Projet de loi Programmation 2018-2022 et réforme pour la justice
Direction de la Séance
N°213
8 octobre 2018
(1ère lecture)
(PROCÉDURE ACCÉLÉRÉE)
(n° 13 , 11 )
AMENDEMENT
C | Défavorable |
---|---|
G | Favorable |
Rejeté |
présenté par
Le Gouvernement
ARTICLE 8
Consulter le texte de l'article ^
I. – Après l’alinéa 1
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
…° Le 1° de l’article 63 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« - le cas échéant, la justification de l’information de la personne chargée de la mesure de protection prévue à l’article 460 ; »
II. – Après l’alinéa 7
Insérer trente-sept alinéas ainsi rédigés :
…° L’article 174 est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, les mots « À défaut d’aucun » sont remplacés par les mots : « À défaut d’ » et le mot : « aucune » est supprimé ;
b) Le 2° est ainsi modifié :
- les mots : « l’état de démence » sont remplacés par les mots : « l’altération des facultés personnelles » ;
- les mots : « la tutelle des majeurs, et d’y faire statuer dans le délai qui sera fixé par le jugement » sont remplacés par les mots : « ou faire provoquer l’ouverture d’une mesure de protection juridique » ;
…° L’article 175 est ainsi rédigé :
« Art. 175. – Le tuteur ou le curateur peut former opposition, dans les conditions prévues à l’article 173, au mariage de la personne qu’il assiste ou représente. » ;
…° L’article 249 est ainsi rédigé :
« Art. 249. – Dans l’instance en divorce, le majeur en tutelle est représenté par son tuteur et le majeur en curatelle exerce l’action lui-même, avec l’assistance de son curateur. Toutefois, la personne protégée peut accepter seule le principe de la rupture du mariage sans considération des faits à l’origine de celle-ci. » ;
…° L’article 249-1 est abrogé ;
…° L’article 249-3 est ainsi rédigé :
« Art. 249-3. – Si une demande de mesure de protection juridique est déposée ou en cours, la demande en divorce ne peut être examinée qu’après l’intervention du jugement se prononçant sur la mise en place d’une mesure de protection. Toutefois, le juge peut prendre les mesures provisoires prévues aux articles 254 et 255. » ;
…° À l’article 249-4, les mots : « ou pour acceptation du principe de la rupture du mariage » sont supprimés ;
…° L’article 431 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque le procureur de la République est saisi par un service social ou médico-social, la demande doit en outre comporter, à peine d’irrecevabilité, une évaluation de la situation sociale et pécuniaire de la personne. Le contenu de l’évaluation et les modalités de recueil des données sont définis par voie réglementaire. » ;
…° L’article 459 est ainsi modifié :
a) La seconde phrase du deuxième alinéa est ainsi modifiée :
- après le mot : « après », sont insérés les mots : « la mise en œuvre d’un mandat de protection future, le prononcé d’une habilitation familiale ou » ;
- les mots : « le tuteur » sont remplacés par les mots : « la personne chargée de cette mesure » ;
- sont ajoutés les mots et une phrase ainsi rédigée : « , y compris pour les actes ayant pour effet de porter gravement atteinte à son intégrité corporelle. Sauf urgence, en cas de désaccord entre le majeur protégé et la personne chargée de sa protection, le juge autorise l’un ou l’autre à prendre la décision, à leur demande ou d’office. » ;
b) Le troisième alinéa est ainsi modifié :
- les mots : « à l’intégrité corporelle de la personne protégée ou » sont supprimés ;
- le mot : « sa » est remplacé par le mot : « la » ;
- sont ajoutés les mots : « de la personne protégée » ;
…° L’article 460 est ainsi rédigé :
« Art. 460. – La personne chargée de la mesure de protection est préalablement informée du projet de mariage du majeur qu’il assiste ou représente. » ;
…° L’article 462 est ainsi modifié :
a) Le premier alinéa est supprimé ;
b) La première phrase du deuxième alinéa est ainsi modifiée :
- les mots : « L’intéressé est assisté » sont remplacés par les mots : « La personne en tutelle est assistée » ;
- sont ajoutés les mots : « par laquelle elle conclut un pacte civil de solidarité » ;
…° L’article 500 est ainsi modifié :
a) Le deuxième alinéa est ainsi rédigé :
« Sous sa propre responsabilité, le tuteur peut inclure dans les frais de gestion la rémunération des administrateurs particuliers dont il demande le concours. » ;
b) Le troisième alinéa est ainsi modifié :
- la première phrase est supprimée ;
- au début de la deuxième phrase, sont insérés les mots : « Si le tuteur conclut un contrat avec un tiers pour la gestion des valeurs mobilières et instruments financiers de la personne protégée, » ;
III. – Compléter cet article par deux paragraphes ainsi rédigés :
… – Le code électoral est ainsi modifié :
1° L’article L. 5 est abrogé ;
2° Le premier alinéa de l’article L. 64 est complété par les mots : « , autre que l’une des personnes mentionnées aux 1°, 2° et 3° de l’article L. 72-1, s’agissant des majeurs en tutelle » ;
3° Après l’article L. 72, il est inséré un article L. 72-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 72-1. – Pour l’exercice de son droit de vote, le majeur en tutelle ne peut donner procuration à l’une des personnes suivantes :
« 1° Le mandataire judiciaire à sa protection ;
« 2° Les personnes physiques propriétaires, gestionnaires, administrateurs ou employés de l’établissement ou du service soumis à autorisation ou à déclaration en application du code de l’action sociale ou d’un établissement de santé mentionné à l’article L. 6111-1 du code de la santé publique ou d’un service soumis à agrément ou à déclaration mentionné au 2° de l’article L. 7231-1 du code du travail qui le prend en charge, ainsi que les bénévoles ou les volontaires qui agissent en son sein ou y exercent une responsabilité ;
« 3° Les salariés mentionnés à l’article L. 7221-1 du code du travail accomplissant des services à la personne définis au 2° de l’article L. 7231-1 du même code. » ;
4° À l’article L. 111, après les mots : « des articles », sont insérés les mots : « L. 64 et ».
… – Dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution, le Gouvernement est habilité à prendre par ordonnance, dans un délai de douze mois à compter de la publication de la présente loi, toute mesure relevant du domaine de la loi visant à modifier, dans un objectif d’harmonisation et de simplification, les dispositions fixant les conditions dans lesquelles est prise une décision portant sur la personne d’un majeur faisant l’objet d’une mesure de protection juridique et, selon les cas, intervenant en matière de santé ou concernant sa prise en charge ou son accompagnement social ou médico-social.
Un projet de loi de ratification est déposé au Parlement, au plus tard le premier jour du sixième mois suivant la publication de l’ordonnance.
Objet
La loi du 5 mars 2007 portant réforme de la protection juridique des majeurs a consacré les principes de nécessité, subsidiarité et proportionnalité, conduisant à ne prononcer une mesure de protection judiciaire qu’au regard du degré d’altération des facultés personnelles des majeurs protégés.
Toutefois, le mariage et le pacte civil de solidarité, actes engageant personnellement les majeurs protégés restent soumis à un régime d’autorisation soit de la personne en charge de la mesure, soit du juge des tutelles ou du conseil de famille, entravant l’autonomie des majeurs protégés.
Afin de permettre aux personnes protégées de prendre seules la décision de se marier, cet amendement vise à supprimer l’autorisation préalable du juge ou du conseil de famille correspondante pour exclusivement y substituer une faculté, pour la personne chargée d’une mesure de protection, de s’opposer à un tel projet lorsqu’il apparaît que la personne protégée est victime d’un abus. Ainsi, le droit d’opposition de la personne chargée de la mesure de protection, qui existe déjà mais est soumis à autorisation préalable du juge des tutelles ou du conseil de famille, est renforcé par l’instauration d’une information préalable de celle-ci, à peine d’irrecevabilité du dossier de mariage et la suppression de l’autorisation préalable. En l’absence de la preuve de l’information du protecteur, la publicité du mariage ne pourra intervenir de sorte que le mariage ne pourra pas être célébré.
S’agissant de la décision de se pacser, cet amendement prévoit de supprimer également l’autorisation préalable du juge ou du conseil de famille.
En ce qui concerne le divorce, les personnes protégées ne peuvent actuellement recourir au divorce par consentement mutuel ou au divorce pour acceptation du principe de la rupture du mariage sans considération des faits à l’origine de celle-ci. Seuls les divorces contentieux pour faute ou pour altération définitive du lien conjugal leur sont ouverts. L’accès au divorce par consentement mutuel ne peut pas être élargi car ce divorce ne comprend pas de contrôle judiciaire sauf en cas de demande d’audition d’enfant.
En revanche, il est approprié et nécessaire de permettre l’accès des personnes protégées au divorce accepté de l’article 233 du code civil afin qu’elles puissent avoir recours à une procédure en divorce plus pacifiée. L’acceptation du divorce relèverait alors de la seule décision du majeur sous mesure de protection, le reste de la procédure donnant lieu à représentation ou assistance.
Le présent amendement poursuit par ailleurs un objectif de recentrage des mesures de protection judiciaire sur les cas nécessitant réellement une intervention du juge. Il reprend une proposition du rapport de mission récent de d’Anne Caron-Déglise, avocate générale à la Cour de cassation, sur l’évolution de la protection juridique des personnes, qui relève que la saisine de l’autorité judiciaire aux fins de mise sous protection intervient le plus souvent dans un contexte de crise (désaccord familial au sujet d’un parent en perte d’autonomie, isolement et/ou refus des aides proposées, décisions de gestion patrimoniale inconsidérées ou paraissant incohérentes, suspicions de maltraitance ou maltraitance avérée). En l’absence de réelles solutions alternatives, le juge, saisi notamment par le parquet, tire les conséquences des altérations médicalement constatées et ouvre une mesure de protection. Les mandataires judiciaires à la protection des majeurs soulignent pour leur part que ce processus conduit à ce que la mesure soit très mal vécue par la personne et son entourage et à ce que les acteurs se désengagent de l’accompagnement qu’ils avaient pu mettre en place avant l’intervention judiciaire.
