- Mardi 6 novembre 2012
- Loi de finances pour 2013 - Mission « Aide publique au développement » - Audition de M. Pascal Canfin, ministre délégué chargé du développement
- Loi de finances pour 2013 - Mission « Sécurité » - Programme « Gendarmerie nationale » - Audition du Général Jacques Mignaux, directeur général de la Gendarmerie nationale
- Mercredi 7 novembre 2012
- Loi de finances pour 2013 - Mission « Aide publique au développement » - Programme « Aide économique et financière au développement » - Audition de Mme Delphine d'Amarzit, chef du service des affaires multilatérales et du développement à la direction générale du Trésor
- Loi de finances pour 2013 - Mission « Médias » - Programme « Action audiovisuelle extérieure » - Audition de Mme Laurence Franceschini, directrice générale des médias et des industries culturelles au ministère de la culture et de la communication
- Loi de finances pour 2013 - Mission « Défense » - Programme « Soutien de la politique de la défense » - Audition de M. Jean-Paul Bodin, secrétaire général pour l'Administration au ministère de la défense
- Jeudi 8 novembre 2012
Mardi 6 novembre 2012
- Présidence de M. Jean-Louis Carrère, président -Loi de finances pour 2013 - Mission « Aide publique au développement » - Audition de M. Pascal Canfin, ministre délégué chargé du développement
La commission auditionne M. Pascal Canfin, ministre délégué chargé du développement, sur le projet de loi de finances pour 2013 (mission « Aide publique au développement »).
M. Jean-Louis Carrère, président - Monsieur le ministre délégué, nous sommes heureux de vous recevoir pour la troisième fois, aujourd'hui pour examiner ensemble le budget de la politique d'aide au développement pour 2013 et, plus généralement, les enjeux, les succès et les difficultés de cette politique.
Quand on considère la situation des finances publiques et la priorité que nous devons accorder à la réduction de notre endettement, certains pourraient penser qu'il faut réduire notre effort d'aide au développement pour se concentrer sur notre environnement immédiat.
Mais quand on voit la situation très instable des pays du Maghreb à la sortie du printemps arabe, quand on considère les conséquences désastreuses du sous-développement dans le Sahel, quand on imagine les défis auxquels une Afrique de plus de 1,8 milliard sera confrontée, on se dit que notre coopération est non seulement l'expression de notre solidarité, un instrument de notre influence, mais également une contribution importante à un environnement plus sûr pour la France et les Français. Elle correspond à un engagement philosophique qui m'est cher.
Quatre séries d'enjeux pour la politique étrangère de la France sont désormais liées à des problématiques de développement :
- ceux de la paix et de la stabilité internationale : un Maghreb stable est la condition de notre sécurité, un Maghreb prospère contribuera évidemment à enrayer le déclin de l'Europe face au dynamisme de l'Asie ;
- ceux de la légitimité de la mondialisation elle-même, qui ne saurait réussir sans inclure la majeure partie de la population de la planète ;
- ceux des causes communes de l'humanité, je pense au changement climatique ou à la perte de biodiversité ; aujourd'hui plus que jamais, on assiste à une convergence entre les questions de développement et les questions de préservation des équilibres sociaux et environnementaux de la planète ;
- ceux de notre influence culturelle et politique, comme ceux de nos intérêts commerciaux, dans un monde dont le centre de gravité est en train de basculer vers le Pacifique.
Vous nous présenterez les caractéristiques du budget de la mission « Aide au développement » pour 2013, sachant que le volet « Trésor », le programme 110, nous sera présenté demain matin et que nous avons déjà auditionné l'AFD et le responsable du programme 209, M. Mattéï qui vous accompagne.
Au-delà de cette présentation, c'est l'occasion pour nous de réfléchir aux objectifs, aux moyens et à l'efficacité de cette politique.
En juin dernier, la Cour des comptes a rendu public un rapport d'évaluation approfondi de l'ensemble des instruments de l'aide au développement. Comme nous avons déjà eu l'occasion d'en discuter lors de la table ronde du 3 octobre dernier, celui-ci critique trois aspects de cette politique publique.
Votre gestion n'est évidemment pas en cause et c'est bien plus l'organisation de cette politique dont il est question.
La Cour des comptes souligne tout d'abord la faiblesse des moyens dont dispose le ministre du développement pour coordonner cette politique qui est partagée entre le ministère des affaires étrangères, celui des finances et l'AFD.
Il souligne ensuite la mauvaise allocation des moyens au regard des priorités françaises dans ce domaine.
Il évoque enfin la faiblesse des moyens d'évaluation et l'absence d'indicateurs de résultats permettant de piloter cette politique publique en fonction de son efficacité.
Je souhaiterais que vous nous indiquiez dans quelles mesures ce budget a pris en compte ces observations, quelles sont les initiatives que vous comptez prendre pour y remédier. A l'heure où nous allons voter de nouveaux crédits, il importe de savoir quelles réponses vous avez ou allez apporter aux observations de la Cour des comptes ?
Je sais que, parallèlement, vous avez ouvert hier les premiers ateliers des assises du développement. Je ne vous demande donc pas de nous dévoiler les conclusions de ces assises qui se tiendront jusqu'en mars prochain ! Mais il y a dans le rapport de la Cour des comptes et lors de la table ronde, des questions, des observations et une quinzaine de préconisations relatives à la gestion de ce budget, à son pilotage et à son évaluation qui ne font pas l'objet d'ateliers et qui méritent qu'on s'y attarde, avant le vote du budget !
Sachez, par ailleurs, Monsieur le ministre, que j'ai particulièrement apprécié la façon dont vous avez entrepris de travailler avec la commission.
M. Pascal Canfin, ministre délégué auprès du ministre des affaires étrangères, chargé du développement. - Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je suis heureux d'être là aujourd'hui pour vous présenter le budget de la mission aide publique au développement. Mais avant de vous présenter les grandes lignes de la mission, je voulais m'excuser du retard pris dans la transmission des documents budgétaires, les questions parlementaires et le rapport bisannuel au Parlement. Nous avons dans ce domaine une marge de progression certaine.
Je me réjouis de pouvoir présenter la mission dans son ensemble car, en tant que ministre délégué chargé du développement, je me suis battu pour défendre l'ensemble de la mission, qui repose effectivement sur deux programmes budgétaires dépendants l'un du quai d'Orsay, l'autre du ministère des finances. Raisonner de façon globale en terme de missions et non pas de programmes budgétaires, est un des éléments de réponses aux critiques de la Cour des comptes sur le pilotage de notre politique.
Concernant la mesure des résultats et la transparence, la préparation des documents budgétaires, bien que finalisée tardivement, a commencé très en amont et il n'a pas été possible dès cette année de progresser dans la mesure de l'efficacité de l'aide. Ces questions seront largement traitées lors des assises du développement et de la solidarité internationale et j'invite les parlementaires à s'associer pleinement à ce processus. Nos services travaillent en parallèle à résoudre les difficultés techniques que présente un tel exercice.
Pour en revenir à la mission budgétaire, la mission budgétaire « Aide publique au développement » est stabilisée en valeur sur la période 2013-2015 par rapport à la dépense réalisée en 2012 (légèrement au-dessus de 3,05 milliards d'euros). La diminution observée par rapport à la LFI 2012 de 200 millions correspond essentiellement à des économies de constatation. La Commission européenne n'a pas décaissé 213,3 millions d'euros sur la dotation française pour 2012 au Fonds européen de développement (FED). Le Gouvernement assume en effet le choix, dans le contexte du redressement des comptes publics, de ne pas avoir redéployé ces crédits vers des dépenses nouvelles. Non seulement nous avons stabilisé le budget, mais nous allons abonder les crédits avec 160 millions d'euros en provenance de la TTF (taxe sur les transactions financières).
Ce budget contient en effet une inflexion politique. Il reprend les 4 engagements pris par le Président de la République durant sa campagne.
Malgré le contexte budgétaire difficile, le Gouvernement, et moi-même avec Laurent Fabius avons obtenu d'affecter 10 % du produit de la taxe française sur les transactions financières au développement, contrairement au Gouvernement précédent qui avait affecté l'ensemble du produit de la taxe au budget. Ces fonds viennent s'ajouter, de manière additionnelle, au budget de l'aide publique au développement. C'est un signal très fort du maintien de l'ambition française en matière de solidarité internationale. Cette décision va au-delà de l'engagement de campagne du Président de la République qui ne portait que sur la taxe européenne.
L'affectation de 10 % du produit de la TTF française permettra de financer des actions, en priorité dans les domaines de la lutte contre le changement climatique et l'environnement, et de la santé, notamment en Afrique. Concrètement, la France prendra des engagements de financements sur la période 2013-2015 correspondant à au moins 10 % du produit de la TTF (1,6 milliard d'euros par an), soit près d'un demi-milliard d'euros, dont une partie sera affectée au Fonds Vert. Les premiers déboursements seront effectués dès 2013 (60 millions d'euros) et monteront en charge progressivement. Au niveau européen, 11 pays ont décidé de participer à une coopération renforcée. La Commission européenne doit présenter un texte remanié d'ici la fin de l'année. Conformément aux engagements pris à Rio par le Président de la République, la France continuera de porter le principe de l'affectation au développement d'une part significative du produit de la future taxe européenne sur les transactions financières.
L'autre engagement du Président de la République qui sera tenu en 2013, c'est le doublement de l'aide aux ONG. Cet engagement portait sur un doublement sur le quinquennat. Nous avons fléché ce doublement sur le quinquennat avec une trajectoire de 45 millions d'augmentation, soit 9 millions par an, et donc 9 millions en 2013 pour commencer. Ce doublement de la part de l'aide passant par les ONG implique de formaliser les relations entre l'Agence française de développement, qui sera le véhicule par lequel transitera cette augmentation, et les ONG concernées. Les règles doivent être clarifiées. Pour la première fois, au premier trimestre 2013, l'AFD mettra en oeuvre un cadre, actuellement en cours de rédaction, de règles de partenariat entre l'Agence et les ONG. Si les crédits qui transitent par les ONG augmentent, c'est pour répondre à la nécessité de développer des projets plus petits, qui ne sont pas de grosses infrastructures fonctionnant par prêts. Ces projets viennent donc en complément de ce que sait faire traditionnellement l'Agence française de développement, ce qui suppose d'établir de manière totalement transparente la politique dans laquelle ils s'inscrivent, d'où la clarification des règles.
Un autre engagement de campagne du Président de la République était de stabiliser la part des dons-projets, le coeur de l'aide en quelque sorte. Nous l'avons fait dans ce premier budget et prévoyons de le faire sur le triennal. Nous avons donc calibré le budget de façon à respecter le troisième engagement qui avait été pris par le Président.
Le Président de la République avait pris un quatrième engagement durant sa campagne celui d'organiser, avant la fin de la première année de son mandat, des assises de la solidarité internationale. Ces assises se sont ouvertes hier. Dans le cadre de ces assises, nous discuterons notamment de nos choix et de nos arbitrages en matière de transparence et d'efficacité. Certes, une grande partie des critiques du rapport de la Cour des comptes, malheureusement justifiées, s'adresse au Gouvernement antérieur sans que nous ayons à en assumer le coût politique, il n'en reste pas moins que nous devons nous appuyer sur ces critiques pour changer les pratiques. Pour cela, nous avons besoin de votre volontarisme, de votre énergie, de votre regard critique. Je compte vraiment sur vous pour faire entendre votre voix et faire des propositions concrètes et argumentées. La loi proposition d'une loi d'orientation, portez-la pendant les assises, tout comme les autres sujets que vous avez évoqués en matière d'efficacité et de transparence. Les assises sont précisément faites pour déboucher sur des modifications concrètes en matière de gestion et de pilotage de notre aide.
M. Jean-Claude Peyronnet, co-rapporteur pour avis de la mission aide publique au développement. -Vous avez été très convaincant sur la présentation habile de ce budget. Les marges de manoeuvre sont très étroites. A budget constant, les engagements internationaux prennent une part significative de l'aide. On peut regretter que la diminution des crédits du FED pour 2013 n'ait pas profité au programme 209. Mais, dans le contexte de redressement des finances publiques, la diminution de 200 millions d'euros de la mission aide au développement a sa logique. Il faut trouver, à budget constant, les moyens pour redonner à l'aide-projet un niveau de financement significatif pour les 17 pays prioritaires. Notre commission regrette l'élargissement de la liste des pays prioritaires à un moment où les budgets de la coopération ne permettent pas d'étendre nos priorités. Par redéploiement ? Par concentration ? En approfondissant la division du travail avec nos partenaires européens, grâce aux financements innovants ? Cela semble être la réponse du Gouvernement.
A propos de la TTF, le projet de loi de finances prévoit une affectation de 10 % de son produit à l'aide au développement. C'est un début. Certains regrettent que le pourcentage ne soit pas plus élevé, que l'assiette ne soit pas plus large. Nous comprenons les contraintes du Gouvernement, même si nous regrettons que le montant ainsi affecté soit plafonné. Il ne s'agit pas véritablement de 10 %, mais de 60 millions d'euros. Que penseriez-vous d'un amendement qui déplafonne ces 10 % ?
Je souhaiterais savoir à quelles actions seront affectés ces 60 millions d'euros. En effet, le fonds social de développement qui recevra ces recettes ne préjuge en rien de leur affectation. Allez-vous financer des actions nouvelles dans le domaine de la santé et en particulier dans le domaine de la protection sociale ? Nous souhaiterions avoir des assurances que ces montants contribueront à renforcer les aides-projets du programme 209 dans ces domaines.
Pouvez-vous nous préciser le calendrier de la discussion de la TTF au niveau européen, les montants en jeu, et l'affectation des ressources ainsi dégagées ?
Les deux récentes évaluations de la politique de coopération au développement préconisent la poursuite du transfert des compétences du ministère des affaires étrangères à l'AFD pour ce qui est de la gestion des projets. Autrement dit, la Cour des comptes juge que l'AFD est mieux outillée pour gérer et suivre les projets du FSP. Il est vrai que, sur le terrain, on l'a vu à Madagascar, la répartition des rôles entre l'Agence et le service de coopération et d'action culturelle (SCAC) est parfois peu lisible. L'Agence s'occupe de la santé, mais le SCAC finance une maternité. L'Agence a en charge l'agriculture, mais le SCAC finance le cadastre rural. Que pensez-vous de cette préconisation récurrente ?
M. Christian Cambon, co-rapporteur pour avis de la mission aide publique au développement. -Le budget est stabilisé. Mais on regrette qu'un redéploiement n'ait pas permis de redresser l'aide-projet, notamment en faveur des pays prioritaires. La préférence française pour les prêts nous éloigne du coeur de cible de l'aide, des PMA, de l'Afrique francophone. La proportion de prêts dans l'APD est deux fois supérieure en France à la moyenne des pays du Comité d'aide au développement (CAD). C'est cohérent avec la tendance l'évolution dynamique des bonifications du programme 110 ces dernières années et le décrochage des subventions du programme 209. C'est ce que soulignent les évaluations. Elles indiquent également l'incapacité que nous avons à démontrer les résultats de cette politique.
Nous avions fait adopter il y a deux ans un amendement demandant notamment à ce que le DPT (document de politique transversale) intègre un bilan des engagements internationaux de la France dans le domaine de l'aide au développement. Le DPT vient d'être publié avec plus d'un mois de retard. Malheureusement, le document qui nous a été transmis ne comporte pas ce recensement. Pouvez-vous nous expliquer pourquoi ? Par ailleurs, nous souhaiterions que ce document soit revu pour être intelligible. Il y a un document cadre, avec une stratégie par type de partenariat, des indicateurs. Pourquoi ne pas reprendre ce cadre pour rendre lisible ce document ? Par ailleurs, il est indispensable, pour expliquer aux Français pourquoi nous votons ces crédits, d'avoir des indicateurs de résultats.
Suite aux printemps arabes, la France s'était engagée, dans le cadre du partenariat de Deauville, à financer des projets à hauteur de 2,7 milliards d'euros sur trois ans. On semble être revenus en arrière ces derniers temps, on ne parle plus que d'un milliard. Il s'agit essentiellement de prêts de l'AFD. Pouvez-vous nous faire le point ? Chacun sait que l'AFD est, par ailleurs, contrainte du fait de la faiblesse des ses fonds propres pour intervenir plus avant au Maroc et en Tunisie. Quelle solution avez-vous en tête pour desserrer cette contrainte prudentielle ?
La Commission européenne a proposé aux Etats membres un nouveau partenariat pour le développement. Il s'agit d'une nouvelle stratégie de coopération au développement qui est par ailleurs assortie d'une augmentation significative du budget. Pouvez-vous nous indiquer le calendrier des discussions, la position du Gouvernement ? Pouvez-vous nous dire à quel moment le Gouvernement entend associer le Parlement à ces discussions qui engagent plus d'un quart du budget ? Nous sommes, à la commission, à la fois de fervents défenseurs d'une meilleure division du travail, d'un renforcement des programmations conjointes, et quelque peu sceptiques devant la façon dont le FED s'articule avec nos actions bilatérales et éprouve des difficultés à décaisser un budget considérable. Que pensez-vous de l'action du FED ? Ces trois dernières années nous avons voté des crédits dont une partie a été in fine annulée. Nous sommes à deux-tiers du dixième FED, et seulement la moitié des fonds a été utilisée : n'est-ce pas un sujet de préoccupation ?
Le ministre des affaires étrangères a insisté sur la dimension économique de notre diplomatie. Il est vrai qu'il nous faut chercher la croissance sur les marchés extérieurs. Or il est un domaine où la France a des atouts, c'est l'expertise technique. En particulier dans le domaine de l'économie verte, nous avons un savoir-faire reconnu. Il s'agit de marchés considérables, financés en grande partie par des appels d'offres internationaux des grands bailleurs de fonds multilatéraux. Or, dans ce domaine, la France concourt à ces appels d'offres en ordre dispersé avec des opérateurs qui n'ont pas une taille suffisante pour être véritablement compétitifs. Comme l'ont souligné de nombreux rapports, l'offre française en matière d'expertise technique est fragmentée, chaque ministère ou presque a son opérateur. Les principaux acteurs se concurrencent avec des champs de compétences qui se recoupent et des modèles économiques différents qui faussent le jeu alors que les Allemands ou les Britanniques ont un opérateur unique et bénéficient d'économies d'échelle importantes. Le rapport Maugüé, demandé par le Parlement, a souligné l'année dernière que l'expertise technique avait besoin d'une politique et d'un arbitre. Comptez-vous vous attaquer à ce dossier ?
M. Pascal Canfin. - Les fonds issus de la taxe française sur les transactions financières seront essentiellement affectés à deux thématiques, le climat et la santé. Il nous reste à déterminer dans quelle proportion et par le biais de quel opérateur. Il nous faudra notamment trancher entre des opérateurs bilatéraux et des opérateurs multilatéraux. Dans le domaine de la santé, notre coopération passe majoritairement par des opérateurs multilatéraux tels que, par exemple, le fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme. Le débat reste ouvert, ma préférence allant à un rééquilibrage au profit de l'aide bilatérale en articulation avec des opérateurs multilatéraux. En ce qui concerne le climat, ces crédits supplémentaires permettront d'honorer nos engagements à l'égard du fonds vert dont la création a été décidée au sommet de Copenhague et confirmée par la suite.
S'agissant de la taxe sur les transactions financières européennes, nous devrions trouver une majorité au Parlement européen pour autoriser une coopération renforcée. En revanche, nous ne sommes pas encore assurés d'avoir une majorité au Conseil européen, notamment en raison de l'hostilité britannique. A ce niveau des négociations, nous n'avons pas d'indications précises sur la destination des fonds issus de la taxe, mais nous espérons bien qu'une partie de ces fonds sera affectée à l'aide au développement.
En ce qui concerne les transferts de compétence à l'AFD, la réforme de 1998 et celle de 2004 ont conduit à transférer l'ensemble des secteurs opérationnels à l'AFD, à l'exception de la gouvernance. Cet équilibre a sa raison d'être, il importe surtout que « l'équipe France » travaille en étroite collaboration sur le terrain et notamment que les agences de l'AFD et les SCAC coordonnent leur action.
Le Président de la République s'est en effet engagé lors de la campagne présidentielle à présenter au Parlement une loi de programmation sur la coopération au développement. N'hésitez pas, si vous jugez cette proposition utile, à la soutenir, notamment dans le cadre des assises.
Le document de politique transversale est en effet un document aride et, à vrai dire, peu lisible. Nous espérons, dans les années à venir, pouvoir en améliorer la présentation. S'agissant des engagements internationaux, il est vrai qu'ils ne figurent pas dans le DPT. Une partie du bilan a été intégrée dans le rapport bisannuel que nous venons de vous adresser. Pour le reste, j'ai considéré qu'il fallait, avant de publier ces informations, consolider les chiffres afin d'en assurer l'exactitude.
S'agissant du partenariat de Deauville, la France s'est effectivement engagée à hauteur de 2,7 milliards d'euros en 2011 pour 3 ans. 1,4 milliard d'euros ont été engagés. Il nous reste encore un an et demi pour honorer notre promesse.
S'agissant des ratios prudentiels grands risques de l'AFD, vous soulevez un véritable sujet qui doit faire l'objet d'une discussion interministérielle.
Vous avez raison de soulever la question de l'expertise technique, c'est un enjeu important. Nous avons travaillé jusqu'à présent sur d'autres dossiers. Je crois qu'il nous faut aujourd'hui essayer de trouver des moyens de coordonner l'action des différents opérateurs ainsi que celle de l'AFD qui va bientôt bénéficier d'un fonds dédié à l'expertise. En ce qui concerne la faiblesse des décaissements du FED, elle a principalement des facteurs structurels comme la conditionnalité politique renforcée de l'aide budgétaire ou le choix de secteurs à faibles décaissements. C'est pourquoi il nous semblerait judicieux d'augmenter la part des dépenses dédiées à la mise en oeuvre du FED afin d'en appuyer le rythme de décaissement.
Nous observons que la faiblesse des coûts de gestion du FED, qui est en soi une bonne chose, traduit également la faiblesse des effectifs de ce fonds pour instruire les dossiers et les suivre. C'est pourquoi il faudra avoir une discussion lors de la reconstitution du 11ème FED sur les ressources humaines du fonds. Nous pensons, comme les Allemands du reste, que ce 11ème FED devrait se situer autour de 30 milliards d'euros, qui correspondent à une stabilisation en volume à l'image de l'évolution de la PAC.
M. Jacques Gautier. - En cas d'intervention militaire au Mali, il nous faudra, dès la fin des hostilités, prévoir une action massive en faveur du développement, car chacun est bien conscient ici que c'est le sous-développement du Nord-Mali qui est à l'origine des difficultés des populations du Nord-Mali, en général, et des Touaregs, en particulier. La pauvreté de cette région délaissée par l'Etat malien a fait le lit des extrémistes et de l'islamisme radical. Si nous voulons stabiliser la région, il nous faudra intervenir rapidement. Quelles sont vos intentions dans ce domaine ? La même analyse pourrait s'appliquer à l'Afghanistan après le retrait des troupes françaises. Pouvez-vous nous préciser les actions que vous envisagez dans ce pays ?
Mme Kalliopi Ango Ela. -J'aurais souhaité avoir des précisions sur la chronologie des décaissements des fonds issus de la taxe française sur les transactions financières de 2013 à 2015 en distinguant les crédits de paiements et les autorisations d'engagements.
M. Robert del Picchia. - Je vous ai trouvé assez convaincant sur l'évolution du budget. Les 160 millions que vous évoquez à propos de la TTF constituent-ils un plancher ou un plafond ? D'un côté, on parle de 10 %, de l'autre de 160 millions, je n'y vois pas très clair. S'agissant des ONG, vous augmentez les subventions qui transitent par les ONG. Pouvez-vous nous dire quelles garanties vous demandez à ces organisations. Sont-elles toutes françaises ? Et est-il prévu une évaluation de leur action pour s'assurer du sérieux de leur gestion ?
Mme Nathalie Goulet. - Quelles sont vos priorités ? Selon quels critères sélectionnerez-vous les ONG qui bénéficieront d'un accroissement de leur subvention ? Quelles sont les procédures d'évaluation et de contrôle des actions ainsi financées ?
M. Pascal Canfin. - Sur la TTF, en 2013, 160 millions, c'est-à-dire 10 % des recettes escomptées, (qui devraient s'élever à 1,6 milliard d'euros), seront attribuées au fonds social de développement. En 2013, il s'agira de 60 millions d'euros de crédits de paiement qui devraient être décaissés dans l'année et de 100 millions d'euros d'autorisations d'engagement pour des actions qui seront décaissées sur les années suivantes. Sur les trois ans, il s'agira de 160 millions d'euros en moyenne, avec un rythme de décaissement qui peut varier en fonction des projets. Cette solution est très cohérente par rapport à la nature des projets à financer, elle présente l'inconvénient d'être peu lisible et exige un effort de pédagogie que je m'efforce de déployer. Les priorités sont la santé et le climat, comme je l'ai indiqué précédemment.
