- Mardi 11 avril 2006
- Audition de Mme Marie-Laurence Gourlay, médecin, chef du département de la publicité et du bon usage des produits de santé de l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps)
- Audition du Pr. Jean-Paul Giroud, membre de l'Académie nationale de Médecine
- Audition de M. Xavier Bertrand, ministre de la santé et des solidarités
Mardi 11 avril 2006
- Présidence de M. Gilbert Barbier, président-Audition de Mme Marie-Laurence Gourlay, médecin, chef du département de la publicité et du bon usage des produits de santé de l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps)
Au cours d'une première séance tenue dans la matinée, sous la présidence de M. Gilbert Barbier, président, la mission d'information a d'abord procédé à l'audition de Mme Marie-Laurence Gourlay, médecin, chef du département de la publicité et du bon usage des produits de santé de l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps).
Mme Anne-Marie Payet, rapporteur, a souhaité connaître la réglementation applicable à la publicité des médicaments et le rôle de la commission chargée, à l'Afssaps, du contrôle de la publicité et de la diffusion des recommandations sur le bon usage des médicaments.
Mme Marie-Laurence Gourlay a indiqué que la réglementation applicable est encadrée par une directive communautaire, transposée en 1994, et qu'elle distingue deux types de contrôle : un contrôle a priori, exercé sur les campagnes publicitaires destinées au grand public, et un contrôle a posteriori sur la publicité faite auprès des professionnels de santé.
Le contrôle a priori concerne les produits à prescription médicale facultative, non remboursés par la sécurité sociale, et aboutit à la délivrance ou non d'un visa. La commission de contrôle de la publicité examine environ 900 demandes de visa chaque année.
Les campagnes promotionnelles destinées aux professionnels de santé ne requièrent pas, en revanche, d'autorisation préalable, mais sont présentées à l'Afssaps dans un délai de huit jours après leur lancement. L'agence veille au respect de la réglementation et des termes de l'autorisation de mise sur le marché, ainsi qu'à l'objectivité des informations présentées. En cas de difficulté, elle peut adresser à la firme une mise en demeure de modifier sa campagne promotionnelle, voire décider son interdiction. Les onze évaluateurs de l'agence examinent chaque année environ 9.000 dossiers, dont 15 % sont suivis d'une mise en demeure ou d'une décision d'interdiction. Les mesures d'interdiction sont transmises au comité économique des produits de santé (CEPS), qui peut prononcer une sanction financière d'un montant égal, au plus, à 10 % du chiffre d'affaires réalisé par l'entreprise grâce à la molécule faisant l'objet de la campagne.
En réponse à M. François Autain, qui demandait si des sanctions financières sont fréquemment prononcées et souhaitait obtenir des précisions sur leur quantum, Mme Marie-Laurence Gourlay a indiqué que le CEPS ne transmet pas ces données à l'Afssaps, mais qu'il lui semble, au travers de ses contacts avec les firmes, que les sanctions sont assez systématiques. En outre, la décision d'interdiction d'une publicité peut s'accompagner de l'obligation faite à l'entreprise d'adresser aux professionnels de santé un rectificatif corrigeant les informations erronées qu'elle a pu diffuser.
Après que M. François Autain s'est interrogé sur la faiblesse des moyens à la disposition de l'agence, Mme Marie-Laurence Gourlay a souligné que l'Afssaps s'appuie sur un réseau de 200 experts. Les onze évaluateurs qu'elle emploie directement sont le plus souvent des pharmaciens disposant de compétences en méthodologie ou en droit de la santé et ayant une expérience de recherche et développement dans un laboratoire.
M. François Autain a alors demandé s'il n'y a pas, de ce fait, un risque de conflits d'intérêts chez certains évaluateurs.
Mme Marie-Laurence Gourlay a souligné que l'Afssaps s'assure de l'absence de liens entre les laboratoires pharmaceutiques et ses évaluateurs et qu'elle confie à ces derniers, en cas de doute, des médicaments d'une autre classe thérapeutique.
M. Gilbert Barbier, président, a souhaité connaître le nombre de courriers d'avertissement adressés aux entreprises en 2005.
Mme Marie-Laurence Gourlay a indiqué que la procédure des courriers d'avertissement, qui consistait à donner aux entreprises des conseils sur la rédaction de leurs brochures publicitaires, a été abandonnée en 2005. Elle a précisé que 1.400 dossiers ont fait l'objet d'une mise en demeure l'an passé et que vingt-quatre interdictions ont été prononcées.
Mme Marie-Thérèse Hermange, rapporteur, a noté que les auditions auxquelles la mission d'information a procédé jusqu'à présent suggèrent que le risque médicamenteux résulte plus d'un élargissement de la prescription par les médecins, au regard de la posologie autorisée, que d'une négligence dans la délivrance des autorisations de mise sur le marché. Elle a demandé à Mme Marie-Laurence Gourlay si elle partage cette analyse, puis a souhaité obtenir des précisions sur les problèmes posés par la publicité et par la vente de médicaments sur internet.
Revenant sur les campagnes destinées au grand public, M. Gilbert Barbier, président, a également souhaité connaître les résultats des contrôles exercés a priori, puis a souhaité obtenir des informations sur les contrôles exercés sur les produits autres que médicamenteux.
En réponse à M. Gilbert Barbier, président, Mme Marie-Laurence Gourlay a d'abord indiqué que les dossiers soumis pour visa donnent lieu, dans un cas sur deux, à une demande de modification et que la décision est ensuite favorable dans 90 % des cas. Elle a précisé que le code de la santé publique autorise par ailleurs l'Afssaps à contrôler la publicité des cosmétiques et des produits alimentaires ayant un effet sur la santé.
Répondant à Mme Marie-Thérèse Hermange, elle a indiqué que des dérives peuvent être observées en matière de posologie, mais que la difficulté principale provient des cas d'extension des indications thérapeutiques, par exemple lorsqu'un laboratoire affirme qu'un traitement produit des effets plus importants dans telle catégorie de la population, sans pouvoir étayer cette assertion par des études sérieuses. L'agence veille également au respect des règles relatives à la publicité comparative, autorisée en matière médicale, si elle repose sur des études solides et objectives.
