Projet de loi Souveraineté alimentaire et agricole

Direction de la Séance

N°532 rect.

4 février 2025

(1ère lecture)

(PROCÉDURE ACCÉLÉRÉE)

(n° 251 , 250 , 184, 187)


AMENDEMENT

C Sagesse du Sénat
G Sagesse du Sénat
Adopté

présenté par

MM. BUIS, SALMON, CADEC, BOUCHET, GREMILLET et FIALAIRE, Mme AESCHLIMANN, MM. CABANEL, PELLEVAT et Michaël WEBER, Mmes SAINT-PÉ et BELRHITI, MM. LAHELLEC, GAY, STANZIONE, TISSOT, GONTARD, BENARROCHE, Grégory BLANC, DANTEC, DOSSUS et FERNIQUE, Mme GUHL, M. JADOT, Mme de MARCO, M. MELLOULI, Mmes OLLIVIER, PONCET MONGE, SENÉE, SOUYRIS et Mélanie VOGEL, MM. PATRIAT et BUVAL, Mmes CAZEBONNE et DURANTON, M. FOUASSIN, Mme HAVET, MM. IACOVELLI, KULIMOETOKE, LEMOYNE et LÉVRIER, Mme NADILLE, M. PATIENT, Mme PHINERA-HORTH, M. RAMBAUD, Mme RAMIA, M. ROHFRITSCH, Mme SCHILLINGER et M. THÉOPHILE


ARTICLE ADDITIONNEL APRÈS ARTICLE 14

Après l'article 14

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – Le code rural et de la pêche maritime est ainsi modifié :

1° L’avant-dernier alinéa du II de l’article L. 1 est ainsi modifié :

a) Après le mot : « préservation », sont insérés les mots : « , de la gestion durable » ;

b) Sont ajoutés les mots : « , afin de tendre, à compter du 1er janvier 2030, par rapport au 1er janvier 2024, à une augmentation nette du linéaire de haies de 50 000 kilomètres, à un linéaire de haies en gestion durable, au sens de l’article L. 611-9, de 100 000 kilomètres, et à compter du 1er janvier 2048, à un linéaire de haies de 500 000 kilomètres, géré durablement, sur l’ensemble du territoire métropolitain et ultramarin » ;

c) Est ajoutée une phrase ainsi rédigée : « Il veille à la promotion de la valorisation économique des haies gérées durablement. » ;

2° Le premier alinéa de l’article L. 4 est complété par une phrase ainsi rédigée : « Les documents de programmation stratégique nationale prévus par le droit de l’Union européenne et élaborés en vue de la mise en œuvre de la politique agricole commune sont compatibles et contribuent à tendre aux objectifs prévus par la stratégie définie à l’article L. 126-6 du présent code. » ;

3° Le chapitre VI du titre II du livre Ier est complété par une section ainsi rédigée :

« Section ...

« Stratégie nationale pour la gestion durable et la reconquête de la haie

 « Art. L. 126-6. – I. – Une stratégie nationale pour la gestion durable et la reconquête de la haie définit les orientations à suivre pour conduire la politique de gestion et de développement durables du linéaire de haies sur le territoire.

« Cette stratégie définit une trajectoire chiffrée et un plan national d’actions afin de tendre aux objectifs mentionnés à l’avant-dernier alinéa du II de l’article L. 1.

« Le plan national d’actions définit des objectifs chiffrés en termes de plantations et des mesures en faveur du développement de la reconstitution de haies par régénération naturelle.

« Il définit également les mesures permettant d’atteindre une mobilisation, en 2030, de 500 000 tonnes de matière sèche par an issues de haies gérées durablement au sens de l’article L. 611-9, et d’atteindre en 2050, sur le total de la biomasse mobilisée issue de haies, 70 % de matière sèche issue de haies gérées durablement au sens de ce même article L. 611-9, en articulation avec la stratégie mentionnée à l’article L. 211-8 du code de l’énergie.

« Il établit un inventaire des pratiques de gestion des haies favorisant leur bon état écologique ainsi que la liste des financements publics et des mesures destinés à la recherche, à la formation et au soutien des acteurs publics et privés, en particulier des exploitations agricoles, en vue d’atteindre les objectifs mentionnés au présent I et notamment le développement de la gestion durable des haies au sens de l’article L. 611-9 du présent code.

« Le plan national d’actions est doté d’une instance de concertation et de suivi. Cette instance comprend notamment des représentants des filières et des organisations professionnelles concernées, des organismes publics intéressés, des représentants des collectivités territoriales et de leurs groupements, des associations nationales de protection de l’environnement agréées, l’ensemble des organisations syndicales représentatives, des organismes nationaux à vocation agricole et rurale au sens des articles L. 820-2 et L. 820-3, des organismes de formation et de recherche compétents et des associations nationales de défense des consommateurs agréées. Elle est présidée par les ministres chargés de l’agriculture et de l’environnement.

« Cette stratégie est actualisée au moins tous les six ans.

« II. – Un décret en Conseil d’État fixe les modalités d’application de la stratégie définie au I, ainsi que la composition de l’instance de concertation et de suivi du plan national d’actions du même I.

