension à considérer la diversité culturelle comme une vieille lune, pourraient être à l'origine des tensions et du manque de consensus évoqués par M. Jean-Michel Lucas.
Mme Maryvonne Blondin. - Élue de Bretagne, je suis moi aussi très attachée à la diversité culturelle, et notamment linguistique, y compris au niveau local. Comme M. Legendre, mon collègue à la délégation française à l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe, je m'interroge sur la prise en compte des travaux de sa commission de la culture.
J'ai les mêmes questionnements s'agissant de la prise en compte des avis publiés par le Conseil économique social et environnemental, tels que celui relatif à la différenciation des taux de taxe sur la valeur ajoutée (TVA).
Les élus locaux sont préoccupés car ils voient leurs marges de manoeuvre réduites par des contraintes financières et réglementaires : que doit-on penser, par exemple, des dispositions des « paquets » Monti-Kroes et Almunia sur les financements susceptibles d'être versés par les pouvoirs publics en compensation de charges des services d'intérêt économique général (SIEG) ?
Nous ne devons pas avoir une approche trop restrictive de la diversité culturelle, qui consisterait simplement à rendre compatibles les droits commerciaux, les droits des créateurs et ceux de leurs publics.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. - Cette discussion, ainsi que l'affirmation de la nécessité de l'exception culturelle, font sens et sont absolument primordiales, dans la mesure où nous touchons là à l'essence de notre humanité.
Par ailleurs, nos droits démocratiques me semblent indissociablement liés à ce que je qualifierais de droits culturels.
Nous devons nous interroger sur la nature de l'Europe que nous souhaitons, sur la diversité des enjeux et sur le fait que la non-ratification de la convention de 2005 par les États-Unis constitue une menace persistante. À cet égard, le contenu du projet de partenariat transatlantique devra être examiné avec la plus grande vigilance. Nous ne devons pas non plus nous interdire de remettre en cause les limitations imposées par Bruxelles, sous couvert de préservation de la concurrence, en matière de subventions publiques aux actions culturelles, tant au niveau national que local.
Sur ce dernier point, on ne peut que regretter l'amenuisement des moyens financiers des collectivités, qui risque de faire de la culture le parent pauvre des actions locales. Si le domaine culturel continue d'être négligé ou marchandisé, nous nous dirigeons tout droit vers un véritable éclatement social.
Interrogeons-nous sur le sens et sur la réalité du consensus affiché en matière de diversité culturelle et restons en alerte, car c'est tout simplement de notre humanité qu'il s'agit.
M. André Gattolin. - J'approuve ce qui vient d'être dit par ma collègue Brigitte Gonthier-Maurin et je salue aussi les propos de M. Brunet.
Je voudrais rappeler que dans l'esprit de Jean Monnet, l'Europe de la culture aurait dû être à l'origine de toute la construction européenne.
Comment se satisfaire pour l'Europe d'un budget annoncé d'1,4 milliard d'euros pour la culture, à répartir sur sept exercices, entre 28 pays, et en constatant que 59 % de ces fonds seront orientés vers le cinéma, au détriment des autres secteurs culturels ?
Comment comprendre le discours autosatisfait de Mme Filippetti, s'agissant du traité transatlantique, lorsque l'on sait que les dispositions dangereuses, certes momentanément éloignées, pourront à tout moment être réintroduites ? Par ailleurs, qui ratifiera ce traité à l'issue des négociations : l'Europe ou les parlements nationaux ?
Nous sommes victimes d'un double dumping fiscal exercé par les États-Unis. En premier lieu, les investissements américains effectués hors du territoire sont défiscalisés. D'autre part, les entreprises américaines peuvent bénéficier du crédit d'impôt sectoriel autorisé par l'Organisation mondiale du commerce (OMC), mais interdit en Europe. Les entreprises françaises des secteurs numériques ou des jeux vidéo n'ont alors d'autres solutions que de s'expatrier, notamment au Canada.
Pour terminer, je voudrais pointer le caractère déjà obsolète de la directive « Service 2006 » que les dernières avancées technologiques rendent en partie inefficiente.
