- Mercredi 28 mars 2007
- Audition de M. Pierre Boissier, directeur général de l'Association nationale pour la formation professionnelle des adultes (Afpa)
- Audition de Mme Sophie Boissard, directrice générale du Centre d'analyse stratégique
- Audition de M. Jean-Raymond Lépinay, président de l'Union nationale des missions locales (UNML)
- Audition de M. André Zylberberg, directeur de recherche au CNRS, auteur du rapport « La formation professionnelle des adultes : un système à la dérive »
- Audition de MM. Pierre Martin, président, et Pierre Burban, secrétaire général, de l'Union professionnelle artisanale (UPA)
- Audition de MM. Alain Lecanu, secrétaire national chargé du pôle emploi-formation de la Confédération française de l'encadrement - Confédération générale des cadres (CFE-CGC), et Marcel Brouard, responsable du secteur travail-emploi-formation
MISSION COMMUNE D'INFORMATION SUR LE FONCTIONNEMENT DES DISPOSITIFS DE FORMATION PROFESSIONNELLE
Mercredi 28 mars 2007
- Présidence de M. Jean-Claude Carle, président. -Audition de M. Pierre Boissier, directeur général de l'Association nationale pour la formation professionnelle des adultes (Afpa)
Au cours d'une première réunion tenue dans la matinée, la mission d'information a d'abord procédé à l'audition de M. Pierre Boissier, directeur général de l'Association nationale pour la formation professionnelle des adultes (Afpa).
M. Pierre Boissier, après avoir rappelé le rôle central de l'Afpa dans la formation des demandeurs d'emploi et dans la mise en oeuvre de la décentralisation des moyens consacrés par l'Etat à cette politique, a mentionné cinq pistes d'évolution : permettre à chacun de prendre en main l'acquisition et la maintenance de ses compétences dans une logique de responsabilisation ; consolider les capacités d'évolution des salariés face à la mobilité professionnelle ; améliorer l'orientation initiale et continue ; faciliter l'accès à la formation des moins qualifiés ; optimiser l'usage des fonds consacrés à la formation.
Il a ensuite évoqué les difficultés qui limitent l'accès individuel à la qualification, en insistant sur l'existence, à cet égard, d'un clivage entre les salariés et les demandeurs d'emploi. En ce qui concerne les salariés, l'accord national interprofessionnel (ANI) du 20 septembre 2003 a institué un certain nombre d'outils connaissant une montée en charge régulière : le contrat de professionnalisation démarre bien depuis deux ans et le droit individuel à la formation (DIF) commence à se lancer. Il n'est pas opportun de bouleverser ce volet de la politique de formation, la principale question posée à l'heure actuelle étant la transférabilité du droit individuel à la formation (DIF). En ce qui concerne les demandeurs d'emploi, de vrais sujets restent à traiter.
Les lois de décentralisation définissent le champ de compétence transféré aux régions, tout en laissant ouverte la question de l'organisation du dispositif. L'accès à la formation des demandeurs d'emploi est alors fragilisé par la faiblesse du système d'orientation, par l'insuffisante connaissance des qualifications, par la saturation de certaines offres de formation, telles que celle de plombier ou de chauffagiste. De même, le choix des outils mobilisés est aléatoire : un jeune va entrer en contrat de professionnalisation ou en stage qualifiant en fonction de l'interlocuteur qu'il aura rencontré. S'il s'agit d'un organisme de formation ou d'un organisme d'information dépendant des organismes paritaires collecteurs agréés (OPCA), le contrat de professionnalisation lui sera proposé. La mission locale lui proposera plutôt un stage qualifiant. Le financement des frais pédagogiques est tout aussi aléatoire : le demandeur d'emploi indemnisé est pris en charge par l'assurance chômage ou par les conseils régionaux. Moins de la moitié des bénéficiaires de l'allocation d'aide au retour à l'emploi formation (Aref) sont pris en charge par l'assurance chômage, dont la totalité des crédits disponibles ne sont pas dépensés. En ce qui concerne la relation entre les conseils régionaux et l'Etat, l'allocation de fin de formation est restée de la compétence de l'Etat, alors que les autres dispositifs de formation ont été transférés aux régions. De même, l'Etat a gardé la compétence sur la formation des handicapés, alors que la loi sur le handicap prévoit qu'un handicapé doit avoir accès à tout stage, ce qui comprend les stages des conseils régionaux.
L'hébergement est tout aussi aléatoire : les stagiaires de l'Afpa, hébergés gratuitement sur financement des conseils régionaux, font figure de privilégiés en la matière, or l'accès à l'hébergement est de plus en plus une condition de l'accès à la formation. Certaines personnes peuvent mobiliser l'aide personnalisée au logement (APL), d'autres ne le peuvent pas en raison de problèmes de double résidence, d'autres peuvent bénéficier de l'allocation de logement social.
Par ailleurs, les conseils régionaux ne peuvent pas tout résoudre. De nombreux sujets sont partagés entre plusieurs intervenants : l'Etat conserve des compétences résiduelles dans le champ de la formation ; plusieurs financeurs interviennent en matière de prise en charge de la rémunération, que ce soit le conseil régional, l'assurance chômage, le conseil général pour le RMI ; la prescription de formation appartient essentiellement à l'ANPE et à ses cotraitants, mais il faut que les conseils régionaux valident cette prescription pour que les intéressés accèdent aux stages financés par la région.
La question de l'interrégionalité se pose aussi. Le marché de l'emploi et certaines formations sont interrégionaux. Comme l'illustre le secteur des travaux publics, qui compte sept grands centres de formation continue, il faut que la région d'implantation ait la capacité d'entretenir le centre implanté sur son territoire, ce qui représente un investissement très lourd.
Le cadre juridique de l'achat des prestations de formation est un autre facteur d'incertitude. Deux régions ont décidé de recourir à la subvention après 2009. Parmi les différentes solutions envisageables - marchés publics, subventions, délégations de service public - la délégation de service public est peut-être la formule la moins aléatoire.
M. Pierre Boissier a ensuite évoqué trois pistes.
La première concerne les qualifications. Le choix de la filière professionnelle, a-t-il indiqué, est fondamental pour ne pas casser la dynamique de formation des personnes. Ce choix est particulièrement crucial dans l'hypothèse des formations de requalification (il s'agit par exemple de la reconversion en plaquistes ou en maçons, d'ouvriers travaillant sur des presses hydrauliques dans l'industrie automobile), qui impliquent un parcours de formation long et coûteux. La solution est à rechercher du côté du lien à consolider entre le besoin d'emploi et le référentiel de qualification. La question des qualifications, généralement peu évoquée, est en effet essentielle, et une démarche dynamique sur ce dossier permettrait d'améliorer l'orientation initiale. En la matière, les Pays-Bas possèdent un dispositif très intéressant de gestion nationale des référentiels de qualification aussi bien pour l'enseignement professionnel initial que pour l'enseignement continu. Un organisme tripartite groupant l'Etat, les salariés et le patronat élabore des référentiels de qualification reconnus par tous, en fonction desquels les organismes de formation, initiale et continue, élaborent leurs titres et diplômes. La connaissance de l'emploi est ainsi très bien assurée. En France, les responsabilités sont éclatées entre l'Education nationale, les ministères et les branches (certificats de qualification professionnelle). En s'inspirant de ce qui existe aux Pays-Bas, il serait souhaitable d'unifier les référentiels sous l'autorité d'un organisme national tripartite, la labellisation de l'offre de qualification et la reconnaissance des diplômes et titres étant conditionnées par le respect de ces référentiels. Il serait aussi souhaitable de confier à ce même organisme la diffusion de l'information sur les qualifications auprès des réseaux d'accueil, d'information et d'orientation.
