- Mardi 26 mars 2013
- Jeudi 28 mars 2013
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- Contexte et conditions de la création de la future Euro-métropole lyonnaise : compte rendu de la réunion avec M. Jean-Jack Queyranne, président du conseil régional de Rhône-Alpes
Mardi 26 mars 2013
- Présidence de Mme Jacqueline Gourault, présidente -Examen du rapport « Synthèse des propositions adoptées par la délégation susceptibles d'animer les discussions législatives à venir » de Mme Jacqueline Gourault et M. Edmond Hervé
Mme Jacqueline Gourault, présidente. - Mes chers collègues, Edmond Hervé a eu, l'automne dernier, l'heureuse idée de nous proposer l'élaboration d'une synthèse des propositions adoptées depuis la création de la délégation, en avril 2009, et susceptibles d'animer les discussions législatives à venir. Il a bien voulu m'associer à ses travaux et je l'en remercie. Notre souhait est d'éclairer le Sénat en amont de la discussion législative sur l'ensemble des aspects de la décentralisation que nous avons eu l'occasion d'explorer, les commissions permanentes devant prendre le relais dès le dépôt du projet de loi en attente.
Nous avons donc repris les principales propositions que nous avions adoptées ces dernières années, dans la mesure où elles paraissent s'articuler à l'actualité de la décentralisation dans les prochains mois.
Nous avons souhaité consacrer au préalable des développements substantiels au cadre constitutionnel de la décentralisation. À quoi servent en effet les principes si le législateur ne s'y réfère pas, disait Edmond Hervé dans son rapport de juin 2011 sur le bilan de « Trente ans de décentralisation » ? Nous devons les faire vivre, continuait-il, et je compléterai en disant que nous devons nous appuyer sur ces mêmes principes pour donner un sens à la poursuite de la décentralisation. Dans la multitude des dispositions du projet de loi - 124 articles en quelque 150 pages -, ce qui sera peut-être le plus difficile à faire sera, en effet, la construction d'un sens...
M. Edmond Hervé. - Les principes constitutionnels pourront donc être nos repères. Je pourrais les résumer en citant l'article premier de la Constitution : « La France est une république indivisible (...). Son organisation est décentralisée ». L'indivisibilité plus la décentralisation, cela débouche sur le principe de libre administration, énoncé dans l'article 72 de la Constitution et développé dans les articles suivants, qui représente l'ossature de la décentralisation. Il s'exerce dans les conditions prévues par la loi : cela c'est l'indivisibilité. Et il se comprend comme une liberté d'agir des collectivités à l'égard de l'État : cela c'est la décentralisation. Cette liberté d'agir revêt trois aspects majeurs : la liberté institutionnelle, celle de s'administrer ; la liberté fonctionnelle, celle d'exercer des attributions effectives et de disposer des moyens humains et juridiques nécessaires ; la liberté financière, sans laquelle, nous le savons, la décentralisation est un faux-semblant. Renforcer la liberté d'agir, pousser plus loin la capacité des collectivités territoriales d'influencer les réglementations qu'elles appliquent sur leur territoire, ce sera sans doute un des thèmes de la prochaine discussion législative, nous y reviendrons.
Pour autant, un autre aspect de la liberté d'administration sera sans doute prégnant dans les débats : je pense à la tutelle. La liberté d'agir des collectivités territoriales ne concerne pas seulement leurs relations avec l'État, elle est aussi réciproque. C'est pourquoi la Constitution interdit l'exercice de la tutelle d'une collectivité territoriale sur une autre. La notion de chef de file doit être comprise comme une dérogation à ce principe, une dérogation encadrée et limitée par le Conseil constitutionnel. Mais, si l'on veut éviter de s'en remettre à la seule bonne volonté des acteurs locaux pour assurer la coordination territoriale des politiques publiques, il faudra trouver le moyen d'en tirer toutes les conséquences utiles.
Cela sera sans doute un travail de précision, à faire politique par politique. C'est pourquoi nous nous en sommes tenus, dans notre rapport de synthèse, à une approche très générale que traduit notre proposition n° 1.
Proposition n° 1. Combiner le respect du principe de non-tutelle d'une collectivité territoriale sur une autre avec la mise en oeuvre de modalités efficaces de collaboration en application de la notion de chef de file.
Un autre enjeu de la décentralisation, un autre aspect de la liberté d'administration, est la différentiation territoriale des normes, à laquelle je viens de faire allusion. Historiquement, l'indivisibilité postule l'uniformité du cadre juridique applicable aux collectivités territoriales et dans les collectivités territoriales. Le Conseil constitutionnel veille à son respect. Pour autant, le législateur constitutionnel a beaucoup nuancé ses implications, d'abord, au profit des collectivités d'outre-mer, mais aussi au profit de l'ensemble des collectivités en créant, par exemple, un pouvoir d'adaptation des lois et des règlements à titre expérimental. De son côté, le législateur est allé assez loin dans le sens de la différentiation, par exemple en permettant à la collectivité territoriale de Corse de définir les modalités d'application d'une loi sur son territoire. L'uniformité n'est donc pas un dogme constitutionnel. D'ailleurs, le législateur a lui-même directement institué nombre de dispositifs juridiques applicables sur une base territoriale, c'est le cas de la loi montagne, de la loi littoral, ainsi que des nombreuses politiques de zonage mises en place au profit des territoires défavorisés.
Faut-il aller plus loin en permettant aux collectivités territoriales de fixer plus largement certaines modalités d'application des lois et des règlements sur leur territoire ? C'est moins le principe d'indivisibilité que celui d'égalité qui y fait obstacle. C'est pourquoi, en fonction de cette analyse, et aussi en fonction de la discussion de la proposition de loi adoptée par le Sénat le 28 janvier dernier sur la régulation des normes applicables aux collectivités territoriales, nous vous présentons deux propositions, la première posant un principe de bon sens, la seconde proposant une modalité d'application pragmatique.
Proposition n° 2. Emprunter de façon dynamique, dans le respect du principe d'égalité, la voie de la différentiation du cadre juridique applicable aux collectivités territoriales et dans les collectivités territoriales.
Proposition n° 9. Conforter la différentiation territoriale inhérente à la décentralisation en systématisant la pratique d'insérer, en tant que de besoin, dans chaque loi ou texte réglementaire une disposition prévoyant la possibilité d'une adaptation aux circonstances locales et fixant les modalités de cette adaptation ou renvoyant cette fixation à des textes d'application.
La présidente a fait allusion au fait que la question des modalités d'exercice des compétences décentralisées sera centrale dans les discussions à venir. Je vais y revenir plus longuement.
Notre délégation a examiné ce sujet à plusieurs occasions dans le sillage du rapport que la mission d'information du Sénat sur l'organisation et l'évolution des collectivités territoriales, que présidait Claude Belot et dont les rapporteurs étaient Jacqueline Gourault et Yves Krattinger.
Dans la mesure où une forte porosité existait entre cette mission d'information et notre délégation, nous avons repris les orientations qu'elle avait proposées en juin 2009 et qui restent tout à fait opportunes. C'est l'objet de notre proposition n° 3, qui tente d'approcher de façon pragmatique un sujet dans lequel les démarches théoriques ont toujours été démenties par la réalité.
Proposition n° 3. Mettre en place un dispositif de compétences obligatoires partageables par accord entre les collectivités. Affirmer un principe contractuel général. Mettre en place une procédure de constat de carence en cas d'inertie de la collectivité habilitée à exercer une compétence à titre obligatoire. Assurer l'information obligatoire de la ou des collectivités attributaires d'un domaine lorsqu'une autre collectivité intervient dans le même domaine. Créer un contrôle de légalité territorial permettant de trancher dans un délai déterminé les éventuels conflits entre collectivités relatifs au partage de leurs compétences.
Parmi cet ensemble d'orientations, il y a un point central sur lequel nous avons eu l'occasion de revenir, spécialement à la suite des états généraux de la démocratie territoriale d'octobre 2012, c'est la nécessité d'une méthode opérante de contractualisation et d'exercice coordonné des compétences. Je l'ai dit, les réalités du terrain peuvent contredire l'efficacité des principes théorique de partage. Ainsi, il est question d'attribuer, au demeurant selon des modalités assez complexes, la compétence économique aux régions. Pour autant, comme le rappelait Éric Doligé en tirant devant notre délégation les leçons des débats de l'atelier dont il était le rapporteur aux états généraux de la démocratie territoriale, les intercommunalités et les grandes communes ne veulent pas perdre la compétence économique, il faudra donc trouver une solution, en fonction de la diversité du contenu de cette compétence.
À cet égard, le rapport d'Antoine Lefèvre sur la répartition des compétences entre les collectivités territoriales a proposé, en février 2012, quelques pistes que nous rappelons dans la proposition n° 4.
Proposition n° 4. Pour permettre la gestion coordonnée des compétences partagées ou concurrentes, instituer des conférences territoriales regroupant les représentants de l'ensemble des catégories de collectivités ou des catégories de groupements de collectivités concernés. Les conférences territoriales, présidées par la collectivité chef de file dans le domaine de compétence concerné, négocieront et adopteront des schémas de mise en oeuvre des compétences. Elles devront satisfaire aux principes d'organisation suivants : mise à la disposition des participants de dossiers de séance avant les réunions, possibilité pour les participants d'obtenir la convocation de réunions supplémentaires ou d'appeler à la discussion des questions dont ils souhaiteraient débattre, possibilité pour les participants de présenter par écrit des observations sur les dossiers à l'ordre du jour, possibilité d'un vote sur les dossiers examinés, présence du préfet de région ou de son représentant aux réunions.
On sait que la coordination de la mise en oeuvre des compétences par des schémas négociés sous l'impulsion de collectivités chefs de file au sein de conférences territoriales à créer sera l'une des mesures phares du projet de loi. En fonction de cette perspective, nous avons élaboré une proposition destinée à renforcer l'efficacité des documents élaborés sous l'égide des collectivités chefs de file.
Proposition n° 5. Exiger un haut degré de compatibilité des actions des collectivités territoriales avec les orientations et objectifs fixés dans les schémas de mise en oeuvre des compétences décentralisées.
Par ailleurs, Jacqueline Gourault a abordé à travers l'idée de différentiation territoriale des normes le problème de l'étau normatif dans lequel l'État enserre les collectivités territoriales. Je ne vais pas y revenir, mais évoquer l'arrière-plan de cette question, qui est la nécessité d'un dialogue entre l'État, recentré sur ses missions stratégiques, et les collectivités territoriales.
