Jeudi 7 mai 2009
- Présidence de Mme Michèle André, présidente -Les femmes dans les lieux privatifs de liberté - Audition de Mme Marie-Paule Héraud, présidente de l'Association nationale des visiteurs de prison (ANVP) et de Mme Michelle Touvron, visiteuse et correspondante de l'Association nationale des visiteurs de prison à la maison d'arrêt des femmes de Versailles
Après avoir rappelé le contexte dans lequel s'inscrivait leur audition, Mme Michèle André, présidente, a demandé à Mme Marie-Paule Héraud, présidente de l'Association nationale des visiteurs de prison (ANVP) et à Mme Michelle Touvron, visiteuse et correspondante de l'Association nationale des visiteurs de prison à la maison d'arrêt des femmes de Versailles, de présenter rapidement l'association, ses missions, ses moyens et les relations qu'elle entretient avec l'administration pénitentiaire, puis de préciser la perception qu'elles avaient de la population carcérale féminine, de ses conditions d'incarcération, et de la façon dont s'effectuait sa réinsertion.
Mme Marie-Paule Héraud a rappelé que l'ANVP avait été fondée en 1932 par des membres de la conférence de Saint-Vincent-de-Paul, et qu'elle était aujourd'hui une association reconnue d'utilité publique qui développait son action sur les principes du bénévolat et de la laïcité, rassemblait 1 300 membres, dont plus de 1 000 visiteurs de prisons et disposait ainsi d'un correspondant par prison, ce qui lui permet d'intervenir dans tous les établissements pénitentiaires de métropole et d'outre-mer. Elle a précisé que l'organisation de l'ANVP était articulée autour de neuf délégués régionaux, de façon à correspondre aux neuf directions interrégionales de l'administration pénitentiaire. Elle a signalé que la subvention attribuée par l'administration pénitentiaire ne couvrait pas la rémunération des deux salariées - dont l'une à mi-temps - de l'ANVP qui dispose par ailleurs, en tant qu'association reconnue d'utilité publique et agréée en tant qu'association nationale de jeunesse et d'éducation populaire, de ressources et de dons divers mais dont l'action repose essentiellement sur le bénévolat.
Elle a précisé à Mme Michèle André, présidente, que l'association comptait autant de femmes que d'hommes, mais que les femmes ne représentaient que trois des vingt-et-un membres du conseil d'administration, même si sa présidence était cependant assurée par une femme.
Evoquant les caractéristiques des 2 300 femmes en détention, qui représentent 3,5 % de la population carcérale en France, contre 8 % en Espagne et 10 % au Portugal, elle a ensuite rappelé que les femmes bénéficiaient, en France, d'un taux d'acquittement supérieur d'environ la moitié à celui des hommes, particulièrement pour les petits délits, mais que celles qui avaient commis des crimes graves étaient en revanche lourdement sanctionnées. Elle a également indiqué que la France comptait 64 quartiers réservés aux femmes dans des établissements pénitentiaires majoritairement masculins ainsi que trois établissements pour peine spécifiques aux femmes (Rennes, Bapaume et Joux la Ville) : elle a souhaité une augmentation du nombre des établissements pour des raisons de proximité géographique, souhaitant qu'un amendement en ce sens puisse compléter le projet de loi pénitentiaire.
Elle a ensuite dressé le profil des femmes incarcérées : leur âge se situait majoritairement entre 20 et 40 ans ; elles étaient extrêmement désocialisées ; la moitié d'entre elles avaient au moins un enfant, et le tiers d'entre elles en assuraient seules la charge avant leur incarcération. Elle a ajouté que celles-ci faisaient le plus souvent preuve de manque de maturité et d'autonomie et avaient d'ailleurs souvent été sous l'emprise d'un conjoint ou d'un concubin ; en outre, elles avaient fréquemment été victimes de violences. Elles se caractérisaient également par un faible taux de qualification scolaire ou professionnelle. Enfin, 20 % d'entre elles étaient d'origine étrangère, ce qui soulevait un problème de barrière linguistique pour les visiteurs, et pouvait aussi susciter une forme de mise à l'écart de la part des autres détenues. Cet isolement frappait d'ailleurs plus encore celles qui étaient coupables d'inceste ou d'infanticide.
Revenant sur les motifs de l'incarcération des femmes, Mme Michelle Touvron a précisé que c'était souvent à l'instigation de leur compagnon que les femmes commettaient des crimes de sang, et que ceux-ci frappaient davantage le cercle familial qu'ils ne relevaient du grand banditisme.
