Mardi 24 janvier 2006
- Présidence de M. Gilbert Barbier, président -Audition de MM. Laurent Degos, président de la Haute Autorité de santé et Etienne Caniard, président de la commission qualité et diffusion de l'information médicale de la Haute Autorité de santé (HAS)
La mission d'information a procédé à l'audition de MM. Laurent Degos, président de la Haute Autorité de santé et Etienne Caniard, président de la commission qualité et diffusion de l'information médicale de la Haute Autorité de santé (HAS).
M. Laurent Degos, président de la Haute Autorité de santé, a présenté les étapes de la mise en place de la HAS et a inscrit son action dans le cadre déterminé par le législateur, afin de mettre à la disposition des professionnels les outils de la qualité et de permettre au patient de mieux s'orienter dans le système de soins. Le résultat des efforts accomplis par les différents acteurs doit se traduire par la progression de la qualité de la prise en charge du patient.
En raison de son rôle consultatif auprès du décideur (ministre et caisses d'assurance maladie) sur les conditions de prise en charge par la solidarité nationale, la HAS est une institution publique indépendante et à caractère scientifique. Elle compte aujourd'hui sur le concours permanent de 350 agents compétents et motivés, engagés de longue date dans la promotion de la qualité dans le domaine de la santé. Elle mobilise un réseau de 3.000 experts apportant une contribution de haut niveau aux travaux des commissions et des groupes de travail. La HAS est composée d'un collège et de sept commissions spécialisées et de services. Le collège définit les orientations politiques et adopte les décisions préparées par les commissions. Toutefois, dans le domaine du médicament la commission de la transparence adopte les avis par délégation du collège.
M. Laurent Degos a souligné que les compétences de la HAS dans le domaine du médicament s'inscrivent en aval de l'autorisation de mise sur le marché (AMM) et en amont du prix fixé par le Comité économique des produits de santé (CEPS). La HAS n'a pas de compétences en matière de mise sur le marché des médicaments et de leur suivi sur le plan de la sécurité, cette mission incombant à l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps).
La mission de la HAS est de fournir une évaluation des conditions de prise en charge du médicament par la sécurité sociale. Cette mission est consubstantielle à l'existence d'un système de solidarité dans la prise en charge des soins de santé, et du médicament en particulier.
L'avis donné par la HAS sur un médicament est nécessaire pour trois types de décisions :
- la décision du ministre de la santé d'inscrire ou non un médicament sur la liste des médicaments remboursables, en ville et/ou à l'hôpital. En effet, les médicaments dont le service médical rendu est insuffisant ne peuvent pas être inscrits sur cette liste ;
- la décision de l'Union nationale des caisses d'assurance maladie (Uncam) sur le taux de remboursement, qui dépend du niveau du service médical rendu (SMR) ;
- le prix du médicament. En effet, le CEPS tient compte de l'avis de la HAS sur l'amélioration du service médical rendu (AMSR) quand il détermine le prix du médicament.
M. Laurent Degos a précisé que l'avis de la HAS porte, avant tout, sur la place du médicament dans la stratégie thérapeutique. Il constitue donc un élément d'information important pour le prescripteur en matière de choix thérapeutique. Cette tâche s'inscrit dans un environnement qui connaît des mutations profondes autour de deux tendances fortes : d'une part le progrès médical qui touche l'ensemble du système de soins (médicaments, dispositifs médicaux et techniques médicales), d'autre part le rôle croissant du patient. La nouvelle place prise par le patient est la conséquence d'évolutions sociales qui dépassent le cadre du système de soins : hausse du niveau d'éducation, exigence croissante en matière d'information, volonté de participation à la décision et évolutions entraînées par le progrès médical.