Il semble qu'il y ait unanimité sur la notion d'État stratège. Nous voulons un État qui soit garant du pacte républicain, qui fournisse une vision de long terme, qui assure un environnement optimal à la croissance, un État régulateur et péréquateur qui organise l'implication de tous les acteurs territoriaux : en un mot, un État recentré sur ses missions stratégiques et intervenant le moins possible sur les compétences transférées. Le programme est ambitieux, nous l'avons résumé dans notre proposition n° 6.
Proposition n° 6. Recentrer l'État sur la mission stratégique de créer les conditions globales de la prospérité et de l'égalité au plan national et territorial.
L'État stratège pourra s'engager de façon optimale dans un dialogue avec les collectivités. Nous avons examiné ce thème de façon approfondie dans le cadre du rapport que nous avons adopté en février 2012 sur la proposition de Jacqueline Gourault et de Didier Guillaume. Ce rapport proposait de remédier à la multiplication des instances nationales et locales de dialogue et regrettait la tendance de l'État à utiliser celles-ci pour communiquer ses intentions plutôt que pour débattre de ses projets. On annonce une simplification des dispositifs de dialogue au niveau national comme au niveau territoriale. C'est pourquoi il nous a paru important de rappeler les propositions du rapport de février 2012, qui sont toujours pertinentes dans leur principe, tout en notant la nécessité de les actualiser en fonction de ce qui sera proposé.
Proposition n° 7. Institutionnaliser la conférence nationale des exécutifs (CNE) en l'inscrivant dans le CGCT. Modifier sa composition en lui ajoutant a minima une association nationale d'élus représentants les EPCI à fiscalité propre et quatre parlementaires. Prévoir la consultation de la CNE, notamment, sur les perspectives de réforme intéressant les collectivités territoriales et leurs groupements, les politiques publiques décentralisées nécessitant un partenariat entre l'État et les collectivités, l'évolution de la situation des finances publiques, les textes européens intéressants les collectivités. Fusionner les missions de la conférence nationale des déficits publics au sein de la CNE. Attribuer à celle-ci un secrétariat permanent et garantir la présence du Parlement au sein de ce secrétariat en permettant la présence de fonctionnaires parlementaires.
Proposition n° 8. Consacrer la possibilité pour les conférences des exécutifs régionaux d'associer à leurs réunions les préfets de région ou les préfets de département. Créer dans chaque département une conférence départementale des exécutifs chargée d'organiser la coordination locale et de favoriser le dialogue entre les représentants de l'État et les élus locaux.
Mme Jacqueline Gourault. - Je poursuis notre présentation avec la question de l'intercommunalité. Elle répond très schématiquement à deux objectifs différents. D'une part, il s'agit de fournir à nos concitoyens des services qu'une collectivité, notamment rurale, n'a pas les moyens d'assurer seule. D'autre part, il s'agit de mettre à la disposition des grandes agglomérations françaises les moyens de mieux s'insérer dans la compétition mondiale en constituant des plates-formes intégrées de moyens et de ressources en matière d'enseignement, de recherche, d'innovation et de production. Ces deux aspects de l'intercommunalité se rejoignent en ce qu'ils conduisent à dessiner ce qui sera, peut-être, le paysage territorial français de demain ou d'après-demain. Sans préjuger de ce qu'il en sera nous devons nous montrer particulièrement attentifs au devenir de l'intercommunalité. D'ailleurs, ce dossier sera vraisemblablement l'un des thèmes centraux des discussions législatives à venir. Des progrès importants ont été réalisés ces dernières années. Je ne rappelle pas les apports de la loi du 16 décembre 2010, ceux de la loi du 29 février 2012 visant à assouplir les règles relatives à la refonte de la carte intercommunale, et ceux de la loi du 31 décembre 2012 sur la représentation communale dans les communautés de communes. Je ne rappelle pas non plus l'achèvement, en cours, du programme de rationalisation des structures intercommunales.
Un des sujets qui nous occupera très prochainement sera certainement les compétences des intercommunalités. À cet égard, notre délégation a adopté en juillet 2012 un rapport de Pierre Jarlier « Pour une nouvelle architecture territoriale de l'ingénierie en matière d'urbanisme » dont il nous a semblé important de reprendre deux propositions.
La première est de portée assez générale.
Proposition n° 10. Faire de l'intercommunalité l'échelle privilégiée pour l'aménagement opérationnel et l'administration du droit des sols, notamment par la mise en place de services instructions mutualisés des autorisations d'urbanisme pour le compte des communes.
L'idée sous-jacente est que les enjeux de déplacement, d'emploi et de logement sont liés au bassin de vie et doivent donc être traités au niveau intercommunal. Dans cette perspective, le transfert aux communautés de communes ou aux communautés d'agglomération de certaines compétences communales liées au droit de l'urbanisme permettrait de renforcer la cohérence de l'application du droit des permis de construire et du droit des sols sur un espace pertinent. D'où la proposition n° 11, reprise du rapport Jarlier, qui est une incitation.
Proposition n° 11. Encourager l'élaboration du plan local d'urbanisme à une échelle intercommunale.
Pour autant, il semble que le projet de loi en cours d'élaboration prévoit d'aller plus loin que l'institution d'une simple incitation en la matière, aussi avons-nous jugé important d'élaborer une proposition n° 12 qui ne figure pas dans les rapports passés de la délégation, mais nous semble indispensable à la pérennisation d'une compétence de proximité essentielle des maires.
Proposition n° 12. En cas de transfert de la compétence PLU à l'intercommunalité, les maires doivent conserver la signature des permis de construire.
La mutualisation est un autre aspect central du dossier de l'intercommunalité. Le rapport « Un nouvel atout pour les collectivités territoriales : la mutualisation des moyens », adopté par notre délégation en mai 2010 sur la proposition d'Alain Lambert, d'Yves Détraigne, de Jacques Mézard et de Bruno Sido, notait à cet égard que la mutualisation peut souvent constituer une première étape dans un processus plus ou moins long susceptible de conduire au transfert pur et simple de moyens dans un cadre intercommunal. Dans ce domaine, la loi du 16 décembre 2010 a fait progresser les choses, d'une part en posant le principe selon lequel tout transfert de compétences vers un EPCI entraîne le transfert du service ou de la partie de service chargée de mettre en oeuvre cette compétence, d'autre part, en maintenant un régime dérogatoire de mutualisation ascendante en cas de transferts de compétences partielles, et enfin en instituant une nouvelle possibilité de mutualisation, sous la forme de services communs.
De nouveaux progrès sont envisageables, notre délégation n'a cependant pas travaillé sur ce dossier récemment. Je crois utile de rappeler cependant l'idée de coefficient d'intégration fonctionnelle, avancée par Philippe Dallier dans un rapport publié en octobre 2006 au nom de l'observatoire sénatorial de la décentralisation, reprise par la délégation en mai 2010 puis dans une proposition de loi d'Yves Détraigne, et de Jacques Mézard en septembre 2012. Il est justifié de réitérer cette proposition.
Proposition n° 13. Créer un coefficient d'intégration fonctionnelle calculé en fonction du rapport entre : d'une part, les équivalents temps plein affectés à des services fonctionnels ayant donné lieu à mutualisation dans le cadre intercommunal et, d'autre part, l'ensemble des équivalents temps pleins affectés à des services fonctionnels dans toutes les communes membres et au sein de l'EPCI. Se servir de ce coefficient pour augmenter proportionnellement la DGF des EPCI situés au-dessus de cette moyenne et diminuer la DGF des EPCI situés en dessous.
J'en viens maintenant au fait métropolitain, qui occupe une place importante dans le projet de loi de décentralisation qui va nous parvenir.
Je rappelle tout d'abord que le fait métropolitain correspond à une tendance majeure de l'économie postindustrielle. À la suite de la globalisation de l'économie mondiale, un phénomène de concentration métropolitaine s'est produit, qui paraît irréversible et dont il faut tenir compte dans la législation, alors qu'aujourd'hui, en France, selon de nombreux observateurs, les métropoles semblent pénalisées par une croissance insuffisante et bridée.
La mission d'information du Sénat sur l'organisation et l'évolution des collectivités territoriales que présidait Claude Belot s'est intéressée à ce phénomène. Elle a présenté un certain nombre de propositions, tendant en particulier à créer des métropoles par la loi. La loi du 16 décembre 2010 a créé un régime juridique de la métropole au profit des communes formant un ensemble de plus de 500 000 habitants et s'associant au sein d'un espace de solidarité pour élaborer et conduire un projet d'aménagement et de développement susceptible d'améliorer la compétitivité et la cohésion de leur territoire. Jusqu'à présent, seule la métropole Nice Côte d'Azur a été créée, en décembre 2011.
Au vu de cette situation, nous proposons à la délégation de reprendre la proposition de créer des métropoles par la loi.
Proposition n° 14. Créer par la loi plusieurs métropoles.
Il nous semble intéressant, par ailleurs, de retenir l'idée de former les métropoles autour de convergences économiques et structurelles. En effet, l'approche démographique ou institutionnelle, privilégiée par la loi de 2010, ne doit pas écarter toute approche fonctionnelle et stratégique : une ville de 100 000 habitants dotés d'un bon projet stratégique doit avoir sa chance d'accéder au statut de métropole. De même, un réseau de villes peut avoir collectivement les caractéristiques d'une métropole, d'où la proposition n° 15.
Proposition n° 15. Réexaminer les critères de création des métropoles en fonction de l'objectif d'organiser le fait métropolitain autour de convergences économiques et structurelles et pas seulement démographiques.
Je vous propose d'aborder maintenant la démocratie locale et la transparence de la gestion locale, qui forment le cinquième chapitre de notre rapport.
Nous savons que la décentralisation, qui implique la gestion des affaires locales par des conseils élus, est intrinsèquement liée à l'idéal démocratique. Déconcentration et démocratie locale vont donc de pair, toutes deux appellent un effort de dépassement de l'acquis, une tension vers la transparence.
Dans son rapport « Trente ans de décentralisation » de juin 2011, Edmond Hervé relevait la nécessité de dynamiser les politiques d'information, de consultation, de participation et d'orientation pour redonner du dynamisme à la société civique. Pour autant, il estimait satisfaisants les textes en vigueur et concluait : « il faut simplement les mettre en oeuvre. » Je ne saurais mieux dire. Gardons-le à présent l'esprit.
