- Mercredi 13 avril 2011
- Audition de M. Alain Rousset, président de l'Association des Régions de France (ARF)
- Audition de M. Thierry Latger, Secrétaire général du Syndicat national des ingénieurs des travaux publics de l'Etat et des collectivités territoriales (SNITPECT)
- Audition de M. Vincent Descoeur, Président et de Mme Chantal Robin Rodrigo, Secrétaire générale, de l'Association nationale des élus de la montagne (ANEM)
Mercredi 13 avril 2011
- Présidence de M. François Patriat, président, puis de M. Didier Guillaume, vice-président -Audition de M. Alain Rousset, président de l'Association des Régions de France (ARF)
M. François Patriat, président - Dans le cadre de notre mission, nous souhaiterions savoir comment la RGPP est vécue par les régions. Il me semble que celles-ci ont été informées par les préfets de la mise en oeuvre de la REATE et n'ont pas ressenti directement, contrairement aux autres niveaux de collectivités, l'impact de la réforme autour de ses trois objectifs initiaux : simplification, optimisation et économie.
Des évaluations sont aujourd'hui disponibles sur le bilan de la réforme, réalisées par le ministère des finances ou la Cour des Comptes dont les conclusions sont divergentes. Notre réflexion nous conduit à distinguer l'application de la RGPP dans les services déconcentrés de l'État stricto sensu mais également l'impact des différentes cartes administratives (judiciaire, pénitentiaire, hospitalière, militaire ou scolaire). A titre d'exemple, la réforme de la carte scolaire a un impact direct sur les collectivités territoriales, en termes d'aménagements de locaux, de construction de cantines ou de gymnases.
Il existe un consensus, au sein de notre mission, sur la nécessité de réformer l'État, afin de le rendre plus efficace et moins coûteux. Quelle est la position de l'ARF sur l'ensemble de ces constats ?
M. Alain Rousset, président de l'Association des Régions de France - Je comparerai la RGPP à une tondeuse à gazon : tous les services de l'État ont été arasés uniformément ce qui montre d'ailleurs les limites de cette politique. En règle générale, un chef d'entreprise, préalablement à toute organisation, définit les produits qu'il souhaite vendre et les entreprises qu'il va filialiser, supprimer ou conserver. Ce n'est pas la logique qui a guidé la RGPP : celle-ci a été indifféremment appliquée ; elle est souvent douloureusement vécue. Philippe Séguin avait d'ailleurs déclaré « Tout ça pour ça » : le fait de ne pas remplacer un fonctionnaire sur deux est insuffisant et mérite une réflexion plus approfondie.
Les régions ont vécu la mise en place de la RGPP avec beaucoup de surprise et d'agacement. En effet, l'État souhaite exercer des compétences dont il a perdu l'ingénierie. On le voit, par exemple, lors des réunions organisées dans des bassins d'emploi par les sous-préfets alors qu'ils ne disposent d'aucun moyen. Les régions y participent pour apporter l'ingénierie nécessaire aux projets. Dans l'enseignement, les régions sont amenées à doter les lycées professionnels et parallèlement, des sections scolaires sont fermées et des équipements non utilisés. Un tel constat n'est pas rationnel du point de vue de la décentralisation. Cette mécanique d'économie apparente et de débudgétisation est malheureusement à l'oeuvre dans tous les domaines.
Votre mission pourrait évaluer le coût lié à l'appel de consultants privés par l'État, suite à la diminution de sa propre ingénierie. Cela ne sert à rien de diminuer ses propres services pour ensuite faire appel à des entreprises extérieures. Aujourd'hui, en matière de maîtrise d'ouvrage directe, l'État perd toute son ingénierie. Par exemple, dans le cadre du plan Campus, Mme Valérie Pécresse elle-même m'avouait récemment que son ministère ne disposait plus des moyens et des compétences nécessaires pour réhabiliter les universités, d'où le recours aux partenariats public-privé. Or, le recours aux PPP a un coût colossal, non seulement pour l'avenir en reportant la charge de la dette sur les générations futures, mais également pour le présent avec la réduction de l'autonomie des universités qui devront arbitrer entre l'appel budgétaire aux régions ou l'augmentation des droits d'inscription.
L'État aurait dû définir préalablement les compétences régaliennes qu'il souhaitait conserver. Aujourd'hui, on constate que l'État est à la fois la tour de contrôle et le pilote de l'avion et qu'il est également dans la soute à bagages. Une telle conception de l'État n'est pas responsable et rationnelle.
Aujourd'hui, on est donc face à des services de l'État qui ont perdu leur ingénierie et leurs moyens financiers et qui, dans le même temps, souhaitent continuer à commander. En matière d'apprentissage, par exemple, l'objectif est de doubler le nombre d'apprentis, sans comprendre que celui-ci est lié à la volonté des entreprises, et alors que le taux d'échec est de 10 % plus élevé que celui de l'échec scolaire.
La France se caractérise par un paradoxe : on estime que, dans notre pays, le coût de la décision publique, c'est-à-dire celui de l'administration, et le temps de la décision publique sont plus lourds et plus longs qu'ailleurs, en raison du nombre élevé de fonctionnaires et de para-services publics. Or, l'État ne peut se permettre de perdre de la compétence. Hier, lors de la commission de la Défense à l'Assemblée nationale, le pilote de la construction du site de Balard, prévu pour réunir les services du ministère de la Défense, nous confiait que l'État est incapable de construire un Pentagone à la française. C'est pourquoi une entreprise privée - Bouygues - a obtenu le marché. De même, l'État est incapable de réhabiliter l'université de Jussieu. Il est choquant que l'État perde de l'ingénierie.
