Mercredi 18 octobre 2006
- Présidence de M. Alex Türk, président. -Examen du rapport
A titre liminaire, M. Alex Türk, président, a indiqué que les membres de la mission avaient pu prendre connaissance du projet de rapport transmis quelques jours auparavant. Après les avoir remerciés pour leur participation active aux travaux, il a rappelé que la mission avait entendu depuis six mois une soixantaine de personnalités et effectué dix déplacements, aussi bien en métropole qu'outre-mer et dans quelques villes étrangères. Il s'est félicité de l'esprit ayant présidé aux travaux de la mission.
Après avoir remercié à son tour les membres de la mission pour leur participation, M. Pierre André, rapporteur, a indiqué que le rapport se composait de deux tomes, le premier constituant le rapport proprement dit et le second comportant le compte rendu détaillé des déplacements et des auditions. Il a indiqué que le préambule rappelait que ce rapport ne constitue pas une réponse conjoncturelle aux événements de l'automne 2005, même si un rappel détaillé des faits et leur analyse figurent en annexe. Le rapport se présente comme un bilan aussi complet que possible des politiques menées depuis quinze ans dans les quartiers en difficulté, concernant tous les volets de la politique de la ville. Estimant que les « émeutes » urbaines étaient, en définitive, restées circonscrites essentiellement en Ile-de-France et surtout en Seine-Saint-Denis, il a considéré qu'elles ne pouvaient être considérées comme la résultante d'une faillite de la politique de la ville menée depuis le début des années 90, celle-ci ayant contribué de manière importante à éviter, sinon un embrasement général, du moins un mouvement de plus grande ampleur.
M. Pierre André, rapporteur, a ensuite indiqué que le rapport comportait sept parties concernant l'amélioration du cadre de vie dans les quartiers en difficulté, la réponse à apporter aux besoins prioritaires d'éducation, la politique de l'emploi, le rétablissement de la sécurité, la cohésion sociale, le volet budgétaire et financier de la politique de la ville et, enfin, la nécessaire évolution institutionnelle de cette politique. La première partie rappelle les efforts menés en faveur de la rénovation urbaine, qui doivent être poursuivis et amplifiés en garantissant le financement du programme national de rénovation urbaine et l'accélération de sa mise en oeuvre. Ceci suppose une association plus étroite des habitants aux projets de rénovation urbaine et des actions préventives pour éviter la dégradation des copropriétés privées. Elle traite ensuite de la nécessité de retisser la trame urbaine, cet objectif passant par la réduction de la ségrégation spatiale, le désenclavement des quartiers, le soutien au commerce de proximité et une meilleure prise en compte du développement économique dans les projets de rénovation urbaine.
Abordant la deuxième partie, M. Pierre André, rapporteur, a expliqué qu'elle portait sur les réponses à formuler aux besoins prioritaires d'éducation et de formation dans les quartiers en difficulté. Les politiques scolaires qui y sont menées devraient être repensées, dans la mesure où elles tendent à aggraver les inégalités. Il convient également de s'interroger sur le bilan du système d'éducation prioritaire, marqué par un éparpillement des efforts et une extension excessive des zones d'éducation prioritaire, de réfléchir à l'adaptation des moyens des équipes éducatives afin de rétablir l'égalité des chances et la mixité sociale, dès l'école primaire, et d'envisager en zone d'éducation prioritaire des établissements plus autonomes et plus attractifs. L'école devrait mieux tenir compte de son environnement afin de lutter efficacement contre l'échec scolaire, ce qui nécessite une prise en charge plus précoce et plus globale des difficultés des élèves et des familles, une extension des études encadrées, avec de nouveaux intervenants, et un aménagement de l'institution scolaire autour de la notion de « communauté éducative ». Enfin il conviendrait, comme les déplacements de la mission l'ont montré, de réduire le fossé existant entre l'école et le monde professionnel et de rendre les filières professionnelles et les métiers manuels plus attractifs.
M. Pierre André, rapporteur, a ensuite détaillé la troisième partie, consacrée à la politique de l'emploi dans les quartiers en difficulté. Rappelant l'importance du chômage dans les zones urbaines sensibles et les problèmes liés à la discrimination, il a souligné les efforts déjà engagés pour attirer des entreprises dans les zones franches urbaines et pour accompagner les jeunes en difficulté de manière personnalisée. Ces efforts devront être poursuivis après 2007 en amplifiant et en prolongeant les actions de développement économique, en améliorant la formation insuffisante ou inadaptée des jeunes de ces quartiers, mais aussi en favorisant le retour des classes moyennes et en permettant aux jeunes diplômés de trouver un emploi ailleurs que dans leur quartier.
S'agissant de la quatrième partie, relative à la sécurité, le rapporteur a insisté sur la nécessité d'associer davantage les habitants à la prévention de la délinquance. Il a indiqué que ces territoires se caractérisaient par une surdélinquance des mineurs et une détérioration de plus en plus préoccupante des relations entre les habitants -et notamment les jeunes- avec la police. Jugeant indispensable de recruter des policiers plus proches de la population, comme la mission a pu l'observer à Londres pour la police de proximité, il a jugé indispensable d'améliorer la formation et l'encadrement des jeunes policiers et de réactiver une police de proximité qui serait plus en synergie avec les autres composantes des forces de l'ordre. Ces objectifs impliquent de mettre en place des partenariats ciblés en matière de justice et de sécurité, de mieux répondre au besoin de médiation, de « désanctuariser » l'école et d'aménager le principe du secret professionnel entre les différents acteurs chargés de la sécurité et de l'accompagnement sanitaire et social.
M. Pierre André, rapporteur, a ensuite expliqué, à propos de la cinquième partie, consacrée à la cohésion sociale, qu'il était nécessaire d'assurer le succès de l'Agence nationale pour la cohésion sociale et l'égalité des chances, chargée de mener des actions en faveur des populations des quartiers en difficulté. Les nouveaux contrats urbains et de cohésion sociale et un accompagnement renforcé des actions associatives devraient permettre d'assurer une coordination plus satisfaisante des différents acteurs en charge de la cohésion sociale. Dans cette perspective, il conviendra de renforcer et de pérenniser, après évaluation, le rôle des associations qui sont des acteurs essentiels de la politique de la ville dans les quartiers, en leur donnant les moyens d'une action dans la durée et en engageant une réflexion sur un véritable statut du bénévole.
