N° 484

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2023-2024

Enregistré à la Présidence du Sénat le 28 mars 2024

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation (1) relatif à la mission sur l'attractivité de la fonction publique territoriale et la marque employeur,

Par Mme Catherine DI FOLCO, MM. Cédric VIAL et Jérôme DURAIN,

Sénateurs

(1) Cette délégation est composée de : Mme Françoise Gatel, présidente ; M. Rémy Pointereau, premier vice-président ; Mme Agnès Canayer, MM. Cédric Vial, Fabien Genet, Mme Corinne Féret, MM. Éric Kerrouche, Gérard Lahellec, Mme Guylène Pantel, MM. Didier Rambaud, Pierre Jean Rochette, Grégory Blanc, vice-présidents ; MM. Jean Pierre Vogel, Laurent Burgoa, Bernard Delcros, Hervé Gillé, secrétaires ; M. Jean-Claude Anglars, Mme Nadine Bellurot, MM. François Bonhomme, Max Brisson, Mme Céline Brulin, MM. Bernard Buis, Cédric Chevalier, Thierry Cozic, Mme Catherine Di Folco, M. Jérôme Durain, Mme Pascale Gruny, MM. Daniel Gueret, Joshua Hochart, Patrice Joly, Mmes Muriel Jourda, Sonia de La Provôté, Anne-Catherine Loisier, MM. Jean-Jacques Lozach, Pascal Martin, Jean-Marie Mizzon, Franck Montaugé, Mme Sylviane Noël, MM. Olivier Paccaud, Hervé Reynaud, Jean-Yves Roux, Mmes Patricia Schillinger, Ghislaine Senée, MM. Laurent Somon, Lucien Stanzione, Jean-Marie Vanlerenberghe.

SYNTHÈSE

Confrontées à des difficultés de recrutement, les collectivités territoriales explorent de nouvelles voies pour conforter, ou restaurer, leur attractivité en tant qu'employeuses. Technique marketing à la croisée de la gestion des ressources humaines et de la communication, la stratégie de la marque employeur se présente comme un moyen de rénover la démarche de recrutement, de repenser la relation employeur / employé, et de mettre en valeur l'identité de la collectivité tout comme le sens des missions qu'elle propose.

I. LA BOÎTE À OUTILS POUR ACCOMPAGNER LES DÉCIDEURS LOCAUX DANS LEUR DÉMARCHE DE MARQUE EMPLOYEUR

II. LA PERTE D'ATTRACTIVITÉ DE LA FONCTION PUBLIQUE TERRITORIALE

A- La dégradation de l'attrait des métiers de la fonction publique

Des recrutements plus difficiles. Le nombre moyen de candidats pour un poste offert est passé de 16 en 1997 à 6 en 20221(*).

La crise des vocations. Avec l'arrivée de nouvelles générations sur le marché du travail, le point de vue concernant l'attrait et les atouts de la fonction publique change : ce qui était, de longue date, perçu comme un avantage devient un inconvénient.

La remise en question de la sélection par concours. Longue, complexe et perçue comme excessivement concurrentielle, la procédure du concours attire moins les candidats, au contraire de la voie contractuelle qui ne cesse de se développer au sein de l'emploi public. Le nombre de candidats aux différents concours de la fonction publique d'État a été divisé par trois entre 1997 (650 000 candidats) et 2018 (228 000 candidats)2(*).

Le niveau des rémunérations. Pour des postes similaires, les filières de la fonction publique sont très souvent moins rémunératrices que les filières du secteur privé : entre 2013 et 2020, le salaire net moyen du secteur public a augmenté de 8,83 %, alors qu'il a progressé de 14,35 % dans le secteur privé3(*). Parmi les trois versants de la fonction publique, le secteur le plus touché par le volet des rémunérations est la territoriale : en 2021, un agent de la fonction publique territoriale gagnait en moyenne 2 039 euros nets par mois, quand le salaire moyen s'élevait à 2 688 euros dans la fonction publique d'État.

Le management perçu comme trop hiérarchique. Le style de management dans la fonction publique se trouve parfois en décalage avec les attentes des candidats : les agents publics souhaitent travailler dans un environnement plus moderne, moins bureaucratique et plus agile.

B- Les freins spécifiques à la fonction publique territoriale

Malgré des atouts, les métiers de la territoriale peinent à attirer. Les métiers de la territoriale disposent d'indéniables atouts pour tirer leur épingle du jeu sur le marché de l'emploi : métiers ancrés dans le concret, porteurs de sens et implantés dans un territoire, organisation du travail en projet, chaîne hiérarchique courte... Toutefois, ces avantages ne permettent pas de remédier à un déclin d'attractivité : 39 % des employeurs territoriaux disaient éprouver des difficultés à attirer des candidats en 2021, soit 9 points de plus qu'en 20154(*).

La méconnaissance de cette filière d'emploi. Les modes d'accès à la fonction publique territoriale sont considérés comme peu clairs et, de fait, peu plébiscités par les candidats. La territoriale ne bénéficie pas d'une vitrine médiatique suffisante qui permettrait aux candidats de mieux cerner les métiers de la branche.

Les contraintes inhérentes à la taille de la collectivité territoriale employeuse et à sa localisation. Dans une petite commune, les recrutements sont rendus plus difficiles par l'éloignement et le risque d'isolement. Les perspectives de carrière y sont également moins nombreuses.

L'information lacunaire à propos des postes à pourvoir. L'expérience candidat est un facteur qui peut nuire à l'attractivité de la fonction publique territoriale. Les candidats souhaitent plus de fluidité et de transparence lors de la procédure de recrutement, avec des fiches de poste donnant davantage d'informations utiles pour bien cerner le poste proposé.

III. LA MARQUE EMPLOYEUR, OU COMMENT RÉNOVER L'IMAGE DE LA FONCTION PUBLIQUE TERRITORIALE POUR EN FAIRE UN VÉRITABLE OUTIL D'ATTRACTIVITÉ ET DE COMPÉTITIVITÉ

A- Qu'est-ce que la marque employeur ?

Un outil de gestion des ressources humaines... La marque employeur correspond à un ensemble d'outils et de stratégies de communication et de marketing permettant à la fois de valoriser un employeur auprès de candidats potentiels, mais aussi de fidéliser et de conserver les talents. Elle se construit à partir de l'image de l'employeur, mais aussi de sa capacité à fournir un environnement de travail correspondant aux attentes de ses employés. Les enjeux de la marque employeur sont multiples, tant sur le plan externe, pour attirer de nouveaux talents, que sur le plan interne, pour développer ou renforcer un sentiment d'appartenance à une organisation qui leur ressemble.

... en résonance avec les problématiques d'attractivité de la fonction publique territoriale. Développer une marque employeur peut aider une collectivité à plus et à mieux recruter. Elle permet de contrecarrer les idées reçues altérant l'image des fonctionnaires, en faisant découvrir la variété des emplois proposés. Elle peut être l'occasion de moderniser les processus de recrutement, afin de mieux cibler les candidats et d'attirer des profils cohérents avec les valeurs et les compétences recherchées par la collectivité.

Une ou plusieurs marque(s) employeur(s) ? La diversité des métiers, des missions, des formations, des compétences attendues ne peut pas être résumée au sein d'une seule marque employeur, au risque même de compliquer la lisibilité des institutions : une marque employeur unique de l'État ou même de la fonction publique territoriale ne paraît ainsi ni pertinente ni efficace. À l'inverse, la multiplication des marques employeur au sein d'un même territoire restreint pourrait semer la confusion chez les candidats potentiels.

Une stratégie complémentaire à celle du marketing territorial. Le marketing territorial vise à mettre en avant les atouts d'une collectivité territoriale pour attirer des personnes mais aussi des entreprises, des infrastructures, des événements culturels... La marque employeur d'une collectivité et le marketing territorial sont donc complémentaires, ce dernier apportant des arguments supplémentaires pour attirer les candidats potentiels et leur famille au sein de la collectivité.

B- Les facteurs clefs de réussite d'une marque employeur

Choisir la strate géographique pertinente. Les plus petites communes n'ont pas assez de moyens à attribuer au développement d'une marque employeur. Celle-ci serait d'ailleurs moins pertinente à une petite échelle puisque le nombre d'opportunités est limité et que les besoins de la collectivité sont plus ponctuels. Il paraît donc plus avisé de créer une marque employeur à une échelle plus large, au niveau des grandes métropoles, des intercommunalités, des départements ou des régions. Le but est de mutualiser les moyens, de mettre en avant une identité qui rassemble plusieurs communes et de valoriser à la fois le territoire et les métiers locaux.

Définir une identité et une proposition employeur claires. Le socle de la marque employeur réside à la fois dans la promesse candidat et la promesse collaborateur. Afin de construire sa marque employeur, la collectivité territoriale doit d'abord réfléchir à la définition de son identité, ses valeurs, sa culture, ses avantages comparatifs, les éléments qui font que ses membres ont choisi d'y travailler.

Associer les élus et les équipes locales à l'élaboration de la marque employeur. Afin de construire une marque employeur cohérente et fidèle à la réalité, un dialogue doit être engagé avec toutes les parties prenantes de la collectivité territoriale, c'est-à-dire les élus, parfaits relais locaux de la marque, et les équipes locales, qui doivent se retrouver dans l'identité véhiculée par la marque.

Considérer à la fois le recrutement et la fidélisation des candidats. La marque employeur doit permettre à la collectivité territoriale de mieux se faire connaître et de recruter les talents les plus adaptés à ses besoins. Une fois passée la phase de recrutement, la marque employeur intervient tout au long de la vie de l'agent au sein de la collectivité. Les collaborateurs doivent être invités à participer à l'évolution de la marque employeur, et peuvent même devenir ses ambassadeurs.

Utiliser toute la palette des outils numériques. La création d'un site internet ou l'utilisation des réseaux sociaux sont des vecteurs efficaces permettant de relayer des témoignages des agents, de publier des fiches de poste ou des offres d'emplois, de communiquer sur l'histoire, les évolutions de la structure ou sur l'ambiance et le cadre de travail.

Évaluer et améliorer l'efficacité de la marque employeur. La cohérence est l'un des ingrédients du succès d'une marque employeur, qui doit donc évoluer à mesure que la collectivité se transforme. Il est à cet égard intéressant d'utiliser des outils quantitatifs et / ou qualitatifs pour mesurer l'efficacité et l'impact réel d'une marque employeur sur le recrutement.

Être accompagné par un cabinet spécialisé ? Un certain nombre de cabinets de conseil ont développé une activité spécifique autour de la marque employeur. L'accompagnement par un tel cabinet semble faciliter la tâche des collectivités, pour qui la communication et le marketing ne sont pas le coeur de métier. Cependant, faire appel à ces structures a un coût, difficile à évaluer dès lors qu'il dépend du format de la mission confiée.

LISTE DES PRINCIPALES PROPOSITIONS

AVANT-PROPOS

Dans leur précédent rapport d'information « Attractivité du métier de secrétaire de mairie - Faire de la fonction de secrétaire de mairie un véritable métier ! »5(*), vos rapporteurs pointaient un cas particulier, et spécialement problématique, au sein de la fonction publique territoriale, celui des secrétaires de mairie. Dans la continuité de ce travail, le présent rapport d'information vise à adopter un angle de vue plus large sur l'emploi dans les collectivités territoriales. Car les maires et les autres élus locaux le savent, nos collectivités rencontrent des difficultés grandissantes à recruter sur les postes à pourvoir, puis à fidéliser leurs agents. L'enjeu n'est pourtant rien moins que le bon fonctionnement des services publics locaux, qui repose tant sur la qualité et le sens de l'engagement des personnels en ayant la charge. Le risque réside également, du fait d'un tarissement des candidats, dans le découragement des élus locaux, subissant les sous-effectifs et malgré tout comptables de l'efficacité de l'action publique devant la population.

Confrontées à une situation inédite mais qui tend à s'ancrer sous l'effet des tensions actuelles sur le marché de l'emploi, les collectivités territoriales explorent de nouvelles voies pour conforter, ou restaurer, leur attractivité en tant qu'employeuses. Parmi ces novations, la stratégie de la marque employeur a plus particulièrement retenu l'attention de vos rapporteurs. Technique marketing à la croisée des ressources humaines et de la communication, la marque employeur se présente comme un moyen de repenser la démarche de recrutement de la collectivité, de repositionner la relation employeur / employé dans un sens plus égalitaire, et de mettre en valeur l'identité de la collectivité territoriale tout comme le sens des missions qu'elle propose.

Au travers des témoignages recueillis et des expériences étudiées, le présent rapport se veut offrir une boîte à outils aux décideurs locaux - qu'ils soient élus ou dans les services - désireux de s'informer, et pourquoi pas d'engager une stratégie de marque employeur au service de leur collectivité.

I. LA PERTE D'ATTRACTIVITÉ DE LA FONCTION PUBLIQUE TERRITORIALE

A. LA DÉGRADATION DE L'ATTRAIT DES MÉTIERS DE LA FONCTION PUBLIQUE

1. Les recrutements plus difficiles

Au 31 décembre 20216(*), 5,67 millions d'agents exerçaient dans la fonction publique, ce qui représente environ « un emploi sur cinq » à l'échelle nationale pour reprendre le constat de Mme Marie-Laure Blot, chef de projets en marque employeur au sein du cabinet We Fell Good7(*).

Les chiffres clés de la fonction publique

La répartition des 5,67 millions agents publics entre les trois versants de la fonction publique s'opère de la façon suivante :

- fonction publique d'État : 2,52 millions d'agents (soit 45 % de l'emploi public), dont 78 % dans les ministères et 22 % dans les établissements publics administratifs nationaux.

- fonction publique territoriale : 1,93 million d'agents (soit 34 % de l'emploi public), dont 72 % dans les régions, départements et communes, et 28 % dans les établissements publics administratifs locaux.

- fonction publique hospitalière : 1,21 million d'agents (soit 21 % de l'emploi public), dont 87 % dans les hôpitaux, 9 % dans les établissements d'hébergement pour personnes âgées et 4 % dans les autres établissements médico-sociaux.

Parmi les agents de la fonction publique, 37 % relèvent de la catégorie hiérarchique A (dont 2 % de la catégorie A+), 17 % de la catégorie B et 46 % de la catégorie C.

Enfin, 35 % des agents de la fonction publique sont âgés de 50 ans ou plus (contre 30 % pour le secteur privé). 63 % des agents de la fonction publique sont des femmes (contre 46 % dans le secteur privé). 43 % des emplois de catégorie A+ sont occupés par des femmes, 53 % sont occupés par des agents de 50 ans ou plus.

Source : étude précitée sur l'« Évolution des effectifs des trois fonctions publiques en 2021 »

Par rapport à l'année 2020, ces effectifs correspondent à une hausse globale de 14 200 agents8(*), soit une augmentation de l'ordre de + 0,3 % sur un an. Cette hausse se ventile de la manière suivante entre les trois versants de la fonction publique : - 0,1 % dans la fonction publique d'État (FPE), + 0,6 % dans la fonction publique territoriale (FPT) et + 0,5 % dans la fonction publique hospitalière (FPH).

L'évolution des effectifs dans les trois versants de la fonction publique de 2011 à 2021

Source : Siasp, Insee. Traitement DGAFP-SDessi

Pour autant, cette évolution se déroule sur fond de crise relative d'attractivité de la fonction publique, Marie-Laure Blot déplorant que « 93 % des cadres de la fonction publique [...] rencontrent des difficultés de recrutement ». À titre illustratif de ces difficultés, le nombre de candidats aux différents concours dans la fonction publique d'État a été divisé par trois entre 1997 (650 000 candidats) et 2018 (228 000 candidats)9(*).

2. La crise des vocations

Parmi les facteurs à l'origine de ce déficit d'attractivité commun aux trois fonctions publiques, figure une réelle crise des vocations à l'égard des métiers de la sphère publique. Avec l'arrivée de nouvelles générations (X, Y, Millenials, Z...) sur le marché du travail, le point de vue concernant l'attrait et les atouts de la fonction publique change. Insensiblement ce qui était, de longue date, perçu comme un avantage se retourne en inconvénient.

Le statut de fonctionnaire, un moindre attrait ?

Malgré le moindre engouement pour les métiers de la sphère publique, certains éléments propres au statut de la fonction publique méritent d'être soulignés.

La stabilité de l'emploi : les concours de la fonction publique permettent au candidat lauréat d'être titularisé sur un poste et d'avoir ainsi accès à une garantie d'emploi qui peut se révéler appréciable en période de crise économique et de chômage à la hausse. Contrairement au secteur privé, l'agent public ne relève pas du code du travail et n'est pas rattaché à son employeur par un contrat. Le fonctionnaire bénéficie d'un statut définissant ses rôles en tant qu'agent public et les missions relatives à son poste.

Les perspectives d'évolution interne : la majorité des postes obtenus par concours externe permet aux agents, après quelques années d'exercice et s'ils le souhaitent, de candidater à des concours internes pour accéder, éventuellement, à un poste dans la catégorie supérieure. Les conditions de présentation aux concours internes sont fixées par les administrations ouvrant ces postes, la majorité des postes étant accessible sans conditions de diplôme ni d'âge. Ces possibilités d'évolution, ainsi que la diversité des parcours et des profils, apportent une vraie richesse au quotidien dans le travail au sein de la fonction publique.

Le caractère évolutif à la hausse de la rémunération : le fonctionnaire perçoit une rémunération en fonction de son niveau indiciaire. Cet indice de rémunération correspond aux points que l'agent cumule selon sa catégorie et son ancienneté. Les grilles indiciaires indiquent donc les rémunérations des agents selon leur statut, catégorie et ancienneté. De cette manière, un agent public voit sa rémunération augmenter à mesure qu'il monte en compétence (change de catégorie) et en ancienneté. Ce principe d'évolution garantit une trajectoire de rémunération lisible et prévisible, ce qui tranche avec le secteur privé où les aléas de salaire peuvent être beaucoup plus marqués.

La formation intégrée : certains concours ne donnent pas directement accès à un poste mais à une formation permettant d'acquérir les méthodes et les compétences nécessaires au métier visé (écoles des impôts, école nationale de police, école nationale des douanes...). Ces formations sont rémunérées et s'accompagnent généralement d'une période de stage permettant de découvrir la globalité du poste avant d'être titularisé.

L'appartenance à un corps au service de l'intérêt général : la fonction publique permet à ses agents de travailler dans le respect de valeurs professionnelles et humaines communes (laïcité, égalité de traitement et égalité des chances...) et de les faire appliquer autour d'eux. Outre cet aspect, l'agent public remplit une mission d'intérêt général, c'est-à-dire que son rôle et ses missions contribuent au bien commun. Ils animent la collectivité et le vivre ensemble en créant les conditions d'un État de droit.

Le fait est que les jeunes générations entrant sur le marché du travail désirent, outre la reconnaissance et le souhait de donner du sens à leur carrière, davantage de liberté et d'autonomie. Elles refusent de se voir cantonnées dans des fonctions aux perspectives d'évolutions limitées. Pour ces nouvelles générations, la liberté de l'emploi prime largement sur la sécurité offerte par le statut10(*).

Le manque d'intérêt des nouvelles générations pour les métiers de la fonction publique trouve également une partie de son origine dans de nouvelles aspirations perçues comme insuffisamment prises en compte par les administrations publiques. Plus précisément, les préoccupations écologiques, sociales ou liées à la transition numérique représentent autant de critères de plus en plus déterminants dans l'orientation professionnelle, en particulier pour les nouvelles générations. Or, dans l'esprit des demandeurs d'emploi aujourd'hui, les administrations publiques ne s'imposent pas spontanément comme des modèles sur ces aspects-là, même si cette perception ne correspond pas nécessairement à une réalité. Par ailleurs, on ne peut pas passer sous silence la perte d'attractivité engendrée par une rémunération qui n'est pas assez compétitive par rapport au secteur privé et dont la faiblesse relative est de moins en moins compensée par d'autres contreparties11(*).

Enfin, l'image écornée du fonctionnaire constitue une cause supplémentaire de perte d'attrait de la sphère publique.

Certes, les critiques à l'encontre des fonctionnaires ne sont pas neuves dans notre pays et représentent même un « marronnier » éculé (nombre supposément excessif des agents publics, temps de travail prétendument trop faible...). Mais dans un contexte de tensions sur le marché de l'emploi qui mettent le candidat dans une position de choix et de force inédite, ces attaques injustifiées contribuent à rendre encore un peu plus difficile la tâche des administrations publiques dans leurs objectifs de recrutement.

Tirant les conséquences de cette profonde transformation des approches, Marie-Laure Blot constate que seulement « un jeune sur six déclare être intéressé par un emploi dans le secteur public ». Rapprochée du taux d'emploi public (un emploi sur cinq), cette proportion rend compte de l'enjeu actuel du recrutement au sein de la fonction publique, confrontée à une crise des vocations bien réelle.

3. La remise en question de la sélection par concours

De longue date, le concours constitue la pierre angulaire du recrutement au sein de la fonction publique et ce principe ne souffrait aucune contestation. Or, désormais la procédure de recrutement par concours fait elle aussi face à une incontestable remise en question. Longue, complexe ou encore perçue comme excessivement concurrentielle, celle-ci attire moins les candidats, au contraire de la voie contractuelle qui ne cesse de se développer au sein de l'emploi public12(*).

Autant du côté de l'employeur public que du candidat, le recours au contrat a le vent en poupe et permet de pourvoir rapidement un poste vacant tout en satisfaisant les deux parties. A contrario, le concours ne présente aujourd'hui pour les jeunes générations que peu d'intérêt, voire est jugé avec sévérité comme étant un procédé archaïque.

Cette évolution du rapport au concours trouve une traduction quantitative sans ambiguïté. Ainsi, le rapport annuel 2022 sur l'état de la fonction publique met en lumière une baisse du nombre de candidats aux concours depuis le milieu des années 1990. Il précise notamment que « le nombre moyen de candidats pour un poste offert est ainsi passé de 16 en 1997 à 6 en 2022 ». À titre d'illustration, au concours externe de professeurs des écoles en 2022, les inscriptions ont enregistré une chute alarmante : sur 41 641 inscrits (contre 84 131 en 2019), seuls 14 112 ont passé les épreuves écrites (alors qu'ils étaient 26 657 l'année précédente).

Des concours administratifs moins attractifs : un constat commun aux trois branches

Le rapport annuel 2022 sur l'état de la fonction publique précité, détaille les éléments constitutifs de la moindre attractivité constatée des concours de la fonction publique.

Fonction publique d'État : le nombre de candidats aux concours externes a baissé de 11 % en 2020 par rapport à 2019, et celui des présents aux épreuves de 5 %, en raison de la situation sanitaire liée à la pandémie de Covid-19. Sur la période 2010-2020, le nombre d'inscrits a chuté de 30 %, alors que le nombre de postes à pourvoir augmentait fortement. Le taux de sélectivité est ainsi passé de 11,7 à 5,5. En 2020, 5,2 candidats se sont présentés pour une place ouverte en catégorie A, contre 8,9 en 2010.

Fonction publique territoriale : 49 600 candidats se sont présentés en 2019 aux concours organisés par les centres de gestion (CDG), la ville de Paris et le Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT), pour 10 200 places offertes. Seuls 9 420 candidats ont été admis. La sélectivité de ces concours (5,8 candidats pour un lauréat, hors concours de la ville de Paris) a baissé depuis la première moitié de la décennie. Signé par l'un de vos rapporteurs, Catherine Di Folco, le rapport pour avis n° 146 (2019-2020) de la commission des Lois sur le projet de loi de finances 2020 pour la fonction publique mettait déjà en évidence une perte d'attractivité des concours de recrutement dans la fonction publique. Il révélait que nombre de candidats présents aux concours organisés par les CDG avait chuté de près de 33 % entre 2014 et 2017, passant de 124 276 à 83 529 personnes.

Fonction publique hospitalière : le concours d'attaché d'administration hospitalière illustre les difficultés rencontrées par les hôpitaux : le nombre de candidats présents a chuté de 18 % entre 2014 et 2017, alors que le nombre de postes à pourvoir augmentait.

Une étude consacrée aux recrutements externes de la fonction publique d'État relève que sur 39 900 postes proposés ouverts au recrutement, un peu plus de 3 100 postes de la fonction publique d'État n'ont pas été pourvus en 2021, soit 8 % des postes. Menée par la DGAFP, cette étude13(*) détaille que l'écart observé entre le nombre de postes offerts et le nombre de candidats recrutés s'explique par trois raisons notables :

- « une partie des admis se désiste à l'issue du concours » ;

- « le niveau des candidats présents est parfois insuffisant par rapport aux exigences du concours » ;

- « certains postes n'attirent pas suffisamment de candidats ».

Un autre volet de cette étude de la DGAFP montre le désamour croissant pour le format contraignant du concours. Il s'appuie dans son analyse sur la sélectivité du concours (nombre de lauréats sur nombre de candidats présents à la première épreuve), indicateur traditionnel quoiqu'indirect, de la perte d'attractivité du secteur public. La sélectivité aux concours s'établit à six candidats présents pour un admis au sein de la fonction publique d'État en 2021. Si la sélectivité « augmente très légèrement » après plusieurs années de baisse, elle reste malgré tout à « un niveau historiquement faible », observe la DGAFP. Cette sélectivité au sein de la fonction publique d'État a en effet été divisée « par plus de deux » pour les concours externes, passant de 12 en 2007 à 5,6 en 2021. La DGAFP précise que cette sélectivité « n'a jamais été aussi faible » pour les concours des catégories A et B. Elle s'élève respectivement à 5,1 (contre 9,2 en 2007) et 5,8 (contre 14,4 en 2007). La sélectivité pour les concours de catégorie C de la fonction publique d'État est, quant à elle, de 9,2.

Si le concours n'entre plus en résonnance avec les attentes de nombre de candidats potentiels, il présente aussi des limites apparaissant de plus en plus nettement du côté des administrations publiques. Les modalités du concours ne sont en effet parfois pas en adéquation avec les besoins des structures publiques. La nature des épreuves ne permet pas toujours de savoir avec exactitude si les compétences du candidat seront suffisantes pour occuper la fonction à laquelle il postule. En fonction des concours, les épreuves n'intègrent pas toujours l'intégralité des enjeux du métier. Dans pareille situation, un décalage entre le concours et le métier peut se faire jour. Tel est le cas au sein de plusieurs concours qui débouchent sur des métiers incorporant du management hiérarchique ou de projet. Au sein de ceux-ci, la « dimension managériale n'est [malheureusement] pas toujours intégrée [au sein même] des épreuves »14(*).

La question du calendrier des concours constitue également un facteur susceptible de nuire à l'envie de rejoindre les rangs de la fonction publique. En effet, il s'agit d'un élément dissuasif pour nombre de candidats, ceux-ci ne pouvant pas toujours se permettre d'attendre l'ouverture de la prochaine session d'examen. Tel est, par exemple, le cas du concours d'attaché territorial qui n'a lieu que tous les deux ans, ou encore de filières spécifiques pour lesquelles les épreuves ne sont parfois organisées que tous les trois ou quatre ans. Faute d'examen annuel ou d'une récurrence plus courte, une partie des candidats se détournent alors, bien malgré eux, de la sphère publique en faveur du secteur privé. Cette mauvaise adéquation porte préjudice aux structures publiques elles-mêmes, puisque les calendriers de certains concours ne sont que très imparfaitement corrélées aux besoins de recrutement. En conséquence, le vivier de candidats lauréats disponibles se restreint artificiellement et les administrations publiques se trouvent, au final, contraintes de se tourner vers le recrutement de non-titulaires, soient des contractuels, pour combler les postes vacants. On peut en outre voir dans cette situation l'indice d'une programmation et d'une anticipation défaillante en matière de recrutement.

Enfin, le mode de recrutement par concours, puis liste d'aptitude, peut recéler un double frein à l'attractivité. D'une part, en raison de l'incertitude d'être titularisé dans un poste après la réussite au concours (notamment au sein de la fonction publique territoriale où la réussite d'un concours ne garantit en rien d'avoir un poste à la clef15(*)) et, d'autre part, en raison du critère de l'affectation géographique. Ce second point est perçu par les nouvelles générations, désireuses de plus de liberté, comme une contrainte supplémentaire. Se voir imposer une localisation en primo-affectation est ainsi ressenti comme une obligation et non un choix délibéré de leur part.

4. Le niveau des rémunérations

La rémunération constitue également une cause explicative de la perte d'attractivité de la fonction publique. De loin le plus cité par les différents acteurs du secteur interrogés par vos rapporteurs, ce facteur pesant négativement sur l'emploi public représente la pierre angulaire, ou le point de bascule, conduisant de potentiels candidats à l'entrée dans la fonction publique, ou des agents déjà en poste, à se désintéresser de celle-ci au profit des métiers du secteur privé16(*). La raison de ce constat est simple : pour des postes similaires, les filières de la fonction publique sont très souvent moins rémunératrices que les filières du secteur privé. Ainsi, Marie-Laure Blot constate que la balance salariale n'est pas à l'avantage du secteur public : « entre 2013 et 2020, le salaire net moyen du secteur public [a] augmenté de 8,83 %, alors qu'il [a] progressé de 14,35 % dans le secteur privé ».

