Proposition de loi Lutte contre la manipulation de l'information
Direction de la Séance
N°1
25 octobre 2018
(Nouvelle lecture)
(PROCÉDURE ACCÉLÉRÉE)
(n° 30 , 75 , 53)
Question préalable
C | Favorable |
---|---|
G | Défavorable |
Adopté |
Motion présentée par
Mme MORIN-DESAILLY
au nom de la commission de la culture
TENDANT À OPPOSER LA QUESTION PRÉALABLE
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En application de l’article 44, alinéa 3, du Règlement, le Sénat décide qu’il n’y a pas lieu de poursuivre la délibération sur la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale en nouvelle lecture, relative à la lutte contre la manipulation de l’information (n° 30, 2018-2019).
Objet
La proposition de loi relative à la lutte contre la manipulation de l’information a été repoussée par le Sénat le 26 juillet dernier par 288 voix contre 31, soit la quasi-unanimité. La commission mixte paritaire n’a, dans ces conditions, pas pu parvenir à un accord, et l’Assemblée a examiné le texte en seconde lecture en y apportant que des modifications très marginales.
Dans ces conditions, la commission de la culture, de l’éducation et de la communication considère qu’une lecture détaillée de ce texte ne permettra pas plus aujourd’hui qu’hier de lever les sérieuses réserves soulevées, ni de tracer des perspectives ambitieuses.
La proposition de loi traite d’une question qui fait consensus : la capacité de certains, en particulier d’États étrangers, à mener des politiques de déstabilisation et de manipulation de l’opinion par le biais des plateformes en ligne.
Si le constat est partagé, les solutions apportées par la proposition de loi ne le sont pas, ce que traduit la position du Sénat, sous deux aspects : d’une part, que le remède soit pire que le mal, d’autre part, que les solutions proposées ne soient que trop partielles.
L’article premier créé une procédure de référé qui présente plusieurs limites et risques. Mal calibrée, elle n’aura qu’une efficacité très réduite compte tenu de la vitesse de propagation de fausses informations dont aucune définition satisfaisante, en dépit des efforts de l’Assemblée nationale, n’a pu être trouvée. Plus probablement, face à l’impossibilité de trancher en moins de 48 heures sur une question mettant en jeu la liberté d’expression, le juge ne prendra pas les mesures de restrictions prévues, ce qui reviendra à décerner un brevet de respectabilité à l’information douteuse. A l’opposé, si le juge décide d’appliquer plus sévèrement le référé, il prendra le risque d’interférer dans le débat public en pleine campagne électorale, période durant laquelle la liberté d’expression est par tradition
républicaine encore plus respectée. De manière générale, les manipulations d’aujourd’hui sont complexes, multiformes, élaborées comme de vraies stratégies destinées à nuire, et il faut beaucoup de naïveté pour penser qu’un juge de l’urgence sera en mesure de les apprécier dans un délai si réduit.
Les autres dispositions du texte, si elles prêtent moins le flanc à la polémique, n’en sont pas moins largement insuffisantes.
Les nouveaux pouvoirs confiés au CSA par le titre II introduisent des mesures non étudiées. La capacité de suspendre la diffusion d’une chaine étrangère fait courir le risque à nos médias de mesures de rétorsion. De telles dispositions auraient plutôt eu leur place dans le cadre plus vaste de la réforme de l’audiovisuel.
La régulation des plateformes constitue bien le sujet central. Cependant, la directive « e-commerce » de 2000 établit un régime d’irresponsabilité des hébergeurs qui prévient toute avancée sérieuse, comme le démontre la modestie des mesures prévues dans le texte. Il faut engager dès maintenant des négociations au niveau européen pour créer un nouveau statut pour les plateformes et les moteurs de recherche, comme y invite la proposition de résolution européenne sur la responsabilisation partielle des hébergeurs, déposée le 27 septembre dernier, et déjà cosignée par 88 Sénatrices et Sénateurs.
Enfin, si le Sénat porte depuis longtemps un grand intérêt à la question de la formation au numérique et aux médias, et donc aux dispositions du titre III bis, des mesures très proches ont déjà été adoptées en 2011, dans le cadre de l’examen du « troisième paquet télécom ». Malheureusement, sept ans plus tard, comme cela a été souligné dans le récent rapport sur la formation à l’heure du numérique, il manque toujours un plan d’action global et stratégique.
Dans ce contexte, la commission propose donc au Sénat d’adopter la présente motion.
NB :En application de l'article 44, alinéa 3, du Règlement, cette motion est soumise au Sénat avant la discussion des articles.