Il a estimé que le socle de l'activité de la HAS sur le plan social s'inscrit dans la relation médecin/malade pour une meilleure pratique, une meilleure observance et une confiance retrouvée. L'action de la HAS dans le domaine du médicament peut se résumer en cinq points :
- la transversalité, la HAS rassemblant désormais des missions qui étaient autrefois éclatées ;
- l'approche globale, l'évaluation du médicament ne reposant pas seulement sur la valeur ajoutée intrinsèque, mais aussi sur ses conséquences sur le plan populationnel et sur le système de santé, ce que l'on appelle l'intérêt de santé publique ;
- l'évaluation continue, la valeur ajoutée intrinsèque d'un médicament et surtout son intérêt en vie réelle ne pouvant pas être parfaitement reçus lors de l'inscription. C'est pourquoi la commission de transparence est la cheville ouvrière de la mise en place des études post-AMM ;
- le retour sur investissement, car il s'agit de s'assurer que l'utilisation des ressources collectives correspond bien à un principe d'efficience et d'équité ;
- enfin, l'information et l'appropriation de l'information médicale par les acteurs.
Après avoir rappelé que le législateur a confié à la HAS une compétence importante en matière d'information médicale sur les grands thèmes de la certification des logiciels d'aides à la prescription, de la transformation de la charte de la visite médicale en une procédure de certification et de la certification des sites « Internet santé », Mme Anne-Marie Payet, rapporteur, a souhaité connaître l'état d'avancement de ces dossiers et a voulu savoir dans quelle mesure le développement de l'information médicale est de nature à influer sur les comportements et les pratiques.
M. Etienne Caniard a indiqué que ces missions générales d'information confiées à la HAS sont appréhendées de façon globale dans un souci d'amélioration de la qualité et de la coordination de l'information émise par les agences sanitaires. Ce souci méthodologique vaut pour l'ensemble des compétences confiées à la HAS, qu'il s'agisse de son action dans le domaine du médicament, pour la certification des établissements de santé ou pour l'évaluation des professionnels de santé. Il convient toutefois de ne pas confondre les missions de contrôle confiées à la commission de la publicité de l'Afssaps qui assure une « police de la conformité » et les missions de surveillance de la qualité assurées par la HAS.
Cette réflexion sur la nécessité de faire évoluer les supports et les formations de communication des agences sanitaires, et plus particulièrement de la HAS, est fondée sur une évaluation critique de la politique de communication menée les années précédentes par l'Agence nationale d'accréditation et d'évaluation en santé (Anaes). C'est ainsi que, si les visiteurs médicaux sont tenus, en vertu de la loi, de remettre aux médecins les fiches d'information établies par la commission de la transparence, cette obligation n'est pas respectée dans les faits. Il a jugé que la HAS, puisque la commission de la transparence y a été intégrée, doit s'interroger sur les raisons de cette situation et notamment réfléchir au contenu des documents qu'elle diffuse afin de les rendre mieux appropriés à la pratique des professionnels de santé. Il a par ailleurs précisé que la HAS n'a jamais envisagé de faire distribuer cette documentation par les laboratoires pharmaceutiques.
M. Etienne Caniard a précisé que la HAS a adopté une stratégie de diffusion de l'information organisée en trois points : des fiches de transparence éditées pour chaque produit, des fiches définissant des stratégies thérapeutiques et, enfin, des fiches produits. Cette dernière catégorie répond à des demandes fortes exprimées par les directions générales de la santé et les professionnels de santé et est éditée lorsqu'il existe un risque de mésusage d'un produit de santé.
Il a souligné que cette problématique s'intègre dans le cadre plus global de la coordination des informations diffusées par les différents acteurs publics du système sanitaire. Elle comprend également une mission de vérification de la qualité de l'information émise par d'autres acteurs, notamment les laboratoires pharmaceutiques. La visite médicale a une double fonction, de promotion du produit et de diffusion de l'information, qui rend légitime le contrôle exercé par la HAS sur ce second aspect.
Mme Marie-Thérèse Hermange, rapporteur, a rappelé que la loi de financement de la sécurité sociale pour 2001 a créé le Fonds de promotion de l'information médicale et médico-économique (Fopim), qui avait pour mission de fournir une information objective aux professionnels de santé. Cette base de données n'a jamais vu le jour et a été abandonnée à l'occasion de la réforme de l'assurance maladie. Elle a voulu savoir si les raisons de l'échec du Fopim ont été analysées par la HAS, dans le cadre de la mise en oeuvre de sa stratégie d'information des professionnels de santé.