Mme Marie-Paule Héraud a précisé que 63 % des condamnations de femmes pour homicide se rattachaient à une victime mineure, ce qui inclut les infanticides, et que 17 % des femmes étaient condamnées pour des atteintes à l'un des membres de leur famille. Par ailleurs, elle a signalé que 20 % des viols et des agressions sexuelles commis par des femmes l'étaient sur des garçons qui pouvaient être leurs fils. Mme Michèle André, présidente, a relevé que cette dernière constatation allait au rebours des idées reçues.
Mme Gisèle Gautier a cité le cas d'une femme qui avait été condamnée pour ses activités à la tête d'un réseau à caractère à la fois sexuel et lucratif, dans la zone d'Angers.
Mme Michelle Touvron a distingué les incestes commis par les femmes de ceux commis par les hommes : chez ces derniers, le rôle de la pulsion sexuelle était déterminant, alors que les violences commises par les femmes dénotaient souvent une volonté de nuire et de prendre une revanche ; très souvent d'ailleurs ces femmes avaient elles-mêmes subi des agressions sexuelles.
Mme Marie-Paule Héraud et Mme Michelle Touvron ont ensuite dénoncé le recours systématique aux fouilles à corps, pratiquées dans les diverses circonstances de la vie carcérale, et dont elles ont estimé qu'elles constituaient des atteintes à la dignité des femmes ; ces fouilles corporelles qui passaient par la mise à nu de la détenue étaient ressenties très vivement par les femmes, tout particulièrement lorsqu'elles avaient été victimes, dans le passé, de sévices sexuels ; il était humiliant pour les femmes âgées d'être fouillées par des gardiennes plus jeunes. Elles ont souhaité que l'administration pénitentiaire renonce au caractère systématique de ces pratiques dont elles ont, au demeurant, souligné l'efficacité très limitée, et qui constituaient bien souvent une humiliation inutile.
Précisant que ces fouilles intervenaient après tout contact d'une détenue avec un intervenant extérieur à la prison, avocat ou visiteur, Mme Michelle Touvron a décrit à Mme Gisèle Gautier les modalités de ces fouilles qui supposent, après un déshabillage complet, de se présenter et de se baisser jambes écartées, précisant que celles-ci n'étaient pas nécessairement effectuées dans des endroits clos et soustraits aux regards.
Mme Michèle André, présidente, a rappelé que cette question délicate avait été abordée lors de la discussion du projet de loi pénitentiaire.
Elle a également relevé l'hypersensibilité dont faisaient souvent preuve les femmes détenues qui avaient subi des agressions.
A Mme Bernadette Dupont qui, revenant sur le milieu social très défavorisé auquel appartiennent en général les femmes détenues, a souhaité savoir si la présence de plusieurs membres d'une même famille en prison était fréquente, Mme Marie-Paule Héraud a répondu qu'il arrivait que des soeurs ou des tantes et nièces soient incarcérées en même temps, mais qu'il était peu fréquent que l'on trouve, à la fois, une mère et sa fille. Elle a relevé que la présence en prison de plusieurs générations d'une même famille était, en revanche, plus fréquente chez les hommes. Elle a aussi évoqué le cas d'une famille dont la mère et le père étaient incarcérés pour inceste et dont plusieurs fils s'étaient également retrouvés en prison pour vol.
Mme Muguette Dini a demandé aux intervenantes s'il y avait une relation de cause à effet mécanique entre le fait d'avoir des parents en prison et une éventuelle incarcération future des enfants.
Mme Michelle Touvron a considéré que les enfants avaient tendance à reproduire le comportement de leurs parents et que ce phénomène était aggravé dans les cas de parents chômeurs, de familles itinérantes et aussi, aujourd'hui, de familles vivant dans les grands ensembles urbains.
Mme Bernadette Dupont s'est demandé si la prison ne pouvait pas apparaître à certains comme un refuge, citant l'exemple d'un homme commettant régulièrement de petits délits pour pouvoir retourner en prison afin d'y être pris en charge et d'échapper à la solitude.
Mme Michelle Touvron a expliqué que certaines femmes, sans domicile fixe et confrontées à la violence et à la dureté de la rue, pouvaient trouver une sécurité en prison et se « refaire une santé ».
