Mercredi 15 février 2012
- Présidence de Mme Brigitte Gonthier-Maurin, présidente -Audition de Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre des solidarités et de la cohésion sociale
La délégation procède à l'audition de Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre des solidarités et de la cohésion sociale.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin, présidente. - Je vous remercie, Madame la Ministre, d'avoir accepté de venir nous présenter la politique que vous conduisez en faveur des droits des femmes et de l'égalité des chances entre les femmes et les hommes.
Nous en avions retenu le principe il y a quelques semaines déjà et nous étions convenus que cette audition porterait, notamment, sur les problématiques de l'égalité professionnelle et sur la lutte contre les violences envers les femmes.
Depuis lors, la Conférence des présidents a inscrit à l'ordre du jour du Sénat, cette même semaine, la discussion, lundi 13 février 2012, de la proposition de résolution de notre collègue Roland Courteau relative à l'application de certaines dispositions de la loi du 9 juillet 2010 concernant les violences faites aux femmes, aux violences au sein des couples et aux incidences de ces dernières sur les enfants, et la discussion, jeudi 16 février 2012, de la proposition de loi de Claire-Lise Campion sur l'égalité professionnelle.
Mais je me réjouis que nous puissions aborder aussi ces deux thèmes essentiels dans le cadre de cette réunion de travail d'aujourd'hui.
En matière de lutte contre les violences envers les femmes, nous avons déjà abordé, lundi, l'application de la loi du 9 juillet 2010.
Peut-être pouvez-vous aussi nous en dire plus aujourd'hui sur les grandes orientations du 3ème plan triennal, les moyens qui lui seront consacrés et la façon dont vous vous proposez d'aborder la violence et le harcèlement sexuel dont sont victimes les femmes au travail ?
Sur l'égalité professionnelle, le décret et la circulaire d'application de l'article 99 de la loi portant réforme des retraites ont suscité des critiques et une certaine déception et je souhaiterais que vous puissiez nous expliquer les raisons qui ont conduit le gouvernement à privilégier le système retenu.
Je voudrais également évoquer le problème du temps partiel qui est, vous le savez, très largement féminisé. Plusieurs voix, notamment à travers le Pacte pour l'égalité, ont proposé de l'encadrer plus strictement et, notamment, d'interdire les petits emplois à temps partiel de moins de 16 heures. Qu'en pensez-vous ?
Enfin, pourriez-vous nous dire un mot des moyens dont dispose votre ministère pour conduire sa politique en faveur des droits des femmes.
Les moyens humains tout d'abord : certains signes de tension très préoccupants se sont manifestés au cours de la période récente dans le réseau déconcentré des services des droits des femmes, à l'occasion de congés de maladie ou du renouvellement de contrats arrivés à terme ; il semblerait, en particulier, que le régime de mise à disposition à titre gratuit de personnels par d'autres administrations trouve aujourd'hui ses limites.
Les crédits d'interventions du service des droits des femmes, inscrits au programme 137 diminuent de 5 % dans le projet de loi de finances 2012 et les associations de défense des femmes nous ont exprimé leur préoccupation.
Le financement des établissements d'information, de consultation et de conseil familial (EICCF) qui relève d'autres lignes budgétaires, soulève aussi des inquiétudes, comme me le rappelait ce matin encore Mme Marie-Pierre Martinet, secrétaire générale du Mouvement français pour le Planning familial (MFPF). Aux termes du protocole du 11 mars signé avec le Planning familial, et dont vous étiez l'une des signataires au nom du Gouvernement, ceux-ci devaient bénéficier d'un financement de 2,1 millions d'euros sur le programme 106 et de 0,5 million d'euros sur le programme 147 géré par l'Agence nationale pour la cohésion sociale et l'égalité des chances (ACSÉ).
Les documents budgétaires faisaient entendre que ce protocole, qui couvrait les années 2009 à 2011 serait prorogé en 2012. Or, il semblerait que le budget de l'ACSÉ pour 2012 ne comporte plus aucune enveloppe spécifique pour les EICCF. Cette disparition sera-t-elle compensée par une augmentation à due concurrence de l'enveloppe budgétaire provenant du programme 106 ?
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre des solidarités et de la cohésion sociale. - Mesdames les sénatrices, laissez-moi tout d'abord regretter la faible présence masculine dans notre assistance ce soir ! Vous connaissez mon militantisme féministe. Je l'ai toujours revendiqué, à l'égard de ce qui se passe en France, comme dans d'autres pays et d'ailleurs, j'ai bien l'intention d'aborder, à l'occasion de la journée du 8 mars 2012, les menaces qui pèsent actuellement sur les droits des femmes dans certains pays étrangers.