Concernant les problèmes posés par Internet, Mme Marie-Laurence Gourlay a expliqué que l'Afssaps a élaboré en 2000 une charte adaptant les dispositions du code de la santé publique à ce nouveau média. Cette charte autorise les entreprises pharmaceutiques à ouvrir un site internent, à acheter des bandeaux publicitaires et à offrir des services en ligne.
Mme Anne-Marie Payet, rapporteur, s'est interrogée sur les moyens dont dispose l'agence pour contrôler les sites implantés à l'étranger et sur la perspective d'une harmonisation internationale des règles applicables à internet.
Mme Marie-Laurence Gourlay a souligné que tous les laboratoires français appliquent la charte et que les liens vers les sites étrangers sont admis à condition de renvoyer à la page d'accueil du site et non à une information particulière. Elle a fait observer que les internautes recherchent une information et ont donc un comportement différent de celui des particuliers recevant de la publicité.
M. François Autain s'est étonné que des laboratoires réalisent parfois des campagnes d'information à destination du grand public à propos de médicaments qui ne sont délivrés que sur prescription médicale.
Mme Marie-Laurence Gourlay a indiqué qu'il s'agit, dans ce cas, de campagnes d'information financées par les laboratoires, autorisées à condition de ne pas faire référence à un médicament en particulier. Des campagnes de ce type ont pu être menées par le passé au sujet du diabète ou de l'insomnie et la direction générale de la santé a lancé une réflexion sur l'avenir de ce type de campagne.
M. François Autain a estimé qu'il s'agit là d'un véritable détournement de la règle et proposé que la direction générale de la santé conduise elle-même ces campagnes.
Mme Anne-Marie Payet, rapporteur, a souhaité connaître l'appréciation de Mme Marie-Laurence Gourlay sur le niveau et la qualité des informations diffusées par les visiteurs médicaux, ainsi que sur l'impact des initiatives prises par la Haute Autorité de santé pour favoriser une information satisfaisante sur les recommandations de bon usage.
Mme Marie-Laurence Gourlay a souligné que les documents remis par les visiteurs médicaux sont toujours contrôlés par l'Afssaps, mais que l'agence n'a, en revanche, pas les moyens de contrôler le discours et la qualité de la formation des visiteurs médicaux. La Haute Autorité de santé élabore cependant un référentiel, qui devrait être achevé en octobre 2006, pour permettre la certification des réseaux de visiteurs médicaux.
Mme Anne-Marie Payet, rapporteur, a demandé pour quelles raisons la remise d'échantillons par les visiteurs médicaux est interdite en métropole, alors qu'elle est autorisée outre-mer.
Mme Marie-Laurence Gourlay a regretté de ne pouvoir répondre sur ce point, mais a précisé que, s'il est interdit aux visiteurs médicaux de remettre des échantillons, il est en revanche possible, pour un médecin, de demander des échantillons à un laboratoire, dans la limite de dix par an.
Après que M. François Autain, s'appuyant sur des observations tirées d'articles de presse, a fait remarquer que des médicaments peuvent faire l'objet de présentations très élogieuses avant même leur mise sur le marché, sans que l'Afssaps ait les moyens d'intervenir, Mme Marie-Laurence Gourlay a confirmé que l'agence n'a pas de pouvoir de contrôle des organes de presse.
M. François Autain a ensuite souhaité connaître le délai qui s'écoule entre le moment où une campagne promotionnelle est lancée, pour un médicament nécessitant une prescription médicale, et le moment où l'Afssaps fait connaître sa décision.
Mme Marie-Laurence Gourlay a indiqué que l'agence examine par priorité certaines campagnes promotionnelles, notamment celles lancées à l'occasion de la commercialisation d'un nouveau produit ou à la suite d'une modification ou d'une extension de l'autorisation de mise sur le marché, ainsi que les campagnes concernant des produits inscrits dans les plans de gestion des risques. Les décisions sont prises, en règle générale, dans un délai compris entre trois mois et un an.
Après avoir jugé ce délai fort long, M. François Autain a souhaité savoir ce qui justifie la différence de traitement entre les produits donnant lieu obligatoirement à prescription médicale et ceux librement délivrables aux consommateurs.
Mme Marie-Laurence Gourlay a d'abord fait observer qu'aucun pays européen ne soumet les campagnes publicitaires des médicaments requérant une prescription médicale à un contrôle a priori. Il a en effet été considéré, au moment de la transposition de la directive, que les professionnels de santé ont suffisamment d'esprit critique pour qu'un contrôle a priori soit superflu.
M. François Autain a estimé que les médecins sont eux aussi sensibles à la publicité et qu'il est sans doute plus facile d'obtenir la modification d'une campagne publicitaire avant son lancement qu'après, comme semble l'indiquer l'écart entre le nombre de demandes de modifications formulées à l'occasion des contrôles a priori et celui des demandes de modifications formulées à l'occasion des contrôles a posteriori.
Mme Marie-Laurence Gourlay a jugé difficile de procéder à une telle comparaison, dans la mesure où le degré de technicité des informations proposées dans le cadre des opérations destinées aux professionnels est très supérieur à celui rencontré dans les campagnes destinées au grand public.
Mme Marie-Thérèse Hermange, rapporteur, a demandé si une distinction est effectuée selon que le médicament est prescrit pour un traitement de courte ou de longue durée et si une procédure particulière est réservée aux produits hospitaliers. Elle a également souhaité savoir si les dispositifs médicaux font l'objet d'un contrôle.
Mme Marie-Laurence Gourlay a indiqué que les campagnes portant sur des traitements de longue durée présentent généralement des études réalisées sur des cohortes, afin de rassurer les prescripteurs. Ces études ont préalablement été validées au moment de l'autorisation de mise sur le marché. Les produits hospitaliers sont contrôlés selon les règles de droit commun et la qualité de l'information scientifique délivrée est plus élevée lorsque le médicament est plus sophistiqué. Les dispositifs médicaux ne sont en revanche pas contrôlés, sous réserve de quelques exceptions, telles que les préservatifs.