Dans la pratique, l'écart salarial impacte le choix décisif et engendre, dans une majorité des cas, une « fuite des talents » vers la sphère privée, particulièrement dans les territoires urbains où les candidats et les agents ont le choix de l'employeur, et ce sans avoir de contraintes extérieures fortes (déménagement...). Lors de la réunion plénière de votre délégation, organisée 6 avril 2023, portant sur la « Marque employeur : quelle stratégie territoriale pour les collectivités territoriales ? », votre rapporteur Jérôme Durain considérait ainsi que l'enjeu de l'attrait pour la fonction publique peut se résumer en deux mots clés : « du sens et des sous ». Si l'un d'eux vient à manquer, la balance entre le secteur public et privé vire au profit du second. Dans le prolongement de cette réflexion, M. Yves Charmont, délégué général de Cap'Com, témoigne que l'écart enregistré au niveau des rétributions s'est accentué. Il constate en outre que celui-ci « prend encore plus d'importance dans un contexte inflationniste ». Les revalorisations du point d'indice opéré en juillet 2022 (+3,5 %) et en juillet 2023 (+1,5 %), parallèlement à la revalorisation du SMIC, ne permettent pas encore de combler le retard accumulé.

Parmi les trois versants de la fonction publique, le secteur le plus touché par le volet des rémunérations est la territoriale. La raison tient en la structuration catégorielle de cette fonction publique : les effectifs des collectivités territoriales et leurs satellites comportent une part relativement élevée de fonctionnaires relevant de la catégorie C (environ 75 %), soit la catégorie la moins rémunérée. En outre, au sein même de cette catégorie d'agents, comme l'observe votre présidente de délégation, Françoise Gatel, « un nombre important d'agents communaux [est notamment] au SMIC »17(*). Par conséquent, cet état de fait tire vers le bas les niveaux moyens de rémunération au sein les collectivités territoriales.

En 2021, un agent de la fonction publique territoriale gagnait en moyenne 2 039 euros nets par mois, a contrario d'un agent de la fonction publique d'État touchant 2 688 euros. Cette concurrence salariale n'est pas sans effet pour les acteurs de la territoriale. En effet, la rémunération constitue légitimement un critère essentiel pour les agents publics. Si ce dernier n'est pas à un niveau adapté, les collectivités territoriales ne peuvent pas être attractives et capter le vivier de candidats, qui s'orientent plus massivement vers le secteur privé ou les deux autres versants de la fonction publique, davantage rémunérateurs à poste équivalent18(*).

En pratique, cette rémunération moins attractive et son corolaire (perte de pouvoir d'achat des agents, détérioration du niveau de vie...) impacte négativement un nombre croissant de métiers de la fonction publique territoriale. Parmi les métiers en tension, on peut citer ceux d'« assistant de gestion des ressources humaines ou administrative », de « chargé de propreté des locaux », de « travailleur social », de « policier municipal », d'« ouvrier de maintenance des bâtiments », d'« agent de service polyvalent en milieu rural », d'« assistant de gestion financière », d'« assistant éducatif », d'« auxiliaire de puériculture » ou encore d'« animateur-éducateur sportif ». La concurrence toujours plus vive avec le secteur privé, les autres versants de la fonction publique, mais aussi entre collectivités territoriales19(*) fait aussi sentir ses effets délétères lorsqu'il s'agit de procéder à des recrutements sur des postes d'« informaticiens », d'« ingénieurs », et plus généralement de « techniciens ».

Responsable de la sécurité des systèmes d'information (RSSI) : un des métiers en tension de la fonction publique territoriale

Parmi les métiers en tension de la fonction publique territoriale figure celui de responsable de la sécurité des systèmes d'information (RSSI). À l'instar du délégué à la protection des données (DPO), le RSSI est aujourd'hui une fonction pivot au sein des collectivités territoriales. Toutefois, un manque de personnel qualifié se fait jour depuis plusieurs années, notamment au sein des collectivités de petite envergure, peu attractives sur ce secteur. L'explication tient à plusieurs facteurs, notamment celui d'une faible rémunération des agents ainsi qu'à des missions considérées comme peu attrayantes comparées à celles du secteur privé.

Pour pallier ce constat, une revalorisation, à l'instar de celle impulsée par vos rapporteurs à l'échelle des secrétaires de mairie, représente un enjeu important pour capter davantage les jeunes talents une fois diplômés. Selon les acteurs du secteur, afin d'avoir un personnel compétent, il convient de revaloriser les fonctions du RSSI dans les collectivités1. Il s'agit d'en faire un véritable « directeur de la sécurité numérique », dont les fonctions ne doivent pas être perçues comme uniquement techniques. La sécurité informatique d'une ville peut constituer une expérience beaucoup plus riche que de s'occuper de celle d'une entreprise du secteur privé, et ce au regard des compétences variées des communes. Il convient de montrer aux candidats, de plus en plus en quête de sens, que servir un territoire et contribuer à l'intérêt général sont des dimensions intéressantes.

Le secteur public pratique une grille indiciaire éloignée des salaires du marché du secteur. Dans le privé, les experts de la sécurité informatique peuvent aspirer à des montants de salaire aux alentours de 60 000 à 80 000 euros bruts par an. Dans les collectivités, la rémunération dédiée à ces spécialistes est deux fois moindre. Une solution pour que les collectivités territoriales puissent s'aligner sur les acteurs du privé réside dans la mutualisation des moyens.

En outre, en complément de cette politique d'attractivité à mener, et à défaut de recruter en externe les profils pointus recherchés, il revient aux collectivités d'utiliser aussi la promotion en interne comme un véritable vivier de candidats potentiels aux postes à pourvoir. Cette pratique commence à se répandre avec l'instauration d'un plan de formation, de coaching ou encore d'assistance, notamment pour la spécialisation d'un agent de la direction des services informatiques.

1 Cf. rapport d'information n° 283 (2021-2022) de Serge Babary et Françoise Gatel, fait au nom de la délégation aux entreprises et de votre délégation, portant sur « Les collectivités territoriales face au défi de la cybersécurité »

5. Le management perçu comme trop hiérarchique

Le style de management dans la fonction publique se trouve parfois en décalage avec les attentes du moment. Les services des ressources humaines, et plus largement l'ensemble des acteurs des institutions publiques, observent ainsi une évolution des mentalités sur le moyen / long terme. Notable, ce changement impulsé par les nouvelles générations, mais pas uniquement, amène les agents publics à vouloir travailler dans un environnement plus moderne, moins bureaucratique et plus agile. Marie-Laure Blot insiste sur ce bouleversement des pratiques et remarque que « si les agents sont [toujours] fiers de porter des projets tournés vers l'avenir et d'exercer un métier qui fait sens, ils ont parfois du mal à trouver leur place dans une grande organisation ».

La difficulté à trouver sa place s'accentue avec le caractère pyramidal de l'organisation de la fonction publique, au moment où sont plébiscités dans le management moderne des systèmes de prise de décision plus collectifs et horizontaux. Malgré son ouverture à des pratiques innovantes de management, la sphère publique continue de se voir accoler une image quelque peu vieillotte et trop hiérarchique (nécessité de solliciter l'aval de la hiérarchie avant de pouvoir prendre la moindre initiative, par exemple), dont elle peine à se défaire.

Globalement, ce « manque de souplesse interne » restreint l'« émergence d'initiatives »20(*) et conduit à une « déresponsabilisation » de l'agent au sein de ses tâches quotidiennes, et ce quelle que soit la branche de la fonction publique. Au bout du processus, l'agent en fonction développe un sentiment de robotisation, dans un environnement qui ne lui laisse aucune marge de manoeuvre. Pour tenter de remédier à cette déshumanisation des fonctions, plusieurs institutions, notamment locales, tentent de casser les codes en vigueur et d'améliorer le regard porté sur la qualité de vie au travail. Parmi les procédés visant à redorer cette réputation, nombre de collectivités territoriales tentent, par exemple, de faire évoluer les conditions de travail et d'initier des pratiques innovantes sur le plan managérial, de l'organisation interne ou encore de l'utilisation des nouvelles technologies.

Lorsqu'elles sont mises en place, cette souplesse et cette autonomie accordées aux agents constituent une manière pour les institutions publiques d'être plus attractives sur le marché de l'emploi. À cet égard, Marie-Laure Blot souligne que « l'équilibre entre vie personnelle et vie professionnelle est très important. 70 % des candidats [citent celui-ci] comme faisant partie de leurs critères de choix. Ce phénomène s'est [même] accentué depuis la crise sanitaire [et le recours croissant au télétravail]. 58 % attachent [depuis] de l'importance à l'ambiance de travail ». Depuis la crise sanitaire, les exigences des candidats se sont accrues quant à l'équilibre vie privée / vie professionnelle, le salaire, la flexibilité (télétravail, horaires...) et le sens trouvé dans le travail, notamment chez les jeunes diplômés particulièrement attentifs à leur bien-être au sein du milieu professionnel.

Le management se situe donc au coeur des réflexions des organisations publiques confrontées à un problème d'attractivité. Il n'est ainsi pas anodin d'observer qu'un nombre croissant d'administrations publiques forment désormais leurs managers pour qu'ils assouplissent leurs méthodes. Ces administrations ont pris conscience de ce que Marie-Laure Blot relève dans les nouveaux comportements au travail : « une bonne entente avec le management est citée par 44 % des candidats comme critère de motivation pour rejoindre ou quitter une entreprise ».

B. LES FREINS SPÉCIFIQUES À LA FONCTION PUBLIQUE TERRITORIALE

1. Malgré des atouts, les métiers de la territoriale peinent à attirer

Les métiers de la territoriale disposent d'indéniables atouts pour tirer leur épingle du jeu sur le marché de l'emploi. Il s'agit en effet de métiers ancrés dans le concret, porteurs de sens et implantés dans un territoire. En outre, ces fonctions peuvent parfaitement convenir aux aspirations professionnelles de ceux voulant travailler en mode projet, désirant une chaîne hiérarchique courte, ou encore intéressés par la digitalisation et l'innovation.

Toutefois, pour l'heure, ces avantages ne permettent pas encore de remédier durablement à un déclin d'attractivité. Dans les petites communes, ce déclin, avec les difficultés induites à pourvoir les postes, contribue à alimenter le désenchantement des maires. Le rapport de Philippe Laurent21(*), président du Conseil supérieur de la fonction publique territoriale (CSFPT), identifie les principales causes de la crise que traverse le secteur public local. Il affirme notamment, au terme d'une étude annuelle22(*), que « 39 % des employeurs territoriaux disaient éprouver des difficultés à attirer des candidats » en 2021, soit 9 points de plus qu'en 2015.

2. La méconnaissance de cette filière d'emploi

La première facette du manque d'attractivité de la fonction publique territoriale réside dans la méconnaissance des métiers exercés et des possibilités de recrutement, ou de mobilité, ouvertes au sein des collectivités territoriales et de leurs satellites, notamment concernant les métiers les plus en tension. En effet, les modes d'accès à la fonction publique territoriale sont considérés comme manquant de clarté23(*) et les collectivités locales sont confrontées à un désintérêt relatif de la part des demandeurs d'emploi à l'égard des professions exercées, bien que celles-ci correspondent à des compétences diversifiées et renvoient à la satisfaction des besoins essentiels de la population (services ou infrastructures publics).

Les raisons de ce constat sont connues : bien qu'offrant de multiples opportunités de carrière, les collectivités territoriales restent encore marquées dans l'opinion publique par une image tronquée. « Dépassés par des réseaux sociaux interconnectés »24(*), les réseaux institutionnels des collectivités territoriales peinent à communiquer avec les internautes sur les grandes caractéristiques de la fonction publique territoriale, notamment sur les valeurs relatives à l'intérêt général. En effet, nombre de citoyens ont, à ce jour, une vision erronée des métiers proposés. À titre d'illustration, une partie de la population considère encore que le rôle des agents se limite à un « accueil en mairie » ou encore à « l'entretien de la voie publique », alors que la palette des possibles est bien plus large. Globalement, et comme le souligne le rapport de Philippe Laurent, « seuls les jeunes ayant des parents fonctionnaires territoriaux ont une réelle approche des métiers de la territoriale ».

Les candidats potentiels n'arrivent que difficilement à se projeter dans les métiers existants. En ce sens, il n'est pas infondé de parler de déficit de notoriété des emplois de la fonction publique territoriale. Ce secteur ne dispose pas de vitrine médiatique permettant de mieux cerner les métiers de la branche, a contrario de la fonction publique d'État (reportages, documentaires, films et séries sur les forces de l'ordre, les enseignants, les magistrats...) et de la fonction publique hospitalière (reportages, documentaires, films et séries sur les médecins, les infirmiers...). Cette carence conduit les candidats potentiels, et notamment la jeunesse, à préférer des professions davantage incarnées et mieux identifiées.

Dans la même veine, la fonction publique territoriale n'opère aucune campagne coordonnée sur les différents canaux de communication afin de mettre en avant les métiers pour lesquels elle souhaite recruter. C'est une différence notable avec les deux autres branches de la fonction publique, que l'on peut aisément retrouver dans des encarts de la presse papier, via des spots TV et radio, dans les transports en commun, ou encore sur la pluralité de médias digitaux (réseaux sociaux, YouTube, Dailymotion...). Les collectivités territoriales n'occupent guère l'espace publicitaire national afin de faire naître la flamme à l'égard de la territoriale.

C'est notamment ce que regrette Yves Charmont : « la valorisation des métiers à l'aide de vidéos et d'événementiels est cruciale » afin d'offrir une image réaliste et attractive des fonctions réellement exercées. D'après la quatrième édition du baromètre de la marque employeur du secteur public (réalisé par la Gazette des communes et Intériale), 71 % des candidats à un emploi dans la fonction publique territoriale se renseignent sur Internet, 62 % sur des sites d'offres d'emploi et 32 % sur des réseaux.

S'inscrivant dans la droite lignée du constat posé, les résultats d'une enquête commandée en 2021 par la direction interministérielle de la transformation publique (DITP)25(*), portant sur la perception de l'attractivité de la fonction publique territoriale par les personnes de 18 à 30 ans, montrent également que la fonction publique territoriale reste relativement « méconnue » auprès d'un public pourtant susceptible de rejoindre certains de ses emplois. Livré dans le cadre du rapport de Philippe Laurent, ce travail d'analyse inédit a notamment permis de mieux connaître la manière dont est appréhendé l'emploi public local par des personnes qui n'en font pas partie et qui constituent un vivier de recrutement potentiel.

Les apports de l'enquête conduite par la DITP en 2021

Fondée sur un échantillon de 1 481 personnes âgées de 18 à 30 ans, l'enquête a examiné la connaissance des sondés sur différents aspects de la fonction publique territoriale. Les résultats mettent en évidence que :

- les trois quart des personnes interrogées identifient les responsabilités des agents territoriaux. Mais un tiers seulement savent que les communes sont en charge du fonctionnement des écoles, la même proportion croit que les agents territoriaux sont en charge des fédérations sportives ;

- si certains métiers de la territoriale sont connus (un tiers des répondants identifient les animateurs périscolaires ou les urbanistes, par exemple), plus de 20 % pensent que les inspecteurs du travail ou les conducteurs de train sont des fonctionnaires territoriaux ;

- les modalités d'accès à la fonction publique territoriale sont connues par la moitié des personnes interrogées, mais 26 % pensent qu'il faut résider dans la commune où se trouve le poste et 10 % pensent qu'il faut connaître un élu ;

- les agents de la fonction publique territoriale sont considérés comme disciplinés, autonomes, intègres et sachant faire preuve d'initiative, mais ils manqueraient de leadership, de curiosité et d'empathie ;

- la rémunération, un travail intéressant et l'équilibre vie personnelle / vie professionnelle sont les éléments les plus recherchés, le dernier item étant le plus important ;

- la fonction publique territoriale est perçue essentiellement comme offrant un emploi et une carrière stables ;

- les deux tiers des répondants souhaitent se sentir appréciés et reconnus, pouvoir exprimer une idée et avoir des conditions de travail flexibles ;

- les refus, par les personnes interrogées, de postuler pour un emploi territorial sont liés soit à l'acceptation d'un autre emploi, soit à un processus pour candidater trop complexe ou trop compétitif ;

- le site de Pôle emploi et les portails de recherche d'emploi en ligne sont les portes d'entrée des candidats.

En outre, dans son rapport, Philippe Laurent regrette que « les documentations proposées par le ministère de l'éducation nationale soient très lacunaires sur la possibilité de travailler dans la fonction publique territoriale ». Il en va de même des revues de l'Office national d'information sur les enseignements et les professions (ONISEP), alors même que de nombreux métiers techniques peuvent trouver à s'exercer au sein de la fonction publique territoriale (peintre, jardinier, électricien, responsable informatique...).

Le même constat peut être dressé au sein de l'enseignement supérieur qui fait, au sein des cursus de droit ou de sciences politiques, la part belle aux concours de la fonction publique d'État au détriment de ceux de la fonction publique territoriale. Dans le cadre de ces enseignements, on peut regretter que la présentation des modalités de recrutement des métiers de la territoriale ne soit pas assez mise en avant.

Cette méconnaissance de la fonction publique territoriale s'illustre également au sein des « prépas Talents ». Selon les éléments communiqués par l'association « La Cordée » à vos rapporteurs, les élèves de ces prépas « ciblent prioritairement les concours de l'État », alors que la fonction publique territoriale n'avait jusqu'à peu26(*) « aucune classe préparatoire intégrée » (ancienne appellation des classes « talents ») contrairement aux deux autres versants de la fonction publique. Les candidats issus de ces prépas font dès lors « trop souvent le choix de la territoriale par défaut, faute de valorisation suffisante de cette branche ».

3. Les contraintes inhérentes à la taille de la collectivité territoriale employeuse et à sa localisation

Les collectivités territoriales sont inégalement affectées par les difficultés de recrutement en fonction de leur taille ainsi que de leur localisation. Dans une petite commune rurale, les recrutements sont souvent rendus plus difficiles en raison de l'éloignement et du risque d'isolement. Dans une grande agglomération, le coût de la vie se révèle élevé pour les agents de catégorie C, majoritairement au SMIC.

Concernant la localisation, certaines zones géographiques sont plus prisées que d'autres. La proximité de la mer, un climat favorable, une bonne desserte en transports, font par exemple de l'Ouest et du Sud de la France des territoires disposant d'atouts supplémentaires lorsqu'il s'agit de séduire des candidats à un poste au sein d'une collectivité territoriale.

M. Vincent Le Maux, président du CDG des Côtes d'Armor, rappelle qu'« en fonction de leur taille, les collectivités ne rencontrent pas les mêmes difficultés ». Ainsi, une grande collectivité rencontrera davantage de difficulté à recruter sur certains métiers spécifiques. Tel est notamment le cas pour des compétences touchant au service d'information, à la comptabilité ou encore aux ressources humaines. Dans pareille situation, « la collectivité sera en concurrence directe avec les acteurs du secteur privé »27(*).

Par ailleurs, les petites collectivités offrent souvent moins de perspectives de déroulement de carrière et proposent des métiers qui nécessitent des qualités de polyvalence, comme par exemple dans le cas déjà largement développé par vos rapporteurs des secrétaires de mairie. En outre, l'emploi du conjoint y est également rendu parfois plus difficile. Les raisons de cet état de fait sont bien connues : trouver une mobilité de carrière au sein d'une collectivité de moindre grandeur, où le turnover est souvent faible, n'est pas chose aisée. De plus, le caractère enclavé, ou les moyens d'accès limités à de telles collectivités, accentuent la perte d'attractivité.

En regard, les agglomérations et les communes moyennes offrent certaines facilités en termes de conditions de vie : une offre culturelle, sportive et médicale plus étoffée, ou encore la pluralité de possibilités pour la scolarité des enfants.

L'effet taille ne joue cependant pas qu'à sens unique et il peut aussi en naître des handicaps. Ainsi, pour les grandes collectivités et les capitales régionales, l'attractivité est fréquemment impactée négativement par la cherté de la vie. Au-delà de cet aspect, les temps de déplacement sont également considérés comme plus longs et le secteur immobilier moins attractif. Ces collectivités permettent toutefois de dérouler plus facilement des carrières variées, y compris pour le conjoint, avec une pluralité d'emplois disponibles et donc une facilité pour trouver une embauche durable.

Selon le baromètre de la marque employeur du Secteur Public, réalisé en 2021 par la Gazette des communes, les trois types de collectivités les plus attractives selon les candidats à la fonction publique territoriale sont les conseils départementaux, les communes de 500 à 5 000 habitants et les métropoles. A contrario, les trois types de collectivités ou d'établissements les moins attractifs sont les communes de moins de 500 habitants, les CDG et les services départementaux d'incendie et de secours (SDIS).

4. L'exposition à certains risques professionnels

La notion de pénibilité des métiers de la branche représente un élément à prendre en considération dans l'analyse. En effet, avec près de 75 % des agents exerçant des missions de catégorie C, les collectivités territoriales et leurs satellites constituent le secteur de la fonction publique qui regroupe le plus grand pourcentage d'agents publics exposés aux risques professionnels. De nombreux postes sont soumis à des contraintes fortes : relations potentiellement tendues avec les usagers, risques physiques, psycho-sociaux, horaires atypiques, régimes d'astreintes...

Globalement, ces risques professionnels peuvent, à juste titre, constituer un frein à l'attractivité de la fonction publique territoriale. Les contraintes organisationnelles et / ou techniques, le port de charges lourdes, les nuisances sonores et thermiques, ou encore l'exposition à des substances chimiques dangereuses sont susceptibles de considérablement réfréner de nombreux candidats, notamment depuis la crise sanitaire et l'accent porté sur la préservation de la santé physique et mentale au travail.

Un accord fondateur en faveur de la protection sociale complémentaire

Après un an de négociation, six syndicats d'agents et sept organisations d'employeurs territoriaux ont conclu, le 11 juillet 2023, un accord national « portant réforme de la protection sociale complémentaire des agents publics territoriaux ». Cet accord, qui en appelle d'autres sur la santé, concerne principalement la prévoyance.

Cet accord vise à améliorer les droits des agents. Ainsi, un agent malade ou en invalidité percevra 90 % de son revenu net incluant le traitement indiciaire (TI), la nouvelle bonification indiciaire (NBI) et le régime indemnitaire (RI). Cette couverture interviendra au moyen d'un contrat collectif à adhésion obligatoire.

Selon les signataires, cette adhésion obligatoire constitue un gage d'efficacité : elle permet aux organismes assureurs de connaître à l'avance les besoins à couvrir, elle crée une solidarité entre assurés quel que soit leur âge, et elle mutualise la couverture des risques. Les contrats pourront être mis en place par collectivité ou à un niveau supérieur, via notamment les CDG. Au final, l'adhésion obligatoire aboutit à un rapport entre les prestations et les cotisations plus favorable aux agents et aux employeurs.

Une autre avancée favorable aux agents concerne la participation des employeurs, qui sera au minimum de 50 % du montant de la cotisation prévoyance et non plus d'un montant de référence, fixé à 35 euros par mois.

Les signataires ont également prévu d'encadrer les pratiques contractuelles des opérateurs au profit de la solidarité entre bénéficiaires. La principale proposition de l'accord consiste à encadrer les écarts de cotisation en complémentaire santé pour que la plus forte cotisation ne puisse dépasser le double de la plus faible. L'objectif étant d'éviter une trop forte augmentation de la cotisation des retraités.

5. L'information lacunaire à propos des postes à pourvoir

Dans un autre registre, l'expérience candidat est également un facteur qui peut nuire à l'attractivité de la fonction publique territoriale. En effet, sur bien des aspects, le cheminement d'un candidat pour intégrer une structure territoriale reste imparfait. Selon l'association « La Cordée », parmi les axes d'amélioration figurent notamment le souhait d'une procédure d'accès et de recrutement fluide et transparente, ou encore davantage de simplicité concernant le contenu de la fiche de poste.

Concernant la fluidité et la transparence de la procédure de recrutement, il convient de souligner que la lourdeur d'une procédure de recrutement peut aller jusqu'à constituer un facteur repoussoir pour nombre de candidats. Si les offres d'emplois font l'objet d'une obligation de publicité lors d'une vacance de poste, il arrive assez fréquemment que le poste en question soit d'ores et déjà pourvu en interne. Pareil procédé est jugé par de nombreux candidats extérieurs comme un manque de transparence des structures publiques locales. Ce reproche conduit parfois les candidats à ne plus déposer leur candidature afin d'éviter une perte de temps inutile. En moyenne, il y a chaque jour 30 000 offres d'emploi accessibles sur Place de l'emploi public pour la fonction publique territoriale, mais combien sont réellement « ouvertes » ?

Concernant les fiches des postes, les candidats souhaitent davantage de transparence sur les prérequis : le poste est-il bien accessible aux contractuels ? Dans le cas où le poste est ouvert en priorité aux fonctionnaires, quels sont les concours privilégiés ? Lesquels peuvent être équivalents ? Les candidats manquent également d'information pour mieux comprendre les conditions d'emploi d'un contractuel : durée du contrat, perspectives d'évolution, possibilité de reconduction du contrat, de bénéficier d'une formation pour passer des concours...

Les collectivités locales sont souvent sur un schéma assez traditionnel d'offre de postes avec des descriptions peu attrayantes des fonctions à exercer qui sont souvent peu éclairantes pour le candidat : que fait concrètement un rédacteur ? Et un attaché ? L'information est trop juridique pour être comprise ; elle gagnerait à être tournée vers le public particulièrement pour le recrutement dans des métiers communs avec le secteur privé pour lesquels les candidats potentiels peuvent peiner à décrypter les termes et les procédures de recrutement du secteur public local. À cet égard, il faut souligner que les élus tendent à prendre conscience du caractère trop formel de la présentation des emplois et souhaitent désormais donner une image plus sympathique et attirante de leur collectivité.

II. LA MARQUE EMPLOYEUR, OU COMMENT RÉNOVER L'IMAGE DE LA FONCTION PUBLIQUE TERRITORIALE POUR EN FAIRE UN VÉRITABLE OUTIL D'ATTRACTIVITÉ ET DE COMPÉTITIVITÉ

A. QU'EST-CE QUE LA MARQUE EMPLOYEUR ?

La notion de marque employeur n'a pas encore pignon sur rue dans le monde des collectivités territoriales. Souvent inconnue, à tout le moins méconnue, elle requiert un effort de pédagogie pour bien cerner ce à quoi elle renvoie, avant d'en expliquer les bénéfices attendus.

1. Un outil de gestion des ressources humaines...

La marque employeur correspond à un ensemble d'outils et de stratégies de communication et de marketing permettant à la fois de valoriser un employeur auprès de potentiels candidats, mais aussi de fidéliser et de conserver les talents. Selon ses théoriciens Tim Ambler et Simon Barrow (1996)28(*), la marque employeur désigne « l'ensemble des avantages fonctionnels, économiques et psychologiques inhérents à l'emploi et avec lesquels l'entreprise, à titre d'employeur, est identifiée ». Plus précisément, les avantages fonctionnels correspondent aux opportunités de développement et à l'intérêt du travail, tandis que les bénéfices économiques renvoient aux avantages matériels et financiers. Les bénéfices psychologiques, pour leur part, sont liés aux sentiments d'appartenance et de contrôle.

La marque employeur se construit donc à la fois à partir de l'image de l'employeur, sa réputation auprès de ses salariés mais aussi sa capacité à fournir un environnement de travail correspondant aux attentes de ses employés (actuels ou potentiels). En effet, dans le contexte actuel de guerre des talents et de tensions sur le marché du travail, la logique de recrutement tend à s'inverser : les employeurs doivent s'efforcer de séduire les candidats et devenir des employeurs de choix. Cette nécessité concerne y compris le secteur public : avec la sortie d'un cycle long à taux de chômage élevé, la caractéristique de « valeur sure » attachée à l'emploi public n'est plus un argument décisif dans le choix des candidats.

En outre, la cohérence de l'offre marque employeur avant, pendant et après le recrutement du candidat est essentielle pour son succès. En effet, il faut non seulement développer une marque employeur en adéquation avec les attributs réels du travail et de l'organisation, mais aussi répondre aux attentes suscitées chez les candidats pendant la période de recrutement. L'employeur doit donc réaliser un travail de fond afin de définir précisément sa culture et son identité, ainsi que les pratiques qu'il est en mesure de valoriser. La marque employeur ne peut donc pas se résumer à une campagne de communication, même si la communication joue un rôle central. Elle permet de réfléchir et de concevoir la relation employeur / employé, en étroite collaboration avec l'ensemble des collaborateurs.