S'agissant du Sahel, une éventuelle intervention doit reposer sur quatre piliers : militaire, politique, humanitaire et développement. Sur l'aspect humanitaire, nous travaillons en concertation avec les opérateurs de l'ONU pour se tenir prêts à intervenir en faveur des populations qui pourraient être touchées par les conséquences d'une intervention militaire. Sur l'aspect de développement, il est évident que nous devons nous tenir prêt à déployer des actions structurantes pour répondre aux besoins de la population. Nous travaillons dans le cadre d'intervention européen, AGIR, dont nous essayons de préciser le contenu et qui dispose de moyens financiers substantiels. Sur l'Afghanistan, le budget et les opérations financées se situent en face avec le traité d'amitié et de coopération ratifié récemment.
En ce qui concerne l'évaluation, c'est une de mes priorités et c'est un des chantiers des assises. Je le dis ici, la France ne peut pas rester en retard sur cette question. Nous devons pouvoir expliquer aux Français combien de vaccins, combien d'enfants scolarisés, combien d'accès au réseau potable, la France a financé grâce au budget que j'ai l'honneur de vous présenter.
Nous devons nous engager dans une gestion par les résultats. On ne peut pas continuer à ne raisonner qu'en termes de moyens. Il nous faut mesurer nos résultats et notre impact sur le développement des pays partenaires. La situation actuelle nuit à la légitimité de notre effort. Je ne crois pas que la situation des ONG soit différente des autres opérateurs. Leur action doit être évaluée de la même façon. Elles sont d'ores et déjà soumises aux procédures de l'AFD qui ont vocation à garantir le sérieux des actions menées.
M. Jacques Berthou. - Il est un domaine où la France a des atouts, c'est l'expertise technique. Il s'agit de marchés considérables. L'offre française en matière d'expertise technique est fragmentée, chaque ministère ou presque a son opérateur. Les principaux acteurs se concurrencent alors que les Allemands ou les Anglais ont un opérateur unique. N'y a-t-il pas moyens, notamment, de fédérer les actions des opérateurs ? Peut-on imaginer un jour que FEI devienne une filiale de l'AFD ? En tout cas, la situation actuelle ne me semble pas viable.
Il faut que les pouvoirs publics se saisissent de ce dossier pour que « l'équipe France » puisse concourir aux appels d'offres internationaux en ordre resserré.
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. - Je vous remercie pour la présentation de ce budget. Chacun connaît les limites de notre déclaration à l'OCDE. Mais je tiens à féliciter le ministre pour la prise en compte, dans les documents budgétaires, de la question du genre. Je suis très satisfaite de voir que cette question fait l'objet de développements. Je souhaiterais avoir des précisions sur les deux projets du fonds social prioritaire qui traitent de la question du genre. Je sais que votre ministère travaille sur l'introduction d'indicateurs de résultats dans les documents budgétaires. Il serait souhaitable que la question du genre fasse partie de ces indicateurs.
M. Jean-Pierre Chevènement. - Vous héritez, monsieur le ministre, d'un dispositif ministériel éclaté. Vous avez la tâche difficile de coordonner cette action de la coopération, mais on ne comprend pas très bien, à travers votre présentation technocratique, quelles sont vos priorités politiques. Quelle est votre approche du Maghreb à la sortie des printemps arabes ? Quelle vision avez-vous des mouvements djihadistes et islamistes qui s'étendent en Afrique sub-saharienne ? Comment appréhendez-vous la perspective d'une intervention militaire au Mali ? Comment comptez-vous lutter au Sahel contre le sous-développement qui favorise les mouvements djihadistes ? Quelle est votre perception des risques d'une intervention dans cette région ? Quelles sont, selon vous, les conditions pour que cette intervention soit bien dosée ?
M. Daniel Reiner. - J'ai une question plus simple, mais, avant cela, je voudrais souligner que la question touarègue est une question très ancienne. Lors de nos déplacements à l'ONU, nous sommes régulièrement interpellés sur les niveaux très bas des contributions volontaires de la France aux organisations de développement liées à l'ONU. Régulièrement, le Secrétaire général des Nations unies attire notre attention sur le fait que la France, membre du Conseil de sécurité, a considérablement diminué ses contributions. A cela le ministère des affaires étrangères répond qu'il entend concentrer ses contributions sur un nombre réduit d'organismes. J'aurais voulu comprendre si cette concentration répondait à une doctrine d'emplois ou cette doctrine était encore en cours d'élaboration.
M. Jean-Louis Carrère, président. - Cette année le Secrétaire général de l'ONU ne nous a pas interpellés sur ce sujet. Nos contributions sont stabilisées. Nous avons, à l'occasion de notre mission à l'ONU, eu des contacts particulièrement intéressants, notamment sur la situation au Sahel.
M. Pascal Canfin. - Il y a sur notre déclaration au CAD un sujet récurrent. Je crois qu'il faut examiner sérieusement la façon dont nous interprétons les critères du CAD. Il y a un juste équilibre à trouver. Les assises peuvent être l'occasion d'avancer sur ce sujet.
Nous avons présenté notre stratégie relative à la question du genre pour les années 2007-2012. Ce document est de nature à amplifier la prise en compte de cette dimension dans l'ensemble de notre politique de coopération. C'est un sujet compliqué, car, d'un côté, si vous mettez des conditionnalités trop fortes dans les pays qui ne respectent pas le droit des femmes, vous êtes conduit à interrompre toute aide à des pays qui en ont pourtant besoin.
Je suis désolé si ma présentation est apparue trop technocratique. Il est vrai que je souhaite me concentrer sur mon domaine de compétence qui est le développement, laissant, pour ce qui est du Sahel, au ministre des affaires étrangères, dont je suis le ministre délégué, et au ministre de la défense, le soin de vous répondre sur les aspects militaires et diplomatiques de l'éventuelle intervention de la CEDEAO au Mali. Sachez, par ailleurs, que le futur représentant de l'Union européenne au Mali pourrait être un Français.
Pour ce qui me concerne, je travaille, en liaison avec la Commission européenne, à la mise en place d'un plan d'intervention en faveur du développement pour le Nord-Mali. Ce plan va être finalisé dans quelques jours, et je souhaite d'ici là laisser la primeur de ce plan au ministre des affaires étrangères.
M. Jean-Pierre Chevènement. - La spécialisation de votre département ministériel ne vous empêche pas d'avoir une vision politique des choses.
M. Pascal Canfin. - Vous avez tout à fait raison, mais, dans le respect des usages républicains auxquels je vous sais sensible, je tiens à avoir d'abord un échange avec mes collègues du Gouvernement sur des projets en cours d'élaboration.
Vous avez raison, Monsieur Reiner, la doctrine en matière d'allocations multilatérales n'est pas d'une grande clarté. Le discours en faveur de l'aide multilatérale est parfois critiqué, notamment au Parlement, mais je crois que l'enjeu principal c'est bien l'articulation entre l'aide bilatérale et l'aide multilatérale. Nous travaillons à favoriser cette cohérence. L'idée est également de peser davantage dans les instances multilatérales.
Monsieur Berthou, vous avez tout à fait raison de poser la question de l'assistance technique. La création d'un fonds d'assistance au sein de l'AFD est l'occasion de réfléchir à la meilleure façon d'assurer une cohérence entre les acteurs. Ce fonds pourrait être un élément de synthèse ; il convient de poursuivre la réflexion.
M. Daniel Reiner. -Je voudrais juste citer l'exemple de l'Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine au Proche-Orient (UNRWA) qui finance des projets dans les territoires palestiniens. Faute de budget, cet organisme a interrompu son financement à destination d'écoles et de centres de vacances. Moyennant quoi, le Hamas et bientôt le Qatar vont prendre en charge ces lieux d'éducation. L'ONU dans ces cas-là ne joue plus son rôle.
Loi de finances pour 2013 - Mission « Sécurité » - Programme « Gendarmerie nationale » - Audition du Général Jacques Mignaux, directeur général de la Gendarmerie nationale
La commission auditionne le général Jacques MIGNAUX, directeur général de la Gendarmerie nationale, sur le projet de loi de finances pour 2013 (programme 152 « Gendarmerie nationale » de la mission Sécurité).
M. Jean-Louis Carrère, président. - Je vous remercie, Mon général, d'avoir répondu à notre invitation pour venir une nouvelle fois devant la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat pour cette audition consacrée aux crédits de la Gendarmerie nationale dans le projet de loi de finances pour 2013.
Le ministre de l'intérieur a présenté la semaine dernière devant notre commission ses principales priorités concernant la politique en matière de sécurité. Je pense notamment à la mise en place des zones de sécurité prioritaires.
Aujourd'hui nous souhaiterions vous entendre sur les crédits de la gendarmerie nationale dans le cadre du projet de loi de finances pour 2013.
Alors que la gendarmerie nationale a connu une diminution sensible de ses effectifs ces dernières années -comme d'ailleurs la police nationale- avec la perte de plus de 5 000 postes de gendarmes en 5 ans, le projet de loi de finances pour 2013 prévoit la création de près de 200 postes supplémentaires dans la gendarmerie et on ne peut que s'en féliciter.
Mais, au-delà de cette augmentation des effectifs, est-ce que ce budget donne les moyens à la gendarmerie de fonctionner efficacement et de répondre aux fortes attentes des citoyens et des élus en matière de sécurité ?
Qu'en est-il des dépenses de fonctionnement -je pense notamment aux dépenses de loyers ou de carburant- et des crédits d'investissement, notamment pour l'immobilier ?
Plus généralement, qu'en est-il de la préservation du statut militaire de la gendarmerie et du maintien du maillage assuré par les brigades territoriales auxquels nous sommes nous tous ici très attachés.
Enfin, quelle pourrait être la contribution de la gendarmerie nationale aux réflexions sur le nouveau Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale ? Je pense notamment au rôle important joué par la gendarmerie en matière de maintien de l'ordre en cas de grave crise, dans le domaine du renseignement ou encore pour notre dispositif de souveraineté outre-mer.
Voilà quelques questions d'ordre général, mais les deux rapporteurs pour avis du budget de la gendarmerie, MM. Gérard Larcher et Michel Boutant, ainsi que d'autres collègues, auront certainement d'autres questions à vous poser, à l'issue de votre exposé liminaire.
Général Jacques Mignaux, directeur général de la gendarmerie nationale. - Je voudrais vous dire ma satisfaction de m'exprimer à nouveau devant vous.
Avant d'évoquer les perspectives budgétaires pour 2013, je voudrais d'ores et déjà répondre à vos trois questions relatives au statut militaire de la gendarmerie, à son maillage territorial et à la participation de la gendarmerie aux travaux sur le Livre blanc.
Sur le statut militaire, je voudrais aborder deux volets qui sont complémentaires.
Tout d'abord, le statut du gendarme. C'est un statut militaire à part entière et nous nous employons à le faire vivre, que ce soit au travers de la formation dispensée aux personnels -initiale et au cours de la carrière- de l'ensemble des règles qui les régissent, qu'il s'agisse de droits ou de devoirs (dialogue interne et concertation) ou encore dans le cadre de l'exercice du métier en termes de disponibilité et d'aptitude à servir en tous lieux et en tous temps.
Ce statut militaire n'empêche pas le gendarme, qui exerce au quotidien des missions de sécurité intérieure aux côtés des autres partenaires, de se sentir parfaitement à l'aise au sein du ministère de l'intérieur. Toutefois, il est et doit rester un membre de la communauté militaire.
Ensuite, le statut de la « force » gendarmerie. La gendarmerie est une force armée, comme le souligne la loi de 2009, et c'est une réalité concrète. Elle peut, en outre, faire appel, en cas de besoin, et sous des délais très brefs, à plus de 25 000 réservistes. Elle ne doit pas être assimilée à un service déconcentré de l'Etat, même si la gendarmerie départementale est présente jusqu'à l'échelon du canton.
Comme force de sécurité intérieure et force armée, la gendarmerie doit être capable de remplir les missions que lui confie le Gouvernement et d'inscrire son action dans un continuum paix crise guerre. C'est en ce sens qu'elle contribue pleinement de la résilience de l'Etat.
Sa capacité à participer aux côtés des armées aux OPEX doit être préservée.
Son statut de force de sécurité d'essence militaire entre une police à statut civil et les forces armées est également un atout qui doit être cultivé.
A ce titre, sa composante blindée -mais pour combien de temps encore ?- nous apporte en termes de mobilité, de franchissement, de dégagement d'obstacles et de protection face au tir, des réponses adaptées lors de situations de crise ou de troubles graves à l'ordre public.
Ses moyens aériens militaires -ses hélicoptères- permettent, le cas échéant, d'engager les équipages dans des opérations de police judiciaire difficiles comme ce fut le cas à Dorlin en Guyane le 25 juin dernier.
Si nous nous inscrivons dans les nécessaires mutualisations avec la police nationale ou si nous participons à la réflexion relative à la modernisation des services publics, il me paraît indispensable de préserver les éléments qui forgent notre identité avec une organisation spécifique reconnue et une chaîne hiérarchique solide, telles qu'elles existent aujourd'hui.
Pour répondre à votre question sur le maillage territorial, la gendarmerie apporte une organisation et des modes de fonctionnement pleinement adaptés aux enjeux de la sécurité intérieure. Ce maillage de proximité, allié à la disponibilité et à la réactivité des gendarmes, qui résulte du statut militaire et du logement en caserne, participe activement d'un égal accès des citoyens à la sécurité en tous points du territoire.
C'est un atout qui, à mon sens, ne doit pas être remis en cause. Si ponctuellement quelques situations particulières appellent l'attention, des aménagements du dispositif pourront être opérés. Je veille à ce que cela soit fait sous la houlette des préfets en lien avec l'autorité judiciaire et bien naturellement les élus concernés.
Ce maillage de 3 300 brigades polyvalentes est efficace parce qu'il est complété par un réseau d'unités spécialisées (investigations, interventions, moyens rares...) permettant de faire face aux situations les plus complexes.
Vous m'avez demandé, Monsieur le président, quelle pouvait être notre contribution aux travaux du Livre blanc. Comme je l'ai souligné, la gendarmerie a vocation à intervenir sur un spectre missionnel large dans le cadre d'un continuum paix crise guerre. Il me paraît donc important de continuer à disposer des capacités pour être au rendez-vous des défis que nous pourrons avoir à relever demain, tant dans le domaine de la défense que de la sécurité nationale.
J'ai été amené, avec les autres membres de la commission, à présenter des contributions. Face à l'aggravation et à la diversification de menaces, j'estime qu'une bonne approche permettant à l'Etat de continuer à répondre avec des moyens appropriés et suffisants est de nature interministérielle. Il faut identifier, dans chaque administration et chaque ministère, des capacités « pivot » qui doivent garantir la continuité de l'action de l'Etat.
Pour la gendarmerie, ces capacités pivot, je les ai évoquées, sont :
- cette composante blindée ;
- une flotte d'hélicoptères ;
- des réseaux de radiocommunication numériques résilients.
Par ailleurs, la résilience de l'Etat passe également par l'engagement des populations, qui se traduit pour la gendarmerie par l'implication de ses réservistes, auxquels je tiens à rendre hommage.
Je voudrais maintenant développer à grands traits les perspectives budgétaires pour 2013.
Le budget alloué au programme « gendarmerie nationale » de la mission Sécurité en 2013 reflète la contrainte financière générale. Le ministre a réussi à préserver les effectifs des forces de sécurité comme il l'a développé devant vous le 31 octobre dernier. Les dotations prévues hors rémunérations imposent quant à elles des choix extrêmement contraints entre fonctionnement et investissement.
S'agissant des effectifs, nous ne perdons pas les 1 034 emplois initialement programmés mais nous obtenons 193 postes supplémentaires et nous devrions bénéficier pour les 4 années à venir de la reconduction de cette mesure.
Je rappelle qu'entre 2007 et 2012, la diminution des effectifs du plafond d'emplois s'est élevée à 6 243 emplois équivalent temps plein travaillé (ETPT), soit une baisse de 6,2% de l'effectif total. Pour l'essentiel liée à la RGPP, cette baisse, depuis 2009 a été accentuée en gestion par le fait que je ne disposais pas de l'ensemble des crédits suffisants qui m'auraient permis de réaliser tous mes effectifs. Ce qui représentera en 2012 un sous effectifs équivalent à 1 000 gendarmes.
Ainsi, l'arrêt de la RGPP est pour nous un ballon d'oxygène ; la chute de nos effectifs ne pouvait continuer sans peser excessivement sur l'opérationnel, les personnels, voire sur le modèle même de notre institution.
Concernant les crédits de rémunérations et charges sociales (RCS), ils s'élèvent hors CAS Pensions à 3, 683 milliards d'euros (+0,4%). Ils sont quasiment stables par rapport à 2012. Les dépenses totales de personnel, CAS Pensions compris, sont en hausse de 1,6% (+ 104,7 millions d'euros).
Les crédits de personnels (titre II) du budget 2013 permettront notamment le financement des sept mesures suivantes :
- le nouvel espace statutaire (catégorie B pour les sous-officiers) : 8,9 millions d'euros ;
- l'extension en année pleine de l'annuité 2012 du PAGRE (plan d'adaptation des grades aux responsabilités exercées) : 22 millions d'euros ;
- l'application à nos personnels civils des mesures catégorielles arrêtées au niveau ministériel : 0,4 million d'euros ;
- la réserve opérationnelle : 40 millions d'euros ;
- une prime pour résultats exceptionnels, dotée de 15 millions d'euros, comme les années précédentes ;
- l'Indemnité journalière d'absence temporaire (IJAT) pour les déplacements de la gendarmerie mobile sera dotée de 42 millions d'euros, comme en 2012 ;
- les dotations provisionnées pour prendre en compte les surcoûts OPEX sont reconduites et se montent à 11 millions d'euros.
Les dotations hors dépenses de personnels (titre 2) : Elles correspondent aux dépenses de fonctionnement courant et d'investissements :
S'agissant du fonctionnement courant, mes dotations sont reconduites en zéro valeur. Le fonctionnement courant, c'est le moteur de l'opérationnel. Il s'élève au total à 946,2 millions d'euros en 2013 en autorisations d'engagement et en crédits de paiement, y compris les dotations complémentaires qui se substitueront aux ressources initialement prévues au titre du CAS fréquences. Le budget de fonctionnement courant reste stable par rapport à 2012.
La priorité sera de permettre aux unités opérationnelles de mener à bien l'ensemble de leurs missions sachant cependant que certaines dotations du fonctionnement courant évoluent à la hausse. Il s'agit des postes étroitement liés à l'augmentation du coût de la vie, je pense aux loyers, aux carburants (570 millions de kms parcourus), à l'eau, l'électricité et au fioul pour le chauffage, ainsi que les postes liés à l'entretien de nos moyens notamment la réparation des véhicules ou la gestion du parc immobilier.
Il nous faut faire face à ces hausses inéluctables aux dépens d'autres postes de dépenses. Nous serons ainsi contraints de freiner sur la mobilité des personnels, de renoncer à des actions de formation continue, de diminuer le nombre de places offertes ou encore de raccourcir la durée de certains stages.
Les dépenses liées aux OPEX bénéficieront-elles d'une dotation budgétaire de 4 millions d'euros (hors dépenses de personnels), identique aux années précédentes.
Je vais vous détailler brièvement les dotations liées à l'investissement.
Alors que mes capacités de paiement s'élevaient à près de 570 millions d'euros en crédits de paiement en 2007, elles étaient, je le rappelle, de 250 millions d'euros en 2012 et resteront du même ordre en 2013.
Concernant l'investissement, les dotations globales en autorisations d'engagement étaient de 288,9 millions d'euros en 2012, elles seront de 164,6 millions d'euros en 2013, soit une baisse de 43%. Il s'agit d'une forte compression de la capacité d'investissement.
En revanche, les crédits de paiement étaient de 249,4 millions d'euros en 2012, ils seront de 253,9 millions d'euros en 2013, soit une augmentation de + 1,8%. Ils permettront notamment de payer les commandes passées en 2012 et les années précédentes.
Ces dotations seront complétées en loi de finances par 8,9 millions d'euros en autorisations d'engagement et en crédits de paiement complémentaires qui se substitueront aux ressources initialement prévues au titre du CAS fréquences pour conduire les opérations d'investissements relatifs aux systèmes d'information et de communication de la gendarmerie.
Pour le titre 3 « investissement », je pourrai :
- assurer le renouvellement des tenues des personnels dans les unités (carnet d'habillement de 35 millions d'euros) et équiper les élèves en école ;
- acquérir des munitions (8 millions d'euros) ;
- poursuivre l'acquisition de matériel dans le domaine des systèmes d'information et de communication (23,9 millions d'euros) ;
- assurer le maintien en condition opérationnelle de nos réseaux et systèmes informatiques (20 millions d'euros);
- régler les loyers des opérations immobilières lancées sous la forme d'AOT (14,6 millions d'euros). (Caen, Châteauroux, Laval, Lyon et Mulhouse) ;
- assurer pour 23,9 millions d'euros l'entretien, le maintien en condition opérationnelle, et les 20 500 heures de potentiel de vol de nos 56 hélicoptères.
En revanche, je suis contraint de différer :
- l'acquisition de matériels (police route, police judiciaire, intervention, montagne, etc.) et mobilier que j'aurais dû renouveler ;
- l'équipement en habillement pour les spécialistes.
Sur le périmètre du titre 5, les dotations en autorisations d'engagement sont en forte baisse (-72%).
Je passe de 172 millions d'euros à 48 millions d'euros. Ces crédits sont ordinairement consacrés :
- aux gros équipements ;
- aux moyens mobiles (véhicules, hélicoptères, motocyclettes, moyens nautiques...) ;
- aux programmes relatifs aux systèmes d'information et de communication ;
- aux opérations immobilières domaniales.
En 2013, ces dotations permettront :
- de répondre à la priorité gouvernementale d'achat de 40 millions d'euros de véhicules : cela représente une commande de 2000 véhicules, contre 300 l'an dernier ;
- de poursuivre l'évolution des applications métiers dans le domaine des systèmes d'information et de communication à hauteur de 2 millions d'euros.
En revanche, pour ce qui est de l'immobilier, il ne sera pas possible de lancer des opérations de construction ou de réhabilitation lourde. Il ne sera, par ailleurs, pas possible d'accorder des subventions nouvelles aux collectivités territoriales dans le cadre des constructions de casernes locatives sous le régime du décret de 1993. A cet égard, le ministre m'a demandé de lui faire des propositions pour répondre localement aux difficultés qui pourraient advenir.
Il n'y aura pas, pour le prochain triennal, d'opérations dites « de financement innovant » (AOT).
Nous devrions cependant disposer, au profit de l'immobilier, de ressources extrabudgétaires. En effet, la gendarmerie devrait pouvoir bénéficier du retour de ses cessions afin de réaliser des opérations de construction ou de réhabilitation lourde. Je pense notamment à la caserne de Melun ou au quartier Delpal de Versailles-Satory. Ces prévisions sont toutefois conditionnées à la réalisation des cessions prévues.
Vous comprendrez donc l'attention que nous portons au débat sur la mobilisation du foncier public. Le ministre y est extrêmement attentif. Nous espérons que le dispositif législatif qui sera au final adopté ne remettra pas en cause ces retours de cessions.
M. Gérard Larcher, co-rapporteur pour avis du programme 152. - Avant toute chose, je voudrais saluer l'action des hommes et des femmes de la gendarmerie nationale, qui accomplissent, sur le territoire national, outre-mer ou sur les théâtres d'opérations extérieures, comme en Afghanistan, une mission difficile au service de la sécurité des Français.
Après ces remarques d'ordre général, je souhaiterais, Mon général, vous poser trois questions sur le budget de la gendarmerie pour 2013.
Tout d'abord, je souhaiterais revenir sur le sujet de l'immobilier de la gendarmerie nationale, qui a déjà été évoqué par le ministre de l'intérieur.
Comme vous le savez, 70% du parc domanial de la gendarmerie a plus de 25 ans et certains logements sont dans un état préoccupant. Je pense notamment aux logements des gendarmes mobiles à Versailles-Satory, en particulier le quartier Delpal, que nous avons visité avec mon collègue Michel Boutant.
Or, les conditions de logement des gendarmes et de leur famille ont un impact direct sur le moral et la manière de servir.
Pour la première fois, en 2013, on entend parler d'« année blanche pour l'immobilier », c'est-à-dire qu'aucun investissement n'est prévu pour l'immobilier.
Il ne sera même pas possible d'accorder de nouvelles subventions aux collectivités territoriales et, en matière en financement innovant, aucune autre opération de ce type n'est prévue.
Pourtant les besoins sont urgents, tant en matière de construction (besoin de 200 millions d'euros) que d'entretien lourd (besoin de 100 millions d'euros).
La seule marge de manoeuvre de la gendarmerie en matière d'investissement immobilier est de pouvoir compter sur les revenus tirés des cessions immobilières, notamment la vente de l'ancien siège de la direction générale, rue Saint-Didier.
Mais cet engagement a été remis en cause par la loi relative à la mobilisation du foncier public en faveur du logement (dite loi Duflot), qui prévoyait d'appliquer une décote qui pourrait atteindre 100% de la valeur vénale du terrain. Heureusement, cette loi a été déclarée contraire à la Constitution par le Conseil constitutionnel.
Dans ce contexte, je souhaiterais attirer l'attention de nos collègues sur l'importance de ce sujet, dans l'optique de la nouvelle discussion du projet de loi sur la mobilisation du foncier public. Il est en effet crucial que la gendarmerie puisse bénéficier du retour de ses cessions afin de réaliser des opérations de construction ou de réhabilitation lourde. Il serait extrêmement périlleux pour la gendarmerie de connaître trois années blanches consécutives en matière d'immobilier.
