Question de M. BARROS Pierre (Val-d'Oise - CRCE-K) publiée le 14/12/2023

M. Pierre Barros appelle l'attention de Mme la Première ministre sur le contexte de répression syndicale préoccupant dans notre pays.
Vendredi 8 décembre 2023, la co-secrétaire générale de l'union départementale du Val-d'Oise et membre du bureau confédéral de la confédération générale du travail (CGT) ainsi qu'un membre de la commission exécutive de l'union départementale, seront convoqués à la gendarmerie de Pontoise. Les faits qui leur sont reprochés sont vagues et non circonstanciés. Deux mois plus tôt, le secrétaire général de la fédération nationale des mines et de l'énergie était lui aussi convoqué à la gendarmerie de Montmorency.
Comme l'a rappelé la secrétaire générale de la CGT, notre pays connaît « un contexte de répression syndicale inédit depuis l'après-guerre ». Aujourd'hui, des procédures ont été ouvertes contre au moins 17 secrétaires généraux d'organisation CGT. Par ailleurs, plus de 1 000 militants CGT sont poursuivis devant des tribunaux. Une dynamique similaire est observée dans les entreprises, où les procédures en justice se multiplient en réponse à des actions syndicales.
Cette situation est particulièrement alarmante. Les procédures disciplinaires dans les entreprises ou les interpellations et les arrestations arbitraires en manifestation mettent en péril les libertés syndicales dans notre pays. La liberté syndicale est pourtant un principe constitutionnel, inscrit dans le préambule de la Constitution de 1946. Toute personne peut ainsi défendre ses droits et ses intérêts par l'action syndicale et adhérer au syndicat de son choix. Elle peut également mener des actions décidées collectivement, visant à défendre les droits et les intérêts des travailleurs, par la grève ou la manifestation.
Il rappelle qu'une proposition de loi a été déposée par le groupe communiste républicain citoyen et écologiste (CRCE-K) pour amnistier les faits commis dans le cadre de conflits du travail. Cette dernière permettrait de répondre à l'enjeu supérieur de préserver les libertés syndicales, aujourd'hui attaquées de toutes parts.
Il lui demande donc de détailler les mesures qui seront mises en oeuvre pour mettre fin à la répression syndicale et pour préserver les libertés syndicales.

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Transmise au Ministère de la justice


Réponse du Ministère de la justice publiée le 16/05/2024

La liberté syndicale est un droit fondamental, constitutionnellement protégé comme étant essentiel au fonctionnement des institutions de la République et à la garantie de l'Etat de droit. Un certain nombre de textes législatifs vient s'assurer de l'effectivité de la protection de cette liberté fondamentale et de la répression de toutes les formes de discrimination syndicale. S'agissant de la protection civile du droit de se syndiquer, la loi n° 2014-173 du 21 février 2014 est venue compléter l'article L 1132-1 du code du travail prévoyant que : « aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire (…) notamment en matière de rémunération, au sens de l'article L. 3221-3, de mesures d'intéressement ou de distribution d'actions, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison (…) de ses activités syndicales. » La procédure civile, diligentée devant le Conseil des Prud'hommes, opère à ce titre un renversement de la charge de la preuve, puisqu'il appartient dans ces situations « à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination ». La protection contre les discriminations syndicales se trouve également garantie par les dispositions du code pénal et les incriminations qu'il prévoit en vue de protéger les salariés contre les agissements susceptibles d'être commis à raison de leur appartenance syndicale. L'infraction de discrimination punit de trois ans d'emprisonnement et 45000 euros d'amende les différents comportements visés par le texte lorsqu'ils sont commis à raison de l'activité syndicale exercée par l'intéressé (art. 225-1 du code pénal). L'infraction d'entrave à l'exercice du droit syndical (L2146-1 du code du travail) est quant à elle punie d'un an d'emprisonnement et 3750 euros d'amende et celle de méconnaissance des règles relatives à la discrimination syndicale (L2146-2) de 3750 euros d'amende (7500euros en cas de récidive). Au soutien de la mise en oeuvre de cet arsenal législatif protecteur, il importe de rappeler que la lutte contre les discriminations, notamment syndicales, fait l'objet d'une politique pénale prioritaire du ministère de la Justice - telle que rappelée par la circulaire du 21 mars 2018 relative aux orientations de la politique pénale. Cette circulaire érige en effet la lutte contre toutes les formes de racisme et de discrimination, y compris dans le cadre de l'accès à l'emploi et au sein du monde du travail, en une action centrale de l'autorité judiciaire, mise au service de la consolidation de la cohésion républicaine. Cependant, si la liberté syndicale, tout comme le droit de manifester et la liberté d'expression, doivent être garantis et assurés, leur exercice ne peut donner lieu à la commission de troubles graves à l'ordre public, à des atteintes aux personnes et aux biens et à des actes d'intimidation ou des menaces, notamment contre les élus ou les forces de l'ordre. Si la parole des syndicats doit librement s'exprimer, et à l'occasion des mouvements de contestation sur des sujets de préoccupation légitimes, les actions menées en marge de ces mouvements de contestation portent atteinte à l'ordre républicain lorsqu'elles prennent la forme d'affrontement violents, et ce indépendamment de la qualité de leur auteur. De telles actions appellent dès lors un traitement judiciaire afin de préserver l'ordre public et de garantir la sécurité des personnes, ainsi que le rappelle régulièrement le garde des Sceaux, ministre de la Justice.

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