Comme nous avons déjà eu l'occasion de débattre des questions des violences faites aux femmes lors de la discussion en séance publique, lundi 13 février 2012, de la proposition de résolution de M. Roland Courteau relative à l'application de certaines dispositions de la loi du 9 juillet 2010, j'en viendrai directement aux questions précises qui m'ont été posées.
S'agissant tout d'abord de l'application de la loi du 9 juillet 2010, je vous rappelle que le dispositif repose sur trois volets : prévenir, protéger et réprimer.
A ce jour, l'ensemble des textes d'application de cette loi sont parus, en particulier le décret relatif à la procédure civile de protection des victimes de violences au sein des couples. Plusieurs circulaires émanant du garde des Sceaux ont présenté ces dispositions aux présidents de cours d'appel et au Parquet, qui sont chargés de leur mise en oeuvre. En particulier, la circulaire du 4 octobre 2010 a explicité la procédure pénale applicable à la mise en oeuvre de l'ordonnance de protection.
Les juridictions s'approprient progressivement ces nouvelles dispositions avec plus ou moins d'ardeur, mais six cents ordonnances de protection ont cependant déjà été rendues depuis l'entrée en vigueur du dispositif et sept personnes ont été poursuivies devant le tribunal correctionnel pour non-respect d'une ordonnance de protection, même si aucune condamnation de ce chef n'a été, à ce jour, enregistrée au casier judiciaire, selon les données provisoires de 2010.
Nous avons mené des actions d'information du public et de formation des professionnels à ce nouveau dispositif de lutte contre les violences au sein des couples. Parallèlement, nous nous engageons à développer des partenariats, notamment entre les associations d'aide aux victimes et nos services déconcentrés, en associant les collectivités territoriales et, en particulier, les conseils généraux.
A Bobigny - dans un département exemplaire en ce domaine - ce travail de concertation a débouché sur un protocole de mise en oeuvre de l'ordonnance de protection proposant un modèle de requête mis à la disposition du public en vue de la délivrance de l'ordonnance. D'autres tribunaux de grande instance ont suivi, parmi lesquels on peut citer ceux de Paris, Créteil, Nanterre, Strasbourg ou Melun. Parallèlement, il était essentiel de former les professionnels de justice. A cet égard, le ministère de la justice a mis en ligne un modèle de requête type et une brochure d'information sur l'ordonnance de protection, accessibles à tous.
La mise en place de l'expérimentation pour les bracelets électroniques, dit « dispositif électronique de protection anti-rapprochement (DEPAR) », même si elle a connu des débuts difficiles, est effective depuis le 1er janvier de cette année sur trois sites : Amiens, Aix-en-Provence et Strasbourg - qui ont intentionnellement été choisis pour leur contexte différent, afin de pouvoir en tirer, dès l'année prochaine, les enseignements.
D'autres mécanismes d'évaluation de la loi ont, par ailleurs, été mise en place :
- un groupe de travail spécifiquement dédié au sein du Conseil national d'aide aux victimes s'est réuni pour la première fois le 29 mars 2011, avec pour mission d'identifier les blocages de l'application de la loi et de proposer les solutions pour y remédier ;
- nous avons par ailleurs inscrit le suivi quantitatif et qualitatif de la loi dans le cadre du 3ème Plan triennal de lutte contre les violences faites aux femmes.
Cette transition me permet d'en venir à votre deuxième question, relative aux orientations de ce 3ème Plan triennal qui couvre les années 2011, 2012 et 2013.
Avec des moyens accrus - puisque les crédits ont été augmentés de 30 % - ce plan prend en compte toutes les formes de violences faites aux femmes, et pas seulement les violences intrafamiliales auxquelles ont les réduit trop souvent : viols, agressions sexuelles, mariages forcés, mutilations sexuelles, polygamie, harcèlement sexuel au travail, prostitution.
Les trois priorités de ce Plan sont : la protection, la prévention, la solidarité.