Sur ce sujet Mme Michèle André, présidente, a cité les propos tenus par le médecin psychiatre du centre pénitentiaire de Rennes, qui avait expliqué aux membres de la délégation, lors de leur visite, que certaines femmes, intégralement prises en charge par l'administration pénitentiaire dans le cadre de très longues peines, appréhendaient très fortement le retour à la vie libre au moment de leur sortie et n'avaient plus aucun repère.
Mme Michelle Touvron a estimé que le fait de décharger les détenues de toute prise de décision pouvait en effet déboucher sur une forme d'infantilisation pour les femmes condamnées à de très longues peines.
Mme Joëlle Garriaud-Maylam a considéré qu'un plus grand investissement dans les programmes de réadaptation, d'accompagnement à la sortie et de réinsertion, serait souhaitable.
Mme Michèle André, présidente, et Mme Gisèle Gautier sont convenues de l'intérêt présenté par les ateliers permettant aux détenues de se former à l'intérieur des prisons, tout en regrettant que les détenues n'aient pas la possibilité de prendre des initiatives personnelles.
Reprenant des considérations formulées dans un autre contexte par le Dr. Xavier Emmanuelli, Mme Joëlle Garriaud-Maylam s'est interrogée sur le cercle vicieux qui peut conduire les détenues à s'habituer en quelque sorte à la misère et à perdre la volonté et même le désir d'en sortir. Elle s'est demandé dans quelle mesure, même si l'inconfort des prisons est régulièrement dénoncé, certaines détenues ne finissaient pas par y trouver, paradoxalement, un certain confort par rapport à l'extérieur.
En réponse à Mme Muguette Dini qui l'interrogeait sur le rythme d'activité des visiteurs de prisons, Mme Michelle Touvron a indiqué qu'ils disposaient de plages horaires fixes, où les visites étaient autorisées, tous les jours de la semaine, excepté le samedi et le dimanche, entre 8 h 30 et 11 h 30 et entre 14 heures et 17 heures. Par ailleurs, elle a précisé que l'association demandait aux visiteurs de prison de consacrer à leurs visites au moins une demi-journée par semaine, pour leur permettre de rencontrer régulièrement les détenus, et d'établir avec eux une relation suivie. Elle a ajouté que certains visiteurs, disposant de plus de temps, rencontraient des détenus deux ou trois fois par semaine.
Mme Bernadette Dupont a souhaité savoir la proportion des détenus qui pouvaient rencontrer des visiteurs de prison.
Mme Michelle Touvron a indiqué qu'elle s'occupait, à la maison d'arrêt des femmes de Versailles, de l'accueil des détenues, et qu'elle rencontrait donc, individuellement, chaque arrivante, à qui elle présentait l'ANVP, lui indiquant qu'elle pouvait bénéficier d'une visiteuse de prison.
Elle a précisé à M. Yannick Bodin que les détenues entrant en prison pour la première fois hésitaient au premier abord à demander de bénéficier d'une visiteuse, mais que les autres répondaient très vite, dans un sens ou dans l'autre.
Elle a ensuite indiqué que, en cas d'accord de l'arrivante, elle s'enquérait, auprès du conseiller d'insertion et de probation, des éventuels antécédents psychiatriques des détenues ou des situations particulièrement sensibles, sans pour autant lui demander de dévoiler la teneur du dossier, de façon à orienter les détenues difficiles vers des visiteuses expérimentées. Elle a rappelé que les détenues n'étaient pas tenues de poursuivre un engagement pris auprès d'une visiteuse et qu'elles pouvaient demander à interrompre les visites à tout moment.
Mme Marie-Paule Héraud a souligné le caractère particulier et relativement nouveau des quartiers entrants décrits par Mme Michelle Touvron, indiquant que l'association essayait d'y être systématiquement présente pour pouvoir rencontrer tous les entrants. Elle a indiqué que, dans la majorité des autres établissements, les services pénitentiaires d'insertion et de probation décidaient et attribuaient aux visiteurs de prison les détenus à rencontrer mais que, en revanche, les visiteurs n'avaient pas la possibilité de demander à rencontrer tous les détenus.
Mme Joëlle Garriaud-Maylam a interrogé les intervenantes sur la présence de leur association au-delà des frontières pour visiter les détenus français incarcérés à l'étranger, souvent confrontés à un fort isolement.
Mme Michelle Touvron a évoqué l'association Français Incarcérés au Loin (FIL), comprenant notamment des avocats, et disposant de nombreux relais à l'étranger, mais dont elle a indiqué ne pas être sûre qu'elle existât encore.