En réponse à Mme Anne-Marie Payet, rapporteur, qui a souhaité connaître l'importance des campagnes en faveur des médicaments génériques, Mme Marie-Laurence Gourlay a indiqué que le nombre de dossiers relatifs à des médicaments génériques augmente régulièrement et que les campagnes promotionnelles pour ces produits sont le plus souvent très factuelles.
A la suite d'une intervention de M. Gilbert Barbier, président, sur le contrôle exercé par l'agence à l'occasion des congrès, Mme Marie-Laurence Gourlay a précisé que l'Afssaps a seulement les moyens de contrôler, dans ces circonstances, les documents remis par les laboratoires pharmaceutiques.
M. François Autain a demandé si le dictionnaire Vidal, qui se présente comme une source d'informations officielle sur les médicaments, alors qu'il est financé par les laboratoires et ne présente qu'une partie des spécialités médicales, fait l'objet d'un contrôle.
Mme Marie-Laurence Gourlay a répondu que les ouvrages sont hors du champ de compétences de l'Afssaps, qui contrôle seulement la publicité, c'est-à-dire toute démarche visant à promouvoir la vente, la délivrance ou la prescription d'un produit. L'Afssaps s'efforce cependant de rendre accessible, en ligne, une base de données alternative, fiable et objective, constituée à partir des décisions d'autorisations de mise sur le marché.
M. Gilbert Barbier, président, a enfin demandé sur quels points les règles actuelles de contrôle mériteraient d'être améliorées.
Mme Marie-Laurence Gourlay a estimé que la publicité du médicament est déjà étroitement encadrée en France, mais que des améliorations sont possibles en matière d'information des patients, qui s'orientent parfois vers des sites Internet de médiocre qualité. L'Afssaps travaille déjà, à cette fin, avec des associations de patients.
Audition du Pr. Jean-Paul Giroud, membre de l'Académie nationale de Médecine
Puis la commission a entendu le professeur Jean-Paul Giroud, membre de l'Académie nationale de Médecine.
M. Gilbert Barbier, président, a précisé que la mission d'information souhaite, au travers de cette audition, comprendre si le contenu et les modalités de la formation initiale et continue des médecins, et si le remboursement partiel ou intégral de la majorité des médicaments peuvent être tenus responsables de la surconsommation médicamenteuse qui caractérise la France.
Le professeur Jean-Paul Giroud a estimé que le système de sécurité sociale français ne constitue pas un facteur de surconsommation de médicaments, dans la mesure où ceux-ci ne sont pas à proprement parler gratuits, puisque indirectement payés par les salariés via leurs cotisations.
Faisant référence à son expérience de professeur de pharmacologie médicale et clinique à l'université pendant quarante-deux ans, il a fait valoir que le problème majeur provient de l'insuffisance de la formation des praticiens en matière de médicament. La formation continue est essentielle dans ce domaine en constante évolution, où des produits sont créés et supprimés chaque année.
Il a considéré que les nouveaux médicaments commercialisés sont souvent très mal connus, malgré les expériences cliniques préalables à la mise sur le marché. Leur utilisation est, en outre, toujours plus large en vie réelle que dans les essais, au cours desquels certaines populations comme les enfants ou les personnes âgées sont rarement testées, ce qui fait apparaître des effets secondaires insoupçonnés aboutissant parfois au retrait du produit. Il a estimé que, dans un premier temps, il est préférable que les médecins prescrivent les médicaments connus, tant que l'ensemble des manifestations de l'utilisation d'un nouveau produit n'a pas été étudié. Il a, à cet égard, cité l'exemple du sous-nitrate de bismuth, dont les Français sont les plus gros consommateurs au monde, qui a entraîné des troubles cérébraux détectés plus de soixante-dix ans après sa mise sur le marché. Inversement, certaines qualités thérapeutiques apparaissent plusieurs mois, voire plusieurs années après la commercialisation d'un médicament, comme celles de l'aspirine pour les maladies cardiaques et neurologiques.
Abordant le problème des prescriptions abusives de médicaments, le professeur Jean-Paul Giroud a regretté que les patients soient trop souvent convaincus que la longueur de l'ordonnance témoigne de la qualité du médecin. Il a estimé qu'au contraire, un praticien consciencieux doit s'assurer, avant de prescrire, de l'indication d'usage du médicament, de ses critères de succès, de la durée conseillée de traitement, de l'existence d'interactions déconseillées et de la possibilité de proposer un autre traitement. Ainsi, aux Pays-Bas et dans les pays nordiques, plus de la moitié des patients n'ont pas de prescription médicamenteuse après une consultation.
Il a considéré que, pour faire évoluer les mentalités françaises dans ce domaine, les pouvoirs publics doivent mettre en oeuvre des actions d'éducation à la santé dès l'école primaire. Citant l'exemple de la Suède, il a indiqué que ce pays connaissait, il y a quelques années, un véritable problème d'hygiène dentaire chez les enfants et les jeunes adultes. L'apprentissage du brossage des dents a alors été rendu obligatoire dans les écoles : au bout de huit ans, les dentistes ont observé une diminution de 90 % des cas de caries et, quinze ans après la mise en oeuvre de cette mesure, une école dentaire était fermée, les besoins de la population suédoise en la matière étant moins importants.
Mme Anne-Marie Payet, rapporteur, a indiqué que l'institut national de prévention et d'éducation pour la santé (Inpes) a distribué des coffrets « santé » aux enseignants pour les aider à aborder en classe des thèmes comme celui de l'alimentation ou du sommeil. Elle a regretté, à cet égard, que les établissements scolaires n'utilisent pas assez souvent ce matériel pédagogique mis à leur disposition.