Dans le cas de femmes victimes de violences, l'urgence, en effet, est d'abord d'assurer la protection des femmes grâce à trois dispositifs :
- les lieux d'accueil de jour, où ces femmes peuvent trouver écoute et conseils, mais où elles viennent aussi chercher des services pratiques (prendre une douche, déposer leurs bagages, laver leurs vêtements, disposer d'une boite aux lettres...) ; ces services sont aujourd'hui assurés par des associations que nous subventionnons ; nous nous sommes fixé comme objectif de mettre en place au moins un lieu d'accueil labellisé par département en 2013 ; soixante-neuf départements seront couverts dès 2012 ;
- les « référents violences » qui ont pour mission de coordonner au niveau départemental les actions des associations ; on en dénombre aujourd'hui quarante-deux en activité ; notre objectif est d'en installer vingt supplémentaires en 2012 ;
- les lieux de visite familiale qui permettent de maintenir, autant que cela est possible, un lien entre l'enfant et le parent violent ; on en compte 159 à l'heure actuelle.
Le second volet du Plan, relatif à la prévention, poursuit deux objectifs : repérer les violences et éviter la récidive.
Il est essentiel d'améliorer notre connaissance des mécanismes de ces violences pour mieux les prévenir. Nous avons donc programmé plusieurs études couvrant tous les champs du Plan et dont l'objectif est à la fois de nous fournir des données quantitatives et d'évaluer les politiques publiques.
La formation des professionnels destinés à les aider à repérer les violences sera notamment proposée à des personnels auxquels on ne pense pas spontanément, tels les fonctionnaires de l'état-civil et des consulats.
Enfin, le troisième volet du Plan concerne la solidarité. Nous sommes tous concernés par les phénomènes de violences : des voisins ou des personnels de santé regrettent souvent, après coup, de n'avoir pas été attentifs à des signes qui auraient dû les alerter. Des professionnels marseillais recensent et décrivent les signaux qui permettent de détecter ces violences. Trois campagnes d'information ont été engagées pour stimuler la vigilance collective : la première, dotée d'un budget de 1,1 million d'euros, lancée lors de la journée du 25 novembre 2011 avec le slogan « Osez en parler », met l'accent sur les viols, les violences conjugales, les agressions sexuelles ; elle a eu pour effet de doubler le nombre d'appels reçus par le numéro d'appel 39.19 « violences conjugales info » dont nous voulons faire un numéro bien connu du public ; la deuxième campagne portera, en 2012, sur les violences sexuelles et sexistes au travail comme source de discriminations professionnelles et d'atteinte aux droits des femmes ; la troisième campagne portera sur les liens entre prostitution et traite des êtres humains.
Lors du débat en séance publique sur la proposition de résolution de M. Roland Courteau, lundi dernier, vous avez beaucoup insisté sur l'importance de sensibiliser les jeunes à ces problématiques.
De notre côté, nous avons décidé d'amplifier les actions en milieu scolaire. Désormais, l'inscription de cette thématique est obligatoire dans les projets d'établissement et des outils dématérialisés permettront d'assister les enseignants sur ces sujets qui requièrent une approche technique et scientifique.
Des campagnes spécifiques s'adressent aux femmes et jeunes filles primo-arrivantes pour les informer de leurs droits et du caractère répréhensible de certaines pratiques : les mutilations sexuelles, la polygamie et les mariages forcés.
Le 3ème Plan interministériel prévoit, en outre, de consacrer à la lutte contre les violences et le harcèlement sexuel au travail une étude au sein du secteur privé et des trois fonctions publiques. L'appel à projet - financé à hauteur de 150 000 euros - va être lancé.
Plus fondamentalement, j'envisage de faire évoluer le cadre juridique et, en particulier, d'harmoniser les législations, pour ne plus disposer que d'une seule définition du harcèlement sexuel.
Je vous rappelle qu'à l'heure actuelle deux définitions coexistent, l'une qui figure dans le code pénal et le code du travail, l'autre découlant de la loi du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations.
La première fait reposer la qualification du harcèlement sexuel sur la survenance d'agissements répétés. La seconde, qui assimile, contrairement à la première, le harcèlement sexuel à une discrimination, ne requiert pas la répétition des faits et prévoit une sanction civile, contrairement à la première qui sanctionne pénalement le harcèlement sexuel. Il me semble donc nécessaire de fusionner sans les affaiblir ces deux dispositions.
J'en termine sur ce sujet en mentionnant les actions de formation des professionnels et, en particulier, des inspecteurs du travail et des délégués au comité d'hygiène et de sécurité (CHSCT).
L'Association européenne contre les violences faites aux femmes au travail a été missionnée pour mettre en oeuvre ce plan et dotée, à cet effet, d'une subvention de 242 000 euros au titre de l'année 2011.