M. Etienne Caniard a précisé que la commission « Qualité et diffusion de l'information médicale » a repris à son compte, après avoir analysé les causes qui ont conduit à l'échec de cette première initiative, les éléments positifs mis en oeuvre par le comité d'orientation du Fopim à l'automne 2004, notamment les travaux menés sur certains logiciels d'aide à la prescription. Elle a maintenu son soutien à de nouveaux moyens d'information dans le domaine de la presse. D'autres initiatives, qui ne répondent pas à la stratégie mise au point par la HAS ou ne correspondent pas à un emploi optimal des fonds publics, ont été abandonnées.
Il a estimé qu'il ne suffit pas de disposer de fonds d'une ampleur comparable à ceux consacrés à l'action promotionnelle menée par les laboratoires pharmaceutiques, mais qu'il est nécessaire d'anticiper les risques et de diffuser l'information avant que les mauvaises habitudes ne soient ancrées dans les pratiques. Tel est notamment le rôle des fiches produits.
Il a précisé que, désormais, chacun des éléments d'information développé par la HAS sera accompagné d'une mesure d'impact afin d'en évaluer l'efficacité.
M. Etienne Caniard a présenté la mission de certification de la charte de la visite médicale assurée par la HAS, qui permettra l'adhésion effective de tous les laboratoires, et non plus de leurs seuls organismes représentatifs. Cette procédure de certification devrait débuter au mois d'octobre 2006. Par ailleurs, la HAS mettra en place un observatoire de la visite médicale afin de mieux connaître le comportement des médecins vis-à-vis de cette démarche de promotion et d'information.
Il a souligné que la HAS poursuit ses travaux préparatoires en matière de certification des logiciels d'aide à la prescription en insistant sur les critères qui lui semblent fondamentaux, tels que l'interopérabilité des systèmes ou la possibilité de prescrire directement en dénomination commune internationale. Cette activité devrait être opérationnelle en 2007. Il a observé que la certification des sites informatiques dédiés à la santé soulève de grandes difficultés. La HAS a fait le choix de consacrer son action à la qualité de l'information diffusée et, à ce titre, elle souhaite introduire la norme internationale « Health On the Net » (HON) déjà en vigueur dans les principaux pays.
M. Gilbert Barbier, président, a voulu savoir si la HAS exerce un contrôle sur les émissions télévisées et radiodiffusées consacrées à la santé.
M. Etienne Caniard a indiqué que cette compétence n'est pas explicitement attribuée à la HAS mais que cette dernière réfléchit à la manière d'émettre des recommandations sur la qualité de l'information médicale, quel que soit le média utilisé.
Mme Marie-Thérèse Hermange, rapporteur, a voulu savoir si la HAS organise un suivi de la mise en oeuvre de la charte de la visite médicale et si elle dispose de statistiques relatives au nombre de visiteurs médicaux exerçant en France. Elle a évoqué la mission d'évaluation des pratiques professionnelles et s'est interrogée sur la mise en oeuvre d'actions spécifiques dans le domaine de l'évaluation de la prescription.
M. Laurent Degos a rappelé que l'évaluation des pratiques professionnelles est une compétence qui était auparavant assurée par les seules unions régionales des médecins libéraux (URML) en liaison avec l'Anaes. La HAS, pour sa part, met en oeuvre une formation destinée à habiliter les médecins à procéder à l'évaluation des pratiques professionnelles (EPP) de leurs confrères. Il a précisé que ce médecin habilité exerce son action de façon indépendante et qu'il n'existe aucun lien entre l'EPP et le contrôle exercé par le service médical de l'assurance maladie.
Mme Marie-Thérèse Hermange, rapporteur, a fait état d'un rapport de la Chambre des communes britannique (« The influence of the pharmaceutical industry », publié en mars 2005) mettant en doute la pertinence des référentiels de bon usage, dans la mesure où ils se fondent sur les résultats publiés par l'industrie pharmaceutique. Elle a voulu savoir dans quelle mesure il est possible d'établir des référentiels fiables si tous les résultats ne sont pas publiés ou si les conclusions négatives sont minorées.