La démocratie locale, c'est aussi un statut de l'élu ouvrant à tous la possibilité d'accéder au mandat. Notre délégation s'est beaucoup intéressée à cette question. En témoignent notamment le rapport de Philippe Dallier et Jean-Claude Peyronnet « Faciliter l'exercice des mandats locaux : réflexions autour du statut de l'élu », adopté en janvier 2012, ainsi que le rapport d'Antoine Lefèvre « La formation des responsables locaux : un enjeu pour nos territoires », d'octobre 2012. Une proposition de loi visant à faciliter l'exercice, par les élus locaux, de leur mandat, que j'ai cosignée avec Jean-Pierre Sueur a, par ailleurs, été adoptée par le Sénat, à l'unanimité, le 29 janvier dernier. Je ne reviens pas sur ce dossier que nous connaissons tous. Je dirai simplement que son évolution témoigne de la capacité de notre délégation à travailler efficacement les dossiers importants. En l'occurrence, nous n'avons rien fait de révolutionnaire, nous avons cependant apporté une pierre à l'édifice du statut de l'élu sans remettre en cause la tradition du bénévolat. J'ajoute que la question du statut de l'élu est indissociable de celle du cumul des mandats, qui va être discutée.
Un autre élément essentiel de la démocratie est la transparence de la gestion locale et la responsabilité des gestionnaires. Transparence et responsabilités sont les corollaires de la liberté d'administration. Notre délégation a consacré en janvier 2012 d'importants développements à ces questions en janvier 2012 dans le rapport de Jacques Mézard « Prendre acte de la décentralisation : pour une rénovation indispensable des contrôles de l'État sur les collectivités territoriales ».
Nous avons ainsi adopté un grand nombre de propositions que nous souhaitons résumer dans la proposition n° 16 de notre rapport, qui nous a semblé en traduire l'esprit.
Proposition n° 16. Faire évoluer les méthodes du contrôle de gestion exercé par les chambres régionales et territoriales des comptes dans le sens d'un meilleur équilibre entre le contrôle de régularité pur et simple et la pédagogie de la bonne gestion.
Je cède la parole à Edmond Hervé pour présenter les deux derniers chapitres de notre rapport.
M. Edmond Hervé. - Faire vivre la liberté d'administration, cela suppose de conforter les ressources humaines dont disposent les collectivités territoriales ; cela suppose aussi de consolider leurs ressources financières.
En ce qui concerne les ressources humaines, j'ai eu l'occasion de relever dans mon rapport « Trente ans de décentralisation » la très grande qualité des fonctionnaires territoriaux. J'estime que nous devons continuer à faire monter cette fonction publique en qualité et en responsabilité. Il faut sensibiliser les jeunes diplômés au service publiques territoriales, favoriser la préparation aux concours de la fonction publique territoriale, assurer un niveau de financement satisfaisant du CNPTF. Tout cela est essentiel mais guère législatif. Pour me limiter à cet aspect, je mentionnerai donc simplement les propositions que nous pourrions réitérer en vue de la discussion législative à venir. Il s'agit de faire progresser la fluidité entre les filières de la fonction publique territoriale ainsi qu'entre les trois fonctions publiques. Dans mon rapport de bilan, je proposais d'ouvrir plus largement les corps d'inspection générale aux administrations territoriales et de leur donner des missions de conseil aux collectivités territoriales. Le second point est d'ores et déjà satisfait. Reste le premier, qui me semble poser de façon emblématique la question plus large de la mobilité entre les trois fonctions publiques et celle du décloisonnement. Je note que cet objectif a été évoqué au cours des états généraux de la démocratie territoriale d'octobre dernier. Certains participants ont même posé la question de la fusion des fonctions publiques. En tout état de cause, notre proposition n° 17 confirme l'objectif de fluidité.
Proposition n° 17. Favoriser la fluidité entre les filières de la fonction publique territoriale et entre les trois fonctions publiques. Ouvrir plus largement les corps d'inspection générale aux administrations territoriales.
Dans le sillage des développements que nous avons consacrés à l'intercommunalité, nous avons aussi estimé important d'évoquer les problèmes statutaires résultant des transferts de compétences. Au cas où le projet de loi en cours d'élaboration opérerait de nouveaux transferts de compétences impliquant des transferts de personnels ou des mises à disposition de services et de personnels, il faudrait prévoir un encadrement législatif précis de la mise en oeuvre. Tel est l'objet de la proposition n° 18, qui s'inscrit dans le droit fil des propositions du rapport d'Éric Doligé et de Claude Jeannerot de novembre 2010 « Transferts de personnel de l'État vers les collectivités territoriales ».
Proposition n° 18. Consolider les garanties accompagnant les transferts et mises à disposition d'agents de l'Etat résultant des transferts de compétences.
Il faut aussi mentionner la nécessité de la formation. Le rapport d'Antoine Lefèvre d'octobre 2012 sur « La formation des responsables locaux » a rappelé que la loi du 19 février 2007 relative à la fonction publique territoriale avait créé ou amélioré des dispositifs tels que le droit individuel à la formation, le droit à congé pour validation des acquis de l'expérience, le droit au congé pour bilan de compétences. Ce rapport estime que ces dispositifs sont encore trop méconnus, d'où notre proposition n° 19.
Proposition n° 19. Renforcer par l'information et la concertation le large accès des agents territoriaux aux dispositifs de formation permanente qui leur sont ouverts.
S'agissant maintenant des ressources financières, notre délégation ne s'est pas prononcée récemment sur l'ensemble des sujets. Mon rapport « Trente ans de décentralisation » avait proposé quelques orientations : affermir le principe de l'autonomie fiscale, réviser les valeurs cadastrales à un niveau géographique cohérent, doter la taxe d'habitation d'une assiette incluant les revenus, restituer une autonomie fiscale à la région et lui assurer une part du versement transport ainsi qu'une part de la TVA, faire relever de l'impôt national le financement des allocations de solidarité définie par la loi.
Tout en rappelant ces orientations, nous avons souhaité mettre l'accent sur l'amélioration des dispositifs de péréquation, qui a fait l'objet d'une réflexion poussée dans le cadre du rapport susmentionné de Jacques Mézard et Rémy Pointereau « Vers une dotation globale de péréquation ? À la recherche d'une solidarité territoriale ». Sans reprendre le détail technique des propositions du rapport, nous avons souhaité en résumer l'intention dans notre proposition n° 20.
Proposition n° 20. Intensifier la portée des dispositifs de péréquation.
De façon générale, je crois important de rappeler que la question du niveau des ressources financières et fiscales des collectivités territoriales ne peut pas être traitée indépendamment du contexte général qui intéresse ensemble des finances de l'État, celle des collectivités et celle des institutions de la sécurité sociale. On ne peut penser la décentralisation, du point de vue financier comme en toutes autres matières, sans repenser la façon dont l'État fonctionne.
Je terminerai la présentation de notre rapport en évoquant la compétence développement économique.
Tout d'abord un constat. Comme la Cour des comptes le notait dans un rapport publié en 2007 sur les aides des collectivités territoriales au développement économique : de toutes les compétences dévolues aux collectivités, celle concernant l'aide au développement économique a été la seule à échapper à l'application du principe des blocs de compétences : c'est que, considérée comme une compétence inhérente à la légitimité de chaque collectivité de maîtriser le développement de son territoire, l'aide en faveur des entreprises a été dès l'origine conçue comme une compétence partagée entre l'État et chacune des autres collectivités territoriales. La force de cette exception a été telle qu'elle n'a jamais été remise en cause par la suite, conclut la Cour des comptes sur ce point.
Il existe cependant une certaine répartition des tâches : le rapport de la mission d'information du Sénat sur l'organisation et l'évolution des collectivités territoriales notait que la pratique a permis de spécialiser les interventions : les régions prenant en charge les dépenses en faveur de l'innovation et de l'internationalisation des entreprises, les EPCI s'impliquant dans l'aménagement des zones d'activités et dans l'animation économique, les communes continuant à soutenir le commerce de proximité.
Un autre genre de spécialisation peut aussi être mentionné : d'une manière générale, les collectivités infrarégionales tendent à intervenir sur des services à faible valeur ajoutée, nécessitant une proximité avec les entreprises, tandis que les régions se spécialisent sur les services à forte valeur ajoutée.
En tout état de cause, en matière de croissance économique, le succès repose sur les interactions entre acteurs et sur l'exploitation des synergies, comme l'affirmait un rapport publié par l'OCDE en 2009. Les politiques efficaces d'aménagement du territoire impliquent la mobilisation des ressources par des acteurs capables de s'accorder sur des projets stratégiques cohérents à l'échelle de ces territoires.
J'ajoute que la cohérence doit dépasser l'échelle territoriale. En effet, la concurrence éventuelle entre les collectivités pour attirer la « base résidentielle », qui capte à l'extérieur de la zone considérée, au bénéfice de l'économie locale, les retraites, les dépenses des touristes, les revenus des actifs habitant dans la zone mais travaillant et acquérant leurs revenus à l'extérieur, peut avoir des effets d'éviction sur la « base productive », qui capitalise les revenus de la vente à extérieur de la zone de biens et de services produits localement. Or la vitalité de la base productive est nécessaire à la création de richesse au plan national.
Ce premier constat illustre l'impératif, que nous avons déjà évoqué, de coordination et de contractualisation dans la mise en oeuvre des politiques territoriales. Il illustre aussi l'idée il n'existe pas de problématique purement territoriale : le national doit être présent, l'État stratège doit jouer son rôle, c'est-à-dire participer à la coordination territoriale.
Le même constat met aussi en évidence le lien étroit existant entre la politique des aides, qui est au coeur des politiques territoriales de développement économique, et la politique d'aménagement du territoire, qui crée les conditions de la croissance. Ce lien a été fortement énoncé dans le récent rapport de Jean-Luc Fichet et Stéphane Mazars sur « Les collectivités territoriales et le développement économique ».
Ce rapport, dont nous ne pouvons que reprendre les orientations, propose de renforcer le positionnement des régions en matière de développement économique sans leur confier de compétence exclusive. À cette fin, il faudrait généraliser les schémas régionaux de développement économique. La proposition n° 21 reprend cette problématique.
Proposition n° 21. Confier aux régions la responsabilité de définir une stratégie de développement économique et de coordination des acteurs à l'échelle de leur territoire. À cette fin, généraliser les schémas régionaux de développement économique en les élargissant aux problématiques de l'innovation et en faisant d'eux, en association avec les autres collectivités ainsi que l'ensemble des acteurs économiques concernés, les outils d'une réflexion à moyen long terme. Rechercher une cohérence des schémas régionaux de développement économique avec les différents schémas régionaux ou départementaux.