M. David Assouline. - Les ambiguïtés évoquées par mes collègues proviennent du fait que l'objet de la convention n'était pas stricto sensu la défense de la diversité culturelle, mais les rapports et interactions entre le commerce et la culture. S'agissant d'ambiguïté, on ne peut manquer de citer l'article 20 de la convention, dont un paragraphe indique qu'elle ne modifie pas les obligations contractées dans d'autres traités et dont le précédent stipule qu'elle n'est pas subordonnée à eux.
Cette convention a été signée par 125 États, mais combien l'ont aussi ratifiée ? Et comment, dans ces conditions, peut-elle être appliquée ?
Lors d'une récente visite au Japon, effectuée dans le cadre de notre diplomatie parlementaire, mes interlocuteurs m'ont indiqué qu'il leur était impossible d'envisager une co-production cinématographique avec la France, leur pays n'ayant pas encore ratifié la convention. Il m'a été précisé que cette ratification était bloquée par le fait que la convention remettait en cause certaines dispositions de l'OMC auxquelles les américains tenaient beaucoup.
J'aimerais donc vous interroger sur les pistes envisagées pour sortir de ces ambiguïtés et aboutir à une véritable mise en oeuvre de la convention.
Cela a été souligné, la nécessité de préserver la diversité culturelle ne doit pas être envisagée seulement comme une mise en concurrence loyale de pôles culturels cherchant à augmenter leur attractivité. Pour autant, nous ne devons pas tomber dans l'excès inverse et réfuter toute dimension économique de la culture. On ne peut que se féliciter des retombées économiques observées sur le bassin d'emploi de Lille, suite à l'élan donné par sa désignation comme capitale culturelle européenne en 2004.
Mme Danielle Cliche. - Merci pour vos commentaires et questions très intéressants.
Je souhaite d'abord répondre à la question relative à la ratification de la convention de 2005 dans les différents États parties. Cette dernière a été adoptée par la conférence générale de l'UNESCO le 20 octobre 2005. Il appartenait ensuite aux États de la ratifier en la transposant dans leur législation nationale. À ce jour, 133 pays, ainsi que l'Union européenne, l'ont ratifiée. Il est vrai que le Japon ne l'a ni signée ni ratifiée. Nous espérons qu'il le fera bientôt. L'Asie est en effet une région tout à fait prioritaire pour la mise en oeuvre de la convention.
Je voudrais également insister sur le fait que la convention n'est pas portée exclusivement par une dimension commerciale. Il est vrai que ses origines remontent à la fin années 1990 à l'occasion des débats sur l'exception culturelle dans le cadre des négociations commerciales. Mais les parties à la convention ont jugé nécessaire d'affirmer également, dans un texte, un certain nombre de principes qui sont au coeur de la diversité culturelle, et qui touchent aux droits de l'homme, tels que les principes d'égalité, de durabilité, de liberté d'expression. L'objectif de la convention est bien de donner aux États parties les moyens nécessaires au développement et à la mise en oeuvre de politiques culturelles soutenant la diversité de la production et de la diffusion des oeuvres et des expressions culturelles. Mais ces politiques doivent également faciliter la participation de tous les citoyens à la vie culturelle.
Notre premier objectif pour l'avenir est de nous assurer que la culture occupera pleinement la place qui lui est due au sein du plan pour le développement durable post-2015. Avec tous les États membres de l'ONU, nous nous efforçons d'intégrer la culture dans les processus de développement, qui ne doivent pas être abordés exclusivement sous l'angle économique. En ce sens, le 13 décembre 2013, nous avons publié, conjointement avec le programme des Nations unies pour le développement (PNUD), un rapport sur l'économie créative intitulé Élargir les voies du développement durable. Il a été l'occasion d'insister sur le fait que l'économie créative sous-tend, non seulement un volet économique, mais également des valeurs culturelles et artistiques, ce qui n'avait pas été le cas dans les précédents rapports sur l'économie créative.
