Travaux de la commission des affaires économiques
- Mercredi 3 mars 2004
- Confiance dans l'économie numérique - Examen du rapport en deuxième lecture
- Organisme extraparlementaire - Conseil d'administration d'UBIFRANCE - Désignation d'un candidat
- Groupe de réflexion sur la recherche - Communication
- Application des lois - Prévention des risques technologiques et naturels - Communication
- Confiance dans l'économie numérique - Examen du rapport en deuxième lecture
Mercredi 3 mars 2004
- Présidence de M. Gérard Larcher, président. -
Confiance dans l'économie numérique - Examen du rapport en deuxième lecture
Tout d'abord, la commission a examiné le rapport en deuxième lecture de MM. Pierre Hérisson et Bruno Sido sur le projet de loi n° 144 (2003-2004)pour la confiance dans l'économie numérique.
Après que M. Gérard Larcher, président, eut excusé M. Pierre Hérisson, rapporteur, retenu dans son département, M. Bruno Sido, rapporteur, a fait valoir en préambule le caractère fructueux du processus de navette parlementaire, qui avait permis de trancher définitivement certains points, d'en amender d'autres et de soulever de nouveaux sujets. Il a souhaité insister sur quelques grands sujets restant en discussion :
- les questions d'architecture globale du dispositif, notamment en lien avec la loi de 1986 sur la communication (article 1er) ;
- la question de la responsabilité des hébergeurs et des fournisseurs d'accès à Internet (article 2 bis) ;
- la définition du commerce électronique et la responsabilité des commerçants en ligne (articles 6 et 6 bis) ;
- la question des courriers électroniques non sollicités (spam), dont il a estimé qu'on ne cessait d'en vivre l'actualité (article 12) ;
- le débat sur le degré d'intervention des collectivités territoriales en matière de télécommunications (article 37 bis A). Sur ce point, la commission a décidé, sur proposition de son rapporteur, de réserver son examen définitif afin d'exploiter le délai d'un mois qui séparait la présente réunion de l'examen du texte en séance publique, les 6 et 7 avril. M. Bruno Sido, rapporteur, a fait valoir que l'analyse des uns et des autres s'enrichissait encore sur cette question de semaine en semaine ;
- enfin, il a indiqué que l'Assemblée nationale avait inséré dans le texte de nouveaux sujets tels la tarification à la seconde (article 37 ter), l'enfouissement des réseaux (article 37 bis B) ou l'accès aux données publiques numérisées (article 1er bis A). Il a indiqué qu'il proposerait des amendements sur ces différents points.
La commission a ensuite abordé l'examen des amendements proposés par les rapporteurs.
Elle a adopté un amendement de suppression de l'article 1er C (Architecture juridique du droit de la communication).
A l'article 1er (Définition du champ audiovisuel et compétences du CSA), la commission a adopté l'amendement présenté par les rapporteurs, après que M. Pierre-Yvon Trémel a déploré les difficultés créées par les transformations importantes du présent texte et par les redondances entre ce dernier et le projet de loi « communications électroniques ». M. Bruno Sido, rapporteur, a exposé le principe central de cette nouvelle architecture du droit des médias constituée d'un linteau commun, à savoir la « communication au public par voie électronique », et de deux piliers supportant ce linteau : la communication audiovisuelle d'une part et la communication au public en ligne d'autre part. M. Gérard Larcher, président, a convenu de la difficulté qu'il y avait à saisir d'emblée l'articulation entre les nouvelles définitions ainsi créées et a garanti à ses collègues qu'un glossaire des termes principaux leur serait prochainement adressé afin de décoder la terminologie européenne et d'éclairer les débats sur le présent texte et sur celui qui transposera le « paquet télécoms ». Le groupe socialiste a réservé son vote sur cet amendement restructurant le droit des médias afin de se donner le temps de l'examiner de plus près.
Après l'article 1er (Mise en cohérence du droit des médias), la commission a adopté l'amendement proposé par les rapporteurs pour créer un article additionnel permettant d'appliquer à Internet comme aux services de communication audiovisuelle certaines dispositions transversales.
Elle a adopté un amendement de suppression de l'article 1er bis A (Accès aux données publiques numérisées), M. Bruno Sido, rapporteur, estimant que le dispositif proposé soulevait des difficultés de fond et de forme, en particulier dans son imprécision quant au régime applicable aux collectivités territoriales. M. Pierre-Yvon Trémel a indiqué que le groupe socialiste votait contre cet amendement de suppression, le groupe communiste républicain et citoyen ne prenant pas part au vote à ce stade.