Il est tout aussi choquant que l'État conserve des services et des agents dans des compétences qui ont été transférées aux collectivités territoriales. L'État est responsable des doublons comme, par exemple, pour la gestion des fonds européens ou la gestion de la solidarité et de l'action sociale. D'où la nécessité d'une organisation rationnelle de l'État, afin de diminuer le coût et le temps de la décision publique.
Les exemples de l'innovation et du service public de l'emploi sont révélateurs de ce manque de rationalité. A titre d'exemple, le service public de l'emploi se compose de plusieurs strates successives : Pôle Emploi qui traverse actuellement une crise liée à la fusion de deux métiers différents - l'insertion et l'indemnisation -, les missions locales pour les jeunes, auxquels s'ajoutent les dispositifs mis en place par les communes, les EPCI et les régions. Ainsi, la politique de l'emploi se caractérise par une absence de pilote, d'organisation de l'information et de la mobilité régionales et par un cloisonnement entre les mondes de la formation et de l'entreprise. Comment peut-on avoir confiance dans un État donneur de leçons de rationalité qu'il ne s'applique pas à lui-même ?
Nous sommes favorables à une RGPP intelligente. Nous avons besoin de gendarmes, de policiers, de juges, de diplomates, d'enseignants, de chercheurs. Nous devons également rémunérer correctement nos fonctionnaires afin d'éviter que les meilleurs d'entre eux aillent pantoufler dans le secteur privé. L'expert de la dette française travaille actuellement chez Véolia et il est régulièrement consulté par le Ministère des Finances !
Les régions ne souhaitent pas que des services déconcentrés quasi-inexistants viennent leur donner des leçons sur l'application de leurs politiques publiques locales. En revanche, dans les domaines où les services de l'État sont nécessaires - les compétences régaliennes -, ils ont disparu. Les sous-préfets, des DRIRE ou des DRASS sont le reflet d'une protection paternaliste envers les collectivités à laquelle il faut mettre fin. La décentralisation va avec la responsabilité !
M. François Patriat, président - Les maires, notamment des petites communes, ont besoin de la présence et du maintien des sous-préfectures en matière de conseil, en raison de la quasi-disparition du contrôle de légalité.
M. Alain Rousset - C'est une situation que je qualifierai de syndrome de Stockholm : la France est le seul pays où il existe des préfets et des sous-préfets. Leur présence maintient les petites communes dans l'irresponsabilité et la tutelle.
M. François Patriat, président - Les communes ayant adopté un plan local d'urbanisme ont besoin de l'expertise des services de l'État pour le mettre en oeuvre.
M. Alain Rousset - Ne peut-on pas concevoir le PLU d'une commune au niveau de l'intercommunalité ? Par ailleurs, beaucoup de conseils généraux ont mis en place des structures d'aide aux communes et les régions cofinancent des agences d'urbanisme à échelle régionale, destinées à aider les petites communes. Je m'interroge sur les compétences particulières des sous-préfets en matière d'urbanisme.
Nous ne contestons pas que l'État fixe des principes globaux en matière de sécurité, ou des mesures d'ordre général pour le tracé d'une ligne à grande vitesse. Or, en Aquitaine, en Midi-Pyrénées et en Limousin, nous avons vécu le phénomène inverse : le préfet a autorisé la réalisation de lotissements sur des terrains qui doivent être utilisés pour le tracé d'une nouvelle autoroute.
M. Dominique de Legge, rapporteur - La vision de l'ARF est tranchée...
M. Alain Rousset - J'espère qu'elle est cohérente !
M. Dominique de Legge, rapporteur - Les auditions organisées jusqu'à présent accréditent le sentiment selon lequel la tondeuse à gazon, avec notamment l'application du principe du « un sur deux », n'aurait pas eu des conséquences uniformes entre les échelons central, régional et départemental. Je souhaiterai avoir votre avis sur ce sentiment.
Nous avons également le sentiment que l'État s'est réorganisé conformément aux conclusions du rapport Balladur, qui estimait que la région était le niveau pertinent des politiques publiques et le département le bras armé de la structure de l'État. C'est pourquoi le préfet de région s'est vu confié une mission de coordination des politiques publiques de l'État. Pourtant, les départements sont renforcés par la récente réforme des collectivités territoriales. N'y aurait-il pas une déconnection entre la RGPP qui conforte l'échelon régional et une réalité des collectivités territoriales qui reste résolument départementale ?
Enfin, dernière question, avez-vous été associé ou, au moins concerté, dans l'application de la RGPP au niveau régional ?
M. Alain Rousset - A la dernière question, la réponse est très clairement, non !!
Je partage votre constat selon lequel l'administration centrale, et plus particulièrement Bercy, a été relativement épargnée par la RGPP, liée certainement à l'échec de Christian Sauter qui a dû peser sur les négociations avec les organisations syndicales. Cette situation pose la question des relations de l'État avec nos concitoyens : quels contacts avec la société peut avoir une administration retranchée dans un « bunker » ministériel ?
S'agissant de votre deuxième question, je n'oppose pas les départements et les régions, sur le plan de la décentralisation. J'estime que le temps de la décentralisation et de la responsabilité est arrivé. La France est le seul pays où l'interlocuteur du président du conseil général ou du conseil régional est un préfet, quel que soit le domaine considéré - sortie de crise, lutte contre l'échec scolaire, créativité industrielle, recherche ou action sociale. Cette situation apparaît d'ailleurs indécente sur le plan du protocole. Lors de l'inauguration d'un bâtiment public dans lequel l'État n'a apporté aucun financement, il revient pourtant au préfet de parler après les exécutifs locaux qui sont conduits à lui faire une sorte de révérence !!
