Jeudi 26 novembre 2009
- Présidence de Mme Michèle André, présidente -Conseillers territoriaux - Echange de vues
Mme Michèle André, présidente, a indiqué que la commission des lois venait, à sa demande, de saisir la délégation sur la réforme des collectivités territoriales, en raison de l'impact des nouveaux modes de scrutin envisagés sur l'égal accès des hommes et des femmes aux mandats électifs.
Elle a précisé que cette saisine portait sur le projet de loi n° 61 (2009-2010) relatif à l'élection des conseillers territoriaux et au renforcement de la démocratie locale ainsi que sur le projet de loi organique n° 62 (2009-2010) relatif à l'élection des membres des conseils des collectivités territoriales et des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI).
Elle a relevé cependant que ces deux projets de loi n'étaient pas dissociables d'une réforme qui constitue un tout, dans la mesure où, comme le souligne la saisine de la commission des lois, ceux-ci tirent les conséquences en matière électorale des articles 1er et 2 du projet de loi n° 60 (2009-2010) de réforme des collectivités territoriales. Aussi a-t-elle estimé que la délégation et ses membres devraient intervenir dès le lancement de la discussion de cette réforme. A ce titre, elle a invité les membres de la délégation à participer au débat d'orientation organisé par la commission des lois le mercredi 2 décembre prochain.
Evoquant le contexte dans lequel s'engageait cette discussion cruciale pour l'avenir de la « parité », elle a rappelé les deux incidents qui ont ponctué les premiers contacts avec les ministres en charge de défendre le projet de loi devant le Parlement.
Elle a indiqué d'abord qu'elle avait, avec plusieurs autres membres de la délégation, participé à l'audition au cours de laquelle la commission des lois avait entendu, le 28 octobre 2009, M. Brice Hortefeux, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales, M. Alain Marleix, secrétaire d'Etat à l'intérieur et aux collectivités territoriales, auprès du ministre de l'Intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales, et M. Michel Mercier, ministre de l'espace rural et de l'aménagement du territoire. Elle a rappelé que de nombreux participants à cette réunion avaient été surpris que les questions relatives à l'impact du projet de loi sur l'égal accès des hommes et des femmes aux mandats locaux et, en particulier, au mandat de conseillers territoriaux, soient restées sans réponse, ajoutant qu'elle avait en conséquence adressé, avec Mme Jacqueline Panis, première vice-présidente, un courrier au ministre de l'intérieur pour regretter de n'avoir pas mieux été écoutées.
Elle a estimé que la réponse du ministre de l'intérieur à cette lettre ne lui paraissait pas témoigner d'une volonté de faire évoluer les dispositions du projet de loi.
Evoquant ensuite la réunion organisée, le 10 novembre 2010, au ministère de l'intérieur à laquelle elle s'était rendue avec Mme Jacqueline Panis, Mme Michèle André, présidente, a indiqué qu'elle leur avait permis ainsi qu'à Mmes Marie-Jo Zimmermann et Danielle Bousquet, respectivement présidente et vice-présidente de la délégation aux droits des femmes de l'Assemblée nationale, d'exprimer au ministre leur crainte commune que le mode de scrutin envisagé pour l'élection des conseillers territoriaux ne se traduise par une régression en matière de parité, et qu'elles avaient été d'autant plus surprises que celui-ci ait pris l'initiative, avant même la fin de la réunion, de diffuser un communiqué de presse expliquant que le projet de loi allait, au contraire, faciliter l'accès des femmes aux mandats locaux.
Elle a invité la délégation à privilégier, dans la désignation d'un rapporteur, un choix qui garantisse la plus grande efficacité politique possible.
Partant du constat que la proportion des femmes était respectivement de 13 % dans les conseils généraux et de 47 % dans les conseils régionaux, M. Yannick Bodin a considéré qu'un écart de cette importance témoignait à quel point le choix du mode de scrutin influait sur l'égal accès des hommes et des femmes aux mandats électifs, dans un sens favorable s'agissant du scrutin de liste, et dans un sens défavorable dans le cas du scrutin uninominal majoritaire.