A l'article 2 bis (Régime de responsabilité des prestataires techniques), la commission a adopté, après une intervention de M. Daniel Raoul, un amendement rectifiant la définition de l'hébergeur dans un sens plus conforme à la directive. Après l'intervention de M. Pierre-Yvon Trémel, elle a également adopté un amendement visant à transposer le point 2 de l'article 14 de la directive 2000/31/CE relative au commerce électronique. Elle a également adopté un amendement relatif à l'infraction de dénonciation abusive des contenus illicites d'Internet. Elle a ensuite adopté un amendement instaurant une procédure de notification des faits illicites créant une présomption d'acquisition, par l'hébergeur, de la connaissance de ces faits. S'agissant de l'amendement tendant à supprimer le deuxième alinéa du 7 de cet article, lequel impose une obligation générale de surveillance par les hébergeurs des contenus stockés, M. Bruno Sido, rapporteur, a précisé l'interprétation par la Commission européenne des exceptions que la directive admet à l'égard de l'article 15 de la directive interdisant une telle obligation de surveillance. M. Gérard Larcher, président, a rappelé que la question du contrôle des contenus électroniques était un débat rémanent pour la commission depuis qu'elle avait eu à se pencher sur les préoccupations soulevées par les services du Minitel rose. Il a déclaré que les intentions de l'Assemblée nationale étaient bien comprises et partagées par le Sénat mais que le dispositif adopté par les députés se heurtait à de très grandes difficultés techniques et représenterait une charge disproportionnée pour les prestataires techniques, certains évaluant à des dizaines de milliers le nombre de juristes informaticiens qu'ils auraient à recruter. En outre, il a souligné qu'un tel dispositif ne pouvait viser que l'hexagone alors qu'Internet ne connaissait pas de frontières. Toutefois, il a jugé qu'il était absolument nécessaire de défendre la dimension éthique des communications sur Internet et qu'à cette fin les avancées en matière de logiciel, de contrôle parental et de filtrage méritaient d'être prises en compte même si les nombreux contournements possibles laissaient augurer d'une course sans fin. Il en a conclu que la formule proposée par les députés ne permettait pas de répondre à l'objectif partagé par les deux chambres et qu'il convenait donc de travailler à l'élaboration d'une solution constructive en vue de la commission mixte paritaire.
M. Pierre-Yvon Trémel a fait état des fortes pressions dont les sénateurs avaient fait l'objet sur ce point. Il s'est enquis de savoir si les rapporteurs avaient été informés par le Gouvernement de ses intentions et des éventuelles propositions qu'il envisageait de soumettre au Sénat. M. Bruno Sido, rapporteur, lui a répondu par la négative.
M. Jean-François Le Grand a abondé dans le sens de M. Pierre-Yvon Trémel. Il s'est interrogé sur l'opportunité qu'il y avait à attendre la commission mixte paritaire pour résoudre cette question, dans la mesure où les sénateurs avaient été assaillis par diverses demandes.
M. Bruno Sido, rapporteur, a déclaré qu'à ses yeux nous vivions dans une « civilisation du choix ». De ce fait, il a considéré qu'il aurait été facile de contrôler les contenus sur Internet s'ils passaient par un goulet d'étranglement mais il a jugé que la « Toile » d'étendue mondiale ne le permettait pas.
M. Daniel Raoul a confirmé les grandes difficultés techniques que rencontrerait une obligation générale de surveillance. Constatant les lenteurs de l'autorité judiciaire, il a souhaité connaître par quels moyens pourrait être retiré un contenu signalé comme illicite. En réponse, M. Bruno Sido, rapporteur, lui a fait valoir qu'une procédure de notification était instaurée par l'un des amendements que la commission venait d'adopter.
M. Daniel Reiner s'est inquiété des excès possibles du recours à cette procédure de notification et des dangers que de tels excès pouvaient représenter pour la liberté d'expression sur Internet. En réponse, M. Bruno Sido, rapporteur, a attiré son attention sur le point 4 du I de cet article, lequel prévoit des sanctions pour dénonciation abusive.
M. Christian Gaudin a estimé nécessaire d'élaborer, dès la deuxième lecture, une proposition concernant la surveillance des contenus en ligne.