M. François Patriat, président - Le préfet nous accompagne dans nos projets.
M. Alain Rousset - Cette situation démontre un asservissement à la fois intellectuel, financier et politique de notre décentralisation à l'égard du monde administratif. C'est en quelque sorte « Tanguy » qui est resté chez ses parents. Tant que nous n'assumerons pas la décentralisation, la France ne se relèvera pas. Sous prétexte d'avoir réussi une grande école, un préfet est-il supérieur à des élus, fût-ce de petites communes, désignés démocratiquement ? Pourquoi existe-t-il encore des préfets aujourd'hui alors qu'il n'en existe pas en Espagne ou en Allemagne? Il s'agit de mon sentiment personnel, non celui de l'ARF.
Pour revenir à votre question relative aux relations entre départements et régions, l'État a plutôt vocation à s'organiser au niveau départemental, en raison de ses compétences régaliennes. Les compétences de développement ou d'animation économiques sont des politiques de la région.
M. François Patriat, président - Les régions, dans ses rapports avec les services de l'État en région, rencontrent-elle des difficultés particulières du fait de la RGPP ?
M. Alain Rousset - Quelles sont actuellement les compétences partagées entre les régions et l'État ? Les compétences assumées avec le rectorat : nous parvenons à nous entendre avec les services du ministère de l'Éducation nationale sur des projets concrets. Toutefois, force est de constater que les financements permettant la modernisation des lycées professionnels proviennent des régions. Mais il est parfois difficile de savoir ce qui est lié à la RGPP ou à la volonté de réforme du ministère de l'Éducation nationale.
Les régions mettent en place un service public de l'orientation, de la formation et de l'emploi : une formation avec une bonne orientation est une formation réussie avec un emploi stable, comme l'ont démontré les expériences canadiennes et québécoises. Or, l'absence de formation - et notamment permanente - des enseignants, qui sont à la base de l'orientation des élèves, est préjudiciable pour les régions. Toutefois, il ne s'agit pas d'un problème directement lié à la RGPP mais plutôt d'un problème de politique publique. S'agissant des autres compétences des régions - apprentissage, emploi, développement économique - les services de l'État souhaitent continuer à intervenir dans ces domaines alors qu'ils ne disposent pas des moyens matériels et financiers suffisants.
Le problème de la RGPP est lié aux réponses apportées au « qui fait quoi ». Il est surprenant de constater la diminution du nombre de gendarmes, de professeurs ou de juges et la conservation d'effectifs dans les compétences transférées aux départements ou aux régions.
Enfin, l'idée selon laquelle les services de l'État sont le garant de l'aménagement du territoire me fait sourire. Lorsque les départements ont bénéficié du transfert des compétences sanitaires et sociales, force est de constater qu'il y avait un grand désordre, avec une inégalité entre les départements au sein d'une même région. Le même constat s'applique sur les dotations des collèges et des lycées en TOS qui révélaient une situation de clientélisme.
M. Rachel Mazuir - Dans les départements de l'Ain et de la Haute-Savoie, les collectivités territoriales ont imaginé des solutions visant à faciliter les déplacements des Français travaillant en Suisse, pour un coût total de 120 millions d'euros. Le préfet de région a souhaité coordonné les diverses modalités de transport organisées par les collectivités tout en précisant qu'il ne disposait d'aucun moyen financier pour participer aux projets !
S'agissant du niveau territorial pertinent, le département est, à mes yeux, une collectivité de proximité tandis que la région, selon son importance, peut conduire des politiques fortes au niveau international.
Rappelons que la RGPP a été initiée pour réduire les coûts. Or, les communes se tournent aujourd'hui soit vers l'offre privée, soit vers les conseils généraux - les intercommunalités ne disposant pas toujours des moyens suffisants - en matière d'assistance juridique, suite à la disparition des DDE, ce qui se traduit in fine par un transfert des coûts de l'État vers les collectivités.
Je partage l'idée selon laquelle il faudra aborder la question du « qui fait quoi », au niveau des régions, des départements et de l'État. Les préfets de département disposent aujourd'hui de pouvoirs réduits au profit du préfet de région.
M. Jean-Luc Fichet - Je partage pleinement votre plaidoirie sur la RGPP, bien qu'elle soit en contradiction avec les précédentes auditions de la mission.
Vous avez rappelé que les préfectures et les sous-préfectures ne conservaient pas aujourd'hui une grande utilité. Il est vrai que moyens humains préfectoraux sont parvenus « à l'os. » Toutefois, dans un même temps, le Gouvernement déclare vouloir conserver le réseau des sous-préfectures. Au-delà de l'enjeu, quel est, selon vous, l'avenir des territoires ruraux ? Le sous-préfet représente souvent la dernière considération de l'État pour ces territoires, compte-tenu de la mise en place des différentes cartes administratives. Par ailleurs, les intercommunalités n'ont pas toujours les capacités nécessaires pour suppléer les sous-préfectures en matière d'ingénierie publique par exemple. Comment ces territoires peuvent-ils s'organiser ?
M. Alain Rousset - L'aspect le plus important pour un territoire n'est pas le maintien du sous-préfet mais la création d'une maison de santé, le maintien d'un hôpital local ou d'une maison de retraite. Rappelons que les maisons de santé n'ont pas été créées par l'État mais par les collectivités territoriales, qui sont également à l'origine des politiques de la ville ou de l'insertion. Tout est lié à un problème de confiance en soi.
