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N° 427

SÉNAT

SESSION EXTRAORDINAIRE DE 2006-2007

Annexe au procès-verbal de la séance du 1 er août 2007

PROPOSITION DE LOI

tendant à autoriser la réversibilité de l'exercice des droits relatifs à l' éligibilité pour l' achat d' énergie électrique ,

PRÉSENTÉE

Par MM. Xavier PINTAT, José BALARELLO, Michel BÉCOT, Claude BELOT, Joël BILLARD, Paul BLANC, Mme Brigitte BOUT, MM. Dominique BRAYE, Louis de BROISSIA, François-Noël BUFFET, Christian CAMBON, Jean-Claude CARLE, Gérard CÉSAR, Jean-Pierre CHAUVEAU, Marcel-Pierre CLÉACH, Christian COINTAT, Henri de RAINCOURT, Robert del PICCHIA, Gérard DÉRIOT, Michel DOUBLET, Michel ESNEU, Bernard FOURNIER, Mmes Joëlle GARRIAUD-MAYLAM, Gisèle GAUTIER, MM. François GERBAUD, Alain GÉRARD, Charles GINÉSY, Alain GOURNAC, Adrien GOUTEYRON, Francis GRIGNON, Louis GRILLOT, Michel GUERRY, Mme Françoise HENNERON, MM. Michel HOUEL, Benoît HURÉ, Pierre JARLIER, Mme Fabienne KELLER, M. Marc LAMÉNIE, Mme Élisabeth LAMURE, MM. André LARDEUX, Jean-François LE GRAND, Gérard LONGUET, Mmes Lucienne MALOVRY, Colette MÉLOT, MM. Jean-Luc MIRAUX, Dominique MORTEMOUSQUE, Philippe NACHBAR, Mme Jacqueline PANIS, MM. Jackie PIERRE, Rémy POINTEREAU, Philippe RICHERT, Yves RISPAT, Mme Esther SITTLER et M. André TRILLARD,

Sénateurs.

( Renvoyée à la commission des Affaires économiques, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le Règlement).

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Depuis qu'il a été totalement ouvert à la concurrence, en juillet 2004, le marché de la fourniture d'électricité aux consommateurs professionnels peine à exister. Selon l'observatoire des marchés de la Commission de Régulation de l'Énergie, si, au 1 er avril 2007, 16,5 % des sites éligibles (professionnels) avaient exercé leurs droits relatifs à l'éligibilité, seuls 6,4 % de ces sites avaient effectivement changé de fournisseur, les autres (10,1 %) ayant contracté sur le marché avec leur fournisseur historique.

Quant au marché de la fourniture d'électricité aux particuliers, quelques jours après son ouverture à la concurrence, il est évidemment trop tôt pour en dresser un premier bilan, mais l'extrême réserve manifestée par la plupart des organisations de défense des consommateurs laisse augurer une semblable difficulté à donner à ce nouveau segment du marché de l'électricité une véritable consistance.

D'évidence, la raison principale doit en être imputée à la prise de risque que suppose l'exercice de l'éligibilité. Alors même que les marchés de l'électricité - produit de première nécessité - sont par nature des marchés aux prix très volatiles (parce que l'électricité, qui ne se stocke pas, fait l'objet d'une demande très peu élastique par rapport au prix dans le court et même le moyen terme), l'irréversibilité de ce choix agit comme un frein incitant le consommateur à privilégier la conservation du tarif réglementé et de ses attributs : fiabilité de l'opérateur (historique), visibilité dans le temps du prix et de ses variations grâce à la régulation publique, garanties apportées par le cadre de service public dans lequel il est mis en oeuvre (approvisionnement compétitif à partir du parc électro-nucléaire français, sécurité de la concession locale de service public).