M. Bruno Sido, rapporteur, a rappelé qu'il jugeait, en tout état de cause, que la proposition des députés n'était pas acceptable en l'état.
M. Philippe Leroy a suggéré qu'une piste pourrait être d'obliger les hébergeurs à proposer des logiciels de filtrage. M. Bruno Sido, rapporteur, a souligné que le point 1 du I de cet article le prévoyait déjà.
M. Gérard Larcher, président, a estimé que les incantations législatives, rapportées à un réseau mondialisé, ne résoudraient pas le problème. Il a notamment indiqué que la très grande facilité de relocalisation des contenus identifiés comme illicites rendait inefficace le contrôle en amont par les hébergeurs, dans la seconde qui suivrait le blocage de la diffusion par un hébergeur de ces contenus.
M. Jean-François Le Grand a convenu qu'il ne serait pas opportun de se réfugier derrière une barrière technique s'apparentant à une ligne Maginot, mais que le travail des sénateurs devait plutôt porter sur les contours du régime de responsabilité des hébergeurs.
M. Jean Pépin a souligné l'intérêt du débat même s'il a jugé qu'il dépassait largement les seuls sénateurs. Estimant impossible d'instaurer une responsabilité entière pour tous les intermédiaires techniques, il a demandé la mise en place d'un groupe de travail afin d'approfondir la question.
M. Gérard Larcher, président, a jugé que le délai d'un mois qui séparait cette réunion de commission du passage du texte en séance publique permettait de rassembler toutes suggestions et initiatives autour du rapporteur. Il a également informé ses collègues qu'il venait de lancer des consultations afin d'éclairer la décision du Sénat à la lumière des mesures prises à l'étranger en ce domaine. Il a insisté sur l'importance qu'il y avait à préserver l'enfance et l'adolescence et à prévenir la diffusion de n'importe quel contenu, mais il a jugé que le Sénat ne pouvait se satisfaire de voter quelque chose d'inefficace, même si cela pouvait apparaître confortable sur un plan rhétorique.
M. Bruno Sido, rapporteur, a confirmé l'intérêt que présentaient les exemples étrangers et précisé que, d'ores et déjà, certains Etats membres de l'Union européenne corrigeaient déjà leur transposition sur le point débattu.
A l'issue de ce large échange, la commission a adopté un amendement proposant une nouvelle rédaction du point 8 du I de l'article 2 bis autorisant le juge à prendre toute mesure propre à prévenir comme à faire cesser un dommage occasionné par le contenu d'un service en ligne, une telle disposition étant de nature à participer à un dispositif équilibré d'intervention en amont à l'égard des contenus illicites.
Enfin, la commission a adopté un amendement rédactionnel relatif aux données d'identification personnelle des éditeurs en ligne.
A l'article 2 ter (Statut des journalistes en ligne), la commission a adopté l'amendement de suppression qui opère une coordination, cet article étant repris dans l'article additionnel inséré après l'article 1er.
A l'article 2 quater (Mention légale condamnant le piratage culturel en ligne), elle a adopté un amendement rédactionnel.
A l'article 6 (Définition du commerce électronique), elle a adopté un amendement complétant la définition fournie par cet article dans un sens plus conforme à la directive et aux observations de la Commission européenne.
A l'article 6 bis (Responsabilité des commerçants en ligne), elle a adopté un amendement de cohérence avec le précédent, pour tenir compte de la modification de la définition portée par l'article 6.
A l'article 9 (Eléments d'information obligatoires permettant l'identification du prestataire), elle a adopté un amendement supprimant le 7° de cet article, M. Bruno Sido, rapporteur, estimant que cet alinéa ajouté par l'Assemblée nationale n'apportait pas d'information claire et utile au consommateur, alors que c'était l'objet de cet article.
A l'article 12 (Lutte contre les courriers électroniques non sollicités), elle a adopté quatre amendements. Le premier d'entre eux, au premier alinéa du texte proposé pour l'article L. 33-4-1 du code des postes et télécommunications, précise que les infractions à cet article seront sanctionnées par une contravention pour chaque message non sollicité envoyé, et non pas une contravention pour chaque envoi groupé de messages, afin que le dispositif soit réellement dissuasif. Le deuxième amendement supprime le troisième alinéa du texte proposé pour l'article L. 33-4-1 du code des postes et télécommunications. Le troisième amendement lève une ambiguïté au paragraphe IV de cet article, de façon à bien exprimer le fait que les entreprises peuvent naturellement continuer à envoyer des messages à leurs clients. Enfin, la commission a adopté un quatrième amendement de nature rédactionnelle.