Mme Marie-Thérèse Hermange, rapporteur, a fait valoir que de nombreux départements ont également développé une politique de prévention et d'éducation à la santé dans les écoles.
Concernant la formation initiale dispensée en faculté de médecine, le professeur Jean-Paul Giroud a dénoncé la réduction régulière du nombre d'heures consacrées à l'enseignement en pharmacologie dans la scolarité, qui a reculé de cent cinquante heures dans les années 1940 à moins de cent trente heures vingt ans plus tard, pour revenir à environ quatre-vingts heures aujourd'hui, soit le temps d'apprentissage le plus court d'Europe. En outre, cet enseignement est dispensé trop tôt dans le cursus, alors que les étudiants n'ont encore souvent jamais rencontré de patients, ce qui le rend très théorique. Par ailleurs, il passe sous silence des catégories entières de médicaments comme les sérums, les vaccins, les désinfectants, les antidotes ou les antiparasitaires, tandis que seules trois heures de formation sont consacrées aux antibiotiques. Enfin, les futurs praticiens ne sont pas informés de l'inefficacité de certains produits pourtant souvent prescrits : les vasodilatateurs, les immunostimulants, les fluidifiants bronchiques, les levures intestinales, les veinotoniques et les anti-arthrosiques. Il a dénoncé, à cet égard, la commercialisation de nombreux produits - y compris nouveaux - dont l'efficacité thérapeutique n'a jamais été démontrée.
Il a indiqué que l'information sur les médicaments est inexistante auprès de la plupart des médecins africains et asiatiques, pour lesquels l'organisation mondiale de la santé (OMS) a produit un guide synthétique sur les produits essentiels. Il a salué cette initiative, qui permet de ne pas laisser aux laboratoires pharmaceutiques le monopole de l'information dans ces pays.
M. Gilbert Barbier, président, a fait valoir que l'information est, en France, essentiellement diffusée aux médecins en activité par les laboratoires, alors que l'Académie de médecine pourrait avoir un rôle dans ce domaine.
Mme Marie-Thérèse Hermange, rapporteur, a rappelé que les académies ont été créées, à l'origine, pour conseiller le pouvoir politique. Elle a constaté qu'elles remplissent aujourd'hui rarement cette mission, ce qui a conduit, dans le domaine de l'éthique médicale, à la mise en place du conseil consultatif national d'éthique (CCNE). Elle a regretté que le savoir des académiciens n'influence pas davantage la pensée politique et sociale actuelle.
Le professeur Jean-Paul Giroud a indiqué que l'Académie de médecine diffuse de nombreuses informations et recommandations, mais qu'elles ne sont pas toujours suivies, y compris par le ministre chargé de la santé, trop souvent considéré comme un élément secondaire du gouvernement.
Il a estimé que le non respect de la posologie par les patients, notamment les personnes âgées qui suivent plusieurs traitements simultanément, est responsables d'une part non négligeable des effets secondaires enregistrés. Il convient de sensibiliser les patients, mais aussi les médecins, aux risques encourus en cas d'élargissement de l'indication et, plus généralement, de l'automédication. Ces dangers sont réels, y compris avec l'homéopathie, qui est un placebo, mais peut avoir des effets secondaires préoccupants en cas de mésusage. Il a considéré, à cet égard, que les résumés des caractéristiques du produit (RCP) fournies par l'Afssaps sont trop souvent insuffisants pour l'information des prescripteurs.
M. Gilbert Barbier, président, s'est étonné de ce constat, rappelant que l'autorisation de mise sur le marché (AMM) est donnée dès lors que le produit n'est pas dangereux pour ses utilisateurs.
Le professeur Jean-Paul Giroud a indiqué que tous les produits chimiques, y compris les médicaments, sont potentiellement dangereux. La commission d'AMM se contente d'évaluer le rapport bénéfice/risque.
M. Gilbert Barbier, président, a considéré que certains médicaments, peu efficaces mais avec un rapport bénéfice/risque positif, pourraient être commercialisés sans pour autant être remboursés par l'assurance maladie.
Concernant la formation médicale continue (FMC), le professeur Jean-Paul Giroud a rappelé que son rôle consiste à pallier les lacunes de la formation médicale initiale et à informer les médecins sur les nouveaux médicaments disponibles. Il s'agit également d'évaluer régulièrement l'activité et les connaissances des praticiens généralistes et spécialistes, en ville comme à l'hôpital. Ce système existe déjà en Grande-Bretagne, où l'ensemble des médecins subissent des épreuves d'évaluation et sont soumis à une obligation de formation.
Il a rappelé que la FMC aurait due être mise en place, assortie d'une obligation de suivi, dès 2000. La loi du 9 août 2004 relative à la politique de santé publique en rappelle le principe. Pourtant, elle est encore attendue aujourd'hui, même si des actions sont organisées dans le cadre de l'industrie pharmaceutique. Il a dénoncé cette situation et le quasi monopole des laboratoires dans le domaine de la FMC qui, en tant que financeurs, influencent le contenu des formations qu'ils proposent.
M. Gilbert Barbier, président, a fait valoir que l'obligation de formation tous les cinq ans existe déjà dans le statut des praticiens hospitaliers.
Le professeur Jean-Paul Giroud a remarqué que cette disposition est rarement appliquée. Il a considéré qu'une difficulté supplémentaire réside dans le nombre insuffisant de formateurs indépendants des laboratoires et a regretté que le décret d'application de l'article 26 de la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé, obligeant les formateurs et les leaders d'opinion à déclarer leurs liens d'intérêt quand ils s'expriment, ne soit pas encore paru.
M. Gilbert Barbier, président, l'a informé de sa publication dans le courant du mois, d'après les informations fournies à la mission par les services du ministère de la santé et des solidarités.
Le professeur Jean-Paul Giroud a estimé qu'en définitive, l'industrie pharmaceutique contrôle la quasi totalité de l'information dans le domaine du médicament avec la FMC et le Vidal. Cette situation est responsable de la surconsommation de médicaments et, en conséquence, de l'augmentation du risque d'effets secondaires. Il a appelé les pouvoirs publics à prendre conscience du problème et à mettre en place rapidement une FMC neutre et de qualité.