Un rôle prépondérant devrait être reconnu aux régions dans le domaine des aides aux entreprises. C'est l'objet de la proposition n° 22.
Proposition n° 22. Réaffirmer le rôle de chef de file des régions en matière d'aides au développement économique. Permettre aux autres collectivités de compléter le financement des aides régionales sous réserve de la signature d'une convention avec le conseil régional.
Le cas des aides à l'immobilier d'entreprise est cependant spécifique, d'où la proposition n° 23.
Proposition n° 23. Réserver les aides à l'immobilier aux EPCI, qui en assument aujourd'hui la majeure partie.
Enfin, il est nécessaire de développer davantage la culture de l'évaluation en réponse aux doutes exprimés lors du vote de la loi sur la banque publique d'investissement sur l'efficacité de l'action des collectivités en matière de développement économique. C'est ce qu'indique la dernière proposition de ce rapport.
Proposition n° 24. Généraliser l'évaluation des politiques territoriales de développement économique.
M. Éric Doligé. - Le rapport très complet qui vient de nous être présenté par notre collègue Edmond Hervé montre que l'opposition entre régions et départements, redoutée par certains d'entre nous, a peu de consistance. En revanche, se dessine sinon une concurrence, du moins une recherche de complémentarité entre régions et intercommunalités. Ainsi, pour remédier à l'effacement croissant des services de l'État, les sociétés publiques locales devront, pour être efficaces, regrouper toutes les collectivités, c'est-à-dire les régions, les départements, les intercommunalités et les communes.
Le projet de loi portant acte III de la décentralisation fera certes de la région le chef de file en matière de développement économique mais cette action, pour être efficace, devra intégrer d'autres acteurs, notamment dans la recherche et l'accueil des entreprises, qui nécessitera le recours à des collectivités territoriales plus proches du terrain. La région sera bien placée, en revanche, pour élaborer une vision globale de ce développement.
Je relève qu'un niveau de collectivité, comme la région, peut disposer de vastes domaines d'exclusivité, tel l'entretien des lycées, sans que ceux-ci soient conçus comme une forme de tutelle d'une collectivité sur une autre.
La proposition n° 8 prévoit la création d'une conférence départementale des exécutifs. Je souligne que, d'ores et déjà, l'intercommunalité permet de travailler avec toutes les communes qui y sont regroupées et tient ainsi lieu de conférence intercommunale. Ce qui me semble surtout faire défaut est un lieu de débat entre la région et les départements, particulièrement quand le territoire régional est très vaste.
M. Yannick Botrel. - Je tiens également à souligner la qualité de cette présentation, dont certaines des propositions seront intégrées dans le futur projet de loi sur la décentralisation, qui constitue une étape dans un processus qui, à mon sens, sera poursuivi ultérieurement. Ce texte permettra une importante clarification des compétences de nature à apaiser les craintes sur d'éventuelles rivalités entre les départements et les régions.
La Bretagne a été pionnière, avec la création précoce d'une conférence régionale, qui ne regroupe que 16 interlocuteurs, nombre restreint qui permet un débat constructif. Je constate néanmoins que les sollicitations d'un département envers la région pour obtenir son soutien pour tel ou tel projet, et réciproquement, suscitent parfois des négociations longues et compliquées et aboutissent, au total, à une perte de temps et d'énergie.
Il m'apparaît que le département est désormais en position fausse à certains égards. Ainsi, je constate que, dans les Côtes-d'Armor, le futur schéma de coopération intercommunale induit des fusions aboutissant à la création de puissantes entités. Par exemple, dans le domaine de l'ingénierie territoriale, les intercommunalités de Saint-Brieuc ou de Lannion disposent de moyens permettant de répondre aux demandes exprimées par les communes, ce qui rend l'action parallèle du département assez stérile.
J'en viens maintenant au transfert aux intercommunalités des plans locaux d'urbanisme, qui sont parfois d'une grande difficulté d'application. À cela s'ajoute l'existence de fortes disparités entre communes, car certaines d'entre elles ne disposent que d'un unique document d'urbanisme constitué par la carte communale, alors que d'autres communes ont déjà réalisé des documents plus élaborés. Ceci suscite des difficultés d'harmonisation.
Il me semble également que le domaine des transports devrait être géré au sein des intercommunalités, car la population est demandeuse de liaisons entre la ville-centre et les bourgs environnants. Cette concertation en matière de transport s'impose à un niveau plus vaste, puisque j'observe que les agglomérations de Nantes et de Rennes ne sont plus séparées aujourd'hui que par une dizaine de kilomètres, ce qui devrait se traduire par une coopération en matière de transport.
Le transfert des aides à l'immobilier au profit des intercommunalités et des métropoles fragilise aussi le département, qui peine à trouver sa place dans ce domaine également.
Je m'interroge enfin sur la portée réelle de la clause de compétence générale, dans la mesure où, à mon sens, les communes n'en disposent plus que pour les secteurs qui n'ont pas été transférés aux intercommunalités.
M. Pierre Jarlier. - Je trouve particulièrement intéressant que nous puissions avoir une feuille de route dans le cadre des débats qui vont s'ouvrir, et je salue l'initiative de notre délégation de synthétiser les différentes contributions de nos rapporteurs présentées à l'occasion de leurs rapports respectifs. Cette démarche va dans le bon sens, dans la mesure où elle participe de la production de consensus au Sénat.
Je trouve tout d'abord qu'il est particulièrement positif d'évoquer la clarification des compétences par la contractualisation car c'est une logique qui fonctionne, comme nous avons pu le constater à l'occasion de la mise en place des conseils communautaires. Cette démarche de contractualisation permet d'aller vers une responsabilisation des territoires, mais également vers une harmonisation de la gouvernance, tout en s'adaptant à la diversité de ceux-ci. Je trouve la proposition numéro 9 très intéressante et, à mon avis, indissociable d'une véritable décentralisation car il est évident que l'on ne peut raisonner de la même manière suivant que l'on soit dans un État centralisé ou décentralisé, et l'adaptation des dispositions nationales à la diversité des territoires parait dans certains cas nécessaire, même si, bien sûr, cela n'est pas facile à mettre en oeuvre, de nombreuses expérimentations ayant été conduites dans ce domaine.
En matière d'ingénierie, l'intercommunalité me paraît effectivement être la bonne échelle, voire, dans certains cas, l'inter-intercommunalité, comme par exemple en matière de schéma de cohérence territoriale (SCOT). Il nous faut donc cheminer vers des solutions opérationnelles. Grâce aux textes qui existent déjà, et dès lors que le territoire de l'intercommunalité sera plus cohérent, il sera possible de mettre en oeuvre une ingénierie à l'échelle la plus efficace. J'avais pris le risque d'affirmer dans un rapport qu'il fallait encourager la planification intercommunale mais je reste persuadé que l'obliger n'est pas une bonne solution, dans la mesure où le PLU intercommunal est le fruit d'un projet collectif qui nécessite un consensus être viable. Comme cela a été rappelé, l'obligation est inscrite dans l'avant-projet de loi et je pense que nous pourrions trouver au Sénat les voies et moyens pour au moins susciter un certain consensus avant de l'appliquer.
S'agissant des mesures financières, il me paraît important, en matière de péréquation, qui sera de plus en plus nécessaire compte tenu de la baisse prévisible des dotations, que les bases de cette péréquation soient justes. La question qui se pose aujourd'hui est celle des critères dont nous disposons pour comparer la richesse des différentes collectivités. Il me semble très important que l'on puisse travailler sur un certain nombre de critères qui pourraient faire consensus en alliant à la fois la richesse de la collectivité et la richesse du territoire, parce que les deux sont indissociables. On commence d'ailleurs à parler aujourd'hui de revenu par habitant, ce qui est effectivement une des réponses possibles. Car nous savons tous qu'il y a des collectivités riches dans des territoires pauvres et, inversement, des collectivités pauvres dans des territoires relativement riches. Dès lors, si nous souhaitons à l'avenir mettre en place une juste péréquation et répartir des dotations qui seront plus rares, il faudra faire à la fois de la péréquation horizontale et verticale. Malheureusement, si l'on raisonne aujourd'hui à échelle constante, voire au vu d'une baisse des dotations, on s'aperçoit qu'il n'y a plus que de la péréquation horizontale, qui consiste à prélever sur la dotation globale de fonctionnement (DGF) des uns pour assurer le financement de la dotation de solidarité rurale (DSR) et de la dotation de solidarité urbaine (DSU) que l'on reverse aux autres. C'est donc un chantier très important et nous devons travailler sur ces critères si l'on souhaite trouver un consensus pour aller chercher la richesse là où elle se trouve et éviter ainsi des erreurs lourdes de conséquences pour certaines collectivités qui pourraient être fragilisées. Voilà les propositions que je souhaitais formuler, elles pourraient faire l'objet, si la délégation le souhaite, d'un rapport sur lequel je pourrais travailler.
Mme Jacqueline Gourault, présidente. - C'est une excellente initiative et je ne doute pas que d'autres spécialistes des finances locales souhaiteront se joindre à vous sur ces sujets.
M. Jean-Luc Fichet. - Il s'agit d'un excellent rapport et les propositions, telles qu'elles sont formulées sont très claires. J'ai toutefois une interrogation s'agissant du transfert de la compétence d'élaboration du PLU à l'intercommunalité. Certes, en soi cela n'est pas forcément une mauvaise idée, à partir du moment où l'on procède par étapes. Mais le PLU est quand même un bel outil dont disposent encore les communes. Or, son transfert à l'intercommunalité, avec le transfert du personnel qualifié qui va avec, posera une fois de plus la question des compétences qui restent aux communes. En effet, il faut garder à l'esprit et bien mesurer l'énergie déployée par certains maires pour garder aujourd'hui dans leurs communes un certain nombre de services publics et de commerces tendant à disparaître et qui, malheureusement, n'y parviennent pas. Nous devons donc avoir un vrai débat sur l'avenir même de la commune et échanger avec les maires sur son futur positionnement dans l'intercommunalité.
Ensuite, sur la question des bassins d'emploi, qui a été abordée dans le cadre de la problématique de l'intercommunalité, il me semble que cela s'inscrit davantage au niveau des pays. Même si la notion de pays n'est plus évoquée, les pays subsistent dans nos territoires et continuent à vivre. Selon mon expérience personnelle, le pays reste un espace de parole très intéressant entre trois communautés de communes et une communauté d'agglomération. Dans la région Bretagne, par exemple, c'est au niveau du pays qu'ont lieu les débats au sujet du développement du très haut débit. Les propositions qui sont formulées ici en matière de contractualisation mériteraient peut-être de ne pas laisser de côté les pays, lieux privilégiés où les élus peuvent échanger sur les problématiques - tourisme, développement économique - liées au bassin d'emploi.