On regrette que l'intercommunalité ne soit pas assez forte et, dans le même temps, on la refuse. On en revient au syndrome de Stockholm : on refuse l'aboutissement de la responsabilité des élus. Il s'agit d'un véritable débat philosophique et opérationnel : est-il plus important de conserver un sous-préfet sans moyen ou un service public essentiel à la population ?
M. Jean-Luc Fichet - Pour les maires, la préservation de la santé ou de l'enseignement sur un territoire est lié au maintien des services de l'État.
M. Alain Rousset - C'est possible. Pourtant, à Marmande dans le Lot-et-Garonne, le tribunal de commerce a été supprimé alors que le sous-préfet a été maintenu. J'aurai préféré que ce fût l'inverse.
Le problème principal de la RGPP est lié au fait qu'elle vient « d'en haut », issue d'un dialogue opaque entre quelques organisations syndicales, les grands corps de l'État et un ou deux ministres. Le groupe de travail présidé par M. Alain Lambert a représenté, selon moi, un excellent exercice du dialogue entre les associations nationales d'élus et les directeurs des principales administrations centrales de l'État. Au cours de ces travaux, le directeur du Trésor estimait que l'intercommunalité était à l'origine de l'explosion du nombre de fonctionnaires dans la fonction publique territoriale entre 1985 et 2005. Ce constat, indéniable, est lié à l'explosion des normes dans les domaines de l'eau ou des transports. Or, au cours de cette même période, la fonction publique d'État augmentait de plus de 230 000 fonctionnaires !
L'exemple des DDE est symptomatique : la compétence a été transférée aux départements mais non les moyens. Historiquement, il ne revient pas à l'État de s'occuper des routes qui est une compétence des collectivités. Il ne faut pas se plaindre, il faut prendre pleinement notre responsabilité d'élu local. Nous ne pouvons pas à la fois être critique vis-à-vis de l'État et lui demander qu'il nous protège. Il s'agit d'un problème de culture. Le président de la Catalogne me confiait récemment que les communautés espagnoles acceptaient toujours les transferts de compétences car elles savent qu'elles vont bénéficier par la suite des moyens nécessaires. Ce n'est pas le cas en France. Or, nous gérons bien mieux les politiques publiques que l'État. Alors, arrêtons de nous plaindre ! Nous ne pouvons pas demander le maintien de la clause générale de compétence et avouer ne pas pouvoir tout assumer.
M. Rachel Mazuir - Je souhaite conserver la compétence générale pour les départements mais également récupérer les 25 % de mon autonomie fiscale qui ont été supprimés.
M. Alain Rousset - L'autonomie fiscale des collectivités a diminué et celle des régions a disparu. Dans les autres pays européens, les ressources des collectivités reposent principalement sur le transfert d'une part d'impôts d'État.
M. Rachel Mazuir - Les départements ont une compétence particulière : la gestion de prestations sociales individuelles.
M. Didier Guillaume - Je partage l'idée selon laquelle il faut arrêter de se plaindre.
Toutefois, les compétences sociales représentent, pour les départements, 64 % du compte administratif. Pour le département de la Drôme, leur coût s'élevait à 140 millions d'euros en 2005 et à 250 millions d'euros en 2011, soit une augmentation de 110 millions d'euros en six budgets ! En 2009, la chambre régionale des comptes a évalué à 37 millions d'euros la dette de l'État. Une telle situation nous conduit inévitablement à ne plus aider les communes en matière d'ingénierie, en raison de la diminution de notre capacité d'autofinancement. Nous souhaitons récupérer notre dû en matière d'allocations sociales que nous versons au nom de l'État qui ne respecte pas ses obligations constitutionnelles de compensation !
M. Alain Rousset - Les régions ont perdu plus d'autonomie fiscale que les départements : notre pouvoir fiscal ne concerne aujourd'hui que les vignettes, qui représentent 7 % de nos recettes.
Par ailleurs, si une région souhaite construire une ligne à grande vitesse ou rénover une université, elle ne peut compter sur une participation financière de l'État. Les régions ont d'autres contraintes que les départements. C'est pourquoi une répartition claire des compétences est nécessaire.
M. François Patriat, président - Je vous remercie pour la franchise de vos propos et de votre vision de l'effet de la RGPP sur les régions, qui apparaissent moins impactées que les autres échelons territoriaux.
Audition de M. Thierry Latger, Secrétaire général du Syndicat national des ingénieurs des travaux publics de l'Etat et des collectivités territoriales (SNITPECT)
M. Didier Guillaume, président. - Je vous remercie de votre présence ainsi que de la contribution écrite que vous nous avez transmise. Sur la base de votre expérience, comment percevez-vous cette réforme et les relations entre les agents des collectivités territoriales et leurs collègues de l'Etat ?
Au bout de quelques mois, quel bilan tirez-vous objectivement de cette réforme et quelles en sont les conséquences sur les services ? Les services publics sont-ils aujourd'hui aussi bien rendus qu'hier ?
M. Thierry Latger, secrétaire général. - La RGPP et la RéATE sont deux processus distincts.
Nous avons lu les comptes-rendus des auditions précédentes : l'ensemble des intervenants, sauf le directeur général à la modernisation de l'Etat, ont constaté qu'il n'y avait pas de processus démocratique derrière la RGPP qui est présentée comme une révision de l'organisation de l'Etat. Mais sur le terrain, elle a changé le contrat social passé avec les agents publics. Elle attaque les missions. Les ministères sont réduits à un rôle passif. Certains ministres sont obligés de se justifier devant leur administration.
La RGPP diminue le coût de fonctionnement de l'Etat sans s'interroger sur le coût final pour l'usager.
La RGPP, c'est la transformation des services publics solidaires payés par l'impôt en services publics payés par les usagers.
