COMMISSIONS MIXTES PARITAIRES
Mercredi 7 avril 2010
- Présidence de M. Jean-Luc Warsmann, député, président -Commission mixte paritaire sur le projet de loi relatif à l'application du cinquième alinéa de l'article 13 de la Constitution
La commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à l'application du cinquième alinéa de l'article 13 de la Constitution s'est réunie à l'Assemblée nationale le mercredi 7 avril 2010.
Elle a procédé à la nomination de son bureau, qui a été ainsi constitué :
-- M. Jean-Luc Warsmann, député, président ;
-- M. Jean-Jacques Hyest, sénateur, vice-président.
Puis ont été désignés :
-- M. Charles de La Verpillière, député ;
-- M. Patrice Gélard, sénateur,
respectivement rapporteurs pour l'Assemblée nationale et le Sénat.
M. Jean-Luc Warsmann, président, a indiqué que le texte adopté par le Sénat comportait deux différences avec celui adopté par l'Assemblée nationale. Il a relevé que, d'une part, était posé le principe de la publicité de l'audition, sous réserve de la préservation du secret de la défense ce que prévoit d'ores et déjà le Règlement de l'Assemblée nationale, les deux dispositions étant toutefois compatibles, et que, d'autre part, l'audition ne pourrait avoir lieu moins de huit jours après que le nom de la personne dont la nomination est envisagée aura été rendu public.
La commission mixte paritaire a ensuite adopté à l'unanimité, dans la rédaction du Sénat, l'ensemble des dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à l'application du cinquième alinéa de l'article 13 de la Constitution.
Commission mixte paritaire sur le projet de loi organique relatif à l'application du cinquième alinéa de l'article 13 de la Constitution
La commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi organique relatif à l'application du cinquième alinéa de l'article 13 de la Constitution s'est réunie à l'Assemblée nationale le mercredi 7 avril 2010.
Elle a procédé à la nomination de son bureau, qui a été ainsi constitué :
-- M. Jean-Luc Warsmann, député, président ;
-- M. Jean-Jacques Hyest, sénateur, vice-président.
Puis ont été désignés :
-- M. Charles de La Verpillière, député ;
-- M. Patrice Gélard, sénateur,
respectivement rapporteurs pour l'Assemblée nationale et le Sénat.
M. Charles de La Verpillière, rapporteur pour l'Assemblée nationale, a expliqué que demeuraient en discussion deux articles : un article 3 introduit par l'Assemblée nationale et supprimé par le Sénat, qui prévoit que les parlementaires ne peuvent pas déléguer leur droit de vote dans le cadre des scrutins auxquels doivent procéder les commissions permanentes pour donner leur avis sur les nominations soumises à la procédure prévue par le cinquième alinéa de l'article 13 de la Constitution ; ainsi qu'un article 4, ajouté en deuxième lecture au Sénat, qui prévoit que, lorsque ladite procédure s'applique aux nominations de membres du Conseil constitutionnel ou de membres du Conseil supérieur de la magistrature par le président de l'Assemblée nationale ou le président du Sénat, un vote négatif à la majorité des trois cinquièmes des suffrages exprimés emporte un veto à la nomination.
M. Jean-Luc Warsmann, président, a considéré qu'il était préférable d'aborder d'emblée la difficulté posée par la divergence entre l'Assemblée nationale et le Sénat relative à l'article 3.
M. Patrice Gélard, rapporteur pour le Sénat, a rappelé que le Sénat était extrêmement attaché à la suppression de cet article, pour deux raisons de nature différente. La première raison est d'ordre pratique : il devrait exister, de fait, un décalage entre la date de l'audition par le Sénat de la personne dont la nomination est envisagée, et celle de son audition par l'Assemblée nationale. Ce décalage pourrait conduire à organiser le vote à une date différente de celle de l'audition, ce qui signifie qu'un parlementaire pourrait avoir participé à cette dernière, sans pour autant être présent lors du vote ultérieur.