En ce qui concerne le suivi de la mise en oeuvre de la convention, peut-être savez-vous que cette dernière contient plusieurs articles relatifs au partage d'informations ? D'une part, l'UNESCO élabore, à destination des États parties, des rapports périodiques, tous les quatre ans, qui traitent de sujets variés relatifs aux politiques culturelles, tels que le statut et la mobilité des artistes, la culture et le développement, le traitement préférentiel ou le rôle de la société civile dans la mise en oeuvre de la convention. D'autre part, revient au secrétariat la mission de partager et d'analyser toutes les informations relatives à la mise en oeuvre de la convention par les États parties et par les sociétés civiles et aux mesures qui ont été prises dans ce but. À ce jour, nous avons reçu 70 rapports périodiques. Il nous reste encore à mener à bien deux analyses sur l'ensemble des mesures mises en oeuvre ces dernières années. Nous étions agréablement surpris de constater que la convention est utilisée par les États, de par le monde, comme un instrument permettant de faciliter la mise en oeuvre de nouvelles politiques culturelles. Elle a notamment permis la création, au Pérou, d'un nouveau ministère de la culture basé sur les principes de la convention, c'est-à-dire sur la libre expression et sur la diversité culturelle.
Toutes ces informations, ainsi que la liste des bonnes pratiques, sont disponibles sur le site Internet de l'UNESCO. Tous les textes relatifs à l'exclusion de la culture du champ des accords commerciaux ont également été rassemblés sur une base de données. Nous avons initié ce travail de collecte d'informations et de textes, dans l'espoir que l'exemple sera suivi par les autres parties, et afin de mettre pleinement en oeuvre la convention.
M. Pascal Brunet. - Le champ des questions qui ont été abordées est vaste. J'espère donc ne rien laisser de côté. Dans un contexte mondialisé bien spécifique, il convient de se demander quelle démarche permettrait d'articuler l'approche commerciale et la dimension purement culturelle. Par exemple, nous ne pouvons pas occulter le fait que le principal marché de l'art, à l'heure actuelle, est le marché chinois. Il nous faut rester attentifs aux basculements de l'ordre du monde, à sa réorganisation et à l'impact que ces évolutions ont sur la circulation des idées. Il convient de s'intéresser aux États-Unis, à leurs industries culturelles et, encore davantage, aux liens qui unissent aujourd'hui ces industries culturelles avec les industries de communication. La force des GAFA (Google, Apple, Facebook, Amazon) doit bien entendu nous conduire à nous interroger sur la force culturelle dominante des États-Unis, mais elle ne doit pas nous amener à occulter l'apparition de nouveaux acteurs. C'est dans ce contexte que se pose la question de l'articulation entre exception et diversité culturelles dont nous devons tenir compte dans un monde en rapide évolution. Ce changement ira probablement dans le sens d'un renforcement de la zone pacifique, en termes de productions culturelles comme de consommation des produits culturels. Face à cette réalité, il convient de trouver un équilibre tout en tenant compte des acteurs émergents. L'Afrique, par exemple, est devenue une figure majeure du concert mondial de la production culturelle. On parle beaucoup du Nigeria pour d'autres raisons aujourd'hui, mais ce pays est le premier producteur - en nombre - de films, à défaut d'être le chef de file en termes de capital investi dans cette industrie.
Un déséquilibre existe effectivement entre le Conseil de l'Europe et l'Union européenne. Il me semble cependant que les réformes institutionnelles à venir vont contribuer à renforcer très sérieusement le rôle du Parlement et donc de sa commission culturelle ce qui offrira une opportunité de rééquilibrage entre les approches de ces deux entités. Certains indices vont d'ores et déjà dans ce sens : d'abord, il convient d'insister sur l'émergence d'un discours sur la dimension culturelle de l'action extérieure de l'Union donc de sa diplomatie culturelle, ce qui est tout à fait nouveau.
On observe l'émergence d'un débat qui tente de concilier d'une part, la logique du Conseil de l'Europe, selon lequel les politiques culturelles constituent une mesure de confiance nécessaire avec le dialogue diplomatique et mondial, et d'autre part, le débat exclusivement commercial dans le cadre de l'Union. Le Parlement européen se saisira probablement de cette question en inscrivant son action dans une approche culturelle de l'Union. Ce nouveau débat soulève un problème de cohérence entre nos accords commerciaux, nos accords internationaux, nos politiques actives et nos règlements car l'enjeu de la diversité réside parfois dans des endroits inattendus. Peut-être pourra-t-on constater que le consensus européen n'est pas si fort. Il existe heureusement des digues solides telles que celle relative à l'exception culturelle, mais d'autres peuvent se fragiliser sur des questions énergétiques ou sur des règlements commerciaux généraux. Nous devons travailler à ce consensus pour construire les alliances nécessaires.