Sur ce sujet, Mme Christiane Kammermann a rappelé que, dans tous les consulats, des personnes - souvent les consuls ou les vice-consuls eux-mêmes - s'occupaient des Français incarcérés à l'étranger, leur rendaient visite, établissaient un contact avec les familles et s'en occupaient de manière efficace.
Mme Joëlle Garriaud-Maylam a estimé que, s'il était de la responsabilité des consulats, en application de la convention de Vienne, de prendre en charge les Français incarcérés à l'étranger, leurs services étaient souvent surchargés et qu'il existait donc un réel besoin de visiteurs de prison.
Mme Marie-Paule Héraud a indiqué que l'ANVP avait récemment mis en place un pôle Europe, de façon à répertorier les visiteurs ou accompagnateurs dans les différents pays d'Europe, dans la perspective de se doter d'un réseau de correspondants.
Ayant insisté sur la charge lourde et sensible que représentait leur activité, Mme Gisèle Gautier a souhaité savoir si les visiteurs de prison disposaient d'une formation spécifique.
Mme Marie-Paule Héraud a indiqué que l'adhésion à l'ANVP n'était pas une condition pour recevoir l'agrément de l'administration pénitentiaire et être visiteur de prison. Elle a expliqué que l'ANVP essayait cependant d'avoir un maximum d'adhérents afin que les visiteurs puissent disposer d'une formation initiale et d'une formation continue, et qu'ils puissent adhérer à une charte déontologique. Elle a ensuite précisé que la formation initiale était dispensée par l'ANVP, soit pendant la période de constitution du dossier, en attente d'obtention de l'agrément par l'administration pénitentiaire, qui peut aller de six mois à un an, soit pendant les six premiers mois d'activité. Elle a ajouté que la formation continue consistait en des formations à l'écoute, des formations à l'accompagnement, des formations de prévention du suicide, des formations sur les dépendances.
A Mme Françoise Laborde, qui demandait des précisions sur les visiteurs autonomes, en marge de l'ANVP, Mme Marie-Paule Héraud a répondu que l'ANVP avait passé une convention avec l'administration pénitentiaire, qui leur avait octroyé 10 000 euros pour assurer la formation initiale de tous les visiteurs en France, qu'ils soient membres ou non de l'association. Elle a néanmoins regretté que certains visiteurs refusent toute formation, rappelant que, en Allemagne ou en Suisse par exemple, la formation était obligatoire.
Mme Marie-Paule Héraud a ensuite indiqué à M. Yannick Bodin que l'ANVP comptait environ 1 000 visiteurs de prison et a estimé qu'environ 500 visiteurs n'en étaient pas membres, précisant néanmoins que l'administration pénitentiaire n'était pas en mesure de donner le nombre exact de visiteurs.
A Mme Muguette Dini, qui a souhaité connaître leur âge moyen, Mme Marie-Paule Héraud a indiqué que les visiteurs de prison étaient, en majorité, des personnes retraitées, compte tenu de la disponibilité qu'imposaient les créneaux horaires autorisés par l'administration pénitentiaire. Elle a également indiqué que, dans les établissements récents et entièrement automatisés, la durée des visites pouvait être limitée à une demi-heure ou trois-quarts d'heure. Elle a précisé qu'il existait une limite d'âge pour les visiteurs, fixée à 75 ans, tandis que les plus jeunes avaient environ trente ans.
Elle a également indiqué à Mme Bernadette Dupont, qui lui demandait si le nombre de bénévoles avait tendance à diminuer, que l'ANVP avait vu ses membres progresser de 20 % en deux ans.
Mme Gisèle Gautier a ensuite souhaité connaître les principales doléances recueillies par les visiteurs de prison auprès des détenues.
Mme Marie-Paule Héraud a estimé que la perte du lien avec l'enfant était, dans la plupart des cas, au centre des préoccupations des détenues lorsqu'il leur avait été retiré ou lorsqu'elles restaient parfois jusqu'à un an sans pouvoir le voir. Elle a également précisé que le droit de visite de la famille pour les prévenues pouvait être exercé quatre fois par semaine mais une seule fois pour les condamnées. En pratique, la fréquence des visites dépendait largement des familles d'accueil des enfants.
Elle a estimé que la généralisation des unités de vie familiale, qui permettent à des détenues de vivre pendant deux jours avec leurs enfants, devrait permettre de maintenir ces liens tout en remarquant que certaines détenues avaient parfois peur de revoir leurs enfants et d'être confrontées à une période de vie commune.