Il s'est demandé ensuite dans quelle mesure les dispositions de la loi du 31 janvier 2007, qui étendent à la composition des exécutifs régionaux l'obligation de parité, pourraient continuer de s'appliquer aux nouveaux conseils territoriaux, dès lors que leur composition par sexe serait trop inégale. Il a estimé en effet que, dès lors qu'il recourait au scrutin uninominal à un tour pour l'élection de 80 % des futurs conseillers territoriaux, le projet de loi se traduirait par une forte diminution de la place des femmes dans les assemblées régionales.
Evoquant ensuite les autres leviers susceptibles de favoriser l'accès des femmes aux mandats électoraux, il a d'abord estimé que, comme l'expérience le montrait, l'on ne pouvait s'en remettre à la volonté des partis politiques. Il a ajouté qu'il conviendrait de tirer un bilan de l'efficacité du dispositif de la loi du 31 janvier 2007 qui impose actuellement que, dans les élections cantonales, le candidat et le suppléant soient de sexe différent, avant de recommander son application au futur scrutin pour l'élection des conseillers territoriaux.
Doutant que le projet de loi favorise effectivement « l'égal accès des hommes et des femmes aux mandats électoraux et aux fonctions électives », comme le prévoit l'article premier de la Constitution, il s'est demandé dans quelle mesure un projet de loi qui se traduirait par une régression de la parité pourrait cependant être considéré comme conforme à la Constitution.
Il a estimé, enfin, qu'il y avait quelque chose de désobligeant pour les femmes à mettre en balance les dispositions du projet de loi favorisant leur place dans les scrutins municipaux et celles qui les feront régresser dans les conseils territoriaux.
Mme Sylvie Desmarescaux a estimé que les lois garantissant l'égal accès des hommes et des femmes aux mandats électifs avaient permis à de nombreuses femmes d'accéder enfin à des mandats électoraux et d'être élues, tout en déplorant que le recours à la loi ait été nécessaire pour forcer les partis politiques à leur faire une place. Elle a invité la délégation à formuler des recommandations fortes pour défendre la parité dans les conseils territoriaux et souhaité que celles-ci soit effectivement entendues.
Mme Gisèle Printz a estimé que le projet de loi n'avait manifestement pas pris en compte, au moment de son élaboration, la question de la place des femmes dans les conseils territoriaux et qu'il appelait en conséquence à une forte mobilisation pour inviter le Gouvernement à y remédier.
Déclarant partager les analyses de M. Yannick Bodin, M. Roland Courteau a estimé que le projet de loi portait atteinte à une parité qui était en train de devenir une réalité effective dans les actuels conseils régionaux. Il a tenu à saluer les initiatives prises par la présidente et la première-vice présidente de la délégation et a jugé critiquable l'attitude des ministres concernés face aux préoccupations qu'elles avaient exprimées.
Mme Françoise Laborde a relevé que la réforme des collectivités territoriales se traduirait par une réduction importante du nombre des conseillers territoriaux par rapport à l'effectif actuel des conseillers régionaux et des conseillers généraux, et que la concurrence accrue que celle-ci entraînerait lors des élections de 2014 risquait de jouer, a priori, dans un sens défavorable aux femmes. Elle a souhaité que la délégation soit attentive aux arguments indiquant que la réforme envisagée serait susceptible de poser un problème de constitutionnalité au regard du principe d'égal accès posé par l'article premier de la Constitution.
Saluant la qualité des travaux effectués par l'Observatoire de la parité, Mme Michèle André, présidente, a regretté que ce remarquable outil, dont elle a rappelé qu'il était placé auprès du Premier ministre, ne soit toujours pas reconstitué alors qu'il pourrait apporter sur ces questions un appui précieux au Gouvernement. Elle a ajouté qu'elle avait invité M. Xavier Darcos, ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville, et Mme Nadine Morano, secrétaire d'Etat chargée de la famille et de la solidarité, à l'occasion de leur audition devant la délégation, à faire enfin aboutir la reconstitution de cet organisme.