J'en viens maintenant au deuxième point de notre échange : l'égalité professionnelle.
Je vous rappelle que, depuis le 1er janvier 2012, en application de l'article 99 de la loi portant réforme des retraites, les entreprises d'au moins 50 salariés qui ne seraient pas couvertes par un accord collectif relatif à l'égalité professionnelle ou, à défaut, par un plan d'action, s'exposent à une pénalité financière.
Ce mécanisme, unique en Europe, prévoit une sanction tout à fait considérable puisque la pénalité peut atteindre 1 % des gains et rémunérations versés aux salariés et assimilés.
Il me semble, en la matière, tout à fait essentiel de rappeler l'esprit du texte : la sanction n'est pas envisagée comme un instrument de punition mais comme un levier efficace pour que les obligations légales en matière d'égalité salariale trouvent enfin une traduction concrète dans la vie des entreprises.
L'enjeu est donc davantage de faire réellement appliquer le corpus législatif - abondant - dont nous disposons en France, que de rajouter des textes aux textes, même si, en la matière, la répétition n'est jamais inutile.
La circulaire du 28 octobre 2011 est venue préciser les modalités d'application du dispositif dont je vous rappellerai brièvement les principales étapes :
Étape 1 - L'autorité administrative vérifie l'existence d'un accord ou, à défaut, d'un plan d'action. L'agent vérifie que l'accord ou le plan contient effectivement des objectifs de progression, des actions qui permettent de les atteindre et des indicateurs chiffrés (deux ou trois selon la taille de l'entreprise, choisis parmi les huit domaines d'action listés dans le code du travail).
Étape 2 - Après ce constat, l'entreprise dispose de six mois pour négocier ou modifier, compléter ou produire l'accord ou le plan d'action. Les documents sont alors transmis à l'inspection ou au contrôle du travail par lettre recommandée avec accusé de réception.
Étape 3 - Pour les entreprises qui n'auraient pas procédé à la régularisation, la Direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) fixe le taux de la pénalité, qui peut aller jusqu'à 1 % des gains et salaires, mais sera modulée en fonction de la situation objective de l'entreprise.
Étape 4 - Dans le délai de un mois après la mise en demeure, la DIRECCTE notifie à l'employeur sa décision motivée.
Sur le site Internet du ministère du travail, des outils à destination des services déconcentrés et des entreprises sont disponibles, les questions les plus fréquentes et les bonnes pratiques y sont répertoriées.
Quant au temps partiel, il est vrai qu'il est essentiellement l'apanage des femmes et qu'il est trop souvent subi. Les chiffres le confirment : 30 % des femmes travaillent à temps partiel, contre 6,7 % des hommes et, depuis le milieu des années 1980, le nombre de femmes parmi les travailleurs à temps partiel reste supérieur à 80 %.
Nous souhaitons mieux encadrer le travail à temps partiel sans favoriser le temps partiel subi.
Puisque, comme vous le savez, c'est aux partenaires sociaux qu'il revient, d'après le code du travail, de négocier les modalités de mise en place du temps partiel et ses éventuelles dérogations - relatives notamment à l'aménagement sur tout ou partie de l'année, aux interruptions d'activité au cours d'une journée de travail, aux heures complémentaires - c'est à l'échelle de la négociation qu'il convient de décourager le temps partiel subi.
Certains accords de branche, tels celui du commerce de détail alimentaire, sont intéressants dans la mesure où l'on y trouve des tentatives, encore timides, de relever les durées minimales des contrats à temps partiel en les portant, par exemple, de 22 à 25 heures hebdomadaires ou de permettre une meilleure conciliation entre vie personnelle et vie professionnelle.
Les dispositions sur la durée minimale des plages et des coupures sont, à cet égard, particulièrement importantes, tout comme la possibilité de moduler le temps partiel sur l'année.
On trouve aussi des progrès, certes encore insuffisants, dans la branche des cafés-hôtels-restaurants. Dans la branche des industries laitières, où les femmes représentent 35 % de l'encadrement, un accord de 2009 prévoit la possibilité de prendre un temps partiel choisi, notamment annualisé, et comporte également des dispositions intéressantes.
L'intégration du service des droits des femmes et de l'égalité (SDFE) au sein de la direction générale de la cohésion sociale (DGCS) a permis une mutualisation des moyens en réaffectant dix-neuf agents dans les services supports (affaires internationales, communication, informatique, budget, systèmes d'informations) ainsi qu'un renforcement de la transversalité des politiques d'égalité.