S'agissant de la sixième partie, relative au volet financier et budgétaire de la politique de la ville, il a indiqué que l'estimation des crédits de la politique de la ville était très difficile, comme le montre le débat récurrent sur les crédits spécifiques et les crédits de droit commun. Les informations disponibles en ce domaine sont peu fiables, ainsi que l'a d'ailleurs noté avec sévérité la Cour des comptes. Ce constat est confirmé par les réponses très décevantes apportées par les préfectures au questionnaire adressé par la mission. En outre, l'émergence de nouveaux opérateurs et le renforcement des outils de péréquation soulèvent plusieurs interrogations, qu'il s'agisse du rôle de la délégation interministérielle à la ville en matière budgétaire, du fait désormais de l'existence des deux agences, ou du renforcement de la place de la dotation de solidarité urbaine et de cohésion sociale comme outil de la politique de la ville. Il a estimé que ce renforcement ne s'était pas accompagné d'un suivi approprié, alors que la DSU a connu une progression très sensible et que son effet péréquateur est incontestable. Des améliorations sont donc à apporter pour rendre cet outil plus efficace.
M. Pierre André, rapporteur, a enfin abordé la septième et dernière partie, relative à la nécessaire évolution institutionnelle de la politique de la ville et aux aménagements qui doivent être apportés à sa gouvernance, du niveau ministériel jusqu'au niveau local. Les modalités de cette gouvernance ne sont plus véritablement adaptées à l'évolution de la politique de la ville et à ses nouveaux enjeux. En particulier, les changements de périmètre et l'évolution incessante du cadre ministériel empêchent une évaluation satisfaisante dans la durée des actions menées. Tout plaide donc pour une nouvelle organisation centrale de la politique de la ville autour d'un ministère d'Etat à la ville, au logement et à l'aménagement du territoire afin de permettre une approche globale du développement urbain.
S'agissant plus particulièrement de la Seine-Saint-Denis, le rapporteur a estimé qu'il convenait d'apporter une réponse spécifique et novatrice aux difficultés de ce département, qu'il s'agisse de problèmes urbains, de chômage, de discrimination et de sécurité : à cet égard, la création, pour la durée de la législature, d'un secrétaire d'Etat à la Seine-Saint-Denis, au-delà de la symbolique, traduirait la nécessité d'une action forte à mener pendant plusieurs années. Dans le même sens, une loi spécifique à la Seine-Saint-Denis, susceptible de déroger au droit commun, pourrait être proposée et comporter des dispositions expérimentales aménageant les compétences des collectivités territoriales pour une durée limitée en leur donnant des moyens nouveaux. Plus généralement pour la région parisienne, il serait opportun de rechercher dans un proche avenir une meilleure coordination des actions de l'Etat et des collectivités territoriales, par exemple en élaborant un schéma régional d'orientation pour la ville permettant de fixer des priorités et des actions communes en matière de foncier, de logement et de transports.
S'agissant de la gouvernance proprement locale, M. Pierre André, rapporteur, a indiqué que le rapport réaffirmait le rôle central des maires dans la mise en oeuvre de la politique de la ville. Si la commune reste l'échelon des actions de proximité, notamment à travers le financement des associations et des centres sociaux, les intercommunalités constituent un autre niveau pertinent pour réinsérer les quartiers en difficulté dans le tissu urbain : il serait sans doute opportun, à titre expérimental, de leur permettre de percevoir de l'Etat une subvention globale dans le cadre des nouveaux contrats urbains, ce qui simplifierait notablement les procédures, notamment pour les associations. Il conviendrait enfin, plus généralement, de mieux cibler, dans leurs domaines de compétence, les interventions des départements et des régions sur les quartiers prioritaires de la politique de la ville.
Un large débat s'est alors instauré.
M. Jacques Mahéas a tout d'abord estimé nécessaire de disposer de davantage de temps pour examiner le rapport. Il a ensuite émis des réserves sur l'ordre des priorités du rapport et a regretté que la mission n'ait pas entendu de représentants des médias. Il a exprimé son désaccord avec certains développements consacrés à l'éducation, s'agissant notamment de la « faillite » de l'éducation prioritaire et de la nécessaire « adaptation de l'école aux employeurs ». Il a ensuite émis des doutes sur le déblocage effectif des crédits annoncés par le ministre de la cohésion sociale. S'agissant des propositions du rapporteur, il a estimé que certaines d'entre elles étaient positives, d'autres plus contestables, et que son groupe avait des propositions pour chacun des chapitres. A titre d'exemple, au sujet du logement, il a cité la réalisation de 120.000 logements sociaux par an, la disparition de l'habitat indigne, la relance de l'accession sociale à la propriété, l'obligation d'inclure dans tout programme de promotion privée un quart de logements sociaux, le plafonnement à 25 % du budget des ménages de la part consacrée au logement, le triplement du montant des sanctions financières contre les communes ne respectant pas leurs obligations en matière de construction de logements sociaux, la réorientation des aides fiscales en direction des classes moyennes et populaires, la garantie de l'affectation du livret A au financement prioritaire des logements sociaux dans les quartiers en difficulté et l'établissement d'un plan de logements d'urgence à réaliser hors zone urbaine sensible.
M. André Vallet a estimé que les propositions du rapport étaient classées selon un ordre logique, qui n'influait pas sur le rang de priorité. Il a noté que si certaines des recommandations, notamment dans le domaine de l'éducation, avaient déjà pu être formulées, il n'était pas inutile de les reprendre, comme le renforcement des relations entre les entreprises et l'école, l'allongement du temps de présence des enseignants ou l'autonomie des établissements.
Il a regretté par ailleurs que le rapport ne tranche pas de manière plus explicite la question de la police de proximité. Il s'est enfin déclaré opposé à la création d'un secrétariat d'Etat à la Seine-Saint-Denis.
M. Dominique Braye a exprimé, tout d'abord, son regret que l'on ne parvienne pas à un consensus sur un sujet de cette importance, tant au niveau du constat que des propositions. S'il a reconnu que le problème de l'emploi était prioritaire, il a fait observer que se posait également la question de l'« employabilité » de nombreux jeunes des quartiers.
Il a souhaité, ensuite, ne pas stigmatiser l'éducation nationale, soulignant à cet égard la responsabilité du système éducatif plutôt que celle de ses personnels. Concernant le problème capital du logement, il a estimé qu'il s'agissait de construire davantage et de diversifier l'offre. Enfin, il n'a pas jugé utile d'auditionner des représentants des médias.