Ma deuxième question porte sur les crédits de fonctionnement de la gendarmerie. En raison des fortes contraintes budgétaires et de l'augmentation des loyers, les crédits de fonctionnement de la gendarmerie ont tendance à baisser, ce qui a un impact sur le travail et la présence des gendarmes sur le terrain.
Je donnerai l'exemple du carburant, dont le prix a augmenté mais dont la dotation a tendance à stagner ces dernières années. Ainsi, dans plusieurs groupements de gendarmerie, des consignes ont été données aux gendarmes des brigades de limiter leurs déplacements, de réduire les kilométrages en voiture, de privilégier les déplacements en train, allant jusqu'à préconiser plus de patrouilles à pied et à vélo. Or, cela va réduire la surveillance sur le terrain car on voit mal une patrouille de gendarmerie à pied ou en VTT couvrir les trois ou quatre cantons de sa communauté de brigades.
Je pourrais citer aussi l'entretien des véhicules. Ainsi, les véhicules en mauvais état sont retirés de la circulation, faute de crédits pour les réparer.
Il en va de même pour les munitions, alors que l'entraînement au tir est une obligation.
Je suis également préoccupé par la diminution des crédits consacrés à la formation continue, compte tenu de l'importance de la formation pour le métier de gendarme.
Dans ce contexte, le projet de budget pour 2013 donne-t-il réellement les moyens de fonctionner aux services de gendarmerie ?
Enfin, je voudrais vous interroger, Mon général, sur le faible niveau des crédits d'investissement de la gendarmerie, qui ne permettra pas de lancer de grands programmes d'équipement, comme le renouvellement des véhicules blindés et des hélicoptères de la gendarmerie.
Or, l'état des véhicules blindés, qui datent des années 1970, est préoccupant, puisque le taux de disponibilité n'était que de 71% en 2007.
De même, le remplacement de la flotte des hélicoptères de type Écureuil, dont certains datent des années 1970, par de nouveaux modèles s'impose au regard de la réglementation européenne, qui interdit le survol des zones urbaines aux appareils monoturbines.
Ne pensez-vous pas, Mon général, que la faiblesse des crédits d'investissement aura un impact négatif sur l'avenir de l'Arme ?
M. Michel Boutant, co-rapporteur du programme 152. - Je ne reviendrai pas sur les sujets que nous avons déjà abordés avec le ministre de l'intérieur la semaine dernière. Je voudrais simplement saluer l'engagement du gouvernement au service de la sécurité des Français. Alors que les effectifs de la police et de la gendarmerie ont connu une diminution sensible ces dernières années, il est prévu la création de près de 300 postes de policiers et 200 postes supplémentaires de gendarmes en 2013. Dans un contexte budgétaire difficile, je crois que l'on peut se féliciter de cette mesure.
Après ce satisfecit, je souhaiterais, Mon général, vous poser plusieurs questions.
Tout d'abord, qu'en est-il du recrutement effectif des gendarmes et de la différence entre le plafond d'emploi et l'effectif réalisé ? Autrement dit, tous les postes inscrits au plafond d'emploi seront-ils réellement pourvus ?
Je m'interroge également sur l'efficacité du dispositif des communautés de brigades. Si les communautés de brigades ont permis de pallier la baisse des effectifs et de préserver le maillage territorial, en favorisant le regroupement des brigades territoriales et la mutualisation des effectifs et des moyens, je m'interroge, en effet, sur les conséquences de ce dispositif pour la présence des gendarmes sur le terrain et les relations de proximité des gendarmes avec les élus et la population. Je me fais là le porte-parole de nombreux élus locaux, notamment en zone rurale, qui sont plus que réservés sur cette réforme. Ne faudrait-il donc pas revoir, Mon général, le fonctionnement des communautés de brigades ?
Je m'interroge également sur la coopération entre la gendarmerie, les autres services de l'Etat et les collectivités territoriales, face à la hausse des violences infra familiales. En ma qualité de président du Conseil général de Charente, je mesure toute l'importance d'une étroite coopération entre la gendarmerie ou la police avec les services sociaux et ceux du Conseil général.
Je souhaiterais aussi attirer votre attention sur les difficultés rencontrées en matière de sécurité routière en ce qui concerne les poids lourds.
L'efficacité des contrôles et des amendes ne me semble pas toujours au rendez-vous, notamment lorsque les chauffeurs, souvent originaires de pays de l'Est de l'Europe, sont soumis à une forte pression de la part de leurs patrons et sont amenés à enfreindre les règles élémentaires de sécurité.
Une autre question concerne l'équilibre au sein de l'Arme entre les différentes catégories de personnels.
Je pense notamment à l'équilibre entre les officiers et sous-officiers de gendarmerie, d'une part, et les personnels civils et du corps de soutien de la gendarmerie, qui ne sont pas soumis à l'obligation du logement en caserne.
Je pense aussi à l'équilibre entre officiers et sous-officiers et gendarmes adjoints volontaires, qui ne disposent pas des mêmes prérogatives en matière de police judiciaire.
Je pense enfin à l'équilibre entre les gendarmes d'active et les réservistes, qui servent souvent de force d'appoint, notamment en période estivale.
Est-ce que les évolutions de ces dernières années n'ont pas remis en cause ces équilibres au sein de l'Arme ?
Enfin, je souhaiterais connaître votre sentiment sur le rôle joué par les réservistes de la gendarmerie nationale.
J'avais rédigé, avec notre collègue Joëlle Garriaud-Maylam, un rapport d'information consacré au rôle joué par la réserve en cas de crise majeure, qui a donné lieu à une proposition de loi adoptée par le Parlement.
Comme vous le savez, les réservistes opérationnels de la gendarmerie jouent un rôle indispensable de renfort des unités, notamment pendant la période estivale.
Or, depuis quelques années, en raison des restrictions budgétaires, le nombre de réservistes de la gendarmerie et la durée moyenne ont tendance à stagner. Je souhaiterais donc savoir si l'objectif affiché d'une réserve de gendarmerie comptant 40 000 réservistes (contre 25 000 aujourd'hui) vous paraît toujours atteignable et soutenable budgétairement ?
Général Jacques Mignaux, directeur général de la gendarmerie nationale. -En réponse à M. Gérard Larcher, il est vrai qu'en matière d'immobilier, il faudrait environ 300 millions d'euros par an pour faire face aux besoins, tant en matière de construction que de rénovation. L'absence de crédits pour l'immobilier de la gendarmerie dans le projet de loi de finances pose un réel problème de fond, qui a un impact direct sur le moral des unités. Je pense par exemple au développement du célibat géographique des gendarmes, en raison des difficultés de logement pour leur famille.
J'ai donc une réelle inquiétude sur l'avenir de l'immobilier de la gendarmerie, compte tenu de l'état de certaines casernes domaniales. Ces dernières années, la gendarmerie a pu compter sur l'aide des collectivités locales, pour la construction de casernes locatives, mais avec pour conséquence une augmentation importante du coût des loyers.
Cela explique toute l'importance que j'attache à la possibilité pour la gendarmerie de bénéficier d'une partie du produit des cessions immobilières pour faire face aux dépenses les plus urgentes.
Concernant les blindés à roue de la gendarmerie mobile, dont la mise en service remonte à plus de quarante ans, nous avons dû renoncer à lancer un programme de renouvellement, faute de crédits d'investissement suffisants, mais j'attache une grande importance à l'entretien de ces blindés, qui participent à la militarité de la gendarmerie et qui jouent un rôle majeur, notamment sur les théâtres d'opérations extérieurs, comme au Kosovo ou en Côte d'Ivoire. Il me paraît en effet fondamental de conserver les compétences de la gendarmerie concernant l'utilisation des blindés à roue, notamment en matière de maintien de l'ordre, car, si cette compétence venait à disparaître avec le retrait des blindés, il faudrait plusieurs années à la gendarmerie pour retrouver les savoir-faire nécessaires à l'emploi de ces blindés. Je n'ai donc aucun état d'âme à entretenir ces blindés, y compris en prélevant des pièces détachées sur les blindés hors d'usage pour remplacer des pièces sur ceux en état de marche.
De la même manière, la gendarmerie nationale compte rapatrier d'Afghanistan l'ensemble des véhicules blindés légers, cédés par l'armée de terre, pour en faire usage au maximum.
Le parc d'hélicoptères de la gendarmerie nationale, qui compte 56 hélicoptères, se compose d'une flotte de 27 appareils récents, de type EC 135 (12) et EC 145 (15), équipés des technologies les plus modernes, notamment avec des caméras thermiques, et de 29 appareils plus anciens de type Écureuil.
M. Jean-Pierre Chevènement. - Quelle est la durée de vie de ces appareils ?
Général Jacques Mignaux, directeur général de la gendarmerie nationale. - Les hélicoptères de type Écureuil sont des appareils monoturbines mis en service à partir de 1978, dont l'âge moyen est de 22 ans. Certains ont plus de 28 ans d'âge.
Faute de crédits suffisants, la gendarmerie nationale a été contrainte de différer le renouvellement de ces appareils par des appareils plus récents, mais je voudrais souligner que les appareils de type Écureuil, à l'image des anciens hélicoptères de type Alouette, sont des appareils très robustes. D'ailleurs, la France exporte encore à l'étranger ce type d'appareil.
En tout état de cause, je veille à l'entretien et au maintien en condition opérationnelle de cette flotte car les hélicoptères de la gendarmerie nationale jouent un rôle essentiel, tant en matière de secours, notamment en mer ou en montagne, qu'en matière de sécurité, comme l'illustre d'ailleurs le fait qu'ils sont utilisés également au profit de la police nationale. Ainsi, les hélicoptères de la gendarmerie jouent un rôle important concernant la surveillance de certaines installations sensibles, à l'image des centrales nucléaires, du réseau électrique ou du réseau ferroviaire, et des installations d'importance vitale.
Enfin, la dotation pour les munitions a été reconduite, les personnels ont besoin de connaître leur arme et donc de s'entrainer. Mais il est vrai que les polices municipales tirent parfois plus de cartouches que les forces de police nationales, ce qui peut sembler paradoxal.
En réponse à M. Michel Boutant, il est vrai que par le passé, en raison de la diminution des effectifs et des crédits, une différence assez importante a pu exister entre le plafond d'emploi et les effectifs réalisés. Cela se traduisait notamment par des sous-effectifs dans certaines brigades, à l'image de la Seine-et-Marne, où on atteignait un déficit de 9 % des effectifs. Pour faire face à cette difficulté, la gendarmerie va accélérer le recrutement des gendarmes-adjoints volontaires et des sous-officiers.
Concernant le fonctionnement des communautés de brigades, s'il me paraît globalement plutôt positif, il est vrai que des difficultés ont pu apparaître, notamment dans des zones rurales à faible effectif. Toutefois, revenir à la situation antérieure me paraît désormais impossible, compte tenu des effectifs dont je dispose. Il est également difficilement envisageable, à la fois pour des raisons liées à l'immobilier, de présence sur le territoire et de proximité avec les élus locaux, d'aller vers un regroupement des brigades territoriales dans le chef-lieu du canton, ce qui serait sans doute la solution la plus rationnelle du point de vue du fonctionnement de la gendarmerie départementale dans certains départements.
Je dois donc, en permanence, faire des arbitrages. Je rappelle ainsi qu'en dépit de la diminution régulière des effectifs au titre de la RGPP, la dissolution de quinze escadrons de la gendarmerie mobile a permis de réinjecter en trois ans 750 gendarmes dans la gendarmerie départementale, soit 250 postes supplémentaires par an, pour renforcer les unités. J'ai également fait le choix de préserver les effectifs de la gendarmerie outre-mer.
La présence sur le terrain et la proximité des gendarmes avec les élus locaux et la population sont des traits caractéristiques de la gendarmerie. Je le répète très souvent aux commandants et à tous les personnels de la gendarmerie, que j'encourage à échanger avec les élus et avec la population. Mais il faut aussi être conscient de la lourdeur des tâches administratives demandées aux gendarmes, dont de nombreuses tâches qui me paraissent indues, telles que les procurations de vote ou les notifications. Ainsi, certaines préfectures ont recours à la gendarmerie pour des notifications de retrait de permis de conduire. Il y a aussi toutes les commissions de sécurité, qui sont très prenantes. Il faut aussi ajouter les transfèrements et extractions judiciaires qui prennent beaucoup de temps à la gendarmerie.
M. Daniel Reiner. - Je pensais qu'un accord avec été conclu en 2010 entre le ministère de l'intérieur et le ministère de la justice, prévoyant une reprise progressive par l'administration pénitentiaire des transfèrements et des extractions judiciaires exercées par la police nationale ou la gendarmerie nationale.
Général Jacques Mignaux, directeur général de la gendarmerie nationale. -Effectivement. Toutefois, en raison des difficultés rencontrées par l'administration pénitentiaire, le cabinet du Premier ministre a décidé un moratoire pour les régions qui devaient être concernées par ce transfert en 2013 dans l'attente des conclusions d'un rapport d'inspection. La gendarmerie nationale, comme d'ailleurs la police nationale, continue donc d'assurer des tâches de transfèrements et d'extractions judiciaires dans certaines régions.
Concernant l'équilibre entre les différentes catégories de personnels, il est vrai que je préfèrerais disposer d'officiers et de sous-officiers de gendarmerie mais je voudrais souligner l'atout que représentent les gendarmes-adjoints volontaires ainsi que les réservistes de la gendarmerie.
Ainsi, les réservistes opérationnels de la gendarmerie, dont plus de 70 % sont des jeunes, jouent un rôle important de soutien aux unités, au quotidien mais aussi en renfort en période estivale ou pendant de grands événements sportifs, comme le Tour de France par exemple. Ils participent aussi au lien Armées-Nation.
Avec 25 000 réservistes, servant en moyenne 25 jours par an, je pense que nous avons atteint un plafond et je ne suis pas favorable à l'idée d'aller au-delà. Il faut en effet veiller à ne pas diminuer la durée moyenne car cela pourrait avoir pour effet de rendre moins attractive la réserve de la gendarmerie.
Les gendarmes adjoints volontaires sont également des jeunes femmes et hommes avec de remarquables qualités.
Si la gendarmerie présente la particularité d'être relativement éparpillée sur le territoire, le statut militaire du gendarme et sa disponibilité, liée au logement en caserne, permettent de mobiliser, en très peu de temps, un grand nombre de militaires de la gendarmerie en cas de nécessité.
M. Rachel Mazuir. - Quelles sont les relations de la gendarmerie nationale avec les pompiers ?
Général Jacques Mignaux, directeur général de la gendarmerie nationale.-D'une manière générale, les relations sont très bonnes, même si des difficultés peuvent apparaître ponctuellement.
M. Michel Boutant. - Il me semble que des difficultés ont également pu apparaître concernant les maîtres-chiens, avec une concurrence entre les bleus et les rouges.
Général Jacques Mignaux, directeur général de la gendarmerie nationale. - Si tel est le cas, je le déplore, car ce type de concurrence est stérile. Je peux vous citer une multitude d'exemples de coopérations efficaces entre la gendarmerie et les pompiers, par exemple en matière de recherche de personnes disparues.
M. Jacques Gautier. - Compte tenu de la réduction des effectifs des armées ces dernières années, la gendarmerie nationale constitue aujourd'hui la première force militaire en termes d'effectifs, devant l'armée de terre.
Quelles seraient les conséquences d'une éventuelle réduction du format des armées sur la gendarmerie ? Je pense notamment à notre dispositif de souveraineté outre-mer, où la gendarmerie bénéficie actuellement du soutien des armées ?
M. Jean Besson. - Compte tenu de l'importance des hélicoptères pour la gendarmerie et des difficultés rencontrées pour assurer le financement du remplacement des appareils de type Écureuil, la gendarmerie nationale ne pourrait-elle pas assurer la modernisation de sa flotte d'hélicoptères en rénovant et en modernisant ses appareils ? Dans mon département, il existe ainsi une entreprise performante, AEROTECH, située à Chabreuil, à proximité de l'ALAT, qui est spécialisée dans la rénovation et la modernisation des hélicoptères.
M. Jacques Berthou. - En tant que maire, j'ai toujours été dubitatif sur l'utilité réelle de la vidéo-protection en matière de sécurité. A mon sens, les nouvelles technologies ne permettent pas de remplacer les effectifs de gendarmes et de policiers. Je souhaiterais connaître votre point de vue sur ce point.
M. Daniel Reiner. - Je m'interroge sur la manière de préserver et renforcer les liens de la gendarmerie avec les élus locaux et la population. Il existe une forte demande des élus locaux, qui regrettent souvent la faible présence et visibilité des gendarmes sur le terrain, ce qui participe au sentiment général d'insécurité. Autrefois, dans mon département, à chaque assemblée générale des maires d'un canton, on faisait venir le commandement de groupement de la gendarmerie qui présentait aux élus locaux un bilan en matière de sécurité. Ce type de réunion n'était pas institutionnalisé car il existait auparavant des relations quotidiennes entre les maires et les élus locaux avec la gendarmerie. Dès lors que ce n'est plus le cas aujourd'hui, ne pourrait-on pas réfléchir, Mon général, à institutionnaliser ce type de réunion afin de renforcer les liens entre la gendarmerie et les élus locaux ?
M. Jean-Claude Requier. - Comme beaucoup d'élus locaux, notamment dans les zones rurales, je regrette la moindre proximité de la gendarmerie avec la population, qui permettait de nouer des relations de confiance avec les citoyens, ce qui n'était pas sans importance en termes de renseignement, mais aussi de visibilité, et ce qui présentait l'avantage de préserver le sentiment de sécurité. Ainsi, il y avait autrefois ce qu'on appelait les « tournées » de gendarmes, pendant laquelle les gendarmes effectuaient des patrouilles et prenaient le temps de discuter avec les commerçants. Or, je constate qu'aujourd'hui les gendarmes sont moins présents sur le terrain et que ces liens de proximité se sont souvent distendus. Peut-être ce phénomène s'explique-t-il aussi en partie par l'évolution des recrutements au sein de la gendarmerie, la plupart des jeunes gendarmes étant désormais issus des zones urbaines.
Général Jacques Mignaux, directeur général de la gendarmerie nationale. - Concernant l'outre-mer, il existe une réelle complémentarité entre les armées et la gendarmerie, qui ne remplissent pas les mêmes missions mais qui se renforcent mutuellement et c'est très bien. Ainsi, dans le cadre de l'opération Harpie de lutte contre l'orpaillage illégal en Guyane, la gendarmerie bénéficie du soutien indispensable des armées, notamment en matière de soutien logistique. Un allègement éventuel de la présence des armées outre-mer aurait donc des effets très négatifs pour la gendarmerie.
Le maintien en condition opérationnelle des hélicoptères est assuré par la gendarmerie nationale dans le cadre du marché de soutien passé par la SIMMAD. Dans ces conditions et à ce jour, tous nos appareils Ecureuil ont subit plusieurs chantiers de rénovation et de régénération de potentiel, ce qui permet à la gendarmerie d'avoir une flotte répondant aux exigences de sécurité et aux normes de navigabilité.
La vidéo-protection, même si elle ne remplace pas la présence des forces de l'ordre sur le terrain, a des effets positifs en termes de prévention et de lutte contre la délinquance, y compris dans des zones rurales, par exemple pour lutter contre les dégradations ou les vols.
Concernant vos propos sur les relations trop distantes avec les élus et la population, je m'efforce d'encourager cette proximité, qui est fondamentale. Ainsi, je demande régulièrement aux commandants d'unités de veiller à participer aux manifestations du 11 novembre et autres manifestations patriotiques. Je compte également écrire aux commandants de groupements pour qu'ils invitent les maires aux réunions sur le bilan annuel de la sécurité. Plusieurs instruments existent, comme les boites électroniques des unités, qui permettent d'établir rapidement un contact. Je vous invite également à venir la nuit dans les centres opérationnels de la gendarmerie pour mesurer combien notre institution est sollicitée, étant l'un des derniers services publics à fonctionner de nuit. La gendarmerie reçoit plus de 9 millions d'appels la nuit et procède à 1,5 million d'interventions effectives, souvent pour des violences infra familiales. Parfois, les gendarmes sont pris à partie et doivent faire face à des actes de violence, dans certains quartiers sensibles comme dans des secteurs ou l'on s'y attend le moins, l'actualité nous le rappelle quotidiennement.
M. Jean-Louis Carrère, président. - Je vous remercie, Mon général, pour vos réponses et je tiens à vous assurer de l'entier soutien du Sénat et de notre commission, en particulier, à la gendarmerie nationale, à laquelle nous sommes tous ici très attachés.
Mercredi 7 novembre 2012
- Présidence de M. Jean-Claude Peyronnet, vice-président, et de M. Jean-Louis Carrère, président -Loi de finances pour 2013 - Mission « Aide publique au développement » - Programme « Aide économique et financière au développement » - Audition de Mme Delphine d'Amarzit, chef du service des affaires multilatérales et du développement à la direction générale du Trésor
Lors d'une première séance tenue dans la matinée, la commission auditionne Mme Delphine d'AMARZIT, chef du service des affaires multilatérales et du développement à la direction générale du Trésor, sur le projet de loi de finances pour 2013 (programme 110 « Aide économique et financière au développement » de la mission Aide publique au développement).
M. Jean-Claude Peyronnet, président - Vous êtes la chef du service des Affaires multilatérales et du développement du Trésor et représentez ici M. Ramon Fernandez, directeur général du Trésor, qui n'a pas pu se rendre à notre invitation. En matière d'aide au développement, le ministre du développement peut s'appuyer sur deux directions : la direction générale de la mondialisation au quai d'Orsay (DGM) et la direction générale du Trésor du ministère de l'économie et des finances.
Vous allez nous présenter les crédits du programme 110, consacrés à l'aide économique et financière. Il poursuit un double objectif : premièrement, de solidarité envers les pays en développement et, deuxièmement, d'influence et de promotion des intérêts français. Il représente près d'un tiers des crédits d'aide au développement inscrits au budget de l'État.
Ce programme comprend, pour l'essentiel, la participation française aux institutions multilatérales de développement et notamment la Banque mondiale, la tutelle de l'AFD, la gestion des crédits de bonification mis à la disposition de cette agence ainsi que des crédits bilatéraux d'assistance technique et de traitement de la dette. Parallèlement, le Trésor traite des questions de développement dans différentes enceintes, qu'il s'agisse de la Banque mondiale ou du secrétariat du Club de Paris ou des conseils d'administration des banques centrales de la Zone franc.
Ces différentes fonctions conduisent le Trésor à intervenir dans le domaine de la stabilité macro-économique des pays en développement, dans le secteur des infrastructures, de la promotion du secteur privé et, plus récemment, dans le domaine de la lutte contre le réchauffement climatique.
Pour cette audition, nous vous avons naturellement demandé une présentation globale du programme 110 « aide économique et financière au développement » du projet de loi de finances pour 2013. Mais au-delà, c'est l'occasion pour nous de réfléchir aux objectifs, aux moyens et à l'efficacité de cette politique.
En juin dernier, la Cour des comptes a rendu public un rapport d'évaluation approfondie de l'ensemble des instruments de l'aide au développement. Comme nous avons déjà eu l'occasion d'en discuter lors de la table ronde du 3 octobre dernier, le rapport de la Cour des comptes est assez sévère sur l'organisation de cette politique publique. Il en critique en particulier trois aspects. Votre gestion n'est évidemment pas en cause et c'est bien plus l'organisation de cette politique dont il est question.
La Cour des comptes, tout comme l'étude du cabinet Ernst and Young, soulignent tout d'abord la faiblesse des moyens dont dispose le Gouvernement pour piloter et coordonner cette politique qui est partagée entre le ministère des affaires étrangères, celui de l'économie et des finances et l'AFD. Ces deux études soulignent ensuite la mauvaise allocation des moyens au regard des priorités françaises dans ce domaine et notamment des pays prioritaires de la coopération française. Elles évoquent enfin la faiblesse des moyens d'évaluation et l'absence d'indicateurs de résultats permettant de piloter cette politique publique en fonction de son efficacité.
Je souhaiterais que vous nous indiquiez dans quelles mesures ce budget a pris en compte ces observations ? Et puisque votre service est également en charge des questions de stabilité macro-économique, je souhaiterais que vous nous disiez un mot de la situation économique des pays du Maghreb et de l'Afrique subsaharienne qui sont pour la commission les deux priorités de notre coopération au développement.
Mme Delphine d'Amarzit, chef du service des affaires multilatérales et du développement à la direction générale du Trésor. - Le programme 110 relève de la responsabilité du ministère de l'économie et des finances et concentre un tiers du programme budgétaire concourant à l'aide publique au développement (APD). Il est très complémentaire du programme 209, et s'intéresse à trois grandes thématiques : le soutien à la stabilité macro-économique, le soutien aux politiques de croissance et le développement durable.
Les crédits relatifs à l'aide multilatérale, non européenne et non onusienne, sont le principal bloc de ce programme, notamment les contributions de la France aux fonds concessionnels hébergés par les banques multilatérales de développement (BMD) ainsi qu'à certains fonds sectoriels. Sur le PLF 2013, ce sont 674 millions d'euros qui sont prévus, dont 400 millions pour l'association internationale de développement (AID), et 127 millions pour le fonds africain de développement (FAD). Il regroupe également les crédits relatifs aux bonifications des prêts portés par l'AFD vers les États étrangers, et à l'aide budgétaire globale (ABG), ainsi que le financement des opérations d'allégement de dette, multilatérales comme bilatérales.