A M. Gilbert Barbier, président qui demandait comment la FMC peut être financée sans faire appel aux laboratoires, le professeur Jean-Paul Giroud a indiqué que l'Etat, qui n'a rien dépensé dans ce domaine depuis de nombreuses années, pourrait prendre en charge le financement de la réforme.
En réponse à Mme Anne-Marie Payet, rapporteur, qui souhaitait savoir s'il serait opportun que les mutuelles participent également au financement de la FMC, le professeur Jean-Paul Giroud a rappelé que les mutuelles se trouvent en difficulté financière après le déremboursement de plusieurs centaines de médicaments qu'elles ont choisi de prendre en charge.
Il a par ailleurs souhaité qu'une évaluation systématique des connaissances des étudiants en matière de médicaments soit organisée à la fin de leur cursus.
M. Gilbert Barbier, président, a estimé que la publication de recommandations de bonne pratique par l'Afssaps constitue un premier effort des pouvoirs publics pour proposer une information institutionnelle sur les médicaments.
Le professeur Jean-Paul Giroud a remarqué que la source d'information la plus complète et la plus utilisée par les médecins demeure le Vidal, qui ne traite pourtant que 50 % des médicaments. Il a estimé que le site Internet de l'Afssaps est encore trop confidentiel et sa base de données très réduite.
M. François Autain s'est étonné que le Vidal se présente comme l'état de l'art de l'information officielle sur le médicament, alors que son contenu est rédigé par les laboratoires.
Le professeur Jean-Paul Giroud a précisé que le Vidal reproduit les RCP de l'agence. Il a considéré que cette dernière a fait de réels efforts en matière d'information des médecins et du grand public, même si certains thèmes ne sont pas suffisamment développés sur son site, notamment celui de la pharmacovigilance.
A Mme Anne-Marie Payet, rapporteur, qui voulait connaître son opinion sur l'efficacité des logiciels d'aide à la prescription, le professeur Jean-Paul Giroud a fait valoir que, pour être utiles, ces logiciels doivent proposer des modèles de prescription validés par l'Afssaps et non par les laboratoires et, en conséquence, ne pas dépendre de leur financement.
Mme Marie-Thérèse Hermange, rapporteur, s'est interrogée sur la pertinence de confier aux centres hospitaliers universitaires (CHU) la charge de dispenser la FMC.
M. Gilbert Barbier, président, a remarqué que de nombreux praticiens hospitaliers ont des liens avec les laboratoires, ce qui ne permettrait pas de garantir la neutralité de leur enseignement.
Le professeur Jean-Paul Giroud s'est déclaré opposé à la diffusion de l'information médicale par un seul canal, quel que soit celui-ci.
Remarquant que seuls deux membres de la commission d'AMM de l'Afssaps n'ont déclaré aucun lien avec un laboratoire, M. François Autain a demandé si l'indépendance constitue un handicap pour l'expertise.
Le professeur Jean-Paul Giroud a estimé que certains liens d'intérêt posent moins de problèmes éthiques que d'autres dans le cadre de l'expertise.
M. François Autain s'est interrogé pour la possibilité, pour la commission d'AMM, de faire une évaluation comparative des médicaments quand elle ne dispose pas de données en la matière.
Le professeur Jean-Paul Giroud a rappelé que la commission se contente d'une évaluation du rapport bénéfice/risque, qui ne nécessite pas de données comparatives. Il a indiqué qu'un médicament peut être mis sur le marché, dès lors qu'il n'est ni dangereux ni inférieur aux médicaments de sa classe. Il a estimé que les médicaments qui ont une efficacité supérieure sont aussi ceux pour lesquels les risques d'effets indésirables sont les plus importants.
M. François Autain a considéré qu'un produit qui n'apporte pas de réels progrès thérapeutique ne doit pas être autorisé, dans la mesure où tous les médicaments sont potentiellement dangereux.
Le professeur Jean-Paul Giroud a précisé que la supériorité d'un médicament peut apparaître seulement après quelques temps d'utilisation et que le risque d'effets indésirables est limité par l'indication de prescription.
Mme Anne-Marie Payet, rapporteur, a considéré que les médicaments inefficaces doivent être retirés du marché.
Le professeur Jean-Paul Giroud a estimé que, plus qu'un retrait de ces produits, il convient de diffuser une information claire sur l'efficacité de l'ensemble des médicaments.
M. François Autain s'est interrogé sur la possibilité de confier l'évaluation comparative des médicaments, aujourd'hui réalisée par la commission de la transparence de la Haute Autorité de santé (HAS), à l'Afssaps.
Le professeur Jean-Paul Giroud a défendu les avantages du système actuel, tout en regrettant que la commission de la transparence n'émette un avis que sur les seuls médicaments remboursables.
Mme Marie-Thérèse Hermange, rapporteur, a souhaité savoir s'il est possible de définir un statut de l'expert pour assurer son indépendance.
Le professeur Jean-Paul Giroud a jugé cette définition difficile, dans la mesure où les spécialités sont très pointues et en constante évolution, ce qui oblige les experts à avoir de facto des relations avec les laboratoires qui développent des programmes de recherche.
En réponse à Mme Anne-Marie Payet, rapporteur, qui lui demandait son opinion sur la nouvelle législation allemande qui prévoit, pour réduire les dépenses en médicaments, d'attribuer des bonus et des malus aux prescripteurs selon les efforts réalisés, le professeur Jean-Paul Giroud a jugé l'application d'un tel système très difficile en France. Il a estimé qu'une amélioration de la formation initiale et continue des médecins constitue un moyen plus approprié pour réduire les prescriptions inutiles de médicaments.
Audition de M. Xavier Bertrand, ministre de la santé et des solidarités
Au cours d'une seconde séance tenue dans l'après-midi, sous la présidence de M. Gilbert Barbier, président, la commission a entendu M. Xavier Bertrand, ministre de la santé et des solidarités.