Par ailleurs, il convient de tenir compte de la nature des prestations d'orientation au regard de la question des qualifications. A cet égard, le dispositif d'accès à la qualification comprend deux étapes. En premier lieu, l'orientation généraliste consiste à identifier l'existence d'un besoin de qualification. Les services d'orientation professionnelle de l'Afpa connaissent bien les qualifications des métiers et les processus pédagogiques qui permettent de les acquérir. Intervient ensuite un travail de vérification de pertinence du projet de formation, travail de spécialiste engagé sur prescription du généraliste. Ensuite, la personne peut entrer en formation. Le sas intermédiaire est très important, dans la mesure où il « sécurise » le projet de formation et les financements publics induits.
Le niveau généraliste implique les centres d'information et d'orientation (CIO), la mission locale, l'agence nationale pour l'emploi (ANPE), les maisons de l'emploi, les maisons de l'information sur la formation et l'emploi (MIFE). Le niveau spécialisé comprend un bilan et un projet. Il s'agit, d'une part, du bilan de compétences, évaluant plutôt l'acquis, qui mobilise en particulier les centres interinstitutionnels de bilans de compétences (CIBC). Il s'agit, d'autre part, de la construction du projet de qualification, tournée vers l'évolution professionnelle, effectuée par exemple par les services d'orientation professionnelle (SOP) de l'Afpa. Les taux d'insertion dans l'emploi des personnes passées par ce type de service à l'Afpa ou dans les centres de rééducation professionnelle (CRP) sont supérieurs de dix points, après huit mois, par rapport aux taux moyens du marché pour les mêmes types de populations. Ceci est un élément important de sécurisation des parcours de formation.
La deuxième piste intéresse la responsabilisation des individus. M. Pierre Boissier a indiqué à cet égard que les demandeurs d'emploi en formation, « prisonniers » d'un système cloisonné et complexe, avaient une attitude passive. Il serait intéressant de leur étendre l'approche centrée sur la notion de droit individuel mise en place par l'ANI. Il y a deux obstacles à cette transposition : si le droit individuel est constitué par capitalisation de montants horaires, à l'instar du DIF de vingt heures, il ne peut répondre aux situations de rupture professionnelle nécessitant des actions lourdes, dans la mesure où un parcours de requalification lourd s'élève à mille heures ; dans le cas contraire, le coût collectif est exorbitant, d'autant plus que se pose la question du financement des droits des primo demandeurs d'emploi. Il est préférable de viser un mécanisme limité aux ruptures de carrières, et donc à la requalification, avec une approche de type assurance. Ce droit, virtuel, ne serait mobilisé qu'en cas de rupture professionnelle. L'idée est d'ouvrir un « compte qualification » lors d'une première inscription à l'assurance chômage ou en cas de sortie sans qualification du système scolaire.
Le fait que l'élément moteur de la réussite ou de l'échec soit le degré de motivation des personnes plaide en faveur d'un tel dispositif. La possibilité de se situer dans une logique de droit individuel serait en effet un élément de motivation. En outre, le système serait ainsi décloisonné.
En ce qui concerne le financement des frais pédagogiques, on peut imaginer un droit alimenté par la transférabilité du montant de DIF acquis à la date du chômage et (à condition que le projet de qualification ou de reconversion soit validé par le réseau ANPE/cotraitants/Afpa) par l'assurance chômage pour les chômeurs indemnisés en stage, par les conseils régionaux pour les non indemnisés en stage (notamment les primo arrivants sur le marché de l'emploi non qualifiés), par les OPCA pour les bénéficiaires de contrats de professionnalisation.
Ainsi, le projet de qualification primerait. Le compte individuel serait abondé à hauteur du besoin identifié. En ce qui concerne le financement de la formation, le statut - salarié en alternance, chômeur stagiaire indemnisé ou non - déterminerait toujours l'origine du financement, mais serait transparent pour l'utilisateur, qui aurait conscience, en revanche, du coût de sa formation. La rémunération de la personne formée resterait directement liée à son statut.
La dernière piste concerne le pilotage et la gouvernance. M. Pierre Boissier a indiqué que tout système de compte individuel nécessitait la maîtrise financière et impliquait un contrôle de qualité. En effet, une relation inégale existe dans cette activité entre l'offreur et le consommateur de formation. De plus, les choix de qualifications ont de lourdes conséquences en matière économique sur l'évolution des territoires, et les coûts collectifs résultant de ces choix sont considérables. Il faut donc absolument que le marché de la formation continue et qualifiante soit organisé. Il est possible d'imaginer à cet effet un dispositif à deux étages. Le premier étage consisterait en un ou plusieurs « agréments formation régionaux » permettant aux conseils régionaux ou aux associations pour l'emploi dans l'industrie et le commerce (Assedic) de labelliser, en fonction des besoins identifiés dans le plan régional de développement des formations professionnelles (PRDF), une offre qualifiante d'intérêt général permettant la mise en oeuvre du « droit individuel ». Une commission nationale définirait et contrôlerait l'application des critères de l'intérêt général et les critères d'octroi de la labellisation afin de garantir que l'organisation du marché est compatible avec les règles concurrentielles européennes.
En ce qui concerne la gouvernance globale, c'est-à-dire l'organisation du tripartisme entre l'Etat, la région et les partenaires sociaux, le besoin d'une cohérence territoriale est essentiel. Ceci concerne par exemple le choix entre, d'une part, les contrats de professionnalisation, qui dépendent des OPCA, d'autre part, les stages, qui dépendent des régions ; l'articulation entre la prescription de formation par l'ANPE et son financement par l'assurance chômage ou le conseil régional ; l'articulation entre les financements mis en oeuvre et les PRDF. Le lieu de cette mise en cohérence est la région. Le besoin en est de plus en plus vivement ressenti, comme la mise en place des conférences de financeurs ou des groupements d'intérêt public (Gip) par de nombreuses régions. Il faut reconnaître le rôle de pilotage du conseil régional. Il faut aussi renforcer la légitimité des partenaires sociaux au plan régional.
M. Jean-Claude Carle, président, a demandé si le fonds unique de péréquation (FUP) pouvait apparaître comme un lieu approprié de cohérence des financements.