Au total, le budget 2013 est quasi stable par rapport à 2012 : -2,5% en crédits de paiement, et la répartition prévue est de 58% pour les actions multilatérales, 32% pour les bilatérales, et 10% pour le traitement de la dette des pays pauvres. Une forte baisse, de l'ordre de 24%, est constatée en autorisations d'engagement, mais celle-ci est due à la saisonnalité des annulations de dette.
Pourquoi une telle attention portée aux instruments multilatéraux ? En 2013 auront lieu d'importantes reconstitutions. Nous préparons d'ores et déjà la négociation de la future reconstitution de l'AID (le fonds concessionnel du groupe Banque mondiale) dont la conclusion est prévue dans le courant de l'année prochaine, de même que celle du Fonds africain de développement, le FAD. Concrètement, lors de ces cycles de négociation, les bailleurs de fonds dialoguent avec les institutions pour essayer d'influer sur leurs priorités. Il est important pour la France de faire entendre sa voix sur ces questions, et nous avons particulièrement insisté au cours du temps pour que l'AID accentue sa priorité sur l'Afrique subsaharienne. D'une manière générale, nous participons davantage aux fonds multilatéraux sur lesquels nos priorités sont alignées : nous avons des objectifs en termes d'allocation de notre aide vers l'Afrique subsaharienne, et participer à ces fonds multilatéraux démultiplie ces objectifs. Plus de la moitié des interventions de l'AID, sous forme de dons ou de prêts concessionnels, est dirigée vers les pays d'Afrique subsaharienne. Et bien sûr davantage pour le FAD.
Dans le cadre de cette action multilatérale, nous oeuvrons également à amener les pays émergents à contribuer progressivement à ces fonds. Ceux-ci conduisent de plus en plus une politique d'aide et une politique commerciale dans ces pays. Il faut veiller à ce que ces politiques aient les mêmes standards que les nôtres. En les amenant vers ces outils multilatéraux, on les intègre à une communauté de bailleurs qui procède du même esprit. A défaut, ils interviennent selon leurs propres modalités, et c'est un risque qui peut être mis en avant avec le projet de « banque des BRICS ». La France, de par sa position internationale, doit oeuvrer pour ce système plus inclusif et plus respectueux des standards communs. L'action multilatérale favorise aussi nos entreprises, en permettant de créer un effet de levier important. La part des entreprises françaises dans les marchés de la Banque mondiale est supérieure à celle du Japon, 3ème contributeur de l'AID, et équivalente à celle du Royaume-Uni, 2ème contributeur. Ainsi, dans le cadre de la revue à mi-parcours des actions de la Banque mondiale avant de basculer vers la négociation du prochain cycle, la France a animé pendant un an un groupe de travail sur les États fragiles et proposé des pistes sur la façon d'intervenir et selon quelles modalités dans ces États.
Nous soutenons également des interventions multilatérales sectorielles, au premier rang desquelles l'environnement et le financement de la lutte contre le changement climatique. A travers le programme 110, nous participons aux fonds préalablement existants, comme le fonds pour l'environnement mondial. Le PLF 2013 nous permettra de participer au futur fonds vert pour le climat, issu de la négociation de Copenhague et de Cancun, via une quote-part de la taxe sur les transactions financières domestique. Notre contribution au Fonds vert bénéficie d'ailleurs de la forte visibilité politique attachée à cette taxe.
Le deuxième grand bloc du programme 110 est la contribution aux actions de l'AFD, puisque le ministère met à disposition de l'AFD les fonds nécessaires pour lui permettre de bonifier ses prêts aux États étrangers qui en ont besoin. 242 millions d'euros sont inscrits au PLF 2013. Certains pays sont particulièrement ciblés : la panoplie de prêts de l'AFD permet en effet de mettre en place des partenariats différenciés prévus dans le cadre de la stratégie défendue par le Gouvernement et repris dans le document-cadre de coopération, qui prévoit une différenciation importante en fonction de la zone géographique et de l'état de développement des pays concernés entre les pays émergents, l'Afrique subsaharienne et la zone méditerranéenne.
L'autre grand instrument de financement est celui des aides budgétaires globales, instrument souple et conforme à l'esprit de la Déclaration de Paris. Elles interviennent soit pour apporter un soutien rapide d'urgence, pour favoriser la stabilisation macroéconomique en cas d'un besoin de financement clair, soit pour contribuer à des stratégies de plus long terme visant à lutter contre la pauvreté, via un canal d'aide budgétaire en dons ou en prêts.
Enfin, le programme 110 intègre les impacts budgétaires des annulations de dette des pays pauvres, conformément aux engagements internationaux de la France. En 2012, nous absorbons le point d'achèvement de la Côte d'Ivoire et de la Guinée. En 2013, nous aurons des traitements de dette importants, surtout si nous parvenons à négocier le traitement des arriérés de la Birmanie, peut-être le Zimbabwe également (ces deux traitements sont imputés sur le programme 852). Il nous restera ensuite deux pays importants à traiter, dont le calendrier est incertain : la Somalie et le Soudan.
Enfin, le programme 110 finance aussi les instruments d'aide-liée de l'État, qui ont un double objectif d'aide au développement et de positionnement des entreprises françaises sur des marchés à fort potentiel. La réserve pays émergents n'émarge pas sur le programme 110, mais nous avons le fonds d'études et d'aides au secteur privé (FASEP) ainsi que des fonds plus ciblés.
Voilà pour les axes principaux du programme 110. Il existe une forte complémentarité avec les actions du ministère des affaires étrangères. Nous nous répartissons les instruments mais discutons ensemble des objectifs. Le document-cadre de coopération a été élaboré en commun, nous siégeons ensemble dans certaines instances et le dernier COM de l'AFD, document unique à la différence de la période précédente où chacun négociait le sien, a été élaboré en commun. Notre dialogue est fréquent et va s'intensifier dans le cadre des Assises du développement et de la solidarité internationale.
M. Jean-Claude Peyronnet, co-rapporteur pour avis du programme 110 - Ma question porte sur les instruments de notre politique bilatérale. La France a réduit ses dons et augmenté ses prêts. Ceci pose un défi pour la mise en oeuvre de la nouvelle stratégie de la France et le ciblage sur les pays les moins avancés qu'elle a proposé. Quand on regarde le budget, de 2008 à 2013 les subventions gérées par l'AFD auront diminué de 20% quand les bonifications de prêts auront augmenté du même pourcentage. Est-ce que cela procède d'une nécessité liée à la rareté des crédits ou d'une volonté politique ?
J'en viens maintenant à l'AFD. Ma première question concerne les fonds propres de l'agence. Elle limite aujourd'hui ses interventions dans des pays prioritaires comme le Maroc et la Tunisie. La Cour des comptes, dans un rapport particulier sur l'AFD, lui donne un satisfecit sur sa gestion, mais souligne la nécessité de renforcer son capital. Apparemment, plusieurs pistes sont à l'étude. Pouvez-vous nous en dire plus ?
L'AFD et l'Etat sont liés par une convention-cadre qui fixe notamment la rémunération de l'AFD pour les opérations qu'elle effectue au nom de l'Etat. Là encore, la Cour des comptes souligne la nécessité de revoir cet accord. Qu'en est-il ?
Les deux récentes évaluations sur notre politique de coopération se prononcent en faveur d'une poursuite des transferts de compétence au profit de l'AFD, à la fois pour des raisons de compétence en matière de gestion de projet et de rationalisation du réseau. Ces transferts pourraient concerner la gouvernance, l'éducation supérieure et également le suivi macro-économique. En tant que tutelle de l'AFD, pensez-vous que ces transferts soient souhaitables ?
M. Christian Cambon, co-rapporteur pour avis du programme 110 - Le projet de loi de finances prévoit une affectation de 10 % du produit de la taxe sur les transactions financières (TTF) à l'aide au développement. C'est un début. Certains regrettent que le pourcentage ne soit pas plus élevé, que l'assiette ne soit pas plus large. Nous comprenons les contraintes du Gouvernement, même si nous regrettons que le montant ainsi affecté soit plafonné. Il ne s'agit pas véritablement de 10 %, mais de 60 millions d'euros. Pouvez-vous nous expliquer comment fonctionne le FSD, qui percevra ces fonds et quels seront les critères d'attribution ?
Quels sont les fonds internationaux qui devraient être reconstitués l'année prochaine ? Pouvez-vous nous dire lesquels, nous décrire les montants en jeu ? C'est important pour nous, parce que, sur le programme 110, l'Etat renégocie ses contributions sur plusieurs années et se présente devant le Gouvernement en indiquant que l'on ne peut pas modifier ces contributions puisqu'elles correspondent à des engagements de l'Etat.
Quelques questions ponctuelles sur la myriade de fonds spécialisés qui sont financés par le programme 110, comme le METAC ou l'AFRITAC : pourquoi le fonds sur la vaccination (Iffim) ne relève-t-il pas du programme 209 ? Qu'est-ce que le fonds contre les juridictions non coopératives ? Quelles sont les lignes directrices de l'action du Trésor sur ces fonds spécialisés ?
Nous avions fait adopter, il y a deux ans, un amendement demandant notamment à ce que le document de politique transversale (DPT) intègre un bilan des engagements internationaux de la France dans le domaine de l'aide au développement. Le DPT vient d'être publié avec plus d'un mois de retard. Malheureusement, le document qui nous a été transmis ne comporte pas ce recensement. Pouvez-vous nous expliquer pourquoi ? Par ailleurs, nous souhaiterions que ce document soit revu pour être intelligible. Il y a un document-cadre, avec une stratégie par type de partenariat, des indicateurs, pourquoi ne pas reprendre ce cadre pour rendre lisible ce document ? Il est indispensable, pour expliquer aux Français pourquoi nous votons ces crédits, d'avoir des indicateurs de résultats.
Le ministre des affaires étrangères a insisté sur la dimension économique de notre diplomatie. Il est vrai qu'il nous faut chercher la croissance sur les marchés extérieurs. Or, il est un domaine où la France a des atouts, c'est l'expertise technique, en particulier dans le domaine de l'économie verte où notre savoir-faire est reconnu. Il s'agit de marchés considérables, financés en grande partie par des appels d'offres internationaux des grands bailleurs de fonds multilatéraux. Or, dans ce domaine, la France concourt à ces appels d'offres en ordre dispersé avec des opérateurs qui n'ont pas une taille suffisante pour être véritablement compétitifs. Comme l'ont souligné de nombreux rapports, l'offre française en matière d'expertise technique est fragmentée, chaque ministère ou presque a son opérateur. Les principaux acteurs se concurrencent, avec des champs de compétences qui se recoupent et des modèles économiques différents qui faussent le jeu, alors que les Allemands ou les Britanniques ont un opérateur unique, et bénéficient ainsi d'économies d'échelle importantes. Le rapport Maugüé, demandé par le Parlement, a souligné l'année dernière que l'expertise technique avait besoin d'une politique et d'un arbitre. N'y a-t-il pas moyen de fédérer les actions de l'opérateur lié aux finances ADETEF avec celui du Quai d'Orsay, FEI ? Par ailleurs, le ministère de l'économie et des finances devrait abonder le fonds d'expertise de l'AFD. Est à dire que l'AFD sera un nouvel opérateur ?
Mme Delphine d'Amarzit. - Les subventions inscrites dans le programme 209 ne relèvent pas de ma responsabilité et je ne peux donc me prononcer sur leur évolution. En revanche, les bonifications des prêts, qui relèvent du programme 110, ont effectivement été augmentées. Cette augmentation ne procède pas d'une « compensation » de moindre subvention, elle a accompagné l'extension géographique et sectorielle du mandat confié à l'AFD, par exemple dans le domaine de la croissance verte et solidaire. Par ailleurs, la France reprend, avec prudence, ses prêts aux pays d'Afrique sub-saharienne dont la soutenabilité de la dette a été restaurée par l'initiative d'annulation de dette des pays pauvres très endettées, « PPTE » ; notre pays agit d'ailleurs dans ce domaine selon des critères plus sévères que ceux du FMI et de la Banque mondiale.
M. Christian Cambon, rapporteur pour avis du programme 110. - Pourriez-vous nous donner un exemple récent de prêt ?
Mme Delphine d'Amarzit. - La Côte d'Ivoire a reçu cette année un prêt de 350 millions d'euros visant à lui permettre de stabiliser sa situation politique et économique à l'issue du conflit.
Il faut aussi avoir conscience que les pays émergents ont tendance à prêter sans beaucoup de conditionnalité à des pays dont les Etats occidentaux viennent d'alléger la dette. Il s'agit là d'une situation problématique sur laquelle nous essayons de discuter avec les pays émergents, mais aussi avec les pays africains.
M. Jean-Louis Carrère, président - Nous pratiquons donc des prêts « vertueux » alors que les pays émergents ne s'embarrassent pas de telles subtilités.
Mme Delphine d'Amarzit. - Ce sont les pays ayant de fortes ressources en matières premières qui bénéficient de prêts apparemment avantageux de la part des pays émergents. La France a intérêt à ne pas laisser les seuls émergents monopoliser les offres de prêts, tout en respectant le cadre de la viabilité de la dette. Comme l'a annoncé le ministre de l'économie et des finances, M. Pierre Moscovici, lors de la dernière réunion des ministres des finances de la Zone franc, la France soutient la création par la Banque mondiale d'un fonds d'expertise qui fournira des conseils juridiques aux pays sollicitant des prêts. Par ailleurs, nous invitons nos partenaires à respecter le cadre d'intervention défini par le FMI sur l'analyse de viabilité de la dette, de façon à ajuster ces prêts à la situation macro-économique du pays.
M. Jean-Louis Carrère, président - J'ai été informé que le Maroc venait de bénéficier de fortes sommes fournies par le Qatar pour la rénovation de ses hôpitaux.
Mme Delphine d'Amarzit. - Le Maroc s'inscrit dans un cadre d'intervention validé par le FMI, puisqu'il a négocié un programme, mais certains pays comme la Tunisie ne souhaitent pas demander l'appui du FMI, sans doute en raison du « stigma » politique qui reste attaché aux interventions du FMI.
Je vais essayer de répondre rapidement à vos autres questions. Les fonds propres de l'AFD devront être conformes aux nouveaux critères définis par Bâle III, qui sont encore en cours d'élaboration, et nous travaillons avec l'agence pour nous y préparer. Par ailleurs, la convention-cadre de 2007 pourrait également être adaptée sur certains points.
La future taxe sur les transactions financières montera progressivement en charge, avec 60 millions d'euros en crédits de paiement affectés la première année à l'aide au développement, 100 millions la deuxième année et 160 millions en 2015, sachant que des engagements plus importants peuvent être pris dès 2013. La TTF (taxe sur les transactions financières), comme la taxe sur les billets d'avion, sera intégralement affectée au fonds de solidarité pour le développement (FSD). M. Cambon m'a interrogée sur la raison de la présence de certains petits fonds dans le document de politique transversale : ceci répond au souci du ministère des finances d'être exhaustif dans sa présentation. Ainsi, le METAC et l'AFRITAC contribuent à l'assistance technique. L'IFFIm (Facilité financière internationale pour la vaccination) est effectivement la seule portant sur le secteur de la santé qui émarge au programme 110 : c'est lié au caractère financièrement innovant (recourant à des émissions obligataires sur les marchés financiers) de ce mécanisme. Globalement, notre volonté est de veiller à ne pas multiplier ces petits fonds, et de tenter d'en supprimer au moins autant qu'on en crée, le dernier exemple en date étant le fonds créé auprès de la Banque mondiale par le partenariat de Deauville au profit des pays du printemps arabe en transition.
S'agissant du document de politique transversale, nous sommes conscients de la difficulté que crée pour les Assemblées sa transmission tardive. Nous faisons les meilleurs efforts mais c'est un document en « bout de chaîne » : il est notamment le fruit d'une enquête annuelle sur les sommes affectées à l'APD par les très nombreux ministères qui contribuent à cette politique ; au-delà des programmes 110 et 209, il dépend donc des arbitrages budgétaires, qui prennent nécessairement plus de temps une année d'alternance politique comme 2012.
M. Christian Cambon, rapporteur pour avis du programme 110 - Mes remarques n'étaient en rien une critique. M. Peyronnet et moi-même nous efforçons de travailler sur l'évaluation de la politique d'aide au développement, ce qui suppose une réflexion en amont du budget.
Mme Delphine d'Amarzit - L'intérêt que porte à notre action le Parlement est apprécié par mes services. Cependant, pour les raisons que j'ai précédemment exposées, l'enquête annuelle sur l'APD est difficile à mener précocement dans l'année.
En matière d'expertise technique, nous observons une tension classique entre intégration et spécialisation. Il y a effectivement une fragmentation importante du secteur. Nous effectuons un effort important de coordination, par exemple avec France expertise internationale.
Mme Nathalie Goulet. - Quels sont les outils de contrôle dont vous disposez en cours d'exécution de votre programme ? On se rappelle que des crédits ont longtemps été versés à l'assemblée parlementaire de l'UEO alors même que celle-ci n'existait plus ! Quels sont vos moyens d'action en cas d'exécution partielle ou si le pays a évolué de telle manière qu'il ne répond plus aux critères initiaux ?
Ensuite, est-il possible d'inclure dans vos conventions une clause de remboursement en cas d'arrivée dans le pays d'un don ? Dans n'importe quel ménage surendetté, une rentrée d'argent, suite à une succession par exemple, sert au remboursement d'une partie des dettes ! On pourrait imaginer que les États soient exemplaires de ce point de vue, et je pense à certains pays comme le Qatar, dont la réputation en matière de dons d'argent, autant auprès des pays en développement que de nos banlieues, n'est plus à faire.
M. Robert del Picchia. - Je me réjouis de trouver, dans le rapport bisannuel au Parlement, trois pages d'explication des divers sigles et abréviations ! Le jargon de l'aide publique au développement est une véritable jungle.
Ma question porte sur le montant de l'aide octroyée. On parle souvent en termes de pourcentages. Ne serait-il pas plus judicieux d'annoncer plutôt les montants ? Car une baisse du pourcentage consacré à l'APD n'est pas forcément révélatrice d'une baisse du montant !
Mme Delphine d'Amarzit. - Sur les outils de contrôle, nous avons la certitude que ce que nous finançons existe, et nous avons des systèmes de conventions pour nos versements. La plupart des contributions financées par le programme 110 passent par des acteurs comme l'AFD ou les institutions multilatérales financières (Banque mondiale, banques multilatérales de développement...) eux-mêmes soumis à de nombreux contrôles, et dont les actionnaires accordent une forte priorité à la bonne gestion. Néanmoins nous avons aussi des clauses permettant de suspendre les versements si des difficultés surgissent. Pour les prêts de l'AFD, un certain nombre de principes sont prévus dès la convention de prêt, avec des marqueurs ou déclencheurs pour le versement. Régulièrement, nous vérifions que les réformes demandées ont été mises en oeuvre, ou nous analysons pourquoi un marqueur bloque. Ainsi, dernièrement, le Liban n'a pas effectué les réformes prévues, les décaissements ont donc été suspendus. Des conditionnalités sont attachées à nos prêts. On essaie d'appliquer les mêmes principes pour les annulations de dette, en intégrant des clauses de retour à meilleure fortune lorsque c'est justifié. Il peut y avoir, à défaut d'une aide du Qatar, des découvertes de puits de pétrole dans des pays pauvres, mais lorsqu'un engagement d'annulation a été pris sur le plan international comme avec l'initiative PPTE, nous devons nous y conformer.
Concernant la trajectoire de l'aide publique au développement, l'engagement de 0,7% d'APD par rapport au revenu national brut est international et vise à égaliser les efforts des pays. En France, même si l'objectif n'est pas nécessairement atteint, nous avons tout de même un effort supérieur à celui de certains pays plus riches. En termes de communication, je partage votre sentiment qu'une communication en volume plutôt qu'en pourcentages est plus parlante. Il faut aussi prendre en compte l'ensemble de notre coopération, qui ne se limite pas à l'APD, pour comprendre la problématique plus large de financement du développement.
Loi de finances pour 2013 - Mission « Médias » - Programme « Action audiovisuelle extérieure » - Audition de Mme Laurence Franceschini, directrice générale des médias et des industries culturelles au ministère de la culture et de la communication
Puis la commission auditionne Mme Laurence Franceschini, directeur général des médias et des industries culturelles au ministère de la Culture et de la communication, sur le projet de loi de finances pour 2013 (programme 115 « Action audiovisuelle extérieure » de la mission Médias).
M. Jean-Louis Carrère, président. - Madame le directeur général, je suis heureux de vous accueillir devant notre commission pour cette audition consacrée au projet de loi de finances pour 2013. Vous êtes en effet responsable de deux programmes complémentaires qui apportent aux opérateurs l'essentiel de leurs ressources :
- le programme 115 « Action audiovisuelle extérieure » de la mission « Livres, médias et industries culturelles » ;
- le programme 844 « Contribution à l'action audiovisuelle extérieure » qui affecte une partie du produit de la contribution à l'audiovisuel public, autrement dit la redevance.
Cette action constitue un élément important de notre influence et du rayonnement de notre langue et de nos valeurs. D'ailleurs, le ministre des Affaires étrangères participe, avec ses collègues de la Culture et du Budget, à la définition des orientations stratégiques et exerce avec eux la tutelle sur les deux opérateurs que sont « l'Audiovisuel extérieur de la France » (AEF) et TV5 Monde.
Ces programmes seront sans doute pour vous l'occasion d'évoquer l'évolution institutionnelle de ces opérateurs. Nous avons suivi avec attention le feuilleton à rebondissements qui :
- partant de la création d'un nouvel opérateur sous forme d'une société holding regroupant Radio France Internationale (RFI), France 24 et Monte-Carlo Doualiya (MCD) et 49 % des parts de la chaîne francophone TV5 Monde,
- a conduit, après une rationalisation accompagnée de deux plans sociaux, à la fusion en une entreprise unique en février de cette année, à un projet contestable et contesté de fusion des rédactions et à un projet de regroupement sur le site d'Issy-les-Moulineaux,
- pour aboutir avec sagesse à la décision ministérielle du 12 juillet dernier, s'appuyant sur un rapport confié à M. Jean-Paul Cluzel, qui conclut à l'abandon de la fusion des rédactions et à l'adossement de TV5 Monde sur France Télévisons.
Une nouvelle présidente-directrice générale, Mme Saragosse, a été nommée à la tête de l'AEF. Elle est invitée à proposer de nouvelles orientations stratégiques mais aussi à négocier et à conclure, « enfin », le contrat d'objectifs et de moyens que nous attendons depuis 4 ans ! La nomination d'un directeur général à TV5 Monde pour la remplacer devrait intervenir prochainement. Celui-ci devra participer à l'élaboration d'un nouveau plan stratégique 2013-2016 avec les représentants de l'ensemble des pays partenaires. Il s'agit donc de périodes-clefs pour les deux opérateurs.
Ces décisions techniquement appropriées pourront, nous l'espérons, rétablir le dialogue social au sein de l'AEF. Pour autant, les perspectives budgétaires pour 2013 sont marquées par le sceau du nécessaire redressement des finances publiques et en conséquence par un strict maintien des dotations de l'État à leurs niveaux de 2012. L'exercice budgétaire 2013 va donc être très compliqué pour les deux opérateurs.
Dans ce contexte, comment définir des priorités en matière d'action audiovisuelle extérieure ? Faudra-t-il revoir nos ambitions en ce domaine ?
Mme Laurence Franceschini, directrice générale des médias et des industries culturelles. - L'audiovisuel extérieur de la France a été réformé sur les bases des conclusions d'un rapport qui a été confié à M. Jean-Paul Cluzel. Celui-ci devait examiner la pertinence stratégique de l'AEF, celle de son périmètre et de sa gouvernance et de certaines décisions qui avaient été prises dans le prolongement de la création juridique d'AEF comme société unique en février dernier. Fort de son expérience personnelle - il a dirigé RFI, il y a quelques années et connaît bien la société de l'intérieur- M. Cluzel a pu travailler vite et efficacement. Il a conclu, en s'appuyant également sur des expériences étrangères, que la convergence des médias avait, certes, des conséquences sur l'audiovisuel extérieur, mais que vouloir passer directement, au lendemain de l'instauration d'une société unique déjà mal ressentie au sein de RFI, à une organisation des rédactions par langues, était trop rapide et techniquement peu pertinent compte tenu de l'identité et des missions des antennes. En conséquence il fallait maintenir l'autonomie des rédactions de RFI et de France 24. Après l'installation de l'ensemble des personnels sur le site d'Issy-les-Moulineaux, et une fois que la nouvelle présidente-directrice générale Mme Marie-Christine Saragosse, qui insiste beaucoup et à juste titre sur ces identités des chaînes, aura défini un plan stratégique, il est probable que des coopérations naturelles et pragmatiques entre les rédactions s'organiseront, notamment pour enrichir les plateformes numériques. Le conseil d'administration de l'AEF a demandé que lui soit présenté un nouveau projet d'organisation sur ces fondements, ce qui devrait être fait lors de sa prochaine réunion à la fin du mois de novembre.