M. Gilbert Barbier, président, a indiqué que la mission d'information a procédé au total à trente-six auditions qui lui ont permis d'examiner en détail la problématique de la mise sur le marché et du suivi des médicaments. Quatre questions en particulier ont retenu l'attention des sénateurs : le rôle de l'Afssaps, l'indépendance des experts, l'information du corps médical et les études dites « post-AMM » c'est-à-dire réalisées après la mise sur le marché des médicaments. Il s'est félicité des conditions dans lesquelles la mission a travaillé, en observant que la totalité des groupes politiques ont contribué à la qualité de ses travaux.
Après avoir estimé que la crise du Vioxx conduit tout naturellement à s'interroger sur l'évaluation du médicament, M. Xavier Bertrand, ministre de la santé et des solidarités, a fait observer que la France est le premier pays à avoir saisi les autorités européennes au sujet des coxibs. Il a souligné les progrès qu'apporteront la directive 2004/24/CE et le règlement n° 726/2004 du 31 mars 2004, tant sur le plan de la transparence des décisions qu'en matière d'information du public. La mise en oeuvre des nombreuses autres dispositions de ces deux textes se traduira aussi par le renforcement de la formation médicale, la définition d'un plan de gestion des risques et l'amélioration des procédures de décisions de l'Afssaps. Il s'est déclaré convaincu que la France, contrairement à d'autres pays, dispose d'un système d'évaluation du médicament légitime et efficace. Plusieurs acteurs interviennent à tour de rôle : la commission de la transparence, le comité économique des produits de santé (CEPS), la Haute Autorité de santé (HAS), l'Afssaps. Le ministre dispose ainsi in fine de nombreuses informations dont il assure la synthèse. La succession des procédures en vigueur permet donc une évaluation très large, fondée sur les critères d'efficacité et de sécurité scientifiques, sur le rapport entre le bénéfice escompté et le risque potentiel du médicament ainsi que sur le niveau de son prix, au regard des équilibres financiers de l'assurance maladie.
Dans ce contexte, M. Xavier Bertrand, ministre de la santé et des solidarités, a estimé que les critiques dénonçant l'absence supposée de sélectivité des médicaments admis à remboursement sont infondées. Ce débat conduit aussi à se demander si nos concitoyens seraient disposés à accepter que l'on refuse de prendre en charge une innovation thérapeutique modeste. En effet l'approche, qui consisterait à ne rembourser que les seuls médicaments apportant un progrès majeur par rapport aux molécules déjà existantes, ne serait pas dépourvue d'effets pervers : une telle politique déclencherait assurément une course à la première autorisation de mise sur le marché entre les laboratoires, au détriment sans doute de la qualité de l'évaluation.
Il a précisé qu'un décret actuellement en cours d'élaboration permettra de renforcer les moyens d'action de la commission de transparence et il a réaffirmé l'engagement du Gouvernement de favoriser le développement des plans de gestion des risques et d'améliorer les études post-AMM.
Après avoir relevé que plus de 150 médicaments nouveaux sont admis au remboursement chaque année, M. Xavier Bertrand, ministre de la santé et des solidarités, a considéré que notre pays s'honore en mettant à la disposition de chacun des médicaments parfois fort coûteux, comme le montre l'exemple récent d'une molécule permettant de réduire sensiblement la mortalité du cancer du sein, mais dont le coût s'élève à 1.500 euros par personne et par mois. Il convient en outre de renforcer l'encadrement de l'industrie pharmaceutique en matière d'évaluation des médicaments. Dans cet esprit, le ministre s'est prononcé en faveur de l'élaboration d'un statut de l'expert et de la création d'un fonds public d'intervention sur le médicament. Puis il a rendu hommage à la qualité des investigations réalisées par la mission d'information du Sénat et s'est déclaré, par avance, attentif aux conclusions qu'elle rendra.
Mme Marie-Thérèse Hermange, rapporteur, s'est interrogée sur l'apport de la directive 2004/24/CE et du règlement n° 726/2004 du 31 mars 2004, en matière d'examen et de suivi de l'AMM des médicaments en France et en Europe et en matière de contrôle de l'indépendance des expertises.
Elle a souhaité connaître le calendrier envisagé pour la transposition de cette directive en droit interne et savoir si le ministre de la santé incite dès à présent les agences compétentes à en appliquer certaines dispositions, notamment en matière de publicité des travaux. Elle s'est demandé si, à l'occasion de la transposition législative de ces dispositions, il est prévu d'aller au-delà des notions communautaires d'« efficacité » et de « qualité pharmaceutique » des médicaments et ce, en introduisant une obligation d'analyse systématique de la « valeur thérapeutique ajoutée » et de comparaison entre médicaments au moment de l'AMM.
Elle a fait valoir enfin que le modèle français d'étude des AMM est fondé sur des conceptions relativement anciennes, qui ne prennent pas en compte le fait que les médicaments actuels sont le plus souvent administrés aux patients sur une très longue durée.
Après avoir reconnu le retard pris pour la transposition de la directive 2004/24/CE, M. Xavier Bertrand, ministre de la santé et des solidarités, a indiqué que le Gouvernement entend conduire ce processus à son terme aussi rapidement que possible. Le projet de loi de transposition est actuellement en cours d'examen par le Conseil d'Etat, son adoption en Conseil des ministres est prévue pour le mois de mai prochain et son vote par les deux assemblées devrait intervenir d'ici à la fin de l'année 2006. Les décrets d'application sont d'ailleurs déjà en cours de rédaction.
Les textes européens permettront l'amélioration du dispositif national, notamment en matière de pharmacovigilance et de plan de gestion des risques, même si la France applique déjà leurs dispositions les plus importantes en matière d'impartialité de l'expertise et de transparence des débats des instances de régulation.
M. Gilbert Barbier, président, a observé néanmoins qu'un nombre non négligeable d'experts semble ne pas se conformer à l'obligation de déclaration des conflits d'intérêts.