Pour le service central, cette intégration s'est effectuée à effectifs constants et, avec vingt-quatre agents, cette configuration est efficace pour la conception et la mise en oeuvre des politiques publiques.
Quant au réseau déconcentré, je rappelle que la France possède la couverture territoriale la plus importante des pays des l'Union européenne ; nous entendons la maintenir, contrairement aux autres pays de l'Union européenne.
Les moyens humains du réseau déconcentré comprennent, par région, une déléguée régionale, souvent à la tête d'une petite équipe, ainsi qu'une chargée de mission par département, soit 160 agents (142 équivalents temps plein).
Les directions régionales dépendent du Secrétariat général pour les affaires régionales (SGAR) et bénéficient d'une grande légitimité auprès des autres services de l'État et des collectivités régionales. J'ai rappelé à l'ordre les services de certains préfets de région quand certains dysfonctionnements m'ont été signalés.
Le réseau se trouve cependant fragilisé à l'occasion de départs en retraite ou des mobilités des agents qui avaient été mis à disposition par d'autres administrations : douze agents ont ainsi quitté leur poste depuis 2002 sans être renouvelés, et six postes sont encore concernés par cette situation, quatre postes de déléguées régionales et deux postes de chargées de mission départementales.
Aussi, mon ministère voudrait demander aux ministères concernés le transfert de ces emplois à l'occasion du projet de loi de finances pour 2013, ce qui serait d'ailleurs plus conforme à l'esprit de la LOLF.
Depuis 2010, à périmètre constant, les moyens budgétaires du programme 137 ont augmenté de 3,4 %. Mais les efforts financiers de l'État en faveur de la politique d'égalité vont bien au delà de ce programme comme l'atteste le document de politique transversale : 493 projets liés à la lutte contre les violences faites aux femmes ont fait l'objet de cofinancements, notamment par le fonds interministériel pour la prévention de la délinquance.
Nous sommes exposés, comme les autres administrations, à un gel de 6 % de nos enveloppes budgétaires et nous avons tenté de reporter avec le plus de discernement possible ses effets sur le réseau associatif bénéficiaire de nos crédits d'intervention en favorisant les associations effectuant des actions structurantes. Le détail de ces financements sera précisé au cours du mois et nous vous le communiquerons.
Les crédits attribués aux centres d'information des droits des femmes (CIDF) diminuent de 3,6 % au titre du volet information juridique et de 10,5 % au titre des bureaux d'accompagnement à l'emploi.
Enfin, dans le cadre du plan de lutte contre les violences, je me suis engagée à ce que la Fédération nationale « Solidarité Femmes » et le Collectif féministe contre le viol perçoivent le même financement qu'en 2010.
Je vous sais très attentifs aux subventions versées aux établissements d'information, de consultation et conseil familial (EICCF) et aux inquiétudes que peuvent exprimer leurs responsables quant à la pérennité de leur financement.
Le protocole signé avec la présidente du Mouvement français pour le Planning familial et qui garantissait le montant des subventions annuelles versées à l'ensemble des EICCF pour la période 2009-2011 est arrivé à expiration, ce qui suscite l'inquiétude des organismes concernés. Ce financement va être reconduit. Des discussions sur son renouvellement sont en cours avec le ministère de la ville qui assure une grande partie de ce financement.
Le protocole 2009-2011 prévoyait, pour l'ensemble des établissements, le versement de 2,6 millions d'euros répartis à hauteur de 2,1 millions d'euros sur le programme 106 « actions en faveur des familles vulnérables » et de 0,5 million sur le programme 147 « politiques de la ville ».
En 2010, les crédits du programme 147 ont été versés tardivement et pas dans leur intégralité. Pour y remédier, les services des directions départementales en charge de la cohésion sociale ont été conduits à utiliser les crédits du programme 106 au-delà des engagements prévus. Les EICCF ont donc bénéficié d'un financement de 2 864 742 euros au lieu des 2,6 millions prévus. Il n'y a donc pas eu réduction des crédits contrairement à ce que j'ai pu entendre.