Le deuxième volet de la réforme revient sur le partenariat entre l'AEF et TV5 Monde sur lequel votre commission avait, à plusieurs reprises, manifesté un certain scepticisme. Les conclusions du rapport Cluzel montre qu'il est plus cohérent et pertinent que France Télévisions reprenne la majeure partie de la participation de l'AEF dans le capital de la chaîne francophone. Pour les pays partenaires, ce sont d'ailleurs des chaînes généralistes de service public qui portent les participations. Le partenariat n'avait pas véritablement pris forme et n'avait pas eu de traductions concrètes d'ampleur suffisante. Ce transfert sera réalisé d'ici la fin de l'année ou le début de l'année prochaine. Il n'est pas exclu que l'AEF conserve une petite participation.
S'agissant du déménagement des équipes de RFI, la décision a été prise de faire en sorte qu'il soit effectué dans la sérénité et non à marche forcée pendant la période estivale. Il devrait se dérouler entre décembre et janvier prochains. Ce n'est qu'une fois que l'ensemble des équipes sera présent sur le site commun que la nouvelle organisation pourra vraiment fonctionner et prospérer. Nous avons également pour préoccupation les conséquences financières du décalage intervenu dans son déroulement. Au-delà du mois de janvier, ces conséquences seraient aggravées car le retard compromettrait le calendrier de réalisation des travaux d'aménagement de la Maison de Radio France.
La désignation de Mme Saragosse, dont les compétences professionnelles sont reconnues, est un atout et une assurance qu'un vrai dialogue social va pouvoir être établi au sein de la société. Une fois élaboré le plan stratégique, reprendra la négociation du contrat d'objectifs et de moyens en espérant qu'il pourra être conclu au cours de l'année 2013
Au moment où a été fixé le montant de la dotation pour 2013, il n'y avait pas vraiment d'autre choix, en l'absence d'orientations claires, que de la maintenir, à titre conservatoire, à son niveau de 2012, soit 314,2 millions d'euros dont 75 millions d'euros seraient destinés à TV5 Monde, ce qui n'est pas sans poser de problèmes en raison du renouvellement des équipements techniques de cette entreprise. On peut comprendre que ce n'est qu'au vu de la présentation de son plan stratégique que l'on pourra regarder quels moyens, et éventuellement quels moyens supplémentaires, pourront être mis en oeuvre pour l'AEF. Vous connaissez les contraintes du budget 2013, c'est ce qui rend encore plus importante la négociation du contrat d'objectifs et de moyens. C'est une société qui doit s'installer dans une sorte de sérénité sociale et qui doit remplir complètement ses missions. Il y a au sein de cette société des gens de talent qui ne demandent qu'à bien faire leur travail et qui l'ont démontré. Chacun a pu saluer la façon dont les journalistes des rédactions de RFI et de France 24 ont assuré avec réactivité et compétence, et parfois au péril de leur vie, la couverture des évènements du « printemps arabe ».
L'action audiovisuelle extérieure doit assurer le rayonnement et la présence de la France dans le monde, mais aussi la diffusion du regard singulier que nous portons sur le monde, et qui est attendu sur les autres continents. Je pense que le contrat pluriannuel d'objectifs et de moyens sera l'occasion pour l'État de manifester l'importance et la confiance qu'il accorde à cette société.
M. André Vallini, co-rapporteur du programme 115. - Avec ma collègue Joëlle Garriaud-Maylam, nous avons reçu, la semaine dernière, Mme Saragosse qui nous a paru très inquiète. Elle nous a permis de mesurer l'ampleur et la difficulté de sa tâche. La mise au point du budget pour 2013 va être très compliquée. Le climat social reste tendu et elle va devoir affronter quelques défis techniques outre le déménagement de RFI. N'est-il pas envisageable d'apporter un complément de dotation dès 2013 à cette société ?
Nous n'avons pu obtenir communication de l'annexe du rapport Cluzel sur laquelle repose le calcul des zones d'incertitudes budgétaires, en réalité des déficits cumulés, dont le montant s'élèveraient selon l'Inspection générale des finances à 54 millions d'euros, selon M. Cluzel à 34 millions d'euros, à l'horizon 2013-2014. Qu'en est-il vraiment ? Quelles solutions envisage la tutelle ?
Deux questions ne semblent pas avoir été tranchées par le communiqué ministériel du 12 juillet, celui de la rédaction commune arabophone, et celui du pôle commun multimédia. Quelle est la position de la tutelle sur ces deux points ?
Le rapport Cluzel recommandait l'attribution à RFI de fréquences FM dans plusieurs métropoles régionales où nos concitoyens d'origine étrangère sont très nombreux. Mme Saragosse en a parlé lors de son audition au Sénat. C'est une idée intéressante : ne faut-il pas aller dans cette direction dès lors qu'AEF est désormais principalement financée par la redevance?
Mme Joëlle Garriaud-Maylam, co-rapporteur du programme 115 - L'adossement à France Télévisions a été décidé. Comment est-il envisagé ? Faut-il que France Télévisions reprenne la totalité de la part de l'AEF, ce qui porterait sa participation à plus de 60 % et ferait de TV5 Monde sa filiale ? Je m'interroge sur la position de nos partenaires francophones, d'autant qu'il y a déjà eu beaucoup de remous dans le passé. Il est important de tenir compte de leurs appréciations.
Je souhaiterais savoir ce qui retarde la nomination d'un président de TV5 Monde. Mme Saragosse cumule l'ensemble des fonctions à AEF et TV5 Monde, ce qui est difficile. Quel est le calendrier ?
Sur le plan budgétaire, la stagnation proposée de la dotation de la France, la fin en 2012 du dispositif de rééquilibrage des contributions des pays partenaires et de la garantie d'un montant minimal de ressources publicitaires par la régie, au moment où, sans compter le glissement de ses frais généraux en raison de ses engagements contractuels et réglementaires, TV5 Monde est tenue de procéder à des appels d'offres pour le renouvellement de son dispositif technique de production, postproduction et diffusion dont les contrats prennent fin mi-juin 2013 : ne risquent-ils pas de conduire à une impasse ?
Est-il envisageable, et à quelle échéance, d'augmenter l'enveloppe d'acquisitions d'oeuvres françaises par TV5 Monde qui a chuté de 15 % depuis 2007, ce qui a des conséquences pour l'attractivité de ses programmes et pour la création audiovisuelle française ?
Il nous semble qu'une loi sur l'audiovisuel est en préparation. Concernera-t-elle les opérateurs de l'audiovisuel extérieur ? Est-il envisagé de donner à TV5 Monde le statut au titre de l'article 45 de la loi de 1986 comme c'est le cas d'Arte ? Est-il envisagé d'étendre le « must carry » de cette chaîne à l'Outre-mer, ce qui aurait en outre pour avantage sa diffusion dans les pays voisins ?
Mme Laurence Franceschini. - S'agissant de la dotation d'AEF, il convient de la replacer dans une dotation pour l'ensemble de l'audiovisuel public qui diminue de 1,6 %, celle de France Télévisions baissant de 2,3 % par rapport à la LFI 2012 et de 3,4 % si on tient compte des reports de crédits de 2011 sur 2012. Relativement parlant, notre démarche conservatoire a permis de préserver la dotation de l'AEF, elle est la moins touchée, mais je comprends que cela puisse paraître insuffisant et que la représentation nationale puisse vouloir accompagner le nouvel élan en souhaitant mieux doter l'AEF. Dans le cadre du débat au Sénat, il y aura peut-être des éléments, grâce aux amendements apportés à la redevance des éléments qui permettront d'aider à financer quelques impasses.
S'agissant des impasses, beaucoup de chiffres circulent qui ne sont pas tous bien documentés. Les évaluations de l'inspection générale des finances sont obsolètes car établies dans un autre contexte et fondées sur une stratégie qui était tout autre à l'époque. Les chiffres du rapport Cluzel sont très évaluatifs. Notre appréciation, s'agissant d'une impasse éventuelle de court terme et sans tenir compte des propositions que pourrait faire Mme Saragosse dans son plan stratégique, tournait autour de 5 millions d'euros. S'il n'est pas souhaitable qu'une société se trouve en déficit, cette question peut trouver une solution dans un cadre pluriannuel et en vue la préparation du projet de loi de finances pour 2014 car il y aura peut-être, avec une possible réforme de la contribution à l'audiovisuel public, des éléments à trouver qui permettront à l'ensemble du secteur de bénéficier d'un financement qui assure son indépendance et d'une forme de dynamisme. Nous rencontrons demain Mme Saragosse et son équipe, nous aurons probablement à l'occasion du débat au Sénat des éléments d'évaluation plus précis à communiquer.
Pour ce qui concerne l'organisation de la rédaction arabophone, nous nous appuierons sur les propositions de la direction de l'AEF. Nous avons mesuré l'apport de MCD à RFI et à France 24. Mais il ne faut pas brûler les étapes. C'est d'abord à la direction de nous faire part de ses propositions après concertation avec ses équipes, les rédactions et les journalistes. C'est un chantier ouvert.
Sur la reconfiguration du capital de TV5 Monde qui n'est pas encore arrêtée, je ne pense pas trahir un secret en indiquant que nous ne nous acheminons pas vers un transfert de la totalité des parts de l'AEF à France Télévisions dont la part serait limitée à 49 %. TV5 Monde ne serait pas une filiale de France Télévisions. L'AEF pourrait conserver le reliquat de cette participation. Bien entendu, cette question fait partie de la concertation régulière que nous avons avec nos partenaires francophones et ce schéma, semble-t-il, leur conviendrait.
Pour le remplacement des dirigeants, dans un premier temps il sera procédé à la nomination d'un directeur général, notre proposition devrait être transmise aux partenaires très prochainement. Pour ce qui concerne le président, il devra y avoir préalablement une modification de statuts.
Nous n'avons pas envisagé de faire de TV5 Monde une société nationale de programme. Arte France n'est pas une société nationale de programme. Elle fournit les programmes français au GEIE Arte qui, lui, est le diffuseur en application, non de la loi du 30 septembre 1986, mais du traité fondateur. En outre, le capital des sociétés nationales de programme doit être détenu à 100 % par l'État, ce qui n'est pas envisageable pour TV5 Monde.
Enfin, s'agissant de l'extension de la diffusion de RFI en métropole, c'est une question ancienne. RFI est déjà diffusée en région parisienne et elle apporte beaucoup aux auditeurs intéressés par les relations internationales et la géopolitique même si les programmes sont d'abord conçus pour l'extérieur. Son extension fait partie des questions à évoquer dans la mise au point de la stratégie de l'AEF et lors de la préparation du contrat d'objectifs et de moyens car il faudra trouver un financement pour cette diffusion. C'est d'ailleurs tout l'intérêt de la démarche du contrat pluriannuel qui permet d'établir des priorités, un échéancier et qui donne à la gouvernance de l'entreprise plus de visibilité.
Mme Nathalie Goulet. - Nous avions, avec d'autres sénatrices, à l'occasion de la discussion de la loi sur la modernisation de l'économie, montré les risques de la fusion et déposé des amendements pour garantir le statut des personnels. Nous constatons que nous avons eu raison trop tôt. Ma première question porte sur le développement des émissions de RFI en persan ce qui me paraît devoir être, compte tenu du contexte international et de la situation politique de ce pays, une priorité. Il n'est pas possible de se contenter d'une diffusion par Internet qui est contrôlé. La seconde sur l'impact financier des plans sociaux.
M. Pierre Bernard-Reymond. - Je suis un auditeur régulier de RFI. Quand j'écoute cette radio, je suis mieux informé sur l'Afrique, mais lorsque je souhaite disposer d'informations sur les autres pays européens, sur la Slovénie, l'Autriche ou la Lituanie, il n'existe pas d'offres. Ne serait-il pas utile de créer une chaîne qui permette aux auditeurs de trouver non seulement des informations sur la vie politique de ces pays, mais aussi la vie culturelle, sportive, économique, la façon dont les gens vivent. Ce serait une façon de rapprocher nos concitoyens des peuples européens. Ne pourrait-on, même en situation de contrainte budgétaire, évaluer l'intérêt d'un tel projet?
M. Jean Besson. - Je m'étais inquiété l'année dernière des réticences des hôtels du groupe Accor à favoriser la diffusion de France 24 et de TV5 Monde. Vos démarches ont-elles été fructueuses ?
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. - Il me semblait que la direction du groupe Accor avait donné des instructions pour demander aux hôtels de le faire. Mais très souvent dans le monde, nous avons France 24, mais pas TV5 Monde, et parfois France 24 en anglais ou en arabe et pas en français. Or l'une des missions de l'audiovisuel extérieur est de favoriser la francophonie.
Le standard HD va s'imposer progressivement dans le monde et il ne sera pas possible pour les chaînes de l'audiovisuel extérieur, sauf à perdre des parts de marché, de ne pas proposer un signal de qualité équivalente à celui de leurs concurrents. A-t-on évalué le coût des investissements nécessaires ? Y aura-t-il des surcoûts de contrat satellitaire ? Comment ces charges nouvelles et sans doute inéluctables seront-elles financées ?
M. André Trillard. - Pour l'information de notre collègue Bernard-Reymond, il existe à Nantes une radio thématique européenne Euradio Nantes qui répond à sa demande, mais c'est une radio locale. Ne peut-on encourager des initiatives de ce type ?
Mme Laurence Franceschini. - La diffusion en persan me semble d'une importance évidente. Dans le cadre du projet stratégique de l'AEF, les choix linguistiques de RFI seront probablement revisités. J'ai peu de doutes sur la réceptivité de Mme Saragosse sur ce point et cela fait partie des choses essentielles pour lesquelles il faut qu'elle ait les moyens de sa stratégie.
Il y a eu deux plans sociaux de l'AEF, le premier pour un montant de 41 millions d'euros, le second de 24 millions d'euros (dont 6,3 millions d'euros seront inscrits dans le projet de loi de finances rectificatives de fin d'année 2012).
S'agissant de la thématique européenne, c'est dans le cadre de l'élaboration de la stratégie de l'entreprise, et notamment du contenu des programmes de RFI, que cette question pourra être étudiée. Par ailleurs, il existe aussi une chaîne de télévision européenne Euronews qui bénéficie de financement de l'Union européenne. On peut d'ailleurs regretter, en tant que citoyen, que l'Union européenne ne soit pas suffisamment présente dans les médias. Cela devrait être une véritable priorité pour l'Union, car le déficit d'image peut devenir préoccupant.
M. Pierre Bernard-Reymond. - Mon souhait n'est pas que des programmes soient consacrés à l'Europe, ni à la création d'une « Radio Bruxelles » pour donner des informations sur le fonctionnement de l'Union européenne, mais d'une chaîne dont la thématique serait l'actualité et la vie quotidienne des Européens, une sorte de Radio France Europe, comme il existe France Culture ou France Info, une chaîne identifiée que les auditeurs intéressés aurait à leur disposition en permanence.
Mme Laurence Franceschini. - Le passage au standard HD est un enjeu majeur et une priorité de TV5 Monde car cette chaîne ne sera plus retenue dans les offres de distribution si elle n'est pas diffusée dans ce standard. C'est l'objet du nouveau dispositif technique qui sera mis en place dès 2013 et que la chaîne aura les moyens de financer.
Nous avons entrepris des démarches pour transmettre votre préoccupation au groupe Accor. Il est difficile de comprendre cette attitude de la part de ce groupe d'hôtels. Nous poursuivrons celle-ci.
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. - Il me semble que des instructions avaient été données par la direction du groupe, mais il faudrait vérifier qu'elles soient bien effectives.
- Présidence de M. Jean-Claude Peyronnet, vice-président -
Loi de finances pour 2013 - Mission « Défense » - Programme « Soutien de la politique de la défense » - Audition de M. Jean-Paul Bodin, secrétaire général pour l'Administration au ministère de la défense
Lors d'une seconde séance tenue dans l'après-midi, la commission auditionne M. Jean-Paul BODIN, secrétaire général pour l'Administration au ministère de la Défense, sur le projet de loi de finances pour 2013 (programme 212 « Soutien de la politique de la défense» de la mission Défense).
M. Jean-Claude Peyronnet, président. - Le programme « Soutien de la politique de la défense » n'est pas le plus important en volume puisqu'il ne mobilise que 7,5 % des crédits du budget de la défense, mais il porte sur des fonctions essentielles pour permettre aux autres composantes, et notamment à nos forces armées, de se consacrer à leur « coeur de métier ».
Il en va ainsi de la politique immobilière, qui mobilise plus de la moitié des crédits du programme et qui est loin de se limiter aux dossiers qui font la « une » de l'actualité comme le projet Balard ou la mise à disposition pour leur cession de certains immeubles de prestige. Elle porte sur la réalisation et l'adaptation des infrastructures qui doivent permettre de recevoir, en temps utile, les nouvelles gammes de matériels, je pense naturellement aux FREMM et aux Barracuda, à l'A400M ou aux nouveaux hélicoptères de combat, mais aussi d'accueillir pour se loger, pour se former et se maintenir en condition, les militaires de nos trois armées.
Il en va également des dispositifs d'accompagnement des restructurations, outils importants pour réussir tout à la fois l'adaptation fonctionnelle des sites densifiés, notamment dans les nouvelles bases de défense, et la transition sur le plan social et dans les territoires impactés. Nos collègues Gilbert Roger et André Dulait ont pu mesurer, dans leur rapport sur les bases de défense, la lenteur du rythme de consommation des crédits mobilisés. C'est un sujet qui préoccupe beaucoup les sénateurs.
Ensuite la politique des ressources humaines qui accompagne le processus de déflation des effectifs avec des volets d'action sociale, de reclassement et de reconversion tout à fait importants.
Le programme 212 porte enfin sur la rationalisation des systèmes d'information, d'administration et de gestion, objectif stratégique, mais qui peut connaître des dysfonctionnements dans sa mise en oeuvre. Le déploiement chaotique de Louvois en constitue malheureusement un exemple. Vous aurez sans doute à coeur de nous faire part de votre appréciation sur l'origine de ce problème et sur les décisions mises en oeuvre pour sortir de cette situation.
D'une façon plus générale, vous nous direz comment vous articulez vos priorités avec l'objectif de redressement des finances publiques assigné par la programmation budgétaire 2013-2015. Comment les arbitrages ont-ils été réalisés ? Enfin, vous pourrez nous livrer vos réflexions sur la place des fonctions de pilotage et la réforme du ministère à l'heure de la préparation du Livre blanc et de la LPM. Je pense entre autres à des questions comme le « dépyramidage » afin de réduire un taux d'encadrement élevé ou comme la rationalisation des soutiens communs, telles qu'elles ont pu être esquissées par la Cour des comptes dans son bilan à mi-parcours de la loi de programmation militaire.
A l'issue de votre intervention, je donnerai la parole à notre collègue Jean-Marie Bockel, co-rapporteur, avant de laisser s'exprimer celles et ceux d'entre nous qui le souhaiteront. Mme Michèle Demessine, l'autre co-rapporteure du programme 212, actuellement en mission à l'étranger, m'a prié de bien vouloir vous exprimer ses regrets de ne pas pouvoir participer à cette réunion.
M. Jean-Paul Bodin, secrétaire général pour l'administration. - Le projet de loi de finances pour 2013 du ministère de la défense est un budget de transition à trois titres.
Première annuité du budget triennal 2013-2015, il constitue un budget de transition vers le redressement des finances publiques qui implique des économies notamment dans le domaine du fonctionnement et de l'infrastructure qui à terme peuvent poser des difficultés.
Prenant acte de l'écart entre les ressources initialement programmées au titre de la LPM 2009-2014 et les ressources effectivement affectées, écart qui s'élève à 3 milliards d'euros sur la période 2009-2012, c'est un budget de transition dans l'attente d'une nouvelle LPM 2014-2019. Ceci nous a amené, notamment dans le domaine de l'infrastructure, à revoir un certain nombre de dépenses pour tenir compte de la diminution des crédits mais sans anticiper la prochaine LPM et donc à décaler plutôt qu'annuler des opérations.
Enfin, c'est un budget de transition vers le nouveau modèle d'armées qui sera proposé dans le cadre des travaux sur le Livre blanc et la défense nationale, et dont il convient de ne pas préempter les choix qui seront examinés en conseil de défense et de sécurité nationale au tout début de l'année 2013.
En ce sens, le budget pour 2013 tient compte des besoins de financement de la LPM 2009-2014.
Il confirme la baisse des effectifs inscrite dans cette loi, sans pour autant préempter les choix futurs. De plus, il concrétise la juste participation de la défense à l'effort de redressement des finances publiques.
Ainsi sur le périmètre de la mission « Défense », le montant des crédits inscrits au projet de loi de finances s'élève, hors pensions, à 31,4 milliards d'euros, soit le maintien du budget prévu en LFI 2012.
Trois programmes budgétaires sont placés sous la responsabilité du secrétaire général pour l'administration : au sein de la mission « Défense », le programme 212 intitulé « Soutien de la politique de la défense », au sein de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation », le programme 167 « Liens entre la Nation et son armée » et le programme 169 « Reconnaissance et réparation en faveur du monde combattant ». Je vais vous présenter sept points concernant le programme 212 « Soutien de la politique de la défense » dont vous avez rappelé le montant modeste mais aussi le rôle dans le soutien de la politique de défense.
Il répond à trois enjeux ministériels : d'abord, le pilotage et la coordination des politiques transverses exercées par des directions fonctionnelles, par exemple les questions financières, la politique des ressources humaines ou la gestion du patrimoine immobilier, ensuite la fourniture de prestations dans des domaines particuliers de soutien (infrastructure, soutien du cabinet de l'administration centrale, systèmes d'information, d'administration et de gestion, action sociale, reconversion, etc....) et enfin l'accompagnement social, économique et immobilier de la réforme dans laquelle est engagé le ministère, notamment au titre des restructurations.
Les crédits budgétaires de ce programme s'élèvent à 3,513 milliards d'euros en AE et 2,852 milliards d'euros en CP, soit, comparativement à 2012, une augmentation de 137 millions d'euros des AE et une diminution de 193 millions d'euros des CP. L'augmentation des AE répond à un élément purement technique sur lequel je reviendrai à propos des crédits d'infrastructure.
A ces crédits s'ajoutent des recettes exceptionnelles au titre des cessions immobilières plafonnées à hauteur de 200 millions d'euros, prévision de recettes qui apparaît réaliste et prudentielle mais qui nécessite une forte mobilisation, en tenant compte des risques pesant sur les cessions parisiennes, notamment en terme de calendrier et de décote si elles sont utilisées pour répondre à la politique de logement. Ce sera probablement le cas pour la caserne de Reuilly où le président de la République a fait les annonces relatives à la politique du logement social. Sont ainsi prévus d'être cédés en 2013 à la ville de Paris ou à des investisseurs la caserne de Reuilly, rue de Bellechasse, l'hôtel du génie ainsi que le pavillon et l'abbaye de Penthemont, l'hôtel de l'artillerie à Saint Thomas d'Aquin et le centre de la pépinière. Ce sont des immeubles qui peuvent avoir des vocations diverses, de bureaux mais pas uniquement, et sur lesquels les intentions que pourrait avoir de la ville de Paris en matière de réalisation de logements peuvent avoir un impact. Certaines de ces cessions interviendront tardivement et les recettes ne seront pas utilisables en 2013. La caserne Lourcine a été cédée en 2012 au CROUS et à des établissements spécialisés pour réaliser des logements pour les étudiants pour la somme de 52 millions d'euros qui ont été versés sur le CAS fin septembre par transfert de crédits du CAS du ministère de l'enseignement supérieur. Ils font partie des crédits que nous pourrons utiliser en 2013.
Le plafond d'emploi du programme 212 pour 2013, avec 13 160 ETPT, augmente de 54 emplois par rapport à 2012. Cette évolution s'explique par la poursuite des réformes engagées au niveau de l'administration centrale notamment par la mutualisation de différents services. Nous avons, en 2009, fusionné les structures de soutien de l'administration centrale et celles de la direction générale pour l'armement (DGA) en créant le service parisien de soutien de l'administration centrale (SPAC). Nous allons en 2013 poursuivre ce mouvement en y intégrant le soutien RH-Paie de la DGA, ce qui se traduira par le transfert de 155 emplois de la DGA vers le SGA avec une charge de déflation de 45 emplois qui s'appliquera entre 2014 et 2017. La création du service ministériel des systèmes d'information de fonctionnement RH (SMSIF-RH), à Tours, au plus près du pôle des DRH d'armées, et qui regroupe l'ensemble des compétences de maintenance applicative et de tierce maintenance d'exploitation des SI RH du ministère, se traduira par le transfert de 136 emplois venant des armées vers le SGA.
En neutralisant ces variations de périmètre liées à la réforme, le programme contribue à la réduction globale des effectifs à hauteur de 273 emplois (ETPT).
Les crédits au profit des infrastructures portent sur trois types de dépenses :
- les infrastructures d'une manière générale ;
- la politique du logement familial ;
- et enfin la mise en place du nouveau plan de stationnement.
Les crédits d'investissement au profit des infrastructures représentent un total de près de 1 280 millions d'euros d'AE et plus de 820 millions d'euros de CP, dont les 200 millions d'euros de recettes exceptionnelles évoquées précédemment.