Les conséquences de la réforme sont très négatives : c'est relevé par les élus et le Médiateur.
Nous avons constaté le service dégradé sur la voirie l'hiver dernier. La RéATE est un processus légitime mais dévoyé par la RGPP, par les suppressions massives de personnels, par la fin de certaines missions comme l'ingénierie publique.
On demande des suppressions de postes avant d'avoir engrangé les gains des réorganisations nécessaires.
La réduction du nombre de fonctionnaires par le non-remplacement d'un sur deux, s'établit à trois sur quatre dans les DDI. Il est procédé à de très nombreuses mutualisations dans tous les sens : au prétexte de la parole unique de l'Etat sur le territoire, la lisibilité de la LOLF est brouillée (on ne sait plus qui travaille pour qui).
Le ministère de l'intérieur a relancé, le mois dernier, 36 nouveaux projets de mutualisation. Et l'on assiste à la régionalisation du fonctionnement de l'Etat avec la volonté de séparer les services de leurs ministères et, en conséquence, de leur réseau professionnel. Donc, on met en cause l'efficacité des agents.
On a escamoté les débats : auparavant, on avait des ministères qui, historiquement, portaient des positions très différentes comme l'équipement et l'environnement. Le débat était sur la place publique et on pouvait prendre une décision en connaissance de cause. Aujourd'hui, il est escamoté dans la structure de l'Etat
Les phases suivantes peuvent être encore plus brutales : on peut imaginer des directions régionales interministérielles, la disparition des administrations centrales remplacées par des agences qui ne traiteront que du dialogue de gestion avec les préfets de région.
On a le sentiment que la RéATE se traduit petit à petit par la disparition de l'organisation ministérielle de l'Etat.
Deux sondages récents ont manifesté les critiques des fonctionnaires sur leur administration.
Cette voix affaiblie de l'Etat est inquiétante.
Au niveau de notre ministère -le ministère de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement-, la RGPP a pris la forme d'un dossier : RH 2013 (ressources humaines 2013) qui est la traduction pure et dure des suppressions RGPP (dans les 2 ans à venir, un agent sur 2 va être muté vers un autre ministère). On a mis « en mouvement forcé » 10 000 agents sur les 60 000 que compte le ministère. Quelques chiffres : en Bourgogne, moins 24 agents sur 2012-2013 pour l'application du droit du sol. La DDT de la Creuse va perdre 80 agents en 6 ans.
La démotivation des agents est historique, notamment chez les cadres, très critiques, alors que, auparavant, ils portaient les réformes.
Les conséquences seront directes et importantes pour les collectivités locales, ne serait-ce que pour la mission en matière de droit du sol : ce sont moins 700 agents sur la mission pour l'ensemble de la France.
Le conseil aux collectivités passera au dernier plan. L'ATESAT est en train de mourir de sa belle mort.
Il va falloir prioriser les missions obligatoires : on ne fera pas tous les plans de prévention des risques en même temps. Certaines communes vont donc attendre des années ou abandonner.
Tout le monde regrette, en conséquence, le bon temps des DDE. On a lu le rapport de M. Daudigny.
Dans un département, on nous a signalé qu'il n'y avait plus de contrôle sanitaire sur les cantines depuis 2 ans. C'est assez inquiétant.
Des agents vont être déplacés.
Dans le Maine-et-Loire, par exemple, on est passé de 14 subdivisions territoriales à 4. Deuxième phase : on va supprimer les subdivisions territoriales.
Les DDT ne sont pas les seules affectées : on peut citer les services de navigation. Se posent des questions sur les missions portées, notamment sur les réseaux secondaires où les moyens vont manquer. Les services routiers, n'en parlons pas : les centres d'exploitation ferment les uns après les autres, en particulier en montagne.
Notre corps des ingénieurs TPE comportait 2.400 membres en 2006 dans les DDE, et moins de 1 000 à la fin de l'année.
Il faut donc redessiner le rôle de l'Etat, redéfinir l'articulation entre les différents niveaux et redéfinir le management, maintenir l'équilibre entre niveaux régional et départemental.
Aujourd'hui, il n'y a plus de moyen suffisant pour les formations.
Il faut mettre en place un management intelligent pour travailler en réseau. Les fonctionnaires techniques ne peuvent fonctionner qu'en réseaux notamment scientifiques et techniques de notre ministère.
La notion de confiance disparaît.
Les administrations centrales sont trop prises, aujourd'hui, dans des considérations de court terme.
Il y a donc le besoin de reconstruire la confiance entre l'Etat et ses fonctionnaires.
M. Didier Guillaume, président. - Pensez-vous que par rapport au service public, à la fois la RéATE et la RGPP peuvent avoir des conséquences sur la façon dont le service public est rendu par vous et par d'autres ?
M. Thierry Latger. - Le service public s'appuie sur des personnels et sur des compétences.
On peut imaginer différentes organisations mais il est impératif de développer les compétences.
Même si les missions de service public peuvent être développées par les collectivités locales dans le cadre de leurs compétences, ces collectivités ont aussi besoin d'un réseau de compétences pour innover.
Avec la décentralisation, on peut imaginer la mutualisation des moyens, qu'il s'agisse de l'Etat ou des collectivités.
M. Dominique de Legge, rapporteur. - Je souhaite vous poser quatre séries de questions :
Les auditions passées étaient toutes assez marquées par le sens de la nuance. Je n'ai pas entendu beaucoup de personnes remettre en cause le principe même de la nécessité de la réforme. Est-ce à dire que le grand soir des services publics est arrivé, que l'on passe de la lumière aux ténèbres ?