M. Pierre Boissier a estimé que le régime chômage pouvait sans incohérence privilégier des stages orientés vers le retour rapide à l'emploi, le conseil régional ayant une vision plus longue et structurante des besoins de qualification. Les objectifs des acteurs peuvent donc être différents et complémentaires : c'est au moment du financement du projet de la personne qu'un pilote unique doit se manifester. Le FUP, où convergent des financements majoritairement destinés aux salariés, n'est pas nécessairement un lieu de pilotage pour les demandeurs d'emploi.
M. Jean-Claude Carle, président, a ensuite demandé comment il serait possible d'améliorer la labellisation des organismes de formation.
M. Pierre Boissier a indiqué que l'agrément était aujourd'hui accordé par le ministère du travail et que certains marchés - tels ceux des formations courtes, des formations linguistiques et de la formation des cadres - pouvaient rester d'accès libre. En revanche, il faut une régulation quand la formation s'adresse à des personnes faiblement qualifiées ou fragilisées et dès lors qu'il s'agit de formations qualifiantes débouchant sur un titre ou un diplôme. Poser le caractère qualifiant de la formation comme critère de labellisation et comme condition de l'accès aux financements publics simplifierait le panorama de l'offre. Au niveau national, pour répondre à l'obligation de transparence des marchés, il faudrait confier à une autorité ad hoc la mission de définir des critères de la labellisation et celle de vérifier les pratiques de labellisation et l'ouverture effective de l'offre au plan régional. Les conseils régionaux et peut-être les Assedic auraient alors la mission de labelliser les organismes et les stages.
M. Jean-Claude Carle, président, a souhaité savoir si une mutualisation des moyens, tels que les lycées professionnels et autres centres de formation, ne serait pas une source importante d'économies d'échelles dans le secteur de la formation. Il a aussi noté que le niveau pertinent de mise en oeuvre des politiques, en particulier du point de vue de la mutualisation des moyens, était sans doute le bassin d'emploi.
M. Pierre Boissier a indiqué que l'Afpa avait essayé de partager des équipements avec des lycées professionnels, et que la difficulté de faire coïncider les durées des enseignements avait entravé l'expérience. Il est néanmoins nécessaire de créer des pôles de regroupement. Les conseils régionaux, ayant la compétence sur les lycées professionnels et ayant leur mot à dire sur les centres d'apprentis, étant par ailleurs responsables du PRDF, ayant enfin la capacité de financer les investissements des organismes de formation, peuvent s'attacher à cet objectif. Le problème des équipements interrégionaux reste cependant entier dans cette hypothèse. Le dossier de la mobilité géographique interrégionale des stagiaires, qui aurait dû être mise en oeuvre par des conventions entre régions, n'avance pas.
Mme Isabelle Debré a souhaité avoir des précisions sur la mise en oeuvre du « compte qualification » évoqué au début de l'audition.
M. Pierre Boissier a indiqué qu'il s'agissait de trouver une solution aux problèmes financiers et aux problèmes d'alimentation des comptes des primo arrivants induits par tous les mécanismes de droit individuel. L'effort de la collectivité serait mobilisé au moment d'une rupture professionnelle, quand apparaît un besoin de requalification.
Audition de Mme Sophie Boissard, directrice générale du Centre d'analyse stratégique
La mission d'information a ensuite entendu Mme Sophie Boissard, directrice générale du Centre d'analyse stratégique.
Mme Sophie Boissard a d'abord souligné que la formation professionnelle continue est une des clés de la capacité à modifier la structure du marché du travail, dont l'évolution est un des thèmes principaux des travaux menés par le Centre d'analyse stratégique. Elle a indiqué que ses observations s'appuient notamment sur les projections effectuées au sein du groupe de travail interministériel « Prospective des métiers et des qualifications ».
En s'y référant, elle a présenté les hypothèses d'évolution du marché du travail permettant de construire les politiques publiques adaptées. Ainsi, une phase de bouleversement inédit est en cours : avec 6 millions de cessations d'activité d'ici à 2015, si la dynamique de création d'emplois reste celle des dix dernières années, 7,5 millions d'emplois vont changer de main, ce qui correspond à plus du tiers des emplois salariés. L'adaptation du marché du travail dépend dès lors de la capacité d'orientation des flux d'individus entrant sur le marché du travail vers les emplois disponibles les plus productifs. Ainsi, du fait de la tertiarisation de l'économie, les créations d'emploi vont être concentrées, d'une part sur les emplois de cadres et de techniciens dans les services à l'industrie, d'autre part sur les employés non qualifiés dans les services à l'industrie et les services à la personne.
Concernant le diagnostic des besoins en formation, Mme Sophie Boissard a indiqué que la projection macroéconomique du Centre d'analyse stratégique a été réalisée en association avec l'ensemble des parties prenantes au niveau national. Il est, toutefois, plus difficile de tirer les conséquences précises des diagnostics émis au niveau territorial en termes de qualification. Elle a donc préconisé une démarche macroéconomique conduite au niveau régional, la région détenant 70 % des compétences dans le domaine de la formation. Elle a considéré qu'il n'est pas raisonnable de fonder le diagnostic à un échelon inférieur, notamment celui du bassin d'emploi et de superposer ainsi des acteurs ayant des assises territoriales différentes. L'outil reste cependant à construire au niveau régional.
S'agissant de la formation des salariés à mi-carrière, Mme Sophie Boissard a cité l'exemple d'une opération de reconversion réussie dans un grand groupe du secteur de l'assurance. Du fait de l'automatisation des activités de « back office », des employés âgés de quarante à cinquante ans ont pu ainsi se reconvertir vers des activités de « front office » nécessitant des compétences différentes. Cette réussite s'explique, certes, par les moyens internes d'un groupe appartenant à un secteur florissant, mais aussi par la sensibilisation des syndicats à la nécessité de formation professionnelle. La motivation des salariés a donc été un levier de réussite pour ces requalifications, contrairement à la validation des acquis de l'expérience qui n'a pas été, en l'occurrence, un sujet porteur.
Si ce type d'opération interne est exemplaire, la reconversion au sein des petites et moyennes entreprises (PME) soulève des difficultés majeures. En cas de reconversion dans une même branche, les PME ne sont pas en mesure de connaître les besoins en qualification à moyen terme et ne disposent pas du soutien logistique nécessaire. Dans le secteur de la métallurgie par exemple, certaines activités de fonderie tendent à disparaître au profit de la fonderie haut de gamme, sans que les PME du secteur soient capables d'évaluer les besoins en qualification sur un horizon de cinq à dix ans. En cas de reconversion vers une autre branche, la spécialisation des qualifications peut aussi être un handicap. A partir de ce constat, il semble nécessaire de concentrer le financement de la formation professionnelle continue vers les PME, notamment dans les secteurs ne pouvant pas s'auto-organiser.