Dans ces conditions, on comprend que les enjeux de la marque employeur sont multiples, tant sur le plan externe, pour attirer de nouveaux talents, que sur le plan interne, pour développer ou renforcer chez les salariés un sentiment d'appartenance à une organisation qui leur ressemble. On peut résumer ainsi les principaux effets attendus du développement et de l'utilisation de la marque employeur :

· influencer positivement l'intention et la décision de candidater aux offres de la structure ;

· améliorer la qualité des candidatures reçues, en meilleure adéquation avec les attentes de l'employeur ;

· accroître la fidélité des salariés et réduire de fait les coûts associés aux démissions et aux processus de recrutement qui en procèdent.

Un exemple dans la fonction publique :

la marque employeur de l'Armée de Terre

L'un des exemples les plus avancés de marque employeur dans le secteur public est celui de l'Armée de Terre, qui innove en permanence pour recruter des candidats afin d'assurer le renouvellement générationnel des effectifs.

L'institution mise à la fois sur le contact humain et sur le digital pour informer et valoriser ses métiers et ses équipes, auprès des jeunes notamment. L'Armée de Terre envoie par exemple des soldats et des gradés sur les salons dédiés à la formation et à l'orientation post-bac. Le site S'engager.fr est dédié à la marque employeur de l'Armée de Terre. Les candidats potentiels peuvent y retrouver toutes les informations sur les différents métiers proposés et sur les formations nécessaires. Ils peuvent également entrer directement en contact en ligne avec des soldats ambassadeurs, qui partagent leur expérience, ou poser leurs questions à une intelligence artificielle nommée « le Sergent Bot ».

L'institution déploie aussi de nombreuses campagnes de communication, diffusées à un niveau national sur leur chaîne YouTube ou via des affiches dans les lieux de passage. L'Armée de Terre n'hésite pas non plus à se servir de canaux adaptés aux jeunes candidats, en faisant appel par exemple aux influenceurs pour relayer sa marque employeur. Dès 2019, des Youtubeurs comme TiboInShape ont ainsi été mis à contribution pour faire la promotion du Service national universel (SNU) sur leurs chaînes.

Source : visuels de la campagne de recrutement 2020-2023, Armée de Terre

Source : https://www.cegos.fr/ressources/mag/secteur-public-2/la-marque-employeur-latout-recrutement-du-secteur-public

2. ... en résonance avec les problématiques d'attractivité de la fonction publique territoriale

La fonction publique en général et la fonction publique territoriale en particulier souffrent de difficultés de recrutement, comme expliqué dans la première partie de ce rapport. Ces difficultés poussent de nombreuses communes à externaliser un nombre croissant de fonctions. Le manque de personnel alimente également le désenchantement des maires, qui font face simultanément à une complexification de leur rôle et à une pénurie de personnels qualifiés pour les épauler. Face à ces dilemmes, développer une marque employeur au sein d'une collectivité territoriale peut aider celle-ci à plus et à mieux recruter.

Tout d'abord, la marque employeur permet de contrecarrer les idées reçues altérant l'image des fonctionnaires : organisation désuète, manque de management, peu de responsabilisation... Les collectivités territoriales ont ainsi tout à gagner à faire découvrir la variété des emplois qu'elles proposent. Ces postes peuvent correspondre à des candidats qui, parfois, ne postulent pas par manque d'informations ou par méconnaissance de la collectivité. Par exemple, des vidéos de témoignage des salariés de la collectivité sont souvent des supports appréciés par les candidats potentiels : en effet, qui de mieux pour parler de diversité de métiers que ceux qui les exercent ?

Auditionnée par votre délégation dans le cadre de la table ronde d'avril 2023 sur le sujet « la marque employeur : un nouveau territoire à conquérir pour nos collectivités ? », Mme Marie-Laure Blot, chef de projet marque employeur au sein du cabinet We feel good, a insisté sur le fait que « les agents de la fonction publique territoriale souffrent de ce qu'on pourrait appeler le fonctionnaire bashing ». Ils sont pourtant « fiers de porter des projets tournés vers l'avenir, exercent un métier qui fait sens » et « sont engagés dans la mission du service public ». La marque employeur peut donc être l'occasion de leur redonner la parole et de valoriser leur place au sein de la collectivité.

Il s'agit, en somme, de lutter contre la méconnaissance de la richesse des opportunités offertes par la fonction publique territoriale. Vincent Le Meaux, président du CDG des Côtes d'Armor, souligne d'ailleurs que « nous avons besoin de faire connaître les 200 à 300 métiers de la fonction publique territoriale dans les 4 000 à 5 000 employeurs publics locaux ». Selon lui, « la mise en place d'une plateforme unique d'information sur l'emploi public est une première réponse ».

Par ailleurs, la marque employeur peut être l'occasion parfaite de moderniser les processus de recrutement, afin de mieux cibler les candidats et d'attirer des profils cohérents avec les valeurs de la collectivité territoriale et les compétences recherchées par celle-ci. L'objectif est alors double : améliorer l'efficacité au moment du recrutement, avec des candidats adaptés aux besoins de la collectivité, mais aussi améliorer la cohérence du choix final et ainsi pérenniser l'engagement du salarié nouvellement recruté. Constituer une marque employeur, c'est donc d'abord réfléchir et travailler sur les dispositifs de ressources humaines déjà en place au sein de la collectivité territoriale. Par exemple, il peut être pertinent de repenser les offres d'emploi en s'intéressant aux informations attendues par les candidats : les avantages salariés, la rémunération, le détail des missions...

Construire une marque employeur dans une collectivité territoriale, c'est non seulement moderniser et transformer ses processus de ressources humaines, mais également transformer l'expérience du salarié en son sein. La réflexion autour des valeurs, de l'identité et de la culture de la collectivité en tant qu'organisation-employeur passe nécessairement par un échange avec l'ensemble des collaborateurs permettant de faire un bilan sur leurs attentes, leur perception de la collectivité en tant qu'employeur, leurs avis sur leur environnement de travail, leurs éventuelles déceptions et leurs pistes d'amélioration. Il faut garder en tête la double dimension, interne et externe, de la démarche : il ne suffit pas de mieux recruter, il faut aussi mieux fidéliser et mieux conserver les talents. À cet égard, Marie-Laure Blot affirme que les collectivités territoriales ne peuvent pas « mettre en place une stratégie de marque employeur si leurs fondamentaux en ressources humaines et en management ne sont pas solides » : elles doivent donc « réinterroger leurs pratiques ».

En outre, la marque employeur permet aux collectivités de mettre en avant leurs nombreux avantages et atouts déjà existants. En effet, à l'heure où les jeunes diplômés se préoccupent de plus en plus du sens de leurs missions, de l'impact réel de leur travail sur la société, de la conciliation entre vie professionnelle et vie personnelle, les métiers dans les collectivités peuvent séduire de plus en plus de candidats, même si la question du salaire reste un obstacle pour certains candidats potentiels. Les collectivités territoriales peuvent mettre en avant leurs missions de service public, leur proximité avec les administrés, leur participation à l'intérêt général, le respect de la vie personnelle des salariés... Elles possèdent en réalité une identité déjà forte et attractive : la marque employeur leur permet de la concrétiser et de la diffuser à grande échelle.

Les collectivités sont d'ailleurs conscientes de l'atout que peut constituer une marque employeur. Fédération professionnelle de la communication publique et territoriale, Cap'Com a réalisé, en mars 2022, une enquête auprès de 230 collectivités territoriales sur le sujet de la marque employeur29(*). Près de 97 % des collectivités interrogées estiment que la marque employeur est un sujet important pour qu'elles puissent continuer à fonctionner, la moitié d'entre elles ayant inscrit la marque employeur dans leurs objectifs.

M. Laurent Clementz, cofondateur de JobPublic, site d'emploi du secteur public local et plateforme de marque employeur pour les recruteurs publics territoriaux30(*), a résumé à vos rapporteurs lors de son audition les cinq raisons pour lesquelles la marque employeur peut jouer un rôle clef pour répondre aux enjeux d'attractivité de la fonction publique territoriale :

· se positionner de manière distincte par rapport aux autres employeurs, en mettant en avant ses spécificités, ses valeurs et ses avantages concurrentiels ;

· susciter l'intérêt et l'engagement des talents grâce à une image positive et attractive ;

· répondre aux aspirations des candidats en mettant en avant les valeurs et les missions de la fonction publique territoriale ;

· faciliter la communication ciblée envers les publics spécifiques que la fonction publique territoriale souhaite attirer ;

· créer un environnement de travail attractif, mettre en place des programmes de développement professionnel et offrir des avantages compétitifs via la marque employeur pour engager et retenir les salariés.

Au final, la marque employeur correspond bien à un processus de réflexion interne dans le but de mieux informer, mieux communiquer, mieux recruter et mieux prendre en compte les attentes des salariés. Ce n'est cependant pas la solution miracle aux problématiques d'attractivité de la fonction publique. En effet, comme le souligne le Cercle de la Réforme de l'État31(*), même si « la marque employeur n'est pas condamnable dans son principe, elle n'est ni une panacée ni un remède miracle. Elle ne doit pas détourner l'attention de l'urgence à conduire les réformes des administrations car ce sont elles qui recréeront la fierté du service public »32(*).

Vos rapporteurs estiment donc que la marque employeur doit être considérée pour ce qu'elle est : un outil de ressources humaines utilisant des stratégies de communication et de marketing, et non une solution clef en main qui revoit en profondeur les causes structurelles du manque d'attractivité de la fonction publique.

3. Une ou plusieurs marque(s) employeur(s) ?

Il existe plusieurs employeurs publics, mais existe-t-il une marque employeur du service public ? Une telle marque employeur supposerait qu'il existe une unité entre les organisations assurant des missions de service public. Or, formuler cette hypothèse reviendrait à ignorer non seulement les spécificités des trois versants de la fonction publique (d'État, territoriale et hospitalière), mais aussi les différences entre les territoires.

La diversité des métiers, des missions, des formations, des compétences attendues ne peut pas être résumée au sein d'une seule marque employeur, au risque même de compliquer la lisibilité d'une administration qui l'est déjà pour les candidats potentiels. Une marque employeur unique de l'État ou même de la fonction publique territoriale ne paraît ainsi ni pertinente ni efficace.

Néanmoins, il est intéressant de se poser la question de la strate géographique la plus appropriée pour développer une marque employeur territoriale : est-ce la commune ? L'intercommunalité ? Le département ? La région ? Comme on le verra au travers d'exemples concrets, la question du bon niveau de positionnement de la marque employeur dépend essentiellement de circonstances locales, des moyens et ambitions de chaque collectivité territoriale, et ne peut donc déboucher que sur des réponses extrêmement variées.

Tout au plus, peut-on relever qu'une multiplication des marques employeur au sein d'un même territoire restreint pourrait être contreproductif : au lieu de renforcer l'attractivité, elle serait susceptible de semer la confusion dans l'esprit des candidats potentiels.

Enfin, face à la diversité des situations, le Cercle de la Réforme de l'État tire un signal d'alarme. Il souligne en effet que le recours à la marque employeur « favorise des administrations déjà fortes, sans être adapté au déficit d'attractivité des services qui ont les problèmes les plus aigus ». Autrement dit, en tant que stratégie innovante et nécessitant certains moyens (humains et financiers), la marque employeur peut contribuer non pas à réduire certains écarts entre collectivités territoriales, mais à les creuser. Relevant du principe de la libre administration des collectivités territoriales, le choix de conduire une stratégie de marque employeur ne peut bien évidemment pas être bridé, mais il faut avoir conscience de ses conséquences potentielles sur l'écosystème administratif public local et sur les différences d'attractivité entre collectivités territoriales.

4. Une stratégie complémentaire à celle du marketing territorial

Le marketing territorial est antérieur à l'utilisation de la marque employeur par les collectivités territoriales. Yves Charmont rappelle que « les territoires sont dans une forme de concurrence depuis les lois de décentralisation des années 1980 pour attirer des activités par exemple. Les élus ont alors eu recours à des outils marketing adaptés au service public pour se distinguer parmi les différents échelons territoriaux ». Des marques de territoire ont alors émergé afin d'améliorer la notoriété du territoire, comme les marques Bretagne ou Only Lyon. Elles n'ont cependant pas pour objectif de développer le recrutement public, ce qui les distingue d'une marque employeur.

La marque employeur d'une collectivité et le marketing territorial sont donc complémentaires, ce dernier apportant des arguments supplémentaires pour attirer les candidats potentiels et leur famille au sein de la collectivité. De même, avoir une marque employeur forte et un recrutement territorial dynamique constituent des atouts à mettre en avant via le marketing territorial, afin de créer un effet vertueux d'attractivité en chaîne.

La complémentarité des offres du point de vue professionnel et sur un plan plus personnel compte en effet beaucoup pour rendre un territoire attractif aux yeux de nouveaux candidats, comme le soulignait notre collègue Agnès Canayer lors de la table ronde organisée par votre délégation en avril dernier : « les conditions d'emploi sont importantes pour l'attractivité, mais la mobilité joue aussi un rôle ». S'agissant non seulement de séduire un candidat mais aussi la famille qui l'accompagne, le territoire doit réfléchir en parallèle à l'offre en matière d'emploi du conjoint, de logement, d'écoles, ou encore d'infrastructures de loisirs.

Only Lyon : un exemple de marque territoriale

Only Lyon est un programme de marketing territorial qui déploie depuis 2007 de nombreuses actions à Lyon, en France et dans le monde pour accroître la notoriété de la métropole. Cette marque fédère de nombreux acteurs politiques, économiques et individuels, et bénéficie de plus de 27 000 ambassadeurs en France et à l'international.

Le site de la marque publie les actualités du territoire, met en avant ses divers ambassadeurs et relaie les campagnes de communication d'attractivité du territoire. L'internaute peut retrouver des informations sur le patrimoine de la ville, son activité économique, l'offre universitaire, ou encore des portraits inspirants à la une, à l'instar de celui de Tony Parker1.

Le site de la marque du territoire lyonnais met en avant les différentes campagnes de communication déployées par Only Lyon, et notamment la campagne « Ensemble ! ». Cette campagne est composée de 52 visuels réalisés en situation réelle, dans le but de mettre en avant les atouts de la métropole comme endroit du « bien vivre ensemble ».

Source : site internet onlylyon.com

1 Source : https://www.onlylyon.com/

B. LES FACTEURS CLEFS DE RÉUSSITE D'UNE MARQUE EMPLOYEUR

1. Choisir la strate géographique pertinente

En amont de la création de la marque employeur dans une collectivité, il est nécessaire de s'interroger sur la strate géographique dans laquelle elle peut être développée. Une multiplication des marques employeurs opacifie les opportunités et les identités des collectivités et, à l'inverse, créer une marque employeur dans un territoire trop large risque de rendre invisibles les spécificités et avantages locaux. La marque employeur serait alors trop éloignée de la réalité du terrain.

Il paraît assez évident que les plus petites communes n'ont pas assez de moyens à attribuer au développement d'une marque employeur, qui d'ailleurs serait moins pertinente à une petite échelle puisque le nombre d'opportunités est limité et que les besoins de la collectivité sont beaucoup plus ponctuels que dans une plus grande commune. Intuitivement, il serait donc plus avisé de créer une marque employeur à une échelle plus large, au niveau des grandes métropoles, des intercommunalités, des départements ou des régions. Le but étant de mutualiser les moyens, de mettre en avant une identité qui rassemble plusieurs communes et de valoriser à la fois le territoire et les métiers locaux.

Yves Charmont observe que « les collectivités sont moins en avance sur la question de la marque employeur que les entreprises privées. Quand elles existent, les stratégies ont généralement été développées à l'échelle des départements ». C'est pourquoi, selon lui, « les départements et les CDG sont leader sur le déploiement d'une marque employeur » mais « les grandes métropoles, les villes et, peut-être, les intercommunalités dans les espaces de ruralité s'y intéresseront ».

Il faut toutefois veiller à ce que la marque employeur n'accentue pas les disparités existantes entre les collectivités. En effet, selon l'association « La Cordée », « il existe aujourd'hui indéniablement une concurrence, une forme de dumping entre les collectivités qui ne peuvent proposer les mêmes atouts en fonction de leur taille et de leurs moyens financiers. En ce sens, la marque employeur ne peut être une solution si elle accentue cette concurrence ».

Néanmoins, même si les petites collectivités sont très peu à l'origine d'une marque employeur, elles en bénéficient. À titre illustratif, Mme Chantal Pétard-Voisin, présidente du CDG d'Ille-et-Vilaine remarque que « pour les petites collectivités, les retombées de la marque employeur bretonne DEN.bzh se font à travers les missions d'intérim » : les CDG s'occupent de recruter et former du personnel, qui est ensuite disponible pour des missions de renfort ou de remplacement au sein des communes.

2. Définir une identité et une proposition employeur claires

Le socle de la marque employeur réside à la fois dans la promesse candidat et la promesse collaborateur. Afin de construire sa marque employeur, la collectivité territoriale doit tout d'abord réfléchir à la définition de son identité, ses valeurs, sa culture, ses avantages comparatifs, les éléments qui font que ses membres ont choisi d'y travailler. En effet, dans une situation de guerre des talents et de difficultés de recrutement, la collectivité doit mettre en avant ses caractéristiques d'employeur susceptibles d'attirer les talents. « Les thématiques de responsabilité sociale et environnementale, de l'organisation du travail et surtout de la qualité de vie au travail et de l'image de la collectivité sont au coeur des stratégies de marque employeur » selon Yves Charmont.

Cette réflexion est primordiale et essentielle, puisque tous les dispositifs de communication et de marketing qui seront développés dans un second temps auront vocation à relayer l'image de marque de la collectivité-employeur auprès de publics ciblés. L'identité et la proposition employeur doivent être simples, claires et compréhensibles par le plus grand nombre. Les collectivités territoriales peuvent s'appuyer sur des valeurs d'intérêt général, de service public, de respect de l'équilibre professionnel et personnel, mais aussi, par exemple, sur un ancrage territorial attractif pour des jeunes familles. Il faut cependant savoir se distinguer de son voisin et identifier des avantages concurrentiels : une organisation managériale différente, des avantages sociaux particuliers, un lieu de travail apprécié des salariés... Chaque organisation a ses spécificités, qu'il faut ensuite mettre en avant au sein de la marque employeur.

Il s'agit dans cette perspective de comprendre au mieux les attentes des potentiels candidats afin de pouvoir correctement y répondre et développer une marque employeur efficace. Marie-Laure Blot souligne que, même si « le salaire est essentiel pour une grande majorité des candidats », « les motivations de ces derniers évoluent ». Elle cite notamment l'équilibre vie personnelle / vie professionnelle, l'ambiance de travail, l'entente avec le management, la flexibilité et le sens trouvé dans le travail. La crise sanitaire a contribué à accélérer ce changement de paradigme, les jeunes diplômés étant particulièrement attentifs aux critères sociétaux.

Laurent Clementz note plusieurs nouvelles tendances chez les candidats dans leur approche du marché de l'emploi :

· les questions du rôle dans la société, du sens de l'action et de l'intérêt de l'emploi pour autrui entrent beaucoup plus en compte dans les stratégies des candidats ;

· il existe un mouvement de départs des coeurs de métropole vers des zones périphériques ou en région ;

· les candidats sont moins prêts à sacrifier l'équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle au profit d'un meilleur salaire ;

· l'engagement à long terme effraie plus qu'il ne rassure les nouvelles générations, qui ont beaucoup plus tendance à consommer les emplois comme autant des expériences ;

· les candidats effectuent beaucoup plus de recherches sur les employeurs potentiels avant de postuler ;

· selon lui, près de 60 % des contenus liés à l'emploi sont consommés en mobilité sur des smartphones, ce qui modifie le format des contenus, devant être courts et marquants.

L'objectif de la collectivité territoriale consiste à mettre en relation les attentes du candidat avec les atouts de son organisation et créer un vocabulaire simple et efficace pour mettre en avant ces liens au fondement de l'attractivité du recrutement.

3. Associer les élus et les équipes locales à l'élaboration de la marque employeur

Afin de construire une marque employeur cohérente et fidèle à la réalité, un dialogue doit être engagé avec toutes les parties prenantes de la collectivité territoriale, c'est-à-dire les élus et les équipes locales. En effet, pour que la marque employeur soit un succès, il faut à la fois associer l'ensemble des équipes dans sa construction, pour qu'elle reflète la réalité du terrain, mais également associer les élus, qui sont de parfaits relais locaux pour la diffusion à grande échelle de la marque employeur. Le but de la marque étant d'attirer de nouveaux talents, elle doit rester cohérente avec l'expérience des agents déjà présents, qui doivent s'identifier et être en accord avec les valeurs et l'identité défendues. Marie-Laure Blot insiste d'ailleurs sur la transparence avec laquelle les collectivités territoriales doivent se présenter aux potentiels candidats.

Le rapport d'étude de Cap'Com, qui s'appuie sur un questionnaire ayant recueilli les réponses émanant de 229 collectivités territoriales, aborde l'enjeu de l'implication de l'ensemble des membres de la collectivité dans la marque employeur. Entre autres, les répondants devaient noter, sur une échelle de 1 à 10, leur « perception de l'implication des différents acteurs de la collectivité sur la marque employeur ». Les directions de la communication interne et externe et des ressources humaines sont, sans surprise, perçues comme étant les plus impliquées dans le processus de marque employeur (avec une moyenne des réponses comprise entre 6,1/10 et 6,8/10). Elles sont suivies de près par la direction générale des services (5,6/10). Leur succèdent ensuite les managers et le personnel encadrant, ainsi que les maires et les présidents de collectivité (avec des moyennes respectives de 4,3/10 et 4,4/10). Enfin, les autres élus (hors maires et présidents), semblent être perçus comme ayant une implication moins importante, avec une moyenne de 3,4/10.

Source : Rapport d'étude « La marque employeur au sein des collectivités territoriales - état, outils et perspectives », mars 2022, Cap'Com

L'étude de Cap'Com met en évidence l'existence d'une marge de progression concernant l'implication des élus dans la construction d'une marque employeur. En effet, ce processus ne doit pas être le monopole des services et directions de la collectivité territoriale, les élus doivent s'approprier la marque employeur au même titre que les agents de leur collectivité. Pour autant, les enseignements de cette étude demandent à être remis en perspective dans la mesure où seuls les membres des services et directions des collectivités ont répondu au questionnaire. Les élus ne se sont donc exprimés ni sur leur propre implication, ni sur leur perception de l'implication des services dans le processus de marque employeur.

Résumer les acteurs locaux aux élus et à l'administration territoriale serait toutefois trop réducteur. En effet, la marque employeur peut également être perçue comme un outil de collaboration bien plus large, qui dépasse le seul cadre institutionnel. L'association « La Cordée » considère que la marque employeur doit permettre « de nouer des alliances nouvelles avec des acteurs aux visions parfois diverses mais qui peuvent se retrouver sur l'essentiel », « il en va ainsi notamment du secteur de l'économie sociale et solidaire [...] mais cela peut concerner tout type d'acteur public ou privé d'un territoire ».

Dans ses « 18 propositions pour une mobilisation à la hauteur des enjeux du service public local »33(*), « La Cordée » préconise de « sortir des murs des collectivités pour donner envie de territoriale » et formule les recommandations suivantes :

· développer l'implication des collectivités territoriales dans la sensibilisation des publics collégiens et lycéens aux valeurs et métiers du service public ;

· développer les partenariats avec les universités pour faciliter la découverte des métiers du service public local et favoriser les passerelles vers le recrutement, notamment en matière d'apprentissage ;

· développer les partenariats avec Pôle emploi, le service public de l'emploi et celui de l'orientation pour mieux faire connaître les métiers et les voies d'accès.

Le programme « Ose la fonction publique »

Le programme « Ose la fonction publique » est une des actions de l'association « La Cordée » déployée sur trois territoires : Plaine Commune (Seine-Saint-Denis), la métropole lilloise et la ville de Paris.

Ce programme est destiné aux personnes en recherche d'emploi, en service civique ou en fin d'études et permet de sensibiliser les candidats aux métiers de la fonction publique territoriale en partenariat avec les collectivités.

Le programme permet d'avoir accès à :

- des ateliers de découverte de la fonction publique et d'aide à la préparation aux entretiens d'embauche dans le secteur public ;

- des visites d'administration en groupe pour découvrir des métiers et rencontrer des agents publics du territoire ;

- une diffusion d'offres de stages, d'alternances et d'emplois.

Source : https://la-cordee.org/actions/#ose-la-fp

4. Considérer à la fois le recrutement et la fidélisation des candidats

Selon le cabinet ConvictionsRH, la marque employeur a trois dimensions : ce qui se passe pour attirer un candidat, ce qui se passe pendant le processus de recrutement et ce qui se passe au niveau de l'accueil du recruté. Elle intervient également à toutes les étapes de la vie professionnelle de l'agent : au moment de son recrutement, pendant son parcours au sein de la collectivité et même lors de son départ.

a) L'expérience candidat

Tout d'abord, la marque employeur doit permettre à la collectivité territoriale de mieux se faire connaître et de recruter les talents les plus adaptés à ses besoins : c'est ce qu'on peut appeler l'expérience candidat. Des campagnes de communication peuvent être organisées pour susciter la curiosité et l'intérêt de potentiels candidats pour la collectivité en tant qu'employeur. Ces candidats doivent ensuite pouvoir trouver facilement un endroit où retrouver toutes les informations dont ils ont besoin sur la variété des métiers et des opportunités de la collectivité en question, en utilisant un site internet dédié par exemple.

Néanmoins, la marque employeur n'est pas uniquement une stratégie de communication, elle doit surtout permettre à la collectivité de recruter des professionnels adaptés et des experts selon ses besoins. Il est donc important d'identifier en amont les expertises métiers qui sont nécessaires à la collectivité, afin de mieux orienter la construction de la marque employeur.

En retour, les objectifs du côté du candidat consistent à avoir accès aux opportunités, comprendre les attentes de la collectivité, pouvoir se faire facilement une idée de l'organisation de la collectivité et de ses missions, et enfin identifier rapidement les avantages à postuler auprès d'elle plutôt qu'ailleurs.

Une fois que le candidat a postulé, les processus de recrutement doivent lui être communiqués de manière claire et précise. Certains contenus peuvent être mis à sa disposition pour qu'il appréhende mieux les attentes de l'employeur, comme des guides d'entretien ou une mise en relation avec un ancien candidat.

Au cours du processus de recrutement, il est important que le candidat retrouve les éléments mis en avant dans la marque employeur, sur lesquels les recruteurs peuvent insister. Même si le candidat n'est pas retenu, il est intéressant de recueillir son témoignage à propos des points suivants : comment a-t-il eu connaissance de l'offre d'emploi ? Une campagne de communication menée dans le cadre de la marque employeur l'a-t-il incité à se renseigner sur la collectivité ? Les supports mis à sa disposition à la fois en amont de sa candidature et tout au long du processus de recrutement ont-ils été suffisants ?

Un tour du monde des bonnes pratiques de recrutement dans le service public

Le secteur public coréen a réalisé un constat similaire à son homologue français : certains candidats ne postulent pas par manque d'information sur les opportunités offertes dans la fonction publique. Pour remédier à cette perte de talents, une plateforme d'emploi public coréenne a été créée sous le nom « Work-Net ». Elle propose de nombreux contenus de communication et d'information à destination des candidats potentiels et réalise même un appariement entre les compétences des candidats et les missions proposées grâce à l'intelligence artificielle.

En Belgique, le réseau de mobilité Talent Exchange permet de capitaliser sur le talent des agents publics en leur permettant de réaliser un détachement pour aider une autre organisation publique à impulser une dynamique de changement. L'agent peut ainsi diversifier son parcours et les administrations ont la possibilité de bénéficier de nouvelles compétences pendant la période donnée.

Enfin, l'Australie a imaginé des « graduate-programs » pour recruter de jeunes diplômés en leur proposant un parcours professionnel pour découvrir différentes facettes du secteur public, afin d'allier recrutement, formation et connaissance de l'écosystème public.

Source : https://acteurspublics.fr/articles/sigrid-berger-il-est-possible-de-faire-autrement-en-matiere-de-pratiques-rh-dans-la-fonction-publique

b) L'expérience collaborateur

Une fois passé la phase de recrutement, la marque employeur intervient tout au long de la vie de l'agent au sein de la collectivité : c'est ce qu'on peut appeler l'expérience collaborateur. Le cabinet ConvictionsRH insiste sur la nécessité de se pencher sur l'expérience des agents territoriaux et de leurs parcours carrière : la promesse exprimée lors des recrutements est-elle tenue ? Les attentes des employés sont-elles satisfaites ?

Les collaborateurs doivent être invités à participer à l'évolution de la marque employeur, et peuvent même devenir ses ambassadeurs. Ce concept est plébiscité par tous les intervenants auditionnés par vos rapporteurs. En effet, les salariés sont les mieux placés pour parler de leurs missions et de leur quotidien au sein de la collectivité et pour véhiculer une image moderne et attractive.