J'ai compris qu'en gros, « on est bien entre nous ». Il y a des opérateurs locaux et ce n'est pas une mauvaise chose. Ne croyez-vous pas que vis-à-vis de l'usager, il y a nécessité d'avoir une logique moins verticale et plus horizontale ?
Vous avez dit : un agent sur six est en mouvement forcé. Est-ce à dire que la mobilité n'est pas positive pour le personnel et les services publics ?
Le non-remplacement d'un agent sur deux est-il traité de la même façon aux niveaux départemental et régional ?
Du processus de décentralisation ont résulté des transferts de compétences aux collectivités territoriales. Il y a donc une certaine logique à ce que l'ingénierie qui va avec ces compétences soit aussi transférée.
Il faut examiner ce qui relève des conséquences de la directive sur les services et ce qui relève de la solidarité.
M. Thierry Latger.- Notre syndicat avait fait, parallèlement à la RéATE, des propositions pour réformer l'organisation des structures de l'Etat. Mais c'est la manière qui ne nous convient pas :
- Le mélange de la RéATE et d'une RGPP très dogmatique avec la réduction du nombre de postes ;
- La manière de faire : il faut travailler avec les agents et non contre eux qui, aujourd'hui, n'ont pas de visibilité sur leur avenir.
Sur les réseaux, l'idée n'est pas de dire : « on est bien entre nous. » On a constitué le ministère de l'équipement, on a contribué à constituer le ministère de l'écologie. On a donc un peu cette vision horizontale et on sait prendre en compte la complexité des projets.
Il n'en reste pas moins -et c'est compatible- que pour travailler sur le terrain, on a besoin des réseaux : inter-administrations et inter-fonction publiques.
La mobilité est dans notre cursus et dans notre façon de travailler. Mais dans les services, sont en poste des personnels de catégorie B ou C qui portent l'historique et qui sont moins mobiles que des cadres A. On ne peut pas les déplacer brutalement aux quatre coins de la France.
La mobilité est un élément positif pour la fonction publique, qui fait partie de nos valeurs. Mais elle ne doit pas s'effectuer n'importe comment.
Le non-remplacement d'un agent sur deux : j'ai tendance à dire que plus vous montez dans la hiérarchie du ministère, plus il se dilue.
Beaucoup d'ingénieurs TPE ont suivi les transferts résultant de la décentralisation, et aidé les collectivités territoriales à prendre en main leurs responsabilités.
Aujourd'hui, il devient difficile à l'Etat de trouver des ingénieurs, des spécialistes des routes qui sont dans les collectivités territoriales, qui interviennent de façon efficace. Mais la source se tarit. L'Etat a du mal, aujourd'hui, à former ces ingénieurs routiers.
Les compétences peuvent être partagées entre l'Etat et les collectivités locales pour les mettre au bénéfice de tous.
M. Laurent Janvier.- Un témoignage de terrain et un constat. Le retrait de l'Etat de l'ingénierie concurrentielle a laissé les collectivités locales un peu orphelines.
Les deux limites :
La maîtrise d'ouvrage est un processus complexe. A l'échelle de l'intercommunalité, le service créé sera pertinent pour répondre aux besoins récurrents de la gestion quotidienne. Sa limite sera les sujets complexes et la compétence technique sur les sujets nouveaux.
Sans revenir dans le système de l'ingénierie concurrentielle, il serait intéressant de conserver la compétence de l'Etat pour apporter un appui particulier aux collectivités locales.
L'ATESAT peut être la réponse aux difficultés de la maîtrise d'ouvrage.
Mais elle comporte un point de faiblesse : aujourd'hui, les intercommunalités sont peu éligibles à l'ATESAT qui devrait être facilitée dans ce champ.
M. Didier Guillaume, président.- L'ATESAT va basculer dans les mois à venir.
M. Laurent Janvier.- Oui, mais c'est encore réversible : les moyens existent. L'idée est de préserver ce qui existe encore.
Il faut éviter le message négatif des ministères car on a du mal à conserver leur attractivité aux postes territoriaux.
M. Dominique de Legge, rapporteur. - Les EPCI exercent une fonction de conseil auprès des petites collectivités. Question : si elle est remplie par les EPCI, pourquoi conserver cette fonction à l'Etat ?
M. Laurent Janvier.- L'ingénierie, au niveau des collectivités locales, a-t-elle vocation à se développer ?
Un technicien intercommunal n'aura pas vocation à devenir un spécialiste de l'agenda 21.
Nous pouvons être en appui de l'intercommunalité pour ces projets un peu complexes.
M. Gérard Bailly.- Concrètement, qui a décidé la réorganisation des services dans chaque département ?
Les agents transférés aux collectivités locales sont-ils plus ou moins satisfaits de leur nouvel état ?
Quels sont les vrais effectifs des agents ? J'aimerais bien qu'on dispose de ces données.
M. Jean-Luc Fichet.- Êtes-vous prêts à accompagner le développement de l'ingénierie des collectivités locales ? A ce moment-là, je ne vois pas l'intérêt des doublons.
Mieux vaut trouver le mode d'accompagnement pour retrouver la qualité de service qu'elles ont perdue.
M. Thierry Latger.- La réorganisation s'est passée de façon brutale : les objectifs de la RGPP ont été imposés par l'administration centrale ; le préfet a redessiné les organigrammes des services avec les directeurs.
Les ingénieurs TPE en collectivités sont très heureux. Ceux de l'Etat sont anxieux et inquiets.
Aujourd'hui, on peut trouver de l'espace pour tout le monde, avec le développement des compétences techniques pour les enjeux énergétiques.
Aujourd'hui, un directeur interdépartemental des routes ne sait plus entretenir ses gros matériels comme un chasse-neige.