La comparaison entre les dotations 2012 et 2013 doit tenir compte de la mise en place d'AE affectées sur des tranches fonctionnelles, dont notamment 250 millions d'euros au titre des infrastructures d'accueil et de soutien des sous-marins nucléaires d'attaque Barracuda à Brest, Toulon et Cherbourg. Ce mécanisme des tranches fonctionnelles, qui permet d'avoir une indication précise du coût prévisionnel d'un investissement et d'assurer sa réalisation, est mis en place pour les dépenses d'infrastructure à compter de 2013 après avoir été expérimenté en 2011 et 2012.
Entre 2012 et 2013, les crédits destinés aux dépenses d'infrastructure diminuent (recettes exceptionnelles comprises) de 166 millions d'euros.
Pour tenir compte de cette diminution des crédits de paiements en 2013, le plan d'engagement a fait l'objet d'un refroidissement à hauteur de 393 millions d'euros pour l'année 2012 et à hauteur de 351 millions d'euros en 2013 par rapport à la programmation issue de l'exécution de l'actuelle LPM. Les décisions ont été prises en étroite relation avec l'EMA, dans le cadre d'un comité de pilotage de la fonction infrastructure qui réunit sous ma présidence, le major général des armées, les sous-chefs plans et soutien de l'EMA, le directeur des affaires financières, le directeur de la mémoire du patrimoine et des archives et le directeur du service d'infrastructure de la défense. Cet abattement de 393 millions d'euros, soit 30 % des crédits initialement prévus en 2012, a porté sur les infrastructures classiques et surtout les infrastructures techniques, notamment les infrastructures opérationnelles ainsi que sur les infrastructures concernant la mise en place du nouveau plan de stationnement. Les travaux relatifs à la condition du personnel, à l'accueil des nouveaux matériels et à la dissuasion ont été préservés, tant en exécution 2012 qu'en construction budgétaire pour 2013, le ministre nous ayant demandé d'être attentif au maintien de l'activité du personnel militaire, mais aussi à ses conditions de vie car c'est important notamment dans la période du retour de nos troupes d'Afghanistan.
Seront ainsi réalisées et financées en 2013 (crédits de paiement), au titre des opérations majeures, les opérations d'infrastructure pour l'accueil des hélicoptères HN90-Caïman au 1er RHC de Phalsbourg (42,54 millions d'euros) ; les structures de mise en oeuvre et de maintenance ainsi qu'un centre de formation au profit des équipages et des mécaniciens nécessaires à l'accueil de la flotte des A400M sur la base d'Orléans-Bricy (38,62 millions d'euros) ; les études pour l'adaptation des infrastructures d'accueil et de soutien à Toulon, Cherbourg et Brest en vue de la livraison des SNA BARRACUDA (20 millions d'euros) ; les opérations d'infrastructure nécessaires à l'accueil des véhicules blindés de combats d'infanterie - VBCI (19,46 millions d'euros) et l'adaptation des infrastructures nécessaires à l'accueil des frégates multi-missions (FREMM) à Brest (8,05 millions d'euros) qui commencent à sortir des chantiers de Lorient.
S'agissant de la force de dissuasion, nous avons engagé des travaux à l'Ile Longue de réfection des installations électriques et de la station de pompage. Le plan de charge du service d'infrastructure de la défense sera donc bien rempli avec notamment des infrastructures très techniques comme celles que je viens d'évoquer mais avec aussi un programme de remise en état des installations électriques des ports de Brest et Toulon. Ce plan de charges nous permettra de maintenir les compétences du personnel du SID, compétences techniques qui font la singularité du service, l'un des derniers au sein des administrations de l'État, et qui doivent être une priorité si l'on veut conserver un service capable d'apporter aux armées les infrastructures techniques dont elles ont besoin. Si nous voulons conserver dans ce service des ingénieurs et des techniciens de bon niveau, il faut maintenir un volume suffisant de travaux. Donc je me réjouis que nous puissions lancer des travaux d'une certaines technicité (aménagement de quais, installations électriques, dragage).
Les crédits d'investissement au profit du logement familial représentent 45 millions d'euros, complétés par 55 millions d'euros au titre des crédits de fonctionnement, consacrés principalement au paiement de loyers outre-mer et à des dépenses d'entretien du propriétaire. Nous avons passé une convention de longue durée avec la SNI qui est chargée des travaux d'entretien du locataire. Ces montants, qui peuvent paraître modestes, permettront de poursuivre l'adaptation du parc du ministère de la défense à la nouvelle carte militaire, au travers de ventes (559 depuis 2009, 1 300 d'ici 2016), de nouvelles réservations (1 200 depuis 2009, 1 300 d'ici 2016), de résiliations de conventions (2 000 depuis 2009, 500 d'ici 2016) et d'évolution du parc des logements domaniaux. Un complément de dotation sur cette politique sera fourni par l'établissement public des fonds de prévoyance militaire et de l'aéronautique dans le cadre d'un fonds de concours à hauteur de 10 millions d'euros. Cet établissement public est intervenu à hauteur de 18 millions d'euros en 2012. Ces fonds ont des réserves financières de plusieurs centaines de millions d'euros. Grâce à une modification du décret qui les concerne, les excédents de résultats de ces fonds peuvent être utilisés pour acquérir des logements qui servent de garantie pour le fonds et en même temps répondent à la demande des personnels.
Enfin, 202,63 millions d'euros en AE et 208,62 millions d'euros en CP seront consacrés à la mise en oeuvre du nouveau plan de stationnement, en réalisant par exemple le transfert du centre de renseignement Air (CRA) et le commandement des forces aériennes (CFA) au Mont-Verdun (10,8 millions d'euros), en créant une plate-forme logistique à Orléans-Chanteau dans le cadre de la réorganisation du ravitaillement sanitaire (28,7 millions d'euros) ou encore en restructurant le quartier Rannes de Tours qui accueille les services de la direction du personnel militaire de la marine (6,3 millions d'euros), la poursuite des travaux d'installation des groupements de soutien des bases de défense (11 millions d'euros).
Il convient cependant d'être vigilant et de garantir le maintien des crédits à ce niveau afin de préserver et développer les compétences du service. A cet égard, le fait que nous (état-major des armées, SGA) ayons été contraints au 1er trimestre de reporter près de 750 millions d'euros d'opérations inscrites initialement en programmation ne peut pas être renouvelé. Si nous ne disposons pas des crédits suffisants pour entretenir et améliorer le patrimoine, il faudra nécessairement revoir le plan de stationnement. Une étude sur la rationalisation de la maintenance du parc immobilier du ministère nous a conduit à considérer que pour maintenir en l'état le patrimoine, il faudrait consacrer en 2012, 16,77 euros TTC par m², soit 529 millions d'euros alors que nous consacrons 10,45 euros par m² soit 350 millions d'euros, toutes ressources confondues, c'est-à-dire les crédits d'entretien courant 130 millions d'euros et les crédits destinés à la rémunération du personnel employé dans des régies (4 031 postes). Au-delà de la maintenance des bâtiments, ce constat nous conduit à mener une réflexion sur la nécessité d'acquérir plutôt que de louer dans le cas des immeubles de bureaux non spécifiques. Faut-il faire cet investissement pour 25-30 ans alors que nous ne savons pas si les structures seront organisées de la même façon et avec les mêmes besoins à cette échéance ? Nous nous interrogeons en définitive sur la vision très patrimoniale que nous avons de ce parc et sa conciliation avec une diminution des enveloppes de crédits qui peuvent lui être consacrées. En l'état actuel, il faudrait autour de 1,5 milliard d'euros par an, or on est bien en dessous et on ne voit pas comment atteindre un tel niveau, ce qui conduit à réviser notre politique en ce domaine, en tout cas à l'étudier, le dernier rapport de la Cour des comptes nous y invitant d'ailleurs.
Les crédits destinés aux systèmes d'information d'administration et de gestion s'élèvent à 118 millions d'euros en AE et 106,2 millions d'euros en CP soit une baisse de 8 % pour les crédits de paiement. Cette baisse est possible grâce à la rationalisation du parc, notamment la diminution du nombre d'applications, qui commence à produire des effets.
Mais des difficultés comme celles que nous rencontrons avec Louvois entraînent aussi des dépenses supplémentaires que nous n'avons pas prévues. Ainsi, le décalage du raccordement de l'Armée de l'air entraîne une dépense supplémentaire de 1,5 million d'euros. En conséquence, nous sommes en train d'effectuer une revue de tous les projets en cours pour les maintenir sous des contraintes budgétaires fortes et j'ai décidé la mise en place d'un système de pilotage en crédits de paiements plus précis que celui dont nous disposions, en autorisations d'engagement.
S'agissant des crédits de la politique des ressources humaines, le budget de l'action sociale s'établit à 78,4 millions d'euros. Il retrouve ainsi son niveau de 2009. Cela permettra néanmoins de maintenir les actions en faveur de l'accueil des jeunes enfants, de la protection complémentaire, du soutien psychologique des familles des militaires servant notamment en Afghanistan et des personnels handicapés et la prise en compte des risques psychosociaux.
S'agissant des restructurations, le ministère consacrera 210 millions d'euros en 2013 à l'accompagnement social (dont 95 millions d'euros sur le programme 212). Les mesures de ce plan d'accompagnement des restructurations (PAR) porteront notamment sur l'aide à la mobilité et l'incitation au départ des militaires, pour 115 millions d'euros (dont 106 millions d'euros pour le financement du pécule). S'agissant du personnel civil, elles se répartiront, pour l'essentiel, entre les indemnités de départ volontaire, pour 33 millions d'euros (dont 28 millions d'euros dédiés aux ouvriers de l'Etat), l'accompagnement de la mobilité (28 millions d'euros) et le financement des surcoûts liés à l'indemnisation du chômage (29 millions d'euros).
Enfin, le volet économique de l'accompagnement des restructurations sera doté à hauteur de 60,3 millions d'euros en AE. 60 millions d'euros seront destinés aux entreprises, collectivités territoriales et autres collectivités, et 0,3 million d'euros à des diagnostics territoriaux. Nous allons entrer dans une phase d'accélération de la consommation de ces crédits car nous avons désormais 45 contrats de redynamisation des sites de défense et plans locaux de redynamisation signés sur les 58 prévus initialement, et ils commencent à être mis en oeuvre.
Au global, les crédits de fonctionnement du programme 212 seront réduits de 54 millions d'euros en crédits de paiement au titre des économies prévues pour le redressement des comptes publics. 15 millions d'euros porteront sur les fonctions supports et concerneront principalement le fonctionnement de l'administration centrale (13,7 millions d'euros). Cela nous conduit à examiner l'ensemble des dépenses de fonctionnement courant, à demander par exemple de ne plus acheter de mobilier de bureau pour les services appelés à rejoindre Balard en 2015, mais aussi à réduire l'ensemble du parc des véhicules de gamme commerciale de 3 000 véhicules sur 16 000, en essayant de faire principalement l'effort sur les administrations centrales et d'en limiter l'impact sur les bases de défense. La mise en oeuvre de ces mesures d'économies commence à poser des difficultés de fonctionnement quotidien. Elle est néanmoins indispensable.
En conclusion, le budget pour le programme 212 s'inscrit pleinement dans les objectifs de réduction des dépenses de l'État. Il fait apparaître des difficultés notamment en ce qui concerne les crédits d'infrastructure qui doivent nous inciter à nous poser de réelles questions dans la perspective de la prochaine LPM sur notre déploiement sur le territoire. Nous avons fait le nécessaire pour faciliter l'arrivée de nouveaux matériels et pour maintenir les infrastructures techniques et celles en faveur du personnel à niveau.
Cependant les dépenses d'infrastructures vont peser sur la prochaine LPM, car il va falloir réaliser des dépenses très importantes compte tenu de l'arrivée de nouveaux équipements comme les sous-marins nucléaires, mais aussi des travaux sur nos installations nucléaires des ports de Brest et Toulon et sur certaines bases aériennes.
M. Jean-Claude Peyronnet, président. - Le projet Balard est un partenariat public-privé (PPP). Je reste sceptique sur les PPP. La Cour des comptes a fait récemment un rapport sur un hôpital de la région parisienne qui est très sévère. A quelle hauteur cela va-t-il peser sur le budget de la défense ?
M. Jean-Paul Bodin. - Nous aurons dans quelques semaines un rapport de l'Inspection générale des finances sur les PPP de manière générale et un rapport de cette inspection et du Contrôle général des armées (CGA) sur l'opération Balard en particulier. Nous verrons quel sera le jugement porté par ces corps d'inspection.
Le montant de la redevance annuelle constante est de 154 millions d'euros TTC durant 27 ans, de 2014 à 2041, soit globalement une opération qui équivaut à 3,5 milliards d'euros constants HT. Elle recouvre des dépenses immobilières à hauteur de 54 millions d'euros, des dépenses de systèmes d'information et de communication (42,5 millions d'euros couvrant l'ensemble des besoins -investissement, financement, exploitation et renouvellement -pour une durée de cinq ans, période qui comprend l'exploitation de la bureautique, puis 29 millions d'euros au-delà jusqu'au terme du contrat), une redevance liée aux services (alimentation, gardiennage, entretien des bâtiments) de 34 millions d'euros, d'autres pour la maintenance (20 millions d'euros), le gros entretien (9 millions d'euros) et enfin pour l'énergie (5,5 millions d'euros).
Cette redevance correspond en gros au montant des dépenses de fonctionnement que nous faisons actuellement pour soutenir l'administration centrale qui est dispersée sur un grand nombre de sites, pour payer des loyers - aujourd'hui le loyer de l'immeuble occupé par la DGA à Bagneux s'élève à 16 millions d'euros -, et aux dépenses de personnel en matière de soutien. Toutes ces dépenses ont été prises en compte.
M. Jean-Claude Peyronnet, président. - Je ne dis pas que l'opération n'a pas un intérêt fonctionnel, mais quelle aurait été plus économique en maîtrise d'ouvrage publique (MOP) si on se réfère aux exemples dont nous disposons.
M. Jean-Paul Bodin. - Ce que je sais, c'est que pour des opérations sous MOP, et nous avons deux exemples récents de contentieux que nous sommes en train de régler sur l'hôpital Sainte-Anne à Toulon et sur les hôpitaux Begin et du Val de Grâce à Paris, il peut aussi y avoir des dérives de calendriers et de coûts : 20 millions d'euros à Toulon sur un montant initial de 100 millions d'euros.
M. Jean-Claude Peyronnet, président. - Cela peut être la faute du maître d'ouvrage.
M. Jean-Paul Bodin. -Dans une opération comme Balard, nous avons dû travailler très précisément à la définition du cahier des charges car c'est le document de référence. Il ne se passe pas un jour sans que nos interlocuteurs ne s'y réfèrent et notre équipe en charge du pilotage est en discussion permanente avec les équipes du groupement OPALE sur les moindres travaux. Par exemple, la dépollution des terrains de la parcelle Est avait été réalisée sur la base de diagnostics préalables mais, manifestement, à la suite de carottages, nous nous sommes aperçus qu'il y avait des éléments qui n'avaient pas été pris en compte ; nous avons mis des semaines à négocier un avenant pour savoir comment organiser les travaux, qui les prenait en charge, selon quel calendrier, etc.
Un contrat de PPP, cela vous oblige à définir précisément les besoins. Aujourd'hui, on nous demande de définir précisément le positionnement des différents services dans les immeubles, alors qu'ils ne s'installeront que fin 2014. Et ce « micro-zoning » deviendra contractuel. Il y a donc un travail de préparation et de pilotage très exigeant. Il faut aussi être prêt à négocier durement en permanence.
Il faut donc mettre en place des équipes solides. A cet égard, nous avons demandé que l'IGF et le CGA nous donnent un avis sur le pilotage du projet. Cet audit est important pour nous, car, à partir du déménagement, nous devrons mettre en place une direction de site qui sera l'interlocuteur permanent du groupement, pendant toute la durée d'exécution du contrat, pour tous les dysfonctionnements. Nous avons pris la décision de mettre à sa tête une personne qui aura rang de sous-directeur d'administration centrale, d'y affecter une vingtaine de cadres à de très bon niveau et au-delà de ces compétences que l'on trouve au sein des administrations, de recruter quelques personnes qui ont une expérience de ce type de négociations du côté des prestataires.
La demande d'audit est une bonne décision. Nous sommes dans la phase de la réalisation et s'il y a des choses qui peuvent être réajustées, c'est le bon moment. Nous allons passer ensuite à la réception, et devoir utiliser le nouvel immeuble. Il est important que l'on nous dise si nous sommes suffisamment bien organisés.
Je ne crains pas cet audit car je crois, mais je peux me tromper, que nous avons travaillé sérieusement et qu'il ne conclura pas que c'est un mauvais projet auquel il faudrait renoncer. D'ailleurs, compte tenu de l'état d'avancement du chantier - la plupart des fondations des immeubles sont réalisées et les immeubles commencent à sortir de terre - il y aurait de grandes difficultés à l'abandonner.
M. Jean-Marie Bockel, co-rapporteur. - Ma première série de questions concerne les infrastructures. Dans son intervention devant la commission, le chef d'état-major a évoqué parmi les mesures de report ou d'annulation de commandes celles qui touchent l'infrastructure à hauteur de 750 millions d'euros sur 2012-2013. Nous savons qu'il y a eu des annulations d'autorisations d'engagement en 2012 pour environ 390 millions d'euros, y a-t-il eu des annulations en CP, qu'en est-il en 2013 et quels sont les principaux domaines concernés ? Ensuite la Cour des comptes évalue à 20 % des dépenses de politique immobilière, soit 200 millions d'euros annuellement, les marges de manoeuvre sur la politique immobilière en maintenant les dépenses directement liées à l'équipement des forces : partagez-vous cette analyse ?
Vous avez évoqué le rapport d'expertise conjoint au contrôle général des armées et à l'inspection générale des finances sur la soutenabilité budgétaire à court, moyen et long termes du projet Balard, et sur son opportunité, et semblez plutôt confiant quant à ses conclusions. Dans la période actuelle, nous sommes en droit de nous interroger sur les PPP, donc cet audit est tout à fait utile. Lors de votre audition à l'Assemblée nationale, vous avez indiqué deux difficultés : la dépollution des terrains, et le gel des travaux d'aménagement de la « corne ouest » en raison du contentieux avec la Ville de Paris. Où en est-on ?
Concernant les cessions immobilières, au titre du budget 2013, il est indiqué que des recettes exceptionnelles attendues des cessions immobilières à hauteur de 200 millions d'euros viendront abonder les crédits d'investissement au profit des infrastructures ? Est-ce assuré ? Le montant des recettes n'a-t-il pas été surestimé ? Vous avez évoqué les risques de décotes pour fin de transformation en logements sociaux au titre de la future loi « Duflot » sur le logement, avez-vous pu en mesurer l'impact et notamment sur les immeubles parisiens ?
Sur les systèmes d'information, pourriez-vous nous donner votre appréciation sur l'origine des dysfonctionnements graves qui ont affecté le versement des soldes dans l'armée de terre depuis le déploiement de Louvois ? Vous avez évoqué des problèmes techniques de calculateur, d'autres liés à la fonction RH au sein de l'armée de terre, s'agit-il selon vous de problèmes dans la structure du logiciel, dans la prise en compte de la réglementation des soldes, de compréhension dans les modalités d'entrées des données ? Il est nécessaire de poser un diagnostic sur cette affaire pour éviter que cela se reproduise.
A propos des restructurations, comment expliquer la sous-consommation des crédits d'accompagnement économique ? Ne risque-t-on pas de se trouver avec des montants importants d'engagement à satisfaire dans les prochains exercices budgétaires ? Est-il envisageable d'allonger la période de consommation des crédits après signature des conventions ? Quels enseignements tirez-vous de cette expérience ?
Concernant la politique des ressources humaines, dans son rapport sur le bilan à mi-parcours de la LPM, la Cour des comptes impute le moindre impact des économies attendues des réformes, notamment de la déflation des effectifs, sur la masse salariale au renforcement du taux d'encadrement par les officiers supérieurs et les personnels civils de catégorie A dans les structures d'emplois du ministère et invite à procéder à un « dépyramidage ». C'est un serpent de mer, car on comprend l'origine de la situation : réduction du format des armées, gestion des carrières, perspectives données aux cadres ... néanmoins il en va de notre crédibilité de rester dans certains standards !
Qu'est-ce qui explique l'évolution des dépenses d'action sociale qui ont progressé rapidement de 2009 à 2011 (+27 %) alors que les effectifs diminuaient (-6 %). Ce phénomène s'est-il poursuivi en 2012 ? Le budget pour 2013 a été réduit de 20 millions d'euros, quelle est la nature des économies réalisées ? Le ministre vous a demandé d'ouvrir un chantier sur la mobilité du personnel civil. Quels postes seraient susceptibles d'être offerts ?
Enfin, s'agissant de la modernisation, vous avez lors de votre audition à l'Assemblée nationale annoncé un bilan comparé des externalisations et de la régie rationalisée. Quelles en sont les principaux enseignements ? Quelles pistes vous paraissent devoir produire le plus d'économie en matière d'organisation des fonctions de soutien commun ?
M. Jean-Paul Bodin. - Concernant les dépenses d'infrastructures, je confirme les éléments donnés par le chef d'état-major des armées lors de son audition, soit 750 millions sur 2012-2013. 393 millions en 2012 et 351 millions en 2013 d'autorisations d'engagement ont été décalés. La décision de savoir où faire porter ces réductions a été prise avec l'EMA, on a essayé de maintenir au maximum les travaux relatifs à la condition du personnel et ceux relatifs à l'accueil des nouveaux matériels, en jouant plutôt sur les infrastructures techniques et opérationnelles, et en retardant des opérations de mouvements d'unités. Certes, cela joue sur les autorisations d'engagement, mais leur refroidissement est dû à la baisse des crédits de paiement à hauteur de 166 millions d'euros pour 2013. Dès que ces perspectives ont été connues, nous avons anticipé en limitant les engagements en 2012.
Vous avez évoqué les recettes exceptionnelles à hauteur de 200 millions d'euros. Nous venons d'encaisser, et pourrons reporter 52 millions issus de la vente de la caserne de Lourcine à Paris. Sur les 200 millions, 95 millions environ vont se reporter de 2012 sur 2013. D'autres opérations de cession en province sont en cours de discussion, pour 20 à 25 millions d'euros. Concernant les décotes, les cessions à l'euro symbolique achevées depuis le début de la LPM ont déjà fait perdre dans les 90 millions d'euros. Là, la loi Duflot propose qu'il puisse y avoir, si les communes le souhaitent, une décote en cas d'existence de projets de logements sociaux. La liste des immeubles concernés doit être actualisée, car celle rendue publique contient des erreurs. Ce sont les préfets qui travaillent sur cette réactualisation, en liaison avec les collectivités territoriales. Il convient néanmoins de relativiser les choses, par exemple nous avions fait part de nos craintes concernant les cessions à l'euro symbolique, elles ont toutefois permis des transferts dans des délais très courts. Or il existe, en province notamment, des immeubles issus de restructurations anciennes qui ne sont toujours pas vendus ! Ces cessions à l'euro symbolique ont donc permis d'éviter de tels cas. Nous nous sommes également engagés à prendre à notre charge les frais de gardiennage des immeubles, afin qu'ils ne soient pas squattés, pendant deux ans. La question de la décote est différente à Paris, considérant le niveau du marché immobilier, une décote de 30 à 50 % sur la valeur d'un immeuble aura un fort impact. Nous sommes en attente des projets de la ville de Paris en matière de logement social, nous savons qu'il en existe sur la caserne de Reuilly, mais nous n'avons pas d'éléments concernant les autres ensembles qui vont être mis en vente.
Concernant le projet Balard, vous avez rappelé le contentieux avec la ville de Paris. Celui-ci porte indirectement sur le projet d'aménagement de logements au garage à bus de la Croix-Nivert. Ce dernier devait être déplacé sur le site de Balard, et nous avions, en 2005, lors de la modification du PLU, accepté cette demande, d'autant plus qu'à cette époque nous envisagions de vendre Balard. Notre projet a changé et nous avons donc désormais cette servitude. Nous souhaiterions que le garage reste à la Croix-Nivert, tout en proposant que le site de Balard héberge temporairement le dépôt, tant que les travaux à la Croix-Nivert ne sont pas achevés. Le recours de la ville de Paris ne porte néanmoins pas sur cet aspect mais sur des éléments de procédure. Il ne peut y avoir distorsion entre le PLU et le permis de construire, nous avons donc utilisé la procédure de déclaration de projet permettant au préfet de modifier le PLU, celui-ci nous a accordé 3 permis de construire dont un pour la corne ouest pour la construction d'immeubles de bureaux à but locatif. Le contentieux porté devant le tribunal administratif de Paris bloque ces travaux, et non pas les travaux du ministère, or le contrat de PPP est rédigé de telle sorte que si les choses ne se débloquent pas d'ici juin 2013, le ministère devra alors prendre à sa charge l'équivalent de 220 millions d'euros correspondant à la construction de ces immeubles. Nous espérons donc que le litige sera tranché d'ici là. Quant à la dépollution des terrains, elle a coûté un peu plus de 8 millions d'euros HT, pris à la charge du ministère.