La culture managériale de la collectivité doit être en accord avec la culture relayée par la marque employeur. Il peut donc être intéressant d'organiser des rencontres en interne pour faire évoluer les pratiques de management de l'organisation, afin qu'elles restent en adéquation avec la marque employeur de la collectivité. Comme le résume l'association « La Cordée », « la marque employeur est donc en définitive un projet utile si elle s'inscrit dans une dynamique managériale susceptible de valoriser les agents, de mettre en avant le sens des métiers du service public et si elle permet à la collectivité de s'ouvrir à d'autres acteurs de son territoire ».

Enfin, la marque employeur intervient même lorsque l'agent quitte la collectivité territoriale. En effet, il est alors important de connaître et comprendre les raisons qui l'ont poussé à partir, mais aussi d'accompagner son départ pour que la transition soit réalisée dans les meilleures conditions possibles. En outre, un agent qui quitte la collectivité en bons termes peut continuer à être un ambassadeur informel de sa marque employeur.

5. Utiliser toute la palette des outils numériques

Pour Laurent Clementz, « dans le monde numérique d'aujourd'hui, il est essentiel d'avoir une présence en ligne cohérente et attrayante ». Il propose notamment d'utiliser plusieurs supports : « un site web carrière convivial et informatif, des profils de réseaux sociaux mis à jour, et une utilisation stratégique des canaux en ligne pour promouvoir la marque employeur et interagir avec les candidats potentiels ».

En effet, la création d'un site internet ou l'utilisation des réseaux sociaux sont des vecteurs efficaces permettant de relayer des témoignages des salariés déjà présents dans la collectivité, de publier des fiches de poste ou des offres d'emplois, de communiquer également sur l'histoire, les évolutions de la structure ou sur l'ambiance et le cadre de travail. Selon Yves Charmont, « parmi les outils les plus fréquemment cités dans la mise en oeuvre de la marque employeur, on retrouve l'utilisation du réseau social professionnel LinkedIn, la valorisation des métiers à l'aide de vidéos ou l'organisation d'événements ». Laurent Clementz partage cet avis : pour lui, « il convient de faire de l'acquisition multicanal, et c'est la répétition des messages qui permet d'obtenir un niveau satisfaisant de candidatures sur des offres d'emploi ».

Source : Rapport précité « La marque employeur au sein des collectivités territoriales - état, outils et perspectives »

Dans son livre blanc « Marque employeur et service public : comment se démarquer pour attirer et fidéliser des talents ? »34(*), Mme Sigrid Berger, fondatrice de Profil Public, cabinet de conseil spécialisé en recrutement public et en marque employeur pour le service public, considère que « le service public vit aujourd'hui une période charnière de transformation numérique et le digital doit pouvoir faire partie intégrante du quotidien de l'agent recruté ». Toutefois, le cabinet ConvictionsRH souligne que, sans sous-estimer l'importance de la dimension numérique dans la construction d'une marque employeur, celle-ci doit être incarnée et avoir des porte-paroles physiques, par exemple via un programme de salariés-ambassadeurs.

6. Évaluer et améliorer l'efficacité de la marque employeur

La cohérence est l'un des ingrédients du succès d'une marque employeur, qui doit donc évoluer à mesure que la collectivité se transforme, se modernise et que ses salariés se renouvellent, les nouveaux arrivants apportant avec eux de nouvelles idées et de nouvelles aspirations.

En outre, il ne faut pas oublier que la marque employeur sert un objectif premier, qui est celui d'améliorer les recrutements en qualité et quantité. Il est donc intéressant d'utiliser des outils quantitatifs et / ou qualitatifs pour mesurer l'efficacité et l'impact réel de l'utilisation d'une marque employeur sur le recrutement. Des questionnaires permettant de recueillir les avis et les retours d'expérience des candidats peuvent être utilisés pour améliorer qualitativement l'expérience proposée dans le cadre de la marque employeur.

La collectivité peut notamment étudier l'évolution du nombre de candidatures reçues, du nombre de postes non pourvus après une campagne de recrutement, du pourcentage de démissions deux ans après le recrutement, ou du nombre de candidats ayant postulé via le site développé dans le cadre de la marque employeur.

7. Être accompagné par un cabinet spécialisé ?

Un certain nombre de cabinets de conseils, notamment ceux spécialisés en ressources humaines, ont développé une activité spécifique autour de la marque employeur. Cette expertise n'est pas récente puisque la notion est apparue dans le secteur privé dès les années 1990. Toutefois, ce sujet constitue bien une nouveauté pour les collectivités territoriales, et les cabinets ont compris l'intérêt porté par ces dernières à cette nouvelle stratégie de ressources humaines.

Ainsi, des cabinets se sont positionnés sur ce marché et se sont spécialisés. Le cabinet ConvictionsRH rappelle sur ce point que le sujet de la marque employeur était auparavant traité par des cabinets de conseil en communication, alors que, désormais, des cabinets de conseil en ressources humaines disposent d'un savoir-faire et de boîtes à outils beaucoup plus spécifiques et ciblés sur ce sujet.

L'accompagnement par un cabinet de conseil spécialisé pourrait faciliter la tâche aux collectivités, pour qui la communication et le marketing ne sont pas le coeur de métier. Ces cabinets apportent leur expérience et leur expertise pour développer la marque employeur la plus efficace et adaptée possible. Pour le cabinet ConvictionsRH, un consultant tiers peut apporter un regard objectif et neuf sur la situation des ressources humaines de la collectivité, et construire des solutions nourries de ses précédentes missions et des bonnes pratiques qu'il a pu observer dans son activité.

Ces cabinets ont non seulement répondu à une demande formulée par les collectivités, mais ils sont aussi proactifs pour mieux faire connaître le principe de la marque employeur aux acteurs publics. Cap'Com, par exemple, organise chaque année le forum des communicants publics et aborde les thématiques de marque employeur et marketing territorial grâce à des ateliers ou des conférences.

Il est vraisemblable que les plus grandes collectivités soient mieux outillées que les collectivités de plus petites tailles. Elles disposent en effet de moyens humains plus importants - directions de la communication et des ressources humaines, notamment - mais aussi d'une surface budgétaire suffisante pour développer une marque employeur en autonomie. Par comparaison, les plus petites collectivités, y compris certaines intercommunalités, auront davantage intérêt à se faire accompagner par des cabinets spécialisés. Cependant, il convient de souligner que faire appel à ces structures a un coût, difficile à évaluer dès lors qu'il dépend du format de la mission - durée, taille de l'équipe, sujets abordés... -, et que le risque peut exister de se voir appliquer des formules rentables économiques plaquées sur le territoire. Une adaptation fine aux réalités locales devra être recherchée.

Il n'appartient pas à vos rapporteurs de trancher sur le caractère indispensable, ou non, du recours à un cabinet spécialisé pour développer une marque employeur. Néanmoins, vos rapporteurs ont souhaité exposer les éléments de cette problématique pour aider les décideurs locaux dans leurs arbitrages.

C. DES EXEMPLES INSPIRANTS DE MARQUE EMPLOYEUR

1. À l'échelle régionale : la marque employeur DEN.bzh, première marque régionale des collectivités territoriales de Bretagne
a) Présentation de la marque employeur DEN.bzh

Votre délégation a auditionné Vincent Le Meaux, président du CDG des Côtes d'Armor, et Chantal Pétard-Voisin, présidente du CDG d'Ille-et-Vilaine, la marque employeur bretonne DEN.bzh.

Elle a été développée par les quatre CDG bretons et en janvier 2023, dans un contexte de crise de recrutement et de déficit d'attractivité de la fonction publique territoriale bretonne. Vincent Le Meaux déplore que, malgré le fait qu'« entre 2015 et 2020, le nombre d'offres d'emploi dans la fonction publique territoriale bretonne ait augmenté de 82 % », seulement une dizaine de candidatures par poste aient été reçues contre « une cinquantaine auparavant », « ce qui conduit à une baisse de la qualité du recrutement ». Il remarque aussi que la fonction publique territoriale fait face à de nombreux départs à la retraite, « notamment parmi les premiers fonctionnaires territoriaux issus de la décentralisation décidée en 1982. Cette dynamique de l'emploi est totalement inédite et de nombreux métiers sont en tension ».

C'est pourquoi, pour pallier le manque d'effectifs actuel et prévenir les tensions de recrutement à venir, les quatre CDG bretons ont décidé de « faire bouger les lignes avec un big-bang en termes de communication et de marketing sur l'emploi public territorial en Bretagne ». Chantal Pétard-Voisin détaille ainsi les objectifs de la marque employeur bretonne : « attirer les talents et les compétences, actuels et en devenir ; redorer l'image de la fonction publique territoriale bretonne ; promouvoir les métiers du « bien vivre ici » au service d'un territoire ; promouvoir les nombreuses possibilités d'évolution ; faire venir de nouvelles personnes et de nouveaux dynamismes afin de renforcer le service public sur l'ensemble du territoire ; mettre en relation les candidats et les collectivités recruteuses ».

b) Les facteurs clefs de réussite

Dans un premier temps, la marque employeur bretonne imaginée par les CDG est caractérisée par une identité forte et des valeurs bien affirmées.

Le nom choisi pour la marque, « Den.bzh », est inspiré de la langue bretonne puisque, comme l'explique Chantal Pétard-Voisin, « en breton, DEN signifie l'être humain. C'est un nom mystérieux pour le lien humain assuré par le personnel territorial de Bretagne ».

Les trois piliers de la marque, qui sont la liberté, la proximité et le mouvement, trouvent leur traduction dans le quotidien des agents territoriaux bretons. La liberté est assurée par le grand panel de postes et de structures qui permettent aux candidats de choisir leur emploi et leur équilibre de vie. La proximité se retrouve dans la diversité géographique de l'implantation des postes proposés, sur le littoral ou dans les terres, en ville ou en commune rurale. Enfin, le mouvement est justifié par les dynamiques professionnelles proposées, la possibilité de participer à des projets innovants qui permettent une adaptation des collectivités aux évolutions de la société.

Dans un deuxième temps, les quatre CDG ont développé une campagne de communication de grande ampleur qui se veut « disruptive, en cassant les codes en en déringardisant la fonction publique territoriale » selon Chantal Pétard-Voisin. De nombreuses affiches ont été installées dans les lieux de grand passage bretons, dans les gares, dans les métros, mais aussi dans les zones périurbaines. Les slogans mis en avant sont les suivants : « Vous pensiez vraiment que l'on manquait d'ambition ici ? », « Vous pensiez vraiment que c'était pour les planqués ici ? » ou encore « Vous pensiez vraiment que c'était uniquement sur concours ici ? ».

La communication intensive est aussi relayée à un niveau local par des communes qui peuvent devenir ambassadrices de DEN.bzh, organiser des journées portes ouvertes ou lancer une campagne de communication locale pour faire connaître l'ensemble de leurs métiers et donner envie à des candidats de les rejoindre.

Casser les codes avec DEN.bzh

Source : La Gazette des communes, « Recrutements : les centres de gestion bretons lancent une marque employeur régionale », 27 janvier 2023

Dans un troisième temps, afin de remplir notamment l'objectif de mise en relation entre les candidats et les collectivités qui recrutent, un site internet de la marque employeur a été créé35(*). Sur ce site, les candidats ont accès à une plateforme interactive de recherche d'offres d'emploi en Bretagne en fonction de critères géographiques. Mais ce n'est pas seulement un portail où déposer son curriculum vitae. Le site propose aussi de nombreuses fiches pour découvrir les emplois de la fonction publique territoriale bretonne, les voies d'accès à ces emplois, et également les offres d'intérim ou de reconversion professionnelle. Enfin, le site se présente comme un média de référence en donnant accès à l'agenda des prochains salons, forums ou job datings, et en mettant à la disposition du candidat des vidéos témoignages, des portraits ou des aides pour se préparer à l'entretien.

Dans un quatrième temps, les quatre CDG restent attentifs à l'évaluation et à l'efficacité de la marque employeur. Chantal Pétard-Voisin insiste sur le fait que « DEN.bzh doit gagner son pari de notoriété, en développant son référencement et des passerelles ». Elle souligne l'importance de l'utilisation des nouvelles technologies : « il y a derrière DEN.bzh toute une ingénierie informatique qui permet une multidiffusion des offres d'emploi sur divers job boards ou sur les réseaux sociaux ». Au total, elle se satisfait que « depuis le lancement de la marque employeur, environ deux candidats sur trois ont entendu parler de DEN.bzh ».

Dans un dernier temps, en ce qui concerne le choix de la strate géographique, Vincent Le Meaux remarque que la mutualisation de la marque employeur dans le cadre d'une collaboration entre les quatre CDG bretons leur a permis « d'aller plus vite, d'être innovants et de rattraper le retard auquel sont souvent confrontées les institutions publiques, notamment sur les réseaux sociaux ». Toutefois, il observe que cette collaboration a été rendue possible par le fait « qu'en Bretagne, l'attractivité de l'emploi public soit gérée par les CDG alors que, partout ailleurs, ce sont les départements qui sont saisis de ce sujet ».

2. À l'échelle départementale : la marque employeur du département des Yvelines

La direction des ressources humaines du département des Yvelines a souhaité développer sa marque employeur afin de répondre à trois objectifs : attirer et recruter des talents qui sauront porter l'ambition du département, mobiliser les collaborateurs et professionnaliser la fonction RH.

La première étape de la construction de la marque employeur a été de clarifier la promesse employeur pour les candidats et les collaborateurs. Ont alors émergé trois piliers : le sens, le développement de l'employabilité de tous les collaborateurs et l'équilibre entre la vie professionnelle et la vie privée.

Après cette réflexion préalable autour de l'offre marque employeur, les canaux de communication digitaux ont été rénovés. Sont concernés le compte entreprise LinkedIn et un site internet dédié au recrutement, où sont notamment disponibles des vidéos présentant des salariés et leur métier.

Mais le département des Yvelines s'est aussi tourné vers la promesse collaborateur. Le but est de former et de faire progresser les collaborateurs en développant une offre de formations diversifiées, ou en organisant des conférences d'experts traitant de sujets de management (la place des femmes dans l'organisation, la responsabilisation des équipes...).

Enfin, de manière à ce que la marque employeur soit adoptée et relayée en interne, la direction des ressources humaines a organisé une formation LinkedIn et une séance photo pour les 300 managers du département, afin de créer une charte graphique harmonisée au sein de la direction du département36(*).

La campagne de recrutement dans les Yvelines

Source : https://recrutement.yvelines.fr/

CONCLUSION GÉNÉRALE

Au fond, si la marque employeur rencontre un intérêt aussi récent que certain dans le monde des collectivités territoriales, c'est qu'elle entre en résonnance avec un enjeu essentiel à l'échelle de la fonction publique territoriale : redonner du sens à la mission. Ce sens conditionne l'engagement, la motivation et la prise d'initiative au quotidien de la part des agents, qui font vivre nos services publics locaux.

Aussi, bien loin de se réduire à un phénomène de mode, la stratégie de la marque employeur doit être interprétée pour ce qu'elle est vraiment : l'opportunité de réfléchir en profondeur à l'identité de la collectivité et de revisiter la relation collectivité employeuse / agent territorial. Les attentes des nouvelles générations arrivant sur le marché de l'emploi y invitaient déjà ; les tensions actuelles sur le marché du travail ne soulignent que plus encore l'intérêt de développer une marque employeur pour travailler à l'attractivité des postes offerts par la collectivité.

Pour autant, chacun a bien conscience que cette stratégie ne peut, à elle seule, résoudre toutes les difficultés auxquelles sont confrontées les collectivités territoriales en termes de recrutement, de fidélisation et de progression de carrière de leurs agents. À cet égard, la mise en place d'une marque employeur ne représente bien évidemment qu'un élément de réponse parmi d'autres. Cette réponse se caractérise toutefois par une particularité fort appréciable : elle ne dépend en effet ni de l'adoption de mesures législatives ni de la publication de règlements. Elle repose uniquement sur la volonté de faire de la collectivité, de ses élus et de ses équipes administratives. Or, on sait que cette « volonté de faire » dans la collectivité rime la plupart du temps avec la « volonté de fer » animant les élus locaux. Puisse donc cette boîte à outils fournie par le présent rapport être utile à se poser les bonnes questions en première approche de tout projet par les élus et leurs équipes.

EXAMEN EN DÉLÉGATION

Jeudi 28 mars 2024

Présidence de Madame Françoise Gatel, présidente

Examen du rapport relatif à la marque employeur des collectivités territoriales

Mme Françoise Gatel, Présidente. - Nous allons examiner ce matin les conclusions de la mission d'information menées par nos trois collègues, Catherine Di Folco, Cédric Vial et Jérôme Durain sur la marque employeur. Jérôme Durain est excusé, puisqu'il est retenu par la commission d'enquête sur le narcotrafic qu'il préside.

Cette mission a conduit un travail très important autour de l'attractivité de la fonction publique territoriale. Nous constatons en effet un certain désintérêt pour les métiers de la fonction publique, quel que soit la branche. Cette tendance est renforcée par le changement sociétal très fort du rapport au travail.

Vous avez engagé, il y a plusieurs mois, cette étude sur l'attractivité. Je vous laisserai présenter vos angles d'attaque. Je rappelle que le premier volet de vos travaux relatif aux secrétaires de mairie a abouti à une loi. Cette loi participe, comme celle sur la protection des élus, de l'apport important du Sénat pour sécuriser l'engagement des élus.

J'étais en réunion hier avec des élus alsaciens. Partout, on constate les mêmes difficultés des élus et leur crainte de ne pas être accompagnés par un personnel compétent face à la complexité normative et à la responsabilité qui est la leur. Cette responsabilité est d'autant plus grande que nos concitoyens se comportent parfois en consommateurs. Chers collègues, vous avez la parole.

Mme Catherine Di Folco, co-rapporteure. - Vous l'avez dit, madame la Présidente, ce rapport est l'aboutissement d'un long travail sur l'attractivité de la fonction publique, et notamment de la fonction publique territoriale. Le premier volet a été présenté en juin 2023. Il portait sur le sujet prégnant des secrétaires de mairie qui a fait couler beaucoup d'encre. À cet égard, je voudrais remercier notre collègue Céline Brulin, qui a la première mis un coup de projecteur sur cette thématique grâce à sa proposition de loi. Nous l'avions votée ici à l'unanimité au Sénat. Cependant, ce texte n'a pas prospéré, puisque le gouvernement n'a pas souhaité l'inscrire à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale. Par opportunisme, un collègue du groupe présidentiel a redéposé une proposition de loi et celle-ci a pu aller jusqu'au bout. On s'en satisfait, puisque les mesures que nous avions introduites dans la proposition de loi Brulin y ont été reprises. Je remercie donc Céline Brulin d'avoir amorcé le travail qui s'est concrétisé par cette loi du 30 décembre 2023 revalorisant le métier de secrétaire de mairie.

C'est aujourd'hui le second volet de notre mission que nous vous présentons. Il traite d'un outil éveillant l'intérêt d'un nombre croissant de collectivités territoriales : la marque employeur. En avril 2023, nous avions, ici même, lancé cette réflexion par une table ronde qui nous avait permis de découvrir la marque « Den-breizh », chère au coeur des centres de gestion bretons.

Afin de comprendre les enjeux gravitants autour de la marque employeur, il convient de replacer cette innovation dans le contexte plus général de la dégradation objective, que l'on peut regretter, de l'attractivité de la fonction publique territoriale. Nous rentrerons ensuite dans le détail de ce nouvel outil, qui mérite assurément l'attention.

La présidente l'a dit tout à l'heure, beaucoup de collectivités peinent à recruter, et ce dans de nombreux secteurs. La perte d'attractivité frappe toutes les fonctions publiques, pas uniquement la territoriale. Le phénomène est bien documenté. Avec mes collègues, nous avons en mémoire l'audition d'une consultante déplorant que la majorité des cadres de la fonction publique rencontrent des difficultés de recrutement.

Tout d'abord, il y a l'arrivée de nouvelles générations sur le marché du travail ; elles ont un autre regard que celui qu'on pouvait avoir autrefois sur la fonction publique. C'est un retournement qui s'est opéré, au point que ce qui était auparavant perçu comme un avantage devient un inconvénient. Souvenez-vous, c'était finalement un aboutissement que de rentrer dans la fonction publique. Autrefois, les parents étaient fiers lorsque leur enfant décrochait un poste dans la fonction publique. Aujourd'hui, la situation s'est inversée. La stabilité de l'emploi devient un repoussoir pour des jeunes diplômés. Conscients de leur valeur marchande, ces derniers ont envie de se faire remarquer que ce soit dans le public ou dans le privé.

Il y a aussi le filtre du concours qui constitue un facteur supplémentaire de désamour. La procédure du concours est jugée longue, complexe, archaïque et très concurrentielle. Finalement, on se rend compte qu'elle rebute de plus en plus de candidats. Tout le monde a également en tête l'aspect salarial qui n'est pas du tout négligeable. A poste similaire, les filières de la fonction publique sont beaucoup moins rémunératrices que le secteur privé. Si cela concerne les trois versants de la fonction publique, le secteur le plus touché par cet aspect, c'est bien la fonction publique territoriale. Vous le savez, 75 % des fonctionnaires de la territoriale relèvent de la catégorie C et donc ils ne sont souvent pas bien loin du SMIC.

Et puis, il y a le management qui est perçu comme trop hiérarchique. On retrouve dans ce registre de reproches les attributs souvent attachés à la bureaucratie : le manque de souplesse interne, le côté déresponsabilisant de l'organisation, l'esprit d'initiative contrecarré par le poids des procédures et les niveaux de validation. Or, sur le marché de l'emploi, près d'un candidat sur deux cite le critère de la bonne entente avec le management parmi les critères déterminants dans le choix du poste. Il me semble quand même que le développement des formations pour les managers devrait permettre une amélioration dans ce domaine.

Dans ce paysage d'emploi de la fonction publique qui n'est guère réjouissant, certains traits spécifiques à la territoriale alourdissent encore plus la barque. Cela est d'autant plus dommageable que les métiers de la territoriale sont pourtant ancrés dans le concret, porteurs de sens et implantés dans un territoire. Ces fonctions peuvent donc parfaitement convenir aux aspirations professionnelles de ceux voulant travailler en mode projet, désireux d'une chaîne hiérarchique courte ou attirés par la digitalisation et l'innovation.

Hélas, la filière d'emploi de la territoriale souffre d'être trop méconnue. On le sait tous, les métiers de la territoriale sont méconnus, et pourtant ils sont nombreux. On ne connaît pas les possibilités de recrutement et on ne connaît pas non plus les possibilités de mobilité. À titre d'illustration, une partie des demandeurs d'emploi continue de croire que le rôle des agents se limite à l'accueil en mairie ou à l'entretien de la voie publique. Lorsque l'on rentre dans une mairie, on voit les agents. Lorsqu'on circule sur la voie publique, on voit les agents qui nettoient, mais il y a tellement d'autres métiers. En réalité, on se rend compte que la territoriale ne dispose pas d'une vitrine médiatique permettant de bien cerner ses métiers, au contraire de la fonction publique d'État, dont la visibilité est assurée par des reportages, des documentaires, des films et des séries mettant en scène les forces de l'ordre, les enseignants, les magistrats. On a tous en mémoire ces spots publicitaires ou les séries policières montrant le fonctionnement des commissariats, etc... Le degré de méconnaissance est tel qu'un sondage commandé par la direction interministérielle de la transformation publique révèle que 10 % des répondants croyaient qu'il faut être élu pour exercer dans la fonction publique territoriale, tandis que 26 % pensaient qu'il faut résider dans la commune où se trouve le poste. Il y a vraiment une très grande méconnaissance. Force est de constater que l'information diffusée dans le cursus scolaire ne permet pas de redresser cette distorsion et que l'enseignement supérieur met surtout en avant les concours de la fonction publique d'État. Je crois que la territoriale a bien pris conscience de ce retard et que, de plus en plus, il est question de participer à des forums d'étudiants. Je suis persuadée que ce genre d'initiatives fera connaître les métiers.

Ce qu'on appelle aussi l'expérience candidat est un facteur nuisant à l'attractivité de la territoriale. Sur bien des aspects, le cheminement d'un candidat pour intégrer une structure territoriale reste perfectible. Les offres d'emploi font certes l'objet d'une obligation de publicité lors d'une vacance de poste. Il arrive cependant très fréquemment que le poste en question soit déjà pourvu en interne. Ce biais conduit parfois des candidats extérieurs à ne même plus déposer leur candidature, afin d'éviter une perte de temps inutile. Concernant les fiches de poste, les candidats souhaitent également davantage de transparence sur les prérequis. Est-ce que ce poste est bien accessible aux contractuels, par exemple ? Dans le cas où le poste est ouvert en priorité aux fonctionnaires, quels sont les concours privilégiés ? Lesquels peuvent être équivalents ? Il faut le reconnaître, les collectivités locales publient des offres de postes avec des descriptions qui sont souvent peu attrayantes ou peu éclairantes. Que font concrètement un rédacteur et un attaché ? L'information est bien souvent trop juridique pour être comprise par des personnes qui ne sont pas dans la fonction publique.

Il convient toutefois de relativiser quelque peu ce jugement d'ensemble assez pessimiste. En pratique, les collectivités territoriales ne sont pas toutes égales face aux difficultés de recrutement. Leur attractivité varie en fonction de leur taille, mais aussi de leur localisation géographique. Dans une petite commune rurale, les recrutements sont souvent plus difficiles en raison de l'éloignement ou du risque d'isolement. Les petites collectivités offrent moins de perspectives de déroulement de carrière. Elles proposent des métiers exigeant de la polyvalence. On l'a vu avec le métier des secrétaires de mairie. En outre, c'est important, l'emploi du conjoint y est également parfois beaucoup plus difficile. Les familles regardent également les filières pour les études des enfants. Dans une grande agglomération, c'est un frein d'une autre nature qui joue : le coût de la vie, qui peut être très élevé. Comme je vous l'ai dit tout à l'heure, on a beaucoup d'agents de catégorie C dans la fonction publique territoriale, qui sont souvent rémunérés au SMIC. En matière de localisation, certaines zones géographiques sont plus prisées que d'autres. La proximité de la mer, un climat favorable, une bonne desserte en transport font par exemple de l'Ouest et du Sud de la France des territoires disposant d'atouts supplémentaires lorsqu'il s'agit de séduire les candidats.

Au total, selon le baromètre de la marque employeur du secteur public établi par la Gazette des communes, les trois types de collectivités les plus attractives sont les conseils départementaux, les métropoles et les communes de 500 à 5 000 habitants. À contrario, les trois catégories de collectivités ou d'établissements les moins attractifs sont les communes de moins de 500 habitants, les centres de gestion, sans doute parce qu'on ne sait pas du tout ce qui se passe dans ces centres, et les services départementaux d'incendie et de secours.

M. Cédric Vial, co-rapporteur. - Dans le contexte qui vient d'être décrit, la question est de savoir ce que peut apporter une marque employeur.

D'abord, à quoi renvoie exactement ce terme sibyllin pour les non-initiés ? La marque employeur correspond à un ensemble d'outils et de stratégies de communication et de marketing permettant à la fois de valoriser un employeur auprès de candidats potentiels, mais aussi de fidéliser et de conserver les talents. Elle se construit à partir de l'image de la collectivité en tant qu'employeur et de sa réputation, mais aussi de sa capacité à fournir un environnement de travail correspondant aux attentes.

À cet égard, je crois nécessaire de souligner un point très important dans le contexte actuel de guerre des talents et de tensions sur le marché du travail. La logique de recrutement tend à s'inverser. Il faut en avoir conscience. Les employeurs doivent désormais s'efforcer de séduire les candidats et de devenir des employeurs de choix.

La marque employeur peut y aider, à condition que la collectivité s'astreigne à un travail de fond afin de définir précisément sa culture et son identité, ainsi que les pratiques professionnelles susceptibles d'être valorisées. L'un des meilleurs exemples à cet égard dans le secteur public correspond probablement à la marque employeur de l'armée de terre qui innove en permanence pour recruter les candidats.

La marque employeur permet de contrecarrer les idées reçues, altérant l'image des fonctionnaires. Face aux critiques portant sur l'organisation prétendument désuète, les déficiences en management ou encore le peu de responsabilisation, les collectivités territoriales ont tout à gagner à faire découvrir la variété et la réalité des emplois qu'elles offrent. Des vidéos de témoignages des agents de la collectivité sont souvent des supports appréciés par les candidats potentiels, ce que pratique le Sénat par exemple. En effet, qui de mieux pour parler de la diversité des métiers que ceux qui les exercent ? Il s'agit pour les collectivités de mettre en avant et de diffuser à grande échelle leurs nombreux atouts. Elles peuvent valoriser leur mission de service public, leur proximité avec les administrés, leur participation à l'intérêt général, le respect de la vie personnelle des agents, etc.