A l'article 14 (Régime des actes et contrats passés sous forme électronique), après les interventions de MM. Jean-François Le Grand et Jean Pépin, elle s'est prononcée en faveur d'un amendement proposant une nouvelle rédaction pour le premier alinéa de l'article 1369-2 du code civil afin de supprimer toute référence au moment effectif de conclusion du contrat passé par voie électronique et de ne poser que le principe du « double clic », lequel régit spécifiquement la conclusion d'un contrat par voie électronique. M. Gérard Larcher, président, a rappelé que la détermination du moment de la conclusion du contrat relevait traditionnellement, en droit français, du juge qui tranche chaque cas d'espèce.
A l'article 16 bis (Adaptation des obligations contractuelles aux terminaux mobiles), elle a adopté un amendement rédactionnel.
A l'article 34 (Création d'une incrimination en matière de droit de l'informatique), elle a adopté un amendement supprimant le deuxième alinéa prévu pour l'article 323-3-1 du code pénal, M. Bruno Sido, rapporteur, considérant que l'alinéa visé était au mieux redondant, au pire porteur de confusion juridique, dans la mesure où il affirmait un élément déjà porté par les dispositions générales de l'article 121-3 du même code pénal.
A l'article 37 bis B (Enfouissement des réseaux de télécommunications), elle a adopté un amendement de précision visant à écarter les ouvrages aériens radioélectriques des obligations d'enfouissement ainsi qu'un amendement rédactionnel portant sur la dernière phrase du texte proposé par cet article pour l'article L. 2224-35 du code général des collectivités territoriales.
Le rapporteur a, en outre, présenté un dernier amendement au dispositif obligeant l'opérateur à prendre intégralement en charge le coût de l'enfouissement de sa ligne téléphonique supportée par un poteau de ligne électrique, en cas d'enfouissement de cette dernière. Après avoir évoqué le poids financier considérable d'une telle obligation pour l'opérateur historique, poids qui réduirait d'autant sa capacité d'investissement dans la couverture haut débit, il a souligné qu'une telle prise en charge totale du coût d'enfouissement pouvait s'analyser comme une distorsion de concurrence entre les opérateurs de télécommunications et EDF, qui pourrait devenir l'un d'entre eux en raison du développement des courants porteurs en ligne (CPL). Il a donc proposé une modification visant à aligner le pourcentage de la participation des opérateurs de télécommunications aux travaux d'enfouissement sur celui actuellement en vigueur pour EDF.
M. Jean Pépin a déploré que, lors de l'engagement de tels travaux d'enfouissement, France Télécom ait pu revendiquer la propriété des travaux de génie civil. Il a jugé qu'une telle propriété ne pourrait revenir qu'à la collectivité locale qui avait effectué ces travaux et qu'il appartenait ensuite à l'opérateur de télécommunications de tirer les fils. Il a considéré que l'attitude de France Télécom était suspecte à partir du fait que cette entreprise n'était plus le seul opérateur de télécommunications en France.
M. Jacques Moulinier a souhaité savoir quelles seraient les collectivités concernées par le dispositif.
M. Bruno Sido, rapporteur, a répondu qu'elles étaient toutes appelées à le devenir et qu'il leur faudrait passer convention avec France Télécom, comme elles le font avec EDF chaque année, pour déterminer l'enveloppe annuelle de travaux d'enfouissement dont 40 % seraient pris en charge par France Télécom.
M. Jean-François Le Grand est revenu sur les propos de M. Jean Pépin pour les relayer, s'interrogeant sur la réponse à opposer aux prétentions de France Télécom.
M. Gérard Larcher, président, a jugé qu'une réflexion supplémentaire sur cette question était nécessaire.
M. Jean-François Le Grand a suggéré d'imaginer pour France Télécom une articulation identique à celle qu'EDF a retenue entre ses lignes à haute tension confiées au Réseau de Transport d'Électricité (RTE) et ses lignes à moyenne et basse tension dont la propriété revient aux collectivités territoriales. A ce sujet, il a évoqué la réaction qu'avait eue M. Thierry Breton, lors de son audition devant la commission, à une telle suggestion qu'il avait alors qualifiée de farfelue.