Saluant le travail du rapporteur, M. Alain Dufaut a fait observer, toutefois, que nombre de ses propositions avaient déjà été expérimentées. Il a souligné le rôle des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI), qui constituent l'échelon pertinent, notamment en matière d'attribution des logements sociaux. Il a souhaité, ensuite, que la position de la mission concernant la police de proximité soit précisée, estimant que la présence de référents policiers dans les établissements scolaires et les lieux publics répondait de façon positive à ce souci de proximité. Il a exprimé, enfin, ses réserves à l'égard de la proposition tendant à créer un secrétariat d'Etat à la Seine-Saint-Denis.
M. Thierry Repentin a regretté de ne pas avoir eu davantage de temps pour examiner le projet de rapport et a précisé qu'il aurait souhaité un surcroît de concertation sur son contenu. Il a estimé que le rapport présenté comportait certaines propositions positives, audacieuses et courageuses, même si d'autres lui apparaissaient plus discutables et appelaient, selon lui, un débat. Il a considéré qu'il aurait été préférable, sur un sujet aussi important, de rechercher un consensus, comme cela avait été fait dans le cadre du rapport d'information sur les facteurs fonciers et immobiliers de la crise du logement, publié en juin 2005 par la commission des affaires économiques.
Il a estimé que le rapporteur avait fait preuve de courage en expliquant qu'il fallait reconsidérer la question de la police de proximité et qu'il convenait de porter plus d'attention à la gestion urbaine de proximité. Il a aussi déclaré qu'il partageait le constat des carences de l'ANRU sur l'accompagnement social et a considéré que les solutions institutionnelles proposées par le rapporteur avaient pour mérite d'innover, même s'il pensait qu'une administration de mission lui semblait plus appropriée pour la Seine-Saint-Denis. Il a, également, manifesté son accord avec les propositions relatives à l'accès à la culture et au rôle du monde associatif.
Il a estimé, cependant, qu'il y avait des propositions ou des éléments d'analyse qu'il ne pouvait partager concernant, par exemple, la desserte en transports urbains des quartiers en difficulté qui nécessiterait, selon lui, de revenir à un financement national des sites propres. Il a fait part, ensuite, de son désaccord concernant les analyses du rapport relatives à l'éducation nationale, en estimant que toutes les administrations étaient confrontées à des difficultés nouvelles dans les quartiers en difficulté et qu'on ne pouvait stigmatiser uniquement l'échec des politiques éducatives. Il a appelé de ses voeux un jugement plus pondéré. Il a estimé, par ailleurs, qu'il n'était pas souhaitable d'étendre le bénéfice de la dotation de solidarité urbaine (DSU) à toutes les communes qui avaient une zone urbaine sensible (ZUS).
Mme Dominique Voynet a salué l'équilibre du rapport, notamment dans le jugement porté sur le bilan de la politique de la ville alors que des interrogations sur ce point avaient été émises au début de la mission. Elle a estimé que le rapport aurait pu accorder davantage de place à l'emploi, qui constitue le vrai problème de ces quartiers. Elle a considéré que les déplacements effectués sur le terrain n'avaient pas mis en évidence de problèmes d'employabilité. Elle a estimé que le rapport aurait pu accorder plus d'importance à l'économie sociale et solidaire et faire des propositions concernant l'accompagnement des créateurs de projets.
Elle a estimé, par ailleurs, qu'en matière institutionnelle il était préférable de privilégier le concret ainsi que la continuité des politiques menées. Evoquant la question de la péréquation financière, elle a regretté que le rapport n'évoque pas une refonte plus globale de la fiscalité locale, en remarquant que la DSU avait un impact marginal pour corriger les déséquilibres. Elle a, enfin, suggéré que la mission procède à l'audition du nouveau délégué interministériel à la ville.
M. Philippe Richert a indiqué partager l'orientation générale des conclusions et des propositions présentées par le rapporteur, soulignant le besoin de continuité dans les politiques menées, notamment en matière d'éducation.
Il a reconnu, tout d'abord, qu'améliorer le cadre de vie était une priorité, et que les actions de rénovation urbaine contribuaient à transformer en profondeur les quartiers concernés. Il a estimé, ensuite, que l'éducation nationale ne méritait ni des critiques acerbes, ni des louanges d'autosatisfaction, dans la mesure où elle n'a pas réussi à assumer la massification. S'agissant des zones d'éducation prioritaires, il a souligné la nécessité de mieux recentrer les moyens sur les secteurs les plus fragiles.
Par ailleurs, il a exprimé son adhésion à une grande partie des remarques formulées par M. Thierry Repentin, qui rejoignent également les propos tenus par le rapporteur. Sans approuver, à titre personnel, la proposition du rapporteur concernant la Seine-Saint-Denis, il a reconnu que les problèmes spécifiques de ce département devaient être pris en compte dans chacune des politiques menées.
M. Roland Muzeau s'est félicité de la qualité du travail mené par la mission, d'autant plus remarquable que beaucoup de rapports sur la politique de la ville ont déjà été publiés, et du parti pris retenu de ne pas centrer toute l'analyse sur les seuls événements de l'automne dernier.
Notant que nombre de propositions ne constituent en fait que des voeux pieux, il a déploré que d'autres réunions ne soient pas prévues avant la publication définitive du rapport.
Il a regretté l'absence de développements sur les pratiques discriminatoires à l'embauche de certains employeurs, en raison du quartier d'origine, où il n'y a pas que des « gens inemployables », de la ville de résidence ou du patronyme.
Il a insisté, en outre, sur l'aggravation des phénomènes de paupérisation, découlant, en particulier, du travail à temps partiel.
Prenant pour exemple le cas du département des Hauts-de-Seine, il a estimé que le rapport devait également mettre en lumière la responsabilité du préfet, seule autorité à pouvoir déterminer le montant des pénalités infligées aux communes ne respectant pas les dispositions législatives en matière de logement social.
Il a également considéré que le rapport n'avait pas de position suffisamment tranchée sur la question de la carte scolaire, et s'est interrogé sur le bien-fondé de l'élargissement de son périmètre dans des zones géographiques qui ne recouvrent, pour l'essentiel, que des populations défavorisées.
Il a regretté, par ailleurs, que le thème de la santé ne soit pas abordé dans le rapport, alors même que les travaux de la mission ont permis de révéler les difficultés d'accès aux soins dans certains quartiers, notamment chez les jeunes, en particulier dans le domaine de la prévention bucco-dentaire.