Vous m'avez ensuite interrogé sur Louvois. Le projet n'est pas récent, il a été décidé dès 1996, mais difficile à mettre en place compte tenu de la complexité réglementaire tenant aux différents régimes de soldes des armées. Cela a nécessité de préalablement travailler sur l'harmonisation de la réglementation afin d'avoir un socle commun. Un premier marché a été notifié en 1999 mais le projet n'a pas abouti et a été abandonné en 2003, avant d'être relancé dernièrement. Il a fallu prendre en compte à ce moment une évolution au sein de l'État, qui est la mise en place à terme d'un dispositif unique de paie (Opérateur National de Paye - ONP) de l'ensemble de ses agents, que le ministère rejoindra en 2017. Or ce dispositif sera alimenté directement par des systèmes d'informations Ressources Humaines (RH). C'est pourquoi nous avons rapproché les systèmes RH actuels et ceux de paie, auparavant séparés. Dès 2016, nous aurons un système RH unique pour les personnels civils et militaires baptisé « Source ». Avant de se raccorder à l'ONP, Louvois devient le calculateur de paie unique pour les militaires, ce qui permet d'abandonner les multiples systèmes précédents et devenus obsolètes. Quant aux personnels civils du ministère, ceux de la DGA et du contrôle général des armées, ils sont actuellement gérés par le système d'information RH « Alliance », et payés par le système de paye de la DGFiP. Avant de procéder à la mise en service de Louvois, nous avons systématiquement réalisé des tests, d'abord sur un échantillon représentatif de quelques milliers d'agents, puis instauré un système de double calcul pendant plusieurs mois sur la totalité du personnel, et enfin organisé une répétition générale. C'est le service de santé des armées qui a basculé le premier, de par ses effectifs réduits et son système réglementaire moins complexe; les premiers problèmes rapidement apparus comme la prise en compte des gardes, ont été résolus. Ensuite, la question de la bascule de l'armée de terre s'est posée. Nous avons rencontré des difficultés supplémentaires car ce transfert s'est déroulé parallèlement à la réforme de la chaîne gérant le paiement des soldes, à la mise en place des bases de défense et à la réorganisation de tout le dispositif RH. Par exemple, nous pensions avoir un stock non traités et non versés par les anciens systèmes de plusieurs milliers de dossiers d'indemnités, notamment de services en campagne (ISC) en fait il y en a eu 130 000 ! La solde de base a bien été prise en compte et versée pour le plus grand nombre, ce sont les éléments annexes, comme les avances et les retours d'OPEX, ou encore les mutations outre-mer, qui ont posé des problèmes techniques au calculateur. A ce jour 35 anomalies majeures sont à résoudre sur le calculateur. Plusieurs audits sont actuellement en cours, dès que les conclusions seront connues, le ministre prendra des décisions concernant les raccordements de l'armée de l'air et de la gendarmerie.
Sur les externalisations et la régie rationalisée, ces comparaisons avaient été engagées à la demande des organisations syndicales, opposées aux externalisations, en particulier dans le domaine de l'alimentation. Un premier bilan a été dressé il y a 2 semaines, qui, sous réserve d'éléments complémentaires, identifie des économies plus importantes si on recourait à l'externalisation. Nous ne sommes pas sûrs, néanmoins, d'avoir utilisé tous les leviers en termes de régie rationalisée, c'est pourquoi nous allons chercher à jouer un peu plus sur le vecteur RH. Une expérimentation a d'ores et déjà été lancée en ce sens sur la base d'Orléans, sur laquelle on compte 8 restaurants. En tout cas, la régie rationalisée permet des économies et est gérable socialement parce qu'il y a adhésion des personnels à la démarche.
Enfin, vous m'avez interrogé sur les restructurations. Les dépenses représentent 320 millions d'euros sur la période 2009-2015. Au 1er novembre, 45 contrats et plans de revitalisation de sites avaient été signés. Les 3 premières années, on a plutôt défini les projets et élaboré les plans. 60 millions d'euros ont été prévus pour 2013, ils devraient être consommés puisqu'on va entrer dans une période de consommation progressive des crédits. Quant au report des échéances, la durée de consommation des crédits est de 4 ans à compter, non pas de la signature du contrat, mais du déclenchement des investissements, et peut être reconduite encore 4 ans ensuite. Donc la question n'est pas à l'ordre du jour.
M. André Trillard. - Quelles sont les conséquences d'une utilisation ou d'un gage des fonds de réserve de la caisse de prévoyance militaire et aéronautique ?
Ensuite, vous avez évoqué des travaux de quai à Brest et à Toulon. Pouvez-vous me confirmer qu'il s'agit de la tranche additionnelle du quai des flottilles à Brest ?
M. Jean-Paul Bodin. - Il n'y a aucune conséquence sur l'établissement public des fonds de prévoyance militaire et de l'aéronautique. La dotation se monte à 500 millions d'euros environ, et l'utilisation (10 millions d'euros en 2012) se fait sur le résultat des placements, le capital n'est pas affecté.
Ensuite, c'est un complément d'opération à Brest. A Toulon, par contre, ce sont des travaux de plus grande envergure : la réalisation d'un quai complet pour l'accueil des FREMM avec des opérations de dragage assez complexes.
Mme Leila Aïchi. - Je me fais tout d'abord le relais de mon collègue Jacques Berthou. Dans sa commune, un certain nombre de biens immobiliers appartenait à sa collectivité, des travaux ont été effectués et ensuite les logements ont été remis en gérance à un bailleur social, qui touche 6 % du loyer, le reliquat allant à la commune. Est-ce une piste de réflexion que vous envisagez pour remédier au manque de logements sociaux ?
Quant à moi, je souhaite vous interroger sur les biens immobiliers de l'armée. Sur certains travaux de déconstruction, curage et démolition, des matériels amiantés se sont retrouvés enfouis dans l'Oise en toute illégalité. Êtes-vous au courant de cette affaire et que faites-vous pour éviter ce genre de situation ?
M. Jean-Paul Bodin. - Pour répondre à la question de Mme Aïchi, il s'agit d'une piste de réflexion intéressante. Nous avons beaucoup de partenariats avec des bailleurs sociaux, 75 % du personnel du ministère pouvant prétendre aux logements sociaux. Nous passons donc régulièrement des conventions de réservation avec les offices, en liaison, le plus souvent, avec les collectivités territoriales. Quant à réaliser des travaux d'aménagement sur des ensembles immobiliers qui nous appartiendraient, à destination des bailleurs sociaux, tout en nous réservant la possibilité d'y loger du personnel, c'est effectivement une piste et nous sommes prêts à travailler sur des projets de ce type.
Concernant les travaux de dépollution, notamment ceux effectués à St Cyr, nous avons travaillé de façon étroite avec l'établissement public qui reprend le site, d'autant plus que c'est une zone qui avait été fortement bombardée pendant la dernière guerre. En matière de dépollution, l'État s'impose des obligations très importantes, donc les coûts sont très élevés. L'opération a été lourde mais menée jusqu'au bout, pour permettre un important projet de construction de logements. Dans les cahiers des charges, on trouve des obligations extrêmement précises en matière de dépollution, et le ministère ne peut pas se permettre le type d'évènement auquel vous faites référence. Je vous remercie de m'avoir alerté sur ce point et vais surveiller ce dossier.
Jeudi 8 novembre 2012
- Présidence de M. Jean-Louis Carrère, président -Loi de finances pour 2013 - Mission « Défense » - Audition du Général Bertrand Ract-Madoux, chef d'état-major de l'armée de Terre
La commission auditionne le général Bertrand Ract-Madoux, chef d'état-major de l'armée de Terre sur le projet de loi de finances pour 2013 (mission Défense).
M. Jean-Louis Carrère, président - Je suis très heureux de vous accueillir, devant cette commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat et vous souhaite, au nom de l'ensemble de mes collègues, une cordiale bienvenue.
Vous avez été nommé il y a un peu plus d'un an chef d'état-major de l'armée de terre et je me souviens du titre d'un quotidien commentant votre nomination en vous décrivant comme « un diplomate à la tête d'une armée de terre en mutation ». Votre action s'inscrit aujourd'hui dans le contexte du redressement des finances publiques, des travaux du Livre blanc et dans la perspective d'une loi de programmation militaire nouvelle en 2013. Vous nous direz si la diplomatie est toujours d'actualité mais j'ai observé aussi, au fil de nos rencontres, que vous savez parler clair.
Pour notre part, nous avons manifesté nos inquiétudes dans une série de rapports préparatoires au Livre blanc. Je n'y reviens pas. Les décisions se prendront au plus haut niveau de l'Etat au début de l'année prochaine. J'observe simplement que le monde dans lequel nous évoluons n'est pas plus apaisé aujourd'hui qu'hier. Il se complexifie même et les menaces nouvelles et anciennes perdurent. Pour y faire face, pour assurer la sécurité de notre pays et de l'ensemble de ses secteurs d'activité, nous avons besoin d'une armée forte, bien équipée et bien entraînée. Diminuer nos moyens militaires, c'est diminuer notre place dans le monde, c'est perdre en crédibilité internationale.
Cette constatation évidente se heurte à la réalité budgétaire et nous pouvons en déduire les effets au regard de la loi de programmation des finances publiques 2013-2015 qui gèle les crédits de la mission défense aux environs de 30 milliards d'euros. Nous le savons règle d'évolution dite « zéro valeur » sur la triennale entraîne une perte de l'ordre de 10 milliards d'euros par rapport à la trajectoire actuelle. C'est à peu près une annuité des crédits de nos programmes d'armement. C'est évidemment considérable sans compter l'impact sur un format que nous avons qualifié de « juste insuffisant ».
Devrons-nous renoncer à nos engagements à venir ? Nous nous désengageons d'Afghanistan, et je suis sûr que vous nous ferez un point de situation sur cette question, mais nous demeurons engagés dans bien d'autres opérations extérieures tandis que d'autres, au Mali, demain, sous une forme à déterminer peut être en Syrie, se profilent.
Dans ce contexte, et bien sûr dans un contexte d'interventions interarmées évident, l'armée de terre joue un rôle majeur puisque, sans être stratège, on ne peut qu'adhérer à la règle selon laquelle « tout commence et se termine à terre ». Aurons-nous demain les moyens d'intervention terrestre suffisants en hommes ? Pourrons-nous nous appuyer sur les forces locales ou régionales, et dans quelles conditions ? Cela pose aussi des questions d'éthique du soldat que nous ne maitrisons pas chez les autres. De ce point de vue, quelles leçons peut-on tirer de des expériences afghane et irakienne pour une intervention au Mali ?
Je vais à présent vous passer la parole pour nous présenter votre vision de l'impact de la loi de finances pour 2013 sur l'armée de terre avant de laisser les rapporteurs vous interroger sur les équipements, la formation, la manoeuvre RH ou les bases de défense.
Général Bertrand Ract-Madoux, chef d'état-major de l'armée de terre - Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres de la commission, je vous remercie de m'offrir cette opportunité de pouvoir, une nouvelle fois, m'adresser à la représentation nationale.
En mai dernier, ma précédente intervention m'avait amené, dans le cadre du groupe de travail sur le format et l'emploi des forces armées post 2014, à vous présenter les enjeux et défis de l'armée de Terre ainsi que sa perception du proche avenir. Il s'agissait d'éclairer la démarche et les choix qui pourraient être faits au-delà de l'échéance de l'actuelle loi de programmation militaire. Je partagerai cette fois avec vous mon appréciation sur le projet de loi de finances 2013.
J'ai pu constater que ce budget avait été, à juste titre, qualifié de budget d'attente ou de transition par le ministre de la défense et le chef d'état-major des armées. Cette attente ne sera pas sans conséquence pour une armée de terre qui représente, comme j'ai coutume de le dire, 20 % du programme 146, de la préparation opérationnelle hors titre 2 (personnel) des armées et de l'entretien programmé des matériels (EPM) des armées. Pourtant, dans ce processus de recherche d'économies de court terme, elle assumera, en 2013, une grande part des efforts du ministère.
L'armée de terre supportera ces efforts, tout d'abord, dans le domaine des équipements dans la mesure où, sur les années 2012 et 2013, elle devra contribuer à hauteur d'environ 40 % du total des reports ou annulations en autorisations d'engagement ainsi que des crédits de paiement. Cela s'explique par ses nombreux petits programmes, notamment les programmes d'environnement, particulièrement propices aux économies de court terme et par le fait que plusieurs programmes majeurs tels SCORPION et le porteur polyvalent terrestre (PPT), n'ayant pas encore été notifiés, pouvaient donc être décalés. Vous me permettrez de rebondir sur l'actualité en évoquant la priorité invoquée par le rapport Gallois dans le soutien aux PME, aux exportations ou au développement de technologies innovantes. Dans chacun de ces volets, l'armée de Terre est une cliente de référence pour de nombreuses nouveautés qu'il s'agisse, par exemple, de micro drones, de tissus innovants ou de détection acoustique. L'écrasement de nos ressources pourrait ultérieurement avoir un effet certain sur la viabilité des projets de nombreuses PME, lesquelles sont d'ailleurs très vulnérables aux difficultés de paiement que rencontre l'Etat en ces temps de réforme.
Le plan des autorisations d'engagement pour 2013 devrait ainsi maintenir les seuls investissements prévus les années précédentes et geler toutes les commandes initialement prévues en 2013, pour un montant de 546 millions d'euros.
Déjà, après les dernières grosses commandes de 2009, les années 2010 et 2011 ont été des années d'étiage. La reprise devait être amorcée en 2012 avec le NH-90 CAÏMAN et le missile moyenne portée, pour augmenter plus nettement en 2013 avec le lancement des programmes majeurs indispensables au renouvellement des équipements les plus anciens : SCORPION, armement individuel du fantassin, roquette de nouvelle génération. En raison des mesures d'attente, 2012 a finalement été moins ambitieuse que prévue et l'année 2013 ne reprendra donc que certaines commandes prévues en 2012.
Certes il n'y a pas eu d'annulation de programme majeur. Mais, si le décalage à l'été 2013 de la notification des travaux complémentaires d'architecture pour le programme SCORPION est surtout emblématique, d'autres pourraient avoir des conséquences capacitaires plus importantes telles qu'une limitation pour projeter plus les hélicoptères CAÏMAN jusqu'à fin 2016, voire une possible rupture capacitaire sur le segment des porteurs logistiques terrestres à partir de 2015.
Ces restrictions ne remettront pas en cause le modèle capacitaire de façon irréversible et permettront de ne pas préempter les décisions du Livre blanc et de la loi de programmation militaire à venir. Elles représentent, en revanche, une rupture dans la trajectoire des ressources qui menace à moyen terme la modernisation et donc la cohérence de certaines fonctions opérationnelles. Cela pourrait imposer, à terme, un niveau de dépendance dépassant l'acceptable, fragilisant le socle de souveraineté irréfragable et, au de-là, l'ambition de la France.
Quelle que soit l'issue des travaux du Livre blanc et les options qui seront retenues, l'effort budgétaire devra être rétabli dès 2014 et prolongé dans la prochaine loi de programmation militaire, afin de garantir l'indispensable modernisation des forces terrestres, quelles que soient les options choisies. Une grande partie des commandes et livraisons d'équipements futurs de l'armée de terre y sont, en effet, prévues :
- commandes du véhicule blindé multirôle (VBMR) et de l'engin blindé de reconnaissance et de combat (EBRC) pour remplacer un parc de blindés à bout de souffle, utilisé dans toutes les crises et conflits (VAB, AMX10-RC, ERC-90 SAGAIE) depuis 30 à 40 ans. C'est, avec le SICS, le système d'information du combat SCORPION, le coeur de l'armée de Terre qui est en jeu ;
- livraison promise des 68 hélicoptères NH-90 d'ici à 2020 pour consolider l'aérocombat et éviter une rupture capacitaire imminente ;
- acquisition d'une capacité missile de moyenne portée (MMP) pérenne et moderne, de fabrication française et permettant d'engager tout type d'adversaire, en remplacement des vieux MILAN ;
- acquisition effective et rapide d'une capacité de drone tactique. Le programme Watchkeeper correspond bien au besoin de l'armée de terre. Il offre, outre les perspectives de coopération franco-britannique, une optimisation des coûts d'acquisition, de soutien, de formation et d'entraînement des utilisateurs ;
- enfin, acquisition d'une capacité de frappe à distance, priorité de la LPM 2009-2014 mais en partie remise en cause par le décalage du programme lance-roquette unitaire (LRU). Ce dernier était pourtant la condition à la réduction du nombre de pièces dans l'artillerie qu'elle a pourtant bien été effectuée ...
L'armée de terre supportera également une part importante des efforts du ministère dans le domaine des effectifs.
Sa contribution en 2013 ira ainsi au-delà de l'objectif fixé par la loi de programmation militaire, environ 2 700 postes à supprimer ou transférer, en raison d'une accentuation de la pente de déflation, consécutive aux décisions contenues dans la lettre plafond de cet été.
Certes, cet effort supplémentaire et ponctuel a été qualifié d'avance sur les déflations prévues en 2014 et 2015. Mais, j'avais pu vous préciser, comme mon prédécesseur l'avait fait avant moi, que les dernières années de la réforme seraient les plus difficiles à réaliser.
L'armée de terre doit en effet prendre en compte un certain nombre d'obstacles à la réalisation de sa cible que sont les mesures imposées aux armées postérieurement au Livre blanc de 2008 : maintien de telle unité ou de telle garnison, ouverture de chantiers nouveaux tels que l'OTAN, cyberdéfense. Ces mesures n'ont malheureusement pas été accompagnées des effectifs supplémentaires correspondants et ont donc in fine un impact sur la réalisation de la cible 2015. L'effort supplémentaire demandé en 2013 portera ainsi sur plusieurs fonctions opérationnelles mais de façon répartie, notamment sur l'infanterie. J'ai en effet refusé, en l'état, et dans l'attente des conclusions des travaux du Livre blanc, de proposer la dissolution d'un nouveau régiment, en plus du huitième régiment d'artillerie de Commercy. Mais il s'agit d'une perspective que je ne pourrai pas écarter en cas d'éventuel effort supplémentaire.
Enfin, s'agissant du titre 2, je regrette la clause d'auto-assurance qui a été assortie à la mesure de « resoclage » de la masse salariale en 2012. Cette mise sous condition impliquera, à l'avenir, que toute mesure imposée et non programmée en gestion, à l'image des mesures sur les bas salaires, par ailleurs manifestement positives, se traduise par des mesures correctrices sur la masse salariale, voire sur les emplois.
Cette approche est dangereuse car les effectifs des armées répondent à des contrats opérationnels définis par le pouvoir exécutif, sous le contrôle de la représentation nationale et traduisent l'ambition de la France. Ce ne sont pas les variables d'ajustement de mesures sociales.
Récemment pointée du doigt sur les questions de masse salariale et d'avancement, souvent à tort, l'armée de terre saura, néanmoins, prendre les mesures qui s'imposeront pour maîtriser sa masse salariale. Mais il va sans dire que les révélations de l'été 2012, par médias interposés, ont été un choc. D'autant que ce sujet d'inquiétude préoccupe bien évidemment toutes les catégories de personnel, comme la restriction de l'avancement, dont je rappelle qu'il se fait presque essentiellement au mérite, aura un impact sur « l'escalier social » qui est la force des armées et qui permet, à chacun, selon ses capacités, d'accéder à des responsabilités supérieures. Je vous rappellerai une nouvelle fois que, chaque année, 70 % des sous-officiers sont issus des militaires du rang et que 70 % des officiers sont de recrutement interne. L'avancement n'est donc pas un système de récompense à l'ancienneté.
Je m'inquiète donc de ces polémiques qui, en pointant telle ou telle catégorie ou grade, distillent injustement ressentiments et tensions inter-catégorielles qui n'ont pas lieu d'être dans notre institution. Je me dois ainsi de rappeler que toutes les catégories de personnel ont bénéficié, à partir de 2008, comme c'était prévu dans la Loi de programmation militaire, d'un indispensable mouvement de rattrapage des soldes par rapport à d'autres corps de la fonction publique et notamment aux autres corps régaliens. Souhaité par le Haut Comité d'évaluation de la condition militaire dans son premier rapport de février 2007, ce mouvement a débuté au bas de l'échelle, par les militaires du rang dès 2008, puis les sous-officiers, pour s'achever en 2011 avec les officiers supérieurs.
La préparation opérationnelle et l'entretien programmé des matériels de nouvelle génération sont, en revanche, relativement préservés, pour l'année 2013. Je tiens à saluer l'action résolue du ministre de la défense qui a permis de garantir l'essentiel dans ce domaine qui était, par ailleurs, l'une des préoccupations majeures que je partageais avec les parlementaires. Mais cet effort en faveur de la préparation opérationnelle a été effectué sous enveloppe, au prix d'efforts significatifs sur le fonctionnement, certaines réalisations d'entretien programmé du personnel (EPP) et des matériels (EPM) plus anciens.
D'ailleurs, la tendance à la baisse des journées de préparations et d'activité opérationnelle n'a pu être infléchie et leur objectif est maintenu sur sa cible initiale de 105 jours fixée par le projet annuel de performances pour 2013, au lieu de 120, chiffre retenu par mes prédécesseurs et de 150, chiffre prévu en LPM. Mais je sais également que, dans la recherche d'économies, les travaux préliminaires auraient considérablement dégradé cette cible, aux environs de 85 jours, ce que n'a pas voulu le ministre.
Il n'empêche qu'avec cette diminution de 111 à 105 jours, la préparation opérationnelle globale de l'armée de terre sera néanmoins affectée. Elle sera ainsi amenée à renforcer son modèle de préparation opérationnelle différenciée qui fait un effort ponctuel et cyclique, le plus souvent lié à un engagement opérationnel, sur certaines unités pour les amener aux standards les plus exigeants. Je dois, en revanche, saluer la reconnaissance des 200 heures de vol par pilote d'hélicoptères comme cible future, à l'image de ce qui se pratique déjà dans l'armée de l'air.
Vous l'avez bien compris, au-delà de ces perspectives chiffrées, c'est la garantie de l'excellence opérationnelle de l'armée de terre qui est en jeu.
Je souhaite également qu'à l'avenir certaines lignes budgétaires soient mieux discriminées pour éviter des coupes « aveugles » dans des domaines qui, à l'image de la communication, ne relèvent pas uniquement du fonctionnement au sens de la LOLF. Je regrette aussi une lecture parfois trop technique, parcellaire et analytique qui est faite du budget. Cette approche nuit à la cohérence globale. Quel sens y aurait-il à préserver des journées d'activités opérationnelles si les crédits EPM n'étaient pas abondés en conséquence pour permettre un entraînement suffisant ? Et quand bien même le serait-il, ce qui n'est, aujourd'hui, malheureusement pas le cas, si les indemnités liées aux exercices hors garnison en particulier l'ISC : indemnité de service en campagne, étaient amputées ?
Puis-je vous rappeler qu'avec 85 millions d'euros, seuls 26 jours d'activités sont aujourd'hui indemnisés contre 29 en 2011. Ces jours correspondent pourtant aux absences en exercice loin des familles et de la garnison. Cela sera d'autant plus important que la part des opérations est, comme vous le savez, en nette diminution et que ce sont les seules primes auxquelles ont droit nos engagés volontaires.
En Afghanistan le retrait se poursuit, en effet, selon le calendrier programmé. Nos troupes auront définitivement quitté la Kapisa en fin d'année et seront regroupées à Kaboul. Il restera environ 1 200 hommes de l'armée de terre à Noël. Ce mouvement de retrait s'effectue en très bon ordre. Je répète à l'envie que nos soldats peuvent ainsi sortir la tête haute de cette opération. Ils ont rempli leurs deux missions principales : contenir les Talibans dans la zone d'action qui leur était attribuée - et c'est ce qu'ils ont fait - et former l'armée afghane pour prendre la relève et c'est également ce qui a été fait. Le calme règne en Surobi. Quant à la vallée de la Kapisa, elle reste une zone dangereuse, mais les talibans y sont fixés et les Afghans y ont pris la relève.
Début 2013, le territoire national deviendra de facto le plus important des théâtres d'opérations de l'armée de terre. Elle y a toujours été présente mais peu de nos concitoyens s'en doutent. Il s'agit, à mes yeux, d'un « théâtre » essentiel pour lequel elle mène, actuellement, une réflexion approfondie sur les moyens qu'elle serait capable de déployer en cas de nécessité, en étroite coordination avec les forces de sécurité. Avec la gendarmerie nationale et la sécurité civile nous conduisons des travaux intéressants de convergence pour faire le point sur la sécurité de nos concitoyens sur le territoire national en cas de crise et combler les lacunes existantes.
L'armée de terre prend acte de ce désengagement opérationnel, sans état d'âme. J'ai engagé ce mouvement de retour sur les garnisons dès ma prise de fonctions, il y a un an. Les efforts de préparation opérationnelle ont été adaptés en conséquence. Cela est d'autant plus important que l'armée de terre n'a en référence, depuis sa professionnalisation, aucune année sans engagement majeur.
Il s'agit maintenant d'effectuer un travail de fond pour tirer les enseignements de dix ans d'Afghanistan et préparer les engagements futurs qui ne ressembleront pas à cette opération majeure. Car comme j'ai déjà pu le dire, préparer la guerre, ne consiste pas uniquement à s'appuyer sur les conflits passés.