Mme Sophie Boissard a ensuite confirmé l'analyse selon laquelle le scénario traditionnel d'une phase d'apprentissage, où tout se joue en début de vie, s'estompe au profit d'une dynamique permanente d'acquisition des savoirs, même si cette logique peine à s'imposer en France. Avec l'accélération des cycles technologiques et de la mobilité des salariés, le système de formation professionnelle continue doit évoluer. Pour cela, les dispositifs d'orientation doivent être renforcés et s'adresser à tous les publics. Il faut encore améliorer la qualité des prestataires de la formation professionnelle et rationaliser un système aujourd'hui trop éclaté.
Par ailleurs, Mme Sophie Boissard a souhaité que la logique de branche soit abandonnée afin de mieux intégrer la formation professionnelle au marché du travail, et considéré que le nombre d'organismes paritaires collecteurs agréés (OPCA) de branche est sans doute trop élevé. Elle a également émis des doutes quant à l'efficacité du Fonds unique de péréquation (FUP). Enfin, jugeant que la frontière entre la formation initiale et la formation professionnelle continue doit être réduite, elle a préconisé que la période de stabilisation des jeunes sur le marché du travail, qui atteint aujourd'hui dix ans, soit une phase d'acquisition des savoirs de base et d'aller-retour entre le monde professionnel et la formation. En s'inspirant du modèle danois, pourrait ainsi être instauré un droit de tirage ouvrant, sur une période décennale, à chaque jeune un droit à six ans de formation, grâce à un financement mixte d'allocations et de prêt, lui garantissant 1 000 euros par mois.
Mme Sophie Boissard a insisté sur la nécessité de s'appuyer sur les bénéficiaires de la formation professionnelle plus que sur l'Etat et les partenaires sociaux. Elle a proposé que les périodes d'inactivité des demandeurs d'emploi soient utilisées, dans une logique de responsabilisation, pour organiser leur parcours de formation et mobiliser les financements. Elle a estimé que la multiplication des acteurs - Etat, collectivités territoriales, partenaires sociaux et financeurs - dilue les responsabilités et nuit à l'efficacité des dispositifs de formation.
M. Jean-Claude Carle, président, l'a interrogée sur la nécessité d'encadrer le droit de tirage et de définir ses modalités de financement. Il lui a demandé s'il fallait dissocier le système d'orientation de l'Education nationale et si, selon elle, les efforts de formation sont vraiment dirigés vers les secteurs qui en ont le plus besoin.
Mme Sophie Boissard a d'abord considéré que les efforts de formation professionnelle sont proportionnels à la taille de l'entreprise. Ainsi, l'effort de formation est trois fois plus important dans les grands groupes que dans les PME. Il atteint 4 % de la masse salariale dans le secteur de l'assurance, contre 1,7 % dans l'industrie du bois, alors même que cette dernière va subir des mutations importantes. De la même façon, ce sont les personnels les plus qualifiés, parce que plus aptes à formaliser leurs besoins et réceptifs aux évolutions technologiques, qui bénéficient le plus de la formation continue.
S'agissant du droit de tirage, elle a admis qu'il ne s'agit pas d'un droit inconditionnel à toute formation. Mais elle a souligné la nécessité de considérer la stabilisation sur le marché du travail comme une période longue qui incorpore des périodes d'activité et d'études. Elle a indiqué qu'en France, alors que les études sont concentrées avant l'âge de vingt-cinq ans, le taux d'emploi des jeunes est le plus faible d'Europe. Afin que le droit de tirage soit un instrument d'orientation efficace, elle a proposé qu'à titre expérimental chaque jeune engagé dans un projet professionnel se voit attribuer un prêt en contrepartie d'un suivi régulier par des professionnels. Cette logique « donnant-donnant » permettrait de refonder le système d'orientation.
Mme Isabelle Debré a approuvé cette approche et souligné l'importance de la responsabilisation des acteurs en matière de formation professionnelle.
Audition de M. Jean-Raymond Lépinay, président de l'Union nationale des missions locales (UNML)
Puis la mission d'information a procédé à l'audition de M. Jean-Raymond Lépinay, président de l'Union nationale des missions locales (UNML).
M. Jean-Claude Carle, président, a rappelé que les 600 missions locales constituaient un réseau particulièrement bien connu des élus : ces associations chargées d'une mission de service public s'efforcent, en effet, d'aider les jeunes de seize à vingt-cinq ans, en difficulté, à s'insérer au plan professionnel et social.
M. Jean-Raymond Lépinay a tout d'abord précisé qu'il était également président du conseil général de Haute-Garonne, chaque mission locale étant présidée par un élu. Il a ensuite présenté les résultats inédits du tout récent dépouillement d'une enquête nationale exhaustive sur l'activité des missions locales : au cours de l'année 2006, celles-ci ont accompagné 1,1 million de jeunes dans leurs démarches d'insertion, 44 % d'entre eux n'ayant aucun diplôme et 21 % étant titulaires d'un BEP ou d'un CAP. Il a fait observer qu'une part résiduelle de ces jeunes était fortement diplômée, en précisant qu'il s'agissait là d'un phénomène récent et qui concerne, par exemple, des jeunes ayant une formation bac + 5 et se trouvant en difficulté depuis plusieurs années, notamment en raison de problèmes de logement.
Puis il a exposé les raisons pour lesquelles le travail des missions locales, qui rassemblent 11 000 salariés, était souvent peu compris et mal connu, en indiquant notamment que les crédits consacrés à la « communication » avaient été volontairement limités par ces organismes soucieux de les concentrer sur leur mission première.
Puis il a analysé la démarche d'aide à l'insertion des jeunes suivie par les missions locales en trois moments essentiels :
- l'accès et la préparation à l'emploi qui incorporent la découverte de l'entreprise et la préqualification ;
- le rapprochement du jeune avec l'entreprise ;
- l'entrée, ainsi que le maintien, dans l'emploi.
Il a insisté sur l'importance de la « réactivité » des différents acteurs au cours de ce processus : il s'agit d'éviter les ruptures et les lenteurs au moment où le jeune est prêt à enchaîner les étapes de son parcours d'insertion, faute de quoi, a-t-il ajouté, bien souvent, « tout le travail est à reprendre à zéro ». Il a également souligné que l'accompagnement du jeune, au cours de ces trois séquences, par un référent unique et bien identifié était un facteur essentiel de réussite. A l'inverse, il a mis en garde contre toute forme de « segmentation » de ce cheminement vers l'emploi, qui se traduit par d'éventuelles remises en cause de la pertinence des parcours définis par la mission locale et par de nouvelles orientations susceptibles de déstabiliser le jeune dans son élan. Il a noté que ce besoin de cohérence avait été pris en compte par l'Etat qui a confié le pilotage exclusif du contrat d'insertion dans la vie sociale (Civis) aux missions locales.