Evoquant les questions de sécurité, il a souligné un décalage entre le constat dressé par la mission et les propositions trop modestes du rapport. Revenant sur l'engrenage de la violence et de la répression dont souffrent de nombreux quartiers, il a estimé que la présence d'une police de proximité permettait d'éviter l'enclenchement d'une telle logique découlant, pour l'essentiel, du recours aux brigades anti-criminalité (BAC). Il a souligné la difficulté de la mission confiée aux policiers dans certains quartiers, ainsi que les conséquences de la pénurie des moyens humains dans le département des Hauts-de-Seine.
Il s'est félicité, en revanche, de l'action menée au sein des maisons de la justice et du droit, qui contribue fortement à réduire le nombre de litiges remontant devant les tribunaux. Il a regretté, toutefois, que les moyens qui y sont affectés soient aujourd'hui fortement réduits.
Il a également exprimé sa perplexité concernant la proposition du rapport visant à ouvrir le service citoyen national aux résidents étrangers, alors que le droit de vote ne leur est pas accordé.
M. Jacques Mahéas a indiqué que le récent projet de loi adopté par le Sénat sur la lutte contre la délinquance prévoyait des dispositions relatives à l'ouverture du service citoyen national aux étrangers.
M. Roland Muzeau a ajouté que les propositions du rapport devaient tenir compte des problématiques liées à la diversification et à la densification urbaines.
M. Philippe Dallier a regretté que les montants de la dotation de solidarité urbaine et des crédits de la politique de la ville n'aient pu être fournis par toutes les préfectures. Il a observé que la publication de ces informations aurait permis de mettre un terme à des polémiques inutiles sur l'évolution globale de l'effort financier réalisé en faveur des quartiers. Il a émis le souhait que la mission puisse disposer également de ratios, par département, précisant les effectifs de policiers, d'éducateurs et de magistrats rapportés à la population. Il a indiqué qu'il placerait l'éducation en première priorité, avant même l'emploi, et a considéré que plutôt que de promouvoir les propositions les plus innovantes, la mission devait chercher d'abord à consolider les réalisations déjà effectuées, citant notamment le plan de cohésion sociale et le programme de rénovation urbaine. A cet égard, il a souligné que les besoins financiers de l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU) connaîtraient une très forte progression dans les années prochaines et souhaité que la mission puisse émettre un avis unanime sur les moyens à mettre en oeuvre pour sécuriser les financements de l'Agence.
Relevant l'extrême particularité de la région Ile-de-France, il s'est prononcé en faveur d'une modification profonde de son schéma actuel de gouvernance par la suppression des départements de la petite couronne. Il a également estimé, au regard de la problématique des quartiers en Seine-Saint-Denis, que des propositions innovantes et spécifiques à ce département- y compris en termes de législation- ne sauraient être considérées comme une marque de stigmatisation, mais comme un moyen de répondre au besoin urgent de rétablir la République en Seine-Saint-Denis.
S'inspirant, enfin, de son expérience acquise lors d'un stage en juridiction à Lille, il a souligné l'utilité de postes de liaison permanents entre le parquet et les élus locaux, notamment dans le cadre des conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance (CLSPD).
Mme Valérie Létard a salué la qualité du travail du rapporteur, nourri par les expériences de terrain et les témoignages recueillis lors des auditions, regrettant toutefois que la formulation de certaines propositions ne soit pas conforme à l'esprit du rapport. S'agissant de la rénovation urbaine, elle a indiqué que certaines régions contribuent déjà significativement à ces opérations. Elle s'est également interrogée sur la capacité des fonds de solidarité logement (FSL) à prendre en charge durablement le différentiel des loyers des ménages les plus en difficulté, suite à un relogement dans le cadre d'une opération de rénovation urbaine. Concernant l'éducation, elle a suggéré la mise en place de dispositifs de prévention précoce avant l'entrée à l'école.
Sur le volet de l'emploi, elle a indiqué qu'elle transmettrait des propositions afin de compléter ou préciser celles du rapport.
Dans le domaine de la sécurité, elle a plaidé pour une véritable complémentarité entre la police de proximité, les brigades anti-criminalité, la police municipale et la police nationale. Elle a également souhaité que les effectifs de la police nationale soient davantage mobilisés la nuit, selon des modalités arrêtées par les contrats locaux de sécurité et de prévention de la délinquance (CLSPD).
Elle est convenue de la nécessité de prévoir un traitement spécifique de la Seine-Saint-Denis et de la région Ile-de-France, souhaitant que soient privilégiées des solutions dérogatoires adaptées aux réalités de chaque territoire, et que soit engagée une réflexion approfondie sur la péréquation des ressources fiscales et des moyens distribués.
Elle a jugé nécessaire de redéfinir la géographie prioritaire actuelle afin que soient mieux pris en compte les territoires qui connaissent de nouvelles difficultés et qui justifieraient une intervention ciblée. Elle a fait observer que le choix des zones de référence pour déterminer les zones éligibles à la politique de la ville était, à cet égard, déterminant.
Elle s'est demandé si la création d'un secrétariat d'Etat à la Seine-Saint-Denis n'était pas de nature à porter atteinte à la dimension interministérielle de la politique de la ville dans ce département.
Rejoignant les observations de Mme Dominique Voynet, elle a estimé opportun que le nouveau délégué interministériel à la ville soit auditionné par la mission.
Considérant que l'éducation est un facteur essentiel d'insertion dans la vie active, M. Michel Houel a suggéré que ce volet constitue la première partie du rapport.
Il a souhaité que les communautés de communes soient dotées d'une compétence en matière de logement social afin que les programmes de construction soient appréhendés dans un cadre plus large, notamment dans les zones rurales.
Il s'est également montré réservé sur la création d'un secrétariat d'Etat à la Seine-Saint-Denis.
Mme Raymonde Le Texier a déploré que la transmission du rapport ait été trop tardive pour lui permettre d'en prendre connaissance et d'en débattre avec ses collègues. Elle a demandé qu'un délai supplémentaire soit accordé afin que les propositions de son groupe puissent être débattues et permettent d'aboutir, si possible, à un consensus.
Elle a enfin regretté que le problème de la discrimination à l'embauche figure dans la partie relative à la cohésion sociale, et non dans celle concernant la politique de l'emploi dans les quartiers, et elle a souhaité que cette question soit plus développée.
Mme Marie-Thérèse Hermange s'est dite également réservée sur la création d'un secrétariat d'Etat à la Seine-Saint-Denis.