M. Laurent Degos a indiqué que les référentiels de bonne pratique sont établis à partir de la médecine par preuve (Evidence based medecine). Pour établir ces recommandations, les autorités sanitaires ont recours aux sociétés savantes et organisent des conférences de consensus.
Il a observé que l'évaluation des médicaments qui est faite avant la délivrance de l'autorisation de mise sur le marché pose, en revanche, des problèmes méthodologiques puisque qu'elle est établie à partir des données fournies par les laboratoires concernés. C'est pour cette raison qu'il est fondamental de développer des études post-AMM.
M. Gilbert Barbier, président, a rappelé que le dossier d'AMM est instruit par un expert indépendant.
M. Laurent Degos a souligné que la situation des médicaments est identique à celle d'autres produits industriels soumis à une obligation de certification. Le dossier est instruit par un expert mais les données sont fournies par le fabricant, le rôle de l'expert consistant à évaluer la balance bénéfice/risque du produit concerné et à se prononcer en fonction de cette évaluation.
Le développement des études post-AMM doit permettre de surveiller le médicament en vie réelle, c'est-à-dire avec des populations plus importantes et plus diversifiées que celles retenues pour les études cliniques menées par le laboratoire avant l'AMM.
Il a insisté, à cet égard, sur la nécessité de modifier la législation relative aux expérimentations sur les soins courants afin de favoriser les études comparatives sur les différentes stratégies thérapeutiques disponibles et de disposer ainsi de données sur l'efficacité comparée de deux produits.
M. Laurent Degos a indiqué que les conférences de consensus entre les experts sont très coûteuses et traditionnellement financées par des fonds publics et des laboratoires pharmaceutiques. La HAS a choisi d'organiser ces conférences sur les seuls fonds publics pour préserver son indépendance : elle a ainsi récemment remboursé à un laboratoire sa participation au financement d'une conférence de consensus. Il a estimé que les études post-AMM, qui ont pour objet de comparer un médicament à son concurrent, doivent également être financées par des fonds publics, dans la mesure où les laboratoires pharmaceutiques sont très réticents à engager ce type d'études et préfèrent financer celles qui ont pour objet un élargissement de la posologie de leurs produits.
M. Etienne Caniard a indiqué que le nombre de visiteurs médicaux s'élève, en France, à 24.000. La majorité d'entre eux sont rattachés directement à un laboratoire ; les autres sont des prestataires embauchés pour le lancement d'un produit ou pour une action ponctuelle de promotion.
Il a rappelé que l'avenant à la charte de la visite médicale prévoit de limiter le nombre de visites pour certaines classes de produits, afin de réorienter la diffusion de l'information sur des médicaments qui ont tendance à être négligés. Il a regretté que la charte ne vise pas la visite à l'hôpital, alors qu'il s'agit d'un élément majeur dans l'acquisition d'habitudes de consommation d'un produit. Il a observé que l'industrie pharmaceutique développe désormais de nombreux autres outils de promotion utilisant parfois le relais d'associations de patients, qui se développent rapidement.
Mme Anne-Marie Payet, rapporteur, a demandé quels sont les moyens dont dispose la HAS pour émettre ses recommandations et quels supports elle privilégie pour la diffusion de l'information médicale. Elle a également interrogé les représentants de la HAS sur les modalités d'association des patients à cette mission.
M. François Autain a estimé que les moyens de la HAS doivent être comparés à ceux de l'industrie pharmaceutique qui a consacré, en 2004, 1,3 milliard d'euros à la promotion de ses produits.
M. Etienne Caniard a confirmé que 15 % du chiffre d'affaires des laboratoires sont consacrés à la promotion et a considéré qu'il est, dès lors, impossible pour la HAS d'entrer en concurrence avec eux sur un pied d'égalité, comme l'a montré l'échec du Fopim. L'information en amont des habitudes de prescription, avec la distribution de fiches produits, et la cohérence des messages et des outils de diffusion permettent seules, avec des moyens bien moins importants, d'offrir une information différente de celle diffusée par les laboratoires. L'exemple de la récente campagne sur l'utilisation des antibiotiques en est la preuve.
M. François Autain a considéré que le financement de la formation médicale continue par l'industrie pharmaceutique est également la source d'une distorsion d'information.
