Projet de loi Lutte contre le dérèglement climatique
commission de l'aménagement du territoire et du développement durable
N°COM-669
25 mai 2021
(1ère lecture)
(n° 551 )
AMENDEMENT
Rejeté |
présenté par
Mme BENBASSA, MM. DANTEC, FERNIQUE, LABBÉ, SALMON
et les membres du groupe Écologiste - Solidarité et Territoires
ARTICLE 68
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Rédiger ainsi cet article :
Le livre II du code de l’environnement est complété par un titre III ainsi rédigé :
« TITRE III
« DES ATTEINTES GÉNÉRALES A L’ENVIRONNEMENT
« Art. L. 231-1 – I. Le fait, par imprudence, négligence ou manquement à une obligation de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement, de jeter, déverser ou laisser s'écouler dans les sols, les eaux superficielles, souterraines ou les eaux de la mer dans la limite des eaux territoriales, directement ou indirectement, une ou des substances quelconques dont l'action ou les réactions entraînent, de manière temporaire, des effets nuisibles sur la santé ou des dommages à la flore ou à la faune, à l'exception des dommages visés aux articles L. 218-73 et L. 432-2, ou des modifications significatives du régime normal d'alimentation en eau ou des limitations d'usage des zones de baignade, est puni de trois ans d'emprisonnement et de 375 000 euros d'amende, ce montant pouvant être porté jusqu’au décuple de l’avantage tiré de la commission de l’infraction. Les dispositions de cet alinéa ne s'appliquent s’agissant des pollutions de l’air, qu’en cas de dépassement des valeurs limites d’émission fixées par arrêté ; s’agissant des opérations de rejet autorisées par arrêté, qu’en cas de non-respect des prescriptions de cet arrêté.
«Lorsque les faits résultent d’une violation manifestement délibérée d’une obligation de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement, les peines encourues sont portées à cinq ans d’emprisonnement et 750 000 euros d’amende, ce montant pouvant être porté jusqu’au décuple de l’avantage tiré de la commission de l’infraction.
«Lorsque les faits sont commis de manière intentionnelle, les peines encourues sont portées à sept ans d’emprisonnement et un million d’euros d’amende, ce montant pouvant être porté jusqu’au décuple de l’avantage tiré de la commission de l’infraction.
« II. Lorsque les effets nuisibles sur la santé ou des dommages à la flore ou à la faune sont grave ou durables ou irréversibles, les peines de trois ans, cinq ans et sept ans d’emprisonnement prévues par les alinéas précédents sont respectivement portées à cinq ans, sept ans et dix ans d’emprisonnement.
Les peines d’amende de 375 000, 750 000 et un million d’euros prévues par les alinéas précédents sont respectivement portées à 750 000, un million et 4,5 millions d’euros, ces montants pouvant être portés jusqu’au décuple de l’avantage tiré de la commission de l’infraction.
« III. Sont considérés comme durables les effets nuisibles sur la santé ou des dommages à la flore ou à la faune qui sont susceptibles de perdurer pendant une durée d’au moins dix ans.
« IV. Les dispositions du présent article s’appliquent nonobstant la délivrance d’une autorisation ou d’une décision administrative, lorsque :
«1° L’autorisation ou décision administrative est manifestement illégale ;
«2° Les effets nuisibles, graves ou durables sur la flore, la faune, ou la qualité de l’air, du sol ou de l’eau, les éléments ou fonctions des écosystèmes, étaient dans tous les cas prévisibles.
« Art. L. 231-2. – Le fait d’abandonner, de déposer ou de faire déposer des déchets, dans des conditions contraires aux dispositions du chapitre Ier du titre IV du livre V, et le fait de gérer des déchets, au sens de l’article L. 541-1-1, sans satisfaire aux prescriptions concernant les caractéristiques, les quantités, les conditions techniques de prise en charge des déchets et les procédés de traitement mis en œuvre fixées en application des articles L. 541-2, L. 541-2-1, L. 541-7-2, L. 541-21-1 et L. 541-22, lorsqu’ils entraînent le dépôt, le déversement ou l’écoulement dans ou sur les sols de substances dont l’action ou les réactions entraînent des effets qui portent une atteinte grave et durable à la santé, la flore, la faune ou la qualité des sols sont punis de cinq ans d’emprisonnement et d’un million d’euros d’amende, ce montant pouvant être porté jusqu’au quintuple de l’avantage tiré de la commission de l’infraction.
Objet
L’article 68 élargit l’actuel délit de pollution des eaux au sol et à l’air, pour en faire un délit général de pollution des eaux, du sol et de l’air, inséré dans un nouveau titre au sein du livre II du code de l’environnement relatif aux atteintes générales aux milieux physiques.
La création d’un délit général d’atteinte à l’environnement figurait parmi les recommandations de la mission d’inspection conjointe IGJ/CGEDD au sein du rapport « Une justice pour l’environnement » d’octobre 2019, qui soulignent que « le droit pénal de l’environnement se caractérise par un faible nombre d’incriminations généralistes et autonomes tandis que les infractions spéciales par renvoi sont nombreuses », justifiant ainsi la création d’un délit général de pollution, également appelée de ses vœux par la Conférence nationale des procureurs de la République.
Consacrer ce nouveau délit général comblerait donc une réelle lacune du droit actuel, mais seulement à certaines conditions.
Cependant, la rédaction prévue par le projet de loi pose problème. Alors qu’elle aurait pu permettre de remplacer de nombreuses infractions spéciales par un délit général, dont la gradation du quantum des peines serait en cohérence avec celle de l’élément moral de l’infraction, trois nouvelles incriminations sont créées sans qu’aucune ne soit remplacée, ce qui a pour effet de complexifier davantage un édifice pénal déjà difficilement maîtrisable.
De plus, la rédaction actuelle pose problème via l’utilisation du qualificatif « durable » pour effets sur l’environnement : dans de nombreux cas : l’atmosphère et les milieux aquatiques étant deux environnements au fort pouvoir de dilution, il sera impossible de démontrer que les effets d’une atteinte aux eaux ou à l’air sont « graves et durables », c’est-à-dire qu’elles « perdurent au moins 10 ans » comme l’exige pourtant le projet de loi. Ainsi, même le drame de l’Erika ou de Lubrizol n’ont pas présenté des dommages pour lesquels ont peut démontrer une durée de plus de 10 ans.
Par ailleurs la caractérisation du nouveau délit général d’atteintes aux milieux physiques nécessitera d’apporter la preuve d’une violation manifestement délibérée d’une obligation de prudence ou de sécurité, excluant les fautes d’imprudence et de négligences, pourtant les plus nombreuses.
Pourtant, les rédactions initialement présentées en novembre 2020 par le garde des Sceaux et la ministre de la Transition écologique allaient plutôt dans le bon sens pour permettre de réprimer effectivement les atteintes à l’environnement.
Cet amendement propose donc de reprendre l’esprit de cette rédaction initiale proposée par le gouvernement et donc de créer des infractions générales venant sanctionner de façon effective la pollution de l'environnement en créant un véritable délit d’atteinte à l’environnement.
Il s’affranchit par ailleurs des limites posées par les autorisations administratives en ne permettant pas aux porteurs de projet d’invoquer comme motif d’irresponsabilité pénale les autorisations administratives lorsque celles-ci étaient manifestement illégales ou lorsque les effets graves ou durables sur l’environnement étaient prévisibles. Cette rédaction tire ainsi les conséquences du constat réalisé par le Rapport « Une Justice pour l’environnement » : rétablir la fonction sociale des infractions environnementales suppose de le décorréler des autorisations administratives.