Proposition de loi Sortir la France du piège du narcotrafic

commission des lois

N°COM-73

20 janvier 2025

(1ère lecture)

(n° 735 rect. (2023-2024) )


AMENDEMENT

Adopté

présenté par

Mme Muriel JOURDA et M. DURAIN, rapporteurs


ARTICLE 15

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Rédiger ainsi cet article :

I. - Le code de procédure pénale est ainsi modifié :

1° Après le premier alinéa de l’article 230-10, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Par dérogation au premier alinéa, les agents affectés dans les services spécialement chargés des enquêtes en matière de délinquance et de criminalité organisées mentionnés à l’article 706-80-1 sont réputés être habilités à accéder à toute information figurant dans les mêmes traitements de données. » ;

2° Au début de la section 1 du chapitre II du titre XXV du livre IV, il est ajouté un article 706-80 A ainsi rédigé :

« Art. 706-80 A. – I. – Sans préjudice de l’article 15-4, dans l’exercice de ses fonctions, tout agent de la police nationale ou de la gendarmerie nationale affecté dans un service spécialement chargé des enquêtes en matière de délinquance et de criminalité organisées peut être identifié, à défaut de ses nom et prénom, par un numéro d’immatriculation administrative, complété par sa qualité et son service ou son unité d’affectation, dans les actes de procédure qu’il établit ou dans lesquels il intervient.

« L’agent de la police nationale ou de la gendarmerie nationale peut également déposer ou comparaître, comme témoin au cours de l’enquête ou devant les juridictions d’instruction ou de jugement et se constituer partie civile en utilisant ces mêmes éléments d’identification dans les cas suivants :

« 1° Lorsqu’il a rédigé des actes de procédure ou participé à des actes d’enquête ;

« 2° Lorsqu’il est entendu en qualité de témoin ou de partie civile à raison de faits commis dans ou en rapport avec l’exercice de ses fonctions.

« Ces éléments d’identification sont seuls mentionnés dans les procès-verbaux, citations, convocations, ordonnances, jugements ou arrêts. 

« Le présent I n’est pas applicable lorsque, en raison d’un acte commis dans l’exercice de ses fonctions, le bénéficiaire de l’autorisation est entendu en application des articles 61-1 ou 62-2 ou qu’il fait l’objet de poursuites pénales. Par ailleurs, l’agent de la police nationale ou de la gendarmerie nationale ne peut se prévaloir de ces modalités d’identification lorsque les faits pour lesquels il est amené à déposer ou comparaître en qualité de témoin ou de partie civile sont sans rapport avec l’exercice de ses fonctions.

« II. – Saisi par une partie à la procédure d’une requête écrite et motivée en vue de l’exercice des droits de la défense ou des droits de la partie civile et tendant à la communication des nom et prénom d’un agent identifié en application du I du présent article, le juge d’instruction ou le président de la juridiction de jugement ou, lorsqu’il est fait application de l’article 77-2, le procureur de la République, en informe l’agent qui fait valoir le cas échéant ses observations tendant à s’y opposer.

« Le juge d’instruction, le président de la juridiction de jugement ou, lorsqu’il est fait application du même article 77-2, le procureur de la République, communique l’identité de l’agent, sauf s’il estime, au regard des observations de l’agent, que la révélation de son identité fait peser une menace sur sa vie ou son intégrité physique ou celles de ses proches. »

« Lorsque le juge d’instruction, le président de la juridiction de jugement ou, lorsqu’il est fait application dudit article 77-2, le procureur de la République, envisage de communiquer l’identité de l’agent malgré son opposition, l’agent dispose d’un recours suspensif devant la chambre de l’instruction ou le procureur général compétent. Lorsque la procédure est menée par le juge d’instruction ou qu’une juridiction est saisie, le procureur de la République doit interjeter appel devant la chambre de l’instruction dans les conditions prévues aux articles 185 et suivants. Lorsque la décision de communication de l’identité de l’agent relève du procureur de la République, le recours de l’agent dont l’identité est en cause est traité dans les conditions de l’article 40-3. 

« III. – Hors les cas prévus au dernier alinéa du I du présent article, la révélation des nom et prénom du bénéficiaire d’une autorisation délivrée en application du I ou de tout élément permettant son identification personnelle ou sa localisation est punie de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende. Lorsque cette révélation a entraîné des violences à l’encontre du bénéficiaire de l’autorisation ou de ses proches, les peines sont portées à sept ans d’emprisonnement et à 100 000 euros d’amende. Lorsque cette révélation a entraîné la mort de l’agent ou de l’un de ses proches, les peines sont portées à dix ans d’emprisonnement et à 150 000 euros d’amende, sans préjudice, le cas échéant, du chapitre Ier du titre II du livre II du code pénal.          

« IV. – Un arrêté conjoint du ministre chargé de l’intérieur et du ministre de la justice établit la liste des services spécifiquement chargés des enquêtes en matière de délinquance et de criminalité organisées mentionnés au premier alinéa du présent article. »

II. – Après l’article 3 de la loi n° 94-589 du 15 juillet 1994 relative à l’exercice par l’État de ses pouvoirs de police en mer pour la lutte contre certaines infractions relevant de conventions internationales, il est inséré un article 3 bis ainsi rédigé :

« Art. 3 bis. - Dans le cadre de la mise en œuvre de la présente loi, les agents mentionnés à l’article 3 peuvent être autorisés, dans les conditions et selon les procédures définies à l’article 706-80-1 du code de procédure pénale, à ne pas être identifiés par leurs noms et prénoms dans les actes de procédure qu’ils établissent ou dans lesquels ils interviennent. »

III. – La dernière phrase du premier alinéa de l’article 55 bis du code des douanes est complétée par les mots : « et, pour les agents affectés dans un service figurant sur la liste mentionnée au IV de l’article 706-80-1 du code de procédure pénale, selon les procédures prévues au même article. »

Objet

L’article 15 prévoit opportunément d’étendre la possibilité, pour les officiers de police judiciaire affectés dans des services spécialement chargés de la lutte contre la délinquance et la criminalité organisées, d’agir sous une identité d’emprunt. Le présent amendement vise à donner tout son poids à cette évolution et prévoit :

- une extension du dispositif aux agents de police judiciaire, aux agents des douanes et aux agents en charge de la lutte contre le trafic en haute mer ;

- la suppression de l’exigence d’une autorisation hiérarchique, qui n’apparaît nécessaire de jure ;

- la mise en place de compléments utiles visant à préciser, d’une part, les cas dans lesquels l’anonymat pourra être levé et, d’autre part, à définir les hypothèses dans lesquelles il ne sera pas opposable (placement en garde à vue ou audition en tant que témoin assisté, par exemple).

Par cohérence et afin de renforcer l’efficacité des services d’enquête luttant contre la criminalité organisée, l’amendement prévoit également que l’ensemble de leurs agents seront réputés être habilités à accéder aux fichiers d’antécédents pénaux, ceux-ci constituant un outil essentiel au bon accomplissement de leurs missions.