S'agissant de l'autonomie de la région et du département grâce à de nouvelles fiscalités, la piste du très haut débit mérite effectivement d'être explorée, tout en sachant que nous ne pourrons pas créer de nouveaux impôts car nous sommes arrivés à saturation et nous devons, comme cela a été dit, réconcilier nos concitoyens avec leurs impôts en faisant en sorte que ceux-ci soient justes et adaptés aux besoins.
Mme Jacqueline Gourault, présidente. - Le pays est effectivement une notion importante, qui avait notamment été abordée dans le cadre du rapport de notre collègue Claude Belot. Je sais d'ailleurs que les Bretons sont particulièrement attachés à cette notion, ce qui montre, là aussi, la diversité des territoires puisque vous avez réussi en Bretagne à en faire un lieu important de concertation. La vision que j'ai du pays est un peu différente puisque, dans ma région, il s'agit davantage d'un lieu par l'entremise duquel les fonds régionaux sont distribués dans le cadre d'une contractualisation avec la région. Or, ce qui était logique à une époque où l'intercommunalité n'existait pas, paraît aujourd'hui moins justifié. Il nous faut donc garder à l'esprit ces diversités régionales et ce n'est pas un hasard si les pratiques institutionnelles sont différentes en Bretagne ou en Alsace par exemple, car elles dépendent aussi de traditions culturelles.
Merci, chers collègues, j'espère que ce rapport constituera un outil utile dans les débats que nous allons avoir prochainement au Sénat.
Jeudi 28 mars 2013
- Présidence de Mme Jacqueline Gourault, présidente -Contexte et conditions de la création de la future Euro-métropole lyonnaise : compte rendu de la réunion avec le conseil général du Rhône et la communauté urbaine de Lyon
M. Michel Mercier, premier vice-président du conseil général du Rhône. - Le département du Rhône est, avec l'Alsace, l'un des rares endroits en France où les collectivités locales bougent et innovent. Pour le département, créer une métropole n'est pas une décision facile. Cette décision était pourtant nécessaire et objectivement évidente.
Territorialement, le département du Rhône est relativement petit. Il est aussi très peuplé - quelque 800 000 habitants - et inclut l'agglomération lyonnaise, qui représente à peu près 75 % de la population du département. Si l'on veut faire en sorte d'être plus efficace, l'idée de la métropole s'impose. Il s'agit d'organiser administrativement l'administration lyonnaise et de lui donner son efficacité maximale en faisant d'elle une collectivité locale de la République. À cette fin, le département doit disparaître du territoire de la communauté urbaine. Celle-ci, sur son territoire, doit devenir département, le département demeurant sur le reste du territoire départemental actuel.
Prendre la décision n'a pas été facile, mais il est grand temps pour les collectivités locales de montrer qu'elles ont une capacité d'évoluer. Pour cela, il va falloir mettre un terme l'organisation administrative issue de la Révolution française. Il s'agit de faire mieux, plus efficace, moins cher. Tout le monde est maintenant plus ou moins convaincu de la nécessité de faire la métropole, même si certains ont encore un peu de mal à le dire. Puisque nous recevons une délégation de parlementaires, je voudrais dire à ceux-ci qu'avec le président de la communauté urbaine nous avons fait le pas. On nous a parfois reproché d'agir un peu abruptement, certes, mais nous n'aurions rien fait si nous n'avions pas agi comme nous l'avons fait. En contrepartie de cet effort, nous avons le droit de demander au Parlement et au Gouvernement de ne pas nous abandonner, de faire en sorte que le projet de loi qui doit être présenté lors du conseil des ministres le 10 avril prochain soit discuté au Sénat dans les meilleurs délais. Nous avons besoin de ce texte.
Pour les prochaines élections municipales, il faut que la population de l'agglomération et du département sache que les délégués communautaires deviendront des délégués métropolitains. Je demande donc aux parlementaires qui nous rendent visite d'accompagner cette révolution locale que nous accomplissons dans le Rhône et à Lyon.
Mme Danielle Chuzeville, présidente du conseil général du Rhône. - Je suis ravie de vous accueillir au conseil régional. Michel Mercier et Gérard Collomb pilotent le projet de métropole ; il convient que ce soit eux qui vous présentent l'état du dossier.
M. Gérard Collomb, président de la communauté urbaine de Lyon. - Avant de voir ce qui sous-tend notre proposition, je voudrais vous expliquer le cheminement de ma réflexion. Il faut partir de la réalité de la France, qui est extrêmement diverse. Il y a la France rurale, aux communes très petites : à son égard, le département doit conserver et même renforcer sa compétence, car c'est lui qui peut le mieux mailler le territoire et l'aider à aller de l'avant. J'ai toujours estimé, par ailleurs, qu'il fallait renforcer les quelque 200 villes moyennes de notre territoire. Il y a aussi un certain nombre de capitales régionales qui drainent autour d'elles des réseaux relativement importants. La configuration n'est pas partout la même : en Bretagne, les relations sont plutôt organisées autour de réseaux de villes moyennes ; à Lyon, c'est plutôt autour de la ville-capitale que se développent les territoires. D'un autre côté, quand on regarde la carte française des mouvements hors Paris, on s'aperçoit que Lyon joue un rôle relativement important car la ville est liée avec l'ensemble du territoire. Ces enjeux nous ont conduits à proposer la réforme que nous présentons aujourd'hui. Le Grand Lyon représente aujourd'hui 30 % du PIB de la région Rhône-Alpes, 75 % de la population du département, 82 % de l'emploi et 22 % de la population de la région.
Notre défi était double. Il fallait d'abord relier la capitale régionale au pôle urbain de l'aire métropolitaine, il fallait ensuite renforcer le coeur de la capitale régionale. Nous nous sommes alors appuyés sur deux outils. Tout d'abord les pôles métropolitains. Si j'avais demandé à Saint-Étienne d'entrer dans la métropole lyonnaise, je n'aurais pas eu un grand succès. Il fallait donc pouvoir articuler ces différents territoires, c'est ce que nous avons fait et nous commençons à avoir des prolongements, puisque nous venons de créer au 1er janvier 2013, un syndicat métropolitain des transports au niveau de la grande aire urbaine avec Saint-Étienne, le pays viennois, d'autres et, nous l'espérons, demain, les départements de l'Ain, de l'Isère et du Rhône. C'est un sujet de discussion essentiel, car les gens se déplacent et veulent des moyens de communication faciles. Entre le Grand Lyon et Saint-Étienne, 2 500 personnes se déplacent quotidiennement, dans le cadre de leur emploi, du Grand Lyon vers Saint-Étienne, et 9 000 viennent chaque jour de Saint-Étienne vers la métropole. En outre, l'aspect emploi ne représente qu'un quart des déplacements.
À côté des relations avec les autres territoires, il s'agissait de renforcer la capitale régionale comme métropole européenne. L'idée a été de substituer la métropole au département sur le territoire métropolitain pour toutes les compétences du département. Tout d'abord, il y a un certain nombre de compétences que le département et le Grand Lyon exercent simultanément. C'est le cas, par exemple, de la compétence voirie, dont l'imbrication provoque des complexités inutiles dans les endroits où les deux compétences se juxtaposent, certains carrefours par exemple. En matière économique, le département a une action économique à l'intérieur de l'agglomération, concurremment avec celle-ci, avec des taux d'aides différents. Il est préférable d'avoir un service économique unique. Certains domaines sont, par ailleurs, très complémentaires. La communauté urbaine, par exemple, a beaucoup de projets urbains, fait beaucoup de logement : nous créons quelque 10 000 logements par an sur le Grand Lyon, dont 5 000 privés et 5 000 sociaux. Mais le conseil général gère le RSA, la politique du handicap, les personnes âgées. Le transfert des compétences à la communauté urbaine permettra de rationaliser cette politique, par exemple en construisant immédiatement des logements à l'intention des personnes handicapées au lieu de réadapter à leur intention des logements construits. Synergies et économies d'échelle seront ainsi rendues possibles.
Je précise, car cela a toujours été la grande question, que notre collectivité n'entend pas se substituer aux communes. L'échelon communal sera conservé. En même temps, nous savons qu'il faut peut-être créer des échelons entre la commune et le Grand Lyon. C'est pour cette raison que nous avons mis en place, en 2004 déjà, des conférences des maires sur le territoire du Grand Lyon. Il fallait regrouper les territoires, et ce sont les élus qui l'ont fait, par affinité historique, géographique, culturelle. Les conférences peuvent regrouper jusqu'à une quinzaine de communes et tentent de penser des projets de territoire. De plus en plus, on décentralise des compétences vers elles : c'est le cas de la propreté, du nettoiement, du ramassage des déchets. Des architectes-conseils sont mis à la disposition des conférences pour aider à élaborer une pensée du territoire au niveau local en vue de la transmettre à la communauté urbaine.
Cela étant dit, nous ne sommes pas en train de préparer la construction d'un mur entre le Grand Lyon et le reste du territoire. Bien évidemment, nous allons continuer à travailler ensemble, et l'équilibre économique entre le Grand Lyon et le conseil général du Rhône va continuer à faire l'objet d'actions en commun.
Le futur conseil général conservera 436 000 habitants : il ne s'agira pas d'un des plus petits départements français.
En ce qui concerne le Grand Lyon, il faut se rappeler que 300 villes structurent l'économie mondiale. Les plus dynamiques sont situées en Amérique du Nord et en Asie. En Europe, elles sont situées dans les pays scandinaves et en Allemagne. La réforme que nous entreprenons doit nous donner la capacité de rattraper notre retard par rapport à ces métropoles.
M. Michel Mercier, premier vice-président du conseil général du Rhône. - Je voudrais vous parler du département dans sa nouvelle configuration. Plus la métropole sera riche, plus les territoires situés autour en profiteront. Le département qui résultera de la réforme se situera dans la moyenne des départements français, avec près de 440 000 habitants et une croissance démographique de 1,1 % par an. Cette croissance se poursuivra, d'abord parce que le foncier est cher dans la métropole et que les habitants construiront sur son pourtour, ce qui pose un problème de transport. Le département sera donc viable, avec une forme un peu particulière, il est vrai - il l'a d'ailleurs déjà. Il va falloir revoir toute l'organisation du département : nous sommes en train de regarder la carte de l'intercommunalité avec l'idée d'avoir des communautés de communes plus importantes : dans la partie départementale, le mouvement de regroupement des communes est en effet en cours. Nous croyons beaucoup aux communes, à condition qu'elles soient plus fortes. C'est ce que je fais, d'ores et déjà, à Thizy, et il existe d'autres projets en cours de création de communes nouvelles.