M. Xavier Bertrand, ministre de la santé et des solidarités, a souligné l'importance toute particulière qu'il attache à ce dossier. C'est ainsi que, depuis le mois de mars 2006, l'Afssaps procède à la mise en ligne du règlement intérieur et de l'ordre du jour de ses commissions et groupes de travail spécialisés, ainsi que du compte rendu de l'activité de ses commissions. La publication de l'ensemble des rapports évaluant les médicaments est d'ores et déjà prévue mais, compte tenu de l'ampleur considérable de ce travail, il sera procédé progressivement en commençant par les nouvelles molécules mises sur le marché et l'extension des AMM déjà existantes. Le contrat d'objectifs et de moyens en cours d'élaboration entre l'Etat et l'Afssaps traitera en particulier de toutes ces questions.
M. Gilbert Barbier, président, a souhaité savoir s'il est envisagé que la publicité des débats au sein de l'Afssaps aille jusqu'au résultat des votes. Il conviendrait de faire preuve d'une totale transparence en la matière, ce qui supposerait en particulier d'en connaître le détail, y compris sur le plan nominatif. En se fondant sur les auditions réalisées par la mission d'information, il a relevé en effet que les procédures actuelles de vote ne semblent pas avoir toute la transparence souhaitable.
M. Xavier Bertrand, ministre de la santé et des solidarités, a déclaré qu'il a choisi pour ligne de conduite générale dans l'exercice de ses fonctions, le respect du principe de transparence la plus totale, car il s'agit du préalable indispensable à la confiance de nos concitoyens. Cela est vrai sur des sujets épineux et complexes comme les infections nosocomiales. Il en va de même pour les comptes rendus des travaux de la commission d'AMM : l'existence des opinions minoritaires doit être prise en compte, ainsi que leur audience parmi les membres de la commission. Il a fait valoir enfin que ni la directive, ni le règlement précités n'ont intégré la notion de valeur thérapeutique ajoutée.
M. Gilbert Barbier, président, s'est inquiété du cloisonnement existant entre les différents organismes compétents en matière d'évaluation du médicament. La commission de la transparence considère en effet qu'il ne lui appartient pas de remettre en cause l'appréciation du bénéfice rendu par un médicament. Il a indiqué que cette situation débouche sur des situations parfois ubuesques, comme le montre l'exemple du médicament Lipanthyl, dont plusieurs versions ont été mises successivement sur le marché sans différences notables entre elles.
M. Xavier Bertrand, ministre de la santé et des solidarités, a fait valoir que la nouvelle version de cette molécule était assurément moins chère que la précédente et représente sûrement une innovation.
Mme Anne-Marie Payet, rapporteur, a souligné que les auditions de la mission d'information ont fait apparaître l'existence d'une faille dans la procédure de commercialisation des nouveaux médicaments. Tout en estimant qu'il ne fait aucun doute que chacun des organismes compétents - l'Afssaps, la HAS, le CEPS, l'Union nationale des caisses d'assurance maladie (Uncam) et le ministère de la santé - assume pleinement son rôle, elle s'est inquiétée de l'absence de mécanisme de coordination entre ces différents acteurs permettant de juger de la pertinence de la commercialisation d'un produit au regard de son intérêt pour la santé publique.
Elle s'est demandé s'il ne serait pas souhaitable de renforcer la compétence de l'un de ces acteurs, la HAS par exemple, afin d'établir tout l'intérêt d'un médicament donné au regard de la santé publique, et ce, avant que son prix et son admission au remboursement ne soient décidés.
M. Xavier Bertrand, ministre de la santé et des solidarités, a estimé que chacune de ces instances intervient à tour de rôle et que leurs responsabilités respectives sont clairement définies. Le ministère dispose ainsi de tous les éléments nécessaires pour apprécier une innovation thérapeutique. D'ailleurs, ces organismes travaillent de concert et échangent régulièrement des informations. La commission d'AMM et l'Afssaps se réunissent ainsi tous les quinze jours. Il a précisé que la parution prochaine d'un décret sur la commission de transparence permettra de renforcer la coopération existante.
M. Gilbert Barbier, président, a considéré que le problème de la dilution des responsabilités se trouve néanmoins dans une certaine mesure bel et bien posé. Il a cité ainsi l'exemple de l'audition de la responsable du département de la publicité et du bon usage des produits de santé de l'Afssaps : sur 9.000 dossiers examinés en 2005, il n'y a eu que vingt-quatre décisions d'interdiction, mais l'Afssaps ne dispose d'aucun retour d'information ultérieure à ce sujet.
M. François Autain a observé qu'il existe deux contrôles distincts, celui exercé a posteriori pour les médicaments soumis à prescription médicale et celui réalisé a priori pour les autres molécules. Dans ces conditions, il est possible en pratique, pour un laboratoire, de conduire une campagne marketing sur une molécule nouvelle pendant près d'un an avant que le dossier correspondant ne soit examiné et autorisé. Il a jugé cette situation anormale et a souhaité que soit instauré un contrôle a priori pour tous les médicaments soumis à prescription.
M. Nicolas About, président de la commission des Affaires sociales, a estimé que les responsables de l'industrie pharmaceutique ne sont sûrement pas dépourvus de tout sens des responsabilités et rappelé qu'ils prennent un risque à chaque commercialisation de nouvelle molécule, ne serait-ce qu'en engageant la réputation et l'image de leur entreprise. Il a fait valoir que, sur 9.000 dossiers examinés par an, seuls, 4 % appellent des observations de l'Afssaps et une vingtaine fait l'objet d'une interdiction.
M. Xavier Bertrand, ministre de la santé et des solidarités, a considéré que tous les dossiers doivent être examinés avec le plus grand soin et que la perspective d'une interdiction représente une sanction particulièrement dissuasive pour l'industrie pharmaceutique.
M. Gilbert Barbier, président, a regretté toutefois que les expertises qui sont réalisées ne reposent pas suffisamment sur la notion de rapport entre le bénéfice escompté et le risque estimé des médicaments étudiés.