Recentrant le débat sur le dispositif proposé, M. Bruno Sido, rapporteur, a insisté sur l'importance de ne pas créer de distorsions de concurrence entre EDF et France Télécom.
M. Daniel Raoul est revenu sur la propriété des infrastructures, déplorant que France Télécom se soit approprié des infrastructures que les collectivités territoriales avaient payées et qu'elle fasse payer à d'autres opérateurs l'accès à ces infrastructures.
M. Jean Pépin a confirmé l'obscurité juridique dans laquelle se trouvaient les collectivités territoriales face à France Télécom.
M. François Gerbaud a fait observer qu'il serait nécessaire de définir la notion de propriété, et d'obliger tout occupant à payer l'occupation.
M. Bruno Sido, rapporteur, a rappelé que France Télécom payait une redevance pour l'occupation du domaine public, ce à quoi M. Jean Pépin a répondu que, malheureusement, pour les collectivités locales le retour sur investissement permis par cette redevance était, selon ses calculs, de l'ordre de 300 ans.
M. Gérard Larcher, président, a proposé à ses collègues d'essayer d'approfondir ce sujet d'ici avril afin de permettre aux rapporteurs de compléter leurs propositions, et l'amendement présenté a en conséquence été retiré.
A l'article 37 bis C (Couverture intégrale du territoire par les réseaux de télécommunications d'ici 2015), elle a adopté un amendement prévoyant la suppression de l'article, que les rapporteurs avaient proposé en raison de sa portée normative incertaine et de son efficacité douteuse.
M. Philippe Leroy s'est inquiété d'une suppression de l'article prévoyant le régime d'intervention des collectivités territoriales en matière de télécommunications.
M. Bruno Sido, rapporteur, l'a rassuré sur ce point, rappelant qu'il avait annoncé que les réflexions en cours sur l'article 37 bis A avaient conduit les rapporteurs à ne pas présenter aujourd'hui d'amendement sur cet article. Revenant au dispositif proposé par l'article 37 bis C, il a jugé que la date de 2015 était trop tardive et que les opérateurs de télécommunications pourraient justifier leur passivité grâce à une telle échéance.
M. Philippe Leroy a souligné le caractère très technique du débat et, sans contester la décision des rapporteurs de réserver l'examen de l'article 37 bis A à la réunion de commission qui se tiendra le jour de la séance publique, a exprimé le souhait d'évoquer d'ores et déjà les pistes d'évolutions possibles sur ce dossier.
M. Daniel Raoul a jugé qu'un préalable nécessaire au débat était la clarification des termes utilisés. Notamment il s'est interrogé sur la signification de l'expression « opérateur d'opérateurs » et sur les obligations qu'un tel statut entraînerait pour les collectivités territoriales -demandes de licences...-.
M. Jean Pépin a fait un parallèle entre l'électrification des territoires ruraux, laquelle a été financée localement puisque sa rentabilité était impossible pour EDF, et l'extension de la couverture du territoire en haut débit, relevant toutefois que la différence tenait à ce qu'il existait aujourd'hui plusieurs opérateurs de télécommunications.
M. Jean-François Le Grand a exprimé le souhait que les collectivités territoriales puissent intervenir pour corriger leur « fatalité » territoriale, la quantité du débit et le prix proposé étant des éléments importants de différenciation territoriale. Il a précisé qu'il ne s'agissait pas pour les collectivités territoriales de se substituer au marché ni de créer des distorsions de concurrence mais d'amener les infrastructures à un niveau où la concurrence pouvait s'exercer. Il a considéré que l'affichage de la date de 2015 pouvait avoir un effet d'entraînement pour les collectivités territoriales mais qu'il n'était pas nécessaire d'attendre jusque-là.
M. Bruno Sido, rapporteur, a estimé que fixer une telle date n'était pas forcément pertinent et que personne n'avait défini jusqu'ici la notion de haut débit.
M. Philippe Leroy a insisté sur l'importance qu'il y avait à éviter de brider les collectivités territoriales et à leur ouvrir des possibilités légales. S'agissant de la définition du haut débit, il a estimé qu'elle ne recouvrait pas, en tout cas, la technologie Asymetric Digital Suscriber Line (ADSL).