Attention, la marque employeur d'une collectivité territoriale ne doit pas être confondue avec du marketing territorial. Le marketing territorial est déjà largement mis en oeuvre et de longue date. Il vise à mettre en avant les atouts d'une collectivité pour attirer des personnes mais aussi des entreprises, des infrastructures, des événements culturels. La marque employeur et le marketing territorial sont donc différents, mais complémentaires. Le marketing territorial apporte des arguments supplémentaires pour inciter les candidats potentiels et leurs familles à prendre un emploi au sein de la collectivité.

À ce stade de la présentation, je veux insister sur le sens de mon propos. Il ne s'agit pas de dire et encore moins de croire que la marque employeur permet de résoudre tous les problèmes et serait une potion magique qui marche à tous les coups. Pour que la réussite soit au rendez-vous, encore faut-il satisfaire à quelques conditions. Je conclurai donc mon exposé par les facteurs clés de réussite que nous avons pu identifier avec mes collègues rapporteurs.

Tout d'abord, avant de se lancer dans la création d'une marque employeur, il est nécessaire de s'interroger sur la stratégie géographique pertinente. La multiplication des marques employeurs brouille les identités des collectivités. À l'inverse, créer une marque pour un territoire trop large peut conduire à escamoter les spécificités et les avantages locaux. La marque employeur risque alors d'être trop éloignée de la réalité du terrain. Il paraît donc assez évident que les plus petites communes n'ont pas assez de moyens à consacrer au développement d'une marque employeur. J'y reviendrai. Cette stratégie semble d'ailleurs moins pertinente à une petite échelle puisque les besoins en recrutement de la collectivité sont beaucoup plus ponctuels. Intuitivement, il paraît donc plus avisé de créer une marque employeur à une échelle plus large au niveau des métropoles, des intercommunalités, des départements ou des régions.

Le deuxième facteur clé de réussite réside dans la définition d'une identité et d'une proposition d'employeur claire. Or, les consultants que nous avons auditionnés le soulignent, même si le niveau de salaire reste essentiel pour une grande majorité des candidats, leur motivation évolue. Parmi les critères de choix les plus déterminants, on peut notamment citer l'équilibre entre la vie personnelle et la vie professionnelle, l'ambiance de travail, l'entente avec le management, la flexibilité et le sens trouvé dans le travail. La crise sanitaire a d'ailleurs contribué à accélérer ce changement de paradigme et les jeunes diplômés sont désormais particulièrement attentifs aux critères sociétaux.

Le troisième facteur clé de la réussite passe par l'étroite association des élus et des équipes locales à l'élaboration de la marque employeur. En d'autres termes, il faut embarquer l'ensemble des équipes pour que la marque reflète bien la réalité du terrain, mais il faut aussi faire participer les élus qui seront ensuite d'excellents relais locaux pour la diffusion de cette marque.

La quatrième condition de réussite consiste en la nécessité d'embrasser dans le chantier de construction de la marque autant le recrutement que la fidélisation des candidats. Dans cette perspective, les agents en poste doivent être invités à participer à l'évolution de la marque employeur et peuvent même continuer à en être les ambassadeurs après leur départ de la collectivité.

Si une collectivité veut se lancer dans l'élaboration d'une marque employeur, une dernière question se pose, faut-il être accompagné par un cabinet spécialisé ? Un certain nombre de cabinets de conseil, notamment ceux en ressources humaines, ont développé une activité spécifique autour de la marque employeur. Cette expertise n'est pas récente, puisque la notion est apparue dans le secteur privé dès les années 90. Toutefois, ce sujet constitue bien une nouveauté à l'échelle des collectivités territoriales, et les cabinets ont compris l'intérêt à développer leur offre dans cette direction. L'accompagnement par un cabinet de conseil spécialisé semble donc faciliter la tâche aux collectivités pour qui la communication et le marketing ne sont pas le coeur de métier. Mais encore une fois, la taille de la collectivité a son importance. Elle conditionne de fait largement la pertinence du recours à un cabinet. Les plus grandes collectivités sont mieux équipées pour se lancer sans accompagnement. Elles disposent de moyens humains plus importants, direction de la communication, des ressources humaines notamment, mais aussi d'une surface budgétaire suffisante pour développer une marque employeur en autonomie. Par comparaison, les plus petites collectivités, y compris certaines intercommunalités, auront probablement davantage intérêt à se faire accompagner par des cabinets spécialisés. Mais bien évidemment, faire appel à ces structures comporte un coût qui reste difficile à évaluer dès lors qu'il dépend du format de la mission, de la durée, d la taille ou encore du sujet abordé.

En conclusion, si la marque employeur rencontre un intérêt aussi récent que certains dans le monde des collectivités territoriales, c'est qu'elle entre en résonance avec un enjeu essentiel à l'échelle de la fonction publique territoriale, celui de redonner du sens à la mission, bien loin de se réduire à un pur phénomène de mode. La stratégie de la marque employeur doit être interprétée pour ce qu'elle est vraiment, à savoir l'opportunité de réfléchir en profondeur à l'identité de la collectivité et de revisiter la relation collectivité-employeuse-agent territorial. Les attentes des nouvelles générations arrivant sur le marché de l'emploi y invitaient déjà. Les tensions actuelles sur le marché du travail ne soulignent que plus encore l'intérêt de développer une marque employeur afin de travailler à l'attractivité des postes offerts par la collectivité.

Bien évidemment, nous en sommes tous conscients, cette stratégie ne peut à elle seule résoudre l'ensemble des difficultés auxquelles sont confrontées les collectivités territoriales en termes de recrutement, de fidélisation et de progression de carrière de leurs agents, mais elle offre une corde de plus à l'arc des réponses. Avec mes collègues, nous avons donc voulu fournir une boîte à outils et poser les bonnes questions pour faire gagner du temps aux élus qui souhaiteraient demain se lancer dans la démarche d'une marque employeur. Et nous espérons ainsi, sans en être certains, avoir fait oeuvre utile.

J'ajouterai une remarque. La prise de conscience de la compétition entre les employeurs pour recruter des collaborateurs me semble parfois être absente des politiques de ressources humaines (RH), ou en tous les cas, pas assez présente. On cherche à attirer des collaborateurs grâce à un environnement, à des conditions de travail. En retour, il ne faut pas oublier que l'expertise du collaborateur doit aussi être un critère de sélection, me semble-t-il, dans les démarches RH.

Mme Françoise Gatel, Présidente. - Je vous remercie pour ce travail sur un sujet essentiel. En effet, nous devons sensibiliser l'ensemble des acteurs à la nécessité de parler différemment, vous l'avez dit l'un et l'autre à votre manière, aux candidats qui pourraient être intéressés. Ce que l'on sait de l'évolution du rapport au travail touche évidemment les collectivités, mais les élus n'en sont peut-être pas suffisamment conscients. À part les experts, personne ne sait ce qu'est le métier de rédacteurs. On a besoin de métiers essentiels. On parlait du métier de secrétaire de mairie, par exemple. On a aussi de nouveaux métiers. Je pense à des métiers sur la cybersécurité, l'urbanisme, ect ... On voit bien également que les grandes collectivités sont souvent les plus attrayantes, pour les candidats, parce qu'elles offrent des conditions de travail plus adaptées. De ce fait, il y a une sorte de transfert des candidats vers les intercommunalités.

Nous avons conduit un travail important sur le statut de l'élu. L'envie de s'engager est renforcée lorsque l'élu sait qu'il a autour de lui un staff, même léger, qui va le sécuriser, le protéger, l'accompagner et qui apportera l'expertise nécessaire au pilotage de la collectivité.

Votre contribution est tout à fait essentielle et je trouve qu'elle tombe au bon moment.

M. Cédric Chevalier. - Je voudrais tout d'abord remercier les trois rapporteurs. Effectivement, le constat n'est pas propre à la fonction publique territoriale, il peut être étendu aux autres versants de la fonction publique et au secteur privé en général. Il faut observer la jeune génération. Aujourd'hui, les jeunes témoignent dans leur cursus d'une forte mobilité. À partir du moment où ils ont goûté à cette mobilité, leur périmètre de recherche d'emploi n'est pas uniquement local, régional mais également national, voire international. La concurrence est rude.

J'entends ce qui a été dit, notamment sur le fait de retrouver du sens et des conditions de travail. Aujourd'hui, la plupart des jeunes entrent sur le marché du travail en cherchant une certaine forme de sens. L'aspect financier n'arrive que dans un second temps.

Je voulais simplement revenir sur ce qu'a dit, tout à l'heure, Cédric Vial, sur la définition de la marque employeur. En fait, je me pose la question de la pertinence d'une évolution des règles, en termes de management. Tout à l'heure, Catherine di Folco parlait de cette image un peu archaïque de la fonction publique territoriale, mais il y a aussi une forme de rigidité. On a, dans ce pays, des gens qui sont très bons techniquement, mais il nous manque un aspect managérial avec une certaine agilité. Cédric Vial mentionnait la technicité en conclusion de son propos. Mais est-elle aujourd'hui une vraie réponse ? Sur l'aspect managérial, ne faut-il pas imaginer de nouveaux leviers pour valoriser les collaborateurs méritants ?

Les règles doivent certainement évoluer pour donner beaucoup plus d'agilité et de souplesse aux personnels encadrants, pour valoriser, pour trouver un sens, pour progresser aussi en termes de compétences. La réflexion autour d'un véritable parcours doit être engagée.

Je trouve que le cadre, aujourd'hui, est peut-être un peu trop rigide par rapport à ça. Et comme je peux être provoquant, j'ai envie de poser la vraie question : faut-il encore un statut de la fonction publique territoriale ?

M. Lucien Stanzione. - Je vais aller dans l'autre sens, par rapport à l'intervention de notre collègue. Je voudrais revenir sur les propos de Catherine Di Folco et sur la question de l'accès à la fonction publique par les concours. Cette remarque pose la question du statut, bien évidemment. Je crois qu'il y a aussi une notion de la valorisation, ou de dévalorisation, des emplois si l'on en vient à envisager la disparition du concours. Pour les fonctionnaires qui nous écoutent, ils doivent réfléchir à leur sort. Le concours permet l'égalité des chances face à un poste, et enlève une certaine part d'arbitraire dans le recrutement. Il est le fondement du statut de la fonction publique.

Je ne trouve pas souhaitable de libéraliser complètement le dispositif par rapport au recrutement, au statut et au déroulement de carrière. La réforme du concours pose la question de la carrière. Comme certains d'entre nous, j'ai été fonctionnaire tout au long de ma vie. Dans la fonction publique, on progresse en travaillant et en certifiant, de temps en temps, les capacités qu'on a pu acquérir. C'est un long débat, mais c'est une remarque.

Mme Céline Brulin. - Je ne vais pas venir sur le sujet du statut, parce que vu le temps imparti, je pense qu'on déborderait forcément, mais c'est un vrai sujet qu'on aura à traiter, puisque de toute façon, une réforme est envisagée. On aura ce débat, et il me semble effectivement nécessaire.

Je voulais d'abord remercier les rapporteurs. Évidemment, nous voyons bien ce qu'une marque territoriale peut apporter en termes d'attractivité et de valorisation. Vous avez bien pointé la concurrence entre les plus grosses et plus petites collectivités, et même entre territoires. Nous en sommes bien conscients, étant nous-mêmes issus de régions diverses.

Je m'interroge sur le rôle du Centre National de la Fonction Publique Territoriale (CNFPT) dans ce travail de valorisation des métiers de la fonction publique territoriale, ces métiers étant effectivement extrêmement nombreux et variés. Une des richesses de ces métiers, c'est précisément de pouvoir être mobile, à la fois dans des strates de collectivités, mais aussi géographiquement.

Vous évoquiez l'armée de terre. Je pense que la réussite des campagnes de communication de l'armée de terre consiste à montrer à la fois cette entité globale et la diversité des métiers qui peuvent s'y retrouver.

Et puis, le second sujet, mais là non plus on ne va pas pouvoir le traiter dans cette matinée, vous l'avez dit, c'est la rémunération. C'est particulièrement vrai pour les catégories les plus basses, je ne le dis pas de manière péjorative, puisque régulièrement, il faut remettre les salaires au niveau du SMIC dès que le SMIC augmente. Nous avons eu le débat sur la médecine scolaire. Recruter des médecins dans la fonction publique aujourd'hui est très compliqué car les salaires ne sont pas du tout attractifs. C'est une question redoutable, puisqu'on l'a vu avec les augmentations légitimes du point d'indice qui sont intervenues ces derniers temps, cela met les collectivités dans un drôle de dilemme financier : est-ce que je recrute des personnels compétents et rémunérés en conséquence, quitte à devoir revoir à la baisse des services à la population ? Parce que parfois, les choses se posent en ces termes-là, et je pense que c'est aussi une question sur laquelle il va falloir se pencher.

M. Cédric Vial. - Je commence par réagir à vos questions, puis je laisserai Catherine Di Folco compléter. Je vais répondre à Cédric Chevalier, partiellement au moins, sans faire non plus le débat sur le statut de la fonction publique. En tout cas, ce qui est certain, c'est que si on en est là, aujourd'hui, à devoir développer des stratégies de marque employeur, c'est qu'il y a un problème d'attractivité du statut de la fonction publique. Donc, est-ce qu'il faut revoir le statut ou pas ? Effectivement, c'est un autre débat.

Le problème d'attractivité du statut oblige les collectivités à déployer des stratégies pour attirer des collaborateurs. La question du concours est un corollaire. Le concours était une manière de départager des candidats. On avait 1 000 candidats et 100 postes, on organisait un concours pour les départager. Aujourd'hui, c'est plutôt l'inverse, on a 100 postes et 50 candidats, et donc, on déploie des stratégies pour aller chercher de nouveaux candidats. La charge de la preuve s'est inversée. Là où le candidat devait faire preuve d'imagination pour essayer de se faire remarquer, de se faire recruter, aujourd'hui, c'est la collectivité qui doit faire preuve d'imagination pour se faire remarquer par le candidat et se faire accepter ou choisir par lui. La plupart du temps, on veut recruter des fonctionnaires qui ont déjà eu le concours. C'est plutôt une démarche d'attractivité face à une mobilité plus forte. On est, pour l'instant, dans une logique qui n'est pas complètement en concurrence avec le concours. Mais, effectivement, on vient pallier des manques qui sont liés à celui du statut, à l'attractivité du métier, à des questions de rémunération ou autre.

Après, la question sur le management. Évidemment que c'en est une dans toutes les collectivités et avec des prégnances différentes selon la taille de la collectivité. Le management dans une collectivité de 500 habitants, effectivement, ou de 250 000 habitants, n'est pas tout à fait la même. Et les outils à disposition ne sont pas tout à fait les mêmes non plus. J'allais dire, le marketing, la marque employeur, c'est une manière de mettre en avant ses atouts. On a beaucoup parlé de la Bretagne. Celle-ci dispose d'atouts environnementaux, d'un cadre de vie, d'atouts gastronomiques probablement aussi. D'autres départements n'ont pas tous ces attraits, mais sont contraints d'en trouver. Ils valorisent avec plus d'ingéniosité les techniques managériales, le cadre de vie au travail, etc... Chacun déploie les atouts qu'il peut.

La marque employeur est plutôt conçue pour promouvoir les avantages offerts par une collectivité, plutôt que pour remédier à une situation déficitaire dès le départ. Je ne veux pas être plus long. Je laisse Catherine di Folco compléter sur le CNFPT et les autres sujets.

Mme Catherine Di Folco, co-rapporteure. - Un petit mot sur le statut, sans entrer dans le débat, mais c'est une remarque très importante. Moi, je pense qu'il faut encore conserver le statut de la fonction publique parce que c'est quand même, comme vous le disiez, la garantie du traitement égalitaire d'un agent, quel que soit le territoire. Le statut est le même pour tout le monde.

Je pense qu'il y aurait des mesures de simplification du statut. Comment peut-on faire plus compliqué que le statut de la fonction publique ? Mais au moins, il garantit qu'un agent en Bretagne, s'il part en Rhône-Alpes, aura les mêmes avantages liés à son statut. Pour autant, il faut lui apporter de la souplesse. C'est là où je rejoins notre collègue Cédric Chevalier. Je pense qu'il faut de l'agilité et de la souplesse. On a commencé à le faire lors la dernière réforme d'importance, celle de la transformation de la fonction publique en 2019 par laquelle où on a ouvert des possibilités d'engager des contractuels. Je sais que tout le monde n'apprécie pas forcément ça, mais il n'empêche que ces ouvertures-là ont été salutaires. J'en veux pour preuve notamment les contrats de projet. Je suis un employeur d'une collectivité un peu importante. Je crée un service, par exemple informatique. Je n'ai pas les outils en interne, mais j'ai besoin d'une compétence particulière. Une fois que mon service sera créé, qu'il fonctionnera, je n'ai pas besoin d'avoir ce fonctionnaire en permanence. Donc je recrute un contractuel pour ce projet bien précis, pour une durée déterminée, et au moins, je me dote des compétences que je n'avais pas en interne. Je pense que ça peut fonctionner. C'est une souplesse qui est offerte par le code de la fonction publique.

Vous savez qu'un chantier a été ouvert il y a un an maintenant, par le ministre de la Transformation et de la Fonction publique, sur l'accès, le parcours et la rémunération des agents publics. Je crois que l'on embrasse vraiment tous les sujets dont on a parlé. Quand on passe un concours dans la fonction publique, ce n'est pas forcément pour répondre à un emploi. Cédric Vial l'a dit. C'est pour rentrer à un niveau, à une catégorie, dans la fonction publique. Je passe un concours pour être rédacteur. Je passe un concours pour être attaché. Mais je ne passe pas le concours pour forcément être employé au service urbanisme. Donc le concours permet de mettre tous les candidats sur la même ligne de départ pour prétendre à rentrer à un certain niveau de la fonction publique. Les concours ont été, et ils le seront encore davantage dans l'avenir, toilettés.

Lorsqu'on évoquait la difficulté des concours, notre collègue Céline Brulin a mentionné le recrutement d'un médecin scolaire dans la fonction publique. Il faut alléger le concours d'entrée dans la fonction publique pour ce médecin. On ne peut pas, au travers d'un concours, apprécier sa valeur professionnelle. C'est déjà un professionnel puisqu'il est médecin. Par contre, il faut qu'on s'assure qu'il connaisse l'environnement de travail de la fonction publique territoriale. Il faut généraliser les concours sur titre. Il faut les développer de plus en plus, parce que c'est idiot d'aller repasser, en quelque sorte, des unités de valeur pour attester d'une compétence professionnelle. Le ministère a conscience qu'il faut revoir un peu certains concours.

Par rapport au CNFPT, je suis complètement d'accord. Le CNFPT a un rôle à jouer, évidemment, pour valoriser les métiers. Encore faut-il qu'il ait les moyens de le faire. Toutes les campagnes qu'on voit sur l'armée de terre, sur la police, etc., cela représente des budgets. Et quand on voit les financements du CNFPT, ils sont un petit peu contraints, on va dire. Le ministère peut donner les moyens au CNFPT d'aller dans le sens souhaité.

Comme on le disait, qui mieux que les personnels de la fonction publique territoriale pour en parler et parler de ses métiers ? Je crois beaucoup au travail en cours sur la rémunération. Céline Brulin l'a bien dit, avec la revalorisation des points et puis l'augmentation du SMIC, on a écrasé certaines grilles. On l'expliquait un jour quand on avait reçu le ministre, justement : bientôt, des fonctionnaires de catégorie B vont être au SMIC. Et d'ici une dizaine d'années, des fonctionnaires de catégorie A le seront aussi. Donc, c'est très peu attractif. Mais il s'agit d'un chantier colossal :  revoir complètement le système de rémunération. Est-ce qu'il faut encore des grilles ? Je ne sais pas. On a grand espoir que ça bouge, mais ça ne va pas bouger très vite parce que c'est très, très compliqué.

En tout cas, avec mes collègues co-rapporteurs, je pense que nous avons vraiment apprécié de travailler sur ce sujet de l'attractivité de la fonction publique territoriale. Merci de nous l'avoir confié.

Mme Françoise Gatel, Présidente. - Merci pour ce travail de fond. Ce rapport s'inscrit aussi, d'une manière fort pertinente, dans les travaux et les évolutions qui pourraient être présentées par le gouvernement sur le sujet. Donc, merci de nourrir notre réflexion et d'éclairer ce sujet parfois un peu invisible, mais vous, vous l'avez vraiment mis en lumière. Je pense que c'est un sujet clé pour la démocratie locale.

Chers collègues, je vous soumets à présent l'adoption des recommandations ce rapport.

Le rapport est adopté à l'unanimité des sénateurs présents.

AUDITION PAR LA DÉLÉGATION SÉNATORIALE AUX COLLECTIVITÉS TERRITORIALES ET À LA DÉCENTRALISATION : «LA MARQUE EMPLOYEUR : UN NOUVEAU TERRITOIRE À CONQUÉRIR POUR NOS COLLECTIVITÉS ? »

Jeudi 6 avril 2023

Présidence de Mme Françoise Gatel, présidente

Mme Françoise Gatel, présidente. - Mes chers collègues, je salue Marie-Laure Blot, chef de projet en marque employeur au sein du cabinet « We feel good », Yves Charmont, délégué général de Cap'Com, Chantal Pétard-Voisin, maire de Le Rheu et présidente du centre de gestion d'Ille-et-Vilaine (CDG 35), Vincent Le Meaux, maire de Plouëc-du-Trieux, président de Guingamp-Paimpol Agglomération, président du centre de gestion des Côtes d'Armor (CDG 22) et premier vice-président de la Fédération Nationale des Centres de Gestion et, enfin, Delphine Morin, chargée de mission pour la marque employeur des CDG bretons.

L'attractivité de la fonction publique territoriale constitue un vrai sujet. J'ai rencontré hier, au cours d'une réunion de l'association des maires d'Île-de-France, un cabinet comptable qui assiste à un phénomène assez nouveau, des communes externalisant de plus en plus de fonctions, y compris des fonctions comptables, en raison de difficultés de recrutement.

Cette problématique est bien documentée, notamment grâce au rapport de Philippe Laurent, président du Conseil supérieur de la fonction publique territoriale (CSFPT). Les collectivités territoriales rencontrent de vraies difficultés pour attirer et pour fidéliser des personnels, ce qui contribue, dans les petites communes, au « désenchantement » des maires. C'est l'une des causes de leur découragement. L'enjeu est pourtant colossal. En effet, la complexité de la législation nécessite du personnel qualifié.

Le rapport de notre délégation ne sera pas un nouveau cahier de doléances. Il a pour objectif de repérer et de diffuser des bonnes pratiques et des idées innovantes, par exemple le concept de marque employeur.

La notion de marque employeur recouvre une technique marketing, utilisée par des services de ressources humaines, qui vise à valoriser l'image d'une collectivité territoriale vis-à-vis de jeunes diplômés, d'agents et de salariés susceptibles de candidater.

Pour s'approprier cette technique et conduire les changements qu'elle implique, les collectivités ont besoin d'être accompagnées dans leurs premiers pas. C'est la vocation de votre cabinet de conseil, « We feel good », Mme Marie-Laure Blot. Vous nous direz quelle méthodologie est la vôtre, les succès remportés, mais aussi les difficultés rencontrées. Votre expérience métier est d'autant plus appréciable que, intervenant aussi bien auprès d'entreprises du secteur privé que de collectivités publiques, vous êtes en mesure d'établir des parallèles et des comparaisons. On peut d'ailleurs imaginer que les effets d'apprentissage que vous avez capitalisés avec les acteurs privés rejaillissent utilement du côté des collectivités.

M. Charmont, vous êtes le délégué général de Cap'Com. C'est un réseau fédérant plus de 20 000 professionnels de la communication publique et territoriale. Vous avez récemment rendu publique une étude intitulée « La marque employeur au sein des collectivités territoriales : état, diagnostic et bonnes pratiques ». Nous attendons avec impatience sa présentation, mais je relève que vous semblez d'ores et déjà convaincu de l'importance de la marque employeur. Vous estimez que les collectivités territoriales doivent être très visibles et savoir se vendre.

Après ces deux interventions, les centres de gestion bretons présenteront leur démarche consistant au lancement de leur propre marque à l'échelle régionale. Beaucoup d'entre nous connaissent le label « produit en Bretagne », dont la notoriété s'élève à 75 %. Il est donc pertinent de s'appuyer sur l'image d'un territoire. Les centres de gestion ont choisi de capitaliser sur la marque DEN.bzh. Cette vitrine fédère déjà 2 200 collectivités et concerne 95 400 agents.

Je vous remercie tous de votre présence et de contribuer à nourrir notre réflexion sur un sujet essentiel pour les maires.

M. Yves Charmont, délégué général de Cap'Com. - Je vous remercie, Madame la présidente, pour votre invitation. Je vais donc vous présenter les principaux enseignements de notre étude avant de répondre à vos questions.

Cap'Com est la fédération professionnelle de la communication publique et territoriale. Je suis ici au titre de sa première mission, portant sur les études, les interventions et les partenariats. Cap'Com fait aussi de la formation et organise des événements. Depuis 35 ans, nous réfléchissons à ce qu'est la communication publique et territoriale.

En mars 2022, nous avons mené une étude sur la marque employeur au sein des collectivités territoriales. 230 collectivités ont été interrogées, avec des questionnaires assez longs.

Près de la moitié des collectivités interrogées ont inscrit la marque employeur dans leurs objectifs et 97 % estiment que ce sujet est important pour qu'elles puissent demain continuer à travailler. Les services de la communication interne, de la communication externe et des ressources humaines sont les plus concernés par ce sujet. Ils sont suivis par les directions générales des services, ce qui montre que l'enjeu du recrutement est bien compris par les collectivités. En revanche, les élus et l'encadrement sont moins impliqués dans la marque employeur.

Les thématiques de la responsabilité sociale et environnementale (RSE), de l'organisation du travail, notamment la qualité de vie au travail, et de l'image de la collectivité sont au coeur des stratégies de marque employeur.

D'autres éléments sont mis au second plan, tout en étant utiles au développement d'une marque employeur : la culture managériale (il est plus difficile, avec une mauvaise culture, d'attirer des candidats) ; des conditions de travail stimulantes ; des valeurs de service public donnant du sens.

Parmi les outils les plus fréquemment cités dans la mise en oeuvre de la marque employeur, il y a l'utilisation du réseau social professionnel LinkedIn, la valorisation des métiers à l'aide de vidéos et l'événementiel.

Si 57 % des 229 collectivités interrogées prévoient de se doter d'une stratégie de marque employeur, les collectivités sont moins en avance sur cette question que de nombreuses entreprises privées. Quand elles existent, les stratégies ont généralement été développées à l'échelle des départements.

Lors d'un événement, nous avons accueilli Olivier Destefanis, responsable marque employeur de l'armée de terre. L'armée recrute chaque année 10 000 personnes et aura besoin, dans les années à venir, de 5 000 spécialistes en sécurité informatique. Comme les entreprises, elle utilise des masses de données pour mieux cibler sa communication sur sa marque employeur.

Les collectivités territoriales sont aujourd'hui prêtes à développer une marque employeur car elles ont appris les mécanismes du marketing. Marketing est un terme anglais qui signifie commercialisation. Même si le commerce n'a pas grand-chose à voir avec le service public, le marketing territorial existe depuis très longtemps. Après les lois de décentralisation des années 1980, les territoires sont dans une forme de concurrence, par exemple pour attirer des activités. Cette autonomisation des territoires a poussé les élus à distinguer les différents échelons territoriaux. Ils ont eu recours à des outils marketing adaptés au service public. Des marques très puissantes de territoires se sont développées dans les années 2010, notamment Only Lyon et la marque Bretagne. Elles ne se contentent pas d'un logo mais associent tous les acteurs des territoires, utilisent des ambassadeurs et travaillent sur la notoriété du territoire.

Aujourd'hui, les marques de territoire se focalisent sur l'attraction des talents et des compétences, ce qui les amène à la marque employeur. Elles ne sont plus focalisées sur l'objectif de faire venir des activités, mais elles s'efforcent de faire venir des familles, notamment dans les territoires ruraux. Elles mettent en avant la qualité de vie pour inciter des actifs diplômés à s'installer sur leur territoire et soutiennent les marques employeurs des entreprises.

La Bretagne est toujours très en avance sur le marketing territorial. Quimper Cornouailles fournit ainsi des outils aux entreprises pour qu'elles développent leur propre marque employeur en utilisant la valorisation du territoire. La région des Hauts-de-France a organisé des assises de la marque employeur en 2022. Elle consacre beaucoup de moyens à la marque employeur, car elle sait que la question de l'attractivité du territoire est essentielle et que les démarches des différents acteurs doivent être coordonnées.