Comme Mme Valérie Létard et M. Roland Muzeau, elle s'est étonnée de l'absence de propositions relatives aux questions sanitaires, soulignant notamment la nécessité d'une prévention précoce. Elle a évoqué, à cet égard, son récent rapport, « Périnatalité et parentalité ».
Elle a également suggéré que la partie relative à l'éducation figure au début du rapport et soit élargie aux questions sanitaires et au rôle de la famille.
M. Alex Türk, président, a confirmé la constitutionnalité d'un secrétariat d'Etat spécifique à un département, comme de toute autre structure ministérielle. Il a souligné qu'une proposition de ce type aurait comme intérêt principal d'alerter l'opinion sur un sujet difficile et très spécifique, incitant également les politiques à se déterminer.
M. Pierre André, rapporteur, a rappelé que la mission avait engagé ses travaux depuis plus de 6 mois et que ceux-ci avaient donné lieu à de nombreux échanges. Il ne s'est pas déclaré favorable, par principe, à une position d'unanimité qui pourrait conduire certains à renoncer à leurs idées et aboutir à vider le rapport de sa substance.
Il a indiqué que le rapport pourrait être modifié sur un nombre limité de points évoqués lors de la présente réunion, et que les groupes ont la possibilité de faire parvenir des contributions écrites.
Il a considéré qu'il était important que la publication des propositions de la mission ne soit pas retardée à l'excès, compte tenu de l'attente très forte des quartiers sensibles et de la tension existante. En ce qui concerne la Seine-Saint-Denis, il a justifié le caractère exceptionnel des recommandations formulées dans le rapport par la situation très particulière de ce département qui se trouve être à la fois l'un des plus riches de France, mais également celui où la pauvreté est la plus présente, avec un niveau d'administration inférieur à la moyenne nationale. Cette situation nécessite une action spécifique, notamment pour coordonner les interventions dans le logement, la gestion des transports et du foncier.
Il a estimé inopportun d'établir un ordre de priorité entre les propositions du rapport, chacune ayant son importance, et il a souligné le souci d'objectivité qui l'avait inspiré, notamment, dans la formulation des propositions concernant les deux grands débats actuels, trop souvent traités de manière partisane, que sont la police et la carte scolaire.
Il a refusé de reprendre à son compte la terminologie relative à l'inemployabilité de certains habitants des quartiers sensibles, préférant s'en tenir au constat d'un décalage entre les besoins des entreprises et l'éducation nationale, qui aboutit à ce qu'une partie de l'offre d'emploi ne peut être satisfaite.
Le rapporteur a ensuite apporté les précisions suivantes :
- la question des transports urbains sera un point central des prochains contrats urbains de cohésion sociale et devrait pouvoir bénéficier de l'appui des fonds structurels ;
- il est préférable, plutôt que de réclamer de nouveau une grande réforme de la fiscalité locale, de s'en tenir à des propositions plus réalistes sur l'amélioration de la péréquation ;
- la question importante de la discrimination territoriale et ethnique a reçu une première réponse dans des textes législatifs récents et par la création et l'élargissement des pouvoirs de la haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité (HALDE) ;
- il n'est pas souhaitable que le rapport de la mission s'engage sur des propositions trop précises sur les niveaux administratifs à privilégier en région Ile-de-France, ce qui l'amènerait à dépasser le cadre de ses travaux ;
- la proposition du rapport concernant le Fonds de solidarité pour le logement (FSL) autoriserait les départements à financer le différentiel de loyer résultant des opérations de rénovation urbaine.
En conclusion, le rapporteur a insisté sur la nécessité d'une publication rapide du rapport de la mission d'information.
Après avoir indiqué que son groupe n'avait pas d'opposition frontale contre le rapport, M. Jacques Mahéas a estimé qu'il pourrait s'abstenir s'il disposait de davantage de temps pour l'examiner ; dans le cas contraire, il serait conduit à voter contre et ne proposerait aucune contribution.
M. Roland Muzeau a noté que les échanges de la mission montraient qu'il serait possible de compléter ou d'infléchir certaines propositions, ce qui pourrait conduire son groupe à s'abstenir, mais qu'en l'absence de délai supplémentaire, il serait amené à voter contre le rapport.
Se félicitant du travail constructif mené par la mission, dans un climat serein, Mme Valérie Létard a indiqué qu'elle voterait le rapport, dès lors que certaines inflexions y auraient été apportées. M. Thierry Repentin a formulé des voeux allant dans le même sens.
En réponse à ces interventions, M. Alex Türk, président, et M. Pierre André, rapporteur, ont indiqué que la mission poursuivrait l'examen du rapport la semaine suivante et ont demandé à ses membres de leur faire parvenir, d'ici là, leurs demandes de modification.
Mardi 24 octobre 2006
- Présidence de M. Alex Türk, président. -Suite de l'examen du rapport
La mission commune d'information a poursuivi l'examen du rapport présenté par M. Pierre André, rapporteur.
M. Alex Türk, président, a indiqué que le rapporteur, ayant reçu plusieurs contributions de membres de la mission, était prêt à retenir un certain nombre de propositions et à modifier son rapport sur plusieurs points pour tenir compte des remarques formulées. Il a proposé que, sur chacune des parties du rapport, le rapporteur précise les propositions susceptibles d'être retenues avant d'ouvrir le débat.
Sur la première partie relative au cadre de vie dans les quartiers en difficulté, M. Pierre André, rapporteur, a tout d'abord indiqué qu'il était favorable à une sanctuarisation des crédits de l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU) afin que le nouveau fonds qu'il propose de créer bénéficie de crédits supplémentaires. Il a proposé, ensuite, de préciser que la participation des régions et des départements à l'effort de solidarité en faveur de la rénovation urbaine s'inscrive dans un souci de cohérence des politiques publiques. Il a souhaité, par ailleurs, encourager le soutien à l'ingénierie de projet dans les communes et les intercommunalités. Concernant la proposition de créer un observatoire national chargé d'étudier les parcours résidentiels, il a considéré que cette responsabilité devait être exercée par l'Observatoire national des zones urbaines sensibles (ONZUS). Il s'est ensuite déclaré favorable au fait de préciser que les crédits qu'il propose d'affecter au financement d'actions de traitement préventif des copropriétés en difficulté s'ajoutent à ceux de l'ANRU.