S'agissant des actions de qualification, M. Jean-Raymond Lépinay a estimé que, dans la pratique, la « logique de l'offre » de formation l'emportait trop souvent sur l'ajustement aux besoins. Il a précisé que l'accès à l'intérim ou à des « petits boulots » apparaissait, dans la plupart des cas, comme décisif et, en tout cas, plus efficace que bien des actions de qualification. Puis il a rappelé qu'il était essentiel de donner des moyens de « survie financière » au jeune, notamment entre deux phases d'intérim, tout en facilitant leur accès au logement.
Evoquant l'opération intitulée « Parcours d'accès à la vie active » (Pava), qui se traduit par la mise à disposition auprès de l'Afpa de jeunes présentés par les missions locales après définition d'un projet professionnel, M. Jean-Raymond Lépinay a estimé le dispositif excellent, à condition que l'Afpa ne remette pas en cause le choix initial opéré au sein de la mission locale.
Interrogé ensuite par M. Jean-Claude Carle, président, sur les modalités de rapprochement des jeunes avec les entreprises, M. Jean-Raymond Lépinay a évoqué les « plates-formes » mises en place par l'Agence nationale pour l'emploi (ANPE) pour repérer les postes à pourvoir, notamment dans les « métiers en tension » et recenser les jeunes susceptibles de les occuper. Il a précisé, qu'en pratique, ces « plates-formes » apparaissaient parfois comme un test supplémentaire pour permettre aux employeurs de sélectionner les jeunes les plus aptes, alors même que ceux qui sont accompagnés par les missions locales sont souvent les plus fragiles.
Puis il a signalé que les missions locales disposaient également de leurs propres réseaux locaux d'accès à l'emploi, à l'échelle des bassins d'emplois, auxquels participent des employeurs qui acceptent de prendre en compte la nécessité de recruter une certaine proportion de jeunes en difficulté.
S'agissant de la phase d'entrée dans l'emploi, M. Jean-Raymond Lépinay a souligné que l'alternance constituait l'un des outils les plus efficaces et, qu'à ce titre, les contrats de professionnalisation, après des débuts difficiles, connaissaient une montée en puissance aujourd'hui très rapide.
Observant que l'alternance était une « opération risquée », il a insisté sur l'importance de la poursuite de l'accompagnement du jeune par la mission locale pour consolider l'insertion dans l'emploi en veillant, par exemple, à remédier à ses difficultés de transport ou de logement. Il a ajouté que la désignation, au sein de l'entreprise, d'un « référent » chargé de suivre spécifiquement le jeune sous contrat, était un facteur essentiel de réussite.
Il a, en revanche, émis un diagnostic plus réservé sur l'apprentissage, certaines formations étant aujourd'hui éloignées de la réalité des besoins.
Puis il a évoqué les cas d'accès direct à l'emploi, en précisant que le concept « d'emploi durable » apparaissait assez largement comme une illusion, compte tenu de la mobilité actuelle du marché du travail. Cette situation - a-t-il ajouté - impose aux missions locales, tout d'abord, de maintenir l'accompagnement du jeune au moins jusqu'à la fin de la période d'essai, et également de « gérer l'interstitiel », par exemple, entre deux contrats à durée déterminée (CDD).
Il a résumé la tâche des missions locales comme la transformation de parcours chaotiques en trajets d'insertion plus linéaires, et souligné que la mobilité et le logement constituaient souvent, bien plus encore que la formation, des facteurs d'insertion essentiels.
S'agissant de la rémunération des stagiaires, M. Jean-Raymond Lépinay a insisté sur l'importance, non pas d'un « RMI jeune », mais d'une allocation qui, dans le processus de construction du parcours vers l'emploi, représente la contrepartie de l'effort d'insertion.
Il a jugé insuffisamment pertinentes les problématiques qui se réduisent à s'interroger sur l'ajustement entre l'offre et la demande d'emploi ou sur les besoins de formation, et a en revanche insisté sur l'importance de la continuité du suivi du jeune tout au long des trois phases de son insertion professionnelle. Il a observé, au passage, que certains plans régionaux de développement des formations (PRDF) participaient parfois d'une logique d'offre qui conduit certains conseils régionaux à reprocher aux missions locales de ne pas suffisamment « remplir les stages » proposés aux jeunes.
M. Jean-Raymond Lépinay a enfin lancé un cri d'alarme - « la France se moque de ses jeunes ! » - en rappelant que notre pays se place en dernière position de l'Union européenne pour le taux d'emploi de ses jeunes. Il a précisé que l'impression d'être délaissé, qu'éprouvent de nombreux jeunes, interpellait non seulement les pouvoirs publics, mais aussi les entreprises et nécessitait une remise à plat des systèmes d'insertion qui comportent des effets de seuil importants. A cet égard, il a évoqué l'existence d'une « fracture » du système pour les jeunes âgés de plus de vingt-six ans qui peuvent relever du revenu minimum d'insertion et de dispositifs gérés par les conseils généraux.
Il a enfin signalé que la distinction entre jeunes qualifiés et non qualifiés tendait à s'estomper puisqu'ils sont confrontés, de plus en plus, aux mêmes difficultés de parcours et de survie financière.
M. Jean-Claude Carle, président, a demandé des précisions statistiques sur les jeunes recensés et leurs parcours.
M. Jean-Raymond Lépinay a évoqué le caractère inédit des statistiques qu'il transmettait à la mission d'information et a précisé qu'un jeune sur deux reçu par les missions locales n'était pas inscrit à l'ANPE, ce qui s'explique largement par le fait que ceux qui n'ont aucun droit à indemnisation n'accomplissent pas cette démarche.
Se référant à son expérience de terrain, M. Jean-Claude Carle, président, a rappelé que les plans régionaux de développement des formations pouvaient constituer d'excellents outils, à condition de ne pas se contenter de reproduire la logique de l'offre de formation disponible.
M. Jean-Raymond Lépinay a convenu que certaines régions avaient sensiblement progressé dans ce domaine, et a fait observer que leur efficacité était accrue lorsque que les missions locales pouvaient jouer un rôle de « prescripteur ».
M. Jean-Claude Carle, président, a alors souligné à son tour l'importance fondamentale de la question du logement des jeunes en rappelant que les lois de décentralisation avaient confié aux collectivités territoriales une compétence claire en matière d'hébergement pour les élèves de l'enseignement général, mais que l'effort était insuffisant pour les élèves de l'enseignement professionnel, qui sont souvent dans les situations les plus difficiles.
M. Jean-Raymond Lépinay a souscrit à ce propos. Puis il a indiqué que la possession d'un diplôme constituait une garantie pour consolider la situation des jeunes qui ont déjà accédé à l'emploi ; à cet égard, il a insisté sur le fait que, seuls, 20 % des jeunes pris en charge par les missions locales avaient eu accès à une formation en 2006.
Enfin, interrogé par M. Jean-Claude Carle, président, sur la valeur et la justification actuelle du diplôme de brevet d'études professionnelles, M. Jean-Raymond Lépinay a répondu qu'il lui semblait surtout important de pouvoir matérialiser les qualifications des jeunes par un titre.