Mme Marie-Paule Héraud a considéré que la famille restait la valeur de référence pour les femmes détenues, et que celles-ci s'inquiétaient de ce qu'il subsisterait de ces liens familiaux lorsqu'elles sortiraient de prison.
Mme Michelle Touvron a insisté sur la crainte, éprouvée par les détenues, du jugement de leurs enfants, et notamment des plus âgés.
Mme Marie-Paule Héraud a salué, à ce sujet, la possibilité offerte aux femmes de confectionner en prison des objets destinés à leurs enfants, soulignant le rôle important joué par l'Association Relais Enfants Parents, dont les membres ont le droit de sortir ces objets de prison, permettant, à travers ces cadeaux, de maintenir le lien familial. Elle a également indiqué que cette association pouvait également accompagner la visite des enfants aux femmes incarcérées et jouer un rôle de médiation utile.
Mme Gisèle Gautier a demandé aux deux intervenantes si, au-delà de l'écoute, elles pouvaient être amenées à jouer un rôle de conseil.
Mme Marie-Paule Héraud a estimé que les visiteurs devaient se limiter à des conseils, qui relevaient du bon sens ou de l'échange, en veillant à ne pas s'immiscer dans les missions spécifiques du travailleur social, de l'avocat, du psychiatre ou de l'aumônier.
Abordant la question de la santé, Mme Michelle Touvron a indiqué que les femmes qui découvraient leur grossesse pendant leur incarcération étaient généralement transférées à Fleury-Mérogis, le service médical n'étant pas suffisant à la maison d'arrêt de Versailles pour quatre-vingts détenues. Elle a ajouté qu'en cas d'urgence à la maison d'arrêt de Versailles, le seul recours était d'appeler les pompiers pour un transfert vers l'hôpital le plus proche.
Pour répondre à Mme Gisèle Gautier, elle a fait état de nombreuses tentatives de suicide et d'automutilations, soulignant qu'elles ne traduisaient pas toujours une volonté de mourir mais plutôt des appels au secours. Elle a précisé que ces automutilations prenaient généralement la forme d'entailles sur les bras, souvent en forme de croix, et laissant de nombreuses cicatrices. Elle a souligné que, en dépit des contrôles et de certaines interdictions, il était toujours possible de tenter de se suicider avec les objets présents dans une cellule.
Elle a également indiqué que la maison d'arrêt de Versailles comprenait des cellules de six détenues, d'environ vingt-deux à vingt-quatre mètres carrés, avec un seul cabinet de toilettes. Elle a par ailleurs souligné que, souvent par manque de travail et d'activités mises à leur disposition, les détenues restaient dans leur cellule, dont le sol était occupé par un matelas supplémentaire en cas de surpopulation, et qu'elles refusaient souvent la promenade, cantonnée à un couloir de cinq mètres de large sur vingt mètres de long entre deux hauts murs par peur des règlements de comptes qui s'y déroulaient parfois. Elle a aussi précisé que la maison d'arrêt des femmes de Versailles ne disposait pas de véritable terrain de sport, mais d'une simple cour utilisée pour le volley ball.
Mme Michelle Touvron a également fait état de la déstructuration subie par les détenues incarcérées pour de longues peines, citant l'exemple du rétrécissement de la vue et de la perte de repères, constituant souvent une difficulté supplémentaire au moment de la sortie.
Mme Marie-Paule Héraud a déploré que la formation professionnelle et l'activité soient quasiment inexistantes pour les femmes en prison.
Mme Gisèle Gautier a souligné que, une fois libérées, les femmes risquaient de se retrouver dans la même situation précaire qu'avant leur incarcération, ce qui pouvait expliquer une récidive importante concernant les petits délits.
Mme Michèle André, présidente, a ensuite interrogé les intervenantes sur les conditions de travail des services pénitentiaires d'insertion et de probation dans les quartiers de femmes.
Mme Marie-Paule Héraud a déploré le peu de moyens dont disposaient les services sociaux, chaque travailleur social devant traiter entre soixante et cent dossiers de détenus, sans compter les dossiers des personnes laissées en milieu ouvert.
Mme Michelle Touvron a noté que certaines associations intervenaient également dans la réinsertion des anciens détenus mais qu'elles ne disposaient, elles aussi, que de moyens très limités.
