Proposition de loi Sortir la France du piège du narcotrafic

commission des lois

N°COM-37

20 janvier 2025

(1ère lecture)

(n° 735 rect. (2023-2024) )


AMENDEMENT

Retiré

présenté par

M. BOURGI, Mmes de LA GONTRIE, NARASSIGUIN, HARRIBEY et LINKENHELD et MM. CHAILLOU, KERROUCHE et ROIRON


ARTICLE 4

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Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

…. - Le premier alinéa de l’article 321-6 du code pénal est complété par deux phrases ainsi rédigées : « La confiscation des biens détenus, dont l’origine n’est pas justifiée, est obligatoire. Cette confiscation est motivée. Toutefois, la juridiction peut, par une décision spécialement motivée, décider de ne pas prononcer cette peine, en considération des circonstances de l’infraction et de la personnalité de son auteur. »

Objet

L'objet de cet amendement, inspiré des travaux de l’association CRIM’HALT et du Collectif Anti-Mafia Massimu Susini, est de rendre obligatoire, sauf décision spécialement motivée, la confiscation d'un bien détenu par une personne qui ne peut en justifier l'origine tout en étant en relations habituelles avec une ou plusieurs personnes qui soit se livrent à la commission de crimes ou de délits punis d'au moins cinq ans d'emprisonnement et procurant à celles-ci un profit direct ou indirect, soit sont les victimes d'une de ces infractions.

Conformément à l’article 321-6 du code pénal, une personne ne pouvant justifier de ressources en adéquation avec son train de vie ou de l’origine licite d’un bien peut être condamnée à trois ans d’emprisonnement et 75 000 euros d’amende, sans que la confiscation du bien en question ne soit obligatoire. Il est incohérent de sanctionner pénalement une personne pour non-justification de l’origine d’un bien sans procéder à sa confiscation. Or, cet article est peu utilisé, comme le soulignaient les députés Warsmann et Saint-Martin dans leur rapport de novembre 2019 Investir pour mieux saisir, confisquer pour mieux sanctionner.

L'article 321-6 du code pénal poursuit pourtant un but d'intérêt général prioritaire face au développement exponentiel des moyens de corruption et blanchiment de la criminalité organisée : dissuader le recel, lutter contre l'argent sale, le blanchiment, l'empêcher de pénétrer l'économie légale.

L'enquête patrimoniale pour déterminer les avoirs criminels détenus par la personne condamnée nécessite beaucoup de temps et dissuade trop souvent les officiers de police judiciaire de la mener à son terme puisqu'ils savent qu'in fine les biens, objets de l'enquête, risquent fort de ne pas être confisqués.

La synthèse du rapport de la commission d'enquête sénatoriale sur l'impact du narcotrafic en France recommande de « systématiser les enquêtes patrimoniales et les enquêtes post-sentencielles, appuyées sur une approche globale du volet financier du narcotrafic impliquant à la fois les services d'enquête, les magistrats et l'administration fiscale.»

Cependant, cette recommandation ne produira des effets concrets que si la confiscation des biens dont l’origine n’est pas justifiée devient obligatoire, et non une simple option.

Pour donner toute sa portée à l’enquête patrimoniale, la confiscation des biens dont le détenteur est incapable de justifier l’origine doit être imposée, sauf décision spécialement motivée par le juge.

Ce dispositif ne porte pas atteinte au droit de propriété privée, car il cible uniquement les biens dont l’origine ne peut être justifiée. La personne condamnée conserve la possibilité d’apporter la preuve de l’origine licite des biens, ce qui constitue une présomption réfragable.

En rendant obligatoire la confiscation des biens dont l’origine n’est pas justifiée, cet amendement renforce le principe de prévisibilité juridique, cher à la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH). Une personne détenant des biens d’origine frauduleuse saura désormais, en connaissance de cause, qu’ils seront confisqués.

Ce texte contribue à protéger l’économie légale contre le blanchiment et à défendre la propriété privée légitime face aux biens issus d’activités criminelles. Il permettra également d’accroître significativement le volume des confiscations, augmentant ainsi les ressources de l’Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués (AGRASC).