Audition de M. André Zylberberg, directeur de recherche au CNRS, auteur du rapport « La formation professionnelle des adultes : un système à la dérive »
Au cours d'une seconde séance tenue dans l'après-midi sous la présidence de M. Jean-Claude Carle, président, la mission d'information a procédé à l'audition de M. André Zylberberg, directeur de recherche au CNRS, auteur du rapport « La formation professionnelle des adultes : un système à la dérive ».
M. André Zylberberg a rappelé que l'originalité de ce rapport réside dans son approche économique, notamment en ce qui concerne l'efficacité et l'équité de la formation professionnelle des chômeurs. Il a précisé que ses propositions prenaient en compte la problématique du rendement, tel que le rendement d'une année d'étude sur le salaire et sur l'accès à l'emploi, ou encore le bilan entre les rendements privés d'un dispositif et le rendement collectif au niveau de la société.
Il a précisé que l'analyse ainsi conduite du système français de formation professionnelle a permis de dégager plusieurs constatations :
- une année d'étude supplémentaire conduit à une augmentation du revenu annuel estimée entre 5 et 15 % ;
- les rendements sociaux de l'Education sont plus élevés pour le « jeune âge » qu'aux âges plus avancés ;
- il y a consensus sur le fait que le rendement collectif représente 10 % des rendements privés ;
- il y a corrélation entre les rendements et le niveau de formation initiale et supérieure. Par ailleurs, pour les chômeurs, les formations courtes ont des effets quasiment nuls. Seules, des actions ciblées, longues, coûteuses ont montré leur efficacité.
M. André Zylberberg a formulé, à partir de ces constatations, un bilan critique du système actuel.
D'une part, le système « former ou payer » apparaît comme une sorte de taxation, dont l'organisme de collecte est chargé de recycler et mutualiser le produit. Or il n'existe pas beaucoup de données sur les résultats du mécanisme de mutualisation issu de la loi de 1971.
Par ailleurs, la grande majorité des entreprises finance la formation au-delà de l'obligation légale, ce qui signifie que celle-ci ne joue pas réellement le rôle incitatif qui lui a été dévolu. La proposition faite présentée dans le rapport est de substituer à ces mécanismes un système de subventions analogue à celui qui existe pour baisser le coût du travail et inciter les entreprises à recruter.
M. André Zylberberg a qualifié le droit individuel à la formation (DIF) « de tuyau de plus dans une usine à gaz et qui n'a encore pas fait la preuve de son efficacité ».
Concernant les chômeurs, il a estimé que le système était trop compliqué et d'une efficacité pour le moins contestable. Il a estimé qu'il faudrait plutôt privilégier l'accompagnement vers l'emploi par des intervenants extérieurs, rétribués par le service public de l'emploi en fonction de leurs résultats mesurés en termes de taux de placement.
Puis M. Jean-Claude Carle, président, relevant que le DIF était l'expression d'un accord entre les partenaires sociaux, l'a interrogé sur la manière de faire évoluer les choses.
M. André Zylberberg a estimé que l'obligation légale n'est pas un sujet tabou pour les partenaires sociaux, qui ont décidé dans l'accord national interprofessionnel de 2003 d'évaluer son efficacité, et qu'on peut faire évoluer ce système vers une obligation de type conventionnel, à l'instar de ce que font la plupart des pays. La France est un des rares pays à avoir adopté un tel dispositif. Il a aussi jugé nécessaire de faire entrer la culture de l'évaluation dans les politiques publiques en notant que ceci requiert la mobilisation de techniques spécifiques (avec un groupe test et un groupe de contrôle), que maîtrisent les universitaires et l'Institut national de la statistique et des études économiques (Insee), par exemple. Il a cité l'exemple de la Suède, qui a réussi à redéployer les deux tiers de son système après avoir évalué les résultats de sa politique de formation.
M. Jean-Claude Carle, président, a demandé si une réforme impliquait une modification du système de financement actuel.
M. André Zylberberg a insisté sur l'intérêt de supprimer la segmentation actuelle des taux en fonction des dispositifs de formation et a réaffirmé l'intérêt d'une évolution vers un système organisé autour de contrats.
M. Jean-Claude Carle, président, l'a interrogé ensuite sur l'intérêt d'un système de dégrèvement de charges sociales, pour les entreprises comme pour les particuliers, portant sur leurs dépenses de formation professionnelle.
Mme Muguette Dini a souhaité obtenir des précisions sur la place des régions dans les propositions du rapport.
M. André Zylberberg a relativisé l'idée que « le miracle » viendrait des régions et a indiqué qu'il avait du mal à trouver une logique aux évolutions législatives confiant la formation professionnelle des chômeurs aux régions.
Mme Muguette Dini a alors souligné l'importance du rôle de pilotage, le lien entre bassins d'emploi et identification des besoins par les régions et M. Jean-Claude Carle, président, a insisté sur l'importance de la proximité, de la territorialité et de la cohérence avec les plans régionaux de développement de la formation professionnelle (PRDF).
M. Serge Dassault a demandé des précisions sur le service public de l'emploi.
M. André Zylberberg a précisé que cette notion désigne les organismes qui accompagnent les chômeurs vers l'emploi, soit principalement l'ANPE et l'Union nationale pour l'emploi dans l'industrie et le commerce (Unedic), et qu'il est nécessaire que ce service public passe d'une logique de guichet à une logique d'évaluation et d'incitation, comme aux Pays-Bas. Il a également appelé l'attention sur des expériences locales très intéressantes de placement des chômeurs par des entreprises intérimaires en contrepartie de rémunération.
Mme Muguette Dini a évoqué l'exemple du contrat signé entre le conseil général du Rhône et la société Adecco pour la réinsertion des Rmistes.
Par ailleurs, M. Jean-Claude Carle, président et Mme Muguette Dini ont évoqué la portée des formations courtes et l'importance de l'école maternelle.
M. André Zylberberg a souligné l'intérêt de la prise en charge de la toute petite enfance (trois ans), comme l'ont montré des études réalisées aux Etats-Unis sur plusieurs décennies afin de mieux orienter la dépense publique.
Par ailleurs, il a regretté l'opacité actuelle du système de formation professionnelle français, qui soulève un véritable problème du point de vue des principes de la démocratie. Evoquant un « Léviathan incontrôlable », il a cité un rapport de l'Assemblée nationale sur la formation professionnelle, qui avait notamment révélé la difficulté d'opérer le contrôle parlementaire sur un secteur où l'accès aux pièces comptables est souvent lacunaire.
Enfin, il a rappelé que la demande de formation professionnelle augmente avec la taille des entreprises, comme le montrent les enquêtes du Centre d'études et de recherches sur les qualifications (Cereq) mais qu'en revanche, on ignore l'étendue réelle de la mutualisation du financement. Sur l'obligation légale, il a jugé possible d'établir un parallèle avec le système de l'association nationale de gestion du fonds pour l'insertion professionnelle des personnes handicapées (Agefiph), qui permet aux entreprises de se décharger de l'obligation de recruter des personnes handicapées.