M. Etienne Caniard a reconnu que le système actuel de formation médicale continue pose un problème en matière d'indépendance des professionnels de santé. Il a estimé que l'information émise par la HAS doit utiliser, pour être efficace, une multiplicité de vecteurs : les acteurs institutionnels, les patients, la formation médicale continue et l'EPP. Il a rappelé, par ailleurs, que l'article 17 de la charte de la visite médicale permet à la HAS d'obliger les laboratoires à diffuser une information institutionnelle lorsqu'un produit ou un problème de santé le nécessite. Cette possibilité n'a toutefois jamais été utilisée.
M. François Autain a demandé de quels moyens budgétaires dispose la HAS pour mener à bien ses missions.
M. Laurent Degos a indiqué que les crédits alloués à la HAS pour 2006 s'élèvent à 103 millions d'euros, dont 14 millions consacrés à la diffusion des informations et des recommandations. Il a rappelé que la HAS n'a pas en charge la formation médicale continue.
M. Etienne Caniard a considéré que l'objectif de la HAS est de concentrer ses moyens budgétaires sur la promotion des outils efficaces de diffusion de l'information.
Mme Marie-Thérèse Hermange, rapporteur, a fait valoir qu'une étude récente de l'institut économique Molinari a prôné l'autorisation de la publicité directe des produits médicamenteux.
M. Etienne Caniard a rappelé qu'elle est autorisée aux Etats-Unis et que les études montrent qu'elle a pour conséquence une augmentation de 30 % des prescriptions des médicaments qui ont fait l'objet d'une telle publicité. Il a estimé que son autorisation aurait, en France, des effets négatifs certains, compte tenu de la surconsommation actuelle de médicaments.
M. Laurent Degos a considéré que le système de solidarité national doit être maintenu en matière de médicaments et nécessite une évaluation transparente, qui ne peut se faire si la publicité directe est autorisée. Il a indiqué qu'aux Etats-Unis les mécanismes publics de prise en charge (Medicare et Medicaid) commencent à s'intéresser aux principes d'évaluation des conditions de prise en charge des assurés de solidarité et de transparence du système français.
M. François Autain a rappelé que le Parlement européen s'est opposé à une autorisation de la publicité directe pour les médicaments.
M. Gilbert Barbier, président, a demandé pourquoi l'assurance maladie n'est pas plus active pour limiter la consommation de médicaments. Il s'est interrogé sur la pertinence de regrouper, au sein d'une même instance, les compétences aujourd'hui confiées à la commission d'AMM et à la commission de la transparence.
M. Laurent Degos a rappelé que ces deux commissions ont toujours été séparées. Ainsi, si le secrétariat de la commission de la transparence était bien rattaché à l'Afssaps, la commission elle-même restait ministérielle, alors que la commission d'AMM constituait l'une des commissions de l'Afssaps. Il a estimé que l'avantage d'une fusion entre les deux commissions tiendrait au regroupement des missions d'évaluation mais que les inconvénients seraient nombreux en raison de :
- la différence de nature entre l'évaluation, qui concerne le bénéfice-risque d'un médicament pour la commission d'AMM dans le cadre de la mission de sécurité sanitaire et de pharmacovigilance qui incombe à l'Afssaps, et la prestation faite par la commission de la transparence de l'apport d'un médicament dans le cadre des stratégies thérapeutiques disponibles, dans une perspective de prise en charge collective et de santé publique ;
- la différence en matière de législation communautaire. Alors que les règles de l'AMM sont largement communautarisées car elles constituent un aménagement du principe de libre circulation des produits - une part importante des AMM sont d'ailleurs d'origine communautaire, qu'elles soient centralisées ou résultent d'une procédure de reconnaissance mutuelle - les règles de la transparence sont purement nationales car liées aux modalités de prise en charge des médicaments par la solidarité nationale.
Il a rappelé qu'une fusion des deux commissions ou la suppression de la commission de la transparence est parfois évoquée par les industriels qui considèrent que la seule AMM doit suffire. Il a considéré que cette option revient à ne plus permettre au ministre et à l'assurance maladie de disposer d'un avis indépendant sur les conditions de remboursement et de bon usage des produits. Il en est de même pour les études de post-AMM qui ne doivent pas se limiter au seul aspect de la sécurité, qui appartient à l'Afssaps mais doit aussi concerner le service médical rendu, qui relève de la HAS.