M. Daniel Raoul a jugé que l'article 37 bis C n'apportait rien et que sa suppression était bienvenue.
M. Gérard Larcher, président, a confirmé que la portée normative de cet article était nulle et que son efficacité technique en matière de couverture totale du territoire ne serait rendue certaine qu'en cas de recours généralisé au satellite.
M. Henri Revol a insisté sur l'importance qu'il y avait à ne pas figer dans les textes des éléments en évolution permanente. A titre illustratif, il a évoqué une récente réunion du Conseil scientifique de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST) qui laissait prévoir l'invasion de matériel fournissant un débit de 50 mégabits et qui avait annoncé une compression des données de plus en plus forte.
M. Jean Pépin a rappelé que l'objectif était la desserte de toutes les communes en haut débit et qu'une telle desserte ne devait pas être organisée par des infrastructures a minima.
M. Jean-François Le Grand a préconisé une législation par pallier, ce à quoi M. Gérard Larcher, président, a également souscrit, appelant de ses voeux un encadrement juridique glissant afin de rester valable malgré la vitesse croissante des évolutions technologiques.
M. Christian Gaudin a souhaité faire part de sa totale approbation des propos tenus par ses collègues Jean-François Le Grand et Philippe Leroy.
A l'article 37 ter (Tarification à la seconde des communications téléphoniques), la commission a adopté un amendement modifiant la rédaction de l'Assemblée nationale au profit de la rédaction plus récente que cette même Assemblée avait formulée à l'occasion de la première lecture du projet de loi relatif aux communications électroniques, M. Bruno Sido, rapporteur, indiquant que cette disposition avait naturellement toute sa place dans le projet de loi pour la confiance dans l'économie numérique.
A l'article 37 quater (Desserrement du contrôle des tarifs du service universel), elle a adopté un amendement de suppression, ces dispositions anticipant sur le « paquet télécoms » dont l'examen par le Sénat interviendrait la semaine suivant la deuxième lecture du texte aujourd'hui examiné.
A l'article 37 quinquies (Extension du vote électronique aux élections professionnelles), elle a adopté un amendement visant à assurer la confidentialité et le contrôle des opérations électorales.
A l'article 37 sexies (Desserrement du contrôle des tarifs d'un opérateur exerçant une influence significative sur un marché de détail du secteur des communications électroniques), elle a adopté un amendement de suppression, ces importantes dispositions devant également être débattues à l'occasion du projet de loi « communications électroniques » transposant le « paquet télécoms ».
Elle a également adopté un amendement de suppression de l'article 37 septies (Tarification des appels téléphoniques vers les numéros spéciaux), M. Bruno Sido, rapporteur, l'ayant convaincue que cet article devait plutôt être traité dans le projet de loi relatif aux communications électroniques.
Organisme extraparlementaire - Conseil d'administration d'UBIFRANCE - Désignation d'un candidat
Puis M. Gérard Larcher, président, a proposé à la commission de présenter à la désignation du Sénat M. André Ferrand comme sénateur appelé à siéger au sein du Conseil d'administration d'UBIFRANCE, Agence française pour le développement international des entreprises, ce nouvel organisme extraparlementaire se substituant au Conseil d'administration du centre français du commerce extérieur, dont M. André Ferrand était membre.
Groupe de réflexion sur la recherche - Communication
La commission a ensuite entendu une communication de M. Gérard Larcher, président, sur l'état d'avancement de la constitution du groupe de réflexion sur l'avenir de la recherche.
M. Gérard Larcher, président, a annoncé que le groupe de réflexion sur l'avenir de la recherche, dont la commission avait retenu le principe le 9 février dernier et dont la caractéristique était d'être commun à la commission et à celles des affaires culturelles et des finances, avait été constitué et qu'il mènerait ses travaux sous l'autorité des trois rapporteurs budgétaires chargés du secteur de la recherche, MM. Henri Revol, Pierre Laffitte et René Trégouët. Il a précisé qu'il avait adressé une lettre, à chaque membre de la commission, pour leur transmettre le document de synthèse rassemblant les réflexions préliminaires du Gouvernement sur ce thème, et un formulaire leur proposant de s'inscrire à ce groupe.
Il a ainsi demandé aux commissaires de bien vouloir retourner ce formulaire au plus vite afin qu'ils puissent sans délai être destinataires des convocations aux auditions du groupe.