M. Laurent Janvier.- Pour l'ATESAT, le rôle que l'Etat peut jouer est l'accompagnement en formation ; on peut imaginer cette complémentarité.
M. Thierry Latger.- La réforme de l'Etat est une nécessité mais on ne peut pas la faire n'importe comment.
M. Didier Guillaume, président.- Je vous remercie.
Audition de M. Vincent Descoeur, Président et de Mme Chantal Robin Rodrigo, Secrétaire générale, de l'Association nationale des élus de la montagne (ANEM)
M. Didier Guillaume, président. - Quel bilan général faites-vous de la RGPP ? Quel est l'impact de la RGPP sur les territoires de montagne ? Comment les services y sont-ils rendus ? Avez-vous été consultés ou interrogés dans le cadre de la mise en place de la RGPP ?
Mme Chantal Robin Rodrigo, secrétaire générale de l'ANEM. - Pour nous, la loi de 1985 sur la montagne tient lieu de pierre angulaire. Elle prend en compte les spécificités des territoires de montagne, tant du point de vue géographique que du point de vue climatique. Nous ne sommes pas opposés à la réforme de l'Etat, mais la RGPP a été menée à marche forcée, que ce soit dans le cas de La Poste, des écoles ou encore des hôpitaux. Concernant la réforme de la carte hospitalière, je souligne ici qu'on accouche de plus en plus souvent dans les ambulances. La RGPP a été conduite sans concertation et dans la précipitation. On s'interroge à propos du devenir des sous-préfectures et de certains autres services. Il ne nous paraît pas possible de faire de l'aménagement du territoire dans ces conditions là. De même, les suppressions de postes d'enseignants sont bien souvent inadmissibles dans les zones de montagne. Il faut en effet tenir compte non seulement des distances, mais aussi des temps de déplacement dans ces territoires.
M. Vincent Descoeur, président de l'ANEM. - Le maintien des services publics dans les zones de montagne est plus difficile qu'ailleurs du fait de la dispersion des populations. Il faut en effet autant tenir compte sur ces territoires des délais de transport que de la distance elle-même. Dans le cadre de la RGPP, nous avons été informés mais pas concertés. Cette politique doit s'accompagner d'une approche territoriale, au risque dans le cas contraire de déboucher sur un amoindrissement de la qualité du service rendu. Ainsi, par exemple, dans le domaine de l'éducation, les départements de montagne risquent d'être désorganisés par la politique actuellement menée. Le service public de l'éducation tend à s'éloigner des familles et, même si le taux d'encadrement constaté dans les établissements situés en montagne est parfois élevé, ce critère n'est pas pertinent du fait de l'organisation particulière des classes dans les zones de montagne. La limite de l'exercice conduit avec la RGPP réside dans la notion de seuils.
Nous avons réussi à préserver la présence du service postal en zone de montagne, mais dans le cas de l'éducation nationale, les familles vont être confrontées au problème des distances.
L'excessive régionalisation des services publics entraîne l'éloignement des centres de décision et des compétences. Par exemple, dans le cas du rapprochement des directions départementales de l'équipement (DDE) et des directions régionales de l'environnement (DIREN), on n'a pas abouti à un schéma optimal et des difficultés se posent en matière de déneigement. Avant la RGPP, l'Etat assurait une assistance technique qui est désormais très éloignée des collectivités locales. Celles-ci tendent à substituer à cette assistance des agences techniques départementales. Les départements ont ainsi multiplié le développement de certains services parallèlement à la mise en place de la RGPP. Cette tendance nécessite de définir de nouveaux critères d'appréciation du service public.
Mme Chantal Robin Rodrigo. - J'insiste sur le problème posé par la désertification médicale. Dans les régions touristiques, on ne tient pas compte de l'afflux saisonnier de population. De ce fait, il existe un fort risque de santé lié à l'enjeu des distances et des difficultés climatiques. Or, le service public de la santé est bel et bien primordial. De ce point de vue, la récente loi sur la santé n'a malheureusement rien changé. Il aurait fallu une réelle concertation. Nous sommes arrivés aujourd'hui au bout du bout. Cela est d'autant plus regrettable que la démographie redémarre dans les zones de montagne et qu'il faut encourager cette reprise.
M. Didier Guillaume, président. - Y-a-t-il une corrélation entre la règle du non remplacement d'un fonctionnaire sur deux partant en retraite et la baisse de la qualité du service public en zone de montagne ? Par ailleurs, qui possède réellement le pouvoir entre le préfet de région et celui de département ? Y-a-t-il une volonté de maintenir les sous-préfectures ?
M. Vincent Descoeur. - Le préfet demeure incontestablement un interlocuteur pour les collectivités locales, mais la RGPP s'est accompagnée de la montée en puissance du préfet de région. Aujourd'hui, l'interlocuteur des élus pour la question des routes est la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL), qui relève du niveau régional et pas départemental.
Il faudrait certainement un vrai débat sur l'avenir des sous-préfectures. Mais l'Etat ne doit pas se contenter d'une présence au niveau régional. Les intercommunalités n'ont malheureusement pas la taille critique pour monter des services d'ingénierie.
Mme Chantal Robin Rodrigo. - Le préfet n'a plus aucun pouvoir sur l'organisation des territoires du point de vue de la santé. Concernant les sous-préfectures, les conseils généraux ont dû depuis longtemps suppléer aux carences de l'Etat, ce qui a notamment entraîné une hausse des impôts locaux.