« III. – Le plan national d’actions mentionné au I s’appuie sur un observatoire de la haie qui permet de collecter des données quantitatives et qualitatives pour suivre et évaluer les politiques publiques déployées sur le territoire national et rend disponible gratuitement, au format numérique, une agrégation et un suivi, jusqu’à l’échelle de la commune, des données de cartographie des haies et de leur implantation, du déploiement de la gestion durable des haies, au sens de l’article L. 611-9, et de mobilisation de la biomasse issue de cette gestion durable. »;

4° Le chapitre Ier du titre Ier du livre VI est complété par un article L. 611-9 ainsi rédigé :

« Art. L. 611-9. – I. – Les gestionnaires de haies peuvent faire l’objet d’une certification garantissant la gestion durable des haies sur la totalité de l’exploitation.

« Cette certification garantit des pratiques de gestion des haies permettant leur pérennité, un niveau d’emprise au sol minimal, un niveau élevé de services écosystémiques rendus par chaque type de haie au moyen de pratiques de coupe et de mise en défens garantissant la reprise végétale de la haie, et d’itinéraires techniques assurant sa régénération, l’équilibre du prélèvement de biomasse, la protection de la biodiversité, et excluant les pratiques dégradantes.

« La certification permet d’atteindre le bon état écologique de la haie, défini par des étages de végétation ou un potentiel de végétation continus, une emprise au sol de la haie, des fonctions écosystémiques permettant la régénération de la haie, une biodiversité riche, une protection contre le ruissellement et l’érosion des sols, un stockage du carbone et une production de biomasse renouvelable.

« La certification prévoit un cahier des charges national incluant des critères et prescriptions adaptés aux différents contextes pédoclimatiques.

« II. – Les distributeurs de bois peuvent faire l’objet d’une certification garantissant que le bois distribué est issu en totalité de haies certifiées au sens du I, avec une empreinte carbone et environnementale liée au transport limitée, un nombre d’intermédiaires réduit, une juste rémunération du gestionnaire de haie et une traçabilité complète sur l’origine du bois pour le consommateur final.

« III. – Les certifications publiques ou privées de gestion durable de la haie et de distribution durable de bois issu de haies gérées durablement qui satisfont les conditions énumérées au I et au II peuvent être reconnues, pour une durée renouvelable de six ans, par arrêté conjoint des ministres chargés de l’agriculture et de l’environnement. »

II. – L’article L. 222-3-1 du code de l’environnement est ainsi modifié :

1° À la première phrase du premier alinéa, après le mot : « bois », sont insérés les mots : « , la stratégie nationale pour la gestion durable et la reconquête de la haie » ;

2° Le deuxième alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée : « En fonction de la biomasse issue de haies existant sur le territoire, ce schéma inclut, pour les chaufferies collectives dont les personnes morales publiques et privées sont chargées, des trajectoires chiffrées d’augmentation progressive d’approvisionnement en bois distribué durablement et issu de haies gérées durablement, faisant l’objet à ce titre d’une certification reconnue dans les conditions prévues au III de l’article L. 611-9 du code rural et de la pêche maritime. » ;

3° Après le mot : « biomasse », le troisième alinéa est complété par les mots : « et de l’observatoire de la haie ».

IV. – Le II est applicable lors de la prochaine révision du schéma régional biomasse dans les conditions prévues à l'avant-dernier alinéa de l’article L. 222-3-1 du code de l’environnement.

Objet

Cet amendement a pour objet d’introduire, dans le projet de loi d’orientation pour la souveraineté alimentaire et le renouvellement des générations en agriculture, la proposition de loi « en faveur de la gestion durable et de la reconquête de la haie » de Daniel SALMON, dans sa rédaction telle qu’issue des travaux du rapporteur Bernard BUIS pour la commission des affaires économiques et tenant compte des amendements sur lesquels la commission a présenté un avis favorable en séance.

Cette proposition de loi poursuit l’objectif de changer de regard sur la haie, en substituant à la logique punitive qui prévalait jusqu’ici et que l’article 14 cherche à atténuer, une logique incitative, pour qu’en somme le « bâton » pénal cède place à la « carotte financière ». Elle ne crée aucune obligation, la démarche étant complètement volontaire, mais permet de remettre pour chaque exploitant des motivations économiques palpables, là où les bénéfices écologiques, bien que réels, restent beaucoup plus diffus.

Le texte initial proposait de s’appuyer sur une certification garantie par l’État pour valoriser la gestion durable des haies (article 2), de développer les objectifs de valorisation énergétique du bois bocager (article 3) et d’apporter un soutien fiscal aux agriculteurs concernés (article 4). Son article 1er, instituant une stratégie en faveur de la reconquête de la haie, vient donner une assise législative au « Pacte en faveur de la haie » présenté fin 2023, abondé de 110 millions d’euros par an et fixant l’objectif d’un gain net de 50 000 kilomètres de haies par an d'ici 2030, offrant la continuité et la prévisibilité qui ont pu faire défaut jusqu’ici.

Un travail de compromis en commission, se traduisant par dix-sept amendements déposés à l’identique par l’auteur et le rapporteur, a conduit à recalibrer les objectifs chiffrés fixés dans la loi et à s’assurer qu’ils ne se transforment pas en obligations juridiques opposables, la volonté commune n’étant pas d’imposer la reconquête de la haie par des décisions de justice, mais plutôt d’y parvenir par des choix délibérés et partagés.

Tel est précisément l’objet de cet amendement.