Application des lois - Prévention des risques technologiques et naturels - Communication
Enfin, la commission a entendu une communication de M. Yves Détraigne sur l'application de la loi n° 2003-699 du 30 juillet 2003 relative à la prévention des risques technologiques et naturels et à la réparation des dommages.
M. Gérard Larcher, président, a tout d'abord indiqué que M. Yves Détraigne, en sa qualité de rapporteur de ce projet de loi, était le premier membre de la commission à se prêter à l'exercice, décidé par le bureau de la commission, consistant à faire un bilan régulier de l'application des lois suivies par la commission. Il a souligné que la commission était très vigilante à l'égard de la rapidité de parution des décrets d'application et il a précisé qu'il avait publié un article rassemblant les observations de la commission sur l'application des lois dans une revue juridique.
M. Yves Détraigne a souligné, en introduction, qu'aucun des textes réglementaires d'application de la loi n'avait encore été publié, mais qu'un grand nombre d'entre eux avait déjà été élaboré et pourrait paraître prochainement.
Rappelant que 16 décrets d'application étaient attendus pour la partie « risques technologiques », il a précisé qu'il s'agissait, de l'avis du ministère de l'écologie et du développement durable, de la partie de la loi pour laquelle l'élaboration des textes d'application était la plus délicate, en raison des nombreux intérêts, économiques notamment, contradictoires, en présence et du caractère novateur d'un grand nombre de dispositions.
Il a ainsi relevé que plusieurs décrets importants étaient attendus :
- le décret d'application sur les comités locaux d'information et de concertation (CLIC). Il a rappelé que ceux-ci devraient réunir les élus locaux, les représentants des salariés et des entreprises, ainsi que les riverains des installations industrielles à risques et il a précisé que ces comités auraient pour objet de favoriser la discussion entre les différentes parties concernées et d'améliorer la transparence sur les risques réellement encourus par la population. Il a enfin noté que ce décret avait été transmis au Conseil supérieur des installations classées qui lui avait donné un avis favorable et qu'il devrait paraître au cours du mois de mars ;
- le projet de décret sur les plans de prévention des risques technologiques. Il a fait valoir que ce projet pourrait être transmis au Conseil d'Etat en avril, mais que la question du financement des mesures d'urbanisme (délaissement, préemption, expropriation) restait toujours en suspens. Une mission ayant été confiée à l'Inspection générale des finances (IGF) et à l'Inspection générale de l'environnement (IGE) et devant rendre ses conclusions en juin prochain, des mesures devraient être prévues, dans la prochaine loi de finances, sur la base de ce rapport, a-t-il ajouté ;
- le décret sur le transport des matières dangereuses. Rappelant que la loi avait prévu la réalisation d'études de dangers pour les ports, gares de triage et parkings de stationnement où étaient susceptibles d'être stockés des produits dangereux, M. Yves Détraigne a noté que ce texte était plus compliqué à élaborer en raison des difficultés à définir des seuils pertinents et à identifier les endroits à risques ;
- le décret sur l'indemnisation des risques miniers. Soulignant qu'à l'initiative de M. Philippe Leroy la commission s'était penchée de manière approfondie sur ce sujet, il a précisé que le décret devrait être publié très prochainement ;
- concernant l'article 21 de la loi (anciennement article 14), après avoir rappelé que la commission avait fait part de ses plus vives réserves sur ce dispositif visant à obliger les exploitants à estimer le coût des dommages potentiels en cas d'accidents, il a indiqué qu'un groupe de travail avait été constitué pour examiner les modalités concrètes d'application de cette disposition ;
- il a rappelé qu'à la suite de l'affaire Metaleurop une disposition avait été votée pour donner au préfet le pouvoir de contrôler, pour certaines installations industrielles, l'existence de garanties financières permettant le financement de la dépollution des sites industriels en cas de cessation d'activité et que des dispositions avaient créé de nouvelles obligations pesant sur les industriels pour la remise en état des sols après la fermeture des installations. Il a ainsi précisé qu'une mission avait également été confiée à l'IGF et à l'IGE pour examiner ces sujets sensibles et que ces décrets seraient sûrement les plus difficiles à élaborer.
Concernant la partie relative à la prévention des risques naturels et après avoir indiqué que 22 textes d'application étaient attendus, M. Yves Détraigne s'est félicité du travail accompli par le ministère sur l'ensemble de ces décrets.
