COMMISSION MIXTE PARITAIRE CHARGÉE DE PROPOSER UN TEXTE SUR LES DISPOSITIONS RESTANT EN DISCUSSION DU PROJET DE LOI RELATIF AU RETOUR À L'EMPLOI ET SUR LES DROITS ET LES DEVOIRS DES BÉNÉFICIAIRES DE MINIMA SOCIAUX
Mardi 7 février 2006
- Présidence de M. Alain Gournac, vice-président -La commission a d'abord procédé à la désignation de son bureau qui a été ainsi constitué :
- M. Alain Gournac, sénateur, président ;
- M. Jean-Michel Dubernard, député, vice-président ;
- M. Bernard Seillier, sénateur, rapporteur pour le Sénat ;
- M. Laurent Wauquiez, député, rapporteur pour l'Assemblée nationale.
La commission mixte paritaire a ensuite procédé à l'examen du texte.
M. Bernard Seillier, rapporteur pour le Sénat, a souligné que le texte a été enrichi de douze articles à l'Assemblée nationale puis de neuf articles au Sénat. Huit articles ayant été adoptés conformes, il reste donc vingt-quatre articles en discussion.
Il a rappelé les trois principales modifications apportées par l'Assemblée nationale au projet de loi :
- elle a d'abord remplacé la priorité d'accès en crèche prévue en faveur des enfants de bénéficiaires de minima sociaux par un dispositif de places réservées susceptible d'offrir de meilleures garanties en termes d'accueil effectif ;
- elle a ensuite harmonisé le dispositif de sanctions applicables en cas de fraude à chacun des trois minima sociaux d'insertion ;
- elle a enfin apporté plusieurs modifications au régime des contrats insertion-revenu minimum d'activité (CI-RMA) et des contrats d'avenir, notamment en cas d'embauche par un atelier ou un chantier d'insertion.
Les amendements adoptés par le Sénat n'ont pas modifié l'esprit du projet de loi, l'objectif ayant été d'approfondir la réflexion sur les moyens les plus adéquats pour favoriser le retour à l'activité. Relève de cet objectif la possibilité de versement immédiat de la prime de 1.000 euros pour les personnes embauchées en contrat à durée indéterminée ou en contrat à durée déterminée de plus de six mois.
Pour ce qui concerne le dispositif d'accès en crèche des enfants de bénéficiaires de minima sociaux, le Sénat a remplacé le mécanisme de places réservées par une obligation de résultat en termes de nombre d'enfants accueillis, qui laisse une totale liberté aux acteurs locaux pour définir les moyens les plus adaptés d'y parvenir.
Enfin, le Sénat a procédé à une nouvelle extension des employeurs autorisés à gérer des chantiers d'insertion. Dans la mesure où le Gouvernement a déjà signalé l'existence d'autres catégories d'employeurs souhaitant figurer dans la liste fixée par la loi, il serait toutefois plus simple de renvoyer à un décret la détermination exacte des organismes susceptibles de mettre en oeuvre ces chantiers, et un amendement sera présenté en ce sens.
M. Bernard Seillier, rapporteur pour le Sénat, a reconnu que deux autres apports du Sénat demandent encore à être approfondis. Tel est le cas de la modification apportée, à l'initiative de M. Michel Mercier, au régime de l'aide versée aux entreprises par les départements dans le cadre des CI-RMA et des contrats d'avenir.
Cette formule répond au souci des présidents de conseils généraux sur le coût de ces contrats, qui reviennent aujourd'hui plus cher aux départements que le maintien des allocataires dans le revenu minimum d'insertion (RMI), mais elle présente trois inconvénients :
- elle laisse les entreprises dans l'incertitude quant au niveau de l'aide qu'elles sont susceptibles de recevoir, celle-ci variant en fonction de la composition du foyer et des ressources du candidat ;
- elle constitue une rupture d'égalité entre les bénéficiaires de minima sociaux puisque l'aide versée aux entreprises dépendrait de critères sans aucun lien avec leur qualification professionnelle ;
- elle entraîne une réduction très sensible des ressources des bénéficiaires de ces contrats, pouvant atteindre jusqu'à 200 euros par mois dans certaines configurations familiales.
Afin de répondre à l'attente des présidents de conseils généraux sans réduire l'attractivité des CI-RMA et des contrats d'avenir pour les bénéficiaires et pour les entreprises, un amendement sera présenté pour partager la charge de l'activation du RMI entre les départements et l'Etat.