Audition de MM. Pierre Martin, président, et Pierre Burban, secrétaire général, de l'Union professionnelle artisanale (UPA)
Puis la mission d'information a entendu MM. Pierre Martin, président, et Pierre Burban, secrétaire général, de l'Union professionnelle artisanale (UPA).
M. Pierre Martin a déclaré que la formation professionnelle se situe au coeur des préoccupations de l'UPA. Il a estimé que, dans l'artisanat, le départ en formation présente des difficultés spécifiques en raison du faible nombre de collaborateurs, surtout depuis l'instauration des « 35 heures ». Le regroupement des organismes paritaires collecteurs agréés (OPCA) en quatre organismes intervenant pour l'artisanat a constitué une avancée importante. Ces OPCA ont une situation financière globalement équilibrée et ne constituent donc pas de réserves notables. Ils sont davantage sollicités depuis la mise en place du droit individuel à la formation (DIF) qui, d'ailleurs, ne s'avère pas adapté aux petites entreprises. Quoi qu'il en soit, cette sollicitation croissante des OPCA de l'artisanat a débouché sur la décision des partenaires sociaux d'augmenter la contribution des entreprises.
Puis il a relevé la difficulté d'appréhender les besoins des entreprises, qui se traduit par des réalisations inférieures aux engagements de formation formulés en début d'année. Par ailleurs, le contrat de professionnalisation s'avère plus adapté que le contrat de qualification. Pour ce qui est de la fonction de chef d'entreprise, les trois fonds d'assurance formation (FAF), respectivement destinés aux services, à l'alimentation et au bâtiment ont vocation à être prochainement fondus dans un nouveau fonds de formation national. L'UPA a pour objectif d'améliorer ces fonds au moyen d'une meilleure information, en particulier dans les secteurs les plus évolutifs, tels que la coiffure, l'automobile, l'électronique ou même le bâtiment. Enfin, M. Pierre Martin a relevé, concernant les collaborateurs, que la formation initiale s'avère moyennement adaptée.
Mme Muguette Dini a demandé comment adapter le DIF. M. Pierre Martin a jugé difficile de rapprocher les formations en lien avec l'entreprise de l'objectif d'un épanouissement personnel du salarié dans les petites structures dépourvues de responsable des ressources humaines. Il a estimé que les vingt heures annuelles cumulables aboutissent à des durées excessives, tout en précisant à M. Jean-Claude Carle, président, que dans l'hypothèse d'une réorientation du salarié, ces vingt heures s'avèrent insuffisantes. M. Pierre Burban a précisé que, dans le cadre d'une reconversion, le congé individuel de formation (CIF) est préférable.
M. Jean-Claude Carle, président, s'est posé la question de l'intérêt d'un accompagnement particulier pour les petites entreprises et du rôle des OPCA dans l'ingénierie de la mise en place des formations. M. Pierre Martin a relevé que les petites entreprises sont loin d'élaborer systématiquement leur plan de formation en début d'année et que, parallèlement, il n'est pas certain que les OPCA aient toujours les moyens de fournir un service d'ingénierie complet, même si ces organismes fournissent généralement une aide logistique incontestable.
M. Serge Dassault a alors relevé la nécessité d'une action en direction des jeunes au sortir des collèges afin de les orienter vers l'artisanat. M. Pierre Martin a indiqué que si 57 % des apprentis oeuvrent dans le secteur de l'artisanat, l'orientation vers l'apprentissage pose problème en France. L'UPA compense cette insuffisance de l'orientation par de nombreuses actions en direction des jeunes, qu'il s'agisse de rencontres avec les instituts universitaires de technologie (IUT) ou de partenariats avec les ANPE ou avec les branches professionnelles. Par ailleurs, en tant que président de chambre des métiers, M. Pierre Martin a indiqué qu'il peut mettre en place des partenariats avec les missions locales, les maisons de l'emploi, les « pays », ainsi que certaines formes d'intercommunalité.
Mme Muguette Dini a demandé si le Fonds unique de péréquation (FUP) remplit correctement son office. M. Pierre Martin s'est déclaré en faveur d'une mutualisation aussi large que possible. Si les quatre OPCA de l'artisanat utilisent leurs fonds, de nombreux collaborateurs quittent l'artisanat pour les grandes entreprises et il ne serait donc pas illégitime que les OPCA de l'artisanat bénéficient d'un certain « retour », compte tenu de leur investissement initial en formation.
M. Jean-Pierre Carle, président, a demandé à M. Pierre Martin son opinion sur la cohérence du système global de formation, comprenant l'école et la formation professionnelle initiale et continue. Sans attribuer toute la responsabilité de certains dysfonctionnements à l'éducation nationale et à son système d'orientation, M. Pierre Martin a souligné que l'amélioration de l'image et du recrutement dans l'artisanat est le seul fait du secteur, grâce à une communication accrue sur les métiers et les formations, même s'il existe encore des marges d'amélioration. Il importe, en particulier, de favoriser l'intervention des enseignants préalablement aux diverses manifestations organisées pour promouvoir les métiers de l'artisanat, et de sensibiliser les familles, dont les mentalités sont cependant en passe d'évoluer, conscience étant prise que le secteur de l'artisanat devient particulièrement porteur, les grandes entreprises perdant des emplois et l'administration ne remplaçant pas tous ses fonctionnaires.
M. Jean-Pierre Carle, président, a demandé si le plan régional de développement des formations (PRDF) n'est pas l'instrument le plus approprié pour participer à la promotion des métiers. M. Pierre Martin s'est déclaré favorable au PRDF, l'essentiel étant que les branches professionnelles concernées s'engagent dans un « contrat d'objectif » dans le cadre d'une collaboration accrue avec les conseils régionaux, M. Jean-Claude Carle, président, insistant alors sur l'intérêt d'associer plus étroitement le monde professionnel au PRDF.
Mme Isabelle Debré s'est alors inquiétée du niveau de fréquentation des forums de l'artisanat. M. Pierre Martin lui a indiqué que le mode de présentation est particulièrement important : les démonstrations de métiers sont très attractives, alors que les stands plus « institutionnels » sont effectivement désertés.
M. Jean-Claude Carle, président, a estimé qu'en définitive, les forums sont nécessaires mais non suffisants : ils doivent donner lieu à une préparation et être étayés par des démonstrations, Mme Muguette Dini relevant que le travail de préparation s'impose tout particulièrement auprès des collégiens.
Audition de MM. Alain Lecanu, secrétaire national chargé du pôle emploi-formation de la Confédération française de l'encadrement - Confédération générale des cadres (CFE-CGC), et Marcel Brouard, responsable du secteur travail-emploi-formation
La mission d'information a enfin procédé à l'audition de MM. Alain Lecanu, secrétaire national chargé du pôle emploi-formation de la Confédération française de l'encadrement - Confédération générale des cadres (CFE-CGC), et Marcel Brouard, responsable du secteur travail-emploi-formation.
