Projet de loi Orientation et programmation du ministère de l'intérieur

Direction de la Séance

N°68

9 octobre 2022

(1ère lecture)

(PROCÉDURE ACCÉLÉRÉE)

(n° 20 , 19 , 9)


AMENDEMENT

C Défavorable
G Défavorable
Rejeté

présenté par

MM. BENARROCHE, BREUILLER et DANTEC, Mme de MARCO, MM. DOSSUS, FERNIQUE, GONTARD, LABBÉ et PARIGI, Mme PONCET MONGE, M. SALMON, Mme Mélanie VOGEL

et les membres du groupe Écologiste - Solidarité et Territoires


ARTICLE ADDITIONNEL APRÈS ARTICLE 15

A. – Après l’article 15

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – Le code de la sécurité intérieure est ainsi modifié : 

1° L’article L. 411-1 est ainsi rédigé : 

 « Art. L. 411-1. – Sans préjudice des attributions de l’autorité judiciaire, la police nationale relève de l’autorité du ministre de l’intérieur. » ;

2° Après l’article L. 411-1, sont insérés deux articles L. 411-1-2 et L. 411-1-3 ainsi rédigés : 

« Art. L. 411-1-2. – L’organisation administrative et territoriale des services de la police nationale qui sont en charge de missions de police judiciaire veille à permettre à l’autorité judiciaire de diriger et de contrôler la police judiciaire et assure également à ce titre la spécificité de services de la police nationale dédiés à des missions de police judiciaire, tant à l’échelon national que territorial.

« Art. L. 411-1-3. – L’organisation administrative et territoriale des services de la police nationale en charge de missions de police judiciaire est fixée par décret en Conseil d’État. Ce décret est pris après avis préalable de la Cour de cassation lequel est transmis au Conseil d’État dans le cadre de son examen du projet de décret. L’avis de la Cour de cassation est également recueilli pour tout arrêté ou texte d’application dudit décret.

« L’avis de la Cour de cassation, prévu par le présent article, est rendu par l’assemblée générale des magistrats du siège et du parquet de la Cour de cassation après étude préalable du projet de texte par le bureau de la Cour de cassation. Il est rendu public lors de la publication du texte sur lequel il a été rendu. » ;

3° Après l’article L. 421-2, sont insérés deux articles L. 421-2-1 et L. 421-2-2 ainsi rédigés : 

« Art. L. 421-2-1. – L’organisation administrative et territoriale des services de la gendarmerie nationale qui sont chargés de missions de police judiciaire veille à permettre à l’autorité judiciaire de diriger et de contrôler la police judiciaire et assure également à ce titre la spécificité de services de la gendarmerie nationale dédiés à des missions de police judiciaire, tant à 1’échelon national que territorial.

« Art. L. 421-2-2. – L’organisation administrative et territoriale des services de la gendarmerie nationale en charge de missions de police judiciaire est fixée par décret en Conseil d’État. Ce décret est pris après avis préalable de la Cour de cassation lequel est transmis au Conseil d’État dans le cadre de son examen du projet de décret. L’avis de la Cour de cassation est également recueilli pour tout arrêté ou texte d’application dudit décret. 

« L’avis de la Cour de cassation, prévu par le présent article, est rendu par 1’assemblée générale des magistrats du siège et du parquet de la Cour de cassation après étude préalable du projet de texte par le bureau de la Cour de cassation. Il est rendu public lors de la publication du texte sur lequel il a été rendu. » 

II. – Dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi et selon les modalités prévues par le dernier alinéa des articles L. 411-1-3 et L. 421-2-2 du code de la sécurité intérieure, la Cour de cassation délivre un avis, rendu public par ses soins, relativement aux textes réglementaires en vigueur, régissant l’organisation administrative et territoriale des services de la police nationale et de la gendarmerie nationale en charge de missions de police judiciaire, et qui n’auraient pas encore fait l’objet d’un tel avis. 

III. – L’article 12-1 du code de procédure pénale est ainsi rédigé :

 « Art. 12-1. – Le procureur de la République, le juge d’instruction ou les autorités judiciaires compétentes ont le libre choix des officiers de police judiciaire territorialement compétents ou des services ou des formations auxquelles appartiennent les officiers de police judiciaire territorialement compétents et qui seront chargés de 1’exécution de leurs réquisitions ou commissions rogatoires. »

B. – En conséquence, faire précéder cet article d’une division additionnelle et de son intitulé ainsi rédigés :

Chapitre …

Réaffirmer la direction et le contrôle de la police judiciaire par l’autorité judiciaire

Objet

Dans une décision récente, le Conseil constitutionnel a rappelé qu’il résulte de l’article 66 de la Constitution que la police judiciaire doit être placée sous la direction et le contrôle de l’autorité judiciaire (cf. Décision n° 2021-817 DC du 20 mai 2021).

Le rapport final du comité des États généraux de la justice souligne son attachement à ce que la police judiciaire continue d’exercer directement ses activités sous la direction des magistrats du parquet ou, le cas échéant, des juges d’instruction (cf. Rapport du comité des États généraux de la justice - point n° 3.4, page 194 dans l’édition du site vie-publique.fr).

Dans son avis du 10 mars 2022 (au paragraphe n° 34) portant sur la première version du projet de loi d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur, le Conseil d’État observe l’existence d’une « évolution qui, de proche en proche, traduit une certaine érosion des pouvoirs de direction et de contrôle des enquêtes par le parquet » et donc par l’autorité judiciaire.

Cette tendance, observée par le Conseil d’État, justifie l’insertion dans la loi de correctifs de nature à rétablir l’équilibre qui doit exister entre la direction et le contrôle de la police judiciaire par l’autorité judiciaire, d’une part, et la direction des personnels de la police nationale et de la gendarmerie nationale par leurs autorités de tutelle, d’autre part.

Le présent amendement vise tout d’abord à inscrire plus clairement l’exigence constitutionnelle, rappelée par le Conseil constitutionnel le 20 mai 2021, dans la partie législative du code de la sécurité intérieure et à lui donner un sens plus concret en fixant des principes fondamentaux pour l’organisation administrative et territoriale des services en charge de missions de police judiciaire au sein de la police nationale ou de la gendarmerie nationale, et en permettant de prendre en compte l’avis de l’autorité judiciaire sur cette organisation.

Un mécanisme de consultation pour avis serait créé pour que toute réforme à venir, concernant l’organisation des services de police ou de gendarmerie en charge de missions de police judiciaire, reçoive l’avis simple de la Cour de cassation, plus haute juridiction de l’autorité judiciaire. L’amendement contient également une précision qui permettrait une telle consultation au cas où une réforme de la police judiciaire serait publiée par voie réglementaire avant la promulgation de la loi d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur.

L’amendement harmonise les règles applicables pour la police nationale et la gendarmerie nationale.

Il pose le principe selon lequel doit demeurer assurée la spécificité des services de police nationale et de la gendarmerie nationale dédiés à des missions de police judiciaire, tant à l’échelon national que territorial.

Cet amendement vise aussi à garantir le libre choix des officiers de police judiciaire ou des services auxquels ils appartiennent, par l’autorité judiciaire compétente. En effet, cette liberté de choix est indispensable pour que l’autorité judiciaire compétente puisse décider, selon le contexte, quels seront les destinataires les plus pertinents de ses instructions ou réquisitions. L’indépendance des enquêtes judiciaires dépend de ce principe de libre choix des enquêteurs.

Cet amendement a été proposé par l'Union syndicale des Magistrats (USM)