Je dois dire, par ailleurs, que nous devons aller relativement vite, tout en prenant le temps d'expliquer. Pour la métropole, le transfert des compétences du département peut s'écrire en quelques lignes dans un texte de loi. Mais ces compétences sont complètement nouvelles pour elle. Il s'agit pour l'essentiel des compétences sociales, auxquelles nous consacrons plus de 52 % de notre budget. Le budget des personnes handicapées du département du Rhône est de 240 millions d'euros, or la plupart de ces personnes résident dans l'agglomération de Lyon. Nous consacrons aussi 190 millions d'euros à l'allocation du RSA, dont 86 % des bénéficiaires sont dans la métropole. Les élus de l'agglomération devront acquérir une culture nouvelle afin d'assumer ces compétences nouvelles.
Mme Jacqueline Gourault, présidente de la délégation du Sénat aux collectivités territoriales et à la décentralisation. - Je vous remercie de nous accueillir. Ce n'est pas la première fois que venons dans le département du Rhône dans le cadre de nos travaux de réflexion : je suis venue une première fois avec Yves Krattinger pour préparer un rapport d'information sur la décentralisation, et nous sommes revenus dernièrement pour parler de la nouvelle commune de Thizy.
Vous êtes des précurseurs. Le statut des métropoles sera l'un des points saillants de la loi en préparation, il occupe donc une place importante dans notre réflexion. D'ores et déjà, il est intéressant de voir la façon dont vous vous projetez dans l'espace français comme dans l'espace mondial. Vous êtes très représentatifs de la conjugaison de deux France, l'une de la ruralité et l'autre de l'urbanisation, que décrit un livre récent d'Hervé Lebras et d'Emmanuel Todd.
Je vais maintenant laisser mes collègues membres de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales se présenter.
M. Rachel Mazuir, sénateur de l'Ain et président du conseil général de l'Ain, M. Yves Krattinger, sénateur de la Haute-Saône et président du conseil général de la Haute-Saône, M. Philippe Dallier, sénateur de Seine-Saint-Denis, M. François-Noël Buffet, sénateur du Rhône, se présentent.
Mme Élisabeth Lamure, sénatrice du Rhône, présidente de l'Association des maires du Rhône. - L'idée de métropole est plutôt bien perçue parce qu'elle est bonne, mais elle soulève un certain nombre de questions de la part des maires, aussi bien ceux de la métropole que ceux du futur département. Les maires de la future métropole se demandent combien de temps l'indépendance des communes sera préservée. Le projet de texte prévoit des délégations et le maintien intégral des communes à l'intérieur de la métropole. Qu'en sera-t-il en 2020 ? Il faut le dire dès maintenant. En ce qui concerne les quelque 230 communes du futur département, quels moyens celui-ci conservera-t-il pour assurer ses compétences ? Un autre sujet de questionnement est le calendrier : pensez-vous que la mise en place de la réforme pourra se faire avant les élections de 2014 ?
M. Max Vincent, président du groupe Union des démocrates et indépendants du conseil général du Rhône. - Je suis très heureux qu'une délégation du Sénat soit venue à la rencontre des élus de terrain, car il est important que nos représentants puissent nous entendre avant le débat parlementaire. Le projet de métropole va bouleverser l'organisation de l'agglomération. Par sa philosophie, il peut bouleverser l'idée que l'on se fait de l'organisation territoriale de la France. On assiste enfin à l'éclosion d'une organisation adaptée et d'une décentralisation qui regarde en face la réalité des territoires. Dans la compétition économique mondiale, nous en avons besoin. Aussi la clarification institutionnelle qu'est la métropole peut-elle être bonne pour l'agglomération. C'est en quelque sorte la revanche de Lyon sur la convention thermidorienne, qui avait voulu rayer cette ville de la carte. Mais la métropole peut aussi être la pire des choses, si elle est mal faite.
Je suis maire d'une commune d'un peu plus de 3 000 habitants dans laquelle nous avons, depuis plus de trente ans, développé une bonne qualité de vie. En tant que conseiller général, je perçois bien l'étendue des problèmes à traiter. Je sais tout ce qu'ont apporté le Grand Lyon et le département dans l'exercice de leurs compétences. La métropole ne peut pas se construire sans un relais de proximité fort. Une métropole qui écraserait tout et s'occuperait de tout équivaudrait à une technostructure inefficace. Il faut appliquer le principe de subsidiarité à l'intérieur de la métropole. Il faut donc qu'un échelon de proximité puisse prendre les décisions au plus près des habitants quand cela est nécessaire, et cet échelon ne peut être que la commune. La commune devrait pouvoir se charger de certaines actions sociales : les maires savent ce que sont les problèmes de leurs concitoyens. Cela n'empêchera pas la coopération entre communes sur des sujets particuliers, comme cela se fait déjà. Cela n'empêchera pas non plus de développer une organisation au sein de la conférence des maires, qui fonctionne aussi déjà. Défendre la commune, c'est défendre un échelon d'action efficace et c'est défendre la légitimité démocratique. Que se passera-t-il aux élections de 2020 ?
J'attire votre attention sur la nécessité de garder un lien fort entre l'élu et le territoire. Je ne crois pas qu'un scrutin de liste métropolitaine soit la meilleure solution à cet égard. Il faut que les communes restent représentées en tant que telles. Il faut que les maires aient la possibilité de siéger, faute de quoi les communes deviendraient de simples courroies de transmission.
M. Paul Coste, président du groupe Europe Écologie-Les Verts au conseil de communauté urbaine de Lyon. - Nous n'avons pas d'opposition de principe à la métropole. Le vrai souci, de notre point de vue, est le mode de scrutin. À l'échéance 2015, après les élections cantonales, il pourrait y avoir un scrutin spécifique à la métropole avec un nouveau mode de scrutin. Nous sommes favorables à la proportionnelle avec une part majoritaire. Il y a le temps pour réaliser cette réforme. Par ailleurs, il faut éviter les querelles entre la région et la métropole. Il faut aussi assurer la péréquation.
Mme Danielle Chuzeville, présidente du conseil général du Rhône. - Il faut, bien entendu, avoir le souci de la proximité mais si, dans la métropole, on perd le sens de l'équité territoriale, si les communes gèrent les compétences sociales sans qu'il y ait une égalité au sein de la métropole, la réforme sera un fiasco. Les politiques sociales doivent être conçues en fonction d'un souci d'équité sur l'ensemble de la métropole.
M. Michel Forissier, vice-président du conseil général du Rhône. - Je suis un défenseur de la notion même de métropole, sans être nécessairement d'accord avec tout ce qui est proposé dans le projet de loi. La notion de conférence des maires ne doit pas y figurer : il ne faut pas inscrire dans la loi une couche supplémentaire à l'intérieur de la métropole. Une instance de réflexion telle que la conférence des maires ne doit pas être inscrite dans la loi avec la perspective de devenir un échelon administratif supplémentaire. Je suis membre de l'UMP, cela ne m'empêche pas de travailler avec les autres partis dans le cadre de la métropole. Un des enjeux de celle-ci sera d'améliorer les conditions de vie de nos concitoyens afin d'obtenir leur adhésion, et le transfert des compétences sociales actuellement détenues par le département sera un gros défi à cet égard. Sous le vocable de métropole, nous ne devons pas construire une citadelle médiévale, mais nous tourner vers l'avenir.
Par ailleurs, la région doit conserver ses compétences de liaison sous peine d'être affaiblie, ce qui n'est pas l'objectif. En outre, les communes doivent rester les guichets privilégiés des habitants. À l'intérieur de la métropole, il faut aussi penser aux regroupements de communes. En tissu urbain ou semi urbain, les communes ont besoin d'avoir une taille minimum pour continuer à exister.
M. Jacky Darne, président du groupe Socialiste et apparentés au conseil de communauté urbaine de Lyon. - La reconnaissance du fait urbain est un des éléments très positifs du projet de loi en cours d'élaboration. Dans le département actuel, le SCOTT ou l'inter-SCOTT, dans son approche de l'agriculture périurbaine ou des espaces naturels, ne considère pas la métropole comme une juxtaposition d'endroits bétonnés mais constate simplement que le fait urbain marque aujourd'hui notre pays. Des études d'agences d'urbanisme de Saint-Étienne et de Lyon montrent que les zones rurales d'il y a cinquante ans ne sont plus la réalité d'aujourd'hui. Le fait urbain est à construire. En ce qui concerne le projet dont nous parlons aujourd'hui, une des questions principales est la place des communes et l'articulation communale. Chacun pense au scrutin de 2020. Il faut à la fois conserver la proximité et mettre au point un système permettant le bon fonctionnement de la métropole. Les rapprochements de communes constituent probablement une des réponses. Ces chantiers relèvent de la responsabilité des maires. L'expérience montre que la communauté urbaine n'a pas supprimé de compétences communales. Ce qui peut poser problème est le fonctionnement parfois un peu technocratique des services, d'où la nécessité des conférences de maires, qui ne sont pas un échelon de négociations politiques supplémentaire. Il ne faut pas inscrire dans la loi des dispositions concernant les pouvoirs de police ou l'intérêt communautaire dans les politiques culturelles ou sportives : ce serait un élément de complexification de la loi.
Par ailleurs, il me paraît maladroit d'intituler « transferts de charges » les chapitres concernant les finances, car il ne s'agit pas de transfert de charges mais de partage des compétences en termes de produits ainsi que de patrimoine et de coûts.
J'ai d'autres questions, en particulier sur les dates d'effet et sur l'année transitoire de financement : il y a une incertitude sur l'articulation de la métropole et du département pendant la première année.
M. Yves Krattinger, président du conseil général de la Haute-Saône. - Je constate qu'une discontinuité territoriale affecte la métropole. J'ai aussi quelques interrogations : je voudrais connaître le diamètre moyen de la métropole et la superficie du futur département du Rhône. De même, il me semble que vous rattachez les produits actuels aux territoires découpés, ce qui semble plus favorable au Grand Lyon qu'au département maintenu. Comment allez-vous partager les personnels ? La préfecture du département maintenu sera-t-elle en dehors de son territoire ? Je crois nécessaire d'avoir par avance les réponses à toutes ces questions, car elles seront posées le moment venu.