En 2011, l'état des consommations a été de nouveau supérieur au montant prévu sur le programme 106 ; quant à l'année 2012, le premier acompte est en cours de versement.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin, présidente. - Je vous remercie, Madame la Ministre, pour toutes ces précisions et je prends acte des informations positives que vous venez de nous communiquer quant au montant des subventions qui doivent être versées en 2012 aux établissements d'information, de consultation et de conseil conjugal (EICCF). Nous en ferons part à nos interlocutrices.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre des solidarités et de la cohésion sociale. - Je me dois de rester néanmoins très vigilante car l'ensemble des crédits ne relève pas de mon ministère.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin, présidente. - Il est également souhaitable, pour faciliter la gestion pratique des associations, que l'ensemble des crédits destinés au financement des établissements d'information, de consultation et de conseil conjugal soit regroupé sur le programme 106.
Par ailleurs, si vous me permettez une question subsidiaire, je souhaiterais revenir sur la création d'un Observatoire national des violences faites aux femmes. La loi de 2010 demandait au Gouvernement de remettre un rapport au Parlement sur ce sujet avant le 31 décembre 2010. Dans le rapport, publié le 8 février 2012, le Gouvernement décide de ne pas créer de nouvel observatoire mais de confier ces missions à l'Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales (ONDRP). Or, même si celui-ci effectue déjà des enquêtes de victimisation intéressantes, aura-t-il vraiment les moyens de réaliser des études comparables à l'enquête nationale sur les violences envers les femmes de 2000, qui a déjà plus de dix ans, ou comptez-vous plutôt vous appuyer sur un autre organisme, plus généraliste, comme par exemple l'Institut national des études démographiques (INED) ?
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre des solidarités et de la cohésion sociale. - Pour vous répondre très précisément, je céderai la parole à Mme Nathalie Tournyol du Clos, cheffe du Service des droits des femmes et de l'égalité entre les femmes et les hommes, adjointe à la directrice générale de la cohésion sociale, qui pourra vous fournir les dernières données actualisées.
Mme Nathalie Tournyol du Clos, cheffe du Service des droits des femmes et de l'égalité entre les femmes et les hommes, adjointe à la directrice générale de la cohésion sociale. - Effectivement, nous envisageons de confier à l'INED l'actualisation de la grande enquête de 2000 à laquelle vous faites allusion. Le projet est ambitieux, puisqu'on envisage d'interroger 40 000 personnes entre 2013 et 2017, date prévue de la remise des résultats.
Nous sommes, à l'heure actuelle, en train de rechercher les moyens de financer ce projet, dont le budget prévisionnel s'élève à trois millions d'euros, l'étude de faisabilité étant déjà financée. Pour la réalisation de cette étude, nous envisageons d'associer l'INED à d'autres organismes publics.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre des solidarités et de la cohésion sociale. - Dans la mise en place d'un Observatoire dédié aux violences faites aux femmes, je pense que deux écueils sont à éviter : le premier serait de nier leur spécificité et de les diluer dans la problématique des violences en général ; le second serait de les ghettoïser et de passer à côté de leur caractère multifactoriel.
Bien entendu mon ministère restera très vigilant quant à l'orientation des travaux de l'Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales, et veillera à ce qu'il fournisse aux parlementaires les réponses nécessaires.
Mme Gisèle Printz. - Madame la Ministre, je souhaite attirer votre attention sur trois sujets qui me tiennent à coeur : le Planning familial, dont le travail de terrain ne me semble pas suffisamment connu, reconnu et soutenu ; la distribution des préservatifs dans les lycées et les collèges ; et, enfin, l'accès des femmes aux centres d'interruption volontaire de grossesse (IVG).
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre des solidarités et de la cohésion sociale. - C'est plutôt en ma qualité d'ancienne ministre de la santé que je vous répondrai.
Je ne sous-estime pas les difficultés actuelles d'accès aux centres d'orthogénie. Nous ne pouvons plus compter, comme par le passé, sur une génération de médecins militants pour pratiquer des IVG, et les réticences de certains médecins sont à l'origine des difficultés actuelles que nous avons à recruter.
Les progrès en ce domaine sont cependant réels et l'IVG médicamenteuse a beaucoup progressé : 50 % des IVG sont aujourd'hui traitées suivant cette technique. Mais il fallait cependant fermer certains centres d'orthogénie qui n'étaient plus dignes de ce nom ! Pour fournir des prestations convenables, un centre d'orthogénie doit fonctionner avec des professionnels qualifiés et pratiquer un nombre suffisant d'actes, car on ne fait bien que ce que l'on fait suffisamment souvent. C'est pourquoi j'ai engagé la restructuration et le regroupement des centres d'IVG, en veillant à ce que la cartographie permette à toutes les femmes qui le souhaitent d'avoir accès à un centre sécurisé. Je ne considère pas la fermeture de certains centres comme un recul du droit des femmes à se faire avorter, bien au contraire !