Toutefois, il a estimé que la principale raison devant conduire à écarter cet article était d'ordre constitutionnel : l'article 27 de la Constitution prévoit les délégations de vote, en renvoyant à une loi organique le soin d'en préciser les modalités. Elle ne permet pas donc pas à cette loi organique de supprimer toute délégation de vote, car seule la Constitution pourrait prévoir cette interdiction. Or, l'unique cas d'interdiction des délégations de vote figure à l'article 68 de la Constitution, lequel interdit les délégations de vote pour les votes de la Haute Cour. La comparaison de ces deux articles de la Constitution doit conduire à considérer que l'article 3 du projet de loi organique, adopté par l'Assemblée nationale, est contraire à l'article 27 de la Constitution. Aussi le Sénat souhaite-t-il vivement que la suppression de cet article soit maintenue par la commission mixte paritaire.
M. Charles de La Verpillière, rapporteur pour l'Assemblée nationale, a considéré qu'il n'est pas possible d'imaginer que les modalités de vote soient différentes dans les deux assemblées, dans la mesure où les votes émis dans chacune des deux assemblées concourent, par leur addition, à l'expression d'un avis unique.
Il a ensuite expliqué que l'Assemblée nationale souhaitait que l'alignement des modalités de vote se fasse dans le sens du vote personnel en raison de la Constitution elle-même, dont l'article 27 prévoit que le vote personnel est la règle et le vote par procuration l'exception. Il a jugé en conséquence que la loi organique prise en application de l'article 27 de la Constitution pouvait être modifiée pour prévoir explicitement que les délégations de vote sont interdites dans certains cas. Il a également estimé souhaitable que les parlementaires qui se prononcent sur une proposition de nomination aient assisté à l'audition de la personne dont la nomination est envisagée.
Il s'est enfin déclaré fermement attaché à la position retenue par l'Assemblée nationale tant en première qu'en deuxième lecture.
M. Jean-Luc Warsmann, président, a estimé que la difficulté pratique soulevée par M. Patrice Gélard, rapporteur pour le Sénat, était résolue par le texte même d'un article du projet de loi organique, déjà adopté par les deux assemblées en termes identiques, qui prévoit un dépouillement simultané des bulletins par les deux commissions. En pratique, une solution a déjà été mise en oeuvre, consistant, pour l'Assemblée nationale, à attendre, à l'issue du vote des députés, que celui des sénateurs ait également eu lieu, avant de procéder au dépouillement. Lors des discussions sur la révision constitutionnelle, la possibilité d'auditions et de votes communs entre les deux assemblées avait même été envisagée. Le Parlement avait, finalement, opté pour une autre formule, consistant à considérer que chaque commission serait, en fait, dotée d'un bureau de vote distinct, ce qui conduit à voter selon les mêmes règles dans les deux assemblées et à dépouiller en même temps. Il a donc apporté son plein soutien à l'argumentation du rapporteur pour l'Assemblée nationale.
M. Jean-Jacques Hyest, vice-président, a rappelé le précédent intervenu en 1973, lorsque le Conseil constitutionnel, saisi d'une modification du Règlement du Sénat interdisant le recours aux délégations de vote, en avait prononcé l'annulation. Il a précisé que la Haute Cour constituait la seule exception, prévue dans la Constitution, au droit de déléguer son vote ; la loi organique ne peut donc aller au-delà en supprimant aussi la délégation de vote dans d'autres cas. Il a donc constaté l'existence d'un désaccord sur l'interprétation de la Constitution et il a relevé que le Conseil constitutionnel, en tout état de cause, serait appelé à se prononcer sur la constitutionnalité de la loi organique. Il a noté que les décisions rendues par le Conseil constitutionnel avaient, parfois, montré que les réticences sénatoriales étaient juridiquement fondées.
L'Assemblée nationale avait effectivement souhaité, lors de la révision constitutionnelle, que l'avis procède d'un vote commun, mais tel n'avait finalement pas été le choix du constituant : la Constitution prévoit bien des votes séparés. En pratique, les votes n'ont pas lieu au même moment à l'Assemblée nationale et au Sénat puisque les auditions ne peuvent être simultanées.
M. Jean-Luc Warsmann, président, a rappelé que la décision rendue par le Conseil constitutionnel sur la modification du Règlement du Sénat en 1973 avait été fondée sur le respect de la hiérarchie des normes, car de telles exceptions relèvent de la loi organique. La modification à laquelle il est proposé de procéder, à l'article 3 du projet de loi organique, s'inscrit bien dans ce cadre juridique et ne soulève donc aucune difficulté constitutionnelle, comme le rapporteur pour l'Assemblée nationale l'a bien souligné : le principe général posé par l'article 27 de la Constitution demeure l'absence de délégation, même si l'on peut y introduire des exceptions par la loi organique.