Les départements sont aujourd'hui à la pointe du développement de la marque employeur mais, demain, les grandes métropoles, les villes et, peut-être, les intercommunalités dans les espaces de ruralité s'y intéresseront. Ce mouvement n'est pas sans rappeler celui du marketing territorial.

Le département des Yvelines a beaucoup travaillé sur sa marque employeur, portée par Myriam Lepetit-Brière, directrice des ressources humaines venant du privé. Une marque employeur cherche à attirer et recruter des talents, permet de mobiliser les collaborateurs, mais aussi de professionnaliser la fonction RH. Une marque employeur doit aussi clarifier la promesse employeur du département, en donnant du sens. Ainsi, agir pour l'intérêt général donne du sens. À ce titre, le Service d'information du gouvernement (SIG), dirigé par Michaël Nathan, déploie en ce moment une campagne qui s'intitule « Choisir le service public.fr », pour les trois fonctions publiques, territoriale, hospitalière et d'État. Cette campagne met en avant de façon transversale la manière dont un actif peut donner du sens à son travail en servant le public.

La notion d'innovation est également importante. La promesse employeur s'attache au développement de l'employabilité des collaborateurs déjà en poste et à un équilibre entre vie privée et vie professionnelle, essentiel pour les nouvelles générations.

Je ne vais pas détailler l'approche de DEN.bzh, marque employeur de la fonction publique bretonne, mais j'aime beaucoup sa campagne et son accroche « Vous pensiez vraiment que c'était pour les planqués ici ? » qui s'affrontent à de nombreux clichés.

Mme Marie-Laure Blot, chef de projets marque employeur au sein du cabinet « We feel good ». - Merci Madame la présidente. Notre cabinet, basé à Rennes, a récemment changé de nom, « We feel good » ayant remplacé « Happy to meet you ». Nous accompagnons des collectivités et des entreprises de tous les secteurs d'activité et de toute taille, qui font face à des problèmes d'attractivité et de recrutement.

Tout d'abord, quelques constats sur les métiers de la fonction publique. Entre 2013 et 2020, le salaire net moyen du secteur public a augmenté de 8,83 %, alors qu'il a progressé de 14,35 % dans le secteur privé. L'emploi public représente près d'un emploi sur cinq en France et un jeune sur cinq a travaillé dans la fonction publique au cours des trois années suivant la fin de leurs études. Par ailleurs, le nombre de candidats qui se présentent aux concours organisés par les centres de gestion a chuté de 33 % entre 2014 et 2017. Enfin, 93 % des cadres de la fonction publique disent qu'ils rencontrent des difficultés de recrutement et un jeune sur dix déclare être intéressé par un emploi dans le secteur public.

Parmi les collaborateurs des entreprises et des collectivités territoriales, 71 % placent le salaire comme critère numéro un pour faire la différence entre deux offres d'emploi. Ce chiffre est issu d'une enquête menée par le cabinet Robert Half en novembre 2022. L'attachement à l'environnement de travail, aux valeurs, à la RSE est certes réel, mais le salaire est essentiel pour une grande majorité de candidats.

Cependant, les motivations des candidats évoluent. L'équilibre vie personnelle/vie professionnelle est très important. 70 % des candidats le citent comme faisant partie de leurs critères de choix. Ce phénomène s'est accentué depuis la crise sanitaire. 58 % attachent de l'importance à l'ambiance de travail. Le management est donc au coeur des réflexions des organisations. De plus en plus de structures forment leurs managers pour qu'ils assouplissent leurs méthodes. Enfin, une bonne entente avec le management est citée par 44 % des candidats comme critère de motivation pour rejoindre ou quitter une entreprise.

Parallèlement, depuis la crise sanitaire, les exigences des candidats se sont plus élevées quant à l'équilibre vie privée/vie professionnelle, le salaire, la flexibilité (télétravail, flexibilité des horaires) et le sens trouvé dans le travail, notamment chez les jeunes diplômés, particulièrement attentifs aux critères sociétaux.

Notre cabinet accompagne de plus en plus de collectivités territoriales et a pu constater que les agents de la fonction publique territoriale étaient engagés dans la mission du service public. Mais ces agents souffrent de l'image négative du fonctionnaire, ce que l'on pourrait appeler le fonctionnaire bashing. Ils sont fiers de porter des projets tournés vers l'avenir, exercent un métier qui fait sens, mais ont parfois du mal à trouver leur place dans une grande organisation. Enfin, ils peuvent être tentés de quitter le secteur public pour trouver une meilleure rémunération ailleurs.

Les candidats s'apparentent à des consomm'acteurs. Face à un monde complexe, les secrétaires de mairie sont soucieuses de leur avenir, elles mettent de plus en plus de conscience dans leurs choix, évaluent les différentes propositions et sont maîtres du jeu dans leur recrutement. Elles cherchent du sens dans leur travail et sont de plus en plus attentives à leur bien-être au travail et à leur équilibre vie professionnelle/vie personnelle.

Pour attirer de nouveaux candidats, les entreprises ou les collectivités doivent avant tout réinterroger leurs pratiques RH et managériale. Il ne leur est pas possible de mettre en place une stratégie de marque employeur si leurs fondamentaux en ressources humaines et en management ne sont pas solides. Elles doivent ensuite développer leur notoriété en tant qu'employeur. Pendant trop longtemps, elles ont cru qu'elles n'avaient pas besoin de montrer qu'elles recrutaient, parfois de peur que cela soit considéré comme un aveu de faiblesse. Il faut également qu'elles mettent en avant leurs valeurs et leurs éléments distinctifs, tout comme les marques le font avec leurs produits ou leurs services, en expliquant comment les collaborateurs travaillent dans leur structure. Enfin, il est important qu'elles présentent leur organisation, en toute transparence, et qu'elles mettent en avant les personnes qui travaillent au sein de la structure. Les candidats apprécient de voir avec qui ils vont travailler au quotidien.

Les notions d'expérience candidat et d'expérience collaborateur occupent une place de plus en plus grande et recouvrent des émotions. Les entreprises et les collectivités doivent injecter de l'émotion dans le parcours des candidats et des collaborateurs.

L'expérience candidat regroupe tout ce qui concerne le cheminement d'un candidat vers l'organisation, les éléments avec lesquels il est en contact avant d'envoyer sa candidature, la manière dont se déroule le recrutement (considération, transparence, durée du parcours, conditions d'embauche...). Une fois que le candidat a intégré la structure, il est essentiel de soigner l'expérience collaborateur qui recouvre l'intégration, la fidélisation (parcours de formation, valorisation...) mais aussi le départ. En effet, un collaborateur qui quitte une organisation peut en demeurer l'ambassadeur. Par conséquent, le départ ne doit pas être négligé.

La marque employeur peut être infusée à toutes les étapes. Quand une personne est encore candidate, elle doit apparaître dans les campagnes d'affichage, dans la communication sur LinkedIn, dans les offres d'emploi ou dans les vidéos de recrutement. Les jeunes ayant tendance à regarder plus qu'à lire, n'hésitez pas à utiliser ce support ! La marque-employeur doit aussi être présente au moment de l'intégration, puis tout au long du parcours professionnel du collaborateur jusqu'à son départ.

Mme Françoise Gatel, présidente. - Merci beaucoup. Pardonnez-moi d'être restée sur l'ancien nom de votre société. Je donne la parole à nos collègues qui sont tous les deux maires et présidents de centres de gestion, Chantal Pétard-Voisin, d'Ille-et-Vilaine, et Vincent Le Meaux, des Côtes d'Armor.

M. Vincent Le Meaux, maire de Plouëc-du-Trieux, président de Guingamp-Paimpol Agglomération et président du centre de gestion des Côtes d'Armor (CDG 22). - Nous vous remercions, Madame la présidente, de nous avoir conviés à ce temps d'échanges pour expliquer la démarche bretonne avec la marque-employeur DEN.bzh. Je la resituerai également dans un mouvement national, en tant que premier vice-président de la fédération nationale des centres de gestion (FNCDG). J'ai pu constater que, grâce aux mutualisations régionales, un certain nombre de CDG s'intéressent à la mise en place de marques employeurs dans leurs espaces. En Bretagne, nous avons une tradition de regroupement à quatre, même si certains sont prêts à aller jusqu'à cinq. Nous avons travaillé sur la base de la Bretagne institutionnelle pour mettre en place une marque employeur, afin de faire face à la crise du recrutement. C'est la partie sur laquelle je vais m'attarder, alors que Chantal Pétard-Voisin détaillera la déclinaison plus opérationnelle de cette marque employeur.

Cette mutualisation nous a permis d'aller plus vite, d'être innovants et de rattraper le retard auquel sont souvent confrontées les institutions publiques, notamment sur les réseaux sociaux.

La crise du recrutement prend de l'ampleur et la fonction publique territoriale fait face à un déficit d'attractivité. Il existe une concurrence flagrante entre le secteur public et le secteur privé, notamment pour les collectivités territoriales. Nous sommes aussi confrontés à une population qui ne connaît bien ni l'emploi ni les métiers de la fonction publique. Les réseaux institutionnels sont aujourd'hui dépassés par les réseaux sociaux interconnectés, qui ne donnent pas forcément d'informations sur l'emploi public ni ses valeurs attachées à l'intérêt général.

Entre 2015 et 2020, le nombre d'offres d'emploi dans la fonction publique territoriale bretonne a augmenté de 82 % et nous sommes aujourd'hui confrontés à des difficultés de recrutement. Alors que nous recevions jusqu'à cinquante candidatures pour un poste, nous n'en avons souvent plus que cinq, ce qui conduit à une baisse de la qualité du recrutement.

Si cette dynamique du marché de l'emploi est positive, la fonction publique territoriale fait face à de nombreux départs en retraite, notamment parmi les premiers fonctionnaires territoriaux issus de la décentralisation décidée en 1982, comme les secrétaires de mairie. Certains demandent une mutation, d'autres démissionnent, se mettent en disponibilité ou prennent des congés sabbatiques. Cette dynamique de l'emploi est totalement nouvelle et de nombreux métiers sont en tension.

La pénurie de secrétaires de mairie touche particulièrement les communes rurales qui, malgré le soutien des CDG, peinent à recruter. Par exemple, dans une commune de 500 habitants, la secrétaire de mairie est remplacée par trois agents intérimaires du CDG.

En fonction de leur taille, les collectivités ne rencontrent pas les mêmes difficultés. Une grande collectivité rencontrera des difficultés à recruter sur certains métiers spécifiques, avec des compétences Système Informatique (SI), comptables ou RH, et sera en concurrence avec le secteur privé.

Il est difficile pour les CDG de réguler le marché de l'emploi et même d'avoir accès à des CV. Ils font aussi face à un déficit de candidats sur les missions d'intérim. Par conséquent, les renforts et les remplacements ne sont que partiellement assurés.

Les CDG ont cherché à répondre à cette situation en créant des pépinières de nouveaux candidats issus de formations d'insertion, mais cette démarche est insuffisante. Les CDG bretons ont cherché à faire bouger les lignes avec un big-bang en termes de communication et de marketing sur l'emploi public territorial en Bretagne. Je passe la parole à Chantal pour qu'elle vous présente ce big-bang.

Mme Chantal Pétard-Voisin, maire de Le Rheu et présidente du centre de gestion d'Ille-et-Vilaine. - Nous avons mis en place une marque employeur bretonne pour attirer les talents et les compétences, actuels et en devenir. Nos objectifs sont de redorer l'image de la fonction publique territoriale bretonne, de promouvoir les métiers du « bien vivre ici », au service d'un territoire, et les nombreuses possibilités d'évolution, faire venir de nouvelles personnes, de nouveaux dynamismes afin de renforcer le service public sur l'ensemble du territoire, et enfin de mettre en relation les candidats et les collectivités recruteuses.

En breton, DEN signifie l'être humain. C'est un nom mystérieux pour le lien humain assuré par le personnel territorial de Bretagne. Les trois piliers de DEN.bzh sont :

- la liberté. Nous disposons d'un formidable panel de postes et de structures, avec 243 types d'emplois, des emplois choisis et un équilibre de vie à cultiver ;

- la proximité, avec des débouchés sur l'ensemble du territoire, sur le littoral, dans les campagnes, les villes, qu'elles soient moyennes ou petites, avec des fonctions relationnelles et des réseaux, et enfin avec des décisions prises localement ;

- le mouvement, avec des dynamiques professionnelles, une contribution à des projets innovants, une adaptation permanente aux évolutions de notre société et donc aux besoins de nos collectivités.

La campagne de communication que nous avons lancée se veut disruptive, en cassant les codes et en «dé-ringardisant» la fonction publique territoriale. Elle s'est traduite par une campagne d'affichage entre fin janvier et mi-février 2023 dans les différents lieux de passage bretons, dans les gares de Brest, Rennes, Saint-Malo, Vitré, Guingamp, Lamballe, Saint-Brieuc, Auray, Lorient, Vannes, mais aussi dans le métro de Rennes et dans les zones périurbaines. Les trois visuels déclinaient les slogans suivants :

- « Vous pensiez vraiment que l'on manquait d'ambition ici ? » ;

- « Vous pensiez vraiment que c'était pour les planqués ici ? » ;

- « Vous pensiez vraiment que c'était uniquement sur concours ici ? ».

Toutes ces affirmations sont fausses, la fonction publique est moderne, il faut oser la fonction publique !

Ce lancement a bénéficié d'une belle couverture médiatique, avec de multiples papiers -dans la presse locale et la presse professionnelle- et des passages sur France Bleu, TV Rennes, mais aussi un article dans la Gazette des communes.

Enfin, nous avons créé le site www.DEN.bzh sur lequel les candidats peuvent déposer leur CV. C'est aussi un média de référence pour accéder aux emplois territoriaux en Bretagne, avec les agendas des salons, des forums, des jobs dating, des clés pour aider les candidats à faire leurs premiers pas dans les collectivités et des portraits, avec des témoignages ou des vidéos sur les parcours d'agents ayant suivi nos formations internes, organisées en lien avec les universités bretonnes pour préparer aux métiers des collectivités locales. En effet, si certains agents disposent de toutes les compétences requises au moment de leur recrutement, d'autres ont besoin de conforter leurs connaissances pour être employables et remplir leurs missions dans nos collectivités.

DEN.bzh doit gagner son pari de notoriété, en développant son référencement et des passerelles, avec une montée en puissance sur toute l'année 2023. Il y a derrière DEN.bzh toute une ingénierie informatique qui permet une multi-diffusion des offres d'emploi sur divers job boards, comme Hello Work, Ouest France Emploi, ou sur les réseaux sociaux comme LinkedIn.

Nous avons adopté une démarche audacieuse, c'est une première en France pour des collectivités territoriales. Au départ, notre notoriété était proche de zéro mais notre objectif est d'attirer de nouveaux candidats, de toucher des publics qui ne pensaient pas au service public et d'orienter ceux qui ne sont pas opérationnels vers des dispositifs tremplins.

Depuis le lancement de notre marque-employeur, environ deux candidats sur trois ont entendu parler de DEN.bzh. S'il existe des marges de progrès, nous constatons que notre objectif de notoriété est en bonne voie et nous espérons qu'elle s'accentuera dans les semaines et les mois à venir.

Mme Françoise Gatel, présidente. - Merci beaucoup pour votre présentation. Elle témoigne de la manière dont les élus, sur ce sujet de recrutement essentiel, face à des modifications profondes de leur environnement, choisissent plutôt l'invention, l'innovation, la coopération pour inventer des possibles. C'est tout à fait dans l'esprit de la délégation.

Je passe immédiatement la parole à mes collègues.

Mme Catherine Di Folco, rapporteur. - Merci Madame la présidente. Je remercie tous les intervenants pour leurs exposés.

Vous avez dit, Monsieur Charmont, que 229 collectivités avaient été sondées, mais quelle était leur taille ? En effet, j'ai l'impression que la marque employeur est peut-être plus adaptée à de très grosses collectivités, à des régions ou à des départements, plutôt qu'à des petites collectivités qui ne disposent pas forcément des moyens de la mettre en place.

Par ailleurs, faut-il vraiment s'appeler « We feel good » pour se faire remarquer ? C'est peut-être du marketing efficace, ce nom a retenu mon attention, mais je ne comprends pas qu'on satisfasse à des appellations anglo-saxonnes pour se faire remarquer. Je pense que le vocabulaire français est suffisamment riche pour trouver des « punch lines ».

La cible des petites collectivités est-elle une bonne cible ? Une petite collectivité peut-elle bénéficier de tous les atouts des communicants ?

M. Jérôme Durain, rapporteur. - Merci à nos intervenants. Savez-vous quels types de collectivités se sont engagés dans la démarche de marque employeur ? Est-ce que ce sont celles qui ont le plus de difficultés en termes de recrutement, ou celles qui ont déjà un peu d'avance ?

Ma seconde question s'articule autour de deux mots de quatre lettres, le sens et les sous, qui commencent et finissent de la même façon. Dans tout ce vous nous avez dit, vous avez insisté sur les dimensions du service public, l'équilibre entre la vie professionnelle et la vie personnelle, la mission, l'organisation ou la qualité du management. Parallèlement, We feel good affirme que 71 % des salariés placent la rémunération comme critère numéro un dans le choix d'un employeur et que l'une des raisons qui poussent les agents à quitter la fonction publique territoriale est de trouver un meilleur salaire dans une autre structure. La marque employeur est-elle un palliatif pour compenser le défaut de régime indemnitaire ?

Mme Françoise Gatel, présidente. - J'invite nos intervenants à répondre à cette première série de questions, en commençant par M. Charmont.

M. Yves Charmont. - Notre étude concernait les collectivités de plus de 40 000 habitants et je rappelle que ce sont les départements et les CDG qui sont aujourd'hui leaders sur le déploiement d'une marque employeur. Je pense que les métropoles vont à leur tour se plier à cet exercice et je pense que, comme pour le marketing territorial, les territoires vont y venir petit à petit, notamment les intercommunalités. En effet, celles-ci n'ont pas beaucoup de notoriété, mais elles exercent de plus en plus de compétences.

Sur le sens et les sous, les collectivités locales, et plus généralement les filières de la fonction publique, sont moins rémunératrices que les filières privées. Cette situation prend encore plus d'importance dans un contexte inflationniste. C'est un constat dont nous ne tirons pas de conclusion, car nous savons que tout changement prendra du temps.

Sur le sens, nous étions à Montpellier la semaine dernière pour échanger sur la notion de réseau avec les communicants du territoire. La marque employeur et les difficultés de recrutement ont été les principaux sujets. Toutes les collectivités mettent en avant le sens du travail dans le service public, les missions dont seront investis leurs collaborateurs, au service de l'humain. Pourtant, ces arguments ne fonctionnent pas toujours, certains jeunes reculant face à de telles responsabilités. S'il y a des actifs qui sont motivés par l'intérêt général, d'autres veulent avant tout avoir du temps, sans porter d'importantes responsabilités. Il faut donc faire attention aux fausses bonnes idées.

Enfin, sur la notion de palliatif, je suis optimiste. Je pense que les collectivités, en développant une marque employeur, engagent l'ensemble de leurs collaborateurs et amènent peut-être les élus à réfléchir à la lisibilité de leur projet de mandat.

Mme Catherine Di Folco, rapporteur. - Je souhaite rebondir sur les sous et sur l'attractivité. Une secrétaire de mairie qui a le grade d'adjoint administratif principal, gagne, après 32 ans de service, 13,75 euros par heure, soit 2,68 euros de plus que le SMIC. Dans le privé, les niveaux de salaire sont bien supérieurs.

Mme Françoise Gatel, présidente. - Merci, cette précision donne la mesure du choc entre le public et le privé. Je donne successivement la parole à M. Le Meaux et à Mme Pétard-Voisin.

M. Vincent Le Meaux. - Pour répondre au sénateur Durain sur le caractère palliatif de la marque employeur, je précise que nous avons besoin de faire mieux connaître les 200 à 300 métiers de la fonction publique territoriale dans les 4 000 à 5 000 employeurs publics locaux. Tous les métiers exercés dans les communes, les intercommunalités, les départements, les régions, les syndicats mixtes... ne sont pas connus. Dans ce contexte, la mise en place d'une plateforme unique d'information sur l'emploi public est une première réponse.

Les centres de gestion ont des organisations différentes, leurs missions sont très variées. En Bretagne, nous avons la chance d'avoir quatre centres de gestion qui assurent toutes leurs missions obligatoires et qui sont exemplaires en termes de missions complémentaires. C'est peut-être la raison qui explique qu'en Bretagne, l'attractivité de l'emploi public est gérée par les centres de gestion alors que, partout ailleurs, ce sont les départements qui se sont saisis de ce sujet, les centres de gestion n'ayant pas la capacité d'organiser cette politique d'attractivité territoriale. Nous sommes au coeur de la décentralisation en exerçant notre droit à la différenciation et à l'expérimentation.

Enfin, si les salaires dans la fonction publique ont décroché par rapport au privé, il y a en ce moment de nombreuses négociations, à tous les niveaux de la fonction publique territoriale, pour la revalorisation des salaires, des primes et des régimes indemnitaires. En revanche, la question de la promotion interne reste entière et j'espère que le Sénat sera à la pointe de la discussion pour faire évoluer le statut des secrétaires de mairie qui ont un savoir-faire et des compétences très larges. Elles exercent un métier à part entière et il faudrait trouver les moyens de reconnaître ce métier au travers de la promotion interne.

Mme Chantal Pétard-Voisin. - Pour les petites collectivités, les retombées de la marque employeur DEN.bzh se font à travers nos missions d'intérim. Les CDG recrutent pour les missions d'intérim, forment les agents, avant de les mettre au service des collectivités pour des renforts ou des remplacements. Quand le CDG attire des talents, c'est pour en faire bénéficier tout le territoire. La marque employeur profite donc à toutes les collectivités, y compris aux plus petites, qui peuvent devenir ambassadrices de DEN.bzh. Nous allons lancer une promotion « Devenez DEN » sur le thème « Osez le service public » après celui intitulé « Les collectivités se dévoilent » qui avait été retenu l'année dernière. Chaque collectivité peut organiser une journée porte ouverte ou lancer une campagne de communication locale pour faire connaître l'ensemble de ses métiers et donner envie à des candidats de les rejoindre.

J'espère que nous pouvons compter sur vous pour assurer la revalorisation ou la refonte des grilles de salaire de la fonction publique territoriale. Même si ces grilles peuvent être complétées par des régimes indemnitaires propres à chaque collectivité, les agents préféreraient que les efforts portent sur les salaires, car les primes ne sont que très partiellement prises en compte dans le calcul des pensions de retraite.

Mme Françoise Gatel, présidente. - Merci pour ces précisions. Notre collègue Catherine Di Folco, qui connaît parfaitement ces sujets, rappelle que les dispositions sur la rémunération des agents de la fonction publique territoriale sont d'ordre réglementaire et ne dépendent pas de la loi. Cela ne veut pas dire que notre délégation ne prendra pas sa part sur la nécessité de mettre un accent très fort sur la fonction de secrétaire de mairie, très lourde, très compliquée, et sur sa juste rémunération.

Mme Marie-Laure Blot. - Après Happy to meet you, nous avons choisi We feel good comme nouveau nom. Vous pouvez constater une cohérence dans cette évolution. Ce nom nous permet de nous démarquer. Nous sommes très à l'écoute des innovations RH, des innovations en termes de communication et cet anglicisme nous correspond. C'est un terme compris par le plus grand nombre, presque chantant, qui transmet beaucoup de choses.

Je comprends que ce nom puisse heurter certaines sensibilités qui sont attachées à la langue française, que nous aimons d'ailleurs beaucoup.

Sur la notion du sens et des sous, je rejoins ce que disait M. Le Meaux sur les compétences attendues des secrétaires de mairie. Le terme de secrétaire de mairie ne me semble plus approprié par rapport aux missions qui leur sont confiées. Au-delà de la rémunération, il est essentiel que les mairies valorisent leurs collaborateurs tout au long de leur parcours professionnel, notamment au travers des relations managériales.

Mme Agnès Canayer, vice-présidente. - Je vous remercie pour vos interventions très intéressantes sur la capacité de la Bretagne à se fédérer pour attirer les talents et je vous félicite pour vos actions.

Les conditions d'emploi sont importantes pour l'attractivité, mais la mobilité joue aussi un rôle. Travaillez-vous avec des partenaires, comme les chambres de commerce, pour faciliter la venue de famille dont l'autre conjoint ne travaille pas dans la fonction publique territoriale ? Avez-vous mis en place un dispositif d'accueil pour orienter les nouveaux arrivants vers les écoles, les crèches... et ainsi renforcer l'attractivité du territoire ?

Vous avez choisi une marque bretonne dont nous ne comprenons pas beaucoup le sens. Est-ce que vous réservez votre attractivité aux Bretons ? Disposez de données montrant que la Bretagne est attractive sur les autres territoires français ?

Mme Françoise Gatel, présidente. - Je ne vois aucune impertinence dans cette question normande.

M. Antoine Lefèvre, vice-président. - En 2023, l'Aisne va accueillir la cité internationale de la langue française, et le sommet de la francophonie au château de Villers-Cotterêts en 2024. Je veux revenir sur les anglicismes en vous demandant si vous avez étudié les différents apports de l'anglais dans la communication. En effet, au regard du niveau de pratique des langues étrangères des Français, je ne suis pas persuadé que les expressions en anglais soient bien perçues. Avant de s'occuper de la francophonie, l'Aisne avait été en pointe puisque l'ancien président du Conseil départemental avait lancé la campagne « L'Aisne, it's open ». Il a été vilipendé par l'Académie française et par les défenseurs de la langue française, mais cette campagne a été remarquée et a eu des effets positifs.

Faut-il systématiquement parler anglais pour se faire remarquer ?

M. Cédric Vial, rapporteur. - Vous l'avez dit, pour attirer de nouveaux collaborateurs, les collectivités territoriales mettent en avant les à-côtés, le climat, la vue depuis les bureaux et le sens des métiers. Dans ces politiques, qui sont plus proches de politiques de communication que de politiques RH, il manque à mon sens l'expertise des métiers. Les collectivités recherchent avant tout des professionnels, des experts. Je me demande si nous n'introduisons pas un biais dans ces politiques de recrutement où c'est l'employeur qui passe un entretien, qui vend son territoire en laissant de côté l'expertise attendue du métier. Si tel est le cas, comment pouvons-nous y remédier ?

Je crains aussi un effet d'aspiration des petites collectivités vers les plus grosses, puisque seules ces dernières disposent de moyens suffisants pour lancer une marque employeur. Certaines secrétaires de mairie, ou « town clerks » pour utiliser un anglicisme, sont parties dans les intercommunalités pour exercer un métier plus simple, auprès d'un seul employeur, plutôt que d'avoir une pluralité de missions pour plusieurs employeurs.

Mme Françoise Gatel, présidente. - Au-delà d'une attirance pour les grandes structures, je pense qu'il y a aussi, chez certaines secrétaires de mairie, le fait d'exercer un métier qui est parfois aussi difficile que la fonction de maire, puisqu'elles sont face aux citoyens. La tension dans la société peut être mal vécue par des secrétaires qui sont souvent seules dans de petites mairies.

M. Yves Charmont. - Pour répondre à Mme Canayer, une démarche de marque employeur implique les autres partenaires, les chambres de commerce, comme les entreprises. Il y a vingt ans, je travaillais déjà avec des entreprises qui rencontraient des difficultés pour faire venir des cadres supérieurs. Elles étaient aidées par les collectivités territoriales pour développer une offre d'accueil.

J'ai noté que l'Aisne allait accueillir en 2024 le sommet de la francophonie. Cap'Com organise chaque année le forum des communicants publics qui réunit 1 000 personnes. La prochaine session est prévue à Toulouse et un atelier sera consacré à la langue française. En effet, l'utilisation répétée de termes anglais génère un problème d'accessibilité, toute une partie de public, qui ne les comprend pas, décroche. Par ailleurs, la langue française est de moins en moins bien utilisée et la littératie, c'est-à-dire la capacité de comprendre et de réutiliser les notions et les messages, est en baisse. J'espère que nous aurons un représentant de l'Aisne pour expliquer la démarche du département dans le cadre de notre atelier.

Il n'est pas choquant que certains territoires aient utilisé l'anglais dans une démarche marketing. Je peux citer Only Lyon, jeu de mots sur les lettres, ou Invest in Reims. Je précise que le marketing de territoire s'adresse aussi à des investisseurs étrangers. En revanche, l'utilisation de l'anglais me semble moins justifiée pour les marques employeurs.

Vous avez insisté sur l'importance de ne pas oublier l'expertise métier dans les politiques de recrutement. Les collectivités territoriales sont des territoires d'innovation, que ce soit sur les aménagements urbains, l'eau ou les transports. Les fonctionnaires travaillent en groupe, j'ai même vu des fab labs en Bretagne. L'innovation est un facteur d'attractivité et s'appuie sur l'expertise métier.