De surcroît, le régime actuel d'irréversibilité de l'exercice de l'éligibilité par site engendre divers effets pervers. Ainsi, la valeur du patrimoine bâti risque d'être affectée par les choix qui seront faits quant à l'exercice ou non de l'éligibilité ; quelques jours à peine après la généralisation de la concurrence (1 er juillet 2007), des perspectives de contentieux s'ouvrent déjà entre bailleurs et locataires à ce propos. Plus généralement, les consommateurs d'électricité seront rapidement confrontés à des situations d'inégalité face au système électrique, en fonction de choix faits par des tiers (les précédents occupants de leur logement), vis-à-vis desquels ils seront impuissants, et aboutissant à ce que des résidents proches ou voisins bénéficient de droits substantiellement différents.

Ainsi, en exacerbant les oppositions entre tarif réglementé et prix de marché, entre service public et concurrence, le débat n'a pu qu'accentuer le sentiment d'inconfort probablement éprouvé par bon nombre de consommateurs face à ce qui leur est présenté, de façon particulièrement manichéenne, comme un devoir d'arbitrage entre deux mondes décrits comme profondément antagonistes, le passage de l'un à l'autre s'avérant sans retour. Dans ces conditions, il n'est pas abusif de dire que l'impossibilité de quitter le marché « tue », ou tout au moins affecte sérieusement, le marché lui-même.

Pourtant, les exemples abondent de secteurs d'activité dans lesquels une cohérence a pu être durablement organisée entre l'existence d'un service public et une forme de concurrence avec le secteur privé : l'hospitalisation publique et l'hospitalisation privée, l'enseignement public et l'enseignement privé, ou encore, par exemple, les activités sportives exercées dans un cadre fédéral et celles du secteur marchand (salles et complexes privés). La jurisprudence communautaire et le droit national ont d'ailleurs décrit les modalités d'une telle coexistence avec minutie dans le secteur des services funéraires, dans lequel les services publics (régies, concessions) ont perdu leur monopole tout en continuant à exercer leur activité en complète concurrence avec le secteur privé.

Dans l'ensemble de ces secteurs, le citoyen-consommateur est libre de s'adresser à une offre publique ou à une offre privée de services, une interprétation large du droit de la concurrence conduisant, non à exclure le service public des activités concurrentielles, mais bien au contraire à lui en accorder le bénéfice (à condition qu'il en respecte les règles), au nom d'une égalité de traitement entre opérateurs qui a également, pour le citoyen-consommateur, des retombées très positives en termes d'éventail de choix et de liberté d'appréciation de la « meilleure offre ».

Une telle possibilité dans le secteur électrique, permettant au consommateur de tester le marché sans prendre de risque disproportionné, serait le meilleur gage d'une réelle ouverture à la concurrence. La mise en place du marché de l'électricité, comme l'intérêt bien compris du consommateur, passent aujourd'hui, en France, par une porosité délibérée entre le secteur régulé et le secteur non régulé, à la condition, bien entendu, que les règles de gouvernance applicables à la détermination des tarifs réglementés de vente (à propos desquels la CRE dispose d'une compétence consultative) donnent de réelles garanties quant à la complète couverture tarifaire des charges et l'absence de subventions croisées.

Tel est l'objet de la présente proposition de loi, qui tend à autoriser la réversibilité pour la durée de validité des tarifs réglementés, c'est-à-dire tant que la France pourra les maintenir dans le respect de ses engagements internationaux, et sous condition du respect, par le consommateur ayant exercé son éligibilité, d'un délai minimal de six mois avant retour éventuel au tarif, de façon à ne pas créer une instabilité préjudiciable au marché.

PROPOSITION DE LOI

Article unique

Le I de l'article 66 de la loi n° 2005-781 du 13 juillet 2005 de programme fixant les orientations de la politique énergétique est ainsi rédigé :

« I - Un consommateur final d'électricité bénéficie des tarifs réglementés de vente d'électricité mentionnés au premier alinéa du I de l'article 4 de la loi n° 2000-108 du 10 février 2000 précitée, durant leur période de validité, pour la consommation d'un site pour lequel il n'use pas de la faculté prévue au I de l'article 22 de la même loi, ou pour lequel il n'use plus de cette faculté, sous réserve, dans ce cas, de l'écoulement d'un délai minimum de six mois avant que le bénéfice des tarifs réglementés ne soit à nouveau accordé. »

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