M. Alain Lecanu a rappelé, tout d'abord, que les partenaires sociaux avaient prévu, dans l'accord national interprofessionnel de décembre 2003, un bilan de l'application de ce texte d'ici à la fin de 2008. De premiers éléments d'évaluation seront toutefois disponibles dès septembre 2007, concernant certains sujets faisant débat.
Il a considéré que le système de formation professionnelle n'était pas si complexe qu'il pouvait apparaître, même si des améliorations pouvaient être apportées. Ainsi, il a suggéré, d'une part, de mettre en place une structure commune permettant aux partenaires sociaux d'afficher plus clairement leurs positions au niveau régional, d'autre part, de mieux prendre en compte les logiques de branche à cet échelon territorial.
Il s'est déclaré favorable au regroupement des deux réseaux interprofessionnels d'organismes paritaires collecteurs agréés (OPCA), dans un souci de cohérence et afin de réduire les frais de gestion. Il a souhaité, de façon plus générale, qu'une réflexion soit engagée sur le regroupement des OPCA, à partir de la détermination d'un seuil minimal de collecte, tout en veillant, néanmoins, à maintenir une cohérence de leurs secteurs d'activité.
Alors qu'est souvent évoquée l'opacité de la gestion des fonds de la formation professionnelle, M. Alain Lecanu a rappelé que les comptes de chaque OPCA étaient certifiés, puis transmis à l'administration. Les contributions au financement du paritarisme font explicitement partie des frais de gestion des OPCA et sont nécessaires au bon fonctionnement du système.
Abordant, ensuite, la question de l'efficacité du système de formation professionnelle, il a jugé essentiel de préciser au préalable les attentes à son égard. Les employeurs ont une obligation de financement, mais n'ont pas d'obligation de résultat qui soit mesurable en termes d'employabilité des salariés. Aussi la notion de gestion prévisionnelle des emplois et compétences (GPEC) revêt-elle une grande importance dans une logique de sécurisation des parcours professionnels.
Par ailleurs, M. Alain Lecanu a préféré axer la réflexion sur les personnes les plus éloignées de l'emploi plutôt que sur les moins qualifiées, dans la mesure où certains cadres peuvent parfois rencontrer, notamment à la suite d'un accident de parcours, de très fortes difficultés d'accès à la formation et à l'emploi.
Au sujet du droit individuel à la formation (DIF), il a considéré que l'on manquait encore de recul pour en dresser un bilan. Estimant que vingt heures n'étaient pas une durée suffisante pour suivre une formation intéressante, il a indiqué que certaines entreprises acceptaient d'anticiper sur le nombre d'heures cumulées chaque année par les salariés pour leur permettre d'entrer dans des formations plus longues. Il a insisté, dans un souci de sécurisation des parcours professionnels, sur la nécessité de rendre le DIF transférable, y compris d'une branche à une autre, en prenant appui sur ce qui a été fait concernant le compte-épargne-temps.
Concernant les formations à destination des demandeurs d'emploi, il a regretté le déficit d'information sur les dispositifs existants. Puis il a souhaité que l'articulation et la complémentarité des financements entre les régions et les Assedic soient renforcées et que la place de l'Afpa au sein de ce dispositif soit consolidée, par une meilleure définition de la gouvernance régionale.
Jugeant préjudiciables les délais imposés pour accéder à certaines formations spécialisées, il a fait observer que les efforts en faveur des formations aux métiers en tension ne devaient pas se faire au détriment des demandes de formation dans d'autres secteurs à potentiel.
A l'issue de cette intervention, M. Jean-Claude Carle, président, a reconnu, d'une part, qu'il était en effet préférable de parler des personnes les plus éloignées de la formation, sans pour autant oublier les moins qualifiées, d'autre part, que l'on manquait encore de recul pour porter un jugement sur le DIF. Il s'est demandé s'il fallait envisager la transférabilité de ce droit ou s'engager dans la voie de la mutualisation. Enfin, il a souhaité savoir si les OPCA pourraient remplir une mission d'information sur les dispositifs de formation et d'ingénierie au service des très petites entreprises.
Mme Isabelle Debré a souhaité connaître l'avis de l'intervenant sur le nombre des OPCA, avant de s'enquérir des conditions de la réussite du DIF au sein des entreprises et des façons de capitaliser ce droit. Elle s'est interrogée, en outre, sur les critères d'évaluation de la qualité et de l'efficacité des formations, ainsi que sur les dispositifs d'accompagnement des reconversions et de la mobilité professionnelles, dans un objectif de sécurisation des parcours.
En réponse, M. Alain Lecanu a apporté les précisions suivantes :
- la transférabilité du DIF ne pourra être envisagée qu'une fois clarifiées les questions fiscales liées à ce droit, concernant notamment le provisionnement ou non des heures ; dès lors, cela pourrait être mis en oeuvre dans le cadre d'une gestion mutualisée notamment ;
- il faudrait envisager, autour de secteurs d'activités cohérents, un regroupement des plus petits OPCA, de façon à atteindre un niveau critique de collecte ; ce seuil pourrait être fixé à environ 50 millions d'euros ;
- le DIF constituera une avancée quand le cumul d'heures sera suffisant pour accéder à des formations intéressantes ; toutefois, il est possible dès à présent d'anticiper sur cette durée, quand il existe une relation de confiance entre l'employeur et son salarié ;
- il est inadmissible que les services de l'emploi méconnaissent les dispositifs de formation ; pourtant, beaucoup a déjà été fait en matière de communication ;
- le taux de retour à l'emploi est le premier critère de qualité et d'efficacité d'une formation ; pour les salariés, il incombe à l'entreprise de voir si la formation suivie correspond aux besoins ; en l'absence de dispositif d'agrément, il pourrait revenir aux financeurs des formations d'écarter celles qui ne sont pas sérieuses ou adaptées ;
- le principe du contrat de transition professionnelle est un bon point de départ à la réflexion sur la sécurisation des parcours ; il faudrait l'étendre en allongeant sa durée, dans certains cas de reconversion, au-delà de douze mois ; par ailleurs, si l'entretien annuel institué dans le cadre du DIF va dans le bon sens, il serait intéressant de le compléter par un bilan de compétences à réaliser tous les cinq ans ; enfin, l'idée d'un passeport orientation-formation mis en place dès la classe de troisième permettrait de créer, par la suite, un lien avec l'entreprise.
Complétant ces propos, M. Marcel Brouard a indiqué que les OPCA jouaient déjà un rôle en matière d'ingénierie. L'Etat et les partenaires sociaux devraient toutefois ouvrir une réflexion sur le périmètre et les missions de ces organismes, alors que des officines privées investissent désormais ce rôle d'interface avec les entreprises. Il ne serait pas souhaitable de recourir à des organismes extérieurs chargés du choix et du paiement des formations, dans la mesure où l'employeur doit garder la responsabilité de juger du retour sur investissement de la formation.