M. Xavier Bertrand, ministre de la santé et des solidarités, a fait valoir que la transposition de la directive permettra d'accroître les obligations des laboratoires en ce qui concerne la publicité des substances destinées à faire l'objet d'automédication.
Observant que la question de l'indépendance des experts revient de façon récurrente dans les débats sur la sécurité des produits de santé, Mme Marie-Thérèse Hermange, rapporteur, a souhaité connaître le sentiment du ministre sur cette question. Elle s'est demandé comment valoriser le travail effectué par les experts, notamment lorsqu'il s'agit d'agents publics intervenant pour le compte des agences sanitaires et quelles formes pourrait prendre cette valorisation.
M. Gilbert Barbier, président, a estimé que l'on peut évaluer de 10 % à 15 % la proportion des experts qui ne se conforment pas à l'obligation de déclaration de conflit d'intérêts.
M. François Autain a indiqué avoir procédé lui-même au travail d'investigation aboutissant à ces résultats et ne pas avoir été démenti par le président de l'Afssaps lors de son audition. Regrettant que deux membres seulement de la commission d'AMM soient dépourvus de tout lien avec l'industrie pharmaceutique, il a considéré qu'au minimum son président et son vice-président devraient être totalement indépendants des laboratoires.
M. Xavier Bertrand, ministre de la santé et des solidarités, a considéré que la question de l'évaluation des conflits d'intérêts fait d'ores et déjà l'objet d'une approche de plus en plus rigoureuse, que devrait d'ailleurs prochainement renforcer l'élaboration d'un statut de l'expert. La revendication d'une indépendance absolue des scientifiques à l'égard de l'industrie ne semble toutefois pas être une solution réaliste car, pour être compétents, les experts ont besoin d'exercer leur talent dans des laboratoires. Il convient plutôt de promouvoir la transparence et la collégialité au sein de l'Afssaps et de proscrire la participation des experts aux débats sur les molécules produites par les laboratoires pour lesquels ils travaillent.
M. Gilbert Barbier, président, a souhaité savoir si le Gouvernement souhaite prévenir les conflits d'intérêts négatifs comme les conflits d'intérêts positifs.
M. Xavier Bertrand, ministre de la santé et des solidarités, a indiqué que les démarches engagées visent toutes les formes d'expertise. Mais il s'agit aussi d'indemniser à leur juste valeur les prestations des chercheurs et de veiller à ce que leur travail soit reconnu dans leur carrière professionnelle. Il a précisé qu'un groupe de réflexion a été mis en place avec le ministère de l'éducation nationale sur ce thème et il s'est prononcé en faveur de la création d'un Haut Conseil de l'expertise. Cette structure nouvelle très légère aurait vocation à constituer un organisme d'arbitrage, mais aussi à rendre des avis à la demande des pouvoirs publics.
M. Gilbert Barbier, président, a réaffirmé sa conviction que la prévention des conflits d'intérêts passe par une transparence totale, tout en observant que le développement de la procédure centralisée de mise sur le marché des médicaments réduit progressivement les prérogatives des autorités nationales.
Après avoir noté que le thème de la formation continue des médecins s'est imposé, au fil des auditions de la mission d'information, comme un élément majeur du débat sur la prescription et la surconsommation de médicaments en France, Mme Anne-Marie Payet, rapporteur, s'est interrogée sur les moyens dont disposent les pouvoirs publics pour assurer l'indépendance de cette formation, dont le coût nécessite pourtant le recours au financement par les laboratoires pharmaceutiques.
M. Gilbert Barbier, président, a considéré qu'il importe de prendre le problème à son origine et d'améliorer en priorité la formation médicale initiale des étudiants en médecine.
Mme Anne-Marie Payet, rapporteur, a également souhaité connaître l'opinion du ministre sur la réforme envisagée en Allemagne, reposant sur le gel du prix des médicaments jusqu'en 2009 et sur l'introduction d'un bonus-malus en matière de remboursement, en fonction des comportements collectifs des assurés sociaux.
M. Xavier Bertrand, ministre de la santé et des solidarités, s'est déclaré en faveur non pas du gel, mais de la diminution du prix des médicaments lorsque cela est possible, car il convient également de prendre en compte la nécessité d'une rémunération de l'effort de recherche de l'industrie pharmaceutique.
Il s'est montré en revanche sceptique sur la possibilité d'obtenir des résultats durables sur le plan financier par une approche strictement comptable des dépenses de maladie : au-delà d'un horizon de douze à dix-huit mois, il est peu probable d'obtenir une inflexion des comportements collectifs. Telle n'est pas l'option choisie par les pouvoirs publics français, qui lui ont préféré la maîtrise médicalisée à long terme des dépenses de santé.
Il a rappelé que la loi du 4 mars 2002 a déjà rendu obligatoire la formation médicale continue. Un rapport de l'Inspection générale des affaires sociales (Igas) doit fournir des éléments de réflexion afin de donner une valeur pleinement opérationnelle à ce principe. Il a souligné enfin l'importance de deux aspects clés de ce dossier : l'agrément des organismes de formation et les modalités de validation de cette obligation de formation.
M. François Autain s'est déclaré hostile au principe même d'une quelconque participation de l'industrie pharmaceutique à la formation médicale continue. Il a observé par ailleurs que l'immense majorité des 150 médicaments nouveaux admis à remboursement, chaque année en France, n'apporte pas de plus-value thérapeutique significative.
Mme Anne-Marie Payet, rapporteur, s'est demandé si un contrôle effectif du contenu de l'information délivrée par les délégués médicaux est envisageable dans le cadre de la Charte de la visite médicale.
M. Xavier Bertrand, ministre de la santé et des solidarités, a jugé que la Charte de la visite médicale représente déjà un progrès indéniable et que son niveau d'exigence a été jugé élevé par l'industrie pharmaceutique. Cet engagement des professionnels sera complété à l'avenir par une seconde charte qui est actuellement en cours de discussion.