M. Vincent Descoeur. - L'évolution actuelle pose la question du seuil minimum en deçà duquel l'Etat ne peut pas descendre. L'Etat devrait passer des conventions d'objectif (dans le domaine de l'éducation, de la santé...), faire une pause dans les réformes et se poser la question du maillage minimum nécessaire au maintien de la qualité des services publics sur tout le territoire. Dans le secteur de l'éducation, on doit privilégier les zones rurales et la banlieue.
M. Didier Guillaume, président. - Faut-il des critères différenciés selon les zones ?
M. Vincent Descoeur. - Oui, c'est une évidence. Ceci n'est d'ailleurs pas difficile à conceptualiser et on pourrait parfaitement définir une règle du jeu claire avec l'Etat. Cette année, les objectifs fixés à l'éducation nationale ne sont pas compatibles avec le maintien d'un juste maillage du territoire.
Mme Chantal Robin Rodrigo. - Ces préoccupations ont d'ailleurs été parfaitement bien reprises par le Médiateur de la République dans son dernier rapport.
M. Vincent Descoeur. - Nous avons bien conscience toutefois qu'il n'est pas possible d'apporter une réponse à chaque problème.
M. Dominique de Legge, rapporteur. - Je comprends que pour bien aborder les territoires de montagne, il faut tenir compte de leurs spécificités, tant en terme de densité que de temps de transport et de distance. Toutefois, dans le cadre de l'accès aux soins, ces spécificités sont moins grandes et certaines fermetures d'hôpitaux peuvent se justifier.
A quoi servent aujourd'hui les sous-préfectures ? Sont-elles là pour marquer une présence de l'Etat ou apporter un service ? Quel est votre avis sur le regroupement des trésoreries ? Comment concilier l'existence de l'échelon départemental avec la prééminence de la région ? A cet égard, la fusion des DDE et des DIREN me paraît plutôt positive.
Dans le domaine de l'assistance à maîtrise d'ouvrage, si les collectivités locales acceptent des compétences, il faut aussi qu'elles en acceptent les conséquences. Quelle est selon vous, dans ces conditions, la place des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) ? N'avez-vous pas le sentiment que, dans le secteur de l'ingénierie, l'Etat se désengage progressivement ?
M. Vincent Descoeur. - La mise en place des nouvelles directions départementales des finances publiques (DDFiP) n'a pas suscité de traumatismes locaux. Aujourd'hui, on compte environ 45 communes par trésorerie.
Le déclin de l'assistance technique traditionnellement accordée par l'Etat pose le problème du nécessaire transfert de compétences. On le voit par exemple dans le domaine de l'assainissement de l'eau. Nous prévoyons la création d'une agence technique qui répondra aux appels d'offres. Il n'est toutefois pas normal qu'un élu ne puisse pas avoir un interlocuteur technique clairement identifié sur des problématiques liées au désenclavement.
Certes, les sous-préfectures doivent évoluer. Mais quels services faut-il laisser pour assurer la proximité du service public ? Le sous-préfet demeure à la fois un interlocuteur et un vrai recours, mais il devrait avoir des collaborateurs plus spécialisés.
Mme Chantal Robin Rodrigo. - Le sous-préfet est le premier représentant de l'Etat, en ce qu'il est le plus proche des élus locaux. S'il doit certainement évoluer dans ses missions et moderniser son mode d'action, il ne doit certainement pas disparaître.
En zone de montagne, les intercommunalités ne pourront guère dépasser quelques milliers d'habitants, ce qui pose un problème de taille critique.
M. Vincent Descoeur. - On n'attend pas tout de l'Etat. Par exemple, on a créé une mission d'assistance pour l'eau, qui est désormais l'interlocutrice d'environ 200 communes. Le sous-préfet devrait être un « développeur ». Il faut préciser que les communes ont aussi besoin d'une assistance juridique, tout comme les pôles d'excellence régionaux (PER) ont besoin d'un chef d'orchestre.
M. Didier Guillaume, président. - Dans les zones de montagne, la population est-elle mobilisée ?
M. Vincent Descoeur. - La population est très sensible aux questions qui ont trait au service public de l'éducation, à La Poste, à la démographie médicale... Si l'Etat voulait bien consacrer un peu de temps et de matière grise à améliorer sa présence sur le territoire, il ne serait pas très difficile d'optimiser les moyens mis en oeuvre. Il y a parfois des contraintes insurmontables (comme par exemple les programmes scolaires dans les collèges) mais une dose de bon sens serait la bienvenue.
M. Didier Guillaume, président. - A propos de la question des normes, il y a des seuils en deçà desquels on ne peut pas descendre. C'est par exemple le cas pour les maternités. Mais, en même temps, la fermeture d'une maternité a un impact sur les territoires. Aussi, les normes ne devraient-elles pas être différenciées selon les territoires ? Cela permettrait notamment de sauver certains hôpitaux en zone de montagne.
Mme Chantal Robin Rodrigo. - Il faut encourager les coopérations, y compris entre le public et le privé, pour éviter les doublons. La vie d'une femme peut être mise en danger si elle est trop éloignée d'un hôpital et je veux rappeler que les petites maternités présentent parfois des statistiques meilleures que les grandes. Il faut absolument préserver la proximité du service public.
M. Vincent Descoeur. - La tarification à l'activité tend à précipiter la chute de certains établissements de santé. Mais la fermeture d'une maternité peut aussi s'accompagner du renforcement du pôle « urgences ».
Mme Chantal Robin Rodrigo. - Une maternité qui ferme, c'est un hôpital entier qui est ébranlé.
M. Didier Guillaume, président. - Il faut certes tenir compte des effets en chaîne d'une telle fermeture.
M. Vincent Descoeur. - Bien sûr et il faut insister sur l'égalité du service rendu, quels que soient les territoires.