Mme Françoise Laborde. - Nous regrettons qu'il n'y ait ni secrétariat d'État, ni ministère aux droits des femmes, même si votre forte personnalité et votre engagement féministe compensent cette absence.
Notre délégation comporte aussi quelques membres masculins. Toutes les sensibilités politiques du Sénat y sont représentées, mais comme nous partageons un objectif commun, celui de faire avancer les droits des femmes, cela nous incite à dépasser les clivages partisans. C'est pourquoi nous avons été très sensibles à votre décision, lundi dernier, de vous en remettre à la sagesse du Sénat sur la proposition de résolution de notre collègue Roland Courteau, et ce malgré un climat de fin de session où la nécessité d'achever la discussion de plusieurs textes peut susciter une certaine tension. Je tenais à vous en remercier sincèrement.
Je sais que les réserves que j'avais exprimées sur le port d'un noeud blanc à l'occasion de la première journée de lutte contre les violences envers les femmes vous ont un peu surprise. Mais nous avions déjà le noeud rose pour la prévention du cancer du sein et, même si ces manifestations peuvent faire avancer les choses, tout cela nous laissait quand même un peu sur notre faim.
Pourriez-vous faire vérifier l'information suivant laquelle, d'après certaines associations, un viol perpétré sur le lieu de travail serait souvent requalifié en harcèlement sexuel. Je m'en étonne car le lieu du viol ne doit pas changer la nature de l'incrimination pénale.
Vous nous avez indiqué que le Service des droits des femmes pouvait s'appuyer sur un réseau déconcentré assurant un maillage territorial supérieur à ce que connaissent les autres pays européens. Mais il s'appuie aussi beaucoup sur les réseaux associatifs et c'est normal que nous soyons donc attentifs à leurs inquiétudes. Il est bien que vous ayez pu nous donner des indications rassurantes sur la reconduction du protocole passé avec le Planning familial.
Je me réjouis qu'une expérimentation du dispositif électronique de rapprochement soit en cours, car je me souviens, ayant été rapporteure pour la délégation de la future loi du 9 juillet 2010, des réserves que celui-ci avait suscitées. Cette évolution permettra de procéder à une évaluation de ce dispositif.
Mme Michelle Meunier. - Élue de Loire Atlantique, un département proche du Maine-et-Loire, j'ai toujours été attentive à vos initiatives politiques en faveur du droit des femmes, notamment en matière de contraception et d'IVG, qui traduisent un fort engagement personnel.
Les thèmes que vous avez privilégiés dans le cadre du plan triennal contre les violences intéressent tout particulièrement notre délégation, qu'il s'agisse des violences sexistes ou de la prostitution et de la traite des êtres humains.
Vous nous avez donné des informations intéressantes sur le financement des associations mais des difficultés continuent de se poser sur le terrain. Ainsi, en Loire-Atlantique, une association nantaise dénommée « D'une rive à l'autre », axée sur l'inceste et l'écoute des femmes victimes de violences intrafamiliales, s'est vue interrompre son financement d'État sur le poste d'accueil et d'écoute psychologique ; certes, le conseil régional et l'hôpital ont pris le relais mais le poste, désormais situé en milieu hospitalier, est moins accessible pour les victimes.
Les Québécois réfléchissent depuis longtemps à la façon de prendre en charge les hommes violents dans une perspective éducative et réparatrice. Certes nous disposons aussi de lieux de médiation familiale qui sont mieux adaptés que les lieux publics pour organiser la rencontre avec un ancien conjoint ou avec un enfant. Mais comment pouvons-nous aller plus loin ?
Mme Chantal Jouanno. - Je suis sensible, Madame la Ministre, à l'hommage unanime que viennent de vous rendre mes collègues : il montre que la défense des droits des femmes transcende les clivages politiques.
Je souhaitais vous demander, à propos des sanctions prévues en matière d'égalité salariale par l'article 99 de la loi portant réforme des retraites, si la parution du décret et de la circulaire d'application n'avait pas été un peu tardive pour une disposition législative qui devait entrer en vigueur le 1er janvier 2012. Est-ce dû à des obligations de concertation préalable ?