M. Jacques Mahéas a exprimé son désaccord avec la proposition tendant à aider certains habitants à quitter les quartiers en difficulté lorsqu'ils trouvent un emploi à l'extérieur, en estimant qu'il était de l'intérêt de ces quartiers de conserver des personnes qui réussissent professionnellement.
M. Pierre André, rapporteur, a estimé que cette proposition favorisait la mobilité et qu'elle était équilibrée par une autre proposition tendant à inciter fiscalement les classes moyennes à venir habiter et travailler dans les quartiers en difficulté. Il a donné son accord pour la suppression de l'agrément relatif à la construction de bureaux.
M. Thierry Repentin a souhaité que l'on revienne à un financement par l'État des transports « en site propre » pour les communes dont certains quartiers sont classés en zone urbaine sensible.
M. Jacques Mahéas a rappelé son attachement à sa proposition de « bouclier logement » qui prévoit de plafonner les dépenses de logement d'un ménage à 25 % de son revenu, la revalorisation annuelle de l'aide personnalisée au logement (APL), le triplement des sanctions pour les communes qui ne satisfont pas à leur quota de logements sociaux et la mise en place d'un contrôle préfectoral sur les relogements. Il a souhaité que le rapport réaffirme que le maire reste le « maître d'ouvrage » de la politique de la ville.
M. Pierre André, rapporteur, a observé que ces propositions ne concernaient pas spécifiquement les ZUS.
Concernant la proposition de faire participer les départements et les régions à l'effort de rénovation urbaine, après un large débat auquel ont participé Mmes Nicole Bricq et Marie-Thérèse Hermange, MM. Thierry Repentin, Roland Muzeau et Pierre André, rapporteur, ce dernier a décidé « d'étendre » au lieu de « faire participer » l'ensemble des régions et des départements à l'effort de solidarité en faveur de la rénovation urbaine, dans un souci de cohérence des politiques publiques.
En réponse à M. Yves Dauge qui a souhaité que le rapport insiste, en particulier, sur la réaffirmation de la responsabilité principale des maires et des présidents d'agglomération dans la mise en oeuvre de la politique de la ville, M. Pierre André, rapporteur, a estimé qu'il existait effectivement sur le terrain un problème d'interlocuteur pour l'État et il a déclaré que le rapport réaffirmait effectivement le rôle prépondérant des communes et des agglomérations en ce domaine.
MM. Roland Muzeau et Thierry Repentin ont demandé que le rapport précise que l'ANRU pourrait également intervenir à l'avenir à travers les aides à la pierre pour permettre de maintenir le niveau des loyers pour les ménages relogés dans des logements neufs. Mme Valérie Létard a proposé que l'ANRU dispose de crédits spécifiques et supplémentaires pour pouvoir neutraliser les hausses de loyers consécutives à des opérations de rénovation urbaine. M. Roland Muzeau a également souhaité que les nouveaux logements construits dans le cadre des opérations de rénovation urbaine restent accessibles aux familles modestes. En réponse, M. Pierre André, rapporteur, a indiqué qu'il était nécessaire de construire tous les types de logements et qu'il était favorable au fait de mentionner explicitement dans le rapport les prêts locatifs à usage social (PLUS), les prêts locatifs aidés d'intégration (PLAI) et les prêts locatifs sociaux (PLS).
Mme Nicole Bricq et M. Alex Türk, président, se sont interrogés sur l'opportunité de la mesure visant à favoriser la mobilité des personnes issues des quartiers en difficulté lorsqu'elles trouvent un emploi à l'extérieur.
En réponse à M. Louis Souvet qui souhaitait que le rapport ne se limite pas à un catalogue de propositions, M. Alex Türk, président, a expliqué que celles-ci étaient présentées, hiérarchisées et largement explicitées dans le corps du rapport selon leur importance.
Mme Dominique Voynet s'est félicitée que le rapport souligne l'utilité de la politique de la ville, ce qui constitue un de ses principaux apports. Elle a proposé d'insister sur la nécessité de favoriser des actions permettant d'assurer la cohérence des politiques menées, dans une logique de guichet unique, notamment concernant les aspects relatifs à la rénovation urbaine et à l'accompagnement des personnes.
Abordant, ensuite, la partie relative à l'éducation, M. Pierre André, rapporteur, a annoncé que les demandes de modifications tendant à nuancer certaines rédactions avaient été prises en compte.
M. Jacques Mahéas a souligné le moindre coût global des zones d'éducation prioritaire et souhaité ne pas les stigmatiser. M. Dominique Braye a relevé que, dans la réalité, les enseignants sont confrontés à des difficultés importantes, notamment pour assurer la discipline dans leur classe, et que le rapport ne pouvait les passer sous silence.
Mme Dominique Voynet a précisé qu'il convenait de distinguer le discours tenu par les recteurs devant la mission, quelque peu déconnecté de la réalité, et l'engagement, sur le terrain, des enseignants et chefs d'établissement rencontrés par la mission au cours de ses déplacements.
Rejoignant ces propos, M. Yves Dauge a évoqué, à cet égard, la mobilisation des équipes éducatives rencontrées par la mission à Clichy-sous-Bois, qui demandaient des moyens d'action adaptés à leurs difficultés.
M. Jacques Mahéas ayant souhaité, ensuite, préciser la rédaction de la proposition relative à la carte scolaire, M. Pierre André, rapporteur, a répondu qu'il était essentiel de revoir celle-ci, dans le cadre de négociations avec les collectivités territoriales. Il a accepté, ensuite, de prendre en compte les modifications proposées par Mme Nicole Bricq, suggérant de faire référence aux « mécanismes d'élaboration » de la carte scolaire, et par MM. Thierry Repentin et Jacques Mahéas, ajoutant que cette révision devrait viser un objectif de mixité sociale.
M. Jacques Mahéas a exprimé ses réserves, ensuite, à l'égard de plusieurs propositions, concernant la place des parents dans l'école, la mise en commun des moyens de la médecine scolaire et des services sociaux des départements, l'adaptation de l'école au monde de l'entreprise et le développement des modules de sensibilisation à la « culture d'entreprise ».
M. Alex Türk, président, a rappelé que ce dernier point avait été explicitement évoqué devant la mission par les équipes éducatives et les chefs d'entreprises rencontrés à Marseille et à Montfermeil.
M. Christian Cambon a souhaité mieux faire apparaître, dans les propositions, le nécessaire développement des formations en alternance, y compris de l'apprentissage.
