Projet de loi Bioéthique
Commission spéciale sur la bioéthique
N°COM-106
2 janvier 2020
(1ère lecture)
(n° 63 )
AMENDEMENT
Rejeté |
présenté par
M. REICHARDT
ARTICLE 1ER
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Supprimer cet article.
Objet
L’article 1er du présent projet de loi élargit l’accès à l’assistance médicale à la procréation aux couples de femmes et aux femmes non mariées et en modifie en profondeur le régime en supprimant le but thérapeutique sur lequel doit être fondé l’intervention médicale.
Cet article, tel qu’associé à l’article 4 qui réalise une réforme du droit de la filiation dont la portée n’est pas maîtrisée, rompt en profondeur avec le droit jusqu’alors applicable à l’assistance médicale à la procréation.
En effet, depuis l’adoption des premières lois de bioéthique, en 1994, le droit français se caractérise par une constante recherche d’équilibre entre les nécessités du progrès scientifique et technique et la préservation des valeurs humaines et sociales fondamentales.
Cette recherche d’équilibre repose sur l’idée que tout ce qui est techniquement possible n’est pas toujours socialement ou éthiquement souhaitable.
C’est ainsi qu’en matière d’assistance médicale à la procréation, les législateurs successifs ont fait le choix d’encadrer strictement ses conditions d’accès, fondées sur l’intérêt supérieur de l’enfant au sens de l’article 3 de la Convention internationale des droits de l’enfant du 20 novembre 1989, et d’interdire rigoureusement les techniques susceptibles de porter atteinte aux valeurs sociales fondamentales.
Aussi, l’article L. 2141-2 du Code de la santé publique réserve le recours à l’assistance médicale à la procréation à un couple, formé d’un homme et d’une femme, vivants et en âge de procréer. Pour éviter que ces techniques ne soient utilisées pour artificialiser sans nécessité la procréation humaine, ce même texte réserve l’assistance médicale à la procréation aux seules indications médicales que sont la stérilité et le risque de transmission d’une maladie.
Dès lors, en ouvrant l’assistance médicale à la procréation aux couples de femmes et aux femmes seules et en ne la conditionnant plus à des indications médicales, l’article 1er du projet de loi rompt l’équilibre fragile qui a été trouvé.
S’il convient de reconnaître que la notion d’égalité se trouve au fondement de cette disposition, en donnant la possibilité à tous les couples, hétérosexuels comme homosexuels, de satisfaire un désir d’enfant, cette dernière se heurte néanmoins à plusieurs limites.
En effet, si l’on permet aux femmes homosexuelles de recourir à la médecine pour procréer sur le fondement de l’égalité, il paraît nécessaire d’en faire autant pour les hommes. De cette question se profile alors la question de la gestation pour autrui, interdite en France au nom du principe d’indisponibilité du corps humain.
En outre, l’ouverture de l’assistance médicale à la procréation aux couples de femmes remet en question tout notre droit de la filiation, en le détachant de toute référence à l’engendrement de l’enfant pour conduire à la parentalité. Actuellement, il existe deux types de filiations, la filiation de droit commun, fondée sur une réalité biologique ou vraisemblable, et la filiation adoptive. Dès lors, l’inscription, sur l’acte de naissance de l’enfant de l’existence de deux mères bouleverserait le sens de la filiation d’origine en rompant non seulement avec le principe, hérité du droit romain, « mater semper certa est » (la mère est celle qui a accouché de l’enfant), mais également avec le principe de la vraisemblance incontournable qui gouverne l’organisation de la filiation de notre pays, soulevant, à plus ou moins long terme, la question du régime de la filiation des enfants issus de conventions de mères porteuses.
Enfin, en créant un tel régime de filiation, l’égal accès à la maternité reviendrait à priver l’enfant d’une partie de ses origines biologiques, rompant ainsi l’égalité entre les enfants, dont certains seront privés de fait et en droit d’ascendance paternelle.
Pour toutes ces raisons, le présent amendement propose de supprimer cet article.