Je regrette par ailleurs que l'on ne dispose pas de statistiques plus précises sur les violences sexuelles, et en particulier les rapports forcés entre adolescents. Si l'on confie le suivi des violences faites aux femmes à l'Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales, il serait souhaitable que celui-ci s'attache à remédier à cette lacune.
Je m'inquiète en effet de l'influence que peut avoir sur les adolescents le visionnage de films pornographiques qui montrent des rapports sexuels mécaniques n'impliquant d'ailleurs pas nécessairement l'accord de la partenaire. La pornographie soulève des problèmes difficiles. Certes, nous disposons, en ce domaine, d'un dispositif législatif très complet, mais malgré cela la pornographie, y compris dans ses aspects les plus durs, est très largement accessible sur Internet. Ne faudrait-il pas en particulier s'interroger sur la libre promotion de la pornographie, car de nombreux jeunes vont sur les sites qui lui sont consacrés et peuvent accéder à de brèves séquences gratuites souvent assez violentes.
Je n'ai pas l'impression que cette question ait été abordée au Sénat ou à l'Assemblée nationale. A-t-elle été débattue au sein de votre ministère ?
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre des solidarités et de la cohésion sociale. - S'agissant du secrétariat d'État dédié aux droits des femmes évoqué notamment par Mme Françoise Laborde, je serai très sincère avec vous. J'estime toujours qu'il y a encore trop de ministres dans nos gouvernements. Je n'ai pas changé de point de vue depuis la parution de mon livre « Le combat est une fête », dans lequel j'expliquais que mon « gouvernement idéal » rassemblerait dix ministres, dont quatre assureraient des fonctions régaliennes, trois des fonctions support et trois autres des fonctions de « chef de pôle ». Bien entendu, chacun souhaiterait avoir pour correspondant un ministère spécifique, mais l'épreuve des faits prouve que le meilleur moyen de ghettoïser le droit des femmes est d'en faire un ministère dédié.
Croyez-en mon expérience ; si j'existe aujourd'hui dans le Gouvernement, c'est parce que je gère 110 milliards d'euros et qu'ainsi je peux peser dans les arbitrages, et que, au demeurant, militante du droit des femmes, j'en défends ardemment les actions.
Mme Françoise Laborde. - Je crois que nous reconnaissons toutes l'importance de votre engagement dans ce combat, mais qu'en sera-t-il sans une personnalité comme la vôtre ?
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre des solidarités et de la cohésion sociale. - En effet, en dernier ressort, et au-delà de l'architecture gouvernementale, je crois qu'il s'agit surtout de placer dans cette fonction une personnalité qui saura la défendre.
En réponse à Mme Michelle Meunier sur la prostitution, je rappellerai que je me suis rendue à la fin de l'année dernière à l'Assemblée nationale pour contribuer aux travaux menés par les deux députés Guy Geoffroy et Danielle Bousquet. Coauteurs d'une proposition de résolution réaffirmant « la position abolitionniste » de la France en matière de prostitution, ils ont effectué un excellent travail qui a débouché sur de bonnes conclusions.
Mais vous n'imaginez pas la violence des réactions que cela a pu susciter.
Si vous décidez de vous lancer sur ce sujet, préparez-vous aux attaques que vous ne manquerez pas de subir. Mais il faut être courageux et ne pas céder !
Je suis très sensible à ce que vous avez dit au sujet des hommes violents qui peuvent être souvent, eux aussi, porteurs d'une histoire douloureuse.
On cite, en effet, souvent le Québec en matière de politiques sociales innovantes, mais on oublie de préciser que ses dispositifs, du fait qu'ils fonctionnent sur la base d'un budget limitatif, sont, de facto, souvent réservés à un petit nombre, contrairement à nos dispositifs qui sont plus largement ouverts. Il n'en reste pas moins que toutes les bonnes pratiques doivent nous servir d'exemple.
Pour répondre à Mme Chantal Jouanno au sujet de l'article 99 de la loi portant réforme des retraites, je reconnais le caractère tardif de la parution des décrets et de la circulaire, mais elle n'est pas de mon fait.
Sur les liens entre pornographie et violences, c'est un peu la « boite noire » et l'on ne dispose guère de données en ce domaine. Certaines études indiquent que 80 % des adolescents auraient vu un film pornographique en entier. Quelle image des femmes et de la sexualité vont-ils en tirer ? C'est un sujet qui mériterait d'être étudié et je suis personnellement favorable à un durcissement de la législation relative à la pornographie.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin, présidente. - Je vous remercie Madame la Ministre.