Enfin, vous avez évoqué les rapports entre employeurs et candidats en rappelant que les employeurs sont en concurrence. C'est vrai et cela montre que les collectivités territoriales sont sur un marché du travail, avec une offre et une demande. Pour se démarquer, les petites collectivités doivent se différencier, soigner leur positionnement. C'est tout l'intérêt de développer une marque employeur. C'est un outil qui permet à un territoire de se différencier.

Mme Chantal Pétard-Voisin. - Nous avons choisi la marque DEN parce que ce nom est breton, mais aussi parce que c'est un mot de trois lettres, un mot court, un mot qui sonne, que l'on retient facilement. J'ajoute que Nike signifie victoire en grec.

Avec cette campagne d'attractivité, nous voulons rayonner au-delà de la Bretagne, mais notre premier objectif est d'attirer les compétences locales et les jeunes diplômés. Le taux de chômage est légèrement supérieur à 5 % et nous sommes en concurrence avec le privé. Nous avons besoin de nous faire connaître pour attirer les talents, les organismes de formation mettant rarement en avant la fonction publique territoriale. DEN.bzh montre donc notre identité.

Si nous mettons en avant les conditions de vie, nous sommes également très attentifs à l'expertise des personnes que nous recrutons. Nous n'embauchons pas de candidats qui n'ont pas de compétences ou qui ne pourront pas les acquérir par une formation.

Par ailleurs, il est vrai que chaque collectivité doit, tout comme les candidats, présenter son CV et que les grandes collectivités attirent davantage, car elles peuvent plus facilement assurer un régime indemnitaire. Cependant, certains agents préfèrent travailler dans de petites structures. Si les rémunérations peuvent être un peu moins élevées que dans les grandes collectivités, le niveau de vie est aussi moins élevé dans les territoires ruraux où les loyers sont moins chers.

M. Vincent Le Meaux. - Nous sommes confrontés à l'évolution du statut de la fonction publique territoriale, comme l'a relevé le sénateur Durain avec sa question sur le sens et les sous.

Des mouvements de décentralisation ont été opérés en faveur des collectivités territoriales. J'ai été vice-président du département en charge du personnel et j'ai accueilli de nombreux fonctionnaires d'État dans la collectivité des Côtes d'Armor, des agents des routes, des collèges... Le département a déboursé 350 euros par fonctionnaire au titre du régime indemnitaire, redressant ainsi leur rémunération. Nous sommes indéniablement confrontés à un problème de rémunération des fonctionnaires, notamment ceux de catégorie C et une partie de ceux de catégorie B.

Toutefois, y a-t-il toujours un sens d'intérêt public à servir un repas dans un collège ou à nettoyer une salle de classe ? Les collectivités peuvent décider soit de transférer ces tâches au privé, par délégation de service public, soit de recourir à des régies, avec des budgets annexes, pour mieux identifier ces opérations.

La marque DEN.bzh souligne le fort engagement de la collectivité en faveur de nos concitoyens. Elle nous permet de leur expliquer la nature de nos métiers de service public et leur lien avec l'intérêt public.

Dans le programme « Petites villes de demain » malheureusement, les nouveaux contrats de chargés de projet sont conclus pour seulement six ans et, s'ils opèrent uniquement une action de promotion d'une ville, leur rapport avec l'intérêt général est très rapidement circonscrit.

Les collectivités recrutent de plus en plus de contractuels, 30 % des effectifs de mon intercommunalité sont des contractuels. J'ai annoncé aux syndicats que je voulais faire baisser ce taux à 20 % mais nous devons déployer beaucoup d'énergie pour transformer ces postes de contractuels en postes statutaires. Avec les dispositifs d'assouplissement existant dans la fonction publique, nous devons préciser ce que signifie l'intérêt public quand nous recrutons des contractuels.

Enfin, je pense que les phénomènes d'aspiration par les métropoles doivent être étudiés et que nous devons veiller à ce que les lois MAPTAM et NOTRé ne soient pas dévoyées avec le développement d'une opposition entre campagnes et villes. Je conclus en soulignant que de nombreuses personnes souhaitent quitter les métropoles et travailler dans la ruralité.

Mme Marie-Laure Blot. - À ma connaissance, il n'existe pas d'étude sur l'utilisation des anglicismes dans les titres de poste. Les candidats ont aujourd'hui un comportement de consomm'acteur. Ils sont informés et ne s'arrêtent pas à un titre de poste. Ce sont surtout les entreprises tournées vers l'IT, la cybersécurité, les nouvelles technologies et vers l'international qui sont concernées par l'anglicisation des fonctions. Nous conseillons aux entreprises de garder des titres de poste français pour conserver l'authenticité des missions.

Mme Catherine Di Folco, rapporteur. - Le mot DEN a un vrai sens et je suis heureuse de l'avoir découvert. En même temps, le « E » rappelle le Gwenn ha Du. Je félicite également la présidente du CDG35 qui porte les bandes noires de ce drapeau. Bravo Madame, vous êtes une formidable ambassadrice.

Mme Chantal Pétard-Voisin. - Je vous remercie. Vous ne voyez pas la doudoune de ma collaboratrice qui porte la marque DEN.bzh.

Mme Françoise Gatel, présidente. - Je vous remercie d'avoir accepté de participer à cette table ronde. Ce qui nous nourrit au Sénat, ce n'est pas d'élaborer des cahiers de doléances mais de trouver des solutions. Vous confirmez que les élus locaux sont « condamnés » à inventer des possibles, à trouver des solutions et à s'adapter à des changements considérables. Il y a encore quinze ans, il ne serait venu à l'idée d'aucun élu local de promouvoir leur ville. Il faut aujourd'hui savoir vendre la fonction publique, au sens noble du terme, et vendre le territoire.

Au-delà de la fonction publique, les territoires doivent travailler à l'accueil des familles en matière d'emploi du conjoint, de logement, d'écoles...

Merci beaucoup pour vos interventions extrêmement intéressantes. Je pense que nos trois rapporteurs réaliseront un travail remarquable pour valoriser de bonnes pratiques et diffuser les ressources que vous inventez.

AUDITION PAR LA DÉLÉGATION SÉNATORIALE AUX COLLECTIVITÉS TERRITORIALES ET À LA DÉCENTRALISATION DE M. STANISLAS GUERINI, MINISTRE DE LA TRANSFORMATION ET DE LA FONCTION PUBLIQUES

Jeudi 25 mai 2023

Présidence de Mme Françoise Gatel, présidente

Mme Françoise Gatel, présidente. - Nous accueillons le ministre Stanislas Guerini, dans un contexte de baisse d'attractivité de la fonction publique territoriale. Le désenchantement des maires tient à la violence qu'ils subissent mais aussi à la difficulté qu'ils rencontrent pour remplir leurs fonctions administratives. Celles-ci nécessitent beaucoup d'expertise et d'être accompagnées par du personnel, que je salue. Les maires sont des hussards de la République, une armée des ombres, mais ils ne pourraient agir sans les fonctionnaires territoriaux, dont il faut souligner le sens de l'intérêt général et du service public. Pour avoir été membres d'exécutifs locaux, nous savons ce que nous leur devons. Nous l'avons vu lors de la crise du covid ou lors des fortes chaleurs, quand il a fallu suivre individuellement les personnes âgées. Si les élus sont des inventeurs de possibles, les fonctionnaires sont des producteurs de possibles - et c'est parfois plus difficile.

Le rapport au travail change. En France, la fonction publique territoriale était très stable : les agents exerçaient le même métier durant toute leur carrière, souvent dans la même collectivité. Tout cela a bien changé, et il faut prendre en compte les nouveaux besoins. Il ne s'agit pas uniquement de régime indemnitaire ou de reconnaissance salariale - certes nécessaire - mais aussi de qualité de vie au travail, de prévention, d'aménagement du temps de travail.

Votre prédécesseur avait commandé un rapport à Philippe Laurent sur l'attractivité de la fonction publique territoriale, qui préconisait la création d'une marque Service public ; nous avons notamment entendu les représentants de la marque DEN.bzh.

Quelle est votre vision de la situation et comment avancer ?

Catherine di Folco, experte du statut de la fonction publique territoriale, Jérôme Durain et Cédric Vial travaillent sur l'attractivité de la fonction publique territoriale, avec un volet sur les secrétaires de mairie. Notre collègue Céline Brulin a porté, avec son groupe, une proposition de loi pour revaloriser leur métier.

M. Stanislas Guerini, ministre de la transformation et de la fonction publiques. - Je vous remercie de cette invitation. Oui, il y a un lien entre les difficultés de nos élus locaux, leur désenchantement, et les enjeux de ressources humaines. L'action des élus locaux repose sur celle des fonctionnaires territoriaux. L'enjeu d'attractivité est la première priorité sur nos territoires. J'ai une pensée émue et solennelle pour ces agents du service public, dont je salue l'engagement, après plusieurs drames cette semaine. Cet engagement met les agents publics en première ligne face aux violences de notre société. Je vous remercie d'avoir initié ces travaux.

J'ai engagé des chantiers avec les employeurs territoriaux pour répondre au besoin d'attractivité et développer la marque employeur de la fonction publique territoriale.

Où sont les difficultés de recrutement ? En réalité, un peu partout : pour les agents de catégorie C et les agents en première ligne, notamment les métiers de la petite enfance ou du soin, pour des filières plus transversales dans des secteurs en tension comme le numérique, mais aussi pour des métiers support - je pense aux filières administratives avec les attachés.

Quelles en sont les causes ? Dans une société qui tend vers le plein emploi, tous les employeurs, publics comme privés, rencontrent des difficultés de recrutement. Il y a aussi un enjeu démographique. Des fonctionnaires recrutés quand Anicet Le Pors était ministre de la fonction publique partent à la retraite ; le cas des secrétaires de mairie l'illustre bien.

Il y a des problèmes d'attractivité intrinsèques à la fonction publique, notamment dans des zones marquées par la vie chère ou les problèmes d'accès au logement.

Quels chantiers faut-il engager ? Le premier, c'est la fiche de paie et la création d'une dynamique de rémunération. Nous devons être lucides. Plus d'un tiers des fonctionnaires territoriaux sont payés au niveau du Smic.

Le deuxième sujet est celui des conditions de travail. Il n'y a pas de grande démission mais une grande transformation du rapport au travail. Nous devons relever ce défi avec des promesses employeur.

Troisième axe, mieux faire connaitre les métiers de la fonction publique territoriale, car la clé d'entrée « métier » tire le fil des compétences. La révolution sera de raisonner en termes de gestion et de développement des compétences plutôt qu'en collant des étiquettes sur le front des fonctionnaires.

Les enjeux de carrière et rémunération sont déterminés par les modalités d'accès à la fonction publique, qui varient selon les statuts d'emploi ou les versants de la fonction publique. Parfois, ces différences créent des biais entre les employeurs sur un même bassin de vie. Un CHU peut recruter un agent sur titre pour intégrer la fonction publique hospitalière, alors que dans le secteur médico-social municipal, pour un même poste au sein de la fonction publique territoriale, le recrutement se fait par concours. Bref, le CHU lui « pique » des agents. Nous devons mettre à plat les conditions de recrutement. Cela ne signifie pas forcément supprimer le concours. Mon fil rouge est de défendre le statut dans ses origines et ses fondamentaux, mais aussi de professionnaliser certains concours, de les recentrer sur les compétences. Un maire me disait qu'il ne voulait pas se passer d'une personne ayant quinze ans d'expérience dans la petite enfance sous prétexte qu'elle a fait trois fautes à la dictée...

Parfois, il faut pouvoir recruter sur titre, ou recruter des apprentis. Le recrutement de 30 000 apprentis dans la fonction publique l'année dernière a été une petite révolution culturelle. L'apprentissage doit être une vraie voie de recrutement. À la fin d'un contrat d'apprentissage suffisamment long, en cas d'accord de l'employeur et de l'apprenti, on devrait pouvoir titulariser sur titre, sans concours.

Il y a aussi un enjeu sur les parcours de carrière. Il faut renforcer la formation, le développement des compétences et la reconnaissance des acquis de l'expérience, trop peu développée dans la fonction publique. Je ne suis pas un détracteur du statut : les conventions collectives de certains secteurs professionnels ont aussi plusieurs catégories. Mais dans la fonction publique, il est difficile pour un agent recruté en catégorie C de franchir le plafond de verre. Il faut plus de fluidité, apporter un choc de marge de manoeuvre aux employeurs territoriaux. Les rigidités sur les quotas de promotions, un temps adaptées, nécessitent d'être assouplies. Je m'y suis engagé.

Il y a des enjeux de rémunération, notamment de court terme. L'inflation globale atteint 6 %, mais l'augmentation des prix alimentaires touche particulièrement les agents relevant des grilles les plus basses. Je rencontre prochainement les organisations syndicales pour trouver des réponses sur le pouvoir d'achat, autour de trois principes. D'abord, l'oxygénation des grilles, bien trop écrasées : un agent de catégorie C en début de carrière met douze ans avant d'avoir une évolution indiciaire. Comment être attractif dans ces conditions ?

Il faut aussi dynamiser les carrières. Comment se motiver quand un collègue qui a quinze ans d'ancienneté ne gagne que 150 euros de plus ? Nous devons nous intéresser à la pente des courbes, angle mort de nos politiques de ressources humaines. Nous souhaitons aussi une logique de différenciation des carrières, qui fait débat, et avons intégré le principe d'un accélérateur de carrière dans la réforme de la haute fonction publique. Ce principe doit innerver l'ensemble de la fonction publique.

Enfin, il faut récompenser l'engagement et la performance, individuels et collectifs. Ce n'est pas un gros mot, et c'est compatible avec le statut.

Les transformations doivent pouvoir s'appréhender sur la fiche de paie. J'ai ouvert un chantier pour mettre l'agent au centre de la réflexion. Il faut une symétrie des attentions. Pour rendre un service public de qualité, il faut non seulement placer l'usager au centre, mais aussi l'agent, autour des promesses employeur. J'en citerai six, qui associent systématiquement les employeurs territoriaux, dès le début. Il faut arrêter de penser d'abord pour la fonction publique d'État et ensuite décliner pour la fonction publique territoriale.

Mme Françoise Gatel, présidente. - C'est une bonne idée.

Mme Catherine Di Folco. - Merci !

M. Stanislas Guerini, ministre. - La première promesse employeur concerne le management. Il y a un enjeu managérial pour les cadres dirigeants et intermédiaires de la fonction publique, ce qui suppose de renforcer la formation initiale et continue. Cela concerne les concours et les écoles du service public - j'étais récemment à l'Institut national des études territoriales (Inet) - et nécessite de remettre à plat l'évaluation professionnelle.

Deuxième enjeu, simplifier et supprimer les irritants au quotidien qui mettent à mal l'attractivité de l'emploi public. Parfois, avant une mutation, on ne sait pas vous dire combien vous toucherez car les systèmes d'information et les ressources humaines ne suivent pas ! Il faut améliorer ces points.

Troisième enjeu, améliorer les conditions de travail, la santé au travail, la prévention de l'usure et de la pénibilité. Ce débat est lié à celui des retraites. Nous avons lancé une mission rassemblant l'inspection et des personnalités qualifiées, dont Michel Hiriart, président de la Fédération nationale des centres de gestion, afin de développer des outils collectifs et mutualiser la prévention. Nous réfléchissons aussi à une protection sociale complémentaire pour la santé et la prévoyance.

Quatrième promesse employeur, améliorer l'environnement de travail - télétravail, temps de travail, transformation des espaces de travail, sobriété énergétique. Ce peut être un objet de négociation avec les organisations syndicales.

Cinquième chantier, renforcer l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes. Le Sénat a adopté, à l'unanimité moins deux abstentions, l'index d'égalité professionnelle dans la fonction publique et le principe de nominations équilibrées. Il faut aussi éradiquer les violences sexistes et sexuelles, et améliorer la santé des femmes au travail.

Sixième promesse, travailler sur le logement des fonctionnaires.

Voilà le fondement de notre campagne autour de notre marque employeur et de notre attractivité. Il ne s'agit pas seulement d'affichage. Nous avons lancé une campagne pour les trois versants de la fonction publique, « choisirleservicepublic.fr », pour mettre en synergie les mobilisations autour de cette marque et ses 300 métiers. Nous nous focalisons sur tous les métiers, et pas seulement sur quelques métiers extraordinaires exercés par une ou deux personnes ; ce sont les métiers du quotidien qui font l'extraordinaire du service public.

Il n'y a pas de fatalité. Certes, le nombre de candidats aux concours a été divisé par deux, mais on peut faire bouger les lignes, montrer que la fonction publique bouge. J'ai relancé l'initiative d'un salon de l'emploi public, dans les trois versants de la fonction publique, qui a rassemblé 4 000 personnes. La fonction publique continue d'intéresser.

Mme Catherine Di Folco. - Je me réjouis que vous souhaitiez traiter différemment la fonction publique d'État et les fonctions publiques territoriale et hospitalière. Cela rompt avec la tendance à vouloir toujours tout transposer de l'une aux autres. Dans la première, il n'y a qu'un employeur ; dans les deux autres, 50 000.

Certes, la rémunération ne fait pas seule l'attractivité, mais elle compte. Lorsque nous n'étions pas en plein emploi, la fonction publique était un refuge ; ce n'est plus le cas. Une personne qui entre sur le marché du travail regarde le chiffre sur la feuille de paie, et compare. Au 1er mai, le Smic a augmenté de 38 euros bruts ; cela entraîne un nouveau tassement dans la fonction publique pour les huit premiers échelons de la catégorie C. Il faudra attendre treize ans aux agents en début de carrière pour être augmentés ! Le tassement concerne même la catégorie B. Le premier échelon de la catégorie A n'est plus qu'à 130 euros bruts du Smic. Si ce dernier suit sa dynamique actuelle, le premier échelon de catégorie A sera égal au Smic en 2025. Cela pose un gros problème.

De même, il est plus intéressant pour un travailleur porteur de handicap d'être dans le privé que dans le public : il peut en effet percevoir une allocation compensant la perte de facultés, alors que le public impose de choisir entre la retraite pour invalidité ou un temps partiel sans compensation. Je connais une jeune femme atteinte d'une maladie handicapante qui veut travailler, mais ne peut le faire qu'à temps partiel, avec le traitement qui correspond. Dans le privé, elle aurait eu une compensation. Il faut y remédier.

M. Jérôme Durain. - La fonction publique est effectivement diverse. On pourrait dire qu'il y a deux divisions... Les questions autour de la « promesse employeur » ne se posent pas de la même façon dans de grandes collectivités ou dans les petites communes qui emploient les 19 000 secrétaires de mairie. Avez-vous pu réfléchir à ces myriades de collectivités qui n'ont qu'un ou deux agents ?

S'agissant de l'attractivité, la difficulté à recruter est générale. La société connaît de profondes mutations autour du sens du travail. L'atout de la fonction publique, c'est le sens du service public, l'intérêt général, mais aussi le statut. Face au Big Quit qui frappe le secteur privé, il faut travailler sur l'image du service public. Comment comptez-vous faire ?

M. Cédric Vial. - Effectivement, la trappe à bas salaire est le principal obstacle à l'attractivité, et à la motivation des agents en poste. Oui, il y a des changements sociétaux, et certains jeunes agents refusent d'être titularisés. Le statut n'est plus le graal qu'il était à l'époque du deal : moindre rémunération contre sécurité de l'emploi. Entre la sécurité et la liberté, les jeunes d'aujourd'hui préfèrent la liberté. Ils ont moins peur de perdre leur emploi que d'y rester malgré eux.

Se pose la question du concours, ADN de la fonction publique. Dans le privé, on entre dans l'emploi en fonction de ses diplômes et de son expérience. Dans le public, il n'est pas rare de rencontrer des agents de catégories B et C avec un bac+5. Cela ne facilite pas le management. Un secrétaire de mairie de catégorie C qui veut passer en catégorie B doit passer un concours où on lui demande une note de synthèse sur des sujets sans aucun rapport avec son quotidien... Comme demander à un ouvrier du BTP qui veut plus de responsabilités de passer un examen de couture !

La création d'un statut d'emploi particulier de secrétaire de mairie est une revendication de l'Association des maires de France (AMF). Le cadre d'emploi qui existait a été supprimé. Les secrétaires de mairie eux-mêmes ne veulent pas un emploi fonctionnel. Peut-on créer un statut spécifique qui ne passe ni par le cadre ni par l'emploi fonctionnel ?

S'agissant des rapports entre fonctions publiques, nos relations avec les préfectures sont de plus en plus étroites, mais les interlocuteurs se font de plus en plus rares ; leurs noms disparaissent même des courriers que nous recevons...

Mme Françoise Gatel, présidente. - Oui, nous assistons à un véritable évanouissement !

M. Cédric Vial. - Serait-il possible, comme cela avait été fait lors de la disparition des perceptions, que les secrétaires de mairie aient un référent désigné à la préfecture ?

La nouvelle bonification indiciaire (NBI) a été augmentée de 15 à 30 points pour les secrétaires de mairie de communes de moins de jusqu'à 2 000 habitants. Mais quid des secrétaires de mairies dans les communes de 2 000 à 3 500 habitants ? Certes on peut désigner un directeur général des services (DGS) à partir de 2 000 habitants, mais cette fonction n'est accessible qu'aux agents de catégorie A. Comment corriger cela ?

Enfin, il n'existe pas de rémunération liée à la responsabilité. La NBI est liée à la fonction, le régime indemnitaire tenant compte des fonctions, des sujétions, de l'expertise et de l'engagement professionnel (Rifseep) aux qualités et à la motivation de l'agent. Or des agents de catégorie C, censés être affectés à des tâches d'exécution, se voient confier des responsabilités importantes lorsqu'ils sont secrétaires de mairie. Ne pourrait-on créer une prime de responsabilité comme pour les DGS ?

M. Stanislas Guerini, ministre. - Merci pour ces questions, nous sommes au coeur du sujet.

Madame Di Folco, les chiffres que vous donnez témoignent bien de l'importance du problème. Je les complète : avec l'augmentation du point d'indice de 5 %...

Mme Catherine Di Folco. - Il était effectivement gelé depuis longtemps.

M. Stanislas Guerini, ministre. - En effet, à part une timide parenthèse entre 2016 et 2017.

Avec l'augmentation du point d'indice, plus aucun fonctionnaire n'était payé au Smic. Mais la dynamique du Smic, qui a augmenté de 10 % en un an, a annulé cet effet. Nous avons pris des mesures pour qu'aucun agent public ne soit rémunéré en dessous, en utilisant l'indice minimum de traitement, et non, comme cela était l'usage, en bricolant le régime indemnitaire.

Aujourd'hui, 20 % des agents de la fonction publique - 36 % dans la fonction publique territoriale - sont au niveau du Smic. C'est le premier sujet à traiter, notamment dans nos discussions avec les organisations syndicales. Une augmentation du point d'indice réoxygène les grilles, mais l'augmentation en volume d'euros est inégalitaire : elle est bien inférieure en bas de grille que pour la haute fonction publique. Or nous devons concentrer nos efforts sur les agents les plus touchés par l'inflation, qui frappe plus douloureusement les bas salaires, car elle affecte particulièrement les produits de première nécessité.

Nous devons renforcer l'attractivité pour tous les agents publics, notamment ceux en situation de handicap. Nous avons augmenté leur nombre ; dans ce domaine, les fonctions publiques territoriale et hospitalière sont en avance sur celle d'État.

Concernant l'intégration des apprentis en situation de handicap, nous sommes très en dessous des 6 %, mais nous agissons pour y remédier. Je suis toutefois preneur de vos exemples concrets. Il faut aussi traiter l'enjeu de l'adaptation des postes. C'est le rôle du fonds pour l'insertion des personnes handicapées dans la fonction publique (FIPHFP) mais il faut être conventionné pour en bénéficier, or toutes les collectivités ne le sont pas.

Monsieur Durain, vous avez parlé de deux divisions, à juste titre. Disons les choses : il y a parfois des logiques de compétition entre collectivités. Ce phénomène a été renforcé par le fait que, ces dernières années, nous avons fait beaucoup sur le plan indemnitaire, en misant sur la différenciation catégorielle, et peu sur le plan indiciaire. Résultat : la mobilité est empêchée, certains employeurs n'étant pas en mesure de s'aligner. Bien sûr, on peut dire que les employeurs sous-utilisent parfois les outils à leur disposition - j'avais évoqué en séance le Rifseep pour les secrétaires de mairie. Vous m'aviez invité, à raison, à agir sur le plan indiciaire. La convergence primes-points fait partie des discussions nécessaires ; elle doit être examinée en regard de la modulation des parcours de carrière et de la récompense de l'engagement.

Vous avez aussi soulevé l'enjeu de la mutualisation. Il existe 50 000 employeurs territoriaux, et les secrétaires de mairie ont parfois jusqu'à trois ou quatre employeurs. Des outils de mutualisation existent, y compris au niveau des intercommunalités. Nous pourrons débattre d'un meilleur encadrement de l'emploi par une intercommunalité ou par un centre de gestion, mais les textes existent ; il s'agit plutôt de mutualiser les bonnes pratiques.

Monsieur Vial, je vous rejoins sur les trappes à bas salaires. Quel est l'avantage qu'apporte le statut, demandez-vous. La stabilité de l'emploi est devenue quasiment un repoussoir : elle donne le sentiment d'être pieds et poings liés dans une carrière. Les professeurs en sont un bon exemple : certains voudraient rejoindre cette carrière sur le tard, notamment parce qu'ils y trouvent du sens, mais sont rebutés par la faible capacité de la fonction publique à valoriser leur expérience professionnelle - c'est un de mes axes de travail.

En revanche, un avantage rémanent du statut est la diversité des carrières proposées. Entre titulaires et contractuels, il y a une mauvaise différenciation, que nous travaillons à corriger : nous l'avons fait pour les congés maternité, et le projet de loi retraites prévoyait la prise en compte des services des contractuels titularisés - le Conseil constitutionnel a censuré cette mesure, mais je m'engage à trouver un autre véhicule pour concrétiser cette avancée. Mais il y aussi une bonne différenciation, que nous devons assumer : un contractuel est embauché pour une fonction donnée ; l'atout du statut, c'est une diversité de carrières qu'aucun autre employeur ne peut offrir.

Il faut savoir se passer des concours dans certains métiers pour recruter sur titre, notamment quand les compétences terrain priment. Mais le CNFPT et les centres de gestion considèrent qu'il faut être prudent : il est parfois intéressant de maintenir les concours, en les professionnalisant. Nous travaillons dans ces deux directions. Les groupes de travail avec les employeurs territoriaux ont abouti à de premières avancées : suppression des épreuves d'admissibilité pour les cadres d'emploi de la filière médicosociale, suppression des concours pour les assistants territoriaux socioéducatifs, les éducateurs territoriaux de jeunes enfants, les cadres territoriaux de santé paramédicaux et les infirmiers territoriaux en soins généraux. Nous poursuivrons ce travail de bon sens issu du terrain.

En ce qui concerne les secrétaires de mairie, je pense, comme vous, que la recréation d'un emploi fonctionnel n'est pas souhaitable. Revenir à un cadre d'emploi spécifique conduirait à un trop grand cloisonnement : n'enfermons pas les secrétaires de mairie dans un parcours, encourageons plutôt la fluidité, par exemple avec les espaces France Services ou, à terme, des fonctions de DGS. Je crois à la notion d'affectation fonctionnelle, qui recouvre la technicité et l'engagement particuliers liés à l'exercice de ce métier. Nous débattrons en séance des possibilités de promotion et de valorisation dans la rémunération : je suis favorable à ce que vous proposez, mais il faudra étudier les modalités. En tout cas, exercer ce métier doit être facteur d'accélération de carrière, avec un niveau de rémunération cranté. Affectation fonctionnelle et accélération de carrière : telle est ma philosophie.

La question des interactions entre l'administration territoriale et l'État déconcentré est fondamentale. Le second doit être renforcé, après avoir rendu de 20 000 à 30 000 postes depuis vingt ou trente ans. Au niveau départemental, l'administration déconcentrée compte 50 000 agents, une puissance de feu moindre que par le passé, ce qui met parfois en difficulté ses partenaires.

Mme Françoise Gatel, présidente. - « Parfois » est en trop...

M. Stanislas Guerini, ministre. - Dans un contexte de stabilité d'emplois - le programme d'Emmanuel Macron en 2022 n'était pas celui de 2017 et je n'ai pas pour mandat de réduire les effectifs -, nous devons, par la performance, dégager des marges de manoeuvre pour renvoyer des postes en administration déconcentrée. Nous visons 2 600 postes déconcentrés supplémentaires d'ici 2026. Nous donnons aussi une latitude d'action aux préfets de région avec les plateformes régionales RH et la règle des 3 % de marge de manoeuvre modulée. Bref, pas de big-bang de l'administration territoriale, mais des moyens renforcés et une animation à l'échelle des bassins de vie par les plateformes régionales et les comités locaux de l'emploi public, auxquels je crois beaucoup.