Puis M. Bernard Seillier, rapporteur pour le Sénat, a indiqué que le second point à préciser porte sur l'habilitation, accordée par le Sénat au Gouvernement, d'expérimenter, dans un nombre limité de bassins d'emploi, un contrat de transition professionnelle (CTP) destiné aux salariés licenciés pour motif économique dans les entreprises de moins de 1.000 salariés. Cette mesure constitue un premier pas dans la sécurisation des parcours professionnels et justifie la démarche d'expérimentation retenue par le Gouvernement pour mettre en place ce contrat. Toutefois, l'expérimentation proposée ne répond pas entièrement aux critères définis par le Conseil constitutionnel en la matière et il conviendra de compléter le texte dans ce sens.
M. Laurent Wauquiez, rapporteur pour l'Assemblée nationale, a confirmé que le texte a fait l'objet d'ajouts importants au cours de la discussion parlementaire, soulignant les apports substantiels du Sénat concernant le versement immédiat de la prime de retour à l'emploi, la suppression des effets de seuil qui auraient été dus à la fixation d'un plafond de ressources pour l'accès aux primes forfaitaires, l'abaissement à vingt heures de l'horaire minimal de travail en contrat d'avenir pour les associations et entreprises intermédiaires et l'extension du nouveau régime d'intéressement aux départements d'outre-mer.
Il a reconnu que l'amendement adopté à l'article 13 à l'initiative de M. Michel Mercier soulève la question légitime de la compensation du transfert du RMI aux départements, sur laquelle la concertation se poursuit entre le Gouvernement et l'assemblée des départements de France (ADF). Toutefois, le dispositif proposé comporte des effets pervers et l'économie que permettrait la réforme de l'aide aux entreprises versée par les départements dans le cadre des CI-RMA et des contrats d'avenir semble loin de répondre à la question plus générale du financement du RMI. Bien au contraire, ce dispositif entraînera la création d'une véritable « usine à gaz » comptable pour un enjeu financier limité.
M. Laurent Wauquiez, rapporteur pour l'Assemblée nationale, a ensuite indiqué qu'il souhaite mieux articuler les sanctions administratives et pénales prévues en cas de fraude aux minima sociaux afin de sécuriser ces dispositions. A cet effet, il est nécessaire d'assurer la primauté du juge pénal et le respect du principe « non bis in idem ». De manière générale, il faut rappeler que les amendements adoptés en la matière à l'Assemblée nationale visent à alléger et rendre plus souples les systèmes de sanction préexistants.
La commission mixte paritaire est ensuite passée à l'examen des articles restant en discussion.
Elle a adopté les articles premier (prime de retour à l'emploi), premier bis (régime juridique de la prime exceptionnelle de retour à l'emploi) et 2 (prime forfaitaire due aux bénéficiaires de l'allocation de solidarité spécifique) dans la rédaction du Sénat.
A l'article 3 (prime forfaitaire due aux bénéficiaires du revenu minimum d'insertion), la commission mixte paritaire a adopté un amendement de coordination présenté conjointement par les deux rapporteurs, puis l'article 3 ainsi rédigé.
Elle a adopté l'article 4 (prime forfaitaire due aux bénéficiaires de l'allocation de parent isolé) dans la rédaction du Sénat.
A l'article 5 bis (coordination entre les primes forfaitaires d'intéressement et l'allocation de retour à l'activité dans les départements d'outre-mer), la commission mixte paritaire a adopté trois amendements rédactionnels présentés conjointement par les deux rapporteurs, puis l'article 5 bis ainsi rédigé.
Elle a adopté les articles 6 (garde des enfants des bénéficiaires de l'allocation de parent isolé, du revenu minimum d'insertion et de l'allocation de solidarité spécifique) et 8 bis (créance d'aliments des bénéficiaires du revenu minimum d'insertion) dans la rédaction du Sénat.
A l'article 10 bis (pénalités applicables à la fraude au revenu minimum d'insertion), la commission mixte paritaire a adopté un amendement conjoint des deux rapporteurs visant à assurer une meilleure articulation entre les sanctions administrative et pénale afin de garantir le respect du principe « non bis in idem » et à préciser que la première est nécessairement motivée. Elle a ensuite adopté l'article 10 bis ainsi rédigé.
A l'article 10 ter (pénalités applicables à la fraude à l'allocation de parent isolé), la commission mixte paritaire a adopté un amendement conjoint des deux rapporteurs visant à assurer une meilleure articulation entre les sanctions administrative et pénale afin de garantir le respect du principe « non bis in idem », à préciser que la première est nécessairement motivée et à coordonner l'article avec les mesures générales de lutte contre les fraudes aux prestations sociales. Elle a ensuite adopté l'article 10 ter ainsi rédigé.