M. Jean-Michel Lucas, consultant. - Pour pouvoir répondre à vos questions, il faut des balises, la première supposant une définition de la culture à tous les échelons de décision. Deux approches sont possibles pour définir la culture. La première approche est sectorielle et nous mène à l'exception culturelle. La seconde consiste à envisager la culture à travers les langues, les modes de vie, les traditions... C'est la vision de l'UNESCO. L'enjeu est de faire l'humanité en reconnaissant les droits des personnes. La question des droits humains est terriblement d'actualité lorsque l'on pense à Boko Haram ou au repli identitaire à la veille des élections européennes. De ce point de vue, l'enjeu politique de la culture devient aussi pragmatique que celui de la balance commerciale. La définition de la culture constitue, de ce point de vue, un choix stratégique qui implique une négociation tant locale qu'internationale, dont on a vu les résultats au congrès international d'Hangzhou - en Chine - qui s'est tenu du 15 au 17 mai 2013 sur la « Culture : clé du développement durable ». La conclusion de cette rencontre est que l'enjeu premier doit être de mobiliser la culture et la compréhension mutuelle pour favoriser la paix et la réconciliation. Le deuxième enjeu est relatif aux droits culturels des personnes. Enfin, le troisième enjeu, qui n'est pas incompatible avec le précédent, est de réduire la pauvreté et assurer un développement économique inclusif. Aussi est-il impératif de passer d'une logique de rentabilité à une logique d'inclusion dans une société. Ces conclusions devraient être un référentiel pour nous.
Nous sommes attentifs aux réflexions du Conseil de l'Europe. La convention de Faro sur la politique publique du patrimoine, qui reconnaît à toute personne le droit de s'impliquer dans le patrimoine culturel de son choix, sera-t-elle ratifiée ou non par la France ? Si le Parlement ratifie ce texte, la définition de l'enjeu culturel sera un enjeu à la fois de droit humain et de la rentabilité économique.
Pour cette raison, j'ai proposé à la ville de Bordeaux, qui a été classée au patrimoine de l'humanité de l'UNESCO, de créer un fonds de solidarité patrimoniale, pour que l'avantage économique d'une croissance touristique de 30 à 40 % bénéficie également aux autres sites inscrits sur la liste du patrimoine mondial, mais dont le patrimoine se dégrade, faute de contexte favorable. Il s'agirait donc de reconnaître une solidarité entre les différents sites du patrimoine de l'humanité. À ce jour, je n'ai pas reçu de réponse.
L'enjeu de diversité culturelle a été confisqué par un certain nombre d'intérêts économiques. Nous devons construire ensemble une éthique publique dans le cadre d'un développement durable humain.
M. Michel Le Scouarnec. - J'ai le sentiment qu'il existe une digue fragile pour lutter contre la loi du marché. Malgré notre mobilisation au Sénat, je crains que nous ne soyons impuissants face à la perte de pans entiers de notre propre culture, de notre diversité dans les dix années à venir.
À la veille des élections européennes, je mesure le gouffre qui sépare le pouvoir de l'Union européenne et celui du peuple dont les attentes sont si différentes... Je pense que nous aurions besoin d'une harmonisation fiscale et sociale et je m'inquiète pour le sport, qui peut être mis à mal par la remise en cause de l'autonomie des collectivités territoriales. Même si nous bénéficions d'une autonomie communale, beaucoup de choses peuvent nous échapper demain.
Mme Dominique Gillot. - Je suis surprise par les questions qui ont été posées. Je m'attendais à ce que l'on parle de droits, d'enrichissement intellectuel et social, de mise en commun de projets partagés s'appuyant sur une multitude d'acteurs agissant en réseau et non pas dans des cadres de plus en plus normés et contraints juridiquement. Cette progression normative peut stériliser les enjeux de la culture. Il est du devoir des élus de ne pas se laisser enfermer dans un cadre contraint que nous ne maîtrisons plus.
