EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Historiquement communale, la gestion de la ressource en eau conditionne la vitalité et l'attractivité d'un territoire notamment dans les départements ruraux. Dans un rapport sénatorial intitulé « Eau : urgence déclarée », le triptyque « consommer moins, gérer mieux et produire plus » résume la nécessité d'administrer au plus près du terrain pour faire face aux multiples conséquences de la raréfaction de l'eau.

Chaque territoire doit pouvoir adapter sa gouvernance aux besoins locaux. Le caractère obligatoire du transfert des compétences « eau » et « assainissement » des communes aux communautés de communes, au plus tard le 1er janvier 2026, va à l'encontre de ce principe et plus globalement à l'encontre des dynamiques de différenciation et de territorialisation de l'action publique.

Si cette disposition, adoptée en 2015 lors de l'examen de la loi NOTRe, n'a pas été jugée anticonstitutionnelle, elle s'inscrit dans un mouvement plus large de détricotage du pouvoir d'agir des communes. La disparition des compétences « eau » et « assainissement » à l'échelle communale participe à un affaiblissement du lien entre le maire et les citoyens. Par ailleurs, les communes chefs-lieux apparaissent souvent comme les premières bénéficiaires au détriment des communes les plus rurales. À noter également que de tels transferts ont pu être source de complications en termes de gouvernance locale puisque les périmètres intercommunaux ne correspondent pas toujours aux bassins hydrographiques. Enfin, le transfert obligatoire des compétences communales est synonyme de baisse de recettes budgétaires pour les collectivités territoriales concernées.

Face à ce constat, une décomplexification est indispensable afin de rendre effective une différenciation territoriale. Laisser le choix aux communes de conserver leurs compétences ou de les transférer à l'échelon intercommunal doit demeurer une liberté locale. Selon leur choix, les communes et les établissements publics de coopération intercommunale doivent, en tous cas, être accompagnés dans le financement de la rénovation de leurs réseaux afin de garantir la qualité de l'eau servie aux usagers.

Le Président de la République a annoncé le 30 mars 2023 à l'occasion de la présentation du Plan eau sur les rives du lac de Serre-Ponçon, dans les Hautes-Alpes, la mise en place « d'un modèle pluriel différencié qui repose sur l'intelligence des élus de terrain et de la diversité du territoire ». À la suite de plusieurs actions parlementaires transpartisanes, le ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires a exprimé, devant le Sénat, l'engagement du Gouvernement à favoriser un « assouplissement de l'obligation d'intercommunalisation fixée par la loi NOTRe ». Comme l'a indiqué le ministre le 10 avril dernier, « il s'agit de permettre une gestion de l'eau à l'échelle infracommunautaire » tout en tenant compte « des particularités des zones de montagne et sous-denses ».

Sur la base des engagements répétés du Président de la République et des ministres et avec l'appui de l'immense majorité des associations représentatives d'élus du bloc communal, la présente proposition de loi, soutenue par des sénateurs de toutes sensibilités, a pour objet d'assouplir le dispositif législatif en vigueur.

L'article 1er ouvre la faculté aux communes classées en zone de montagne de revenir sur les transferts déjà opérés en se fondant sur le dispositif adopté le 16 mars 2023 à l'occasion de l'examen de la proposition de loi visant à permettre une gestion différenciée des compétences « eau » et « assainissement ». Cette faculté peut s'exercer à tout moment et pour tout ou partie des compétences. La restitution des compétences « eau » et « assainissement » pourra être obtenue si une majorité des conseils municipaux la demande. Afin d'éviter qu'une minorité de communes ne se retrouve dans l'impossibilité d'exercer à nouveau les compétences eau et assainissement en cas de majorité défavorable à une restitution de compétences, le dispositif prévoit que dès lors qu'il existe un accord sur cette demande entre la communauté de communes ou la communauté d'agglomération d'une part, et une ou plusieurs communes d'autre part, la restitution peut avoir lieu. Le transfert intervient après délibérations concordantes de l'EPCI et des conseils municipaux des communes membres concernées.

L'article 2 vise à assouplir les modalités de délégation, par les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre, des compétences « eau » et « assainissement » vers des syndicats supracommunaux. Le présent article ouvre la possibilité pour les communautés de communes de déléguer les compétences « eau » et « assainissement » à des syndicats supracommunaux existants au 1er janvier 2026. Lorsque les compétences « eau » et « assainissement » sont transférées à la communauté de communes avant le 1er janvier 2026, les syndicats existants seront maintenus jusqu'à neuf mois suivant la prise de compétence. Au cours de ces neuf mois, l'intercommunalité peut se prononcer sur le principe de la délégation, permettant ainsi le maintien des syndicats pour un an supplémentaire. Lorsque les compétences « eau » et « assainissement » sont transférées au 1er janvier 2026, les syndicats existants seront maintenus par la voie de la délégation, sauf délibération contraire de la communauté de communes.

L'article 3 propose de permettre un transfert direct - sans subdélégation - des compétences « eau » et « assainissement » des communes vers des syndicats supracommunaux. Les communes n'ayant pas procédé au transfert de tout ou partie des compétences « eau » et « assainissement » à la communauté de communes peuvent, après délibération des conseils municipaux des communes membres concernées, les transférer, avant le 1er janvier 2026, directement à un syndicat supracommunal existant.

L'article 4 permet aux départements de recevoir, de la part de l'établissement public de coopération intercommunale ou du syndicat mixte compétent, un mandat de maîtrise d'ouvrage pour tout projet destiné à la production, au transport ou au stockage d'eau destinée à la consommation humaine ou en vue de l'approvisionnement en eau brute. Il permet aussi à un ou plusieurs départements limitrophes de constituer avec des groupements de communes compétents dans ce domaine un syndicat mixte compétent en matière de production, de transport et de stockage d'eau destinée à la consommation humaine.

Tel est l'objet de la présente proposition de loi.

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