Il a estimé qu'une collaboration étroite entre l'Afssaps et la HAS est indispensable, à condition qu'elle se fasse selon un partage clair des rôles. Il s'agit ainsi, lors de l'introduction d'un médicament, de séparer l'évaluation du rapport bénéfice-risque de celle du SMR. De la même manière, en matière de suivi des médicaments, la vérification de la sécurité du produit doit être distinguée de celle de l'apport du médicament au regard des autres produits et stratégies thérapeutiques.
Il s'est montré plus dubitatif, en revanche, sur la question des recommandations de bon usage. Il a considéré que le métier de police sanitaire qui est celui de l'Afssaps conduit à la diffusion de messages qui relèvent de l'ordre, alors que les recommandations sont de nature plus souples et diffèrent en fonction des situations individuelles. La loi donne compétence à la HAS pour déterminer les domaines d'intervention de l'Afssaps et pour diffuser ses recommandations. Il a regretté que ces dispositions recèlent encore des ambiguïtés et que l'Afssaps et la HAS ne soient pas encore parvenues à un partage des rôles clairs et compréhensibles par les acteurs. Il a souhaité qu'une clarification des textes sur ce point aboutisse rapidement.
Mme Anne-Marie Payet, rapporteur, a considéré que la solidarité nationale est mise à mal pour les maladies orphelines, dont le traitement n'est pas rentable pour les laboratoires, et pour les maladies qui touchent des personnes minoritaires défavorisées comme les maladies tropicales.
Mme Marie-Thérèse Hermange, rapporteur, a regretté que les médicaments pédiatriques ne constituent pas non plus une priorité pour les laboratoires pharmaceutiques.
M. Laurent Degos a souhaité qu'une réflexion soit menée au niveau européen pour une prise en charge plus efficace des maladies orphelines. Il a précisé que leur traitement constitue, au contraire, une source de revenus importante pour les laboratoires pharmaceutiques qui produisent aujourd'hui des médicaments peu efficaces et très coûteux, jusqu'à 150.000 euros par an et par patient. En effet, ces médicaments ne sont pas concurrencés pendant dix ans. Il a indiqué que l'industrie souhaite « découper » les symptômes des maladies traditionnelles pour développer le nombre des maladies considérées comme orphelines.
M. Gilbert Barbier, président, a interrogé les représentants de la HAS sur l'indépendance des experts qu'elle emploie.
M. François Autain a demandé si les membres du collège de la HAS sont soumis à l'obligation de déclarer leurs intérêts dans les laboratoires, comme la loi le prévoit pour les agents de la HAS. Il a également demandé si, comme c'est le cas pour l'Afssaps, l'accès aux déclarations d'intérêt des 3.000 experts de la HAS est accessible sur internet.
M. Laurent Degos a rappelé que les dispositions législatives et réglementaires prévoient que tant les membres du collèges que les agents de la HAS et les experts auxquels elle a recours, ne doivent pas avoir d'intérêts de nature à compromettre leur indépendance. Sur cette base, la HAS a adopté des règles en matière de déclaration des conflits d'intérêts. Tous les agents et les experts de la HAS doivent remplir une déclaration de conflit d'intérêts qui est actualisée en cas de besoin et rendue publique, sauf pour les agents.
Il a indiqué que M. Raoul Briet, membre du collège et magistrat à la Cour des comptes, procède actuellement à un bilan des procédures de la HAS dans le but de proposer au collège des aménagements éventuels. Ce travail devrait être achevé au mois de juin 2006 et le prochain rapport d'activité en rendra compte.
Il a souligné que la question de l'indépendance de l'expertise se pose au sein de la HAS, à la fois de manière transversale et spécifique à ces différents secteurs d'activité, entre, par exemple, la certification des établissements de santé et l'évaluation des produits, domaine où la question se pose avec le plus d'acuité. Il a enfin estimé que les conflits d'intérêts « négatifs », lorsqu'un expert travaille pour un laboratoire concurrent de celui qui présente le produit, doivent également être pris en compte.