Par ailleurs, le Gouvernement vient de décider la nomination dans chaque préfecture d'un sous-préfet chargé de l'accès aux services publics et de leur qualité. Nous renforçons aussi le réseau France Services en améliorant sa mutualisation avec les autres réseaux de services publics. Des postes d'animateur de ce réseau se développent, souvent à l'initiative des départements : l'État, qui finançait un demi-ETP par département, financera désormais un ETP complet. Ces animateurs me semblent avoir vocation à être les correspondants des secrétaires de mairie. Nous devons travailler en meute, si je puis dire, pour mieux répondre aux attentes de nos concitoyens.

S'agissant enfin des NBI, nous en discuterons dans le cadre du débat global sur l'accélération de carrière des secrétaires de mairie. Parfois, les quinze points de NBI ne sont pas appliqués : il y a d'abord un problème d'effectivité de la loi sur ce point.

Mme Françoise Gatel, présidente. - Nous pratiquons envers certaines structures de l'État, comme l'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT), une filature exigeante et bienveillante. Nous suivrons également de près ces questions.

Au-delà des moyens, il y a un enjeu d'articulation et de fluidité entre France Services et les services municipaux.

Oui, le statut apparaît aujourd'hui comme un élément d'emprisonnement, notamment pour les jeunes ; de même, dans le privé, certains refusent des CDI, leur préférant des CDD ou l'intérim, pour préserver leur liberté.

M. Antoine Lefèvre. - Dans ses travaux sur la formation dans la fonction publique territoriale, notre délégation s'est intéressée à l'Allemagne et à l'Autriche, où l'apprentissage est bien plus développé, y compris dans les métiers administratifs. En France, l'apprentissage est confiné aux centres techniques municipaux, or c'est une voie de découverte des métiers de la fonction publique territoriale pour les jeunes.

Pour retrouver de l'attractivité, il faut aussi une certaine fluidité dans le recours aux contractuels. Rapporteur spécial de la mission « Justice », j'ai eu l'occasion d'examiner les propositions du garde des sceaux pour faciliter leur recrutement dans la pénitentiaire. Vous avez parlé d'enfermement dans le statut, et il est vrai que les jeunes ne veulent pas être gardiens de prison toute leur vie. En revanche, ceux qui travaillent dans la sécurité peuvent être attirés par ce métier qui offre une plus grande diversité que celui de chef des vigiles dans un centre commercial, par exemple.

Concernant la meilleure prise en compte des parcours, je déplore, moi qui ai été maire, qu'un parcours antérieur dans le privé soit pénalisant pour la remise de la médaille d'honneur régionale, départementale ou communale. C'est symbolique, mais important.

Enfin, l'idée de créer un sous-préfet référent est peut-être bonne, mais attention à ne pas trop solliciter nos sous-préfectures.... Voyons d'abord l'effectivité.

Mme Françoise Gatel, présidente. - Nous avons des solutions à vous proposer !

Mme Sylvie Robert. - Je partage beaucoup de constats et réflexions. Vice-présidente de la commission de la culture, je suis frappée de la manière dont on parle de la fonction publique : il y a un problème d'image. La fonction publique, territoriale ou d'État, peut être innovante, or ce n'est pas ce que l'on entend.

À Rennes, nous avions mis en place une plateforme de mobilité interne dont l'attractivité auprès des agents m'a frappée. C'est une promesse d'évolution ou de changement.

J'ai aussi pris connaissance avec intérêt des propositions formulées il y a deux ans par des étudiants de Sciences Po Paris et AgroParisTech, entre autres, pour rendre la fonction publique plus inspirante. À Rennes, j'avais mis en place un Bureau des temps, il y a fort longtemps. La conciliation des temps - ceux des services publics, des agents, des citoyens - est un enjeu important pour faire entrer les jeunes dans la fonction publique, or je ne vois guère de collectivités qui y travaillent.

Il faut aussi prendre en compte l'engagement, le sentiment d'être utile, auxquels les jeunes sont très sensibles.

En tant que vice-présidente de la région Bretagne, j'avais travaillé en 2008 sur la création de la 27ème Région, qui vise à faire évoluer les organisations par l'innovation publique. Il faudrait s'inspirer de ce type de projets pour montrer que la fonction publique est innovante.

En revanche, je suis assez dubitative sur le numérique. En tant que membre du collège de la Cnil, je constate qu'il reste beaucoup à faire en termes de bon usage du numérique et de cyberattaques.

Mme Françoise Gatel, présidente. - Je rappelle à ce propos que notre délégation a travaillé avec la délégation aux entreprises sur la cybersécurité dans les organisations. Au sein des collectivités, des hôpitaux et d'autres établissements, cette fonction monte en puissance. Il y a là un gisement de nouveaux métiers.

M. Stanislas Guerini, ministre. - Il est indispensable de développer l'emploi des personnes en situation de handicap dans la fonction publique. Nous allons publier, au mois de juin, un décret refondu sur la titularisation des apprentis en situation de handicap, car la réglementation en vigueur est mal formulée et mal appliquée.

Mme Catherine Di Folco- Il s'agissait, je crois, d'une expérimentation.

M. Stanislas Guerini, ministre. - Le décret clarifiera les modalités et élargira l'application du dispositif.

Lorsque la volonté est partagée entre l'employeur et l'apprenti, après une durée d'apprentissage qui peut aller jusqu'à deux ans, il ne doit pas y avoir d'obstacle à la titularisation. Nous avons 30 000 apprentis dans la fonction publique, dont 12 000, bientôt, dans la territoriale. Les enjeux financiers sont connus, et j'ai maintenu l'engagement de mon ministère pour trois ans afin de donner de la visibilité. Il y a aussi des enjeux de cadre d'exercice. Nous avons sorti les apprentis du plafond d'emplois dans les ministères, et numérisé les contrats d'apprentissage - sur ce point, nous sommes en avance de phase sur le privé. C'est un des leviers possibles.

Concernant les contractuels, le travail sur la filière des métiers de la sécurité est un très bon exemple de ce qu'il faudrait faire, en matière d'accès à la fonction publique et de rémunération. Il faut raisonner par univers professionnel plutôt que par statut, pour développer des fluidités. Aujourd'hui, 25 % des surveillants pénitentiaires sont embauchés sans le bac. Le passage à la catégorie B est une revendication de longue date des organisations représentatives, mais en l'état ce serait une fausse bonne idée, car la catégorie B exige le bac. On risquerait ainsi de fermer les viviers. Il a donc été décidé, avec le garde des Sceaux, de permettre un recrutement au contrat en début de carrière, et d'élever par la suite le niveau des missions qui seront confiées à la filière pénitentiaire, notamment sur les enjeux de réinsertion et de réhabilitation ; ce qui justifiera, à terme, le passage à la catégorie B. C'est ainsi qu'il faut raisonner, et le garde des Sceaux a obtenu des arbitrages en ce sens, avec un retour favorable des organisations syndicales.

Monsieur Lefèvre, j'ignorais qu'un passage dans le privé interdisait de recevoir la médaille du travail : c'est symbolique, mais représentatif d'une philosophie selon laquelle quitter un temps la fonction publique serait condamnable.

M. Antoine Lefèvre. - C'est anti-fluidité !

M. Stanislas Guerini, ministre. - On peut très bien acquérir des compétences dans le privé à un moment donné, puis les mettre au service de la fonction publique.

Sur le recours aux cabinets de conseil, je suis pour la réinternalisation des compétences, mais les bonnes intentions sont parfois contreproductives. Les règles de déontologie imposées à ceux qui voudraient quitter le monde du conseil pour rejoindre la fonction publique sont telles qu'elles rendent impossible tout aller-retour entre le public et le privé. Cela vaut pour les fonctionnaires comme pour les ministres. Trop souvent, on présente un passage par le privé comme un abominable pantouflage. Attention à ces facilités populistes.

Mme Sylvie Robert. - Idem pour les élus !

M. Stanislas Guerini, ministre. - Madame Robert, je partage toutes vos remarques. La façon dont on présente la fonction publique est essentielle. Arrêtons avec le fonctionnaire-bashing ! Dans le débat public, on ne parle des fonctionnaires que pour appeler à en supprimer : cela ne fait pas du bien. Il faut être lucide sur les difficultés, réelles, mais aussi rappeler les initiatives formidables, car nous sommes souvent en avance de phase. Je connais les laboratoires d'initiative territoriale - j'ai échangé, à l'IRA de Nantes, avec la 27ème Région. Nous n'avons pas à rougir de notre capacité d'innovation ; l'enjeu est désormais de fédérer et de se donner les moyens pour passer à l'échelle. C'est l'objet du fonds pour la transformation de l'action publique, pour lequel j'ai obtenu 330 millions d'euros sur les trois prochaines années, afin de mieux financer les initiatives déconcentrées et partenariales entre l'État et les collectivités territoriales, avec un guichet dédié à ces initiatives territoriales.

Mme Sylvie Robert. - Je l'ignorais. Merci !

M. Stanislas Guerini, ministre. - Je ne reviens pas sur les plateformes territoriales.

Les défis à relever, les transformations en cours, voilà quel doit être l'axe de communication de la fonction publique. Nombre de fonctionnaires ont la nostalgie de la période du covid, de ce que nous avons su faire à cette période : nous avons su travailler différemment, piloter par objectifs clairs, en partant du terrain, fédérer les énergies, décloisonner, raccourcir l'échelle hiérarchique, réhabiliter le droit à l'erreur pour les agents, leur capacité à prendre des initiatives, à déroger aux règles... La Première ministre a rappelé aux préfets qu'ils avaient des capacités de dérogation, qui étaient sous-utilisées. On impose aux CHU de démontrer, tous les cinq ans, qu'ils pratiquent la chirurgie : c'est absurde. Évitons la paperasse administrative.

Aujourd'hui, les planètes sont alignées. Le Conseil d'État consacre son cycle d'études à toutes les dérogations autorisées pendant le Covid qui méritent d'être conservées. C'est une occasion exceptionnelle de simplification normative.

Quel que soit notre bord politique, sur ces sujets, nous parlons la même langue. Nous disons tous qu'il faut réinvestir, renforcer la puissance publique sur les territoires, que le laisser-faire n'est plus une option. L'ère du new public management, où l'on externalisait à tout va, est derrière nous, mais la fonction publique ne peut pas non plus agir seule dans son coin, sans imaginer de partenariats, y compris avec le privé.

La fonction publique doit être un levier pour les grandes transitions : c'est très engageant pour les jeunes générations. Nous avons lancé une formation approfondie, de trois jours, sur la transition écologique pour les cadres de la fonction publique d'État ; elle sera étendue aux deux autres versants. C'est un boulevard pour redonner du sens à l'action publique ! L'enjeu de la planification écologique dépasse tous les autres ; il peut irriguer toute notre action, y compris sur le sujet de la rémunération. Je souhaite mettre en place des plans d'intéressement dans la fonction publique pour récompenser la performance collective : la mobilisation pour la transition écologique pourrait être un critère. Nous pouvons devenir l'employeur le plus attractif du pays ! Les jeunes diplômés, de l'X ou de Sciences Po par exemple, réclament du sens, et les signaux faibles indiquent que le service public retrouve de la vigueur auprès d'eux. Les jeunes polytechniciens choisissent un peu moins la banque et le conseil, un peu plus le service public. Il n'y a jamais eu autant de candidats à l'Institut national du service public (INSP) que depuis la création de l'ENA.

Mme Françoise Gatel, présidente. - La Première ministre a raison de rappeler aux préfets qu'ils ont la faculté de déroger. C'est un sujet cher à la délégation, qui a commis un rapport sur les services déconcentrés - mais ceux-ci ne peuvent déroger qu'avec l'accord de l'administration centrale ! Cela interdit toute action rapide. Il faut lâcher un peu de lest.

Mme Christine Lavarde. - La question de l'avenir des corps techniques, que nous suivons depuis longtemps avec Mme Di Folco, n'est toujours pas tranchée depuis la création de l'INSP. Vous nous jugerez conservatrices, mais pour nous, il faut conserver les filières techniques existantes, qui alimenteront demain le Cerema. Construire des routes et des ponts, ce n'est pas la même chose qu'être magistrat !

Les métiers de la fonction publique indispensables au vivre ensemble sont plus mal payés que leur équivalent dans le privé : professionnel de la petite enfance versus assistantes maternelles à domicile, policiers municipaux versus agents de sécurité, etc. Je suis élue d'un département urbain dense, où l'immobilier coûte très cher. Impossible pour eux, avec leurs rémunérations, de se loger là où ils travaillent.

Mme Françoise Gatel, présidente. - Absolument !

Mme Christine Lavarde. - Dans ma commune, les personnels des crèches sont contraints d'habiter parfois à plus de 100 km ! Nous cherchons désespérément des solutions pour améliorer leur rémunération, mais nous nous heurtons à la jurisprudence de la chambre régionale des comptes. Résultat, des centaines de berceaux sont gelés, le foncier est vide, les familles ne trouvent pas de solution de garde, car les postes restent vacants !

M. le ministre Jean-Christophe Combe n'a pas d'idées, semble-t-il. Peut-être en avez-vous ?

Mme Françoise Gatel, présidente. - Au Sénat, nous n'en manquons pas !

Mme Nadine Bellurot. - Le binôme maire-secrétaire de mairie est crucial, notamment dans les communes rurales. En 2026 se tiendront les élections municipales. Or le mandat électif ne fait plus envie ; certains risquent de renoncer à se porter candidats s'ils n'ont pas la certitude d'avoir à leurs côtés un secrétaire de mairie pour les épauler. Il faut envoyer des signaux, susciter les vocations, pour inciter ceux qui sont prêts à se lever pour continuer à faire vivre notre République.

M. Stanislas Guerini, ministre. - En effet, et nous poursuivrons le débat sur les secrétaires de mairie.

Madame Lavarde, j'ai plein d'idées ! Certaines coûtent un peu d'argent... Sur les corps techniques, le travail mené ces derniers mois sera finalisé par la déléguée interministérielle à l'encadrement supérieur de l'État (Diese), Émilie Piette. Je n'ai pas d'obsession de la symétrie entre administrateurs de l'État et ingénieurs de l'État. Ces derniers ont des spécificités à assumer, à valoriser. L'Insee, les Ponts et Chaussées, les Mines, les ingénieurs de l'armement partagent des éléments communs ; il faut offrir des carrières diversifiées, plus interministérielles, moins en silo. Une compétence technique d'ingénieur sur la transition écologique peut être exercée un jour au ministère de l'agriculture, demain à Bercy, ou dans une Dreal. L'enjeu maîtrise d'ouvrage est plus important que l'enjeu stratégique. Nous manquons d'ingénieurs : il faut plus de rameurs, moins de barreurs !

Parcours, convergence statutaire, grille de rémunération à harmoniser par le haut : voilà ce qu'il faut embarquer, pour une gestion harmonisée des corps d'ingénieurs de l'État, en respectant leurs spécificités. Nous conserverons ce qui marche. Le pilotage des carrières existe, par exemple aux Mines, même s'il est parfois un peu corporatiste...

Mme Christine Lavarde. - Il y a des passerelles vers les Ponts !

M. Stanislas Guerini, ministre. - Quelle largesse !

Il faut renforcer notre attractivité, car les élèves qui sortent de l'X ne rejoignent pas tous la fonction publique, contrairement à ceux qui sortent de l'INSP. Je souhaite une gestion par pôles de compétence, autour des métiers de la data, de l'économétrie, de la transition écologique, qui pourrait être confiée à la Diese, pour favoriser la convergence, sans mélanger administrateurs et ingénieurs de l'État mais avec des parcours plus transversaux. Nous mènerons ce travail en 2023, pour lancer la réforme des corps techniques en 2024. Il y a un attendu sur l'aspect indiciaire. Pour les administrateurs de l'État, j'ai assumé une harmonisation par le haut, qui va de pair avec plus de rémunération variable.

Je vous rejoins sur les métiers qui peinent à recruter. En Seine-Saint-Denis, la question n'est pas de créer des emplois mais de les pourvoir, par exemple dans les services de protection maternelle infantile services de protection maternelle infantile (PMI). En attendant les transformations structurelles, nous avons besoin de démonstrateurs, pour avancer rapidement. C'est pourquoi je me réjouis du débat à venir sur les secrétaires de mairie. Nous travaillons également, avec Dominique Faure, sur le régime indemnitaire de la police municipale. Je songe aussi à la charte d'engagement pour les agents territoriaux spécialisés des écoles maternelles (Atsem). Il faut éviter la mauvaise différenciation et assumer la bonne différenciation. Les enjeux territoriaux sont centraux, à commencer par celui de la vie chère. La cartographie de l'indemnité de résidence ne colle plus forcément à la réalité. Une remise à plat se chiffrerait en milliards d'euros, mais il faut pouvoir appréhender ces sujets, notamment la question du logement.

Mme Françoise Gatel, présidente. - Absolument.

M. Stanislas Guerini, ministre. - Je souhaite avancer, dans trois directions. D'abord, le pilotage de l'offre, car on fonctionne, là encore, en silo. L'Armée a une politique du logement, l'Intérieur aussi, mais d'autres ministères n'en ont aucune. Dès juin, je lancerai avec Gabriel Attal et Olivier Klein le comité interministériel du logement des fonctionnaires pour mettre en place une offre plus désilotée, en embarquant les collectivités territoriales.

Deuxième axe, des baux spécifiques pour les fonctionnaires, dont l'accès au logement social ou intermédiaire se heurte à de nombreuses rigidités. Peut-être faudra-t-il faire évoluer la loi.

Troisième axe, augmenter l'offre de logement, notamment intermédiaire, réservé aux fonctionnaires. Des initiatives peuvent être prises. S'agissant du versant hospitalier, nous investissons, avec les ARS et l'APHP, 80 millions d'euros dans des programmes en contractualisant avec des opérateurs, y compris en libérant du foncier de l'État. Nous rencontrons les acteurs du logement pour voir l'offre à développer, avec une logique de logements réservés pour les soignants, les policiers ou les professionnels de la petite enfance. Limiter les déplacements est un enjeu à la fois de qualité de vie au travail, de pouvoir d'achat et d'écologie. Je ne reste pas les bras ballants !

Mme Christine Lavarde. - Merci pour cette réponse très complète, mais dans certaines zones, on se heurte à l'absence de foncier disponible. Le logement intermédiaire n'entre pas dans le quota SRU. Une commune qui se voit prélever 8 à 10 millions d'euros par an ne va pas construire du logement hors SRU !

Sur les rémunérations, il faut aller plus loin. Un exemple : les sapeurs-pompiers, qui sont des militaires, peuvent concentrer leurs astreintes sur trois jours, pendant lesquels ils dorment à la caserne, et passer le reste de la semaine chez eux, à 150 kilomètres de Paris. Les policiers municipaux exercent un métier très proche, mais ne peuvent se voir appliquer le même régime, puisqu'ils dépendent du code de la fonction publique. Il faut trouver des solutions alternatives quand on ne peut pas construire. À Boulogne, il n'y a pas de foncier !

Mme Françoise Gatel, présidente. - Les préfets disposent d'un quota du parc de logement social. Il faut en élargir l'accès aux fonctionnaires. Non pour leur accorder des avantages, mais pour que le service public puisse être rendu !

Mme Catherine Di Folco. - La suppression de la phase d'admissibilité pour certains concours de la fonction publique partait d'une bonne intention, mais pour le concours d'Atsem, ce fut une catastrophe. Le concours se résume désormais à un entretien de vingt minutes. Un candidat bien préparé, qui présente bien, aura 18/20 - mais il y a 300 candidats pour 50 postes. Pour être reçu, il faut 19 ou 19,5 ! Résultat, on a créé des cohortes de frustrés, recalés malgré un très bon entretien. La phase d'admissibilité permettait un écrémage.

M. Stanislas Guerini, ministre. - Ma réponse sera de méthode : il faut partir de la situation du terrain, des critères d'admissibilité actuels, du nombre de candidats, et travailler avec les employeurs territoriaux.

Mme Catherine Di Folco. - J'alerterai la conférence des employeurs territoriaux. Certains ont sans doute, comme moi, fait passer ces concours.

M. Stanislas Guerini, ministre. - Il faudra aussi associer les syndicats...

Mme Françoise Gatel, présidente. - Merci, monsieur le ministre, d'avoir répondu à notre invitation et pour cet échange franc et qualitatif sur des questions complexes. Il n'y a pas de solution miracle, et l'enfer est parfois pavé de bonnes intentions. Il faut être imaginatif pour apporter des réponses. Merci pour votre engagement, qui transparait dans vos propos. Vous êtes au coeur de l'efficacité de l'action publique, qui est le levier du rétablissement de la confiance et de la cohésion sociale. Merci.

M. Stanislas Guerini, ministre. - Merci à vous.

Mme Françoise Gatel, présidente. - Vous ferez l'objet d'une filature de notre part !

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

AUDITIONS EN SÉANCE PLÉNIÈRE

Jeudi 6 avril 2023

Audition n° 1 - Table ronde relative à la « marque employeur : un nouveau territoire à conquérir pour nos collectivités ? » avec :

- Mme Marie-Laure Blot, chef de projets marque employeur au sein du cabinet « We Feel Good » ;

- M. Yves Charmont, délégué général de la fédération professionnelle de la communication publique et territoriale Cap'Com ;

- Mme Chantal Pétard-Voisin, maire de Le Rheu et présidente du centre de gestion d'Ille-et-Vilaine (CDG 35) ;

- M. Vincent Le Meaux, maire de Plouëc-du-Trieux, président de Guingamp-Paimpol Agglomération, président du centre de gestion des Côtes-d'Armor (CDG 22) et premier vice-président de la Fédération Nationale des Centres de Gestion ;

- Mme Delphine Morin, chargée de mission pour la marque employeur des centres de gestion bretons.

Jeudi 25 mai 2023

Audition n° 2 - Attractivité de la fonction publique territoriale avec :

- M. Stanisxlas Guerini, ministre de la Transformation et de la Fonction publiques.

AUDITIONS DES RAPPORTEURS

Mardi 20 juin 2023

Audition n° 3 - Association « La Cordée » avec :

- M. Damien ZAVERSNIK, co-président de l'association « La Cordée » et administrateur territorial ;

- Mme Rebecca DEPREZ, co-présidente de l'association « La Cordée » et directrice générale adjointe de la ville de Massy.

Mardi 27 juin 2023

Audition n° 4 - Conseil Supérieur de la fonction publique territoriale avec :

- M. Philippe LAURENT, président du Conseil supérieur de la FPT et maire de Sceaux.

Mardi 11 juillet 2023

Audition n° 5 du cabinet JOBPUBLIC avec :

- M. Laurent CLEMENTZ, cofondateur de JOBPUBLIC.fr.

Audition n° 6 du cabinet ConvictionsRH avec :

- M. Loïc JOUENNE, associé fondateur de ConvictionsRH en charge de la spécialisation « transformation & rh » ;

- M. Frédéric MOREAU, associé en charge de l'activité Secteur Public Local.


* 1 Rapport sur l'« État de la fonction publique - édition 2022 » par la DGAFP.

* 2 Étude sur l'« Attractivité de la fonction publique » publiée le 3 décembre 2020 par la direction générale de l'administration de la fonction publique (DGAFP).

* 3Audition de Mme Marie-Laure BLOT par la délégation aux collectivités territoriales le 6 avril 2023, lors de la réunion plénière portant sur la « Marque employeur : quelle stratégie territoriale pour les collectivités territoriales ? ».

* 4 Rapport sur « L'attractivité de la fonction publique territoriale », publiée en janvier 2022 par le Conseil supérieur de la fonction publique territoriale (CSFPT) et l'Inspection générale de l'administration (IGA).

* 5 Sénat, rapport d'information n° 676 (2022-2023), déposé le 1er juin 2023.

* 6 Étude sur l'« Évolution des effectifs des trois fonctions publiques en 2021 » publiée le 16 juin 2023 par la direction générale de l'administration de la fonction publique (DGAFP).

* 7 Audition par la délégation aux collectivités territoriales le 6 avril 2023, lors de la réunion plénière portant sur la « Marque employeur : quelle stratégie territoriale pour les collectivités territoriales ? ».

* 8 Étude sur l'« Évolution des effectifs des trois fonctions publiques en 2021 » mentionnée supra.

* 9 Étude sur l'« Attractivité de la fonction publique » publiée le 3 décembre 2020 par la direction générale de l'administration de la fonction publique (DGAFP).

* 10 Cf. par exemple l'étude « Future of work : quelles attentes de la Gen Z pour l'entreprise de demain ? » (Cabinet Mazars, 2019).

* 11 Par la retraite, par exemple.

* 12 Rapport sur l'« État de la fonction publique - édition 2022 » par la DGAFP.

* 13 Étude sur « Moins de recrutés que de postes offerts dans la fonction publique de l'État en 2021 » (mars 2023) menée par la DGAFP.

* 14 Rapport sur « L'attractivité de la fonction publique territoriale », publiée en janvier 2022 par le Conseil supérieur de la fonction publique territoriale (CSFPT) et l'Inspection générale de l'administration (IGA).

* 15 Le mode de recrutement au sein de la fonction publique territoriale, fondé sur une double sélection par le concours puis par le processus de recrutement, est un facteur repoussoir. Cette absence de garantie d'emploi suite à la réussite au concours limite l'intérêt de l'investissement dans la préparation d'un concours, en particulier pour les personnes dont le niveau de ressources est faible. Faute de trouver un poste dans le délai statutaire, les candidats lauréats perdent le bénéfice du concours. Il s'agit là d'une véritable double peine, les personnes de milieu modeste hésitant déjà à préparer un concours en raison du risque inhérent de ne pas l'obtenir et, par ricochet, de perdre une année pour rien.

* 16 Parmi les collaborateurs des entreprises et des collectivités territoriales, 71 % placent le salaire comme critère numéro un pour faire la différence entre deux offres d'emploi. Ce chiffre est issu d'une enquête menée par le cabinet Robert Half en novembre 2022. L'attachement à l'environnement de travail, aux valeurs, à la responsabilité sociale environnementale (RSE) est certes réel, mais le salaire demeure essentiel pour une grande majorité de candidats.

* 17 Le 6 avril 2023, lors de la réunion plénière portant sur la « Marque employeur : quelle stratégie territoriale pour les collectivités territoriales ? ».

* 18 Les comparaisons au niveau des rémunérations restent toutefois peu aisées. En effet, les structures d'emploi sont différentes entre les collectivités elles-mêmes, mais aussi entre les versants de la fonction publique et entre le secteur public et le secteur privé.

* 19 La fonction publique territoriale se caractérise par une forte concurrence pour le recrutement sur les métiers en tension (police municipale, travailleurs sociaux, cadres...) entre les collectivités du même bassin de vie qui peuvent adopter des régimes indemnitaires très différents.

* 20 Cf. rapport précité sur « L'attractivité de la fonction publique territoriale ».

* 21 Cf. rapport précité sur « L'attractivité de la fonction publique territoriale ».

* 22 Il s'agit du « 12ème baromètre RH des collectivités locales », publié en septembre 2021 et réalisé par Randstad en partenariat avec La Gazette des communes, Villes de France, l'Assemblée des communautés de France (AdCF), l'Association nationale des DRH des territoires (ANDRHDT) et l'Association des directeurs généraux des communautés de France (ADGCF).

* 23 Pour beaucoup des étudiants ou demandeurs d'emplois accompagnés par l'association « La Cordée », auditionnée par vos rapporteurs, entrer dans la territoriale relève d'un processus de sélection difficile à comprendre.

* 24 Cf. rapport précité sur « L'attractivité de la fonction publique territoriale ».

* 25 Enquête menée par le « Behavioural insights team » (BIT) pour le compte de la DITP.

* 26 En 2021, création d'une voie « talents » pour le concours d'administrateur territorial et association du CNFPT aux prépas talents portées par l'Institut national du service public (INSP) à Strasbourg et Nantes.

* 27 Cf. rapport précité sur « L'attractivité de la fonction publique territoriale ».

* 28 Ambler T. et Barrow S., « The employer brand », The Journal of Brand Management, vol. 4, n° 3, 1996, p. 185-206.

* 29 https://www.cap-com.org/la-marque-employeur-au-sein-des-collectivites-territoriales

* 30 https://jobpublic.fr/about

* 31 Think-tank composé de hauts-fonctionnaires et d'universitaires.

* 32 https://acteurspublics.fr/articles/marque-employeur-une-fausse-bonne-idee

* 33 https://la-cordee.org/contribution-de-la-cordee-sur-lattractivite-de-la-fonction-publique-territoriale/

* 34 https://media.profilpublic.fr/blog/livre-blanc-marque-employeur-service-public

* 35 https://den.bzh/

* 36 Interview complète de la directrice des ressources humaines du département des Yvelines par le cabinet Cap'Com : https://www.cap-com.org/actualit%C3%A9s/marque-employeur-lexemple-du-departement-des-yvelines

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