Question de M. KANNER Patrick (Nord - SER) publiée le 16/05/2024

Question posée en séance publique le 15/05/2024

M. le président. La parole est à M. Patrick Kanner, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. Patrick Kanner. Monsieur le Premier ministre, il est minuit à Nouméa et, à 17 000 kilomètres de Paris, la République vacille.

La Nouvelle-Calédonie s'embrase et renoue avec une histoire douloureuse de tensions et de violences, que je condamne. Trois personnes ont été tuées lors de la dernière nuit d'affrontements. C'est dramatique. Mes pensées vont aux familles endeuillées. Je veux aussi apporter tout mon soutien aux sapeurs-pompiers et aux membres des forces de l'ordre déployés sur le terrain, qui ont à déplorer plus d'une centaine de blessés, parmi lesquels un gendarme se trouve entre la vie et la mort.

L'ordre républicain doit être rétabli en Nouvelle-Calédonie, dans les rues autant que dans les esprits.

Pour cela, il faut naturellement une réponse sécuritaire, mais il faut aussi construire de justes équilibres pour parvenir à une désescalade de la crise. Le temps long est la condition d'un débat serein, sur l'archipel plus que nulle part ailleurs. Nous vous avons alerté en vain à maintes reprises. Le 7 mai encore, mon collègue député Boris Vallaud et moi-même avons soumis nos propositions au Président de la République.

Pour sortir de cette crise, il faut renouer avec la lucidité, l'humilité et l'impartialité qui prévalaient depuis 1988. Il faut créer immédiatement une mission de dialogue entre tous les partenaires calédoniens et l'État. Il faut annoncer que le Congrès ne sera pas convoqué. Il faut aboutir, sans ultimatum dans le temps, à un accord global tripartite dont vous devez être le garant, monsieur le Premier ministre.

Vos appels au calme ont été totalement improductifs, car ce dossier ne devait pas quitter le bureau historique du Premier ministre.

En conséquence, allez-vous interrompre le processus constitutionnel ? Allez-vous enfin vous engager personnellement ? Allez-vous vous rendre en Nouvelle-Calédonie ? (Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST.)

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Réponse du Premier ministre publiée le 16/05/2024

Réponse apportée en séance publique le 15/05/2024

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Gabriel Attal, Premier ministre. Monsieur le sénateur Patrick Kanner, je salue la tonalité de votre question : il y a d'abord une volonté commune, celle du retour à l'ordre, au calme et à la sérénité. C'est la priorité absolue. Aucune violence n'est jamais justifiable ou tolérable, aucune violence n'est acceptable.

J'ai de nouveau une pensée pour les victimes des violences qui se sont produites ces dernières heures et renouvelle tout mon soutien à nos forces de sécurité. Nos forces de l'ordre seront renforcées dans les prochaines heures ; des renforts ont en effet été envoyés par le ministre de l'intérieur et des outre-mer afin de continuer à protéger les Calédoniens victimes de ces violences.

Pour le reste, monsieur le sénateur, je vous redirai ce que j'ai répondu à François Patriat : un processus démocratique a conduit les Calédoniens à se prononcer par trois fois (Murmures sur les travées du groupe GEST.) ; ensuite, un projet de loi constitutionnelle a été soumis démocratiquement au Parlement et adopté dans les mêmes termes par le Sénat et par l'Assemblée nationale.

M. Yannick Jadot. Et alors ?

M. Gabriel Attal, Premier ministre. L'aboutissement de cette procédure institutionnelle et démocratique, c'est la convocation du Parlement en Congrès. Si nous n'étions pas ouverts au dialogue, si nous ne recherchions pas un accord politique global, nous aurions annoncé la convocation du Parlement en Congrès immédiatement après l'adoption de ce texte dans les mêmes termes par l'Assemblée nationale. (Exclamations sur les travées des groupes SER et CRCE-K.)

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. C'est bien ce qui se passe !

M. Gabriel Attal, Premier ministre. Pourtant, le Président de la République a proposé que nous puissions nous mettre autour de la table avec l'ensemble des responsables calédoniens avant que le Parlement ne soit réuni en Congrès, précisément pour laisser du temps au dialogue et continuer à se parler.

M. Yannick Jadot. Donnez du temps !

M. Gabriel Attal, Premier ministre. Je proposerai dans les toutes prochaines heures une date aux forces politiques calédoniennes pour que nous puissions nous rencontrer et avancer ensemble, au service des Calédoniens, au service de la République. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. le président. La parole est à M. Patrick Kanner, pour la réplique.

M. Patrick Kanner. Monsieur le Premier ministre, nous le savons, cette crise se produit sur fond de crise économique, de crise sociale, de crise institutionnelle, d'influences étrangères.

Vous avez délibérément décidé de tourner le dos à une méthode éprouvée depuis 1988 par Michel Rocard, puis par Lionel Jospin. C'est la première fois depuis cette date qu'un gouvernement décide unilatéralement d'engager un processus constitutionnel avant d'avoir trouvé un accord à l'échelon local.

M. Rachid Temal. Oui !

M. Patrick Kanner. C'est la première fois !

Monsieur le Premier ministre, votre rôle, c'est de prévenir les crises, non d'éteindre les incendies. (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST.)

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