M. Yves Dauge a suggéré, ensuite, d'intégrer dans la partie relative à l'éducation les propositions relatives aux écoles de la deuxième chance. Enfin, Mme Nicole Bricq a souligné la nécessité de favoriser l'apprentissage du français pour les mères qui ne maîtrisent pas notre langue, afin de mieux les associer à la scolarité de leurs enfants.
Mme Valérie Létard a formulé plusieurs propositions, tendant à modifier la rédaction de la proposition relative à la carte scolaire, à préciser que les conditions d'entrée et de sortie en zone d'éducation prioritaire se feraient sur la base d'objectifs pluriannuels, à créer des unités pédagogiques réunissant les premier et second degrés et, enfin, à développer des structures d'accueil de la petite enfance en coordination avec les écoles maternelles, sur le modèle des expériences de classes « passerelles ».
M. Roland Muzeau a souhaité que les effectifs de médecins et de psychologues scolaires soient renforcés dans les établissements difficiles.
M. Pierre André, rapporteur, a indiqué que plusieurs de ces suggestions seraient retenues. Il a donné satisfaction, en outre, aux propositions présentées par M. Thierry Repentin, visant à implanter des options attractives dans les établissements situés en ZEP et à réserver une partie de la taxe d'apprentissage aux collèges disposant de sections d'enseignement général et professionnel adapté (SEGPA), et par M. Jacques Mahéas, visant à ajouter une proposition relative à la lutte contre la violence scolaire.
S'agissant du volet emploi du rapport, au sujet de la proposition visant à favoriser le retour des classes moyennes dans les quartiers en difficulté, M. Roland Muzeau a estimé qu'il était difficile de créer des avantages réservés aux nouveaux arrivants, au détriment des personnes résidant déjà dans ces quartiers.
M. Jacques Mahéas a demandé la suppression de cette proposition, relevant qu'elle pouvait entraîner des injustices entre des personnes habitant à la limite du périmètre d'un quartier. Il a également estimé qu'une telle mesure serait très complexe à mettre en oeuvre.
M. Philippe Dallier a fait observer qu'il était difficile d'attirer des fonctionnaires expérimentés dans ces quartiers, qu'il s'agisse de la police ou de l'éducation nationale.
Mme Nicole Bricq a indiqué que l'indemnité de résidence des fonctionnaires était très mal calculée, notamment en région Ile-de-France, et qu'il pourrait être opportun de la majorer en fonction du lieu d'exercice.
M. Yves Dauge, après avoir rappelé le désarroi des jeunes, a estimé urgent de prendre des mesures permettant à chacun d'entre eux d'être occupé, soit en formation, soit en service civil, soit en « emploi-jeune ».
Après avoir fait part de son accord sur l'idée d'une majoration de l'indemnité de résidence, Mme Valérie Létard a proposé qu'un bilan soit effectué pour tous les jeunes qui quittent le système scolaire à 16 ans, afin de déterminer avec eux leur orientation.
Relevant que la proposition visant à faire revenir les classes moyennes dans les quartiers en difficulté n'avait pas sa place dans la partie consacrée à l'emploi, mais devait plutôt figurer dans celle relative à la mixité sociale, M. Thierry Repentin s'est déclaré opposé à l'idée que des habitants voisins ayant un salaire identique ne paient pas le même impôt sur le revenu. En outre, il a estimé problématique que des personnes venant simplement travailler et non résider dans ces quartiers bénéficient d'un tel avantage fiscal.
Après avoir rappelé que cette mesure visait à renforcer la mixité sociale, M. Pierre André, rapporteur, a proposé de l'étendre à l'ensemble des habitants des quartiers.
M. Philippe Dallier a suggéré de dissocier, d'une part, la proposition visant à attirer les fonctionnaires les plus expérimentés dans les quartiers, par le biais d'une majoration de l'indemnité de résidence et, d'autre part, celle tendant à favoriser le retour des classes moyennes. Abordant ensuite la proposition relative à l'harmonisation entre les textes fiscaux et sociaux, il a rappelé qu'il avait déposé un amendement dans le projet de loi relatif à l'égalité des chances prévoyant qu'en cas d'interprétation divergente entre services fiscaux et sociaux, la plus favorable devait s'appliquer.
En réponse à Mme Nicole Bricq, qui déplorait l'attitude divergente des services fiscaux et sociaux, le rapporteur a reconnu que les URSSAF ne respectaient pas toujours les engagements pris avec les entreprises, mais a également souligné que des définitions communes avaient été prises au niveau central s'agissant des zones franches urbaines (ZFU). Il a rappelé qu'il avait fait adopter un amendement dans la loi d'orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine de 2003, prévoyant l'opposabilité aux URSSAF de leur interprétation des textes en vigueur.
Il a estimé que si l'on ne pouvait que souscrire à la volonté exprimée par M. Yves Dauge de voir tous les jeunes occupés, il serait difficile de contraindre les plus récalcitrants à exercer une activité. Il a rappelé l'absence de sanction en cas de refus de se rendre à un entretien à l'ANPE, ainsi que la difficulté de faire respecter l'obligation scolaire.
M. Yves Dauge a appelé à la création d'un contrat de cinq ans, inspiré des emplois-jeunes, et préconisé un service civil obligatoire pour ceux qui refusent de suivre une formation ou qui n'occupent pas d'emploi, soulignant que l'inactivité des jeunes était l'une des premières causes de tension avec la police.
Mme Nicole Bricq a pour sa part exprimé son accord avec la proposition de Mme Valérie Létard tendant à faire systématiquement bénéficier chaque jeune sortant de l'école à 16 ans d'un bilan de compétences et d'une orientation, afin de combler le vide existant entre l'école et la formation professionnelle.
Alors que M. Yves Dauge estimait que la gravité de la situation de ces jeunes impliquait des propositions plus radicales, M. Christian Cambon a préconisé de rendre plus facile la création des maisons de l'emploi.
M. Roland Muzeau a souligné qu'il était d'abord nécessaire de développer l'emploi, y compris par des emplois aidés pendant cinq ans, même si le dispositif des emplois-jeunes ne constitue pas la panacée et a été parfois détourné de son objectif par les collectivités territoriales.
M. Yves Dauge a par ailleurs estimé nécessaire de maintenir le caractère interministériel de la politique de la ville et de reconstruire une Délégation interministérielle efficace, celle-ci étant aujourd'hui affaiblie. Il a souhaité que le dispositif repose sur le Premier ministre, et qu'une décentralisation plus poussée soit mise en oeuvre au niveau des communes et agglomérations.