A l'article 10 quater (pénalités applicables à la fraude aux allocations d'aide aux travailleurs privés d'emploi), la commission mixte paritaire a adopté un amendement conjoint des deux rapporteurs visant à assurer une meilleure articulation entre les sanctions administrative et pénale afin de garantir le respect du principe « non bis in idem », à préciser que la première est nécessairement motivée et à fixer ses modalités de recouvrement. Elle a ensuite adopté l'article 10 quater ainsi rédigé.
Elle a adopté l'article 10 quinquies (report de la date de remise du rapport annuel d'évaluation de la loi portant décentralisation du RMI) dans la rédaction du Sénat.
A l'article 13 (modifications du régime du contrat d'avenir), M. Laurent Wauquiez, rapporteur pour l'Assemblée nationale, a présenté un amendement tendant à rétablir le régime actuel de l'aide versée aux entreprises par les départements dans le cadre des CI-RMA et des contrats d'avenir, en supprimant les dispositions ajoutées par le Sénat.
Tout en déclarant comprendre le souci des présidents de conseils généraux, en matière de compensation de la décentralisation du RMI, il a estimé que le dispositif proposé par M. Michel Mercier comporte plusieurs effets pervers : il est d'abord défavorable aux allocataires - dont le revenu mensuel serait réduit, dans certains cas de figure, de 350 euros - et engendre de nouvelles trappes à inactivité, ce qui constitue un retour en arrière, y compris par rapport au régime actuel d'intéressement ; il institue une aide variable pour les employeurs, ce qui nuit à la lisibilité, et donc à l'attractivité, des contrats ; il est enfin contraire au principe constitutionnel d'égalité puisqu'il introduit une différence de traitement entre bénéficiaires de minima sociaux, selon des critères qui n'ont aucun rapport avec l'objet de ces contrats aidés.
De plus, la mesure proposée n'entraînerait en réalité qu'une économie très faible - de l'ordre de 2 millions d'euros - pour les conseils généraux ; il est donc préférable de revenir à la législation actuellement en vigueur.
M. Bernard Seillier, rapporteur pour le Sénat, a présenté à son tour un amendement tendant à alléger, conformément au souhait des présidents de conseils généraux, le coût des CI-RMA et des contrats d'avenir pour les départements tout en supprimant les effets pervers, pour les bénéficiaires et pour les entreprises, du mécanisme voté par le Sénat.
Cette nouvelle rédaction permettrait aux départements de réaliser une économie de 20 euros par allocataire et par mois, pour chaque CI-RMA ou contrat d'avenir signé, cette somme étant désormais prise en charge par l'Etat. Toutefois, cette solution conduirait à mettre en place un circuit de paiement complexe entre l'Etat et les départements dont le coût risque, en définitive, d'annuler les économies réalisées sur les CI-RMA et les contrats d'avenir.
Il a estimé que le véritable enjeu réside dans l'amélioration de la compensation financière due aux départements au titre de la décentralisation du RMI. Il a informé les membres de la commission mixte paritaire que le Premier ministre doit rencontrer les responsables départementaux dans les tout prochains jours afin de leur proposer une enveloppe substantielle pour faire face à la dérive des dépenses de RMI constatées depuis 2003.
M. Roland Muzeau, sénateur, a déclaré rejoindre les préoccupations des présidents de conseils généraux concernant la compensation des charges liées au RMI décentralisé, bien que l'amendement voté par le Sénat ne permette pas, en réalité, de résoudre cette question. Il a déploré que la concertation à ce sujet n'ait toujours pas abouti. Il s'est dit opposé aux amendements des deux rapporteurs dans la mesure où aucun des deux n'améliore réellement la situation financière des départements.
M. Bernard Cazeau, sénateur, a insisté sur le fait que les recettes attribuées aux départements pour financer le RMI sont inférieures d'un milliard d'euros aux dépenses réelles. Il a toutefois reconnu que cette question fait actuellement l'objet d'une concertation dans d'autres instances et que la rédaction du Sénat n'autorise qu'une bien maigre économie au regard des enjeux financiers de la décentralisation. Constatant que les contrats d'avenir coûtent plus cher aux départements que le maintien des allocataires dans le RMI, il s'est déclaré, en conséquence, plus favorable à l'amendement de M. Bernard Seillier, rapporteur pour le Sénat, qui permet aux départements de réaliser des économies, même si celles-ci restent limitées.
Puis la commission mixte paritaire a adopté l'amendement de suppression des paragraphes III et IV de l'article 13 présenté par M. Laurent Wauquiez, rapporteur pour l'Assemblée nationale, après que Mme Valérie Létard, sénatrice, a indiqué s'abstenir sur ce vote. L'amendement de M. Bernard Seillier, rapporteur pour le Sénat, est donc devenu sans objet.
La commission mixte paritaire a ensuite adopté l'article 13 ainsi rédigé.