M. Gilbert Barbier, président, s'est interrogé sur la possibilité de mieux valoriser les travaux d'expertise menés par des praticiens hospitaliers.
M. Laurent Degos a indiqué que l'Afssaps et la HAS utilisent le même barème d'indemnisation pour les experts, y compris pour le temps travaillé à domicile. Il a convenu que l'expertise doit mieux être reconnue au niveau universitaire et hospitalier : par exemple, une expertise pourrait être équivalente à une publication pour le passage des concours.
Mme Marie-Thérèse Hermange, rapporteur, a interrogé les représentants de la HAS sur les actions développées dans le domaine de la pharmacovigilance. Elle a demandé si la désignation d'un référent en pharmacovigilance est prise en compte dans le processus d'accréditation des établissements de santé. Elle a également souhaité connaître le nombre de médicaments actuellement couverts par un référentiel de bon usage.
M. Laurent Degos a rappelé que la pharmacovigilance dépend des régions et non pas de chaque hôpital. Elle est organisée par l'Afssaps et non par la HAS. Il a indiqué que cette dernière vérifiera toutefois, lors de la deuxième visite d'accréditation, le niveau d'organisation de la pharmacovigilance au sein de chaque hôpital. Lors de la première visite, il est apparu que 18 % des établissements de santé doivent améliorer leurs procédures en la matière.
M. Etienne Caniard a indiqué que tous les médicaments disposent d'un référentiel de bon usage, qui correspond à l'avis de transparence, mais que seule une minorité d'entre eux a fait l'objet d'une fiche produit diffusée aux professionnels de santé.
M. François Autain s'est étonné de la multiplication des instances chargées de communiquer et du peu d'informations disponibles in fine, comme le déplore la Cour des comptes dans son dernier rapport public. Il a estimé qu'un annuaire commun doit être créé pour informer les professionnels de santé et les patients sur les médicaments, les pratiques médicales et les stratégies thérapeutiques. Il a souhaité que la coordination entre les différentes instances soit améliorée.
M. Laurent Degos a reconnu que cette multiplicité d'instances nécessite que les rôles de chacun soient plus clairs entre ce qui relève de la sécurité sanitaire, confiée aux agences, des pratiques médicales et des stratégies thérapeutiques, dont sont chargées la HAS et l'Agence de la biomédecine (ABM).
M. Etienne Caniard a estimé que les médecins et les patients doivent pouvoir plus facilement accéder à l'information et en connaître la source mais que l'instauration d'une information officielle unique n'est pas souhaitable.
M. Gilbert Barbier, président, a demandé quelle est l'intervention de la HAS en matière de recommandation sur les dispositifs médicaux.
M. Laurent Degos a rappelé que la HAS intervient sur les dispositifs médicaux à la demande du ministre de la santé, des sociétés savantes ou de l'assurance maladie. Cette dernière n'a toutefois pas encore émis de demande de recommandation à l'heure actuelle.
Il a précisé que la HAS intervient à l'hôpital à travers l'EPP et la visite médicale qui feront l'objet d'un contrôle particulier à l'occasion de la deuxième visite d'accréditation.
Mme Marie-Thérèse Hermange, rapporteur, a regretté que la HAS n'intervienne pas directement en matière de prescription hospitalière.
M. François Autain a estimé que la distinction stricte faite par M. Laurent Degos entre la sécurité sanitaire et l'évaluation n'est pas pertinente car l'évaluation a pour but d'améliorer la sécurité sanitaire. Citant la dernière recommandation de l'Afssaps sur les traitements hormonaux de substitution, il a estimé que la frontière entre les deux notions n'est pas évidente. Il a considéré, par ailleurs, qu'une visite médicale publique doit être instaurée.
Rappelant que, chaque année, 75 % des nouveaux médicaments mis sur le marché n'apportent aucune amélioration médicale, il a demandé quels sont les motifs de santé publique qui conduisent la commission de la transparence à proposer leur remboursement par la sécurité sociale.