M. Pierre André, rapporteur, a ensuite abordé la quatrième partie, relative à la sécurité dans les quartiers en difficulté.
Il a tout d'abord indiqué, dans le souci de répondre à la demande de Mme Valérie Létard, que les propositions seraient modifiées en vue d'assurer une rémunération et des perspectives de carrière valorisantes pour les policiers et les gendarmes intervenant dans les zones urbaines sensibles, de compléter la formation des gardiens de la paix en matière de lutte contre les discriminations, et de généraliser la création de cellules de veille auprès des conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance (CLSPD) dans les ZUS. Il a ensuite noté qu'à la demande de M. Thierry Repentin, le rapport aborderait la question des maisons de la justice et du droit.
MM. Jacques Mahéas et Philippe Dallier s'étant opposés à l'accroissement de l'autorité du préfet de police sur les départements de la petite couronne parisienne, cette proposition a été retirée par le rapporteur. Ce dernier a par ailleurs accepté une proposition tendant à améliorer la transparence des informations concernant les effectifs de policiers intervenant dans les ZUS, à la demande de MM. Roland Muzeau et Philippe Dallier.
M. Philippe Dallier ayant salué la pertinence de la création à Lille d'un correspondant justice assurant l'interface entre le parquet et les CLSPD, le rapporteur a souligné les progrès accomplis en matière d'information des maires concernant les délits commis dans leur commune.
M. Roland Muzeau s'est opposé à la création d'un secrétariat d'Etat à la Seine-Saint-Denis et a préconisé le vote des étrangers non communautaires aux élections municipales. Il a enfin annoncé son intention de s'abstenir lors de l'adoption du rapport.
M. Jacques Mahéas a réclamé la suppression des mains courantes, considérant qu'elles faisaient artificiellement baisser les chiffres de la délinquance, avant de souligner l'intérêt des travaux d'intérêt général pour répondre aux violences urbaines.
Concernant la cinquième partie relative à la cohésion sociale, M. Pierre André, rapporteur, a proposé de retenir les modifications d'ordre rédactionnel suggérées par Mme Valérie Létard, portant sur le développement des contrats d'accueil et d'intégration et sur la promotion des actions de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité (HALDE).
En outre, à la demande de Mmes Valérie Létard et Marie-Thérèse Hermange et de M. Roland Muzeau, des développements ont été insérés concernant l'accès aux soins et la prévention sanitaire, ceux-ci se traduisant par quatre nouvelles propositions
M. Jacques Mahéas s'est dit satisfait de l'insertion de développements et de propositions relatifs à la santé et à la prévention sanitaire dans les quartiers. Par ailleurs, il s'est demandé si la proposition relative à l'extension des compétences des sous-préfets d'arrondissement aux politiques en faveur de la ville et de l'égalité des chances n'entrait pas en contradiction avec la création récente des préfets délégués à l'égalité des chances dans six départements pilotes.
Mme Valérie Létard s'est également interrogée sur la nécessité de doter les sous-préfets d'arrondissement de ces nouvelles compétences dans les départements pour lesquels il existe déjà des sous-préfets délégués à la ville, craignant une confusion des responsabilités.
M. Pierre André, rapporteur, a rappelé que cette proposition visait précisément certains départements à dominante rurale n'ayant pas de préfet ou de sous-préfet délégué à la ville ou à l'égalité des chances, et dont certaines communes sont pourtant éligibles à la politique de la ville. Il a indiqué qu'il modifierait en conséquence la rédaction de cette proposition, afin de lever toute ambiguïté.
La mission a ensuite examiné les propositions visant à améliorer la transparence financière de la politique de la ville.
Après une observation de Mme Valérie Létard, M. Pierre André, rapporteur, a proposé d'étendre l'objectif de « géolocalisation », au-delà du seul budget de la politique de la ville, à l'ensemble des crédits d'intervention de l'Etat. Il a toutefois indiqué qu'il lui paraissait techniquement très complexe de « géolocaliser » les crédits de fonctionnement et les dépenses de personnel.
En réponse aux interventions de Mme Valérie Létard, MM. Philippe Dallier et Jacques Mahéas relatives à la répartition de la dotation de solidarité urbaine, il a décidé de ne pas retenir l'objectif de couvrir toutes les communes ayant une ZUS et d'intégrer la prise en compte du potentiel fiscal des communes.
S'agissant de la dernière partie du rapport, consacrée à la gouvernance, répondant à une question de M. Jacques Mahéas sur la nécessité de confier la responsabilité de la politique de la ville à une structure dépendant du Premier ministre, M. Pierre André, rapporteur, a indiqué que sa première idée avait été de relancer la Délégation interministérielle à la ville avec une personnalité forte à sa tête, placée auprès du Premier ministre, sur le modèle initial de la Délégation à l'aménagement du territoire et à l'action régionale. Il a cependant précisé qu'une telle organisation n'était efficace qu'à condition que le Premier ministre porte une attention particulière à la politique de la ville. C'est pourquoi il a jugé préférable de confier cette politique à un ministre d'Etat doté de moyens importants et disposant d'un portefeuille de compétences élargi à l'aménagement du territoire et au logement. Il a ensuite indiqué qu'il retirait la proposition relative à la création d'un secrétariat d'Etat à la Seine-Saint-Denis.
Mme Valérie Létard a souhaité que soit prise en compte sa proposition d'accorder à certains départements, définis par le Comité interministériel à la ville, le bénéfice de mesures dérogatoires mobilisant des crédits exceptionnels, notamment dans les domaines de l'emploi, de l'éducation, de la santé et du logement. M. Pierre André, rapporteur, a indiqué qu'il était préférable de maintenir une proposition particulière pour la Seine-Saint-Denis, du fait de la spécificité de ce département. En réponse à Mme Valérie Létard, qui soulignait que les mêmes problèmes pouvaient survenir dans d'autres territoires, le rapporteur a proposé de retenir sa proposition, en la distinguant de celle concernant la Seine-Saint-Denis.
Après avoir salué la volonté d'ouverture du rapporteur, M. Jacques Mahéas a indiqué que son groupe s'abstiendrait.
Mme Valérie Létard s'est également félicitée de l'esprit d'ouverture du rapporteur et a souhaité que quelques formules utilisées dans le préambule soient revues, afin de ne pas heurter inutilement certaines sensibilités. Elle a indiqué que son groupe voterait pour le rapport.