Aussi il est proposé de permettre au procureur de la République et au juge de définir au mieux la mesure la plus adaptée pour s’assurer du réel besoin de protection du majeur. Toute saisine du juge par le parquet dans les suites d’une alerte d’un service médical, social ou médico-social devra impérativement être accompagnée, outre le certificat médical prévu par l’article 431 du code civil, d’une évaluation sociale et financière et d’une évaluation des solutions d’accompagnement de l’intéressé au regard des solutions de soutien déjà existantes.
Par ailleurs, cet amendement vise à clarifier le rôle du juge des tutelles lorsque des décisions médicales doivent être prises en faveur de la personne protégée. En effet, dans ce domaine, l’intervention du médecin, tiers à la mesure de protection et expert en son domaine, constitue une garantie suffisante, d’autant que les médecins sont formés au recueil du consentement.
Aujourd’hui, l’intervention du juge est systématique en cas d’acte médical grave même lorsque le majeur protégé est apte à consentir et que la personne chargée de la mesure l’y autorise. Afin de mieux assurer la subsidiarité et la proportionnalité des mesures de protection juridique, il est important de clarifier le droit, pour que le juge n'intervienne plus qu'en cas de difficultés, notamment en cas d’opposition entre la volonté du patient et celle de la personne chargée de la mesure, même lorsqu’il s’agit d’un « acte médical grave » dont la notion n’a jamais pu être clairement définie, ce qui renforcera la sécurité juridique.
Cet amendement vise encore à rétablir l’allègement du contrôle a priori du juge des tutelles, pour permettre au tuteur de prendre, sous sa propre responsabilité et sans formalisme excessif, les décisions concernant l’administration et la gestion des biens du majeur ou du mineur en tutelle, ce qui correspond à la proposition n°51 du rapport d’Anne Caron-Déglise, qui préconise de « simplifier le traitement des requêtes en cours de mesure » et de supprimer nombre d’entre elles dès lors que ces opérations font l’objet d’un contrôle a posteriori.
L’autorisation du conseil de famille, figurant dans le projet initial, est supprimée, aucun critère objectif ne justifiant de distinguer les situations selon les modalités de mise en oeuvre de la mesure, y compris pour les mineurs en tutelle.
Le droit de vote des personnes en tutelle est actuellement encadré par l’article L.5 du code électoral, qui précise que « Lorsqu'il ouvre ou renouvelle une mesure de tutelle, le juge statue sur le maintien ou la suppression du droit de vote de la personne protégée. » Dans le cadre du droit en vigueur, le droit de vote est retiré sur décision du juge des tutelles à 83% des majeurs en tutelle. L’abrogation de l’article L.5 du code électoral est une demande forte des associations de personnes handicapées et de leur famille. Cette demande est soutenue par le Défenseur des droits, la Rapporteuse spéciale des Nations Unies sur les droits des personnes handicapées, le Conseil National Consultatif des Personnes Handicapées, le comité interministériel du handicap, la commission nationale consultative des droits de l’homme pour faciliter la construction de la citoyenneté chez les personnes vivant avec un handicap intellectuel ou psychique.
Le président de la République a rappelé lors de son discours devant le Congrès à Versailles le 9 juillet 2018 son objectif d’un retour des personnes en tutelle au droit de vote.
Pour cette raison, l’article L5, discriminatoire, est abrogé. Il convient néanmoins de garantir le respect du principe de sincérité du scrutin en encadrant strictement les conditions des procurations pouvant être établies par les majeurs protégés et en interdisant les procurations aux mandataires judiciaires à la protection des majeurs mais également aux personnes accueillant, intervenant ou prenant en charge les majeurs en tutelle dans les établissements sociaux, médico-sociaux et sanitaires, ou travaillant à leur service.
Enfin, une habilitation est sollicitée pour mettre en cohérence les dispositions du code de la santé publique et du code de l’action sociale et des familles avec celles du code civil, qui a fait l’objet d’évolutions importantes, notamment la loi n° 2007-308 du 5 mars 2007 portant réforme de la protection juridique des majeurs ayant créé le mandat de protection future ou encore l’ordonnance 2015-1288 du 15 octobre 2015 ayant créé l’habilitation familiale, qui n’ont pas été prises en compte par les autres codes. Cette harmonisation insuffisante est source de complexité pour les personnes vulnérables concernées. Il convient de rappeler qu’en matières médicale et médico-sociale, l’expression de la volonté du majeur doit primer.