M. Laurent Degos a indiqué que l'absence d'ASMR ne signifie pas qu'il n'y ait pas de SMR, comme c'est le cas des génériques. La mise sur le marché de médicaments sans ASMR contribue à diminuer le prix de l'ensemble de la classe de médicaments. Il a rappelé que la décision de rembourser ou non un médicament incombe au seul ministre de la santé. Il a estimé qu'il ne faut pas créer de rente de situation pour le premier médicament arrivé sur le marché en refusant ensuite tous ceux dont l'utilisation ne fait pas apparaître d'ASMR. Il a regretté que la politique des prix ne suive pas toujours la même direction que la commission de la transparence en matière d'ASMR et de SMR, dans la mesure où les relations entre le Gouvernement et l'industrie pharmaceutique entrent en jeu dans la fixation du prix.
Il a souhaité que les rôles respectifs de l'Afssaps et de la HAS soient clarifiés pour ce qui concerne la diffusion des recommandations et a estimé, à cet égard, que l'étude de l'Afssaps sur les traitements hormonaux de substitution aurait dû être menée par la HAS.
M. François Autain a reconnu que certaines missions sont communes entre la commission d'AMM et la commission de la transparence en matière d'évaluation du rapport bénéfice-risque. Il a proposé que ces deux instances soient regroupées et qu'une structure chargée de la fixation du prix et du taux de remboursement, indépendante du Gouvernement, soit créée.
M. Laurent Degos a rappelé que l'Agence européenne du médicament (EMEA) décide désormais de l'essentiel des AMM. Par ailleurs, le prix du médicament est souvent fixé au niveau mondial. Seul le remboursement demeure donc du ressort de la France. Il a estimé que, pour cette raison, la commission de la transparence ne doit pas être confondue avec la commission d'AMM.
M. François Autain a considéré que, à terme, il ne restera à l'Afssaps qu'une mission de pharmacovigilance et d'étude post-AMM.
M. Gilbert Barbier, président, s'est interrogé sur les raisons de la surconsommation actuelle de médicaments en France.
M. Laurent Degos a estimé que tous les outils possibles doivent être utilisés pour changer les comportements en la matière, et ce dès l'enseignement prodigué en faculté de médecine.
M. François Autain a demandé quels sont les rapports de la HAS avec la société Vidal. Il a rappelé que tous les médicaments qui ont reçu une AMM ne figurent pour autant pas automatiquement dans le Vidal puisque cette inscription est payante et dépend des laboratoires. Il a demandé pourquoi un tel recueil n'existe pas pour les dispositifs médicaux.
M. Laurent Degos a indiqué qu'un recueil des dispositifs médicaux est en cours d'élaboration et sera disponible sur internet.
M. Etienne Caniard a rappelé qu'il existe quatre bases d'information qui transposent les recommandations officielles sur les médicaments : la base Vidal, la base Claude Bernard, la base Thérapie et celle de l'Afssaps en cours de constitution. Elles sont utilisées pour l'élaboration des logiciels de prescription. Il a indiqué qu'une étude est en cours pour évaluer l'intérêt de créer une base publique.
Rappelant que la loi prévoit que les caisses d'assurance maladie et l'Institut des données de santé transmettent des informations à la HAS, M. François Autain a demandé si cet institut a bien été créé.
M. Etienne Caniard a précisé qu'il n'est pas encore mis en place mais que, à terme, il complètera utilement les données fournies par la Cnam, notamment pour ce qui concerne les dépenses dentaires, d'optique et d'audition.
Mme Anne-Marie Payet, rapporteur, a demandé si les travaux du collège de la HAS et des différentes commissions qui la composent font l'objet d'une publicité et quelles sont les règles applicables à la transparence des travaux de la HAS.
M. Laurent Degos a indiqué que la HAS est soumise aux règles classiques de transparence des documents administratifs telles qu'elles sont interprétées par la commission d'accès aux documents administratifs (Cada). Les avis qu'elle rend sont donc publics, en particulier ceux de la commission de la transparence qui sont disponibles sur internet. En ce qui concerne la publication des comptes rendus, il a précisé qu'elle n'est pas prévue par la réglementation compte tenu de la vocation consultative et non décisionnelle de la HAS, ce qui n'est pas le cas de l'Afssaps en matière d'AMM.