Elle a adopté les articles 14 (assouplissement de la durée hebdomadaire des contrats d'avenir) et 15 (création de contrats insertion - revenu minimum d'activité [CI-RMA] à durée indéterminée) dans la rédaction du Sénat.
A l'article 15 bis (dispositions de coordination consécutives à la création de CI-RMA à durée indéterminée), la commission mixte paritaire a adopté un amendement rédactionnel présenté conjointement par les deux rapporteurs, puis l'article 15 bis ainsi rédigé.
A l'article 16 (personnes morales susceptibles de mettre en oeuvre des ateliers ou des chantiers d'insertion), la commission mixte paritaire a adopté un amendement conjoint des deux rapporteurs renvoyant à un décret la fixation de la liste des employeurs autorisés à mettre en oeuvre des chantiers d'insertion. Elle a ensuite adopté l'article 16 ainsi rédigé.
Elle a adopté les articles 17 (suppression d'une procédure d'agrément prévue en cas de signature d'un contrat d'avenir ou d'un CI-RMA par une structure d'insertion par l'activité économique), 18 (modification de l'objet du fonds de garantie créé par la loi de cohésion sociale), 20 (aide au retour à l'activité pour les chômeurs indemnisés), 21 (interdiction de remise de dettes au titre du RMI en cas de fraude), 22 (CI-RMA signé par des personnes bénéficiant à la fois de l'allocation aux adultes handicapés et de l'allocation de solidarité spécifique) et 23 (prolongement du régime transitoire de décompte des heures supplémentaires dans les très petites entreprises) dans la rédaction du Sénat.
A l'article 24 (expérimentation du contrat de transition professionnelle), Mme Hélène Mignon, députée, a présenté un amendement de suppression de cet article. Le recours à la procédure des ordonnances, qui prive la représentation nationale de la possibilité de se prononcer sur le détail du dispositif du contrat de transition professionnelle (CTP), n'est pas acceptable. De plus, ce dispositif remplace, au moins en partie, la convention de reclassement personnalisé (CRP), créée par la loi de cohésion sociale du 18 janvier 2005, puis ajustée pour pouvoir réellement entrer en vigueur par la loi du 26 juillet 2005 relative au développement des services à la personne et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale, alors qu'aucune évaluation de la CRP n'a été faite à ce jour. Enfin, ce dispositif n'a fait l'objet d'aucune concertation avec les partenaires sociaux.
M. Laurent Wauquiez, rapporteur pour l'Assemblée nationale, a observé que la CRP avait également été créée par la loi, puis seulement dans un deuxième temps soumise aux partenaires sociaux afin qu'ils définissent ses modalités d'application. La même procédure peut donc être suivie sans difficulté pour le CTP. Enfin, la situation de l'emploi exige des mesures urgentes qui justifient le recours à la procédure des ordonnances.
M. Bernard Seillier, rapporteur pour le Sénat, a insisté sur le fait que le CTP fait l'objet d'une simple expérimentation et que cette démarche est novatrice en matière de politique de l'emploi.
M. Roland Muzeau, sénateur, a ironisé sur le fait que le recours aux ordonnances devient un mode de gestion habituel pour le Gouvernement. Il a déploré la création d'un nouvel instrument alors que la CRP n'est entrée en application que depuis quelques mois et n'a fait l'objet d'aucune évaluation. Il a, à son tour, dénoncé l'absence de saisine des partenaires sociaux sur ce projet.
M. Bernard Seillier, rapporteur pour le Sénat, a ensuite présenté deux amendements conjoints des deux rapporteurs tendant à rendre l'expérimentation du CTP conforme à la jurisprudence du Conseil constitutionnel, en précisant, d'une part, les limites temporelles de l'expérimentation, d'autre part, les perspectives de généralisation du dispositif.
M. Dominique Tian, député, a présenté deux amendements, cosignés par M. Maurice Giro, député, tendant à préciser les conditions de financement de l'expérimentation du CTP. En effet, cette initiative de l'Etat ne doit peser ni sur les finances des entreprises, ni sur celles de l'Union nationale pour l'emploi dans l'industrie et le commerce (Unedic).
La commission mixte paritaire a rejeté l'amendement de suppression de Mme Hélène Mignon, députée. A la demande des rapporteurs, M. Dominique Tian, député, a retiré ses amendements.
La commission mixte paritaire a ensuite adopté les deux amendements de précision des deux rapporteurs, puis l'article 24 ainsi rédigé.
Enfin, à l'initiative conjointe des deux rapporteurs, la commission mixte paritaire a rétabli l'intitulé du projet de loi dans sa rédaction issue de l'Assemblée nationale.
Elle a ensuite adopté l'ensemble du projet de loi dans la rédaction issue de ses travaux.