Il a ainsi noté que dix décrets étaient en cours de validation auprès du Premier ministre et qu'ils étaient prêts à être soumis au Conseil d'Etat, pour paraître avant l'été 2004. Il a ainsi donné des précisions sur les décrets d'application des articles de la loi suivants :
- concernant les articles 38, 39 et 62 de la loi relatifs aux plans de prévention des risques (PPR), il a précisé qu'un décret devrait prévoir notamment de faire définir les modalités de la concertation par l'arrêté préfectoral prescrivant l'établissement du PPR ;
- il a rappelé que l'article 41 avait créé dans le code de l'environnement un chapitre relatif à la prévision des crues, définissant le cadre légal de l'exercice de cette mission par l'Etat et son articulation avec les interventions des collectivités territoriales. Il a précisé que, parallèlement à ce décret, était réorganisé le service de prévision des crues avec la mise en place de 22 services de prévision des crues en remplacement des 52 actuels services d'annonce des crues ;
- notant que l'article 42 prescrivait l'établissement et l'inventaire des repères de crues, il a fait valoir que le projet de décret entendait préserver la nécessaire marge d'appréciation des collectivités territoriales concernées ;
- après avoir observé que les articles 44 et 45 avaient introduit la commission départementale des risques naturels majeurs et le schéma de prévention des risques naturels, M. Yves Détraigne a relevé que les dispositions relatives à cette commission devraient être modifiées tant au niveau législatif que réglementaire, pour intégrer les dispositions relatives au conseil départemental de sécurité civile prévues par le projet de loi de modernisation de la sécurité civile, mais qu'il n'était pas favorable à la fusion de ces deux organismes, en raison de la différence de leurs missions ;
- il a ensuite évoqué le décret d'application de l'article 48 devant renforcer les moyens de prévenir les inondations en instaurant des servitudes d'utilité publique, pour définir des zones de rétention temporaire ou des zones de mobilité des cours d'eau ;
- il a souligné que le texte d'application de l'article 49, qui instaure un dispositif de prévention de l'érosion, à travers un programme d'actions appliqué sur des zones soumises à l'érosion permettait de promouvoir des pratiques agricoles adaptées ;
- déclarant que l'article 55 élargissait le champ des possibilités d'intervention des collectivités territoriales et de leurs groupements pour effectuer certains travaux d'intérêt général, il a ajouté que le projet de décret instituait une servitude de passage et fixait les règles de délimitation du périmètre d'intervention des établissements publics territoriaux de bassin, également reconnus par la loi du 30 juillet 2003 ;
- après avoir constaté que les articles 60 et 61 traitaient des conditions d'intervention du fonds Barnier, il a indiqué que le projet de décret modifiait le décret du 17 octobre 1995 et renforçait les taux et les plafonds d'intervention du fonds, ce taux pouvant aller jusqu'à 40 %, ainsi que le rôle consultatif du conseil de gestion et précisait les conditions de procédure pour le financement des études et travaux de prévention à maîtrise d'ouvrage des collectivités territoriales ;
- M. Yves Détraigne a noté que le projet de décret d'application de l'article 64 relatif à la prévention du risque sismique intégrait la notion de règles « plus adaptées » pouvant être fixées par les PPR sismiques, au lieu de règles « plus sévères » que celles fixées au niveau national ;
- enfin, sur l'article 77 relatif à l'information des acquéreurs et des locataires de biens immobiliers sur les risques technologiques et naturels majeurs, il a attiré l'attention de la commission sur le fait que les principales difficultés de rédaction du projet de décret avaient porté sur la définition du type de documents à prendre en compte, dans le cas des PPR simplement prescrits et en l'absence de tout document réglementaire de référence. Il a rappelé, à ce sujet, que la commission, consciente de cette difficulté, s'était opposée, en vain, à l'application de cette obligation d'information dans les communes où un PPR était seulement prescrit ;
- il a relevé, enfin, que le projet de décret relatif à la création du domaine public fluvial des collectivités territoriales était en cours d'élaboration, l'ambition étant de le publier avant la fin de l'année 2004.
Au total, M. Yves Détraigne a considéré qu'avec la publication de l'ensemble de ces décrets, la partie « risques naturels » de la loi du 30 juillet 2003 serait applicable très prochainement. Il a salué la qualité de l'important travail réglementaire réalisé par le ministère de l'écologie et du développement durable et a noté en conclusion que la loi du 30 juillet 2003 devrait être complètement applicable avant la fin de l'année 2004.