M. Pierre Fauchon, sénateur, s'est déclaré surpris que ne puissent être acceptées des modalités de vote différentes dans les deux assemblées, au motif qu'il s'agit d'un même scrutin. En effet, chaque assemblée se caractérise par une « culture » et un mode de fonctionnement différents, ce qui peut justifier des procédures de vote distinctes. Sur le fond, on peut considérer qu'il est important d'avoir participé à l'audition de la personne dont on est appelé à juger de la capacité à occuper les fonctions envisagées ; l'audition est un élément déterminant du choix du parlementaire. Toutefois, cet argument, en général pertinent, est ici sans portée, car entre le moment où le projet de nomination de la personne sera connu et le moment de son audition, il s'écoulera plusieurs jours, voire plusieurs semaines ; or, de nombreuses informations relatives à cette personne seront, dans l'intervalle, parvenues aux parlementaires. Le jugement et le vote de ces derniers seront donc tout autant déterminés par ces éléments que par l'impression laissée par l'audition, qui peut être trompeuse dans certains cas. Par conséquent, il convient d'en rester au droit commun, qui permet à un parlementaire de déléguer son vote.
M. Jean-Jacques Urvoas, député, a rappelé que rien dans la Constitution, ni dans les travaux préparatoires de celle-ci, n'imposait des procédures identiques : les deux points de vue sont donc juridiquement défendables. En revanche, le rapport de M. Patrice Gélard indique que la décision rendue, le 13 mai 1973, par le Conseil constitutionnel, interdirait à la loi organique de restreindre les possibilités de délégations de vote. Or, cette décision dit exactement l'inverse : seule une loi organique, et non le Règlement d'une assemblée, peut restreindre ces possibilités.
M. Jean-Jacques Hyest, vice-président, a souligné que le Conseil constitutionnel n'admettait que la restriction de ces possibilités, alors que le texte adopté par l'Assemblée nationale crée une interdiction, ce qui est différent.
M. Guy Geoffroy, député, soulignant qu'il avait été affirmé que la règle fixée par le Constitution consistait en la possibilité laissée aux parlementaires de déléguer leur droit de vote, a estimé que le troisième alinéa de l'article 27 de la Constitution précisait au contraire que la loi organique ne peut autoriser qu'exceptionnellement la délégation du droit de vote. Le principe général est donc l'absence de délégation, même si la Constitution charge la loi organique de définir les conditions dans lesquelles, à titre exceptionnel, la délégation est possible. L'article 3 adopté par l'Assemblée nationale s'inscrit exactement dans ce cadre. On ne peut prétendre que la Constitution fixe un principe général selon lequel la délégation de vote est autorisée : elle énonce une impossibilité de principe, assortie d'éventuelles exceptions prévues par une loi organique. Il a donc contesté la lecture erronée, par le Sénat, de l'article 27 de la Constitution.
M. Jean-Jacques Hyest, vice-président, a appelé à ne pas confondre les motifs permettant de fonder la délégation de vote, selon les termes de la Constitution, et la nature des votes concernés, qui n'y est pas limitée. La seule exception prévue par la Constitution concerne la Haute Cour. Le Règlement de l'Assemblée nationale elle-même - ou l'Instruction générale de son Bureau, laquelle n'est pas soumise au Conseil constitutionnel - autorise des délégations de vote, dans les cas prévus par la loi organique. Il s'agit, notamment, des situations où un parlementaire est matériellement empêché de voter : dans un tel cas, priver le parlementaire de son droit de vote serait absolument contraire à la Constitution ! L'argumentation qui venait d'être exposée par M. Guy Geoffroy ne lui paraissait pas, pour cette raison, pertinente.
M. Jean-Luc Warsmann, président, a estimé que les principaux arguments concernant cet article avaient été échangés et a pris acte de l'existence d'une claire divergence entre les députés et les sénateurs à ce sujet. Il a donc décidé qu'il convenait de mettre un terme à cette discussion et de passer au vote sur l'article 3 du projet de loi organique.
La commission mixte paritaire a ensuite rejeté, par égalité des voix, tant le texte de l'Assemblée nationale que le texte du Sénat sur l'article 3 du projet de loi organique relatif à l'application du cinquième alinéa de l'article 13 de la Constitution, et constaté qu'elle ne pouvait parvenir à élaborer un texte commun.