Je suis heureuse d'avoir entendu que la culture est une ressource motrice, un bien inaliénable, facteur d'humanité, qui doit être partagé pour devenir un facteur d'émancipation. L'exemple du Nigéria montre que la production culturelle n'est pas nécessairement facteur d'humanité : il faut pouvoir s'appuyer sur des critères autres que ceux de la rentabilité.
Mme Maryvonne Blondin. - Je rappelle qu'il existe, au sein du Conseil de l'Europe, une autre instance pour le dialogue inter-culturel, le Centre Nord-Sud ou Centre européen pour l'interdépendance et la solidarité mondiales, qui propose une approche citoyenne et humaniste.
Mme Marie-Christine Blandin, présidente. - Plusieurs membres de notre commission se sont rendus à Umeå, ville peuplée pour moitié d'étudiants, dont la maire nous a accueillis avec un discours que l'on n'entend pas en France, selon lequel « tout ce qui fait rencontre fait culture ». En 1965, 20 langues étaient parlées dans cette ville, tandis qu'aujourd'hui 160 langues y sont reconnues et parlées, les bibliothèques offrant d'ailleurs les sections linguistiques correspondantes.
En revanche, d'autres éléments que nous avons pu observer lors de ce déplacement en Suède nous ont étonnés, comme l'attribution d'un numéro unique utilisé pour toutes les démarches administratives sans que la confidentialité des données personnelles ne soit garantie.
M. Jean-Michel Lucas. - Je voulais soumettre à votre réflexion deux textes :
- la déclaration universelle sur la diversité culturelle adoptée par la conférence générale de l'UNESCO en 2001, dont l'article 2 mériterait d'être inscrit dans les missions des collectivités territoriales à la faveur de l'adoption d'un texte relatif à la décentralisation : « Dans nos sociétés de plus en plus diversifiées, il est indispensable d'assurer une interaction harmonieuse et un vouloir vivre ensemble de personnes et de groupes aux identités culturelles à la fois plurielles, variées et dynamiques. Des politiques favorisant l'inclusion et la participation de tous les citoyens sont garantes de la cohésion sociale, de la vitalité de la société civile et de la paix... » ;
- la position de la commission européenne relative à l'appréciation de la portée de la réglementation sur les services d'intérêt économique général (SIEG), rendue dans le cadre de la subvention d'un théâtre basque. Cet avis montre que l'on ne peut subventionner que ce qui n'affecte pas les échanges avec les autres États membres. Cette approche me paraît dangereuse car elle signifie que le financement public pour la culture est légitime tant qu'il conforte le repli de l'identité culturelle sur elle-même.
M. Pascal Brunet. - Après les élections européennes du 25 mai et d'ici à la fin de l'année 2014, ce sont l'ensemble des institutions européennes qui auront été renouvelées, qu'il s'agisse de la commission, du président du Conseil ou du haut représentant pour la politique étrangère et de sécurité. Ces nouvelles institutions auront la tâche très complexe d'organiser la sortie de crise de l'Union. Dans ce cadre, le questionnement sur la diversité culturelle peut être abordé selon deux axes : la mise en débat très profonde de la cohésion européenne, dans ses dimensions à la fois économique, sociale, territoriale mais aussi culturelle et l'articulation des droits et des libertés individuelles et collectives. Celles-ci comportent trois dimensions : la liberté de création, la liberté d'expression et la liberté de communication. Au nom de cette dernière et pour des motifs économiques, certains États membres exercent une très forte pression alors que la liberté d'expression doit être préservée, notamment par l'intermédiaire de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne.
Mme Danielle Cliche. - Je rappellerai que toute l'action de l'UNESCO vise à faire en sorte que la dimension culturelle ne soit pas oubliée dans le cadre de la définition par les Nations unies du programme de développement pour l'après-2015, alors qu'elle ne figurait pas parmi les objectifs du millénaire pour le développement. Tant le développement économique que le développement social doivent être inclusifs, de sorte de placer la culture au centre de la politique de développement, faute de quoi l'expression des droits culturels sera de nouveau laissée de côté. C'est pourquoi il est important que nous puissions travailler conjointement au cours des quelques mois qui nous séparent de la présentation par le Secrétaire général des Nations unies des objectifs pour l'après-2015. D'une manière générale, il importe de préserver la place des valeurs liées à la diversité culturelle au coeur des différents agendas, de quelque niveau qu'ils soient.