Mme Marie-Paule Héraud a évoqué le problème des sorties sèches de prison, dans la précipitation et sans préparation, qui se heurtaient souvent à la difficulté de trouver un logement, les foyers d'hébergement étant souvent complets. Elle a précisé que, dans chaque établissement pénitentiaire, une association socioculturelle essayait de trouver des solutions provisoires au cas par cas.
Mme Gisèle Gautier a ensuite souhaité savoir si les revendications de l'ANVP étaient prises en compte par leurs différents interlocuteurs au sein de l'administration pénitentiaire.
Mme Marie-Paule Héraud a indiqué aux membres de la délégation que les premiers interlocuteurs de l'ANVP étaient le chef d'établissement et le directeur du service pénitentiaire d'insertion et de probation, puis que les délégués régionaux pouvaient intervenir au niveau de la direction régionale de l'administration pénitentiaire et que, enfin, en dernier recours, la présidente de l'association pouvait s'adresser à la direction de l'administration pénitentiaire pour les situations graves. Elle a toutefois souligné que les problèmes devaient la plupart du temps trouver une solution au niveau local, regrettant que cela soit rendu difficile par les changements fréquents de chefs d'établissement, ces changements présentant, en outre, l'inconvénient d'entraîner une modification des règles applicables au sein de l'établissement ou encore une refonte du règlement intérieur.
Mme Michelle Touvron a d'ailleurs ajouté que, en France, les détenus changeaient souvent d'établissement, même dans le cas de détentions provisoires, et que la variété des règlements intérieurs posait régulièrement aux détenus des problèmes d'adaptation, le matériel qui était autorisé dans un établissement, ne l'étant plus dans un autre
A Mme Michèle André, présidente, et à Mme Gisèle Gautier, qui ont souhaité savoir comment les visiteurs de prison se résignaient parfois à être les témoins de conditions d'incarcération difficiles, Mme Michelle Touvron a indiqué qu'ils témoignaient dans la presse ou à la radio dès qu'ils en avaient la possibilité, tout en veillant à ne pas outrepasser leur obligation de réserve.
En réponse à Mme Gisèle Gautier, qui a souhaité savoir si les relations entre les détenues étaient marquées par la violence ou par la solidarité, Mme Michelle Touvron a considéré que les deux existaient, même si les règlements de compte étaient fréquents, en particulier dans les cellules de six, citant l'exemple d'une détenue qui avait dû être transférée en urgence, la veille de Noël, pour restaurer un climat dégradé. Elle a indiqué que, chez les femmes, de grands escrocs étaient souvent à l'origine de cette violence. Elle a enfin précisé que certaines jeunes femmes pouvaient manifester, surtout, une extrême violence verbale à l'égard des surveillants comme de leurs codétenues.
M. Yannick Bodin a demandé aux intervenantes si, à défaut d'avoir accès au dossier médical des détenues, les visiteurs de prison avaient au moins des indications sur leur état de santé.
Mme Michelle Touvron a indiqué que les informations jugées nécessaires leur étaient fournies par les conseillers d'insertion et de probation, aussi bien sur le dossier judiciaire que sur la santé mentale de la détenue. Elle a d'ailleurs souligné que les petites unités facilitaient ce genre de coopération entre les travailleurs sociaux et les visiteurs.
S'est engagé alors un échange de vues sur la taille des établissements pénitentiaires qu'il fallait privilégier, entre, d'un côté, les établissements de petite taille favorisant la coopération entre les différents acteurs intervenant en milieu pénitentiaire et revêtant une dimension plus humaine, et, de l'autre côté, les grands établissements favorisant l'activité et disposant de moyens plus sophistiqués.
M. Yannick Bodin a ainsi rappelé que la taille du centre pénitentiaire de Rennes permettait, par exemple, de développer l'organisation d'activités pour les femmes dans des centres d'appels ou en laboratoires, par exemple.
En revanche, Mme Marie-Paule Héraud a évoqué le cas de la nouvelle maison d'arrêt de Lyon-Corbas, qui suscitait déjà des réactions négatives en raison d'un manque de relations à l'intérieur de l'établissement et d'un trop grand isolement des détenus.
Mme Marie-Paule Héraud a ensuite estimé qu'il était important d'offrir aux détenues la possibilité de bénéficier, au choix, d'un encellulement individuel, ou d'un encellulement collectif et, le cas échéant, d'alterner ces solutions en fonction de leurs besoins du moment.
Mme Michelle Touvron a indiqué que, lorsque cela était possible, les détenues appréciaient de se retrouver à quatre dans une cellule prévue pour six, car elles pouvaient recréer une sorte de relation familiale.