Mme Jacqueline Panis a jugé d'autant plus regrettable l'absence de réponse aux questions posées par les sénatrices lors de l'audition de la commission des lois du 28 octobre que la proportion des parlementaires des deux sexes présents en cette fin de réunion fournissait alors une vivante illustration de la parité. Elle a jugé indispensable une évolution des mentalités pour que ce sujet soit traité avec l'attention qu'il mérite. Elle s'est demandé, après en avoir débattu avec son groupe, dans quelle mesure la position de la délégation ne serait pas plus forte si elle désignait sur ce projet de loi deux co-rapporteurs de sensibilité politique différente.
Mme Michèle André, présidente, a souhaité que l'ensemble des sensibilités politiques représentées au sein de la délégation joignent leurs forces et a estimé que la suggestion de Mme Jacqueline Panis méritait une réflexion. Elle a invité les membres de la délégation appartenant à la commission des lois à participer activement à ce débat, tout en estimant qu'il était préférable, comme dans le cas des dispositions relatives à la retraite des mères de famille inscrites dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS), que le rapporteur de la délégation ne soit pas issu de la commission saisie au fond. Elle s'est demandé, dans l'hypothèse où la délégation se dirigerait vers la désignation de deux co-rapporteurs, s'il ne conviendrait pas, alors, de désigner un binôme comportant une sénatrice et un sénateur. Elle a ajouté que, sur un sujet de cette importance, elle était naturellement à la disposition de la délégation pour assurer cette fonction de rapporteur.
Mme Françoise Laborde a estimé que, dans l'hypothèse où la délégation désignerait deux rapporteurs de sexe différent, il conviendrait de se montrer très attentif à ce qu'aucune hiérarchie, même apparente, ne joue au détriment de la sénatrice.
M. Yannick Bodin a jugé utile de montrer, en nommant un sénateur comme rapporteur, que l'égal accès aux mandats politiques était un combat qui n'intéressait pas seulement les femmes.
Mme Françoise Laborde a proposé à la délégation de diffuser des communiqués de presse communs, cosignés par la totalité des membres de la délégation, pour manifester son unité.
Mme Michèle André, présidente, et Mme Jacqueline Panis, première vice-présidente, ont invité les membres de la délégation à relayer, dans leurs départements respectifs et auprès des associations, les préoccupations de la délégation.
Abordant le calendrier prévisionnel de la délégation, elle a annoncé l'audition prochaine, le 3 décembre 2009, de M. Jacques Bourdon, professeur de droit public à l'Institut d'études politiques de l'Université d'Aix-Marseille III. Elle a signalé son intention d'interroger le Gouvernement dans le cadre des questions d'actualité au cours de la séance de l'après-midi.
Elle a également indiqué qu'elle présenterait le projet de rapport d'activité de la délégation consacré, notamment, au thème des « femmes dans les lieux privatifs de liberté » au cours d'une réunion fixée au jeudi 10 décembre prochain et qu'elle proposait d'en présenter les conclusions et les recommandations lors d'une conférence de presse le mercredi 16 décembre ; à l'issue de celle-ci, elle inviterait les membres de la délégation de participer, au cours d'un déjeuner, à un échange sur les futurs travaux de la délégation.
Elle a enfin annoncé son intention de convier, le mercredi 13 janvier 2010, à une réunion de voeux pour le Nouvel An, un certain nombre d'associations de défense des droits des femmes.
En conclusion, elle a rapporté les propos que lui avait un jour tenus le président François Mitterrand : celui-ci estimait, dans les années quatre-vingt-dix, qu'il faudrait encore deux générations pour parvenir à une égalité parfaite entre les hommes et les femmes à condition, soulignait-il, que l'on ne change pas de cap. Elle a regretté qu'il y ait en France un certain nombre d'hommes politiques qui continuent de freiner ce mouvement et que la France soit plutôt en retard en matière de parité, y compris par rapport à des Etats du Sud comme la Mauritanie ou le Rwanda, comme le montrait une étude réalisée dans l'espace francophone.