M. Michel Mercier, premier vice-président du conseil général du Rhône. - Le projet de loi prévoit que la métropole s'installera sur le territoire de la communauté urbaine. La communauté urbaine n'est pas en continuité et ne va pas le devenir pour l'instant. Le futur département ne sera pas grand - 3 249 km² - mais très divers. Avec quelque 440 000 habitants, ce sera le 51e département français.
En ce qui concerne les recettes, qu'il s'agisse des impôts directs ou des droits de mutation, on est sur le partage 75/25, car le département reste riche, à l'exception de la partie la plus éloignée de l'agglomération. En matière de RSA, l'essentiel de la dépense, 86 %, concerne l'agglomération, alors que sa population représente 75 % du département actuel. À la question des maires sur le maintien des ressources financières en provenance du département, il faut répondre que l'agglomération n'effectue aucun transfert de ressources vers le reste du département actuel.
M. Willy Plazzi, président du groupe Communiste et intervention citoyenne au conseil de communauté urbaine de Lyon. - Nous pensons que toute forme d'organisation territoriale nouvelle ne peut se concevoir aujourd'hui qu'à la condition qu'elle poursuive l'objectif de répondre encore mieux aux besoins des populations et des territoires. Nous n'avons pas d'idées préconçues sur la forme mais nous avons de fortes certitudes sur le fond. Le contexte, c'est un chômage important, une précarité galopante, des difficultés sensibles des populations. Le travail entrepris sur la métropolisation ne pourra réussir que s'il apporte des réponses nouvelles à ces questions primordiales. L'acte III de la décentralisation, en règle générale, ne pourra réussir que s'il s'inscrit dans une conception moderne des relations entre l'Europe, l'État et les différentes collectivités territoriales. La question de l'État, qui a vu ses compétences diminuer, sous l'influence de l'Europe, d'une part, et des transferts de compétences aux collectivités, d'autre part, ne peut être disjointe de celle de la métropolisation. L'État doit continuer à assurer son rôle en matière de compétences régaliennes, et en ce qui concerne l'unicité des réponses à apporter à la population sur l'ensemble du territoire français. Autre point essentiel : la commune et le bloc communal doivent être renforcés, non pour des raisons dogmatiques mais parce qu'ils restent des réalités incontournables dans le contexte de déchirement du tissu social que nous subissons : ce sont des lieux irremplaçables de proximité et de démocratie participative. Ils réconcilient sur un même territoire le périurbain, l'urbain et le rural. Ils représentent un apport fabuleux pour la métropole. Dernier point : la mise en place de la métropole ne doit pas servir à faire de fausses économies, la métropole doit apporter encore plus et encore mieux aux territoires et aux populations. En ce qui concerne, enfin, la gouvernance, il y a une réelle inquiétude, notamment sur la question de l'élection au suffrage universel des membres du conseil de la métropole : un élu de la région parisienne faisait remarquer le caractère paradoxal d'une situation dans laquelle les maires resteraient élus au second degré par le conseil municipal, alors que les membres du conseil de la métropole seraient élus au suffrage universel direct.
M. Gérard Collomb, président de la communauté urbaine de Lyon. - On a rarement vu dans les métropoles un candidat tête de liste mis en minorité par son conseil municipal...
M. Philippe Cochet, conseiller de la communauté urbaine de Lyon. - Le projet de loi prévoit la création d'une métropole « à façon ». Cela pose un problème de constitutionnalité. Par ailleurs, sur un tel sujet, il faut éviter les non-dits. Il faut dire très concrètement, à un moment ou à un autre, s'il y a subsidiarité entre la commune et la future métropole.
En ce qui concerne la date de création, le 1er avril 2015, un problème budgétaire se pose, dans la mesure où l'exercice budgétaire d'une collectivité de 8 000 agents ne peut être envisagé sur huit mois. Si l'on veut que la métropole soit lancée dans de bonnes conditions, elle doit être créée au 31 décembre 2013. Il faudra aussi savoir si la DGF de la métropole continuera à bénéficier des bonifications auxquelles celle-ci a droit actuellement.
Autre question : quelles seront les prérogatives de la conférence métropolitaine ? S'agira-t-il d'une instance d'information, de concertation ou de décision ? Le dernier point que je souhaiterais évoquer est la substitution des syndicats existants, notamment d'un certain nombre de syndicats de transports. Vont-ils être intégrés dans la nouvelle structure ? Je tiens à dire à la délégation de sénateurs qu'il est important d'affirmer le rôle des communes dans le projet de loi. À cet égard, la notion de subsidiarité doit être clairement exprimée. S'il devait ne plus y avoir de communes en 2020, il faut le dire dès à présent. L'adhésion au projet nécessite que tout soit mis sur la table.
M. Jean-Paul Bret, premier vice-président de la communauté urbaine de Lyon. -Même si diverses opinions se font jour, il y a un consensus pour considérer la métropole comme un projet positif. Il s'agit de reconnaître le fait urbain et la justification de transmettre à la métropole l'exercice des compétences du département sur son territoire. Ceci dit, le projet de loi, tel qu'il est rédigé aujourd'hui, modifie assez profondément la relation entre la métropole et les communes en créant de nouvelles compétences au profit de la métropole. Il faut en parler. En matière de police, par exemple, il faut éviter de créer un nouvel échelon. De même, le projet de loi attribue à la métropole un certain nombre de compétences culturelles qu'elle exercerait à la place des communes. Ceci poserait un certain nombre de problèmes. Autre exemple : les conseils locaux de prévention de la délinquance fonctionnent bien dans le cadre communal, ce qui peut ne pas être le cas si l'on en fait une compétence métropolitaine. Plus généralement, si la métropole devient une collectivité locale à part entière, on ne peut pas imaginer que les communes ne soient pas réduites à un rôle de second rang. Tous ces problèmes ne doivent pas être évacués du débat parlementaire au seul prétexte que le projet de métropole est globalement bon. La loi doit être claire sur les relations entre la commune et la métropole.
M. Michel Reppelin, président du groupe Synergies-Avenir de la communauté urbaine de Lyon. - À travers l'intercommunalité, nous avons déjà cédé beaucoup de compétences. Nous avons l'habitude de travailler ensemble dans un excellent climat au sein des conférences locales des maires. Elles constituent un bon endroit pour fédérer des approches qui diffèrent en fonction des besoins et des problématiques des territoires, en prenant bien en compte les enjeux du territoire. Il faut donc donner un statut de gouvernance aux conférences territoriales. Il est important de conserver la dimension de proximité des actions en matière sociale. Grâce aux conférences locales des maires, qui épousent assez largement les périmètres des bassins de vie, les habitants ont la possibilité de dépasser l'horizon strictement communal. D'un autre côté, personne n'a encore évoqué les aspects économiques. Quels seront les rapports avec la région ? Je terminerai en disant que nous sommes partisans de cette grande aventure.
M. Christophe Guilloteau, député, président du groupe UMP du conseil général du Rhône. - Je suis assez inquiet pour l'avenir immédiat du projet de loi, car l'ordre du jour de l'Assemblée nationale est extrêmement chargé, sans compter la possibilité de recours devant le Conseil constitutionnel. À titre personnel, je souhaite que ce texte vienne en discussion et soit applicable, car j'ai toujours été en faveur de la métropole, même si elle me pose quelques questions. C'est un texte important.
M. Yves Fournel, président du groupe Gauche alternative, écologique et citoyenne au conseil de la communauté urbaine de Lyon. - Pour ne pas répéter ce qui a été dit, je voudrais insister sur deux ou trois idées. La première tient à la nécessité d'assumer le passage au statut de collectivité territoriale à part entière. On ne peut pas rêver de maintenir le statut et les outils de l'intercommunalité, il faut les transformer tout en construisant une nouvelle articulation qui respecte les communes. Il faut renforcer la démocratie vis-à-vis des citoyens et donner une place importante aux conseils de développement, voire aux conseils de quartier ; il faut aussi inventer une nouvelle forme d'articulation avec les communes. Il faut éviter le risque d'une fracture entre la conférence des maires et l'assemblée métropolitaine, inventer un mode de scrutin partiellement au suffrage universel direct sur une circonscription unique, permettant pour le reste la représentation des communes.
En ce qui concerne, de façon plus générale, l'articulation entre les différents niveaux de collectivités, le projet de loi propose la mise en place de schémas de cohérence territoriale sans prévoir les modalités de leur construction. Le chef de file désigné sur telle ou telle compétence ne peut imposer son point de vue. Il faut créer les conditions du dialogue pour aboutir à une articulation satisfaisante.
M. Thierry Philip, président du groupe Socialiste du conseil général du Rhône. - Seize des dix-huit membres du groupe socialiste sont des « métropolitains », et deux sont des « ruraux ». Ceux-ci veulent entendre parler du département. Le premier point est l'équité territoriale. Va-t-on continuer à pouvoir assurer comme actuellement l'équité territoriale avec les aides qui viennent du département ? Le deuxième point est le lien avec la ville-capitale. Le dernier point est la nécessité d'une opération gagnant-gagnant : tous les avantages ne doivent pas être à la métropole. On parle trop, dans les discussions en cours, du côté métropolitain. Il faut un discours destiné à ce qui restera du département. Du côté des métropolitains, on est évidemment d'accord pour la réunion de l'urbain et de l'humain, mais il faut aller vite : si l'opération n'est pas conclue en 2014 et mise en oeuvre en 2015, elle ne se fera jamais. Autre point : il faut déconcentrer les compétences du conseil général afin de les exercer en proximité. La vraie question est : comment les compétences vont-elles être articulées entre la métropole et les communes afin de préserver la proximité. Dernier point : il faut différencier le rôle des communes de la représentation des communes. Il faut que, tout en conservant le rôle des communes, la représentation soit assurée de façon équitable sur le plan démographique. Enfin, il serait bon que le principe « qui décide paye » soit acté.
M. Michel Mercier, premier vice-président du conseil général du Rhône. - En ce qui concerne la répartition des agents entre la métropole et le département maintenu, le premier principe sera la localisation de leur activité. Par ailleurs, un certain nombre de services resteront communs. Le projet de loi prévoit que ce soit le cas du service départemental d'incendie et de secours, ainsi que de celui des archives. Grosso modo, sur les 5 480 agents du département, 4 000 seront transférés à la communauté urbaine.