Un certain nombre de parlementaires, avec lesquels j'ai eu l'occasion de m'entretenir, m'ont d'ailleurs fait part de leur inquiétude sur l'impact que pourrait avoir la baisse des opérations en termes de moral, de recrutement et de fidélisation. Il s'agit là effectivement de véritables enjeux. Au-delà de nouvelles opérations qui, dans notre monde instable ne manqueront vraisemblablement de se déclencher, il importe effectivement de pouvoir apporter à des professionnels ce qu'ils sont en droit d'attendre, à savoir les conditions pour effectuer correctement leur métier. Nous avons ainsi l'obligation de conserver un rythme d'activités suffisant. Au regard du budget du ministère, les sommes nécessaires sont d'ailleurs marginales au regard de la totalité de la préparation opérationnelle qui représente 130 millions d'euros seulement pour l'armée de Terre, soit encore 20 % du total. Je pense également qu'à l'avenir une petite partie des actuels budgets OPEX - 630 millions d'euros - pourrait très utilement abonder les budgets consacrés à la préparation opérationnelle. Il n'en faut pas beaucoup pour faire un soldat heureux : de la reconnaissance, de l'équité et les moyens d'exercer normalement son métier. Enfin, ponctuellement, vous savez que la situation budgétaire de 2012 aura un impact majeur pour 2013. C'est pourquoi j'attends absolument - et mes confrères chefs d'état-major aussi - une levée de la réserve de précaution réalisée sur nos crédits 2012 ainsi que le remboursement de nos surcoûts OPEX. C'est indispensable.
Vous l'avez bien compris, il y a derrière mes propos l'inquiétude de voir la cohérence d'un outil efficace et aguerri, affaiblie par des mesures budgétaires de court terme et de voir les données budgétaires préempter les débats stratégiques en cours.
Or, je ne saurai vous rappeler combien le combat moderne est complexe et qu'il faut du temps pour acquérir expérience et légitimité, combien avec des équipements de plus en plus sophistiqués l'entraînement doit être exigeant.
La France possède aujourd'hui avec l'armée de terre un outil remarquable qui malgré les réformes lourdes, n'a jamais fait défaut pour répondre à ses engagements opérationnels. Mais elle est dans une situation d'équilibre particulièrement délicate. Son format est tout « juste insuffisant » comme le soulignait, dans un trait désormais célèbre, votre rapport d'information dont je voudrais, d'ailleurs, saluer la qualité et la pertinence de l'analyse. Il ne faut, en effet, pas oublier qu'en 2009, l'armée de terre, avec le même format, était en situation de « surchauffe » opérationnelle. Je pense donc qu'elle a effectivement atteint un seuil plancher au-dessous duquel elle ne pourra descendre sans renoncements capacitaires, renoncements qui lui feront perdre sa cohérence et son efficacité et pourrait affecter la place de la France, et par voie de conséquence, celle de l'Europe.
Car c'est bien avec le volume de la force terrestre projetable (aujourd'hui 73 000 hommes) que doivent se raisonner les contrats opérationnels et non avec les effectifs de l'armée de terre au sens large (135 000 militaires et civils), effectifs qui comprennent notamment 11 000 hommes servant au sein des ministères de l'intérieur (pompiers, sécurité-civile) et de l'outre-mer (SMA) et 23 000 hommes au sein des services et directions interarmées du ministère de la défense.
Or, le monde dans lequel nous vivons, qualifié d'instable et d'incertain par le Président de la République doit, je pense, nous inciter à la plus grande prudence quant à nos choix d'avenir. Prudence quant aux choix stratégiques qui seront pris, prudence dans le suivisme trop rapide de nouveaux concepts stratégiques restrictifs et séduisants financièrement qui pourraient, à l'image du mythe de la campagne sans homme au sol, dont les récentes opérations ont montré les limites, amener les armées françaises dans une impasse. Ils viendraient amoindrir le large éventail d'actions prônées par le Président de la République dont il a notamment pu mesurer l'importance de sa fonction stabilisatrice lors de son récent déplacement au Liban. De même que laisser la question de la dette à nos enfants est irresponsable, les laisser sans Défense crédible le serait tout autant.
Mais je ne manque heureusement pas de motifs de satisfaction. Je voudrais ainsi mettre en avant, devant vous, le comportement exemplaire de nos soldats en opérations dans une période de désengagement qui n'a pas été facile. Ces circonstances auront permis à l'armée de terre d'asseoir sa confiance en elle, confiance qu'elle avait pu gagner en montrant notamment sa capacité à affronter des opérations de combat particulièrement dures. C'est également le résultat de l'excellent niveau opérationnel atteint par les différentes unités au terme du long processus de professionnalisation initié en 1996. L'armée de terre pourra ainsi répondre « présent » lorsque notre pays sera confronté à des scénarii plus durs que ceux des dernières années.
Mais au-delà de ces opérations, je voudrais souligner la qualité et la disponibilité de ces hommes et de ces femmes -auxquels j'ai rendu plus de cent visites en un an - qui servent notre armée de terre avec conviction, et d'un point de vue plus général, mettre en exergue leur très fort degré de mobilisation pour honorer les missions, de toutes natures, qui leur sont confiées. Ils n'ont jamais fait défaut et nos concitoyens savent qu'ils peuvent compter sur eux.
L'affection de ces concitoyens trouve son pendant dans le crève-coeur que constitue la dissolution d'un régiment ou la fermeture d'une garnison. J'ai pu le mesurer, avant l'été, à Châteauroux, puis à Chalons en Champagne et Laon-Couvron. Je comprends combien cette perspective est difficile pour une ville comme Commercy, comme elle le serait dans le cadre des nouvelles restructurations auxquelles pourrait aboutir le futur Livre blanc.
Je souhaite enfin saluer la remarquable capacité qu'ont les militaires de l'armée de terre à s'adapter aux évolutions de leur environnement. Peu de corps constitués de la fonction publique ont vécu des transformations de leur quotidien aussi importantes et aussi denses. Ces difficultés n'ont, jusqu'à présent, pas eu d'impact sur le taux de fidélisation. Ce qui traduit leur attachement à notre institution, attachement dont la plus belle preuve est la reconnaissance de nos blessés pour le soutien et la prise en charge que l'institution leur prodigue.
J'estime donc de mon devoir de tout faire pour faciliter leur quotidien. C'est en ce sens que j'ai proposé à l'état-major des armées l'expérimentation, sur des bases de défense où l'armée de terre est prédominante, d'une meilleure cohérence locale en plaçant chacune d'elle sous l'autorité d'un chef unique comme ont su le mettre en oeuvre l'armée de l'air et la marine dans leurs zones de responsabilité. Cela concerne, dès à présent, les bases d'Angoulême, Grenoble, Draguignan et Strasbourg, les quatre ayant été choisies pour leur profil différent. J'ambitionne une extension de ce système à l'été 2013.
Inversement, vous pouvez légitimement comprendre mon désarroi lorsque je ne peux, seul, apporter de solutions aux difficultés que rencontrent mes subordonnés comme c'est aujourd'hui le cas avec le nouveau système de solde dont les dysfonctionnements sont générateurs d'exaspération. Je ne doute pas que la mobilisation générale enfin initiée par le ministre de la défense sur ce dossier sensible permette une amélioration rapide et très attendue de la situation.
En conclusion, je vous ai dressé, pour reprendre l'expression du chef d'état-major des armées, un panorama de l'armée de Terre parfois sombre mais sans concession. Je ne peux vous cacher, non plus, que l'adhésion aux réformes s'érode sensiblement. En l'absence de perspective d'améliorations rapides, la lassitude commence à gagner les esprits.
L'annonce, par médias interposés, d'une réduction des volumes de l'avancement pour 2013 a cristallisé la crise de confiance des militaires envers leurs hauts responsables. Les comparaisons avec le traitement différent dans d'autres ministères suscitent également de l'amertume.
Mais malgré les difficultés induites par les restrictions budgétaires, tous estiment normal que l'armée de terre prenne sa part à l'effort de redressement des finances publiques. « Pas plus, pas moins ». Ils espèrent également tous qu'elle ne sera pas oubliée lorsque sera venu le moment de bénéficier du redressement de l'économie française. Après avoir accepté tous ces efforts, l'armée de Terre de 2012 n'est plus celle de 2008. Je pense qu'il en est de même pour son environnement local, fatigué et inquiet par tant de sacrifices. Cet état d'esprit partagé par civils et militaires devra être pris en compte dans le processus de décision à venir.
Comme promis, je vous renouvelle mon invitation à venir approfondir votre connaissance de l'armée de terre. A la fin du mois, je vous propose de venir à Sissonne découvrir, dans une démonstration du combat futur en zone urbaine, le programme SCORPION, programme clef pour l'armée de terre qui se met progressivement en ordre de bataille dans l'attente de son expérimentation.
M. Jean-Louis Carrère, président - Nous sommes d'accord pour que la défense prenne sa part dans le redressement des finances publiques, mais sa juste part, ni plus ni moins. Nous allons donc mener un combat afin que l'effort de défense de la nation ne diminue pas en dessous du raisonnable.
M. Daniel Reiner, rapporteur pour avis du programme 146, équipement des forces - Nous n'attendions pas un discours différent du chef de l'état-major de l'armée de terre, en tous cas pour ceux d'entre nous qui siègent à la commission du Livre blanc : c'est un bilan sombre, sans fard mais réel sur une armée de terre qui a fourni des efforts importants et qui a été la variable d'ajustement de la réforme des armées. La trajectoire financière de la LPM est devenue intenable puisqu'elle prévoyait une augmentation en volume du budget de la défense, augmentation qui n'est plus possible compte tenu de la crise des finances publiques. Néanmoins les commandes ont été passées, pour l'armée de l'air, la marine mais pas pour l'armée de terre. Compte tenu des rigidités des contrats d'armement nous sommes inquiets. Sur 2012-2013, les équipements destinés à l'armée de terre supporteront 1,8 milliard d'euros de reports ou d'annulations, soit 40 % de l'effort budgétaire du P 146. Il y aura un décalage des commandes et on ne rattrapera pas les retards. Ma question est simple et concerne le programme SCORPION. C'est un programme intelligent qui pourrait nous faire faire des économies. Où en sommes-nous ? Quelles seraient les conséquences de son report ?
Quel bilan tirez-vous maintenant du déploiement des VBCI et des équipements FELIN qui ont été déployés dans plusieurs régiments et utilisés en Afghanistan ?
Nous avons participé, avec Jacques Gautier, à une manoeuvre amphibie, à bord du BPC Tonnerre, à la veille de l'exercice Noble Mariner. Nous avons vu à cette occasion, les chantiers de la CNIM qui fabriquent l'EDAR, l'engin de débarquement rapide qui est un engin tout à fait remarquable, mais aussi le SPRAT - le système de pose rapide de travures - c'est-à-dire le pont d'assaut permettant aux chars d'assaut de franchir les brèches humides. Ce programme est une réalisation parfaite d'un point de vue technique, mais qui un coût de 166 millions qui s'explique en grande partie par la faiblesse de la série de production : 10 engins. Or je m'interroge sur l'utilité de tels équipements. Que je sache, nous n'envisageons plus de franchir l'Oder, la Neisse ou la Vistule et s'il est toujours bon de pouvoir parer à l'impensable le moment venu, y compris dans des situations de catastrophe naturelle, est-ce qu'au moins nous n'aurions pas pu concevoir et réaliser cela en coopération européenne, ne serait-ce que pour allonger la série de production ? Est-ce que chaque pays européen a son propre système de franchissement ? Pouvez nous éclairer sur ce sujet ?
Enfin, je vois que vous saluez avec humour la qualité des services informatiques, mais le système Louvois, pour ne pas le nommer, fait partie d'un héritage agaçant, qui génère un mauvais état d'esprit. Nous y avons été extrêmement sensibles et nous partageons l'irritation générale.
M. Xavier Pintat, rapporteur pour avis du programme 146, équipement des forces - Je partage les propos de Daniel Reiner et je suis heureux qu'il les ait rappelés. Ma première question aura trait au programme consistant à doter l'armée de terre d'un drone tactique. Le ministre de la défense nous a déclaré ici même que des crédits avaient été dégagés pour procéder à une évaluation opérationnelle du drone Watchkeeper de Thales. On peut s'interroger dans cette affaire sur le fait qu'il n'y ait pas de compétitions. Il y a sans doute à cela de bonnes raisons, en particulier la coopération avec l'armée britannique qui va déboucher entre les deux régiments chargés d'opérer ces drones et l'interopérabilité, peut être le partage du soutien et en tous les cas le bénéfice de l'expérience opérationnelle déjà acquise par les forces britanniques sur ce drone, qui est à l'origine un drone israélien, anglicisé par Thales UK à hauteur de 80 %. Mais il y a peut-être aussi des mauvaises raisons, en particulier le fait que le concurrent du Watchkeeper, le drone Patroller de Sagem qui est à 80 % français et 20 % allemand serait peut-être « trop bien », et que face à un drone qui serait un petit MALE, aux performances proches du Harfang (à la liaison satellitaire près), l'armée de terre risquerait d'être dépossédée de cet équipement au profit de l'armée de l'air. En quoi serait-il préjudiciable pour l'Etat de procéder à un appel d'offres ?
On dit que la coopération entre les marines britanniques et françaises est depuis longtemps excellente, mais que la coopération entre les deux armées de terre l'était un peu moins. C'est semble-t-il pour ces raisons qu'a été organisé l'exercice amphibie Corsican Lion. Est-ce que vous nous confirmez que les relations entre les deux armées de terre s'améliorent ? Quel bilan tirez-vous de cet exercice ?
Quel bilan tirez-vous de la BFA - la brigade franco-allemande, vingt trois ans après sa création et à deux mois de la commémoration du Traité de l'Élysée ?
En ces périodes de réduction des forces et de diminution des effectifs, je m'interroge sur la participation de l'armée de terre au dispositif Vigipirate. Selon mes informations, cette participation serait de 897 hommes en année pleine, 537 déployés, et 360 hommes en alerte, mobilisables sous préavis de 48 heures. Outre les questions de principe que pose la participation de l'armée à des tâches de police, j'observe qu'aux Etats-Unis, pays touché s'il en est par le terrorisme, on observe aucun déploiement des forces armées, ni dans les aéroports, ni dans les gares, ni au pied du mémorial du 11 septembre. Il me semble que nos militaires sont formés et entrainés pour faire la guerre, pas la police. Qu'en pensez-vous ?
Enfin, que pensez-vous de l'utilité opérationnelle de maintenir 250 chars lourds en ligne de combat ? Est-ce vraiment la meilleure façon de parer les menaces auxquelles nous sommes confrontés ? Ne vaudrait-il pas mieux dédier les crédits qui leur sont affectés à parer d'autres menaces, comme par exemple les cyberattaques ?
Général Bertrand Ract-Madoux, chef d'état-major de l'armée de terre - Tout d'abord concernant le système informatique Louvois, je dirais que c'est une excellente nouvelle que le ministre de la défense actuel se soit mis en colère. J'avais pu évoquer ce dossier brulant avec lui lors de notre premier entretien tout comme j'en avais informé son prédécesseur à plusieurs reprises. Or, il s'agit typiquement d'un problème qui dépasse l'armée de Terre et pour lequel je suis en partie désarmé, c'est-à-dire incapable de fournir des réponses claires à mes subordonnées dont un certain nombre se retrouvent dans des situations très difficiles. La vérité est désormais claire : le calculateur de ce programme n'est pas encore au point. Mais dans l'enchaînement et la simultanéité des réformes, celle du système de paiement des soldes constitue la goutte qui pourrait faire déborder le vase. Imaginez-vous si cela s'était passé dans d'autres secteurs de la fonction publique ? Je salue donc la dignité avec laquelle s'est comportée l'armée de Terre dans une telle situation et espère que la mobilisation générale sera payante.
Pour ce qui est de SCORPION, son véritable objectif est de nous permettre de contenir les coûts d'un vaste programme de renouvellement des matériels terrestres, programme indispensable car il concerne le coeur de l'armée de Terre. L'ambition de ce programme est la standardisation des plates-formes, un MCO maîtrisé, avec un niveau de performances raisonnables. Le recul d'une année calendaire n'est pas rédhibitoire car il faut bien reconnaître que les échéances initialement prévues étaient très tendues. Nous sommes désormais sur des échéances raisonnables, mais il ne faut pas qu'elles soient à nouveau reportées car il y aurait un risque de rupture capacitaire avec le parc de VAB ou d'AMX10RC bientôt en fin de vie.
Pour ce qui est du VBCI et des équipements FELIN, je vous dirai que c'est une très grande satisfaction pour nos soldats. Le VBCI apporte tout à la fois mobilité, protection et confort, en ce sens qu'il permet d'emporter sous blindage une section d'infanterie avec tout son équipement de marche. Quant à FELIN, il fait de l'infanterie française, l'une des mieux équipées au monde. Certes, le poids est un enjeu majeur, même si, dans ce domaine, il s'explique principalement par celui des protections balistiques. Les soldats français sont désormais capables de combattre jusqu'à 600 mètres, avec leur équipement standard. Or, quand je suis rentré dans le métier des armes, l'infanterie tirait à 200 mètres. Les fantassins sont également capables d'échanger en temps réel des informations très précises. Ils connaissent les positions des amis et des ennemis, ce qui réduit considérablement l'occurrence de tirs fratricides.
S'agissant des deux cent - et non pas deux cent cinquante - chars de combat en ordre de bataille, c'est un sujet qui me passionne et que je connais bien. Je rappellerai simplement que c'est le seul engin de combat capable de faire progresser l'infanterie sous le feu ennemi. Pour avancer au sol, nous avons besoin de chars de combat. C'est parce que nous ne savions pas les utiliser que nous avons perdu la guerre en 1940 et c'est parce qu'il a su en tirer parti que le Général Leclerc a pu reconquérir Paris et puis Strasbourg. Cela est toujours valable aujourd'hui.
En accompagnement des chars de combat et des blindés, nous avons effectivement besoin d'engins spécifiques permettant notamment d'ouvrir des itinéraires et de franchir des brèches ou des coupures humides. Nous avons conservé cette capacité et dimensionné le besoin au strict minimum, par précaution. C'est du reste une niche d'excellence de l'industrie française. Ce n'est donc pas un scandale. Les Britanniques ont également de tels engins de franchissement. Au demeurant le régiment qui opère les SPRAT est le 13ème régiment de génie qui fait une large part à la réserve opérationnelle.
Concernant les drones, la réalité est que le Watchkeeper est plus robuste et correspond davantage aux besoins de l'armée de terre que le Patroller. Surtout, il permettra d'effectuer une véritable mutualisation avec les Britanniques pour tous les aspects que vous avez évoqués. Les deux régiments d'artillerie sont désormais jumelés. Pour une fois qu'il y a une vraie dynamique européenne, de grâce, ne la brisons pas. La France n'est peut être pas exemplaire en matière de drones, mais l'armée de terre qui utilise des drones depuis plus de quarante ans, n'a rien à se reprocher en la matière.
S'agissant des relations avec l'armée de terre britannique, nous avons d'excellentes relations avec elle, et ce depuis longtemps comme en témoigne la bataille d'El Alamein dont nous venons de fêter le 70e anniversaire. Mon homologue britannique, le général Peter Wall est très coopératif et l'un des chefs d'état-major européens avec lequel j'ai le plus de contacts. Nos relations sont donc de haut niveau. Nous travaillons étroitement ensemble à la montée en puissance du corps expéditionnaire franco-britannique qui est d'ailleurs en avance sur ses échéances.
La BFA est une très belle brigade qui a déjà été engagée au Kosovo et en Afghanistan. Nous réfléchissons aujourd'hui à un nouvel engagement significatif qui puisse coïncider avec le cinquantième anniversaire de ce traité. Cela pourrait être une nouvelle fois le Kosovo. Nous avons de nombreux projets avec nos amis allemands.
Pour ce qui est de Vigipirate, l'intervention de l'armée se révèle nécessaire car si certaines menaces se concrétisaient, les forces de sécurité intérieures ne sauraient pas toujours faire seules. Il y a donc une vraie utilité. Et puis cela est très apprécié par la population. Même les Norvégiens ont permis le déploiement de leur armée sur leur territoire national depuis le massacre de l'île d'Utoya. Je reste donc très favorable à la mission Vigipirate.
M. Jean-Pierre Chevènement. - L'attente n'est pas une position confortable, mais les militaires savent attendre... Compte-tenu de la politique américaine, nous aurons sans doute moins de projections lointaines dans les années à venir. Les opérations de sauvegarde de la paix sous mandat des Nations unies risquent au contraire de se développer. Nos formes d'interventions vont évoluer.
Il nous faut nous projeter dans le temps et imaginer des remontées en puissance futures, ce qui est essentiel pour sauvegarder nos savoir-faire dans le temps. Vous êtes, Monsieur le chef d'état-major, comptable du maintien de notre outil dans l'avenir.
Je m'inquiète de vos propos relatifs à un éventuel décalage du LRU. Lors de son audition, le ministre m'a pourtant affirmé que le programme était lancé, ce qui nous a été confirmé par le délégué général à l'armement. Pouvez-vous préciser vos craintes concernant ce programme déterminant en matière de capacités d'artillerie ?
M. Joël Guerriau. - Merci pour votre présentation sans concession ; vos propos nous inquiètent tant en termes de rythme de déflation d'effectifs que de maintien de nos capacités...
Il convient de maintenir la dynamique du programme Scorpion. Je relève que vous soulignez l'excellence de l'équipement Félin qui nous est envié par nos partenaires. Je comprends la pression à laquelle vous êtes soumis pour maintenir l'excellence de notre outil avec des capacités budgétaires contraintes. Qu'est-ce qui n'est pas négociable pour vous ? Quels sont les points sur lesquels vous souhaiteriez que nous nous battions pour préserver l'excellence de notre armée de terre ?
M. Jean-Louis Carrère, président. - Il nous faut nous battre pour l'inscription d'un plancher de dépenses à 1,5 % du PIB...
M. Jean-Marie Bockel. - Pleurer ensemble ne changera rien à la situation et il ne nous est pas interdit d'être intelligents. Le ministre nous a tenu un langage de vérité et sans doute que la dureté des temps nous amènera à plus de sincérité dans la loi de programmation militaire, exercice dont la crédibilité a pu être affectée par le passé par des trajectoires financières qui se sont avérées trop ambitieuses. Dans notre démocratie, un nombre croissant de nos concitoyens ne sont pas conscients de l'impératif de ne pas descendre en-dessous d'un certain plancher de moyens. J'observe que beaucoup de pays européens ont baissé la garde. L'Europe de la défense, qui a longtemps peiné à se concrétiser, pourra peut-être faire des progrès dans ce contexte.
Nous l'avons vu hier lors d'un colloque sur les forces spéciales, le rôle de l'armée de terre est central. Peut-on imaginer un rôle plus important pour la réserve, je pense notamment à la réserve opérationnelle ?
Au-delà des phénomènes de mode, la cyberdéfense me semble un véritable enjeu. Je sais que vous connaissez particulièrement bien ce sujet, comment l'intégrez-vous dans votre réflexion ?
Général Bertrand Ract-Madoux- S'agissant du programme LRU, la première tranche a bel et bien été commandée l'année dernière, soit 13 systèmes d'armes et 250 munitions, qui seront livrés à partir de 2014. Mon inquiétude porte sur la deuxième tranche dont la commande a été repoussée de 2013 à 2014 pour des livraisons à compter de 2016. Sur ce dossier, nous sommes par ailleurs en discussion avec nos homologues allemands pour mutualiser la formation et tirer profit de leur expérience.
Je suis pleinement conscient de la responsabilité qui est la mienne de préserver notre outil de défense pour les générations futures. C'est pourquoi il m'importe que puisse figurer dans le Livre blanc le principe de la remontée en puissance des moyens, dès lors que l'économie se redressera. J'ajoute que la perspective d'un déclin sans fin démobiliserait instantanément les hommes et les femmes qui assurent notre défense.
M. Jean-Pierre Chevènement. - Nous partageons cette analyse. Nous avons atteint aujourd'hui un plancher.
M. Jean-Louis Carrère, président. - Il faut une disposition écrite dans le Livre blanc.
Général Bertrand Ract-Madoux - L'armée de terre devait théoriquement être la priorité de la précédente programmation. En fait, comme je l'ai dit en introduction, elle n'a pas dépassé 20 % des moyens alloués sur la période 2009-2013, comme c'était déjà le cas auparavant.
Ne sont pas négociables à mon sens le lancement de Scorpion l'année prochaine, la préservation du combat aéroterrestre - utile y compris pour la protection des populations. Il ne serait pas non plus acceptable à mon sens que l'armée de terre soit la seule à subir les efforts principaux. Une bascule sera peut-être nécessaire pour préserver les hommes, les capacités, l'expérience, par rapport à certains équipements - toutes armées confondues - qui pourraient attendre. Je pense en particulier à certains programmes futuristes un peu flous.
Le vrai problème en France concerne la cyberdéfense plutôt que la cyberattaque. La cyberdéfense est l'affaire de tous, et en particulier des administrations financières, des têtes de réseaux et des grandes entreprises. C'est une responsabilité nationale qui nécessite un financement interministériel sous la responsabilité du SGDSN. Il faut donc un effort national qui ne peut être imputé au seul budget de la défense. Le côté offensif - la lutte informatique active est effectivement de la responsabilité de structures spécialisées, mais nous y avons consacré les moyens nécessaires.
- Présidence de M. Jean-Claude Peyronnet, vice-président -
Nomination d'un rapporteur
La commission désigne M. Bernard Piras rapporteur sur la proposition de résolution européenne n° 91, adoptée par la commission des affaires européennes, relative à la nomination d'un représentant spécial de l'Union européenne pour le Tibet.