En ce qui concerne le siège du département du Rhône, nous avons pensé qu'il était inutile de construire un nouveau bâtiment, et avons donc prévu de rester à Lyon. Il existe par ailleurs un problème d'organisation de l'administration de l'État. De notre côté, l'idée est de conserver un seul préfet pour le département et pour la métropole. Ceci dit, il faudra probablement modifier le rôle du sous-préfet de Villefranche-sur-Saône. Il faudra également traiter le problème du ressort des tribunaux car nous avons aujourd'hui deux tribunaux de grande instance dans le département du Rhône : à Lyon et à Villefranche. Enfin, dès lors que la métropole sera une collectivité territoriale de la République, elle doit, dans son organisation, répondre aux exigences constitutionnelles en matière de représentativité démocratique.
Contexte et conditions de la création de la future Euro-métropole lyonnaise : compte rendu de la réunion avec M. Jean-Jack Queyranne, président du conseil régional de Rhône-Alpes
Mme Jacqueline Gourault, présidente de la délégation du Sénat aux collectivités territoriales. - Monsieur le Président, je vous remercie de nous accueillir. Nous avons aujourd'hui rencontré des élus du conseil communautaire du Grand Lyon et des conseillers généraux, ainsi que le préfet, dans la perspective de la future création de l'euro-métropole lyonnaise. Nous avons également pris connaissance de vos déclarations dans la presse sur ce sujet. D'où ma première question : comment toutes ces collectivités territoriales vont-elles pouvoir s'intégrer sur un même territoire ?
M. Jean-Jack Queyranne, président du conseil régional de Rhône-Alpes. -Madame la Présidente, je suis très heureux de recevoir votre délégation. La question de l'absorption par le Grand Lyon des compétences du conseil général n'est pas un débat nouveau. En 2009, lorsque vous étiez venue avec M. Belot, dans le cadre d'un autre rapport d'information, nous avions déjà évoqué ce point. Je ne suis pas défavorable à ce projet. Je l'ai dit à plusieurs reprises. En effet, il peut avoir des effets positifs. Il pourrait permettre, d'une part, une simplification de l'organisation du territoire et, d'autre part, un renforcement de la lisibilité des différentes institutions. Si le conseil général est facilement identifiable dans les territoires ruraux du département, il a peu de lisibilité sur le territoire lyonnais. En effet, peu de Lyonnais savent dans quel canton ils habitent, contrairement aux arrondissements, qui représentent une vraie réalité.
Toutefois, certaines questions se posent. Par rapport à la région, ma position est constante et consiste à considérer la métropole comme une super communauté urbaine. Nous ne devons pas oublier cette réalité. Certes, en vis-à-vis des régions, nous avons besoin de métropoles fortes. Toutefois, la région doit continuer à assumer pleinement ses compétences. Or, lors de la présentation du projet métropole par Michel Mercier, puis par Gérard Collomb, maire de Lyon, mais également dans la première version du projet de texte, il a été évoqué le fait que Lyon reçoive, par la loi, les compétences économiques de la région. Je suis formellement opposé à cette idée. Aujourd'hui, elle ne semble plus être présente dans la nouvelle version du projet de loi, lequel prévoit l'exercice des compétences économiques de la région par la métropole sur son territoire, seulement en cas de délégation volontaire. La région conserve ainsi l'initiative de cette décision : cette dernière n'est plus imposée.
Je suis opposé au transfert par la loi des compétences économiques de la région à la métropole pour quatre raisons :
Premièrement, on ne peut pas avoir un territoire en peau de léopard. Il s'agit pour moi d'une régression moyenâgeuse. En effet, nous nous dirigerions alors vers un système de villes franches disposant de chartes avec des pouvoirs différents des autres collectivités territoriales sur un même territoire.
Deuxièmement, toute l'économie ne peut pas être concentrée sur le territoire de la métropole. Telle n'est pas la réalité du fonctionnement de la région Rhône-Alpes. Les pôles de compétitivité ne sont pas tous sur le territoire de la métropole. Il en est de même pour les entreprises ou pour les laboratoires qui travaillent en collaboration avec ces pôles de compétitivité. Vouloir donner comme compétence exclusive au Grand Lyon l'aide économique aux entreprises sur son territoire créerait des distorsions.
Troisièmement, il faut veiller au risque de fracture territoriale. Je ne permettrai pas que la métropole asphyxie le territoire. Or, c'est ainsi que la création de cette entité risque d'être perçue par des villes moyennes, comme par exemple Bourg-en-Bresse. Transférer à l'euro-métropole les compétences économiques de la région renforcerait un sentiment d'inégalité territoriale qui existe déjà du fait de la fermeture de services publics dans les territoires ruraux et les villes moyennes.
Quatrièmement, en 2012, la région a apporté au Grand Lyon 41 millions d'euros. Si la région ne possède plus les compétences économiques, j'envisage mal - quelle que soit la majorité politique -, que l'euro-métropole sollicite la région pour des subventions culturelles, par exemple pour rénover l'Opéra de Lyon.
Telles sont les raisons qui m'ont poussé à avoir des réactions vives dans la presse, d'autant que le transfert des compétences économiques était initialement inscrit dans l'une des versions du projet de loi, et que cette idée était également présente dans la délibération du conseil général du 20 décembre 2012, ainsi que dans les propos du maire de Lyon.
Comme je vous l'ai dit, j'y suis opposé : je défends l'institution régionale mais, au-delà, je considère que ce transfert imposé par la loi serait une erreur en matière d'économie et de fonctionnement du territoire.
Mme Jacqueline Gourault, présidente de la délégation du Sénat aux collectivités territoriales. - La version actuelle du projet de loi prévoit que la région soit chef de file en matière économique. Elle devrait notamment être chargée de l'élaboration de schémas de développement économique.
M. Jean-Jack Queyranne, président du conseil régional de Rhône-Alpes. -Dans le cadre de la révision générale des actions économiques, nous avons réalisé avec l'Inspection générale des finances une étude sur l'action économique des collectivités territoriales. Cette action est évaluée à 6,5 milliards d'euros. Mais nous avons constaté une assez forte spécialisation. Les communautés urbaines, à l'image du Grand Lyon, financent l'immobilier, l'aménagement et l'attractivité d'entreprise. Les régions, pour leur part, se concentrent de plus en plus sur le soutien à la recherche et l'investissement, l'ingénierie financière, notamment le montage financier. Les interventions des différentes collectivités peuvent se rapprocher, mais elles ne se superposent pas. Et vouloir les superposer serait une erreur. Les conseils généraux viennent en appui des démarches d'aménagement immobilier, notamment aux communes et intercommunalités. Ce sont des métiers distincts. Pour moi, il s'agit d'un bon partage.
Mme Jacqueline Gourault, présidente de la délégation du Sénat aux collectivités territoriales. - Chacun a compris qu'il fallait être raisonnable.
M. Jean-Jack Queyranne, président du conseil régional de Rhône-Alpes. - Je souhaite revenir sur la question du territoire de la métropole. Celui-ci ne comprendra pas l'aéroport de Lyon : il se situera à 7 ou 8 km du territoire métropolitain. Selon moi, cela pose un problème car il s'agit d'un des instruments du développement économique. Si l'on crée des métropoles, nous devons aller jusqu'au bout du raisonnement. En 1966, lors de la création par la loi de la communauté urbaine, une partie de l'Ain et de l'Isère a été rattachée au grand Lyon. Mais le département aujourd'hui ne souhaite pas que l'aéroport soit inclus dans le territoire métropolitain.
M. Philippe Dallier. - Peut-être est-il préférable de faire les choses progressivement ?
M. Jean-Jack Queyranne, président du conseil régional de Rhône-Alpes. - Le conseil régional, la communauté urbaine et le département sont aujourd'hui actionnaires de la société publique de l'aéroport. L'Etat possède 60 % des parts, 25 % sont à la Chambre de commerce et d'industrie et 15 % sont partagées entre les trois collectivités territoriales. On aurait pu penser que le Grand Lyon reprenne les parts du département, ou l'inverse, mais l'on restera dans cette configuration. Ceci n'est pas un élément de facilitation, d'autant qu'une partie de l'aéroport se situe dans le département de l'Isère.
Pour en revenir à l'absorption par le Grand Lyon des compétences du département, il ne faut pas oublier qu'il s'agit de la réunion de deux métiers différents. Actuellement, la communauté urbaine ne dispose pas de services sociaux. Une mutation administrative est nécessaire. Ce n'est pas une étape facile, y compris financièrement. La communauté urbaine devra passer d'une culture de services urbains à une culture de services également sociaux. Aujourd'hui, voirie mise à part, le Grand Lyon n'est pas une administration du terrain. Il ne dispose pas de compétences sociales. D'ailleurs, le centre communal d'action sociale est resté à l'échelle communale et n'a pas fait l'objet d'un transfert au profit de l'intercommunalité.
M. Philippe Dallier. - Pouvez-vous nous présenter les changements potentiels en matière de transport ?
M. Jean-Jack Queyranne, président du conseil régional de Rhône-Alpes. -Nous avons anticipé les évolutions. Nous avons créé en début d'année un syndicat type SRU, le syndicat métropolitain intégré, qui comprend aussi certains pôles métropolitains comme Saint-Etienne. Il enveloppe le territoire du pôle métropolitain et comporte également les espaces interstitiels. Ce syndicat réunit les quatre autorités organisatrices ainsi que la région. Il est présidé par la région, car c'est elle qui structure le terrain, notamment grâce aux TER. À la demande du pôle métropolitain, les départements n'ont pas été admis. Ils pourront cependant adhérer par la suite. Il complète les services de transport déjà proposés par le Syndicat mixte des transports pour le Rhône et l'agglomération lyonnaise (SYTRAL). Ce dernier a été fondé à 50/50 par la communauté urbaine lyonnaise et le conseil général du Rhône. Dans les années 1995, un premier aménagement de la répartition financière a eu lieu. Le conseil général a baissé sa participation au SYTRAL en échange d'un financement des pompiers à sa charge. Aujourd'hui, il a été estimé que le conseil général ne pouvait plus siéger en tant que tel au SYTRAL. Or, se pose le problème des espaces interstitiels ainsi que celui des lignes départementales qui pénètrent dans Lyon. Le conseil général, avec Villefranche, a mis en place son propre syndicat de transport : il s'agit de proposer des lignes de bus aux usagers n'habitant pas à Lyon et souhaitant s'y rendre. En effet, le SYTRAL arrête ses lignes à la limite de son territoire et refuse de les prolonger, sauf participation financière supplémentaire du département.